Haut fonctionnaire de carrière et professeur à l'École nationale d'administration publique, Pierre Cliche fait preuve d'une impressionnante expertise dans le domaine des finances publiques du Québec. Avec Le budget du Québec, il nous propose un ouvrage d'introduction aux processus budgétaires en général et au budget québécois en particulier.
Le budget québécois est un sujet ardu, et Cliche choisit de nous y amener graduellement. La première partie traite de généralités en politiques publiques. On y apprend la différence entre un plan (horizon de 5 à 10 ans), un programme (2–3 ans) et un budget (annuel), une typologie qui revient tout au long de l'ouvrage (p. 11). Surplombant le processus budgétaire, nous retrouvons le contexte économique, résumé en distinction libéralisme/keynésianisme, et les fonctions essentielles de l'État (chap. 2). Par la suite, nous avons droit au chapitre 3 à un ensemble de statistiques sur l'économie, les finances publiques et la démographie québécoises. Les chapitres 4 et 5 mettent en place les cadres juridique et comptable du processus budgétaire, soit respectivement les lois et les normes techniques en vigueur au Québec.
Le cœur de l'ouvrage se retrouve dans les chapitres 6 à 9. Probablement la partie la plus intéressante est la description des modes de budgétisation au chapitre 6. Nous y retrouvons l'évolution dans le temps du budget dit « traditionnel » vers le PPBS, le « budget axé sur les résultats » et le « budget base zéro », avec leurs avantages et leurs inconvénients. Bien que les explications soient un peu courtes, l'auteur évalue les différents modes avec nuance et nous fait bien comprendre qu'il n'existe pas de recette idéale. Les trois chapitres suivants, sur la préparation, le contrôle et les types de budgets (fonctionnement, investissement, trésorerie), s'avèrent très descriptifs et assez techniques. Cette section s'adresse plutôt au spécialiste des politiques publiques, non pas parce que le propos est obscur, mais bien parce que le sujet devient trop pointu.
Les chapitres 10 et 11 intègrent l'aspect politique. Le premier s'intéresse à l'atteinte de l'équilibre budgétaire. La discussion sur l'influence des techniques du secteur privé est particulièrement intéressante. Le second porte sur l'articulation des politiques : politiques monétaires/budgétaires, objectifs de relance ou d'austérité. L'ouvrage se termine avec trois chapitres tous directement repris de documents de travail de l'auteur à l'ÉNAP et portant sur des sujets précis du budget québécois, soit la comparaison Québec-Canada, la qualité des prévisions budgétaires et la gestion axée sur les résultats. Ces chapitres se veulent avant tout descriptifs et quantitatifs. Le problème ici est que ces documents datent de quelques années; l'auteur aurait pu au moins mettre à jour les nombreuses statistiques présentées. Une conclusion ferme le tout, avec de brèves propositions de Cliche sur la marche à suivre pour assurer l'équilibre du budget du Québec dans l'avenir.
Il est un peu difficile de juger à qui cet ouvrage s'adresse. La première partie constitue une bonne introduction aux grands problèmes des politiques publiques. Le propos vise les néophytes, car le chercheur en science politique trouvera les concepts exposés trop simplistes. Le reste de l'ouvrage toutefois se complique et risque de perdre rapidement le non spécialiste. Globalement, le plus grand reproche que l'on peut faire à l'ouvrage est son côté très descriptif et typologique. On se serait attendu d'un tel ouvrage qu'il porte plus sur les aspects politiques concrets du budget du Québec, par exemple l'impact des réformes en santé, le Fonds des générations, les ressources naturelles ou le régime de garderies publiques. On retrouve des chiffres parmi les descriptions, mais sans vraiment plus. Le politique proprement dit est à peu près complètement évacué. Si on suit la logique du livre, les décisions budgétaires sont rationnellement adoptées selon des critères comptables rigoureux. Cliche remarque en page 45 que les « promesses électorales » peuvent influencer le processus budgétaire, mais c'est à peu près tout. Or, nous savons tous très bien qu'une décision de couper ou non en santé ou en éducation relève bien plus du programme du parti au pouvoir et des opportunités électorales que de la réflexion administrative neutre.
L'ouvrage est parsemé de schémas et de tableaux, peut-être même un peu trop. Plusieurs schémas s'avèrent triviaux, exposant avec boîtes et flèches ce qui était déjà clair dans le texte. Les explications ont tendance à être courtes et nous laissent sur notre faim. Pour des sujets plus complexes, comme les modes de budgétisation par exemple, il aurait fallu étayer le propos par des exemples concrets. Avec toute l'expérience que Pierre Cliche possède dans les hautes sphères de la fonction publique québécoise, on aurait grandement apprécié ses explications et ses commentaires sur les décisions budgétaires des dernières décennies au Québec.