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Marsac Fabrice et Pellat Jean-Christophe (dir.), Le participe retrouvé : Grand corpus étiqueté sur le participe passé. Paris : L’Harmattan, 2018, 340 pp. 978 2 343 15182 3 (broché), 978 2 140 09474 3 (PDF)

Published online by Cambridge University Press:  14 April 2019

Damien Gaucher*
Affiliation:
Department of Modern Languages University of Exeter Devon, EX44QH United KingdomD.Gaucher@exeter.ac.uk
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Abstract

Type
Book Review
Copyright
© Cambridge University Press 2019

« Longtemps, je me suis couché de bonne heure. » Pour de nombreux linguistes et traducteurs, l’œuvre de Marcel Proust possède d’indéniables affinités avec le participe passé, à l’image de l’incipit du premier tome (Du côté de chez Swann) d’À la recherche du temps perdu. Ces affinités prennent forme dans l’ouvrage publié par Fabrice Marsac et Jean-Christophe Pellat, qui se sont déjà intéressés à la question de l’accord du participe passé dans des contextes divers et variés (Marsac & Pellat Reference Marsac and Pellat2013, Marsac Reference Marsac2016). Les deux auteurs s’arrêtent cette fois-ci à l’étude d’un ouvrage en particulier. Le participe retrouvé se présente sous forme d’un grand corpus dans lequel tous les participes passés (plus de quatre mille) sont étiquetés. C’est Albertine disparue, le sixième tome d’À la Recherche du temps perdu, qui constitue la base textuelle de ce « corpus tagué », offrant aux linguistes et enseignants une base de données littéraire, linguistique et historique sur la nature complexe du participe passé et de son accord.

L’étude de Marsac et Pellat se divise en deux grandes parties : la première (48 pages) expose les détails d’analyse du corpus étiqueté, la seconde (267 pages) représente le corpus proprement dit.

Dans la première partie, l’analyse se découpe elle-même en différentes sections. Après un court préambule sur les objectifs de l’ouvrage, les auteurs décrivent le système d’annotation auquel ils font appel. Il s’agit d’un système en trois points : un index permettant d’identifier chaque occurrence de participe passé ; un code alphabétique qui détaille les caractéristiques syntaxiques de ce participe ; enfin, un code numérique (et, le cas échéant, typographique, pour souligner l’objet direct antéposé) qui permet d’indiquer la relation d’accord du participe en question. Ainsi, si l’on prend l’extrait suivant : « Tout d’un coup c’était un souvenir que je n’avais pas revu [1223 V-TempA-2] depuis bien longtemps », on peut comprendre ceci : le participe revu est la 1223e occurrence de participe du corpus ; il est employé dans une valeur Verbale (V), Temporelle (Temp), et auxilié par avoir (A) ; l’accord de ce participe se réalise avec l’objet direct (d’où le chiffre 2 final du code) qui lui est antéposé et relayé par que (accord singulier masculin).

L’analyse syntaxique du Participe retrouvé repose sur une typologie établie par Marsac (Reference Marsac2016), mais sans reprendre l’ensemble des justifications et raisonnements à l’origine de cette typologie. En revanche, chaque configuration syntaxique est illustrée d’exemples -- la plupart tirés d’Albertine disparue. Notons que là où certaines de ces dernières ne trouvent aucune correspondance dans le corpus, les auteurs ont cependant tenu à fournir une illustration, souvent par des exemples plus récents, tirés de forums sur Internet. La présence d’exemples permet de bien rendre compte des nombreux cas de figure dans lesquels un participe peut survenir, mais peut-être aurait-il été plus cohérent de maintenir un contexte à teneur littéraire pour la recherche de ces exemples, les contraintes d’édition qui sous-tendent la production littéraire étant très différentes de celles régissant l’écriture d’un message sur un forum. Les auteurs complètent la première partie de cet ouvrage par un ensemble de remarques stylistiques sur l’emploi des participes dans Albertine disparue, illustrant ainsi les théories de Milly (Reference Milly1983) sur la dynamique de la phrase chez Proust, à travers de nombreux exemples tirés du corpus. Certes, là ne réside pas l’objectif principal de l’ouvrage, mais cette section offre un bel aperçu de l’intérêt que peut avoir la diffusion d’un corpus annoté et étiqueté pour l’analyse de théories linguistiques en littérature.

Le corpus lui-même correspond à l’intégralité du texte d’Albertine disparue. Étant donné la présence régulière d’étiquettes sur les participes passés, il n’est cependant pas à appréhender comme un texte à lire, mais plutôt comme un texte de référence, à l’instar d’un dictionnaire -- et, de la même façon que l’on louerait des lexicographes pour l’étendue et la minutie de leur ouvrage, il nous faut complimenter les auteurs du Participe retrouvé pour leur travail d’orfèvre.

Pourtant, un élément semble manquer : un outil qui permette une recherche indexée. Ainsi, un lecteur qui souhaiterait retrouver l’ensemble des occurrences de passé composé de type « V-Sub-TempA » (c’est-à-dire « fonctionnant comme noyau verbal de proposition participiale », 28) serait-il contraint de reprendre l’ensemble du texte pour identifier ceux-ci. Un index associant les occurrences aux catégories serait donc un atout considérable pour cet ouvrage, de même que le serait une version numérique disponible à la communauté d’enseignants et de chercheurs.

En somme, Le participe retrouvé est un corpus à l’attention des linguistes, enseignants et chercheurs qui souhaitent compléter leur connaissance sur les configurations syntaxiques du participe passé, et les conditions de réalisation de son accord, à l’aide d’exemples empruntés à l’une des œuvres majeures de la littérature française.

References

RÉFÉRENCES

Marsac, F. (2016). Histoires d’S ou le participe passé au rasoir d’Ockham. Paris : L’Harmattan.Google Scholar
Marsac, F. et Pellat, J-C. (2013). Le participe passé entre accords et désaccords. Strasbourg : Presses Universitaires de Strasbourg.Google Scholar
Milly, J. (1983). La phrase de Proust, des phrases de Bergotte aux phrases de Vinteuil. Paris : Champion.Google Scholar