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Les dix ans de l’Institut du vieillissement des IRSC : Tirer parti des points forts, combler les lacunes, façonner l’avenir*

Published online by Cambridge University Press:  27 June 2011

Anne Martin-Matthews*
Affiliation:
L’Institut du vieillissement des IRSC et l’Université de la Colombie-Britannique
*
La correspondance et les demandes de tirés à part doivent être adressées à: Anne Martin-Matthews, Ph.D. Institut du vieillissement des IRSC et Département de sociologie de l’Université de la Colombie-Britannique 6303 NW Marine Drive Vancouver (C.-B.) V6T 1Z1 (amm@exchange.ubc.ca)
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Abstract

Type
Canadian Institutes of Health Research–Institute of Aging: Profile/Instituts de recherche en santé du Canada – Institut de vieillissement : Profil
Copyright
Copyright © Canadian Association on Gerontology 2011

Déjà dix ans depuis la création de l’Institut du vieillissement (IV), l’un des 13 instituts nationaux des Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC), principal organisme de financement de la recherche en santé au pays. Avec la mission de faire progresser les connaissances sur le vieillissement afin d’améliorer la qualité de vie et la santé des Canadiens âgés, l’IV a transformé le paysage de la recherche sur le vieillissement au Canada en l’espace d’une décennie. En cet anniversaire, il convient de réexaminer la vision qui a mené à la création de l’Institut national du vieillissement et d’étudier non seulement les réalisations accomplies, mais aussi les défis à relever et les possibilités qui s’offrent pour renforcer et promouvoir la recherche sur le vieillissement au Canada.

Il y a plus d’une décennie, on a très bien compris qu’il était nécessaire de faire preuve d’un leadership stratégique et d’établir un centre d’unification des divers milieux de recherche sur le vieillissement. Au cours des années, le petit nombre de chercheurs dans le domaine du vieillissement ont travaillé surtout en vase clos dans des disciplines compartimentées, souvent sans avoir une idée des travaux connexes qui se faisaient sur leur propre campus et encore moins de ceux accomplis dans l’ensemble du pays. En 2000, un groupe de chercheurs canadiens dans le domaine du vieillissement a présenté au conseil d’administration provisoire des IRSCFootnote 1 des arguments en faveur de la création d’un institut national sur le vieillissement (Chappell et autres, Reference Chappell, Joanette, McDonald, Neysmith, Rockwood and Stones2000).

Cet institut a été proposé comme un mécanisme visant à appuyer, faciliter, lier et concentrer la recherche sur la santé et les soins de santé relativement à la qualité de vie des Canadiens vieillissants. Le vieillissement en santé des aînés serait une priorité de recherche, et les maladies frappant bon nombre d’entre eux seraient étudiées dans le contexte de la qualité de vie. En examinant ce document, il est clair que l’Institut du vieillissement des IRSC a vraiment compris la vision qui a été établie pour lui il y a plus d’une décennie.

Tirer parti des points forts

Au cours de dix années, deux plans stratégiques, C’est l’heure de la recherche sur le vieillissement (2002‑2007) et Cap sur le vieillissement (2007‑2012) ont guidé l’élaboration d’initiatives stratégiques et l’établissement de priorités pour l’IV. La création de deux comités d’examen par les pairs consacrés au vieillissement, soit « Aspects biologiques et cliniques du vieillissement » et « Dimensions sociales du vieillissement » a été un élément catalyseur de la priorité accordée à la recherche sur le vieillissement dans toute la gamme de la recherche, de la recherche biomédicale à la recherche sur la santé de la population, en passant par la recherche clinique et la recherche sur les services de santé.

Par ailleurs, le pourcentage des dépenses totales des IRSC consacrées à la recherche sur le vieillissement a augmenté – passant de 6 % du budget de 370 millions de dollars des IRSC en 2000‑2001 à 14 % du budget de 984 millions de dollars en 2009‑2010. Ainsi, plus de 122 millions de dollars ont été accordés à la recherche sur le vieillissement par les IRSC en 2010. Le nombre de chercheurs travaillant dans le domaine du vieillissement a augmenté, et cela se traduit par leur présence accrue dans les divers domaines de recherche, de la recherche biomédicale à la recherche sur la santé de la population, en passant par la recherche clinique et la recherche sur les services de santé.

Au cours de cette période, l’Institut s’est également attaqué, après les avoir cernés, à trois besoins uniques en matière de recherche sur le vieillissement : a) plateforme de données longitudinales nationale, b) développement des capacités de recherche et c) progrès scientifiques dans deux secteurs clés, soit les troubles cognitifs et le vieillissement et la mobilité et le vieillissement. À la suite de vastes consultations menées auprès des communautés pertinentes de chercheurs et d’intervenants dans l’ensemble du pays, ces deux secteurs ont été jugés des priorités de recherche stratégique pour l’IV.

L’Étude longitudinale canadienne sur le vieillissement (ELCV) lancée en 2009, qui suivra 50 000 participants sur une période de 20 ans, fait entrevoir des possibilités formidables de transformer la recherche sur le vieillissement au Canada (http://www.clsa-elcv.ca/). L’historique de l’évolution de l’ELCV et les conclusions importantes tirées des études réalisées à ses tout débuts sont documentés et décrits dans un numéro spécial de la Revue canadienne du vieillissement publiée en 2009, dont un article traite en profondeur du rôle des IRSC et de la priorité accordée à cette initiative dans le cadre du programme de recherche national (Martin-Matthews & Mealing, Reference Martin-Matthews and Mealing2009). Même si elle est encore à ses balbutiements et que les travaux visant à recruter des participants et à créer 11 centres de collecte de données dernier cri dans l’ensemble du pays commencent à peine, l’ELCV est déjà reconnue, selon la Fondation canadienne pour l’innovation (2009), comme :

Un projet de recherche d’importance et d’envergure qui est […] sans précédent dans le domaine du vieillissement […] et qui constituera, pour les décennies à venir, une merveilleuse ressource quant aux facteurs qui influencent la santé des aînés [...], [et] […] qui est unique en son genre, comparativement aux normes internationales.

Depuis la création en 2001 du Partenariat sur les troubles cognitifs liés au vieillissement, l’IV a collaboré avec 23 partenaires nationaux et provinciaux afin de soutenir la recherche sur les mécanismes biologiques et le traitement de l’Alzheimer, sur la santé vasculaire et la démence, et sur les pratiques thérapeutiques, ainsi que la création du Réseau canadien d’application des connaissances sur la démence. En dépit de ces efforts, il reste bien des défis à relever : on prévoit que le nombre de Canadiens atteints de la maladie d’Alzheimer ou d’une démence apparentée passera de 500 000 à 1 125 000 en 30 ans, et que le fardeau économique connexe passera de 15 milliards de dollars à 152 milliards par année, et ce, sans compter les nombreux coûts sociaux pour les particuliers et pour la société. L’élaboration de la Stratégie internationale de recherche concertée sur la maladie d’Alzheimer (SIRCMA) des IRSC accélérera la recherche sur les causes de la démence apparentée à l’Alzheimer et sur l’organisation, le financement, la gestion et la coordination optimums des soins (IRSC, 2010a).

Dans ces projets et dans tous ses projets de recherche (y compris la mobilité et le vieillissement, dont il est question un peu plus loin), l’IV a travaillé à améliorer le profil de la recherche canadienne sur le vieillissement, que ce soit à l’échelle nationale, parmi les intervenants ou sur le plan des politiques. Les partenariats internationaux, notamment avec la Chine, le Japon et l’Europe (et plus particulièrement avec le Royaume-Uni) ont contribué considérablement à rehausser la réputation mondiale de la recherche canadienne sur le vieillissement.

Combler les lacunes de la recherche

L’initiative stratégique « Mobilité et vieillissement », créée en 2005, a redéfini ce champ de recherche au Canada par le financement de la recherche sur toutes les facettes de la mobilité des personnes âgées et par une collaboration internationale innovatrice dans le domaine des environnements bâtis adaptés à l’âge. L’Organisation mondiale de la Santé (1998) a noté que [Trad.] « la mobilité […] est la meilleure garantie de préserver son autonomie et sa capacité de faire face aux situations » (p. 14). Une mobilité réduite est annonciatrice de mortalité et est un facteur de risque de troubles cognitifs, d’invalidité et d’isolement social. Des forces nationales considérables sont engagées dans la recherche sur la mobilité des personnes âgées, mais l’aide financière accordée par l’IV à neuf équipes ayant des thèmes spécifiques et à sept projets de démonstration les a accrues et renforcées. Néanmoins, nos connaissances sur les principaux enjeux restent marquées par des lacunes importantes, telle la conception d’environnements bâtis adaptés à l’âge, qui ont une incidence sur la mobilité des personnes âgées. Les chercheurs canadiens sont des chefs de file en matière d’éléments de conception intérieure adaptés, et ils accumulent rapidement des connaissances puisées dans d’importantes recherches européennes sur le transport, les conditions de déplacement à pied et d’autres éléments « extérieurs » de l’environnement bâti. (KT‑Equal, 2010). De plus, les collaborations de l’IV avec la Division du vieillissement et des aînés de l’Agence de la santé publique du Canada en ce qui concerne ses initiatives de « Promotion des villes amies des aînés » sont capitales et nécessiteront un appui continu à l’avenir.

Le renforcement des capacités de recherche a aussi été une activité importante pour l’IV et continuera d’être une priorité dans les décennies à venir. À cette fin, le Programme d’été sur le vieillissement (PEV) de l’IV, lancé en 2006, a permis de forger des partenariats avec des centres de recherche dans cinq régions du pays et d’encadrer 300 stagiaires dans le secteur de la recherche sur le vieillissement. Les subventions de projets pilotes, les subventions Catalyseur et les prix Âge+ (plus de 75 prix accordés pour l’excellence des publications de recherche des stagiaires) ont aussi contribué au développement des capacités de recherche sur le vieillissement. Les évaluations de ces initiatives ont souligné leur contribution à l’amélioration des aptitudes en recherche et des compétences professionnelles, et à la préparation des stagiaires aux concours de financement subséquents. Néanmoins, il sera important dans les années à venir de suivre les avantages à long terme de telles initiatives par rapport à l’amélioration globale de la recherche sur le vieillissement au pays et, pour les stagiaires qui en fin de compte ne poursuivent pas de carrières de recherche dans le domaine du vieillissement, d’étudier d’autres avantages sur le plan de l’interface recherche‑politique.

L’Institut du vieillissement a aussi démontré que l’engagement des citoyens et des intervenants lui tenait à cœur, non seulement en organisant ses ateliers régionaux des aînés sur la recherche, mais aussi en se servant des idées issues de ces ateliers pour désigner, en 2009, « les services et les systèmes de santé pour une population vieillissante » comme prochaine priorité stratégique de l’Institut. Il s’agira vraisemblablement de la question la plus pressante de la prochaine décennie. Le renouvellement de l’Accord canadien sur la santé en 2014 concernera essentiellement la répartition des politiques et du financement des services de santé entre les administrations fédérale et provinciales. Inévitablement, la question du coût des services de santé pour la population vieillissante sera au centre des discussions. L’IV travaille avec l’Institut des services et des politiques de la santé des IRSC pour générer les connaissances nécessaires afin d’éclairer ces délibérations et faire en sorte que d’autres politiques fondées sur des données probantes soient mises à la disposition de toutes les parties.

L’IV collabore également avec la Fondation canadienne de la recherche sur les services de santé (FCRSS) à des consultations nationales et à des groupes de réflexion régionaux avec des intervenants et des informateurs clés afin de clarifier d’autres questions importantes relativement aux « services et systèmes de santé pour une population vieillissante ». Mais, en fait, nous avons déjà des preuves solides qu’une meilleure intégration de l’ensemble du système de soins de santé et de services sociaux, le « traitement de la personne et non de la maladie » (ni des maladies au cas par cas) et un retour à un paradigme de soins à domicile préventifs (contrairement aux modèles de soins en phase post‑aiguë à domicile) conduiront tous à de meilleurs services de santé et à une meilleure santé à mesure que la population vieillit. Le fait de perpétuer l’écart entre « ce que nous savons et ce que nous faisons » remet profondément en question notre capacité d’offrir les meilleurs soins possible face aux complexités que présente la santé à mesure que les gens atteignent un âge avancé. Le « vieillissement » (et la retraite, l’absence de remplaçants) des dispensateurs de soins de santé et de services sociaux ajoutera aussi aux défis à relever dans les années à venir.

Cap sur le vieillissement : Défis et possibilités

Récemment, à la célébration du 65e anniversaire de la Gerontological Society of America, une bannière au logo de la société affichait ostensiblement ces mots : « S’améliorer avec l’âge ». Avec son jeu de mots intriguant, cet énoncé nous amène à nous demander si le travail que nous faisons, les recherches que nous effectuons et les connaissances que nous transmettons s’améliorent vraiment avec l’âge. Et, comme le laisse entendre encore l’énoncé, est‑ce que nous nous améliorons « au regard de l’âge » c’est‑à‑dire par rapport aux résultats des travaux accomplis pour améliorer la santé et la qualité de vie des aînés? Notre recherche permet‑elle davantage de remettre en question les idées fausses que se fait la société à propos du vieillissement? Notre recherche permet‑elle de projeter des images « meilleures » (plus positives) du vieillissement et des aînés (qui sont aujourd’hui en meilleure santé que jamais auparavant) ou avons‑nous fait tout à fait le contraire? Notre nous recherche permet‑elle davantage de remettre en question l’homogénéisation de la population des gens âgés de plus de 65 ans en une catégorie unique, celle des « aînés »? Notre recherche a‑t‑elle réussi à bien faire comprendre que le vieillissement est beaucoup plus que la somme des maladies chroniques ou à faire reconnaître qu’il existe au moins deux générations après l’âge de 65 ans. Selon moi, il nous reste encore du chemin à parcourir.

En dépit du fait que la communauté des chercheurs canadiens sur le vieillissement connaît depuis longtemps les transitions et les trajectoires des besoins non satisfaits qui font la différence entre le vieillissement précoce et le vieillissement tardif (Havens, Reference Havens and Marshall1980), il n’existe qu’une seule étude systématique de la population du quatrième âge au Canada (la Fredericton 80+ Study) et, à l’échelle mondiale, il n’y a que très peu d’études qui sont consacrées explicitement à population des aînés de 80 et 85 ans et plus. Ces études illustrent la diversité des capacités chez les aînés plus âgés. De récentes données tirées de la Newcastle 85+ Study prouvent bien qu’une longévité accrue ne correspond pas nécessairement à une invalidité ni à des niveaux de dépendance élevés (Collerton et autres, Reference Collerton, Barrass, Bond, Eccles, Jagger and James2007). Et, en examinant de façon plus approfondie ce qui est parfois appelé le vieillissement « avancé », Nir Barzilai et ses collègues (c.‑à‑d., Barzilai et Gabriely, Reference Barzilai and Gabriely2010 – voir une analyse sommaire dans Benady [Reference Benady2011]) étudient des centenaires de la population exceptionnelle et homogène des Juifs Ashkenazi afin de trouver des similarités génétiques qui pourraient expliquer leur longévité. Au cours du processus, nous apprenons beaucoup sur les signes génétiques et biomédicaux de la longévité.

Or, une lecture attentive récente de certains articles publiés dans la Revue canadienne du vieillissement au cours des deux dernières années montre, à titre de comparaison, qu’on reconnaît très peu l’existence de générations multiples après l’âge de 65 ans, et qu’on fait très rarement la différenciation des expériences et des circonstances concernant les aînés plus jeunes et ceux plus âgés. Bien qu’il y ait des exceptions notables (Tate, Loewen, Bayomi et Payne, Reference Tate, Loewen, Bayomi and Payne2009), la recherche canadienne sur le vieillissement décrit trop souvent les participants aux études comme des personnes dont « l’âge se situe entre 65 et 79 ans, avec un âge moyen de 73 ans » ou « ayant un âge moyen de 69,7 ans et un écart type de 6,3 »; on procède très rarement à des comparaisons entre les groupes d’âge et à l’intérieur de ceux-ci. En général, la recherche canadienne étudie rarement les personnes très âgées. Bien entendu, l’ELCV, dont les participants sont des personnes âgées de 45 à 85 ans au moment de l’inscription, changera considérablement, au cours de l’intervalle de 20 ans que durera l’étude, la nature et le volume des données disponibles sur le « vieillissement en fin de vie » et sur nos populations les plus âgées.

L’immigration a été un facteur important dans le façonnement de la société canadienne et continuera, à l’avenir, de « protéger » le Canada des répercussions les plus graves du vieillissement pour la société, contrairement à la situation prévue au Japon, en Italie et dans les États du Nord (Jackson et Howe, Reference Jackson and Howe2008). Néanmoins, il reste beaucoup à faire pour que nous puissions comprendre l’expérience du vieillissement et des personnes âgées chez les immigrants qui arrivent au Canada; les différences entre ceux qui « vieilliront progressivement sur place » et ceux qui arrivent ici très tard dans leur vie pour se retrouver « en train de vieillir en terre étrangère »; et les défis que pose l’accès à des services appropriés et pertinents sur le plan culturel, qui reflètent et connaissent leurs croyances et leurs comportements en matière de santé.

Au cours de mon mandat de plus de sept ans à titre de directrice scientifique de l’Institut du vieillissement des IRSC, j’ai observé, entre autres, le virage ‑ comme l’a succinctement exprimé Norma Drosdowech, membre du conseil consultatif de l’IV ‑ « de la défense d’intérêts au partenariat » dans la mobilisation des personnes âgées par la communauté de recherche et leur participation à ses travaux. À titre d’exemple de ce partenariat, on peut citer le lancement récent de la publication à accès libre Bien vieillir (Marlett et Emes, Reference Marlett and Emes2010), grâce à un financement accordé dans le cadre d’une subvention de projet pilote de l’IV. Par la recherche en collaboration menée par et avec les aînés, le livre analyse le concept de la résilience chez les personnes âgées et sert en même temps de guide au processus de recherche en soi. Tout laisse croire que de tels partenariats innovateurs entre les chercheurs et leurs « sujets » mobilisés à titre d’intervenants et de collaborateurs, deviendront de plus en plus fréquents à l’avenir.

D’autres défis et possibilités attendent la recherche sur le vieillissement au Canada. La rhétorique anti-vieillissement fait fureur. Les hypothèses d’une démographie apocalyptique de baby-boomers vieillissants qui déciment, voire détruisent, le système canadien de soins de santé continuent de s’amplifier, en dépit de la grande quantité de données probantes (Barer, Reference Barer2005) et de commentaires publics éclairés (Picard, Reference Picard2010) montrant le contraire.

Les médias jouent un rôle dans la perpétuation des stéréotypes du vieillissement selon lesquels les aînés mettent le « système » en faillite. Dans un article‑vedette du magazine Macleans (Gatehouse, Reference Gatehouse2010), l’auteur écrit : « Qu’est-ce que les baby‑boomers laissent en héritage à leurs enfants : moins d’emplois, des salaires plus faibles, des taxes plus élevées. Maintenant la génération escroquée commence à réagir. » (p. 54). Dans le contexte des événements survenus l’an dernier en France et ailleurs concernant la révision des dispositions et des politiques touchant l’âge de la retraite, même les analystes les plus réfléchis font état d’un virage de société passant « de l’âgisme de compassion aux conflits intergénérationnels » (Binstock, Reference Binstock2010), ce qui laisse supposer une renaissance probable des conflits intergénérationnels dont Marshall et Tindale (Reference Marshall and Tindale1978‑1979) ont parlé il y a plus de 30 ans. Dans cette montée supposée des conflits intergénérationnels, ces chercheurs voient la réduction de notre capacité de comprendre l’équité intergénérationnelle et la perte du « contrat social » qui est inhérent au « droit à la sécurité de la vieillisse » dont profitent toutes les générations. Nous ne pouvons pas nous attendre non plus à ce que ces problèmes de vieillissement de la population disparaissent dans un proche avenir, comme dans la métaphore du « cochon passant dans le système digestif du python ». Si vraiment, comme l’a laissé entendre Kirkwood (Reference Kirkwood2010), nous, des pays développés, gagnons cinq heures d’espérance de vie chaque jour, alors ces défis continueront de se poser pendant encore longtemps.

Façonner l’avenir : les sciences émergentes et les nouvelles approches

Notre façon de comprendre le vieillissement se redéfinit également avec l’émergence et le renforcement d’une « nouvelle science du vieillissement ». De plus en plus, on nous demande « d’imprimer une nouvelle orientation à la recherche afin de promouvoir le vieillissement en santé, plutôt que de simplement traiter les maladies de la vieillesse » (Abbott, Reference Abbott2004, p. 116). Au lieu d’une recherche dominée presque exclusivement par des tentatives de comprendre et de traiter les maladies individuelles, « nous devons effectuer des recherches sur les facteurs génétiques et environnementaux (y compris la santé et les modes de vie) qui permettent aux gens de rester en santé et actifs à l’âge de 80, de 90 ans et même après » (Abbott, Reference Abbott2004, p. 116).

Lors des récentes délibérations de la U.K. Royal Society sur « la nouvelle science du vieillissement », on a également étudié les défis et les perspectives scientifiques en ce qui concerne une médecine préventive et à large spectre pour les maladies liées à l’âge (voir Partridge, Bates et Thornton, Reference Partridge, Bates and Thornton2011). Les initiatives stratégiques transversales actuelles des IRSC concernant l’épigénétique et l’inflammation (qui adoptent des approches plus « horizontales » que verticales pour comprendre les causes communes des maladies liées à l’âge) ont le potentiel de contribuer considérablement à notre façon de comprendre le vieillissement et les maladies. L’ELCV constituera un important « catalyseur » de la recherche sur ces procédés.

L’émergence du domaine de la géroscience constitue un autre moyen de parvenir à cette compréhension et de faire de l’étude du vieillissement ce que le développement des neurosciences a fait il y a 40 ans pour nos connaissances du cerveau. Il s’agit d’une approche intégrée qui reconnaît que le vieillissement est le facteur de risque le plus important en ce qui concerne les maladies humaines dans les pays développés. Cette approche reconnaît également la difficulté de contrer les maladies liées à l’âge tant que l’on n’aura pas compris les principes et les mécanismes du vieillissement. Le principe fondamental de l’approche de la géroscience réside dans le fait que le vieillissement est complexe et que les techniques de recherche traditionnelles ne nous permettront probablement pas de le comprendre. En 2007, les (U.S.) National Institutes of Health ont financé le Buck Institute (Californie) pour qu’il se mette à étudier les relations entre le vieillissement normal et les maladies du vieillissement dans un cadre interdisciplinaire. La création récente d’une chaire de recherche du Canada en géoscience à l’Université McMaster augure de l’importance de cette approche scientifique intégrée au pays et est une orientation bien accueillie.

La prochaine décennie offrira une occasion exceptionnelle aux IRSC et à l’IV, étant donné que l’attention est de plus en plus portée sur les questions du vieillissement de la population. Déjà, on constate que l’on s’intéresse au « vieillissement », tant comme priorité politique que comme priorité de recherche au Canada. Le rapport annuel 2010 de l’administrateur en chef de la santé publique du Canada porte essentiellement sur le vieillissement (Butler‑Jones, Reference Binstock2010). Le Conseil des sciences, de la technologie et de l’innovation du gouvernement fédéral a cerné « la santé d’une population vieillissante » comme un domaine de recherche prioritaire où le Canada peut tirer parti de ses forces en recherche en vue d’obtenir un avantage concurrentiel.

À l’occasion du 10e anniversaire des IRSC, un examen international de l’organisation a eu lieu en février et en mars 2011. Le rapport final et les recommandations de cet examen seront présentés aux IRSC en juin, à peu près en même temps où se termineront mes deux mandats en tant que directrice scientifique de l’Institut du vieillissement. Mon successeur sera nommé au même moment. Cette évaluation cruciale et ces recommandations contribueront grandement à éclairer le prochain directeur scientifique et son conseil consultatif dans l’établissement des priorités et du prochain plan stratégique de l’Institut.

Pour célébrer le 10e anniversaire de la création des Instituts de recherche en santé du Canada, on a demandé aux directeurs scientifiques de chaque institut de faire une déclaration sur la vision de son institut et de son domaine de recherche pour 2020. Pour l’Institut du vieillissement, j’ai écrit ce qui suit :

« Au Canada et dans le reste du monde, l’avenir c’est vieillir! L’approche de gérontologie intégrée fait rapidement progresser notre compréhension des processus biologiques associés au vieillissement. L’Étude longitudinale canadienne sur le vieillissement aidera à mieux comprendre comment les facteurs biomédicaux (dont les facteurs génétiques et épigénétiques) et les facteurs cliniques et comportementaux conjuguent leurs effets aux contextes social, culturel et économique pour influer sur le vieillissement jusqu’à un âge avancé. L’optimisation de la santé et des soins de santé des personnes très âgées deviendra une priorité nationale. (IRSC, 2010b, p. 27)

Le temps déterminera l’exactitude de ces projections. Dans l’intervalle, j’invite la communauté canadienne des chercheurs sur le vieillissement à étudier cette vision et à continuer de travailler en collaboration pour informer l’IV, les IRSC et nos partenaires, et s’engager auprès d’eux dans l’élaboration de priorités stratégiques. Ensemble, nous prendrons appui sur les forces éprouvées dans notre domaine à l’échelle nationale et internationale, nous comblerons les lacunes existantes et nouvelles des connaissances dans des domaines essentiels, et nous façonnerons l’avenir de notre domaine par des sciences innovatrices, des partenariats efficaces entre chercheurs et intervenants et une participation active dans l’application des connaissances afin d’améliorer la santé et la qualité de vie de notre population vieillissante et de nos aînés.

Footnotes

*

L’auteure remercie Susan Crawford, Ph.D., directrice adjointe de l’Institut du vieillissement des IRSC pour son aide dans la préparation du présent manuscrit, qui est une révision d’un exposé présenté à la réunion annuelle scientifique et éducative de l’Association canadienne de gérontologie à Montréal (Québec) le 3 décembre 2010.

1 Les IRSC ont été créés en 2000 de la fusion de l’ancien Conseil de recherches médicales du Canada et du Programme national de recherche et de développement en matière de santé.

References

Références

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