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Dostie Gaétane, Synonymie et marqueurs de haut degré : sens conceptuel, sens associatif, polysémie. (Domaines linguistiques, 10.) Paris : Classiques Garnier, 2018, 229 pp. 978 2 406 07322 2 (broché), 978 2 406 07323 9 (relié)

Published online by Cambridge University Press:  21 February 2019

Denis Le Pesant*
Affiliation:
Laboratoire MoDyCo – CNRS UMR 7114 Université Paris Ouest Nanterre La Défense 200 avenue de la République 92001 Nanterre Francedenis.lepesant@orange.fr
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Abstract

Type
Book Review
Copyright
© Cambridge University Press 2019

Les marqueurs dont traite Gaétane Dostie sont des lexèmes du français québécois de tous les jours : beaucoup, ben, très, vraiment, tellement, plein, pas mal, super, assez, gros, foul (souvent orthographié full) et ben ben (dans un contexte de négation). Il s’agit des douze marqueurs de haut degré les plus fréquents relevés dans le Corpus de français parlé au Québec (CFPQ). Un mot d’abord sur ce corpus, élaboré à l’Université de Sherbrooke sous la direction de Gaétane Dostie : il regroupe 30 sous-corpus de conversations à bâtons rompus enregistrées pendant 45 heures sur support audiovisuel, les interlocuteurs étant cognitivement et affectivement proches, et d’âge et d’origine géographique divers ; les entretiens ont été transcrits et la base de données est accessible en ligne.

L’auteure traite les douze marqueurs retenus, non comme une collection mais comme un micro-système, et son étude a pour objet moins l’expression du haut degré en tant que telle que la problématique de la synonymie et de la polysémie et, au-delà, du sens même. Concernant la sémantique, l’auteure s’appuie sur le modèle de Leech (Reference Leech1981), qu’elle revisite ensuite. Il est posé d’une part que la plupart des mots sont polysémiques, d’autre part que la polysémie et la synonymie sont étroitement liées. Et surtout, « ce qui est ciblé, c’est la valeur communicative d’une lexie, c’est-à-dire le mot pris dans une acception donnée, et non pas d’un mot (ou d’un vocable) dans sa globalité » (59). Le modèle oppose le Sens conceptuel d’une lexie (et ses composantes : représentationnelle, présuppositionnelle, expressive et connotative) à son Sens associatif, lequel prend en compte les aspects socio-pragmatiques de l’énonciation. À partir de là, l’auteure distingue quatre types théoriques de synonymie : synonymie1 (deux lexies de deux mots sont identiques au plan conceptuel) ; synonymie2 (deux lexies de deux mots sont identiques aux plans conceptuel et associatif) ; synonymie3 (toutes les lexies de deux mots sont identiques au plan conceptuel) ; et synonymie4 (toutes les lexies de deux mots sont identiques aux plans conceptuel et associatif). Dans la suite de l’ouvrage, sur cinq chapitres, les différentes lexies des marqueurs retenus vont être comparées les unes aux autres de façon détaillée et systématique. Les lexies quantifieuses sont séparées des intensives ; les unes et les autres sont rapportées aux différentes parties du discours (noms, verbes, adjectifs, adverbes de manière, marqueurs temporels, spatiaux et autres) ; enfin leur éventuelle polarité, positive ou négative, est prise en compte.

L’étude aboutit à la conclusion qu’il n’y a dans le corpus qu’un seul cas de synonymie1 de deux lexies de la liste retenue, celui de foul1 et beaucoup1, et qu’il n’y a a fortiori aucun cas de synonymie d’ordre 2, 3 et 4. Pour le reste, la voie est ouverte à des calculs de proximité entre les lexies et une évaluation qualitative précise des différences est rendue possible. Par exemple, il est établi que assez est proche de tellement et que super est proche de très1, et les différences peuvent être explicitées précisément grâce à la variété des critères mobilisés. Gaétane Dostie constate sans surprise que la synonymie exacte est rare. Observant d’autre part que n’ont été scrutés dans le cadre de cette recherche qu’une poignée de marqueurs, elle conjecture qu’« une recherche similaire lancée sur des milliers de lexies conduirait à découvrir nombre de cas tout aussi convaincants » (192).

L’auteure a ménagé, au service de ses démonstrations, d’assez longs développements sur des thèmes connexes comme les différentes formes de réduplication (76–86) et les aspects dialectologiques, avec la notion de dialectalisme (95 et sqq.). Ces passages sont en eux-mêmes d’un grand intérêt. Enfin, la rigueur de la démonstration est rehaussée par une composition d’une remarquable élégance.

References

RÉFÉRENCES

Leech, G. (1981). Semantics: The Study of Meaning. Deuxième édition. Harmondsworth: Penguin.Google Scholar