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Ayres-Bennett Wendy (éd.), Claude Favre de Vaugelas, Remarques sur la langue françoise. (Descriptions et théories de la langue française, 2. Série Remarques et observations sur la langue française, 1.) Paris : Classiques Garnier, 2018, 940 pp. 978 2 406 07893 7 (broché), 978 2 406 07894 4 (relié)

Published online by Cambridge University Press:  25 July 2019

Marc Bonhomme*
Affiliation:
Institut de langue et de littérature françaises Université de Berne Länggass-Strasse, 49 CH-3012 Berne marc.bonhomme@rom.unibe.ch
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Abstract

Type
Book Review
Copyright
© Cambridge University Press 2019

Avec cette publication, qui se distingue par l’ampleur de son introduction, par l’abondance de ses notations critiques et par la complémentarité de ses appendices, Wendy Ayres-Bennett, spécialiste de la langue française du 17e siècle, fournit l’édition critique la plus complète à ce jour des Remarques sur la langue françoise de Vaugelas (1585–1650).

Outre les conventions éditoriales, l’introduction (7–210) comporte sept sections, dont les deux premières présentent la vie et l’œuvre de Vaugelas et retracent l’histoire des Remarques, examinant notamment leur état initial constitué par le manuscrit de l’Arsenal. Fortement différent du texte publié, celui-ci s’avère néanmoins précieux, en ce qu’il contient en germe les idées majeures de Vaugelas. La deuxième section donne par ailleurs un aperçu des éditions successives des Remarques, depuis leur parution en 1647 jusqu’à l’édition de Zygmunt Marzys publiée en 2009.

De la troisième section, consacrée aux sources métalinguistiques et littéraires des Remarques, il ressort que, tout en s’inscrivant dans la lignée de Cicéron et de Quintilien, Vaugelas cite avant tout les auteurs français de son époque, dont Malherbe et Coëffeteau. Corrigeant l’image normative qu’on lui a souvent prêtée, la quatrième section met en évidence les deux modèles idéologiques qui sous-tendent les réflexions de Vaugelas, l’un prescriptif, l’autre sociolinguistique. Le premier vise à différencier le bon usage du mauvais et à résoudre les usages « douteux », le second établit la variabilité de l’usage selon les registres et les contextes de production.

La cinquième section porte sur la structure et le métalangage des Remarques. Mettant leur composition fragmentaire en relation avec le genre du commentaire, Ayres-Bennett attire l’attention sur l’hétérogénéité du métalangage de l’auteur, qui oscille entre la terminologie grammaticale traditionnelle, des termes semi-techniques et de multiples marqueurs évaluatifs. L’ambiguïté de l’attitude énonciative de Vaugelas (entre témoin et décideur) et le rôle des métaphores dans son entreprise de normalisation sont également soulignés.

La sixième section consiste en une étude détaillée du contenu linguistique des Remarques. Elle révèle la prédilection de Vaugelas pour les questions syntaxiques et lexicales, ses préoccupations méthodologiques, son souci de relier le style à la syntaxe, de même que sa contribution essentielle à la régulation du français, en particulier dans le domaine de l’acceptabilité du lexique.

Traitant de la réception des Remarques, la septième section de l’introduction analyse leur influence sur les écrivains que nous appelons aujourd’hui « classiques » et leur succès auprès du public cultivé de l’époque. De surcroît, elle fait voir comment, tout en influençant jusqu’à nos jours la réflexion métalinguistique, elles sont à la source d’un nouveau genre d’observations sur la langue française.

Le travail d’Ayres-Bennett se signale aussi par la richesse des notes de bas de page éclairant en profondeur les remarques elles-mêmes et élucidant leurs nombreuses allusions, notamment à l’aide de la clef de Conrart (213–801). Les citations latines et italiennes sont systématiquement référencées ou traduites. La dimension génétique des remarques est mise en lumière à l’aide de notes comparant la version éditée avec le manuscrit de l’Arsenal, ce qui permet de percevoir la chronologie de leur composition de même que les inflexions de la pensée de l’auteur. Les observations de Vaugelas sont en outre évaluées à l’aune d’un corpus de grammaires, de remarques sur la langue française et de dictionnaires qui rend compte de leur convergence ou de leur originalité par rapport aux ouvrages métalinguistiques de la même période. Enfin, le texte de Vaugelas est mis en perspective par divers sondages dans Frantext (1600–1647), ceux-ci indiquant la conformité ou les désaccords de ses décisions avec la pratique langagière de la première moitié du 17e siècle.

La rigueur scientifique d’Ayres-Bennett s’étend aux quatre annexes regroupées dans le dispositif final de l’ouvrage (803–940). On y trouve, à côté de plusieurs remarques inédites et de la liste des lettres manuscrites envoyées par Vaugelas, une liste des principales éditions et réimpressions des Remarques. L’annexe la plus utile fournit un classement thématique des observations de Vaugelas, classement dont la présentation raisonnée est à même de faciliter les comparaisons avec d’autres volumes de remarques. Il y a trois index : noms propres, titres d’ouvrages cités par Vaugelas, et relevé de son métalangage, lequel offre, entre autres, une vision synthétique sur les concepts prédominants de l’auteur.

Dans l’ensemble, cette nouvelle édition critique des Remarques se recommande par la densité de ses informations, qui mettent en exergue la complexité de la pensée de Vaugelas. Elle concilie la finesse analytique avec l’étendue de ses considérations générales, que celles-ci concernent la position linguistique innovante de Vaugelas au 17e siècle ou son rôle capital pour la codification du français. L’ouvrage ne manquera pas de constituer un outil de référence pour tous ceux qu’intéresse l’histoire de la langue française.