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1967. Quatre journées qui ébranlèrent le Québec Olivier Courteaux Presses de l'Université LavalQuébec, 2017, 159 pages

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1967. Quatre journées qui ébranlèrent le Québec Olivier Courteaux Presses de l'Université LavalQuébec, 2017, 159 pages

Published online by Cambridge University Press:  18 September 2018

Samy Mesli*
Affiliation:
Université du Québec à Montréal
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Abstract

Type
Book Review/Recension
Copyright
Copyright © Canadian Political Science Association (l'Association canadienne de science politique) and/et la Société québécoise de science politique 2018 

Le cinquantième anniversaire du voyage du général de Gaulle au Québec a donné lieu à diverses commémorations. Sous l'égide du Mouvement national des Québécois, notamment, des expositions et des réunions publiques ont été organisées durant l'été 2017 à Québec et dans les villes traversées par de Gaulle et Johnson au fil de leur parcours sur le Chemin du Roy. Un site Internet, riche de nombreuses photos d'archives, a été créé. Cet anniversaire a également suscité la parution de plusieurs ouvrages. Après La traversée du Colbert du journaliste André Duchesne, et le livre de Christophe Tardieu, La dette de Louis XV, l'historien Olivier Courteaux apporte sa pierre à l'édifice en publiant 1967. Quatre journées qui ébranlèrent le Québec.

Cet ouvrage a pour objectif de répondre aux questions qui entourent les véritables intentions du président français : « Pourquoi le Général a-t-il affiché son soutien à la cause de l'indépendance du Québec aussi publiquement, au risque de remettre en question pour longtemps les bonnes relations avec le Canada ? Pourquoi l'a-t-il fait alors même que les élites québécoises n'envisageaient pas de rupture complète avec Ottawa ? Son discours du balcon a-t-il été improvisé, sous le coup de l'émotion ? A-t-il, au contraire, été prémédité ? » (136).

Dans les deux premiers chapitres, qui représentent plus de la moitié de l'ouvrage, l'auteur mêle le récit du voyage du général de Gaulle à d'incessants va-et-vient dans le passé. Animé de « sentiments profonds, mêlés d'admiration et de culpabilité, qu'il a développés dès son enfance » à l'égard du Québec, écrit Courteaux, de Gaulle compte bien lors de son séjour « prouver son attachement pour le Canada français avec éclat et réparer le lâche abandon de la France en 1763 » (19).

Les meilleures pages du deuxième chapitre sont consacrées à l'histoire du mouvement gaulliste durant la Seconde Guerre mondiale, de la nomination de ses premiers représentants au Canada à la reconnaissance par Ottawa du Gouvernement provisoire de la République française. L'auteur relate également les évènements du 24 juillet et, quelques heures après le discours du général de Gaulle à l'hôtel de ville Montréal, « la nouvelle de sa bombe diplomatique parcourt déjà la planète » (83).

Par contraste, les autres chapitres, moins denses, se succèdent rapidement. La troisième partie, consacrée à la journée du 25 juillet 1967, analyse les premières réactions au discours du général de Gaulle. Trudeau, notamment, qui n'a « que faire du messianisme planétaire gaullien », se prononce pour « une expulsion pure et simple » du président français « pas seulement pour rassurer ses électeurs, […] mais bien par conviction » (90).

Le lendemain, de Gaulle, qui a décidé d'annuler sa visite à Ottawa, est reçu une dernière fois à l'hôtel de ville à Montréal. Courteaux évoque le discours du maire Drapeau et en profite pour dénoncer la position des « défenseurs inconditionnels des faits et gestes du général de Gaulle pendant sa visite au Québec, de Pierre-Louis Mallen à Christophe Tardieu, sans oublier les incontournables Anne et Pierre Rouanet » (100). Dans le cas de Tardieu, qui « prend d'emblée nettement fait et cause pour le projet indépendantiste », l'auteur lui reproche notamment « de s'apitoyer faussement sur la difficile situation dans laquelle se retrouve empêtré “ce pauvre Pearson” », dont le communiqué est jugé « maladroit et “sévère” » (92), et d'accuser la presse canadienne anglophone « de mauvaise foi » après ses réactions au « Vive le Québec libre ».

Le cinquième chapitre porte la date du 27 novembre 1967. En conférence de presse à l'Élysée, de Gaulle réitère sa position, affirmant que le « mouvement national des Français canadiens […] aboutira forcément, à mon avis, à l'avènement du Québec au rang d'État souverain, maître de son existence nationale » (109). Les liens entre Paris et Québec sont renforcés : le consulat de France à Québec, dirigé par Pierre de Menthon (et non de Menton tel qu'indiqué), relèvera désormais directement du Quai d'Orsay. La coopération bilatérale franco-québécoise connaît une accélération importante grâce à la signature des accords Peyreffite-Johnson en septembre 1967, un aspect qui aurait dû être abordé plus en profondeur. Enfin, en février 1968, le Québec est invité à la Conférence des ministres francophones de l'Éducation de Libreville (CONFEMEN), sans la présence du gouvernement fédéral. Le chapitre suivant, long de cinq pages et intitulé « Vendredi 25 avril 1969 : de Gaulle s'en va », souligne « l'incompréhension totale » entre Trudeau, devenu premier ministre, et le président français dont la démission va « apaise[r] la relation triangulaire Québec-Ottawa-Paris ».

Enfin, le septième et dernier chapitre retrace l'évolution des relations franco-québécoises depuis les années 1970, de la non-ingérence et non-indifférence de Giscard d'Estaing au « point de rupture » provoqué par Nicolas Sarkozy en 2008 (134). Il faut toutefois constater que cette présumée rupture ne s'est traduite par aucune remise en cause du fonctionnement des relations franco-québécoises – pensons au statut du consulat de Québec ou au dispositif de la coopération – ; insi, l'héritage de juillet 1967 demeure encore bien vivant.