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D’Alembert et le droit d’errer

Published online by Cambridge University Press:  03 January 2019

VÉRONIQUE LE RU*
Affiliation:
Université de Reims Champagne-Ardenne
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Abstract

This paper is a study of the way D’Alembert envisioned error and the right to make mistakes (the verb ‘errer,’ in French, also means ‘to wander’) in science. By reading two texts (D’Alembert’s Preliminary Discourse to the Encyclopedia, and Diderot’s Thoughts on the Interpretation of Nature), I explain the epistemological issues of the debate between empiricism and rationalism, especially those involving the concepts of fact, hypothese, and system. It turns out that D’Alembert’s reflections on error, on the right to wander in science, and on the function of hypotheses stem directly from a great scientist Lady.

Il s’agit de réfléchir sur la manière dont D’Alembert a pensé le droit d’errer de l’esprit. À travers deux textes, le Discours préliminaire de l’Encyclopédie de D’Alembert et les Pensées sur l’interprétation de la nature de Diderot, on tente de comprendre les enjeux épistémologiques du débat entre empirisme et rationalisme, afin d’analyser ses répercussions sur le sens scientifique à conférer aux notions de fait et de système. On montre que la réflexion de D’Alembert sur le droit d’errer de l’esprit ou sur l’obligation de risquer des hypothèses en sciences est directement issue de l’influence d’une grande Dame savante.

Type
Éclectisme et critique des systèmes au XVIIIe siècle
Copyright
Copyright © Canadian Philosophical Association 2018 

Il s’agit de réfléchir sur la manière dont D’Alembert a pensé le droit d’errer de l’esprit.

Nous allons mettre en concurrence deux textes, le Discours préliminaire de l’Encyclopédie Footnote 1 et les Pensées sur l’interprétation de la nature Footnote 2, pour tenter de comprendre les enjeux épistémologiques du débat entre empirisme et rationalismeFootnote 3 afin d’analyser ses répercussions sur le sens scientifique à conférer aux notions de fait et de système. Nous verrons que la réflexion de D’Alembert sur le droit d’errer de l’esprit ou sur l’obligation de risquer des hypothèses en science est directement issue de l’influence d’une grande Dame savante et que cette conception de l’usage et de l’utilité des hypothèses contraste avec l’air du temps porté par les newtoniens qui condamnent les hypothèses, rejettent l’esprit de conjecture, critiquent les systèmes et l’esprit de système, et mettent en avant les questions de fait («matter of facts»). Mais auparavant, il importe de rappeler en quelques lignes le contexte philosophique et scientifique dans lequel prend corps cette formidable entreprise qu’est l’Encyclopédie, qui articule le débat entre empirisme et rationalisme autour des notions de fait, d’hypothèse et de système.

1. Le contexte philosophique des discussions autour des notions de fait, d’hypothèse et de système

Le projet encyclopédique est tout à fait représentatif du mouvement critique qui s’instaure au XVIIIe siècle à l’égard de la métaphysique et de la connaissance des essences des choses ou des choses en soi. Si Spinoza, au XVIIe siècle, écrivait que nul ne sait ce que peut un corpsFootnote 4, les philosophes du XVIIIe siècle diraient plutôt que nul ne sait ce qu’est un corps. L’émergence de ce scepticisme vis-à-vis de nos possibilités de connaissance s’accompagne d’une dévalorisation générale des hypothèses et des systèmes au profit d’une considération positive de l’expérience et des faits. L’hypothèse, d’ordre réflexif, est abstraite et dénuée de fondement : elle ouvre la porte à toutes les élucubrations philosophiques, à tous les systèmes métaphysiques et à l’esprit de système négligeant la valeur scientifique des faits. L’esprit de système a toujours une connotation péjorative au XVIIIe siècle, du moins dans les Lumières françaises et, sous le couvert de cette expression, ce sont tous les faiseurs de système et les métaphysiciens bâtisseurs de rêves et romanciers de la nature qui sont décriés. D’Alembert, dans le Discours préliminaire de l’Encyclopédie, décrit en ces termes l’esprit de système :

L’esprit de système est dans la physique ce que la métaphysique est dans la géométrie. S’il est quelquefois nécessaire pour nous mettre dans le chemin de la vérité, il est presque toujours incapable de nous y conduire par lui-même. Éclairé par l’observation de la nature, il peut entrevoir les causes des phénomènes : mais c’est au calcul à assurer pour ainsi dire l’existence de ces causes, en déterminant exactement les effets qu’elles peuvent produire, et en comparant ces effets avec ceux que l’expérience nous découvre. Toute hypothèse dénuée d’un tel secours acquiert rarement ce degré de certitude, qu’on doit toujours chercher dans les sciences naturelles, et qui néanmoins se trouve si peu dans ces conjectures frivoles qu’on honore du nom de systèmes. S’il ne pouvait y en avoir que de cette espèce, le principal mérite du physicien serait, à proprement parler, d’avoir l’esprit de système et de n’en faire jamais (DPE, p. 116).

Condillac, dans le Traité des systèmes, distingue trois sortes de systèmes : ceux qui ont pour principe des maximes générales ou abstraites (par exemple le principe de contradiction : il est impossible que la proposition A soit vraie et que la proposition non A soit vraie en même temps), ceux qui ont pour principe des suppositions, et enfin la troisième sorte, qui est seule valable à ses yeux, celle des systèmes qui ont pour principe des faits bien constatés. Les premiers sont des systèmes abstraits, les seconds des hypothèsesFootnote 5.

Il faut noter toutefois que la critique des systèmes s’accompagne d’un refus de considérer les objets classiques de la métaphysique comme des objets de savoir ou de science; ce refus tient moins à une critique serrée de l’objet de la métaphysique qu’à un rejet pur et simple du tour d’esprit qui produit ce type d’objets. Il se pourrait bien que tout le travail de limitation du champ de la métaphysique ne soit pas guidé par une analyse de ce qu’est l’objet légitime de la métaphysique, mais par la négation d’un modèle : celui du philosophe métaphysicien qui prétend, en mettant en œuvre une démarche hypothético-déductive, réduire l’univers à un système dont il fournit les principes explicatifs. Cependant, ce rejet du modèle du philosophe métaphysicien est corrélé à une refonte de l’usage et du sens du concept de métaphysique. La notion de métaphysique n’est plus utilisée seule, mais comme substantif lié à un complément de nom : métaphysique d’un art, d’une science, du savoirFootnote 6. Le terme tend à signifier théorie de quelque chose, théorie d’un art, d’une science, du savoir en général; la notion prend un sens épistémologique : il s’agit de substituer à la conception de la métaphysique comme science de l’être en tant qu’être la mise en œuvre d’une métaphysique du savoir qui régit l’organisation et la diffusion des connaissancesFootnote 7. C’est pourquoi tout système n’est pas rejeté, mais les Lumières pensent que les bons systèmes ne sont pas encore construits. Ce seront ceux qui substitueront, aux hypothèses et conjectures, des faits et des observations.

C’est ce sens positif du terme «système» que D’Alembert développe dans sa présentation de l’Encyclopédie :

Pour peu qu’on ait réfléchi sur la liaison que les découvertes ont entre elles, il est facile de s’apercevoir que les sciences et les arts se prêtent mutuellement des secours, et qu’il y a par conséquent une chaîne qui les unit. Mais s’il est souvent difficile de réduire à un petit nombre de règles ou de notions générales, chaque science ou chaque art en particulier, il ne l’est pas moins de renfermer dans un système qui soit un, les branches infiniment variées de la science humaine (DPE, p. 113).

Sens positif du terme, mais sens idéal, voire inaccessible, sens à tout le moins aporétique de l’Encyclopédie parfaite qui rendrait compte, dans le déploiement de l’ordre des connaissances qu’elle proposerait, de l’intégralité du réel. Ce sens est visé mais pas atteint dans l’encyclopédie concrète qui est celle de Diderot et de D’Alembert. Comment pourraient-ils produire le système du savoir exprimant parfaitement le système du monde tout en sachant qu’ils se situent non pas au moment hypothétique du savoir absolu mais dans le procès même, dans l’histoire des progrès de l’esprit humain?

D’Alembert et Diderot s’enthousiasment pour la méthode expérimentale : ils louent le chancelier Bacon, John Locke et Isaac Newton pour avoir défendu l’importance des faits et donc de la méthode expérimentale dans le raisonnement scientifique, et combattent René Descartes pour sa méthode hypothético-déductive, tout en restant cartésiens dans leur idéal encyclopédique qui est de produire un système qui soit un, c’est-à-dire qui unifie en son sein toutes les branches infiniment variées du savoir. Cette ambivalence à l’égard de Descartes peut se lire aussi bien dans le Discours préliminaire de l’Encyclopédie que dans les Pensées sur l’interprétation de la nature. Cependant, même si D’Alembert défend l’importance des faits et la méthode expérimentale, il développe une classification des sciences où les sciences mathématiques sont premières dans l’ordre du savoir par leur degré de certitude, ce qui le conduit à soutenir que la mécanique est une science aussi certaine que les mathématiquesFootnote 8. C’est aussi lui qui défend le plus fortement l’exigence d’unité dans l’organisation des connaissances. Diderot est sceptique quant à l’élaboration d’une Encyclopédie conçue sur le modèle d’un système qui soit un. Ces divergences entre les deux éditeurs apparaissent dès leurs premiers textes, ce que nous allons mettre en évidence à travers la comparaison du Discours préliminaire de l’Encyclopédie et des Pensées sur l’interprétation de la nature.

2. Le Discours préliminaire de l’Encyclopédie et les Pensées sur l’interprétation de la nature : les divergences des deux éditeurs

L’adhésion à la méthode expérimentale est explicite dans le paragraphe XXIII des Pensées sur l’interprétation de la nature, où Diderot oppose la philosophie rationnelle, qui déclare hardiment, par exemple, qu’on ne peut décomposer la lumière, et la philosophie expérimentale qui l’écoute et se tait devant elle pendant des siècles avant de produire le prisme (IN, p. 193). Cette adhésion, D’Alembert la partage aussi :

La seule ressource qui nous reste donc dans une recherche si pénible, quoique si nécessaire, et même si agréable, c’est d’amasser le plus de faits qu’il nous est possible, de les disposer dans l’ordre le plus naturel, de les rappeler à un certain nombre de faits principaux dont les autres ne soient que des conséquences. Si nous osons quelquefois nous élever plus haut, que ce soit avec cette sage circonspection qui sied si bien à une vue aussi faible que la nôtre (DPE, p. 31).

En même temps, D’Alembert et Diderot s’accordent à défendre l’idéal cartésien d’une explication méthodique et unifiée de l’univers. Tous deux postulent l’unité de la nature, postulat qui permet de fonder une théorie de la connaissance régie par l’idéal cartésien qui devient l’idéal encyclopédique des deux éditeurs : «L’univers, pour qui saurait l’embrasser d’un seul point de vue, ne serait, s’il est permis de le dire, qu’un fait unique et une grande vérité» (D’Alembert, DPE, p. 39). Diderot tient des propos semblables : «L’indépendance absolue d’un seul fait est incompatible avec l’idée de tout; et sans l’idée de tout, plus de philosophie» (IN, XI, p. 186). Il écrit ailleurs : «Si les phénomènes ne sont pas enchaînés les uns aux autres, il n’y a point de philosophie» (IN, LVIII, p. 240). Ces citations nous instruisent de l’importance de la notion de fait dans l’élaboration du projet encyclopédique, même si cette importance reconnue aux faits doit s’accompagner du postulat de l’unité de la nature pour penser la coïncidence de la chaîne des connaissances à la chaîne des êtres.

L’Encyclopédie est définie comme un recueil raisonné des faits, ce qui veut dire, si l’on se réfère au sens étymologique de raison (en latin ratio : rapport), que l’Encyclopédie vise à montrer les rapports qui lient les faits. On comprend mieux alors le danger que représentent les faits isolés pour le projet encyclopédique : ils compromettent le caractère systématique de l’entreprise. Car le projet de D’Alembert et de Diderot est ambitieux : il s’agit de superposer à la grande chaîne des êtres et des phénomènes la chaîne des connaissances (voir D’Alembert, DPE, p. 13 et Diderot, IN, LVIII, p. 240-241). Qui plus est, l’Encyclopédie ne doit pas produire une simple collection de faits, mais leur connexion (c’est-à-dire l’intelligibilité de la collection). C’est en ceci que réside l’idéal encyclopédique exprimé par D’Alembert (voir DPE, p. 31) et Diderot (voir IN, XXI, p. 191-192). Tous deux reconnaissent dans la formulation du projet encyclopédique que pour atteindre ou du moins approcher cet idéal, il faut allier la démarche empiriste et la démarche rationaliste. Il semble donc y avoir, sur ce point, accord entre les deux éditeurs.

Pourtant, si l’on y regarde de plus près, Diderot est bien plus empiriste que D’Alembert. C’est lui qui descend dans les ateliers et dans les usines pour recueillir les techniques et savoir-faire des manouvriers, c’est lui qui insiste sur la valeur et l’importance des nouvelles sciences (notamment les sciences de la vie et la chimie qui sont des sciences expérimentales)Footnote 9. Diderot revendique même une méthode expérimentale dans la présentation des sciences, des arts et des métiers. Il se considère volontiers comme Socrate qui fait accoucher les artisans et les ouvriers de leur savoir-faire. Cependant, comme le montre François Pépin, Diderot, accoucheur des artisans, fait progressivement place à l’artisan, accoucheur de lui-mêmeFootnote 10. C’est aussi Diderot qui annonce le déclin des sciences purement rationnelles :

Nous touchons au moment d’une grande révolution dans les sciences. Au penchant que les esprits me paraissent avoir à la morale, aux belles-lettres, à l’histoire de la nature, et à la physique expérimentale, j’oserais presque assurer qu’avant qu’il soit cent ans, on ne comptera pas trois grands géomètres en Europe. Cette science s’arrêtera tout court, où l’auront laissée les Bernoulli, les Euler, les Maupertuis, les Clairaut, les Fontaine et les D’Alembert (IN, IV, p. 180-181).

Aux yeux de Diderot, l’heure n’est plus aux mathématiques. Par la priorité qu’elles donnent à l’abstraction sur l’observation, les mathématiques ne peuvent rendre compte de la multiplicité des phénomènes, des êtres particuliers et des matériaux qui constituent l’univers et qu’il s’agit de collecter et de rassemblerFootnote 11. L’heure n’est plus aux mathématiques, elle est désormais au manouvrier et à son travail sans relâche dans les mines du savoir.

À l’inverse, D’Alembert est bien plus rationaliste qu’empiriste. Il ne condamne certes pas la méthode expérimentale, car ce serait aller contre l’esprit du siècle et contre la philosophie des Lumières qui cherche à rompre avec les systèmes métaphysiques mais, dans sa pratique scientifique, il ne s’est pas du tout intéressé aux sciences expérimentales, qu’il considère comme des sciences inférieures aux sciences mathématiques, par leur degré de certitude et sans doute aussi en tant que telles. Dans son domaine de prédilection, la mécanique, il a tenté de montrer que les lois de la mécanique sont de vérité nécessaire et non contingente pour faire de la mécanique une science rationnelle aussi certaine que l’algèbre et la géométrie (et non une science dépendant de la vérification expérimentale de ses lois). Le Traité de dynamique, où d’Alembert a cherché à déduire, de la considération seule de l’existence du mouvement, tous les principes et conséquences de la mécanique, s’avère ainsi être le paradigme d’une application stricte de la méthode des éléments qu’il met en œuvre dans l’Encyclopédie. Dans son article «Éléments des sciences», où il expose cette méthode qui consiste à appliquer le principe d’économie aux principes ou éléments des sciences de manière à économiser les principes ou éléments dans l’exposition d’une scienceFootnote 12, les deux exemples d’éléments qu’il développe relèvent du même modèle déductif de nature mathématique. Pour les éléments de géométrie, il faut partir du principe «vulgaire et simple» de l’étendue : pour la mécanique, de l’existence du mouvement, sans se préoccuper du questionnement métaphysique des hommes sur la nature de l’étendue ou du mouvementFootnote 13 .

Dans le Discours préliminaire de l’Encyclopédie, D’Alembert insiste, par le biais de la métaphore de l’architecte, sur la nécessaire complémentarité des démarches empiriste et rationaliste : «Que dirait-on d’un architecte qui ayant à élever un édifice immense, passerait toute sa vie à en tracer le plan; ou d’un curieux qui se proposant de parcourir un vaste palais, emploierait tout son temps à en observer l’entrée» (DPE, p. 63)? Il est intéressant de noter que Diderot reprend la même métaphore de l’architecte dans les Pensées sur l’interprétation de la nature, mais en l’orientant en faveur de la philosophie expérimentale. C’est la philosophie rationnelle qui s’écroule sous les coups de butoir de cette dernière :

Recueillir et lier les faits, ce sont deux occupations bien pénibles; aussi les philosophes les ont-ils partagées entre eux. Les uns passent leur vie à rassembler des matériaux, manœuvres utiles et laborieux; les autres, orgueilleux architectes, s’empressent à les mettre en œuvre. Mais le temps a renversé jusqu’aujourd’hui presque tous les édifices de la philosophie rationnelle. Le manœuvre poudreux apporte tôt ou tard, des souterrains où il creuse en aveugle, le morceau fatal à cette architecture élevée à force de tête; elle s’écroule; et il ne reste que des matériaux confondus pêle-mêle, jusqu’à ce qu’un autre génie téméraire en entreprenne une combinaison nouvelle (IN, XXI, p. 191-192).

Cependant, l’édifice de l’Encyclopédie reste nécessairement inachevé, car notre connaissance de l’univers n’est pas entière ni complète. C’est pourquoi Diderot compare la vaste enceinte des sciences à un grand terrain parsemé de places obscures et de places éclairées (IN, XIV, p. 189). Cela résonne avec plusieurs métaphores spatiales utilisées par D’Alembert dans le Discours préliminaire de l’Encyclopédie pour désigner l’ouvrage : celui-ci est tantôt une espèce de mappemonde (DPE, p. 60), tantôt une espèce de labyrinthe (ibid., p. 58).

La première métaphore traduit une version optimiste du travail encyclopédique qui consiste à dresser une cartographie du savoir, ce qui présuppose qu’on a une connaissance à peu près achevée de la géographie de l’univers. La métaphore du labyrinthe, en revanche, exprime le caractère imparfait de l’Encyclopédie, tiraillée entre deux exigences (l’exigence d’unité et celle d’exhaustivité), entre deux méthodes (expérimentaleFootnote 14 et hypothético-déductive), et enfin entre une hypothèse métaphysique — le postulat fondamental de l’unité de la nature — et un mouvement de pensée antimétaphysique issu de la réflexion lockéenne rejetant toute possibilité de connaître les choses en soi, c’est-à-dire les essences des chosesFootnote 15. D’Alembert ne cesse de dire aussi qu’on ne peut connaître la nature même des choses (DPE, p. 34 et p. 36), mais il présente le projet encyclopédique comme le projet de faire coïncider la longue chaîne des êtres et celle des connaissances. Sans doute reconnaît-il que cette coïncidence ne peut être conçue qu’idéalement et qu’elle est en fait impossible, vu que le milieu du XVIIIe siècle ne se présente pas comme le moment du savoir absolu ou de la fin des progrès de l’esprit humain où fusionneraient le réel et le rationnel. Aussi Diderot et D’Alembert considèrent-ils leur projet non pas comme aporétiqueFootnote 16, mais comme perfectible : «nous sommes persuadés que la perfection dernière d’une Encyclopédie est l’ouvrage des siècles. Il a fallu des siècles pour commencer; il en faudra pour finir : mais nous serons satisfaits d’avoir contribué à jeter les fondements d’un ouvrage utile» (DPE, p. 150). La superposition idéale des deux chaînes est pensée comme une limite et l’Encyclopédie exprime le rapport asymptotique de la chaîne des connaissances à la chaîne des êtres (la première tendant à rejoindre l’autre prise comme droite, à l’infini). De fait, il y a nécessairement des faits isolés, mais peut-être pas ontologiquement isolés (c’est ce que propose à penser le postulat de l’unité de la nature : ces faits sont provisoirement isolés en raison de l’état d’imperfection de nos connaissances).

3. La mise en œuvre de la métaphysique du savoir malgré (ou grâce à) la conceptualisation inachevée du fait et du système

Le postulat de l’unité de la nature valide tout le projet encyclopédique. En effet, l’Encyclopédie n’entend pas seulement opérer une description de l’état des connaissances au milieu du XVIIIe siècle, elle entend aussi être une épistémologie, c’est-à-dire une théorie du savoir. Le modèle de référence de l’ouvrage, c’est le modèle du vrai système tel que le définit Condillac dans le Traité des systèmes : le vrai système, rappelons-le, est celui qui se fonde sur des faits bien constatés, selon l’expression de Condillac, expression qui signifie en réalité un fait scientifique établi par la méthode expérimentale, autrement dit une loi scientifique. Cette notion de vrai système enclenche et justifie la démarche encyclopédique qui consiste précisément à bien constater les faits, à les collecter et à les systématiser, même si l’entreprise est vouée à l’imperfection.

Mais peut-être la richesse de l’entreprise de Diderot et de D’Alembert tient-elle finalement à cette conceptualisation inachevée du fait et du système. Car il est clair, à la lecture du Discours préliminaire de l’Encyclopédie de D’Alembert, du Prospectus de Diderot et des articles épistémologiques importants de l’Encyclopédie tels l’article «Éléments des sciences» ou l’article «Encyclopédie», que le travail de différenciation conceptuelle entre les notions de fait, de phénomène et de principe n’est pas systématiquement effectué. L’article «Système», signé par D’Alembert, nous propose pourtant une articulation de ces trois notions :

Il y a cette différence entre les hypothèses et les faits qui surviennent des principes, qu’une hypothèse devient plus incertaine à mesure qu’on découvre un plus grand nombre d’effets, dont elle ne rend pas raison; au lieu qu’un fait est toujours également certain, et il ne peut cesser d’être le principe des phénomènes, dont il a une fois rendu raison. S’il y a des effets qu’il n’explique pas, on ne doit pas le rejeter, on doit travailler à découvrir les phénomènes qui le lient avec eux, et qui forment de tous un seul systèmeFootnote 17.

Ce passage exprime bien que, pour D’Alembert, le fait n’est pas le fait brut ni le pur donné, mais est construit par un raisonnement qui repère un ordre de phénomènes et l’unifie en un principe ou fait bien constaté. Le fait bien constaté est «principe des phénomènes», autrement dit il les unifie. D’Alembert reprend ici l’assimilation opérée par Condillac entre les notions de fait bien constaté et de principeFootnote 18. Le fait bien constaté a un statut de loi : il rassemble et ordonne le donné brut, phénoménal. On comprend mieux à présent la conjuration de l’indépendance du fait exprimée par Diderot à la fin du paragraphe XI des Pensées sur l’interprétation de la nature (IN, p. 186) : si un seul fait est indépendant, cela signifie qu’on peut penser une unité de phénomènes indépendamment de l’ensemble des phénomènes; cela signifie qu’on peut penser un empire dans un empire, ce qui produit une disjonction irrémédiable entre la chaîne continue des êtres et la saisie progressive de cette chaîne ontologique dans une chaîne, cette fois, épistémologique (ibid., LVIII, p. 240). Car le fait est bien le maillon qui articule le réel et le rationnel. Il a un statut à la fois ontologique et épistémologique, statut qui est la résultante de deux tendances contradictoires : la tendance à l’idée de tout (l’exigence d’exhaustivité qui consiste à collecter tous les faits) et la tendance à l’idée de principe (l’exigence d’unité : la collection des faits doit être unifiée par un principe). Ces deux tendances sont issues du double héritage baconien et cartésien que revendiquent Diderot et D’Alembert : Diderot étant à BaconFootnote 19 ce que D’Alembert est à DescartesFootnote 20, tous deux héritiers critiques, mais héritiers. Il convient toutefois d’apporter un correctif à cette analogie qui pourrait faire penser que Diderot hérite seulement de Bacon et D’Alembert de Descartes, car ils sont tous deux, en tant que directeurs de l’Encyclopédie, héritiers critiques de Bacon et de DescartesFootnote 21.

Porteuse de cette double tendance, l’Encyclopédie peut se définir comme le recueil unifié des faits qui sont des faits construits. L’ordre encyclopédique qui les saisit, les saisit dans leur unité ontologique (les faits sont principes des phénomènes) et dans leur unité épistémologique (les faits sont aussi principes des sciences). Le fait est la notion où s’identifie le principe pensé comme principe des phénomènes et le principe pensé comme principe des sciences :

Ce n’est donc point par des hypothèses vagues et arbitraires que nous pouvons espérer de connaître la nature, c’est par l’étude réfléchie des phénomènes, par la comparaison que nous ferons des uns avec des autres, par l’art de réduire autant qu’il sera possible, un grand nombre de phénomènes à un seul qui puisse en être regardé comme le principe. En effet, plus on diminue le nombre des principes d’une science, plus on leur donne d’étendue (D’Alembert, DPE, p. 30).

Or D’Alembert identifie le principe au fait (voir l’article «Système» que nous avons cité). Plus une science progresse, plus elle évolue vers l’unité, plus ses principes sont en petit nombre, c’est-à-dire plus ses faits s’abrègent. En même temps, plus la saisie du réel qu’elle propose est étendue. Cette progression d’une science par diminution de ses principes sert de modèle à l’Encyclopédie, elle exprime le mariage heureux entre les deux tendances d’exhaustivité et d’unité.

Cependant, toute encyclopédie concrète ne peut fournir que des bribes de l’intelligence du réel. Et ces bribes ne suffisent même pas à former le sens du monde : «Tous les êtres, et par conséquent tous les objets de nos connaissances, ont entre eux une liaison qui nous échappe; nous ne devinons dans la grande énigme du monde que quelques syllabes dont nous ne pouvons former un sens»Footnote 22. L’Encyclopédie parfaite qui répondrait à l’exposition une et exhaustive de la chaîne des êtres, qui embrasserait d’un seul point de vue tout l’univers et le présenterait comme un fait unique et une grande vérité (voir DPE, p. 39) est une idée régulatrice du savoir. Les encyclopédies concrètes gardent cette fonction régulatrice dans l’organisation, à tel moment donné, des connaissances.

L’exposition encyclopédique tend ainsi à compenser le désordre effectif des progrès de l’esprit humain que D’Alembert décrit comme un droit d’errer dans un texte qui pourrait être qualifié de «cinématographique» avant l’heure tellement l’esprit ici décrit ressemble au personnage de Charlie Chaplin, tout en mouvement, cabrioles, danse :

Pressé par ses besoins et par ceux du corps auquel il [l’esprit] est uni, il étudie d’abord les premiers objets qui se présentent à lui; pénètre le plus avant qu’il peut dans la connaissance de ces objets; rencontre bientôt des difficultés qui l’arrêtent, et soit par l’espérance ou même par le désespoir de les vaincre, se jette dans une nouvelle route; revient ensuite sur ses pas; franchit quelquefois les premières barrières pour en rencontrer de nouvelles; et passant rapidement d’un objet à un autre, fait sur chacun de ces objets à différents intervalles et comme par secousses, une suite d’opérations dont la discontinuité est un effet nécessaire de la génération même de ses idées. Mais ce désordre, tout philosophique qu’il est de la part de l’esprit, défigurerait, ou plutôt anéantirait entièrement un arbre encyclopédique dans lequel on voudrait le représenter (DPE, p. 58-59).

D’Alembert est ici explicite : l’ordre encyclopédique, parce qu’il répond, autant que faire se peut, à l’exigence d’unité du modèle déductif des sciences, vient compenser le désordre effectif des progrès et du droit d’errer de l’esprit, et la discontinuité de ses découvertes qui en résulte. C’est à partir de ces découvertes discontinues et fragmentaires que l’Encyclopédie cherche à fabriquer de l’information, de l’ordre et de l’organisation : au modèle géométrique de l’asymptote de l’encyclopédie cherchant à rejoindre à l’infini la droite de l’omniscience s’ajoute un nouveau modèle organique pour penser l’encyclopédie. Ces deux modèles convergent pour représenter un ouvrage qui articule la tendance empiriste de l’esprit visant à collecter les faits et la tendance rationaliste cherchant à les ordonner et à les organiser en un système souple du savoir, souple parce qu’ouvert sur l’histoire et l’avenir des sciences.

C’est en effet la reconnaissance du caractère relatif, provisoire et précaire de l’Encyclopédie par ses deux éditeurs qui en fait la fécondité et l’intérêt. C’est ce qui préserve l’ouvrage d’un double danger : être l’esclave des faits ou être l’esclave des systèmes. Certes l’Encyclopédie, pour être aussi complète que possible, doit se soumettre aux faits : elle doit consigner tous les procédés des arts et métiers, et recueillir jusqu’aux tours de main des artisans ainsi que tous les faits historiques qui peuvent être l’origine et l’occasion de découvertes et d’inventions d’un grand intérêt scientifique (il faut ici souligner l’originalité d’une démarche comme celle de Diderot qui est allé recueillir, dans les ateliers, auprès des artisans, les savoir-faire et les processus de fabrication représentés dans les planchesFootnote 23).

L’encyclopédie réelle est perfectible, elle doit sans cesse trouver un équilibre entre l’importance des faits et l’exigence de les ordonner et de les systématiser. Mais comme le savoir est en mouvement et que la fin de l’Encyclopédie est sa finFootnote 24 (la péremption de l’Encyclopédie étant la meilleure preuve de sa réussite), il s’agit de conquérir mais aussi de perdre sans cesse cet équilibre. Or ce travail incessant de trouver son assiette pour la perdre aussitôt s’opère par un usage régulé et régulier des hypothèses qui sont les moteurs de recherche du savoir. Ne quid nimis hypotheses : ni trop, ni trop peu d’hypothèses. Trop d’hypothèses fait verser dans le système et l’esprit de système. Trop peu d’hypothèses empêche l’invention conceptuelle et l’esprit systématique ou philosophique de s’épanouir. Or toutes ces lignes de force de l’Encyclopédie, à savoir que les sciences progressent par une succession d’hypothèses rectifiées, que l’Encyclopédie elle-même progresse par une succession d’encyclopédies rectifiées, que le savoir est en mouvement perpétuel, ont été mises en tension dans un ouvrage qui a fait date, ne serait-ce que par son projet audacieux de synthèse entre la métaphysique leibnizienne et la physique newtonienne : Les institutions de physique de la Marquise du Châtelet, publiées en 1740. Émilie du Châtelet y développe une analyse sur les hypothèses dont les encyclopédistes et notamment D’Alembert ont fait leur miel. La philosophie des sciences qui se déploie dans l’Encyclopédie, et particulièrement la réflexion sur l’usage des hypothèses, est directement issue de la grande mathématicienne traductrice de Newton.

4. L’usage et l’utilité des hypothèses pour faire progresser le savoir ou l’influence de Madame du Châtelet sur l’épistémologie de l’Encyclopédie

Gabrièle-Émilie de Breteuil, la Marquise du Châtelet (1706-1749), a marqué le savoir de son siècle et marque encore aujourd’hui le savoir, ne serait-ce que par le travail de traduction et de commentaire qu’elle a fourni sur Newton : la seule traduction intégrale actuellement disponible en français de l’œuvre magistrale de Newton, les Principes mathématiques de la philosophie naturelle, est celle de la marquise du Châtelet. Or D’Alembert, quand il s’interroge sur la place qu’il faut accorder aux hypothèses, quand il réfléchit à l’imagination et à l’erreur ou plutôt à l’errance dans l’art d’inventer, et quand il affirme qu’en science il faut toujours défendre une position d’indépendance et de liberté par rapport à tout argument d’autorité, fût-il d’ordre méthodologique, est le digne héritier d’Émilie du Châtelet qu’il a lue attentivement et qu’il n’hésite pas à mentionner sous la périphrase d’«une Dame illustre»Footnote 25. Quelle est donc la conception des hypothèses que propose la Marquise? Quelles sont les autres conceptions de la Marquise qui ont influencé la pensée de D’Alembert?

Après avoir traduit l’expression newtonienne «hypotheses non fingo» par «je n’imagine pas d’hypothèses»Footnote 26, la Marquise du Châtelet ne peut s’empêcher de critiquer cette position radicale de Newton dès l’Avant-propos des Institutions de physique. Selon la Marquise, les hypothèses sont nécessaires en physique, car elles sont fécondes et heuristiques et obligent les scientifiques à se mettre au travail et à ne pas se contenter de ce qu’ils ont découvert. Par conséquent, Newton a tort de renoncer à élaborer des hypothèses pour assigner une cause à l’attraction :

aussi rien n’est-il plus capable de retarder les progrès des sciences que de vouloir les en bannir, et de se persuader que l’on a trouvé le grand ressort qui fait mouvoir toute la nature, car on ne cherche point une cause que l’on croit connaître, et il arrive par là que l’application des principes géométriques de la mécanique aux effets physiques, qui est très difficile et très nécessaire, reste imparfaite, et que nous nous trouvons privés des travaux et des recherches de plusieurs beaux génies qui auraient peut-être été capables de découvrir la véritable cause des phénomènesFootnote 27.

Elle reconnaît toutefois que les hypothèses peuvent être dangereuses si elles se mêlent aux conclusions du raisonnement : «Il est vrai que les hypothèses deviennent le poison de la philosophie quand on les veut faire passer pour la vérité»Footnote 28. La Marquise ici paie son tribut à l’air du temps qui condamne les systèmes fondés sur des hypothèses et l’esprit de système qui les régit. La position que défend Émilie du Châtelet dans l’Avant-propos est tempérée : certes, les hypothèses nous aident à force de tâtonnements dans la recherche du vrai mais, dans cette démarche aveugle, elles doivent s’appuyer sur le bâton de l’expérience, seul recours permettant de réguler le pas du scientifique : «l’expérience est le bâton que la nature a donné à nous autres aveugles, pour nous conduire dans nos recherches; nous ne laissons pas avec son secours de faire bien du chemin, mais nous ne pouvons manquer de tomber si nous cessons de nous en servir; c’est à l’expérience à nous faire connaître les qualités physiques, c’est à notre raison à en faire usage et à en tirer de nouvelles connaissances et de nouvelles lumières»Footnote 29.

Cette méthode à suivre pour se servir des hypothèses en physique est approfondie dans le chapitre IV des Institutions de physique. La Marquise nous livre ici ses réflexions sur l’art de conjecturer. Elle commence par rappeler l’obligation d’errer en science : «Il y a des vérités inconnues comme des pays, dont on ne peut trouver la bonne route qu’après avoir essayé de toutes les autres. Ainsi, il faut nécessairement que quelques-uns risquent de s’égarer, pour marquer le bon chemin aux autres : ce serait donc faire un grand tort aux sciences, et retarder infiniment leurs progrès que d’en bannir avec quelques philosophes modernes, les hypothèses»Footnote 30. Suit une critique des deux excès inverses : abuser des hypothèses, comme les cartésiens, et tomber dans des fictions, ou bien bannir les hypothèses, comme les newtoniens, et renoncer à assigner et démontrer les causes de tout ce que nous voyons.

Contre ces deux excès inverses, il faut se donner une méthode pour bien user des hypothèses et ne pas craindre de nous tromper et d’errer en nous mettant en chemin, car plusieurs routes s’offrent à nous : «mais si l’incertitude où l’on est, lequel de ces chemins est le bon, était une raison pour en prendre aucun, il est certain qu’on n’arriverait jamais; au lieu que lorsqu’on a le courage de se mettre en chemin, on ne peut douter que de trois chemins, dont deux nous ont égarés, le troisième nous conduira infailliblement au but»Footnote 31.

La Marquise développe ici une conception positive de l’erreur et de l’obligation d’errer en science. L’erreur n’est pas à rejeter car elle nous indique les voies à ne pas suivre et nous oblige à changer de méthode d’investigation. L’erreur a, tout comme l’hypothèse dont elle résulte, une valeur heuristique; elle nous oblige à tenter d’autres chemins, à oser élaborer d’autres hypothèses qui elles-mêmes nous mettent en route sans que nous sachions si ce chemin conduit à une découverte ou ne mène nulle part. Mais nous savons, depuis l’Avant-propos, que nous avons le bâton de l’expérience pour ne pas nous égarer dans des pays imaginaires ou des romans de la nature.

Dans le chapitre IV consacré aux hypothèses, la Marquise montre que les sciences, et notamment l’astronomie, progressent par la succession d’hypothèses corrigées ou rectifiées : «Il est donc évident que c’est aux hypothèses successivement faites et corrigées que nous sommes redevables des belles et sublimes connaissances dont l’astronomie et les sciences qui en dépendent sont à présent remplies; et l’on ne voit pas comment il aurait été possible aux hommes d’y parvenir par un autre moyen»Footnote 32. L’art de conjecturer et l’obligation d’errer sont donc constitutifs de l’art d’inventer, comme le dernier paragraphe du chapitre le souligne : «En distinguant entre le bon et le mauvais usage des hypothèses, on évite les deux extrémités, et sans se livrer aux fictions, on n’ôte point aux sciences une méthode très nécessaire à l’art d’inventer, et qui est la seule qu’on puisse employer dans les recherches difficiles qui demandent la correction de plusieurs siècles, et les travaux de plusieurs hommes, avant d’atteindre une certaine perfection»Footnote 33.

Les idées développées par la Marquise dans ce chapitre sont amplement reprises par les encyclopédistes et, en particulier, par D’Alembert dans sa philosophie des sciences. En premier lieu, D’Alembert développe dans les Éléments de philosophie des considérations sur l’art de conjecturer fort proches de celles de la Marquise. Il explique que certaines questions en physique relèvent de l’art de conjecturer :

ainsi on doit apprendre dans les matières purement conjecturales à ne pas confondre avec le vrai rigoureux ce qui est simplement probable, à saisir dans le vraisemblable même les nuances qui séparent ce qui l’est davantage de ce qui l’est moins. Tel est l’usage de cet esprit de conjecture; plus admirable quelquefois que l’esprit même de découverte, par la sagacité avec laquelle il fait entrevoir ce qu’on ne peut pas parfaitement connaître, suppléer par des à peu près à des déterminations rigoureuses et substituer lorsqu’il est nécessaire la probabilité à la démonstration, avec les restrictions d’un pyrrhonisme raisonnableFootnote 34.

Dans ce passage, en insistant sur le fait qu’on ne doit pas confondre le rigoureusement vrai avec le probable, D’Alembert reprend l’idée de la Marquise selon laquelle les hypothèses, si on les fait passer pour des vérités, deviennent le poison de la philosophie. Il souligne également le caractère heuristique des hypothèses et de l’esprit de conjecture «plus admirable quelquefois que l’esprit de découverte» par les chemins qu’il indique.

Par ailleurs, D’Alembert, en tant que directeur de la partie scientifique de l’Encyclopédie Footnote 35, a certainement supervisé l’article «Hypothèses» de l’Encyclopédie et contribué à ce qu’il soit une reprise mot à mot de certains passages du chapitre IV des Institutions de physique Footnote 36.

Enfin, D’Alembert est aussi l’héritier d’Émilie du Châtelet en ce qui concerne l’argument d’autorité : celui-ci n’a aucune place en science. En effet, quand la Marquise n’hésite pas à critiquer Newton, par certains aspects de son œuvre (elle critique notamment son rejet des hypothèses et l’absurdité de certaines des questions finales de l’Optique), elle le fait au nom d’un refus de l’argument d’autorité en science : «[…] lorsqu’on a l’usage de la raison, il ne faut en croire personne sur sa parole, mais il faut toujours examiner par soi-même, en mettant à part la considération qu’un nom fameux emporte toujours avec lui»Footnote 37. Or, D’Alembert n’hésite pas lui non plus à critiquer Newton; il a même pensé un moment remettre en question sa théorie scientifique à propos du problème des trois corps. Rappelons ici que le calcul du périgée de la Lune, qui plongea Clairaut, D’Alembert et Euler dans la controverse du problème des trois corps, était au départ en désaccord avec la théorie newtonienne de l’attraction, jusqu’à ce que les trois savants découvrent chacun leur erreur et réhabilitent la théorie newtonienne. Ce qui se joue derrière cette controverse, c’est le refus de considérer l’œuvre newtonienne comme un système clos et auto-suffisant. D’Alembert, à la suite de la Marquise, rejette tout argument d’autorité en science, y compris celui qui a pour nom Newton. La lettre à M.***, qu’il écrit en réponse au discours du Prince Louis Gonzaga di Castiglione prononcé à la Société Royale de Londres, est de ce point de vue tout à fait significative : «L’objet du discours dont il s’agit ici est de sacrifier les géomètres français au grand Newton (qui n’a pas besoin pour être grand qu’on lui sacrifie personne) et de faire entendre que nos mathématiciens n’ont fait que mettre en calcul ce que Newton avait déjà trouvé avant eux, ou ce qu’il n’a pas cru digne d’être développé dans son livre des Principes; cet ouvrage selon l’auteur du discours, n’a laissé aux siècles suivants que l’honneur de le commenter»Footnote 38. Prenant alors la défense des géomètres français, D’Alembert énumère les progrès qui leur sont dus et cite notamment le problème des trois corps. Dans le Discours préliminaire de l’Encyclopédie, D’Alembert reprend la conception de la Marquise selon laquelle les progrès des sciences sont de nature historique, ce qui est une manière forte de dire que la physique cartésienne doit désormais faire place à la physique newtonienne, qui est pour l’instant la plus reconnue, grâce au calcul qui permet de l’étayer : «cette démonstration [de la gravitation des planètes] qui n’appartient qu’à lui, fait le mérite réel de sa découverte; et l’attraction sans un tel appui serait une hypothèse comme tant d’autres» (DPE, p. 101). Cela ne veut pas dire toutefois que le système newtonien est figé dans le marbre; D’Alembert va même jusqu’à demander ce qui se produirait «Si le newtonianisme venait à être détruit de nos jours» (ibid., p. 111). On retrouve ici la proposition de la Marquise selon laquelle les sciences progressent par une série d’hypothèses rectifiées : «Il est évident que c’est aux hypothèses successivement rectifiées et corrigées que nous sommes redevables des belles et sublimes connaissances dont l’astronomie et les sciences qui en dépendent sont à présent remplies; et l’on ne voit pas comment il aurait été possible aux hommes d’y parvenir par un autre moyen»Footnote 39. L’art de conjecturer et l’obligation d’errer sont donc constitutifs de l’art d’inventer.

Footnotes

1 Jean Le Rond D’Alembert (1984 [1751]). Nous citons le texte de la 3e édition de 1763 à partir de l’édition parue chez Vrin en 1984. Dorénavant, nous référons au Discours préliminaire dans le corps du texte en employant l’abréviation DPE.

2 Denis Diderot (1964 [1753]). Nous employons dorénavant l’abréviation IN pour renvoyer à ce titre dans le corps du texte.

3 Nous entendons par empirisme le mouvement, bien représenté par Diderot, qui privilégie méthode et sciences expérimentales (dans le prolongement de Francis Bacon et de John Locke), et par rationalisme le mouvement bien représenté par D’Alembert, qui privilégie les mathématiques et l’abstraction (dans le prolongement de Descartes et des savants de l’Académie Royale des Sciences de Paris).

4 Spinoza, Éthique (1965, partie III, proposition II, scolie, p. 137) : «Personne, il est vrai, n’a jusqu’à présent déterminé ce que peut le corps».

5 Étienne Bonnot de Condillac, Traité des Systèmes, dans Œuvres complètes, tome II (1970 [1798], chap. 1, p. 10).

6 Sur ce nouvel usage du terme «métaphysique» chez les deux directeurs de l’Encyclopédie, nous renvoyons, pour Diderot, à Colas Duflo, Diderot philosophe (2003, p. 162-167 et p. 172) et, pour D’Alembert, à Véronique Le Ru, D’Alembert philosophe (1994, p. 169-185). Voir aussi, sur les variations de sens du terme «métaphysique» au XVIIIe siècle, Pierre Girard, Christian Leduc et Mitia Rioux-Beaulne, dir., Les métaphysiques des Lumières (2016). Sur l’usage du terme chez Diderot, on peut aussi consulter l’article de Jean-Claude Bourdin, «Diderot métaphysicien. Le possible, le nécessaire et l’aléatoire» (2008, p. 13-36) et, plus récemment, Jean-Louis Labussière, «Diderot métaphysicien. Prédication, participation et existence» (2016, p. 21-72).

7 Sur cette mise en place de la métaphysique du savoir par les deux éditeurs, voir Véronique Le Ru, «Langue et savoir dans l’Encyclopédie : le concours et la concurrence des deux éditeurs dans l’invention et la mise en œuvre d’une nouvelle métaphysique du savoir» (2015b, p. 97-113).

8 Voir le Discours préliminaire du Traité de dynamique (1990 [1743] p. I-II) : «Il n’y a, pour parler exactement, que celles qui traitent du calcul des grandeurs, et des propriétés générales de l’étendue, c’est-à-dire l’algèbre, la géométrie et la mécanique, qu’on puisse regarder comme marquées au sceau de l’évidence».

9 Sur cette mise en exergue de la chimie et des sciences expérimentales, voir François Pépin, La Philosophie expérimentale de Diderot et la chimie. Philosophie, sciences et arts (2012, en particulier la première partie). Voir aussi, pour la description des arts, Jacques Proust, Diderot et l’Encyclopédie (1995, p. 196-200) et Michel Malherbe, «Bacon, Diderot et l’ordre encyclopédique» (1994).

10 Voir François Pépin, «Diderot et la langue des savoirs expérimentaux : dire les pratiques et révéler leur dignité philosophique» (2014).

11 On reconnaît le critère de la séparation du sensible constitutive de l’abstraction depuis Suarez au moins, et que Diderot reprend en disant que l’abstraction est légitime quand elle simplifie, mais que la physique ou les sciences physico-mathématiques doivent s’en abstenir, car l’abstraction risque de les faire tomber dans l’erreur. Le danger est grand, en effet, de simplifier une nature aux formes inépuisables et peut-être infiniment singulières où s’applique implicitement le principe des «indiscernables». Sur ces rapports souterrains entre Leibniz et Diderot, voir Christian Leduc et alii, Leibniz et Diderot. Rencontres et transformations (2015).

12 Voir le sous-titre du Traité de dynamique dans lequel les lois de l’équilibre et du mouvement des corps sont réduites au plus petit nombre possible.

13 Voir D’Alembert, «Éléments des sciences», dans Diderot et D’Alembert, dir., Encyclopédie ou Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers par une société de gens de lettres (1966 [1751-1780], tome V [1755], p. 493) : «les vérités géométriques ne tiennent point aux principes contestés sur la nature de l’étendue, […] il est sur cette matière un point commun où toutes les sectes se réunissent; un principe vulgaire et simple d’où elles partent toutes sans s’en apercevoir; principe qui s’est obscurci par les disputes, ou qu’elles ont fait négliger, mais qui n’en subsiste pas moins. De même, quoique le mouvement et ses propriétés principales soient l’objet de la mécanique, néanmoins la métaphysique obscure et contentieuse de la nature du mouvement, est totalement étrangère à cette science».

14 La méthode expérimentale comprend certes l’élaboration d’une hypothèse pour expliquer un fait qu’il faut ensuite vérifier par l’expérimentation, mais cet usage est toujours minimisé, voire passé sous silence par Diderot, qui s’inscrit en ce sens dans les pas des newtoniens.

15 Cette impossibilité de connaître les essences des choses est explicitée par Diderot dès le début de son article «Animal» dans l’Encyclopédie (Diderot et D’Alembert, dir., 1966 [1751-1780], tome I, p. 250), où il explique qu’il ne devrait pas être possible d’user de noms généraux, lesquels trahissent inévitablement l’irréductible diversité des individus de la nature. Le Rêve de d’Alembert va plus loin encore, en pulvérisant non seulement la notion d’essence mais aussi celle d’individu, qui réintroduit une fixité et une autonomie ontique illusoire dans la nature. Sur la critique de la notion d’essence, voir Colas Duflo (2003, p. 238-240) et, plus brièvement, Günther Mensching, «La nature et le premier principe de la métaphysique chez d’Holbach et Diderot» (1992).

16 Voir DPE, p. 12 : «l’ouvrage que nous commençons, nous désirons le finir».

17 D’Alembert, article «Système», dans l’Encyclopédie (Diderot et D’Alembert, dir., 1966 [1751-1780], tome XV [1765], p. 778).

18 Les vrais systèmes, selon Condillac, sont ceux qui sont fondés sur des faits bien constatés reconnus comme principes. Voir Condillac, Traité des systèmes, dans Œuvres complètes, tome II (1970 [1798], chap. 1, p. 6) : «Par exemple, la gravité des corps a été de tout temps un fait ben constaté, et ce n’est que de nos jours qu’elle a été reconnue pour un principe. C’est sur les principes de cette dernière espèce que sont fondés les vrais systèmes».

19 En dehors de l’historiographie italienne et anglaise qui les ont mis en évidence depuis longtemps, les rapports de Diderot à Bacon sont analysés plus récemment dans l’ouvrage de Paolo Quintili, La pensée critique de Diderot. Matérialisme, science et poésie à l’âge de l’Encyclopédie, 1742-1782 (2001). Ils sont aussi étudiés dans les introductions et annotations des éditions des Pensées sur l’interprétation de la nature par Colas Duflo dans l’édition parue en 2005 chez Vrin (voir Diderot, Reference Diderot2005) et par Barbara de Negroni dans l’édition de la bibliothèque de la Pléiade dirigée par Michel Delon (voir Diderot, Reference Diderot and Delon2010).

20 Sur les rapports de D’Alembert à Descartes, voir Véronique Le Ru, La crise de la substance et de la causalité — Des petits écarts cartésiens au grand écart occasionaliste (2003, II, chapitre IV sur la transmission occasionaliste de la crise de la substance et de la causalité dans l’Encyclopédie, p. 167-184).

21 Sur l’héritage de Bacon, voir la publication dans le DPE des Observations sur la division des sciences du Chancelier Bacon et du Système général de la connaissance humaine suivant le Chancelier Bacon et enfin du Système figuré des connaissances. Sur l’héritage de Descartes, voir Mariafranca Spallanzani, L’arbre et le labyrinthe. Descartes selon l’ordre des Lumières (2009b).

22 D’Alembert, Éléments de philosophie (1986 [1759], p. 25).

23 Voir, sur ce travail de Diderot, l’article de Mariafranca Spallanzani, «“Le métier à bas est comme un seul et unique raisonnement”. L’Encyclopédie vers une philosophie de la machine» (2009a, p. 59). Voir aussi Véronique Le Ru, «L’Encyclopédie “entière” ou comment mettre en relation le discours et les planches, à travers l’exemple du métier à bas» (2015a).

24 Voir Véronique Le Ru, «La fin de l’Encyclopédie, c’est sa fin» (2016).

25 D’Alembert cite en ces termes Madame du Châtelet parmi les mathématiciens illustres qui ont écrit à propos des forces vives dans la préface de la première édition de 1743 de son Traité de dynamique (D’Alembert, Reference D’Alembert1990 [1758], p. XVII). Il était inconvenant de citer explicitement le nom d’une grande Dame, fût-elle savante.

26 Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle, trad. Marquise du Châtelet (1990 [1756-1759], tome II, p. 179).

27 Émilie du Châtelet (1740, p. 9).

28 Ibid.

29 Ibid., p. 10.

30 Ibid., p. 75.

31 Ibid., p. 75.

32 Émilie du Châtelet (1740, p. 79-80).

33 Ibid., p. 88.

34 D’Alembert (1986 [1759], p. 36).

35 D’Alembert a été co-directeur avec Diderot de l’Encyclopédie jusqu’en 1758 puis, après sa démission, il se contenta de diriger la partie scientifique de l’ouvrage.

36 La comparaison entre l’article «Hypothèses» de l’Encyclopédie et le chapitre IV des Institutions de physique a été soigneusement menée par Koffi Maglo, dans son article «Madame du Châtelet, l’Encyclopédie, et la philosophie des sciences» (2008, p. 255-260).

37 Émilie du Châtelet (1740, p. 11).

38 D’Alembert, Correspondance inédite de D’Alembert avec Cramer, Lesage, Clairaut, Turgot, Castillon, Béguelin, etc. (1885, p. 95).

39 Émilie du Châtelet (1740, p. 79-80).

References

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