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Théologie de la rédemption et éthique sexuelle: unité et cohérence du ‘développement’ 1 Co 5–7

Published online by Cambridge University Press:  03 September 2018

Loïc P. M. Berge*
Affiliation:
Sonderforschungsbereich 1136 Bildung und Religion, Universität Göttingen, Nikolausberger Weg 23, 37073 Göttingen, GERMANY. Email: loic.berge@gmail.com
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Abstract

The literary status of 1 Cor 5–7 is diversely considered in scholarly literature. Sometimes these chapters are seen as a stand-alone part of the letter, sometimes they are divided in separate blocks, chapters 5–6 on the one hand and chapter 7 on the other. However, an original approach that pays close attention to the structure of the text makes it possible to show the neat architecture of this larger textual unit. The concentric structure of the three chapters (A–B–A’) highlights their literary unity and stresses the significance of the central chapter, which correspondingly possesses the greatest theological density of the whole section.

French abstract: Le statut littéraire des chapitres 5–7 de la première épître aux Corinthiens est diversement considéré dans la recherche. Si ces chapitres sont parfois vus comme une partie autonome de l’épître, ils sont aussi fréquemment divisés en deux blocs distincts, les chapitres 5–6 d'une part et le chapitre 7 d'autre part. Une approche originale, attentive à la hiérarchie des énoncés et à l'organisation du texte, permet pourtant de mettre en évidence la cohérence et l'unité littéraire de cette portion de l’épître. Le texte est composé de trois ʻensemblesʼ, disposés de manière concentrique A (5,1–13) – B (6,1–20) – Aʼ (7,1–40). Cet agencement met en valeur l'ensemble central (B), doté précisément de la plus grande densité théologique.

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Articles
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Copyright © Cambridge University Press 2018 

1. Introduction

Les chapitres 5–7 de la première épître aux Corinthiens sont, d'un point de vue thématique, fortement unifiés.Footnote 1 Ils sont en effet pour l'essentiel consacrés à des questions d’éthique sexuelle. Le chapitre 5 aborde un cas d'inceste. Le chapitre 6 se penche sur la question des procès (6,1–11) et sur la prostitution (6,12–20). Le chapitre 7 enfin examine certains aspects de la vie de couple. Cette unité thématique confère à ces trois chapitres une certaine autonomie, d'autant qu'ils se détachent très nettement tant de ce qui les précède (1,10–4,21, sur les divisions) que de ce qui les suit (8,1–11,1, sur les viandes sacrifiées aux idoles). Pourtant, lorsque les exégètes examinent la délimitation des grandes parties de l’épître, l'autonomie et l'unité de 1 Co 5–7 ne sont pas toujours considérées comme une évidence. Certains auteurs considèrent bien ces trois chapitres comme une grande partie autonome,Footnote 2 mais d'autres les divisent en deux blocs distincts et indépendants, les chapitres 5–6 d'une part, et le chapitre 7 d'autre part.Footnote 3 D'autres encore rattachent les chapitres 5–6 à ce qui précède et le chapitre 7 à ce qui suit.Footnote 4

L'hésitation sur le statut de 1 Co 5–7 par rapport à l'ensemble de l’épître tient sans doute au fait que l'unité littéraire de ces trois chapitres n'a pas été encore suffisamment explorée. La présente étude se propose de réexaminer en ce sens la cohérence de 1 Co 5–7 et de fournir de nouvelles preuves de l'unité littéraire de cette partie de l’épître.Footnote 5 Un examen attentif de l’organisation du texte est ici nécessaire, afin de répondre aux questions suivantes. Les différents points abordés par ces trois chapitres sont-ils ici réunis dans un ordre aléatoire, c'est-à-dire en quelque sorte dans le désordre – Paul (ou l’éditeur final de la lettre) ayant rassemblé ces questions à cause de leur parenté thématique mais sans ordre particulier ? Tel est notamment à peu de choses près le choix de Baumert, qui non seulement considère 1 Co 5–6 et 1 Co 7 comme deux parties indépendantes mais voit encore dans les chapitres 5–6 ʻtrois passages mis bout à bout sans liens très étroitsʼ.Footnote 6 Ou bien avons-nous affaire au contraire à un agencement littéraire organisé et structuré ? En ce cas, quelles sont la structure et l'organisation du texte et quelle théologie expriment-elles ?

L'originalité de ce questionnement s'impose dès lors qu'on regarde l'exploitation qui, chez les commentateurs, est généralement faite des grandes divisions de la lettre. Ces divisions reviennent le plus souvent à des descriptions de contenus. Leur rôle est de tracer par commodité de grandes avenues dans l’épître, pour faciliter la présentation du commentaire exégétique qui suit. La question de l'organisation, de l'unité et de la cohérence internes de chacun de ces grands blocs est en revanche rarement explorée pour elle-même. Ainsi Collins rassemble les trois chapitres 5–7 sous le titre ʻSecond Rhetorical Demonstrationʼ.Footnote 7 Mais pour expliquer leur unité d'ensemble il se contente – sur une centaine de pages consacrées à 1 Co 5–7 – de relever quelques correspondances thématiques et lexicales à l'intérieur de ces trois chapitres.Footnote 8 Ces correspondances ne manquent pas de pertinence mais elles ne sauraient suffire à mettre en évidence la cohérence et la structure de ces chapitres. L'examen de l'agencement de 1 Co 5–7 montre pourtant, on le verra, que ces chapitres sont étroitement unifiés non seulement d'un point de vue thématique mais plus encore d'un point de vue littéraire, ce qui n'est pas sans conséquence pour la compréhension du message théologique qu'ils délivrent.

Dans un premier temps, on exposera brièvement la méthode. On présentera ensuite les principales césures du texte, qui permettent de délimiter les cinq péricopes qui le composent. Puis on examinera, à titre d'exemple, l'organisation et la cohérence de la péricope centrale (6,12–20), qui traite le problème de la prostitution. Enfin on explorera l'organisation du texte dans son ensemble, c'est-à-dire comment les péricopes s'associent les unes aux autres pour former ce qu'on appellera des ʻensemblesʼ, lesquels, reliés les uns aux autres, permettent de faire apparaître l'agencement du ʻdéveloppementʼ dans sa totalité. Enfin on tirera les conséquences théologiques de l'organisation littéraire de ce texte.

2. Méthode

La présente approche est avant tout littéraire. Elle met l'accent sur le texte plus que sur les reconstructions (en partie hypothétiques) de la situation historique qui l'a provoqué. Les détails concrets de celle-ci (par exemple à propos du cas d'inceste traité en 5,1–13 ou du recours à des juges ʻinjustesʼ en 6,1–11) étaient parfaitement connus des destinataires et de Paul, mais beaucoup de ces détails ne nous sont plus directement accessibles aujourd'hui. Pour une bonne part, ils font partie des sous-entendus, qui sont le propre de toute communication épistolaire. En dépit de ses nombreuses zones d'ombre, le texte contient pourtant un message. Pour y accéder, on sera attentif à la hiérarchie des énoncés, à la structure et à l'argumentation du texte, tant il est vrai qu'un texte ne délivre son sens non pas d'abord par ses mots, mais avant tout par son agencement organisé. En d'autres termes, il s'agit d'accéder au message du texte par la mise en évidence de sa composition et sa structure.

La première étape consiste à disposer le texte dans une mise en page structurée. À titre d'illustration la figure 1 présente le texte de la péricope 6,12–20, qui fera plus loin l'objet d'un examen approfondi.

Figure 1. Présentation structurée de 1 Co 6,12–20.

Cette disposition structurée est l'instrument de base du travail exégétique. Deux critères gouvernent cette mise en page, le critère propositionnel (pas plus d'une proposition – principale ou subordonnée – par ligne) et le critère syntagmatique (pour éviter le tassement d'une longue proposition sur une même ligne, les différents syntagmes de la proposition sont répartis sur plusieurs lignes).Footnote 9 Le premier critère met en valeur l’élément fondamental de la phrase, c'est-à-dire le verbe, en particulier le verbe conjugué à un mode personnel. Le second permet, en évitant d'accumuler sur une même ligne les différents syntagmes d'une même proposition, de mettre en évidence d'autres aspects de la structure et du rythme du texte.Footnote 10 Le rôle de cette mise en page structuréeFootnote 11 – que l'on peut appeler aussi stichométrée Footnote 12 – est de rendre plus lisibles les articulations et la dynamique du texte, en particulier par la mise en valeur de ses éléments formels et stylistiques – ce qui permet d'accéder à son organisation.Footnote 13

La seconde étape est la division du texte en péricopes, c'est-à-dire en portions de texte qui, sans avoir d'existence autonome par rapport au reste du texte, peuvent être cependant examinées pour elles-mêmes de manière indépendante.

3. Délimitation des péricopes

Les trois chapitres se composent de cinq unités textuelles ou péricopes. Les frontières des trois premières péricopes sont très nettes. La première péricope traite un cas d'inceste (5,1–13), la seconde se penche sur le problème des procès (6,1–11) et la troisième aborde la question de la prostitution (6,12–20). L'organisation du chapitre 7 est beaucoup plus subtile, comme le montre la diversité des divisions proposées dans l'exégèse.Footnote 14 Une attention aux éléments formels du texte permet pourtant de mettre en évidence deux péricopes.

L’élément le plus frappant est la double occurrence de la formule περὶ δέ, en 7,1a et 7,25a, par laquelle Paul indique à chaque fois un nouveau point de son exposé. Il s'agit là dans les deux cas, de manière évidente, d'une frontière entre deux péricopes.Footnote 15 Mais pour établir l'existence de deux péricopes (7,1–24 et 7,25–40), il faut encore montrer la continuité du tissu textuel de 7,1 à 7,24 d'une part et de 7,25 à 7,40 d'autre part. Examinons chacun de ces deux groupes de versets.

En 7,1–24 se détachent nettement trois parties (7,1–7, 7,8–16 et 7,17–24). Sont-elles étroitement unies au point de former une péricope ? Arrêtons-nous d'abord sur les deux premières parties. En 7,1–7, Paul part d'un principe (καλὸν ἀνθρώπῳ γυναικὸς μὴ ἅπτεσθαι, ʻil est bon pour l'homme de ne pas toucher de femmeʼ, 7,1b).Footnote 16 Il lui impose ensuite (en 7,2–5) une restriction massive en exposant un plaidoyer énergique en faveur de la vie de couple. En 7,6–7, il conclut en indiquant la clé herméneutique de ses proposFootnote 17 et en mettant à la première place le ʻdon propreʼ (ἴδιον χάρισμα), que chacun a reçu personnellement de Dieu en vue de l'une ou l'autre des deux formes de vie, le célibat ou la vie de couple. Les versets 7,8–16, dont l'unité formelle est frappante du fait des trois groupes de destinataires successivement interpellés,Footnote 18 appliquent à trois situations existentielles différentes les réflexions des versets 7,1–7. La cohérence de 7,1–16 (un principe, vv. 1–7, et son application concrète, vv. 8–16) est donc aisément perceptible. La difficulté à faire de 7,1–24 une péricope vient plutôt des versets 17–24, car le lien entre 7,1–16 et 7,17–24 ne saute pas aux yeux. Un examen attentif permet cependant de constater que, d'un point de vue théologique, même s'il y a un déplacement de perspective au-delà de la situation maritale vers certains aspects du statut religieux (juif/non-juif) et social (esclave/homme libre), Paul poursuit en 7,17–24 la thématique du charisme personnel et de l'appel de Dieu, qui était précisément la clé de 7,1–16. Des éléments formels viennent confirmer cette observation, ce qui d'un point de vue méthodologique est essentiel, car des observations sur des contenus ne sont pertinentes que si elles sont corroborées par des faits littéraires. Sur ce point, il est frappant de voir les nombreuses occurrences du pronom ἕκαστος sur cette portion de texte, aussi bien en 7,1–16 (7,2b.c.7c) qu'en 7,17–24 (7,17a.b.20a.24a), alors que ce terme disparaît complètement après 7,24.Footnote 19 Par ailleurs, le verbe καλέω et le substantif κλῆσις, qui font partie du vocabulaire paulinien des charismes, sont très présents dans les versets 17–24.Footnote 20 Ils contribuent à faire l'unité des versets 17–24 avec les versets 1–16, dont la clé théologique est le charisme personnel, l’ἴδιον χάρισμα de 7,7c.Footnote 21 Ces observations montrent que les versets 7,1–24 forment une unité textuelle cohérente et autonome, c'est-à-dire une péricope.

Le statut des versets qui suivent (7,25–40) est plus aisément saisissable. Paul aborde la question des vierges (παρθένοι) – lesquelles ne sont d'ailleurs pas seulement des femmes mais aussi des hommes (cf. 7,27a–28b.32c–34a). Le texte examine leur situation par rapport à la décision de se marier ou de s'abstenir du mariage. Les derniers versets sur les veuves (7,39–40) sont à rapprocher par analogie de ce qui précède, car la situation des veuves par rapport à un nouveau mariage est comparable à celle des vierges. D'un point de vue formel on remarque l'inclusion que forme le mot γνώμη sur cette portion de texte (7,25a et 7,40c) ainsi que des leitmotivs lexicaux spécifiques, absents de 7,1–24.Footnote 22 Ces constats ne disent encore rien de l'organisation et de la dynamique de cette partie du texte, mais ils autorisent à considérer les versets 7,25–40 comme une péricope.

Il n'est guère possible, dans le cadre limité de cet article, d'examiner la cohérence et l'argumentation de chacune des cinq péricopes. Contentons-nous, pour illustrer la méthode, d'explorer la péricope centrale, qui, on le verra bientôt, joue un rôle fondamental dans l'agencement de 1 Co 5–7, non pas d'abord à cause de sa position géographique centrale, mais plutôt, on l'expliquera, à cause de son rôle dans l'ensemble du texte.

4. Exégèse de 1 Co 6,12–20

La présentation structurée (ou stichométrée) de cette péricope (voir la figure 1 plus haut) met en valeur les éléments formels qui permettent de découvrir son organisation. Cette péricope et celle qui précède (sur les procès entre membres de la communauté, 6,1–11) entretiennent une parenté formelle frappante. Dans l'une et l'autre Paul interpelle en effet par trois fois ses lecteurs avec la question : οὐκ οἴδατε …; ʻNe savez-vous pas … ?ʼ (6,2a.3a.9a et 6,15a.16a.19a ; six fois en tout en 1 Co 6). Pour surmonter les problèmes ici traités, Paul fait appel à un savoir déjà détenu par la communauté. La répétition constante de cette question ne paraît donc pas être due au hasard mais pourrait bien être un élément structurant pour les deux péricopes. Selon cette hypothèse, chaque question οὐκ οἴδατε …; introduirait une nouvelle étape de l'argumentation théologique. Après une introduction (6,12–14), la réponse théologique de Paul se déploierait donc en trois moments, en quelque sorte en trois anamnèses, introduites chacune par la question οὐκ οἴδατε …; (6,15 ; 6,16–18 et 6,19–20). La pertinence de cette hypothèse doit maintenant être examinée. À cette fin, nous la prendrons comme point de départ et nous vérifierons son aptitude à conférer intelligibilité et cohérence à la péricope.

Des quatre parties de la péricope (6,12–14 ; 6,15 ; 6,16–18 et 6,19–20), la première expose la problématique et esquisse les premiers éléments d'une réponse théologique. Elle s'articule en deux sections, l’énoncé d'un principe de liberté (6,12) et ses conséquences dans deux domaines de la vie humaine (6,13–14), le domaine fonctionnel de l'alimentation, voué à la destruction (6,13a–e), et le domaine corporel de la personne, destinée à la résurrection (6,13f–14d). À la différence des deux péricopes précédentes, qui s'ouvraient sur l'exposé d'un problème concret (5,1 et 6,1), celle-ci commence par l’énoncé d'un principe général : πάντα μοι ἔξεστιν, ʻtout m'est permisʼ (6,12a, repris en 6,12c). Ce principe est très probablement un slogan utilisé par les libertins de la communauté.Footnote 23 Le problème concret qui inspire la prise de parole de Paul apparaît pourtant très vite, en particulier dans l'antithèse de 6,13f–h. Si l'Apôtre éprouve le besoin d'insister sur la finalité du corps, en particulier sur le fait qu'il n'est pas destiné à la πορνεία (οὐ τῇ πορνείᾳ, 6,13f), il faut en déduire que cela n’était pas évident pour tous les destinataires.

Sur la base de ces premiers linéaments d'une théologie du corps, les trois parties qui suivent construisent la réponse de Paul. Leur parallélisme est frappant. Dans chaque partie, Paul commence par rappeler un enseignement (6,15a–b ; 6,16a–17b et 6,19a–20a). Il en tire ensuite une éthique (6,15c–e ; 6,18 et 6,20b), dans laquelle figure toujours un impératif (6,15e ; 6,18a et 6,20b). Dans la première de ces trois parties (6,15), les corps des Corinthiens sont dits ʻmembres du Christʼ (μέλη Χριστοῦ, 6,15b). Ils ne sauraient donc être en même temps ʻmembres d'une prostituéeʼ (πόρνης μέλη, 6,15d). Paul en tire une mise en garde contre la πορνεία (6,15c–e). La partie suivante (6,16–18) oppose deux concepts, ὁ κολλώμενος τῇ πόρνῃ, ʻcelui qui s'unit à la prostituéeʼ, et ὁ κολλώμενος τῷ κυρίῳ, ʻcelui qui s'unit au Seigneurʼ, entre lesquels figure un fondement scripturaire (6,16d–f). D'un point de vue littéraire, le parallélisme des deux concepts est parfait, mais il rapproche de manière subtile deux niveaux distincts de la réalité. Le premier concept (ὁ κολλώμενος τῇ πόρνῃ) désigne le commerce sexuel avec une prostituée, c'est-à-dire l’état passager d’être ʻun corpsʼ (ἓν σῶμα, 6,16c) avec elle.Footnote 24 Le second en revanche (ὁ κολλώμενος τῷ κυρίῳ) désigne l’état durable de l'existence croyante. ‘S'unir au Seigneur’, c'est faire ʻun espritʼ (ἓν πνεῦμα) avec lui, c'est ʻêtre dans le Christʼ.Footnote 25 Ces deux domaines de la réalité s'influencent réciproquement. Le domaine spirituel de la vie avec le Christ (le fait d’être ἓν πνεῦμα avec lui) retentit sur le domaine du σῶμα, de sorte que la fréquentation d'une prostituée est incompatible avec l'existence croyante. Réciproquement, une relation sexuelle avec une prostituée est une atteinte au ἓν πνεῦμα que le croyant forme avec le Seigneur. De cet enseignement, que les Corinthiens savent déjà, Paul déduit un appel à fuir la prostitution (φεύγετε τὴν πορνείαν, 6,18a).Footnote 26 Dans la dernière partie (6,19–20), le terme πορνεία disparaît et Paul élargit l'horizon théologique de son discours. Les liens entre σῶμα et πνεῦμα dans l'existence croyante, esquissés dans les parties précédentes, sont ici présentés plus explicitement. Paul se sert de l'image du temple (ναός) : ʻvotre corps est temple de l'esprit saint qui est en vousʼ (6,19b ; voir aussi 3,16–17).Footnote 27 Cette affirmation est fondée (cf. γάρ, 6,20a) sur l'expérience libératrice des croyants, lesquels ont été rachetés à grand prix (ἠγοράσθητε τιμῆς, 6,20a).Footnote 28 L'aoriste ἠγοράσθητε (7,20b) est ici le sommet théologique de la péricope. Dès lors apparaît plus clairement le sens des concepts μέλη Χριστοῦ, ὁ κολλώμενος τῷ κυρίῳ et ἓν πνεῦμα formulés dans les deux parties précédentes. Les trois parties argumentatives procèdent par explicitation progressive. Le σῶμα du croyant est habité par le πνεῦμα. Celui-ci y demeure comme en un temple, si bien que la manière d'agir dans ou avec son σῶμα n'est pas indifférente au πνεῦμα qui y réside. De cet enseignement, Paul tire une conséquence éthique, formulée cette fois-ci de manière entièrement positive et élargie à tous les domaines de la vie corporelle : Δοξάσατε δὴ τὸν θεὸν ἐν τῷ σώματι ὑμῶν (6,20b). Le corps est déclaré lieu et moyen de la glorification de Dieu.

L'articulation étroite des quatre parties de la péricope montre la construction très soignée de ces versets et leur dynamique. La figure 2 récapitule ces observations.

Figure 2. Agencement et cohérence de la péricope 6,12–20.

L'esquisse théologique de la première partie (en 6,13f–14d) est reprise et développée dans les trois parties suivantes (en 6,15b, 6,17a–b et 6,19b). D'un point de vue éthique, il y a également une progression au fil du texte. Les deux impératifs de 6,15e et 6,18a, qui sont en fait des défenses, font place en 6,20b à un ordre. Considérer la question οὐκ οἴδατε …; comme structurante pour la péricope confère intelligibilité à ces versets. À travers la hiérarchie des énoncés ainsi mise en valeur apparaît donc une cohérence, qui souligne la pertinence de l'hypothèse initiale. Procédant par trois étapes, la question οὐκ οἴδατε …; invite les lecteurs à une anamnèse jusqu'au sommet de 6,20a. Celui-ci ne leur parle pas d'abord de sexualité mais les invite avant tout à se souvenir de leur expérience croyante. Au cœur de la vocation chrétienne, le corps est doté d'une signification théologique majeure, dont les conséquences éthiques ne se limitent pas au domaine de la sexualité.

5. Les autres péricopes de 1 Co 5–7

Pour les autres péricopes du texte, contentons-nous ici de quelques observations, que la mise en œuvre de la même méthode permettrait de développer. Dans la première péricope (5,1–13), consacrée à un problème incestueux, Paul exige de la communauté l'exclusion du fautif.Footnote 29 La division tripartite (5,1–5 ; 5,6–8 et 5,9–13) fait apparaître une inclusion remarquable,Footnote 30 qui met en valeur la partie centrale de la péricope, où figure justement le fondement théologique (en 5,7d). Cette partie centrale est aussi le sommet de la péricope. C'est en vertu du mystère pascal du Christ que cette situation incestueuse est intolérable.

La deuxième péricope (6,1–11), qui traite le problème des procès portés devant des juges ʻinjustesʼ, est, comme 6,12–20, structurée par les trois occurrences de la question οὐκ οἴδατε …; (6,2a.3a.9a), lesquelles font apparaître quatre parties, d'abord l'exposé du problème (6,1) puis les trois arguments théologiques de la réponse de Paul (6,2 ; 6,3–8 et 6,9–11). Paul passe en revue des solutions provisoires, en particulier dans la troisième partie (6,3–8), mais la progression de la pensée met en valeur la solution ultime du problème, exposée dans la dernière partie (6,9–11), sommet de la péricope. Les juges ʻinjustesʼ y ont entièrement disparu et Paul ramène ses lecteurs au cœur de leur vocation croyante. C'est en y revenant que les Corinthiens pourront surmonter le présent problème. Paul appelle ses lecteurs à devenir ce qu'ils sont déjà, c'est-à-dire des rachetés, des sanctifiés, de sorte que disparaisse parmi eux l’ἀδικία sous toutes ces formes.Footnote 31

Des deux péricopes du chapitre 7, la première (7,1–24) construit son unité, on l'a dit plus haut, autour de la problématique du don reçu personnellement de Dieu et de l'appel à devenir croyant. Elle est composée de trois parties (7,1–7 ; 7,8–16 et 7,17–24). La première partie contient le sommet de la péricope (7,7c), qui met au premier plan le charisme (ἴδιον χάρισμα) que Dieu donne à chacun en vue de telle ou telle forme de vie.Footnote 32 La deuxième partie considère ce charisme personnel vis-à-vis de trois groupes particuliers de destinataires. Paul passe ensuite dans la dernière partie (7,17–24) aux circonstances sociales et/ou religieuses dans lesquelles les Corinthiens ont reçu l'appel à devenir chrétien. Vis-à-vis de celles-ci l'Apôtre donne à ses lecteurs des consignes de stabilité. Mais cette stabilité n'est cependant pas un absolu. Si la possibilité d'un affranchissement se présente pour un esclave, alors celui-ci peut – et doit – la saisir. Le contraire aurait été pour Paul impensable.Footnote 33

La dernière péricope du texte présente plusieurs difficultés d'interprétation, en particulier à propos de certains termes.Footnote 34 La manière de les trancher ne modifie cependant pas l'analyse de l'organisation et de la hiérarchie des énoncés du texte. D'un point de vue formel, ce sont les occurrences des verbes à la première personne du singulier (les ʻjeʼ de Paul)Footnote 35 qui permettent de découvrir l'organisation de la péricope. Paul livre son avis (γνώμη, 7,25c.40c) sur la vie de couple, d'abord de manière brève (7,25–8) puis de manière plus détaillée (7,32–40). Entre ces deux parties se trouve la justification théologique (7,29–31), qui contient aussi le sommet de la péricope.Footnote 36 Le texte maintient sans cesse un équilibre remarquable entre les deux formes de vie (vie de couple et célibat).Footnote 37 La figure instable et évanescente de ce monde (7,31c) est un critère pour faire un bon choix. Dans ces circonstances, Paul voit dans le célibat un chemin plus heureux (7,40a).Footnote 38 Le comparatif μακαριώτερος suppose cependant le positif μακάριος, si bien que pour l'Apôtre la vie de couple est aussi un chemin de bonheur. Au cœur du provisoire et de l'inachevé, le croyant est appelé dans les deux cas à cultiver sa relation avec le Seigneur, c'est-à-dire à vivre ἐν κυρίῳ (7,39 g).

6. Agencement du ʻdéveloppementʼ et conséquences théologiques

Quels liens ces cinq péricopes entretiennent-elles les unes avec les autres et quelle architecture textuelle – ou quel agencement – pourraient-elles faire ainsi apparaître ?

Les deux péricopes du chapitre 6 peuvent être rapprochées pour former ce que l'on appellera un ensemble.Footnote 39 Leur parenté est en effet frappante. D'un point de vue formel, elles sont l'une et l'autre bâties sur la récurrence de la question οὐκ οἴδατε …;, qui joue dans les deux cas un rôle structurant. D'un point de vue théologique, elles sont toutes les deux construites sur une progression qui culmine à chaque fois dans la dernière partie de la péricope, où se trouvent rappelés le cœur et le fondement de l'existence croyante. Ce fondement est décrit à travers les aoristes ἀπελούσασθε, ἡγιάσθητε, ἐδικαιώθητε (6,11b–d) et ἠγοράσθητε (6,20a), qui se réfèrent au rachat que le mystère pascal a opéré dans la vie des croyants. Ces deux péricopes orientent donc le regard avant tout sur la source de la vie chrétienne, plus que sur l’ἀδικία (pour 6,1–11) ou la πορνεία (pour 6,12–20) qui en éloignent. Sur le plan de la thématique sexuelle, les deux péricopes ne sont pas non plus dépourvues de liens. En effet, parmi les comportements nommés en 6,9–10, qui comme l’ἀδικία sont incompatibles avec l’être chrétien, se trouvent également indiqués des comportements sexuels, en particulier ceux des πόρνοι, μαλακοί et ἀρσενοκοῖται (6,9d.g–h). Ce sont d'autres formes d’ἀδικία, et c'est à ce titre qu'elles figurent dans cette péricope. Mais d'un point de vue sexuel elles relèvent aussi de la πορνεία, qui est l'objet de la péricope 6,12–20.Footnote 40 Ces observations montrent que les deux péricopes du chapitre 6 sont étroitement liées. L’ensemble qu'elles forment culmine en 6,20, où sont résumées la théologie de la rédemption (6,20a) et ses conséquences éthiques vis-à-vis du corps (6,20b). Paul rappelle aux Corinthiens qu'ils sont des sauvés, des rachetés, et les invite en conséquence à louer Dieu dans et à travers leur corps.

Les deux péricopes du chapitre 7 peuvent être également réunies pour former un autre ensemble. L'incipit (περὶ δέ en 7,1a et 7,25a), la thématique et le mode d'argumentation de Paul sont des éléments communs aux deux péricopes. Paul donne en effet à chaque fois son avis (sa γνώμη, 7,6a.25c.40c) sur la vie de couple et sur le célibat. Dans la première péricope, Paul les envisage par rapport au charisme personnel donné par Dieu à chacun (cf. 7,7c–e), dans la seconde par rapport à la condition humaine historique dans ce monde, dont la figure passe (cf. 7,31c). Enfin, Paul ne s'arrête pas à la seule problématique conjugale. Il élargit au contraire sa réflexion théologique à l'horizon de la vocation chrétienne en général (en 7,17–24 et 7,30–1).

Si l'on accorde à la première péricope (5,1–13), du fait de son caractère relativement autonome, la valeur d'un ensemble, le texte de 1 Co 5–7 fait alors apparaître trois ensembles, qui coïncident avec les trois chapitres de la division traditionnelle. Ces ensembles entretiennent entre eux des échos subtils. Le premier ensemble est à rapprocher du second par les catalogues de vices (Lasterkatalog) qui figurent dans l'un et dans l'autre (en 5,10–11 et 6,9–10). D'un point de vue théologique, le premier ensemble argumente à partir de l’événement pascal (la mort du Christ en 5,7 et la joie de sa résurrection en 5,8). Cette approche constitue pareillement le cœur de l'argumentation du second ensemble (en 6,14 et 6,20). Dans ces deux ensembles, Paul rappelle donc aux destinataires la même théologie. D'un point de vue formel, la présence dans le premier ensemble (en 5,6) de la question anamnestique οὐκ οἴδατε …;, structurante pour le second, renforce ce rapprochement.

C'est cette théologie de la rédemption qui unifie pareillement l’ensemble central et le dernier ensemble. L’énoncé ἠγοράσθητε τιμῆς, clé théologique de l’ensemble central (en 6,20a), est en effet repris dans le dernier ensemble (en 7,23). L’état de racheté est pour le croyant le critère de son comportement vis-à-vis du corps et avec son corps, mais il est aussi ce qui lui permet de relativiser les discriminations sociales. Corrélativement, la mention du κύριος est un autre élément unificateur de ces deux ensembles. Le corps du croyant est pour le κύριος et réciproquement (en 6,13f–h). Cette perspective est reprise dans le dernier ensemble, dans lequel la relation au κύριος donne sens tant à l'une qu’à l'autre forme de vie, célibat et vie de couple (en 7,32–5.39 g).

Enfin le parallélisme que construisent le premier ensemble et le dernier ensemble est à relever. Dans chacun de ces deux ensembles apparaît très nettement le ʻjeʼ de l'Apôtre (en 5,3 et 7,10.12.28.40)Footnote 41. Dans le premier ensemble, Paul expose son jugement sur le cas d'inceste (ἤδη κέκρικα, 5,3). Dans le dernier, il livre son avis sur la vie de couple et le célibat (γνώμη, 7,6.25.40). Dans le premier, il réagit à ce qu'il entend (ἀκούεται, 5,1), dans le dernier à ce que les Corinthiens lui ont écrit (ἐγράψατε, 7,1). Dans l'un et l'autre, il s'agit de prises de position conjoncturelles de l'Apôtre. Il réagit à des situations historiques concrètes et indique une mesure urgente à prendre (dans le premier ensemble) ou partage un avis personnel (dans le dernier ensemble). En revanche, l’ensemble central, même si Paul y répond aussi à un problème concret, développe un enseignement théologique d'une validité plus large et plus durable, ce qui lui donne une originalité par rapport aux deux autres ensembles. Les premier et troisième ensembles se font écho l'un l'autre et encadrent ainsi l’ensemble central, de nature plus fortement théologique. Les trois ensembles font donc apparaître une architecture textuelle concentrique A–B–Aʼ.

La figure 3 reprend ces observations. Chaque péricope y est résumée par son énoncé fondamental. À chacun des trois ensembles on a donné un titre.

Figure 3. Construction concentrique du ʻdéveloppementʼ 1 Co 5–7.

Cette construction met en valeur l’ensemble du centre (B), qui est précisément celui dont la densité théologique est la plus forte. Le point culminant de l’ensemble B, c'est-à-dire sa clé théologique, est l’énoncé de 6,20a (ἠγοράσθητε γὰρ τιμῆς). Les Corinthiens ont été ʻrachetésʼ (passif divin) et Dieu a payé le ʻprixʼ pour cela. Ils sont invités à devenir davantage conscients de cette transformation que l’événement pascal a opérée en eux par le baptême, en particulier à l’égard de leur comportement vis-à-vis du corps et de la sexualité. À ce sujet, il est remarquable que l’énoncé théologique de 6,20a ne se retrouve nulle part ailleurs dans les lettres de Paul (en dehors de son écho en 7,23). Il peut donc être considéré en quelque sorte comme caractéristique de l’éthique sexuelle de Paul, laquelle en définitive est tout autre chose qu'une série de règles sur le corps, encore moins sur le sexe. De nature fortement théologique, cette éthique mesure la valeur de la personne toute entière (et en particulier de son corps) au prix de son rachat par le Christ dans le mystère de pâques.

7. Conclusion

Au terme de ces observations apparaît nettement la construction très soignée de 1 Co 5–7. L'agencement concentrique des trois chapitres met en valeur leur unité littéraire. Ils peuvent être considérés comme formant ce que nous appellerons un ʻdéveloppementʼ, c'est-à-dire comme le traitement cohérent et achevé d'une thématique particulière. Situés immédiatement après la grande partie 1,10–4,20 sur les divisions dans la communauté, ces trois chapitres acquièrent, de par cette position, une importance de premier plan dans la stratégie théologique et pastorale élaborée par l’épître pour instruire et former ses lecteurs. Ils fournissent un petit traité d’éthique sexuelle et à ce titre ils sont tout à fait uniques dans le Nouveau Testament.

Footnotes

Cet article reprend et résume, en français, les résultats d'une recherche menée dans le cadre du Sonderforschungsbereich (SFB) 1136 ‘Bildung und Religion in Kulturen des Mittelmeerraums und seiner Umwelt von der Antike bis zum Mittelalter und zum Klassischen Islam’ de l'université de Göttingen sous le titre ‘Bildungsprozesse beim Apostel Paulus am Beispiel der Sexualethik. Theologische Argumentation und ethische Unterweisung in 1 Kor 5–7‘ (non publié). Sur le wissenschaftliches Profil du SFB 1136, voir www.uni-goettingen.de/de/517150.html. Je remercie les Prof. Peter Gemeinhardt et Reinhard Feldmeier qui ont rendu possible ce travail. Ma gratitude toute spéciale va à François Fraizy, qui fut mon Doktorvater pour ma recherche sur 2 Co 10–13 (cf. NT.S 161; Leiden : Brill, 2015) et qui, pour la présente étude, m'a accordé à nouveau de nombreuses séances d’échanges sur 1 Co 5–7. Au cours de ses longues années d'enseignement et de recherche (à l'Université Catholique de Lyon), François Fraizy a mis au point une approche originale des textes et l'a appliquée à de nombreux passages des évangiles synoptiques et des lettres de Paul (voir en particulier son étude sur 1 Co 1–4 : Paul inséparablement pasteur et théologien. Le mode d'argumentation de l'Apôtre en 1 Co 1,10–4,21, à paraître). C'est cette même approche, avec la terminologie qui lui est propre, que j'ai tenté de mettre ici en œuvre.

References

1 Dans cette étude, on s'en tiendra à une approche synchrone, qui considère le texte de la première épître aux Corinthiens dans son état canonique reçu. Sur le plan diachrone, c'est-à-dire quant à l'histoire du texte, l’épître est composée du regroupement de blocs thématiques. Ceux-ci abordent les différents problèmes qui agitent la communauté (par exemple les divisions dans la communauté, 1,10–4,21 ; les viandes immolées aux idoles, 8,1–11,1 ; les charismes et les assemblées liturgiques, 12,1–14,40, etc.). Ces blocs sont intercalés entre le praescriptum (1,1–9) et la conclusion (16,1–24), qui fournissent le cadre de la communication épistolaire. Le regroupement et la mise bout à bout de ces blocs pourraient avoir été l’œuvre d'un éditeur postérieur et non de Paul lui-même (voir la discussion résumée par exemple chez R. Collins, First Corinthians (Sacra Pagina 7; Collegeville: Liturgical Press, 1999) 10–14). Mais cette question ne semble pas pouvoir être définitivement tranchée. ʻNo manuscript evidence exists to suggest that 1 Corinthians once existed in a form other than that in which it exists today. (…) The suggestion that 1 Corinthians is a composite document is not, however, entirely arbitraryʼ (Collins, First Corinthians, 12–13). Un certain nombre de transitions abruptes (par exemple 4,21–5,1 ; 7,40–8,1 ; 14,40–15,1) suggère en effet que certaines parties ont pu exister à l’état autonome et qu'elles ont été ensuite réunies pour former une grande lettre, dont l'unité d'ensemble est par ailleurs frappante. Comme le résume Collins, ʻthe language of the letter is such that it must be viewed as a single composition, even if it was composed over a somewhat extended period of timeʼ (Collins, First Corinthians, 14). Pour un bilan récent de la recherche, voir Malcolm, M., ʻThe Structure and Theme of First Corinthians in Recent Scholarshipʼ, CBR 14 (2016) 256–69Google Scholar.

2 Ainsi Collins, Lindemann, Senft et Wolff (ici et dans la suite, les noms d'auteur seuls renvoient aux commentaires respectifs de 1 Co).

3 Ainsi Baumert, Klauck, Kremer, Schlatter, Schmeller, Schrage, Witherington et Zeller. Lietzmann se contente d'une approche descriptive et croit apercevoir quatre blocs autonomes (5,1–13 ; 6,1–11 ; 6,12–20 et 7,1–40).

4 Barrett, Fee et Fitzmyer joignent les chapitres 5–6 à ce qui précède (pour former la grande partie 1,10–6,20) et le chapitre 7 à ce qui suit (à 8,1–16,4 (Barrett et Fee) ou à 8,1–14,40 (Fitzmyer)). Arzt-Grabner, Lang, Merklein et Thiselton considèrent les chapitres 5–6 comme un bloc autonome mais rattachent le chapitre 7 à 8,1–11,1 (Lang et Thiselton) ou à 8,1–14,40 (Arzt-Grabner et Merklein). Ciampa et Rosner tiennent une position isolée dans la recherche puisqu'ils considèrent 1 Co 5–7 comme une grande partie autonome mais la font commencer dès 4,18. ʻThe main argument for taking 4.18–21 with what follows rather than with what precedes is the tone of the passage’ (Ciampa, R. et Rosner, B., ʻThe Structure and Argument of 1 Corinthians: A Biblical/Jewish Approach’, NTS 52 (2006) 205–18CrossRefGoogle Scholar, ici 210 n. 24). L'autre argument avancé par ces deux auteurs concerne le vocabulaire : ʻ4.18–21 introduces ideas that are picked up in chapter five: ‘being puffed up’ (4.18–19; 5.2); ‘power’ (4.19–20; 5.4); and Paul being present (4.19; 5.3–4)ʼ (Ciampa et Rosner, The Structure, 210 n. 24). Certes, on ne rencontre pas en 1,10–4,17 un ton aussi tranché qu'en 4,18–21, mais les thématiques et le vocabulaire des versets 4,18–21 font clairement référence à ce qui précède et non à ce qui suit. La double occurrence de φυσιόω en 4,18–19 évoque la fausse gloire, déjà traitée dans ce qui précède (en 1 Co 1,29–31 ; 3,21 ; 4,6–7, toujours avec le verbe καυχάομαι, sauf en 4,6 où apparaît déjà le verbe φυσιόω). Quant au terme δύναμις en 4,19–20, il réapparaît en effet en 5,4 mais il est aussi très présent dans ce qui précède (cf. 1,18.24 ; 2,4–5), en particulier à propos du λόγος τοῦ σταυροῦ, que Paul déclare être δύναμις θεοῦ (1,18) et qui s'oppose à la σοφία λόγου (1,17). Par ailleurs l'antithèse λόγος humain ↔ δύναμις divine, qui est la clé de 4,18–21, reprend en fait la question centrale de 1 Co 2,1–5. Les versets 4,18–21 sont donc manifestement une partie intégrante du grand ensemble 1,10–4,21.

5 En dehors des commentaires, les études consacrées exclusivement à 1 Co 5–7 sont très peu nombreuses (voir en particulier Rosner, B., Paul, Scripture and Ethics: A Study of 1 Corinthians 5–7 (AGJU 22; Leiden: Brill, 1994)Google Scholar).

6 À propos de 1 Co 5–6, Baumert parle de ʻdrei lose aneinandergereihte Passagen (A: 5,1-13; B: 6,1-11; C: 6,12-20), die höchstens durch Stichwortverknüpfung miteinander verbunden sindʼ (Baumert, N., Sorgen des Seelsorgers: Übersetzung und Auslegung des ersten Korintherbriefes (Paulus neu gelesen; Würzburg: Echter, 2007) 63Google Scholar).

7 Collins, First Corinthians, 203–4, voir n. 1.

8 ʻThe rhetorical demonstration of chs. 5–7 is stamped with the mark of Paul's authority. It opens with a remark of his judicial presence (5:3–4). It closes with an affirmation of his possession of the Spirit (7:40). Along the way Paul is careful to identify the authority on the basis of which he renders his opinion (7:10.25)ʼ (Collins, First Corinthians, 204, voir n. 1).

9 Un retrait à droite indique alors que cette ligne dépend grammaticalement de ce qui précède. Les propositions subordonnées et principales – du moins leur premier syntagme lorsqu'elles occupent plusieurs lignes – sont toujours alignées à gauche. Une telle mise en page, par la numérotation secondaire des versets en a, b, c … permet en outre de donner, au cours de l'exégèse, des références plus précises sur tout ou partie d'un verset.

10 Voir par exemple les parallélismes en 6,13d–e, les antithèses en 6,13f–g, les répétitions en 6,12a.c et 6,15a.16a.19a.

11 La présentation structurée de la totalité de 1 Co 5–7 est téléchargeable sur http://downloads.loicberge.com.

12 Il s'agit en fait d'une segmentation du texte en στίχοι, dont la contrainte n'est pas d'abord, comme dans les anciens manuscrits, la largeur des feuillets, mais les critères littéraires que l'on vient de dire.

13 Pour mettre en évidence l'organisation d'un texte, il ne suffit pas de décrire son contenu, mais bien plutôt d'examiner comment les éléments formels (particules, conjonctions, vocabulaire, temps des verbes et personnes verbales, etc.) et stylistiques (parallélismes, antithèses, anaphores, inclusions, figures de pensées (σχήματα διανοίας) et figures de mots (σχήματα λέξεως), cf. L. Pernot, La Rhétorique dans l'Antiquité (série Antiquité; Paris: Poche, 2000) 298–301) contribuent à structurer le texte et à lui conférer cohérence et dynamique.

14 Si la recherche s'accorde généralement à reconnaître la présence d'une césure entre 7,24 et 7,25, les exégètes diffèrent sur le nombre d'unités littéraires qui composent le chapitre 7. Ils en aperçoivent entre deux et dix, avec parfois des unités littéraires qui regroupent deux versets seulement, comme chez Fitzmyer, Klauck, Thiselton et Wolff. La plupart de ces divisions sont cependant équivalentes à une description du contenu du texte et n'ont pas la prétention d’élucider l'organisation du texte, c'est-à-dire d'explorer la hiérarchie des énoncés et la dynamique qui en résulte. C'est justement ce dernier aspect que l'on voudrait privilégier dans la présente étude.

15 Comme l'a bien souligné M. Mitchell, περὶ δέ ne se réfère pas toujours nécessairement à la lettre des Corinthiens à Paul (cf. 7,1a), ou à l'un des points abordés dans cette lettre, mais il s'agit plutôt d'un procédé de Paul lui-même, destiné à structurer son exposé. ʻΠερὶ δέ does provide a clue to the composition of 1 Corinthians in that it is one of the ways in which Paul introduces the topic of the next argument or sub-argumentʼ (Mitchell, M., ʻConcerning περὶ δέ in 1 Corinthiansʼ, NT 31 (1989) 229–56Google Scholar, ici 256).

16 Ce slogan provient très probablement de Corinthe (voir par exemple les arguments rassemblés par Thiselton, A., The First Epistle to the Corinthians: A Commentary on the Greek Text (NIGTC; Grand Rapids: Eerdmans, 2000) 498501Google Scholar). Le caractère non paulinien de ce slogan tient également au fait qu'il procède d'une approche exclusivement masculine, tandis que partout ailleurs Paul dans son argumentation maintient sans cesse (à l'exception des conseils pratiques sur les vierges en 7,36–8 et sur les veuves en 7,39–40) de strictes parallélismes homme/femme, sinon complets, du moins esquissés (cf. 7,2b/7,2c ; 7,3a/7,3b ; 7,4a–b/7,4c–d ; 7,10d–11c/7,11d ; 7,12c–e/7,13a–c ; 7,14a/7,14b ; 7,16a–b/7,16c–d ; 7,27a–28b/7,28c–d ; 7,32c–34a/7,34b–g). Pour la signification de ces références textuelles ici et dans la suite de cet article, voir la mise en page structurée de 1 Co 5–7 (cf. n. 11).

17 Paul parle κατὰ συγγνώμην, ʻpar concessionʼ, non κατ᾿ ἐπιταγήν, ʻà la manière d'un ordreʼ (7,6 a–b).

18 D'un point de vue littéraire, la formule introductrice pour chacun des trois groupes (en 7,8a.10a.12a) est manifestement structurante pour cette portion du texte. Elle comprend toujours un verbe d’énonciation, la particule δέ puis un substantif au datif pluriel précédé de l'article (dans cet ordre-là en 7,8a ; l'ordre des mots est différent en 7,10a et 7,12a).

19 Théologiquement, le pronom ἕκαστος met en valeur le caractère incommunicable de la vocation personnelle, ce qui est précisément la thématique commune de 7,1–24.

20 En 7,17a.b.18a.c.20a.b.21a.22a.c.24b. Voir aussi le verbe μερίζω en 7,17a.

21 Le verbe καλέω apparaît aussi en 7,1–16 (en 7,15d). On peut mentionner en outre l'adverbe οὕτως dont les occurrences en 7,7b.e et 7,17c.d, rapprochent pareillement d'un point de vue formel les deux groupes de versets 7,1–16 et 7,17–24.

22 Il s'agit en particulier des termes παρθένος, ʻviergeʼ (7,25a.28c.34b.36a.37e.38a), ἄγαμος, ʻnon mariéʼ (7,32c.34b) et des verbes γαμέω, ʻse marierʼ (7,28a.c.33a.34e.36g.39f), γαμίζω, ʻépouserʼ (7,38a.c), μεριμνάω, ʻse soucier deʼ (7,32c.33b.34b.f) et ἀρέσκω, ʻplaire àʼ (7,32d.33c.34g).

23 Voir par exemple Schrage, W., Der erste Korintherbrief (EKK 7/2; Neukirchen-Vluyn: Neukirchener, 1995) 820Google Scholar.

24 L'expression biblique σάρκα μίαν tirée de LXX Gn 2,24 (6,16d–f) explique et reformule, dans la perspective du couple stable, le concept ἓν σῶμα de 6,16c.

25 Cf. Rm 6,8.11 ; 1 Co 1,2.30 ; Ga 3,28. La formule ὁ κολλώμενος τῷ κυρίῳ ne doit pas être comprise comme une allusion au célibat pour le Seigneur. Paul s'adresse à toute la communauté et il s'agit au contraire d'une description de la vie croyante. Dans la partie précédente, l’énoncé τὰ σώματα ὑμῶν μέλη Χριστοῦ ἐστιν (6,15b), à cause du pronom ὑμῶν, s'adressait aussi indistinctement à tous les membres de la communauté.

26 Les versets 6,18b–f fonctionnent comme un fondement de l'impératif de 6,18a. La première partie (ʻTout péché que l'homme peut commettre est extérieur à son corpsʼ , 6,18c–d) peut avoir été la reprise d'un slogan de certains membres de la communauté, ʻmeaning that the body had nothing to do with sin; corporeal being was moraly irrelevantʼ (Murphy-O'Connor, J., ʻThe Fornicator Sins against his Own Body (1 Cor 6:18c)ʼ, RB 115 (2008) 97104Google Scholar, ici 97). Selon son habitude, Paul ne réfute pas entièrement et directement ce slogan, mais le corrige et le complète (en 6,18e–f) dans le sens de la théologie esquissé en 6,16–17. En d'autres termes, pécher contre son propre corps n'est pas un acte neutre, car il blesse le ἓν πνεῦμα formé par croyant avec le Seigneur.

27 Rien n'indique ici (en 6,19b) que le mot πνεῦμα ait une autre acception qu'en 6,17. Dans toute la péricope, le concept πνεῦμα reste dans le domaine de l'appartenance au Seigneur, c'est-à-dire de la vie ʻdans le Christʼ. On se gardera donc de charger le texte de Paul des développements dogmatiques postérieurs, en particulier trinitaires.

28 Le terme ʻbaptêmeʼ est absent de la péricope, mais l'idée est indirectement présente, car le mystère pascal est communiqué aux croyants par le baptême (cf. Rm 6,1–4 ; Ga 3,26–8).

29 Sur la nature de l'exclusion que Paul exige des Corinthiens et ce qu'il en attend, voir entre autres les articles récents de Moses, R., ʻPhysical and/or Spiritual Exclusion? Ecclesial Discipline in 1 Corinthians 5ʼ, NTS 59 (2013) 172–91CrossRefGoogle Scholar, et de Dochhorn, J., ʻDie Bestrafung des Unzuchtsünders in 1. Kor 5,5: Satanologische, anthropologische und theologische Implikationenʼ, Das Böse, der Teufel und Dämonen (WUNT ii/412; ed. Dochhorn, J. and Rudnig-Zelt, S.; Tübingen: Mohr Siebeck, 2016) 127–51Google Scholar.

30 La requête de Paul figure dans la dernière partie de la péricope (5,9–13) sous la forme d'un impératif aoriste (ἐξάρατε … ἐξ ὑμῶν αὐτῶν, 5,13b, citation de LXX Dt 17,7). Mais le même verbe (sans toutefois le préverbe ἐκ-) était déjà présent dans la première partie (5,1–5), sous la forme d'un subjonctif aoriste dans une proposition finale (ἀρθῇ ἐκ μέσου ὑμῶν …, 5,2c). Or cet appel trouve un écho dans la partie centrale (5,6–8), en particulier à travers l'impératif aoriste ἐκκαθάρατε (5,7a), qui précède la justification théologique exposée en 5,7d (τὸ πάσχα ἡμῶν ἐτύθη Χριστός). Sur l'arrière-plan deutéronomique de la péricope, voir Rosner, Paul, Scripture and Ethics, 61–93 (voir n. 5).

31 La dernière partie de la péricope est organisée en deux tableaux, d'une part ce que les Corinthiens étaient (6,9a–11a) et d'autre part ce qu'ils sont devenus (6,11b–e). Les trois occurrences de la conjonction ἀλλά (6,11b–d) mettent en valeur cette transformation, décrite par les trois aoristes ἀπελούσασθε, ἡγιάσθητε et ἐδικαιώθητε, et font contrepoids au Lasterkatalog et ses dix occurrences de la négation οὔτε, οὐ, οὐχ (6,9e–10e).

32 Le strict parallélisme de 7,7d–e (ὁ μὲν οὕτως, ὁ δὲ οὕτως) met sur un même plan les deux formes de vie, vie de couple et célibat.

33 La troisième partie de la péricope (7,17–24) est composée de trois sections. Un principe est d'abord énoncé (7,17), puis appliqué à deux domaines (religieux en 7,18–20 et social en 7,21–4). Dans ces deux dernières sections, la conjonction ἀλλά (7,19c et 7,21c) permet à Paul d'opposer le relatif à l'essentiel et de les hiérarchiser. D'un point de vue religieux, l'essentiel n'est ni la circoncision ni l'absence de circoncision, mais l'observation des commandements de Dieu (7,18–19). De même, d'un point de vue social, c'est l'appartenance au Christ qui importe plus que l'appartenance à une classe sociale. L'appartenance au Christ et la vie dans le Christ sont d'un tout autre ordre. Elles font du croyant un δοῦλος Χριστοῦ (7,22) et l'appellent à s'affranchir de tout esclavage humain (7,23). De la sorte, le croyant est invité à saisir, lorsqu'elle se présente, la possibilité d'un affranchissement (7,21c–d). C'est ici purement et simplement la théologie paulinienne de la liberté (cf. Ga 5,1–13). Pour un état de la question sur la crux interpretum de 7,21d, voir Thiselton, The First Epistle to the Corinthians, 553–9 (cf. ci-dessus n. 16).

34 Les versets 7,36–8 sur les παρθένοι soulèvent en particulier la question de savoir si le texte parle d'un père vis-à-vis de sa fille ou d'un fiancé vis-à-vis de sa fiancée. Voir l’état de la question exposé par Schrage, Der erste Korintherbrief, 196–204 (cf. ci-dessus n. 23).

35 Cf. 7,25b–c.26a.28f.29a.32a.35a.

36 Les deux parties conjoncturelles 7,25–8 et 7,32–40 qui encadrent la justification théologique de 7,29–31, se distinguent l'une de l'autre en ce que la seconde traite en détail ce que la première n'a fait qu'esquisser. Les deux situations traitées dans la seconde, c'est-à-dire le projet d'une vie de couple envisagé au seuil de l’âge adulte en 7,32–8 (l'adjectif ὑπέρακμος en 7,36b désigne très probablement la maturité en vue d'un tel choix, cf. Thiselton, The First Epistle to the Corinthians, 594–8, voir ci-dessus n. 16) ou bien après un veuvage en 7,39–40, sont en effet déjà brièvement évoquées en 7,25–8.

37 Voir les parallélismes parfaits en 7,27/7,28a–d ; 7,32c–d/7,33a–34a ; 7,34b–d/7,34e–g ; 7,36/7,37 ; 7,38a–b/7,38c–d ; 7,39c–g/7,40a–c.

38 Dans un article récent, G. van Kooten a avancé pour ce passage l'hypothèse d'emprunts stoïciens, en particulier en lien avec la doctrine des ἀδιάφορα, c'est-à-dire des choses ʻindifférentesʼ, qui ne sont moralement ni bonnes ni mauvaises mais dont certaines peuvent néanmoins être considérées comme des ʻindifférents préférablesʼ (προηγμένα ἀδιάφορα). ʻMy suggestion is to read the passage from 1 Corinthians 7:29–31 … within the context of the Stoic “indifferents” (ἀδιάφορα). The Pauline ὡς μή, “as if not”, indicates that actions such as marrying, mourning, rejoicing, buying and using the world are essentially adiaphora; they are in themselves neither good nor bad … Perhaps it is Paul's innovation that he includes marriage among the adiaphora, but his argumentation entirely follows the line of the Stoic adiaphora theory. And for Paul remaining unmarried is the “preferential adiaphoron” (προηγμένον ἀδιάφορον)ʼ (van Kooten, G., ʻPaul's Stoic Onto-theology and Ethics of Good, Evil and “Indifferents”: A Response to Anti-metaphysical and Nihilistic Readings of Paul in Modern Philosophyʼ, Saint Paul and Philosophy: The Consonance of Ancient and Modern Thought (ed. van der Heiden, G.-J., van Kooten, G. et Cimino, A.; Berlin: de Gruyter, 2017) 133–64Google Scholar, en particulier 155–6, avec références chez Diogène Laërce et Chrysippe).

39 Ici et dans la suite de l'article, la forme italique du mot ʻensembleʼ indique qu'il est employé au sens technique de la méthode mise en œuvre. La notion d’ensemble est une notion essentiellement fonctionnelle. Un ensemble est une entité littéraire qui peut exceptionnellement être réduite à une seule péricope mais qui généralement regroupe plusieurs péricopes successives, liées par exemple par la même thématique, par le même genre littéraire ou par la même fonction argumentative ou discursive dans une entité littéraire plus large que l'on appellera un ʻdéveloppementʼ.

40 La dimension relationnelle et interpersonnelle du Lasterkatalog de 6,9d–10f est frappante. Il s'agit toujours de comportements qui représentent une forme d'injustice vis-à-vis de l'autre et qui blessent l'autre – qu'il s'agisse de Dieu ou du prochain. Les idolâtres (εἰδωλολάτραι, 6,9e), en adorant des faux dieux, commettent une forme d'injustice vis-à-vis du Dieu unique. Les ivrognes (μέθυσοι, 6,10c), à cause des violences qu'ils sont susceptibles d'infliger aux autres, sont également à leur place dans ce catalogue. Les deux termes débattus μαλακοί (efféminés) et ἀρσενοκοῖται (pédérastes) (6,9g–h) pourraient en vertu de ce contexte être interprétés en ce sens, c'est-à-dire non pas comme des formes d'homosexualité purement et simplement, mais comme des variantes de la πορνεία, qui est une forme d’ἀδικία parce qu'elle prive un être humain de sa dignité. Sur ce débat voir, entre autres, Malick, D., ʻThe Condemnation of Homosexuality in 1 Corinthians 6:9ʼ, BS 150 (1993) 479–92Google Scholar; Petersen, W., ʻCan ἀρσενοκοῖται be Translated by “Homosexuals”? (1 Cor. 6:9; 1 Tim. 1:10)ʼ, VC 40 (1986) 187–91Google Scholar et Wright, D., ʻHomosexuals or Prostitutes? The Meaning of ἀρσενοκοῖται (1 Cor. 6:9; 1 Tim. 1:10)ʼ, VC 39 (1984) 125–53Google Scholar.

41 Dans l’ensemble central, le pronom ἐγώ en 6,12d a une valeur paradigmatique.

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Figure 1. Présentation structurée de 1 Co 6,12–20.

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Figure 2. Agencement et cohérence de la péricope 6,12–20.

Figure 2

Figure 3. Construction concentrique du ʻdéveloppementʼ 1 Co 5–7.