Introduction
Dans cet article, nous développons dans le contexte des espaces de Berkovich des techniques d'aplatissement par éclatements inspirées de celles que Raynaud et Gruson ont introduites dans leur travail fondateur [Reference Raynaud and GrusonRG71], puis nous en donnons quelques applications, notamment à la description de l'image d'un morphisme arbitraire entre espaces analytiques compacts; nous espérons ultérieurement les utiliser avec Amaury Thuillier pour étudier les images de squelettes.
Les résultats de [Reference Raynaud and GrusonRG71]
Avant de décrire un peu plus précisément nos résultats, nous allons rappeler ceux de Raynaud et Gruson, en en donnant une version simplifiée. Soit $f\colon Y\to X$ un morphisme de type fini entre schémas noethériens, soit
$\mathscr {F}$ un faisceau cohérent sur
$Y$ et soit
$U$ le plus grand ouvert de
$X$ au dessus duquel
$\mathscr {F}$ est
$X$-plat. Le théorème 5.2.2 de [Reference Raynaud and GrusonRG71] (dont Quentin Guignard a donné récemment une preuve complètement différente dans [Reference GuignardGui19]) assure alors qu'il existe un sous-schéma fermé
$F$ de
$X$ de support
$X\setminus U$ tel que la transformée stricte correspondante
$\tilde {\mathscr {F}}$ de
$\mathscr {F}$ soit plate sur l’éclaté
$\tilde {X}$ de
$X$ le long de
$F$. (Rappelons que
$\tilde {\mathscr {F}}$ est le quotient de l'image réciproque de
$\mathscr {F}$ sur
$Y\times _X \tilde {X}$ par son sous-faisceau des sections à support contenu ensemblistement dans
$Y\times _X S\subset Y\times _X \tilde {X}$, où
$S$ est le diviseur de Cartier
$\tilde {X}\times _X F$ de
$\tilde {X}$.)
Notons que l'image du morphisme $\tilde {X}\to X$ est égale à l'adhérence
$\bar U$ de
$U$ dans
$X$ ; c'est donc lorsque
$U$ est dense que ce théorème de Raynaud-Gruson est le plus puissant ; dans le cas opposé où
$U$ est vide,
$\tilde {X}$ l'est aussi et le théorème est sans contenu. Ainsi, les techniques d'aplatissement ne créent pas de platitude ex-nihilo : elles se contentent de propager un peu la platitude déjà présente.
Posons $Y'=Y\times _X \tilde {X}$, notons
${\sf P}$ l'ouvert de
$Y$ formé des points en lesquels
$\mathscr {F}$ est
$X$-plat, et
${\sf Q}$ son fermé complémentaire ; remarquons que
$F$ est ensemblistement égal à
$\overline {f({\sf Q})}$. Nous allons maintenant reformuler quelques propriétés de l’éclatement
$\tilde {X}\to X$ d'une façon qui peut sembler un peu laborieuse, mais dont nous verrons l'intérêt plus bas.
(a) Le quotient de l'image réciproque de
$\mathscr {F}$ sur
$Y'$ par son sous-faisceau des sections à support ensemblistement contenu dans
$Y'\times _{\tilde {X}}S$ est plat sur
$\tilde {X}$.
(b) L'ouvert
$Y'\setminus (Y'\times _{\tilde {X}}S)$ de
$Y'$ est situé au-dessus de
${\sf P}$.
(c) Le fermé
$Y'\times _{\tilde {X}} S$ de
$Y'$ est situé ensemblistement au-dessus de
$f^{-1} (\overline {f({\sf Q})})$.
(d) L'image de
$Y'\to Y$ contient
$Y\setminus f^{-1}(\overline {f({\sf Q})})$.
(e) L'image de
$Y'\times _{\tilde {X}} S\to Y$ contient ensemblistement
$f^{-1}(G)$ pour toute composante irréductible
$G$ de
$\overline {f({\sf Q})}$ qui n'est pas une composante irréductible de
$X$.
Notre théorème principal
Venons-en maintenant aux méthodes d'aplatissement mises au point dans le présent travail. Précisons d'emblée que nous ne nous intéresserons qu’à des morphismes entre espaces compacts, mais même avec cette restriction, on ne peut pas espérer disposer du même énoncé mutatis mutandis qu'en théorie des schémas, en raison du comportement sauvage de la topologie de Zariski en géométrie analytique. Par exemple, considérons un $3$-disque fermé
$D$ , un
$3$-disque fermé
$D'\subsetneq D$ et une courbe
$C$ tracée sur
$D'$ et Zariski-dense dans
$D$. Soit
$\Delta$ l’éclaté de
$D'$ le long de
$C$. Il est clair que le morphisme induit
$\Delta \to D$ ne pourra pas être aplati par un éclatement de
$D$ le long d'un de ses sous-espaces analytiques fermés ; il peut par contre être aplati par lui-même, mais il s'agit d'un éclatement de
$D'$ et non de
$D$. On doit donc au minimum autoriser dans notre procédure d'aplatissement, en plus des éclatements, des immersions de domaines analytiques compacts ; mais nous devrons plus généralement faire appel aux morphismes quasi-étales (à source compacte), et nous avons de bonnes raisons de croire qu'on ne peut pas s'en passer (voir les commentaires en 7.12).
On fixe un corps ultramétrique complet $k$. Soit
$f\colon Y\to X$ un morphisme entre espaces
$k$-analytiques compacts. Nous appellerons (dans cette introduction uniquement) triplet admissible un triplet
$(Z,S,V)$ constitué d'un espace analytique compact
$Z$ muni d'un morphisme
$Z\to X$, d'un diviseur de Cartier
$S$ de
$Z$ et d'un domaine analytique compact
$V$ de
$Y\times _X Z$ tel qu'il existe une factorisation
![](https://static.cambridge.org/binary/version/id/urn:cambridge.org:id:binary:20210322154004198-0020:S0010437X20007459:S0010437X20007459_eqnU1.png?pub-status=live)
et pour tout $i$ un diviseur de Cartier
$\Sigma _i$ de
$Z_i$ ainsi qu'un sous-espace analytique fermé
$C_{i-1}$ de
$T_{i-1}$ (si
$i\geqslant 1$) satisfaisant les propriétés suivantes :
⋄ les
$T_i$ et les
$Z_i$ sont tous compacts ;
⋄ pour tout
$i$, le morphisme
$T_i\to Z_i$ est quasi-étale ;
⋄
$\Sigma _0=\varnothing$ et
$\Sigma _m=S$ ;
⋄ pour tout
$i$ supérieur ou égal à
$1$, le sous-espace analytique fermé
$C_{i-1}$ de
$T_{i-1}$ majore
$T_{i-1}\times _{Z_{i-1}}\Sigma _{i-1}$, le morphisme
$Z_i\to T_{i-1}$ est l’éclatement de centre
$C_{i-1}$ et
\[\Sigma _i=Z_i\times _{Z_{i-1}}C_{i-1}.\]
Soit $\mathscr {F}$ un faisceau cohérent sur
$Y$, soit
${\sf P}$ le lieu de
$X$-platitude de
$\mathscr {F}$ et soit
${\sf Q}$ le fermé complémentaire de
${\sf P}$ dans
$Y$. Notre théorème 6.6 (ou plutôt sa déclinaison dans un cas particulier bien précis, voir le commentaire en 6.7.2) assure qu'il existe une famille finie
$((Z_i,S_i,Y_i))_i$ de triplets admissibles telle que :
(1) pour tout
$i$, le quotient de l'image réciproque de
$\mathscr {F}$ sur
$Y_i$ par son sous-faisceau des sections à support ensemblistement contenu dans
$Y_i\times _{Z_i}S_i$ est plat sur
$Z_i$ ;
(2) pour tout
$i$, l'ouvert
$Y_i\setminus (Y_i\times _{Z_i}S_i)$ de
$Y_i$ est situé au-dessus de
${\sf P}$ ;
(3) pour tout
$i$, le fermé
$Y_i\times _{Z_i}S_i$ de
$Y_i$ est contenu dans l'image réciproque de
$f^{-1}(f({\sf Q}))$ ;
(4) la réunion des images des morphismes
$Y_i\to Y$ contient
$Y\setminus f^{-1}(f({\sf Q}))$ ;
(5) la réunion des images des morphismes
$Y_i \times _{Z_i}S_i\to Y$ contient tout point de
${\sf Q}$ dont l'image sur
$X$ n'est pas adhérente à
$f({\sf Q})\cap {\sf A}(X)$.
L’énoncé (5) appelle une explication. La notation ${\sf A}(X)$ désigne l'ensemble des « points d'Abhyankar de rang maximal de
$X$ » (5.15), qui jouent en gros en géométrie analytique le rôle des points génériques de composantes irréductibles en théorie des schémas. En particulier, si
$T$ est un fermé de Zariski de
$X$, l'adhérence de
$T\cap {\sf A}(X)$ est la réunion des composantes irréductibles de
$X$ contenues dans
$T$ (5.16.3).
On peut voir les propriétés (1), (2), (3), (4) et (5) comme des avatars respectifs des propriétés (a), (b), (c), (d) et (e) énoncées plus haut dans le cadre schématique (en ce qui concerne l'analogie entre (5) et (e), elle se fonde sur la remarque qui précède ; notons également qu'ici ${\sf Q}$ est compact, si bien que
$\overline {f({\sf Q})}=f({\sf Q})$).
À propos de nos méthodes
Nous suivons dans les grandes lignes la stratégie de Raynaud et Gruson, fondée sur ce qu'ils appellent les dévissages ; mais sa mise en œuvre dans le contexte des espaces de Berkovich plutôt que des schémas se heurte à un nombre important de difficultés.
Une partie d'entre elles ont été résolues par l'auteur dans des articles antérieurs. Par exemple, c'est au chapitre 5 de [Reference DucrosDuc18] que sont jetées les bases de la théorie des dévissages en géométrie analytique (que nous rappelons et complétons à la section 4).
D'autres le sont dans le présent article. Ainsi, à la section 2, nous définissons et étudions les composantes immergées d'un espace analytique, et plus généralement d'un faisceau cohérent $\mathscr {F}$ sur celui-ci. Plus précisément, nous définissons la notion d’assassin de
$\mathscr {F}$ (la terminologie est empruntée à Raynaud et Gruson) puis, dans la foulée, celle de composante assassine (définition 2.7) de
$\mathscr {F}$ ; les composantes irréductibles de
$\mathrm {Supp}(\mathscr {F})$ sont toujours des composantes assassines de
$\mathscr {F}$, et ce sont les autres composantes assassines de
$\mathscr {F}$ qu'on appelle composantes immergées. Nous décrivons le comportement des composantes assassines par restriction à un domaine analytique (prop. 2.10), et établissons quelques principes GAGA à leur sujet (prop. 2.9 et plus généralement lemme 2.22). Nous utilisons par ailleurs les composantes assassines pour introduire un analogue analytique de la notion d'adhérence schématique, que nous avons appelé (faute d'avoir trouvé une dénomination moins ambiguë) adhérence analytique (lemme-définition 2.17).
Et à la section 3, nous montrons (théorème 3.9) l'existence d'un « idéal des coefficients » associé à un sous-espace analytique fermé $Z$ de la source d'un morphisme quasi-lisse et compact
$Y\to X$ à fibres géométriquement irréductibles (ceci implique notamment que l'ensemble des points
$x$ de
$X$ tels que la fibre
$Y_x$ soit entièrement contenue dans
$Z$ est un fermé de Zariski de
$X$). Ce théorème joue un rôle absolument crucial dans notre procédure d'aplatissement, car les centres de nos éclatements sont définis par des idéaux de coefficients bien choisis, mais pour l'appliquer nous nous heurtons à un obstacle de taille : en effet, si nos dévissages font apparaître des morphismes quasi-lisses, ils ne fournissent aucun contrôle sur les composantes irréductibles géométriques de leurs fibres (contrairement à ce qui se passe chez Raynaud et Gruson). C'est ce problème qui est à l'origine de la présence de morphismes quasi-étales dans notre procédure d'aplatissement. En effet, il peut être contourné, mais localement pour la topologie quasi-étale sur la base. Plus précisément, nous montrons que si
$Y\to X$ est un morphisme plat et à fibres géométriquement réduites (par exemple, un morphisme quasi-lisse) entre espaces
$k$-analytiques compacts, il existe un espace
$k$-analytique compact
$X'$, une surjection quasi-étale
$X'\to X$, et un découpage de
$Y\times _X X'$ au-dessus de
$X'$, c'est-à-dire un recouvrement fini
$(Y_i)$ de
$Y\times _X X'$ par des domaines analytiques compacts tels que les fibres de
$Y_i\to X'$ soient géométriquement connexes pour tout
$i$. C'est le théorème 3.11, qui repose pour l'essentiel sur le théorème 3.5 de [Reference DucrosDuc19]. Ce dernier est une sorte de substitut au théorème de la fibre réduite de Bosch, Lütkebohmert et Raynaud ([Reference Bosch, Lütkebohmert and RaynaudBLR95], thm. 2.5), substitut qui a l'avantage d’être valable pour les espaces de Berkovich non nécessairement stricts et sans hypothèse d’équidimensionalité relative ; il est démontré dans [Reference DucrosDuc19] sans utiliser le théorème original de la fibre réduite ni recourir à la géométrie formelle.
Quelques applications
À la section 7, nous donnons quelques applications de notre théorème principal.
Nous montrons tout d'abord un théorème d’équidimensionalisation (thm. 7.3) dont l’énoncé est le suivant : soit $Y\to X$ un morphisme entre espaces
$k$-analytiques compacts ; supposons qu'il existe un entier
$\delta$ tel que la réunion des fibres de
$Y\to X$ qui sont purement de dimension
$\delta$ soit dense dans
$Y$ ; il existe alors une famille finie
$((Z_i, S_i, Y_i))_i$ de triplets admissibles telle que pour tout
$i$, l'adhérence analytique
$Y'_i$ de
$Y_i\setminus Y_i\times _{Z_i}S_i$ dans
$Y_i$ soit purement de dimension relative
$\delta$ sur
$Z_i$, et telle que les images des morphismes
$Y'_i\to Y$ recouvrent
$Y$.
Nous abordons ensuite le problème de la factorisation d'un morphisme nulle part plat par un fermé de Zariski du but. Donnons quelques explications. Soit $f\colon Y\to X$ un morphisme de type fini entre schémas noethériens, avec
$X$ intègre ; si
$f$ n'est plat en aucun point de
$Y$, l'image
$f(Y)$ ne contient pas le point générique de
$X$ et son adhérence de Zariski est donc un fermé strict de
$X$. Un tel résultat n'a aucune chance d’être vrai en géométrie analytique (penser à une courbe tracée sur un petit bidisque et Zariski-dense dans un bidisque plus grand), mais nous montrons l'assertion suivante (thm. 7.5) qui en est un substitut : soit
$Y\to X$ un morphisme entre espaces
$k$-analytiques compacts ; supposons que
$X$ est réduit et que le lieu de
$X$-platitude de
$Y$ est vide ; il existe alors une famille finie
$((Z_i, S_i, Y_i))_i$ de triplets admissibles telle que pour tout
$i$, le morphisme
$Y_i\to Z_i$ se factorise ensemblistement par
$S_i$, et telle que les images des morphismes
$Y_i\to Y$ recouvrent
$Y$.
Grâce à cet énoncé, nous démontrons le dernier résultat de l'article par récurrence sur la dimension de la base et réduction au cas génériquement plat (qui lui-même se traite par une application directe du théorème principal). Ce dernier résultat s’énonce comme suit (thm. 7.6 et thm. 7.9 ; voir aussi les commentaires en 7.11 sur son intérêt et ses limites) : soit $f\colon Y\to X$ un morphisme entre espaces
$k$-analytiques compacts, avec
$X$ réduit ; il existe une famille finie de morphismes
$(f_i\colon V_i\to X)_i$ telle que chacun des
$f_i$ s’écrive comme une composée (dans n'importe quel ordre) d’éclatements, de morphismes quasi-étales, et d'immersions fermées, tous à source et but compacts et réduits, et telle que l'image
$f(Y)$ soit la réunion des
${\bigcup} _i f_i(V_i)$ ; si de plus le lieu de platitude de
$f$ est dense dans
$Y$, on peut faire en sorte que chacun des
$f_i$ soit simplement une composée d’éclatements et de morphismes quasi-étales, tous à source et but compacts et réduits (les immersions fermées ne sont plus nécessaires).
Liens avec des travaux antérieurs
Différents auteurs ont déjà mis en œuvre des travaux d'aplatissement dans le contexte de la géométrie analytique.
⋄ Bosch et Lütkebohmert ont utilisé la variante formelle des techniques de Raynaud et Gruson pour fabriquer des modèles formels plats de morphismes plats entre espaces strictement analytiques compacts ([Reference Bosch and LütkebohmertBL93], thm. 5.2 ; voir aussi [Reference AbbesAbb10], thm. 5.8.1). Mais ces résultats sont en un sens « orthogonaux » aux nôtres, car les éclatements des auteurs ne modifient que la fibre spéciale, et n'ont aucun effet aplatissant au niveau générique ; et nous ne les utilisons pas dans notre preuve (ni dans nos travaux antérieurs auxquels nous faisons parfois appel).
⋄ Hironaka a démontré divers théorèmes d'aplatissement en géométrie analytique complexe, par des techniques qui n'ont rien à voir avec celles de Raynaud et Gruson (ni par conséquent avec les nôtres).
Dans [Reference HironakaHir73] il démontre un théorème d'aplatissement local pour un morphisme entre espaces analytiques, dont notre théorème 6.6 peut être plus ou moins vu comme un analogue ultramétrique. Il en donne ensuite une application en géométrie analytique réelle (en utilisant une procédure de complexification), et plus précisément à l’étude des images de parties semi-analytiques réelles sous un morphisme analytique réel propre.
Dans [Reference HironakaHir75], il démontre un théorème d'aplatissement global pour un morphisme propre
$Y\to X$ entre espaces analytiques (avec
$X$ réduit) : si
$\mathscr {F}$ est un faisceau cohérent sur
$Y$, il prouve l'existence d'un morphisme propre et biméromorphe
$X'\to X$ tel que la transformée stricte correspondante de
$\mathscr {F}$ soit plate sur
$X'$. Il serait très intéressant d’établir un résultat analogue dans le contexte analytique ultramétrique.
Par ailleurs, les images des morphismes entre espaces analytiques compacts ont fait l'objet de nombreuses études du point de vue de la théorie des modèles des corps valués, et nous pensons que la description de ces images que nous obtenons et avons décrite ci-dessus est une reformulation géométrique d'un théorème obtenu par Cluckers et Lipshitz dans [Reference Cluckers and LipshitzCL17]. Nous discutons ce point plus avant en 7.12 (dont la lecture requiert une certaine familiarité avec la théorie des modèles).
1 Rappels, conventions, notations
1.1 La cadre général
On fixe pour toute la suite du texte un corps ultramétrique complet $k$ (la valuation peut être triviale). Nous travaillerons avec la notion d'espace
$k$-analytique au sens de Berkovich et considérerons comme connues les bases de la théorie, exposées par exemple dans les textes fondateurs [Reference BerkovichBer90] et [Reference BerkovichBer93] (notre définition d'espace
$k$-analytique sera celle de [Reference BerkovichBer93] ; avec ce choix, les espaces définis dans [Reference BerkovichBer90] sont les bons espaces
$k$-analytiques, c'est-à-dire ceux dont tout point possède un voisinage affinoïde).
On fixe également un sous-groupe $\Gamma$ de
$\mathbf {R}_{>0}$ tel que
$\big |k^{\times }\big |\cdot \Gamma \neq \{1\}$ (autrement dit
$\Gamma$ est non trivial si la valeur absolue de
$k$ est triviale). Nous utiliserons la notion d'espace
$k$-analytique
$\Gamma$-strict, pour laquelle nous renvoyons au paragraphe 3.1 de [Reference DucrosDuc18]. Intuitivement, un espace
$k$-analytique est
$\Gamma$-strict s'il peut être défini en utilisant uniquement des paramètres réels appartenant à
$\Gamma$. Ainsi, si
$\Gamma =\{1\}$ (ce qui n'est possible que lorsque
$k$ n'est pas trivialement valué) les espaces
$k$-analytiques
$\Gamma$-stricts sont les espaces strictement
$k$-analytiques ; et si
$\Gamma =\mathbf {R}_{>0}$, tout espace
$k$-analytique est
$\Gamma$-strict.
1.2 Notations de base
Soit $X$ un espace
$k$-analytique.
Si $E$ est une partie de
$X$ on notera
$\overline {E}^{X}$ l'adhérence de
$E$ dans
$X$.
Si $L$ est une extension complète de
$k$, on notera
$X_L$ l'espace
$L$-analytique obtenu par extension des scalaires de
$k$ à
$L$. On dispose d'un
$k$-morphisme
$X_L\to X$ qui est surjectif (cf. [Reference DucrosDuc07], 0.5). Lorsque
$X=\mathscr {M}(A)$, ce morphisme est induit par la flèche
$A\to A\hat \otimes _k L$, qui est fidèlement plate ([Reference BerkovichBer93], lemme 2.1.2).
Si $x$ est un point de
$X$ on notera
$\mathscr {H}(x)$ le corps résiduel complété de
$x$. Si
$f\colon Y\to X$ est un morphisme d'espaces
$k$-analytiques, on notera
$f^{-1}(x)$ ou
$Y_x$ la fibre de
$f$ en
$x$ ; c'est un espace
$\mathscr {H}(x)$-analytique.
1.3 Topologie et G-topologie
Soit $X$ un espace
$k$-analytique. Il est fourni avec une topologie au sens usuelle, et une topologie de Grothendieck ensembliste qui la raffine et est appelée la G-topologie ; le site correspondant à cette dernière est noté
$X_{\mathrm {G}}$ ([Reference BerkovichBer93], 1.3). Le site
$X_{\mathrm {G}}$ est muni d'un faisceau de
$k$-algèbres que nous noterons
$\mathscr {O}_X$ (nous nous écartons ici des notations de Berkovich, qui le note
$\mathscr {O}_{X_{\mathrm {G}}}$ et désigne par
$\mathscr {O}_X$ sa restriction au site topologique usuel de
$X$). Ce faisceau
$\mathscr {O}_X$ est cohérent ([Reference DucrosDuc09], Lemma 0.1 ; J. Poineau nous a signalé une erreur dans la preuve de ce lemme, mais elle est aisément réparable – voir la note de bas de page de [Reference DucrosDuc18], 1.3.1). Nous appellerons faisceau cohérent sur
$X$ tout
$\mathscr {O}_X$-module cohérent sur le site
$X_{\mathrm {G}}$.
1.4 Notations relatives aux faisceaux cohérents
Soit $\mathscr {F}$ un faisceau cohérent sur un espace
$k$-analytique
$X$.
1.4.1 Supposons que
$X$ est bon
Soit $x$ un point de
$X$.
On notera $\mathscr {F}_x$ la colimite des
$\mathscr {F}(U)$ où
$U$ parcourt l'ensemble des voisinages ouverts de
$x$ dans
$X$ (autrement dit,
$\mathscr {F}_x$ est la fibre en
$x$ du faisceau
$\mathscr {F}$ restreint au site topologique usuel de
$X$) ; en particulier,
$\mathscr {O}_{X,x}$ désignera la colimite des
$\mathscr {O}_X(U)$ où
$U$ parcourt l'ensemble des voisinages ouverts de
$x$ dans
$X$ ; c'est un anneau local excellent hensélien ([Reference BerkovichBer93], thm. 2.1.4 et 2.1.5 pour la noethérianité et l'hensélianité, et [Reference DucrosDuc09], thm. 2.13 pour l'excellence).
1.4.2 On ne suppose plus que
$X$ est bon
Soit $Y$ un espace analytique défini sur une extension complète
$L$ de
$k$, et soit
$f\colon Y\to X$ un
$k$-morphisme. Le faisceau cohérent
$f^*\mathscr {F}$ sera également noté
$\mathscr {F}_Y$ (s'il n'y a pas d'ambiguïté sur
$f$) ; en particulier, si
$V$ est un domaine analytique de
$X$, la restriction de
$\mathscr {F}$ à
$V$ sera notée
$\mathscr {F}_V$.
1.5 GAGA
Soit $X=\mathscr {M}(A)$ un espace
$k$-affinoïde.
1.5.1
Nous désignerons par $X^{\mathrm {al}}$ le schéma
$\mathrm {Spec}\ A$ (ici « al » est une abréviation de « algébrique ») ; il est muni d'un morphisme d'espaces localement annelés
$X\to X^{\mathrm {al}}$.
1.5.2 Analytification d'un schéma
Soit $\mathscr {X}$ un
$A$-schéma de type fini. La catégorie des diagrammes commutatifs
![](https://static.cambridge.org/binary/version/id/urn:cambridge.org:id:binary:20210322154004198-0020:S0010437X20007459:S0010437X20007459_eqnU2.png?pub-status=live)
où $Y$ est un bon espace analytique défini sur une extension complète de
$k$, où
$Y\to X$ est un
$k$-morphisme d'espaces analytiques et où
$Y\to \mathscr {X}$ est un morphisme d'espaces localement annelés, admet un objet final
![](https://static.cambridge.org/binary/version/id/urn:cambridge.org:id:binary:20210322154004198-0020:S0010437X20007459:S0010437X20007459_eqnU3.png?pub-status=live)
([Reference BerkovichBer93], prop. 2.6.2). L'espace $\mathscr {X}^{\mathrm {an}}$ est
$k$-analytique et est appelé l'analytifié de
$\mathscr {X}$ (notons que si
$\mathscr {X}=X^{\mathrm {al}}$ alors
$\mathscr {X}^{\mathrm {an}}=X$). Le morphisme structural
$\mathscr {X}^{\mathrm {an}} \to \mathscr {X}$ est surjectif, et les applications qu'il induit entre anneaux locaux sont régulières ([Reference DucrosDuc09], thm.3.3 ; la platitude et la surjectivité sont dues à Berkovich, [Reference BerkovichBer93] prop. 2.6.2). L'image sur
$\mathscr {X}$ d'un point
$x$ de
$\mathscr {X}^{\mathrm {an}}$ sera notée
$x^{\mathrm {al}}$ ; plus généralement, l'image directe sur
$\mathscr {X}$ d'une partie
$E$ de
$\mathscr {X}^{\mathrm {an}}$ sera notée
$E^{\mathrm {al}}$, et l'image réciproque sur
$\mathscr {X}^{\mathrm {an}}$ d'une partie
$F$ de
$\mathscr {X}$ sera notée
$F^{\mathrm {an}}$.
1.5.3 Analytification d'un faisceau cohérent
Si $\mathscr {F}$ est un faisceau cohérent sur
$\mathscr {X}$, le faisceau cohérent induit sur
$\mathscr {X}^{\mathrm {an}}$ sera noté
$\mathscr {F}^{\mathrm {an}}$. Lorsque
$\mathscr {X}$ est un
$A$-schéma propre,
$\mathscr {F}\mapsto \mathscr {F}^{\mathrm {an}}$ est une équivalence de catégories dont on notera
$\mathscr {F}\mapsto \mathscr {F}^{\mathrm {al}}$ un quasi-inverse ; on trouvera une preuve de cette assertion dans l'appendice A de [Reference PoineauPoi10]. Toutefois, le seul cas qui nous servira ici sera celui où
$\mathscr {X}=X^{\mathrm {al}}$, dans lequel le résultat est essentiellement dû à Kiehl et Tate ; le faisceau
$\mathscr {F}^{\mathrm {al}}$ est alors simplement le faisceau cohérent sur
$X^{\mathrm {al}}$ associé au
$A$-module de type fini
$\mathscr {F}(X)$, et
$\mathscr {F}$ est lui-même le faisceautisé de
$V\mapsto \mathscr {F}(X)\otimes _A \mathscr {O}_X(V)$ (cf. [Reference BerkovichBer93], 1.2).
1.5.4
Soit $Y$ un espace
$k$-analytique quelconque, soit
$V$ un domaine affinoïde de
$Y$ et soit
$x$ un point de
$V$. L'image de
$x$ par l'application
$V\to V^{\mathrm {al}}$ sera parfois notée
$x_V^{\mathrm {al}}$ pour bien indiquer qu'on voit
$x$ comme un point de
$V$ (il pourrait y avoir une ambiguïté si
$Y$ était lui-même affinoïde, ou plus généralement si c’était l'analytifié d'un schéma de type fini sur une algèbre affinoïde).
1.6 Validité de certaines propriétés en un point
On étudie de manière systématique au chapitre 2 de [Reference DucrosDuc18] (et notamment aux sections 2.2, 2.3 et 2.4) la notion de validité en un point d'un espace $k$-analytique d'une propriété
${\sf P}$ d'algèbre commutative sujette à un certain nombre d'axiomes. Nous allons simplement traiter ici le cas de quelques propriétés spécifiques. On fixe un espace
$k$-analytique
$X$, un point
$x$ de
$X$, et un diagramme
$\mathscr {F}\to \mathscr {G}\to \mathscr {H}$ dans la catégorie des faisceaux cohérents sur
$X$.
1.6.1 Validité en un point : la définition
On dira que $X$ est régulier (resp. normal, resp. réduit) en
$x$ si pour tout bon domaine analytique
$V$ de
$X$ contenant
$x$ l'anneau local
$\mathscr {O}_{V,x}$ est régulier (resp. …) ; on dit que
$\mathscr {F}$ est
$S_n$ (resp. libre de rang
$n$) en
$x$ si pour tout bon domaine analytique
$V$ de
$X$ contenant
$x$ le
$\mathscr {O}_{V,x}$-module
$\mathscr {F}_{V,x}$ est
$S_n$ (resp. …) ; on dit que
$\mathscr {F}\to \mathscr {G}$ est injectif (resp. surjectif, resp. bijectif) en
$x$ si pour tout bon domaine analytique
$V$ de
$X$ contenant
$x$ le morphisme
$\mathscr {F}_{V,x}\to \mathscr {G}_{V,x}$ est injectif (resp. …) ; on dit que
$\mathscr {F}\to \mathscr {G}\to \mathscr {H}$ est exacte en
$x$ si pour tout bon domaine analytique
$V$ de
$X$ contenant
$x$ la suite
$\mathscr {F}_{V,x}\to \mathscr {G}_{V,x}\to \mathscr {H}_{V,x}$ est exacte.
1.6.2
Ces définitions sont en fait plus souples qu'il n'y paraît, car il suffit à chaque fois de vérifier la condition requise pour un bon domaine analytique donné $V$ de
$X$ contenant
$x$ : voir les lemmes 2.4.1 et 2.4.3 de [Reference DucrosDuc18], qui reposent sur le fait que si
$W\subset V$ sont deux bons domaines analytiques de
$X$ contenant
$x$, le morphisme
$\mathscr {O}_{V,x}\to \mathscr {O}_{W,x}$ est régulier ([Reference DucrosDuc09], thm. 3.3 ; la platitude est une conséquence directe de [Reference BerkovichBer90], prop. 2.2.4). Il s'ensuit que si
$V$ est un domaine analytique quelconque de
$X$ contenant
$x$ et si
${\sf P}$ est l'une des propriétés évoquées ci-dessus alors
$X$ (ou
$\mathscr {F}$, ou
$\mathscr {F}\to \mathscr {G}$, ou
$\mathscr {F}\to \mathscr {G}\to \mathscr {H}$) satisfait
${\sf P}$ en
$x$ si et seulement si
$V$ (ou
$\mathscr {F}_V$, ou
$\mathscr {F}_V\to \mathscr {G}_V$, ou
$\mathscr {F}_V\to \mathscr {G}_V \to \mathscr {H}_V$) satisfait
${\sf P}$ en
$x$.
1.6.3 Validité globale
On dira que $X$ (ou
$\mathscr {F}$, ou
$\mathscr {F}\to \mathscr {G}$, ou
$\mathscr {F}\to \mathscr {G}\to \mathscr {H}$) satisfait
${\sf P}$ si celle-ci est satisfaite en tout point de
$X$. Avec toutefois une exception : nous continuerons à employer l'expression « libre de rang
$n$ en tout point » et réserverons évidemment « libre de rang
$n$ » au cas des faisceaux globalement libres. Mentionnons que le faisceau cohérent
$\mathscr {F}$ est libre de rang
$n$ en tout point de
$X$ si et seulement si il est G-localement libre de rang
$n$ (cela découle de la définition et de [Reference BerkovichBer93], prop. 1.3.4(iii)).
1.6.4 GAGA pour les propriétés d'algèbre commutative
Soit $\mathscr {X}$ un schéma de type fini sur une algèbre
$k$-affinoïde. On dispose ([Reference DucrosDuc18], Lemma 2.4.5) d'un principe GAGA concernant la validité en un point d'une des propriétés ci-dessus ; par exemple,
$\mathscr {X}^{\mathrm {an}}$ est régulier en un point
$x$ si et seulement si
$\mathscr {X}$ est régulier en
$x^{\mathrm {al}}$ ; si
$\mathscr {F}$ est un faisceau cohérent sur
$\mathscr {X}$ alors
$\mathscr {F}^{\mathrm {an}}$ est
$S_n$ en
$x$ si et seulement si
$\mathscr {F}$ est
$S_n$ en
$x^{\mathrm {al}}$, etc. Le point clef de la preuve est la régularité des morphismes entre anneaux locaux induits par
$\mathscr {X}^{\mathrm {an}} \to \mathscr {X}$.
1.6.5 Espaces réguliers, normaux et réduits
On déduit du principe GAGA ci-dessus qu'un espace $k$-analytique
$X$ est régulier (resp. normal, resp. réduit) si et seulement si
$\mathscr {O}_X(V)$ est régulier (resp. normal, resp. réduit) pour tout domaine affinoïde
$V$ de
$X$ ; il suffit de le vérifier pour un recouvrement affinoïde ensembliste de
$X$.
Remark 1.7 Soit $X$ un espace
$k$-analytique. Les notions d'injectivité, surjectivité et bijectivité d'un morphisme de faisceaux cohérents sur
$X$, ou d'exactitude d'une suite de faisceaux cohérents sur
$X$, sont a priori ambiguës : pour chacune d'elles on pourrait en effet se référer ou bien la définition de 1.6.1 (par la validité en tout point de
$X$) ou bien à celle de la théorie générale des faisceaux sur un site. Mais il n'y a pas d'inquiétude à avoir : les deux définitions sont en fait à chaque fois équivalentes ([Reference DucrosDuc18], 2.5.5).
1.8 Topologie de Zariski
Soit $X$ un espace
$k$-analytique.
1.8.1 Définition de la topologie de Zariski
Si $\mathscr {I}$ est un faisceau cohérent d'idéaux sur
$X$, on note
$\mathrm {V}(\mathscr {I})$ l'ensemble des
$x\in X$ tels que
$f(x)=0$ pour toute section
$f$ de
$\mathscr {I}$. Les parties de
$X$ de la forme
$\mathrm V(\mathscr {I})$, où
$\mathscr {I}$ est un faisceau cohérent d'idéaux sur
$X$, sont les fermés d'une topologie plus grossière que la topologie usuelle et appelée la topologie de Zariski de
$X$. Si
$E$ est une partie de
$X$, on notera
$\overline {E}^{X_{\mathrm {Zar}}}$ l'adhérence de
$E$ dans
$X$ pour la topologie de Zariski. Lorsque
$X$ est affinoïde, la topologie de Zariski de
$X$ est l'image réciproque de la topologie de Zariski de
$X^{\mathrm {al}}$ par l'application naturelle
$X\to X^{\mathrm {al}}$. Un espace
$k$-analytique sera dit irréductible s'il est irréductible pour la topologie de Zariski.
1.8.2 Sous-espaces analytiques fermés
Soit $\mathscr {I}$ un faisceau cohérent d'idéaux sur
$X$. La catégorie formée des couples
$(Y,f)$ où
$Y$ est un espace analytique défini sur une extension complète de
$k$ et où
$f\colon Y\to X$ est un
$k$-morphisme tel que
$f^{-1}\mathscr {I}=0$, admet un objet final
$(Z,\iota )$ ; l'espace
$Z$ est
$k$-analytique, son ensemble sous-jacent est le lieu des zéros
$\mathrm V(\mathscr {I})$ de l'idéal
$\mathscr {I}$ (c'est donc un fermé de Zariski de
$X$), et
$\iota _*\mathscr {O}_Z=\mathscr {O}_X/\mathscr {I}$ (cf. [Reference DucrosDuc18]). On dit que
$Z$ est le sous-espace analytique fermé associé à
$\mathscr {I}$ ; une immersion fermée est un morphisme
$S\to X$ induisant un isomorphisme entre
$S$ et un sous-espace analytique fermé de
$X$.
On munit l'ensemble des sous-espaces analytiques fermés de $X$ de la relation d'ordre opposée à la relation d'inclusion entre les faisceaux cohérents d'idéaux qui les définissent. De cette façon, l'application qui envoie un sous-espace analytique fermé de
$X$ sur son ensemble sous-jacent est croissante.
Si $Z$ est un sous-espace analytique fermé et si
$V$ est un domaine analytique de
$X$, on notera par abus
$Z\cap V$ le produit fibré
$Z\times _X V$ ; c'est à la fois un sous-espace analytique fermé de
$V$ et un domaine analytique de
$Z$.
1.8.3 Structure réduite et caractère G-local de la toplogie de Zariski
Si $Y$ est un fermé de Zariski de
$X$, il possède une plus petite structure de sous-espace analytique fermé ; le faisceau cohérent d'idéaux associé est celui des sections de
$\mathscr {O}_X$ qui s'annulent ponctuellement sur
$Y$ ; la structure correspondante est aussi l'unique structure de sous-espace analytique fermé sur
$Y$ pour laquelle celui-ci est réduit ; on l'appelle la structure réduite sur
$Y$. Lorsque
$Y=X$, l'espace correspondant est noté
$X_{\mathrm {red}}$ ; le faisceau cohérent d'idéaux de
$\mathscr {O}_X$ qui définit
$X_{\mathrm {red}}$ est celui des fonctions localement nilpotentes. Pour une référence, on pourra se reporter à [Reference DucrosDuc09], prop. 4.1.
L'existence de cette structure réduite et sa canonicité ont une conséquence importante : le fait pour une partie de $X$ d’être un fermé (ou un ouvert) de Zariski est de nature G-locale (cf. [Reference DucrosDuc18], 1.3.19).
1.8.4 Lieux de validité des propriétés d'algèbre commutative
Le lieu de validité d'une des propriétés considérée au 1.6.1 est toujours un ouvert de Zariski de $X$ : en effet on peut par ce qui précède raisonner G-localement, donc se ramener au cas affinoïde ; l'assertion résulte alors du principe GAGA rappelé en 1.6.4 et de l'excellence des algèbres affinoïdes ([Reference DucrosDuc09], thm. 2.13).
1.9 Théorie de la dimension
On dispose en géométrie analytique ultramétrique d'une théorie de la dimension avec des variantes globale, locale et relative. Elle est due à Berkovich, et nous renvoyons le lecteur au chapitre 2 de [Reference BerkovichBer90] ainsi qu’à la section 1 de [Reference DucrosDuc07] pour les définitions de base.
1.9.1
Soit $X$ un espace
$k$-analytique. La dimension de
$X$ sera notée
$\dim X$ et sa dimension en un point
$x\in X$ sera notée
$\dim _x X$. Il résulte des définitions que si
$V$ est un domaine analytique de
$X$ on a
$\dim _x V=\dim _x X$ pour tout
$x\in V$ et que
$\dim X$ est égal à
$\sup _{x\in X}\dim _x X$ (la dimension de l'espace vide est par convention égale à
$-\infty$). Si
$L$ est une extension complète de
$k$, si
$x\in X$ et si
$y$ est un antécédent de
$x$ sur
$X_L$ on a
$\dim _y X_L=\dim _x X$ ([Reference DucrosDuc07], prop. 1.2.2).
1.9.2 Espaces équidimensionnels
Si $d$ est un entier, on dit que
$X$ est purement de dimension
$d$ si
$\dim _x X=d$ pour tout
$x\in X$. Si
$X$ est purement de dimension
$d$ tout domaine analytique
$V$ de
$X$ l'est aussi (car on aura
$\dim _x V=\dim _x X=d$ pour tout
$x\in V$) et si
$X$ est non vide,
$X$ est de dimension
$d$. On dit que
$X$ est équidimensionnel s'il est purement de dimension
$d$ pour un certain
$d$ (uniquement déterminé si
$X\neq \varnothing$).
1.9.3 À propos de la dimension relative
Si $f\colon Y\to X$ est un morphisme entre espaces
$k$-analytiques et si
$y$ est un point de
$Y$ dont on note
$x$ l'image sur
$X$, la dimension relative de
$Y$ sur
$X$ en
$y$ est par définition la dimension de
$f^{-1}(x)$ en
$y$, qu'on notera aussi
$\dim _y f$. La fonction
$Y\to \mathbf {Z}_{\geqslant 0}, y\mapsto \dim _y f$, est semi-continue supérieurement pour la topologie de Zariski de
$Y$ ([Reference DucrosDuc07], thm. 4.9).
1.9.4 La quantité
$d_k(x)$
Si $x\in X$, on notera
$d_k(x)$ la somme du rang rationnel de
$\big |\mathscr {H}(x)^{\times }\big |/\big |k^{\times }\big |$ et du degré de transcendance résiduel de
$\mathscr {H}(x)$ sur
$k$ ; l'intérêt de cette quantité est la formule
$\dim X=\sup _{x\in X}d_k(x)$ ([Reference BerkovichBer93], lemme 2.5.2).
1.10 Les composantes irréductibles en géométrie analytique
La topologie de Zariski d'un espace $k$-analytique
$X$ n'a aucune raison d’être noethérienne en général (elle l'est dès que
$X$ est compact). On peut néanmoins développer une théorie des composantes irréductibles en géométrie de Berkovich. C'est l'objet du chapitre 4 de [Reference DucrosDuc09] ; nous allons expliquer brièvement ici de quoi il retourne.
1.10.1 Le cas affinoïde
Si $X$ est affinoïde sa topologie est noethérienne, et il possède donc des composantes irréductibles au sens habituel ; un fermé de Zariski
$T$ de
$X$ en est une composante irréductible si et seulement si
$T^{\mathrm {al}}$ est une composante irréductible de
$X^{\mathrm {al}}$.
1.10.2 Le cas général
Dans le cas général on définit les composantes irréductibles de $X$ comme les parties de la forme
$\overline {T}^{X_{\mathrm {Zar}}}$ où
$T$ est une composante irréductible d'un domaine affinoïde de
$X$. On démontre qu'un domaine affinoïde de
$X$ ne rencontre qu'un nombre fini de composantes irréductibles de
$X$, que les composantes irréductibles de
$X$ sont exactement les fermés de Zariski irréductibles maximaux de
$X$, et que tout fermé de Zariski irréductible de
$X$ est contenu dans une composante irréductible de
$X$ ([Reference DucrosDuc09], thm. 4.20).
1.10.3 Composantes irréductibles et domaines analytiques
On démontre également ([Reference DucrosDuc09], prop. 4.22) que si $V$ est un domaine analytique de
$X$ alors :
(1) pour toute composante irréductible
$Z$ de
$X$, l'intersection
$Z\cap V$ est une union
${\bigcup} _i T_i$ de composantes irréductibles de
$V$ ; pour tout
$i$ on a
$\dim T_i=\dim Z$ et
$\overline {T_i}^{X_{\mathrm {Zar}}}=Z$ ;
(2) pour toute composante irréductible
$T$ de
$V$, l'adhérence
$\overline {T}^{X_{\mathrm {Zar}}}$ est une composante irréductible de
$X$, de même dimension que
$T$, et
$T$ est une composante irréductible de
$\overline {T}^{X_{\mathrm {Zar}}}\cap V$.
On en déduit que $\overline {V}^{X_{\mathrm {Zar}}}$ est la réunion des composantes irréductibles de
$X$ rencontrant
$V$.
1.10.4 Composantes irréductibles et théorie de la dimension
Si $X$ est un espace
$k$-analytique irréductible il est purement de dimension
$d$ pour un certain
$d\geqslant 0$, et tout fermé de Zariski strict de
$X$ est de dimension
$ < d$ ([Reference DucrosDuc09], cor. 4.14). Si l'on ne suppose plus
$X$ irréductible, l'entier
$\dim _x X$ est égal pour tout point
$x$ de
$X$ au maximum des dimensions des composantes irréductibles de
$X$ contenant
$x$ ([Reference DucrosDuc09], lemme 4.21).
1.10.5 Composantes irréductibles et codimension
Soit $X$ un espace
$k$-analytique et soit
$Y$ un fermé de Zariski de
$X$. Si
$x$ est un point de
$Y$ alors la codimension de
$Y$ dans
$X$ en
$x$ est définie comme dans le cas des schémas par la formule
![](https://static.cambridge.org/binary/version/id/urn:cambridge.org:id:binary:20210322154004198-0020:S0010437X20007459:S0010437X20007459_eqnU4.png?pub-status=live)
(en particulier, elle est égale à $\dim X-\dim Y$ dès que
$X$ et
$Y$ sont irréductibles).
On dispose d'un principe GAGA pour la codimension : si $\mathscr {X}$ est un schéma de type fini sur une algèbre
$k$-affinoïde et si
$\mathscr {Y}$ est un fermé de Zariski de
$\mathscr {X}$, alors pour tout point
$x$ de
$\mathscr {Y}^{\mathrm {an}}$ la codimension de
$\mathscr {Y}^{\mathrm {an}}$ dans
$\mathscr {X}^{\mathrm {an}}$ en
$x$ est égale à celle de
$\mathscr {Y}$ dans
$\mathscr {X}$ en
$x^{\mathrm {al}}$ ([Reference DucrosDuc18], cor. 2.7.13).
1.10.6 Composantes irréductibles d'un espace normal
Si $X$ est un espace
$k$-analytique normal, ses composantes irréductibles sont ses composantes connexes ([Reference DucrosDuc09], propr. 5.14).
1.10.7 Adhérence des ouverts de Zariski
Si $U$ est un ouvert de Zariski de
$X$, son adhérence
$\overline {U}^{X_{\mathrm {Zar}}}$ est égale à la réunion des composantes irréductibles de
$X$ que
$U$ rencontre (c'est immédiat) ; elle coïncide avec l'adhérence topologique
$\overline {U}^{X}$ de
$U$ dans
$X$ ([Reference DucrosDuc09], Lemma 5.1.12), et sa formation commute à l'extension des scalaires ([Reference DucrosDuc09], Cor. 5.14). Il découle par ailleurs des propriétés (1) et (2) de 1.10.3 que pour tout domaine analytique
$V$ de
$X$ on a
$\overline {U}^{X_{\mathrm {Zar}}}\cap V=\overline {(U\cap V)}^{V_{\mathrm {Zar}}}$. Nous nous servirons à plusieurs reprises du cas particulier suivant : si
$U$ est Zariski-dense dans
$X$ alors
$U\cap V$ est Zariski-dense dans
$V$ pour tout domaine analytique
$V$ de
$X$.
1.10.8 Principe GAGA pour les composantes irréductibles
Soit $\mathscr {X}$ un schéma de type fini sur une algèbre affinoïde et soit
$(\mathscr {X}_i)_i$ la famille des composantes irréductibles de
$\mathscr {X}$. La famille
$(\mathscr {X}_i^{\mathrm {an}})_i$ est alors la famille des composantes irréductibles de
$\mathscr {X}^{\mathrm {an}}$ ; en particulier, si
$\mathscr {X}$ est irréductible alors
$\mathscr {X}^{\mathrm {an}}$ est irréductible ([Reference DucrosDuc18], prop. 2.7.16).
Lemme 1.11 Soit $X$ un espace
$k$-analytique irréductible et soit
$U$ un ouvert de Zariski non vide de
$X$. L'espace
$U$ est irréductible.
Demonstration Soit $Z$ le complémentaire de
$U$ dans
$X$. Soit
$\tilde {X}$ le normalisé de
$X$ ([Reference DucrosDuc18], déf. 5.10 et thm. 5.13) et soit
$\tilde {U}$ (resp.
$\tilde {Z}$) l'image réciproque de
$U$ (resp.
$Z$) sur
$\tilde {X}$. L'ouvert
$\tilde {U}$ de
$\tilde {X}$ est le normalisé de
$U$ ([Reference DucrosDuc18], lemme 5.11) et il suffit pour conclure de démontrer que
$\tilde {U}$ est connexe (ceci entraînera l'irréductibilité de
$\tilde {U}$ puisqu'il est normal, et donc celle de
$U$ par surjectivité du morphisme de normalisation). Or l'espace
$\tilde {X}$ est normal, et il est connexe par irréductibilité de
$X$ ([Reference DucrosDuc18], prop. 5.16) ; par ailleurs, la surjectivité du morphisme de normalisation entraîne que
$\tilde {Z}$ est un fermé de Zariski strict, et partant d'intérieur vide, de
$\tilde {X}$. En utilisant l'avatar en théorie de Berkovich du théorème d'extension de Riemann ([Reference BerkovichBer90], prop. 3.3.14, elle-même fondée sur la version rigide-analytique de ce résultat due à Lütkebohmert, [Reference LütkebohmertLüt74]), on en déduit que
$\tilde {U}$ est connexe.
Lemme 1.12 Soit $X$ un espace
$k$-analytique, soit
$U$ un ouvert de Zariski de
$X$, et soit
$V$ un ouvert fermé de
$U$. L'ouvert
$V$ est alors un ouvert de Zariski de
$X$.
Demonstration Soit $W$ un domaine affinoïde de
$X$. L'ouvert fermé
$V$ de
$U$ est réunion de composantes connexes de
$U$, et est a fortiori réunion de composantes irréductibles de
$U$. Par conséquent,
$V\cap W$ est réunion de composantes irréductibles de
$U\cap W$. Par le principe GAGA pour les composantes irréductibles appliqué à l'ouvert
$(W\cap U)^{\mathrm {al}}$ de
$W^{\mathrm {al}}$, les composantes irréductibles de
$W\cap U$ sont précisément les parties de la forme
$\mathscr {Y}^{\mathrm {an}}$ où
$\mathscr {Y}$ est une composante irréductible de
$(W\cap U)^{\mathrm {al}}$ ; elles sont donc en nombre fini, et sont Zariski-constructibles. L'intersection
$W\cap V$ est donc Zariski-constructible et ouverte dans
$W$ ; c'est en conséquence un ouvert de Zariski de
$W$ ([Reference BerkovichBer93], Cor. 2.6.6). Ceci valant pour tout
$W$, l'ouvert
$V$ est un ouvert de Zariski de
$X$.
Remark 1.13 Les lemmes précédents ne sont pas simplement des énoncés triviaux de topologie générale (comme le seraient leurs analogues schématiques). En effet, si $U$ est un domaine analytique d'un espace
$k$-analytique
$X$, la topologie de Zariski de
$U$ est en général plus fine que la topologie induite par la topologie de
$X$, et ce même dans le cas où
$U$ est lui-même un ouvert de Zariski de
$X$. Par exemple, si la valeur absolue de
$k$ n'est pas triviale, une suite d’éléments de
$k$ tendant vers l'infini en valeur absolue définit un fermé de Zariski de
$\mathbf {A}^{1,\mathrm {an}}_k$ qui n'est pas la trace d'un fermé de Zariski de
$\mathbf {P}^{1,\mathrm {an}}_k$ (ce phénomène n'a rien de spécifiquement non archimédien : on le rencontre tout aussi bien en géométrie analytique complexe).
1.14 Quelques propriétés géométriques
Soit $X$ un espace
$k$-analytique. Les assertions suivantes sont équivalentes :
(i)
$X_L$ est connexe (resp. irréductible, resp. réduit) pour toute extension complète
$L$ de
$k$.
(ii) Il existe une extension complète
$L$ de
$k$ qui est séparablement closeFootnote 1 (resp. séparablement close, resp. parfaite) telle que
$X_L$ soit connexe (resp. irréductible, resp. réduit).
Si elles sont satisfaites, on dit que $X$ est géométriquement connexe (resp. irréductible, resp. réduit).
Pour les preuves, on pourra consulter [Reference DucrosDuc09] et plus précisément le thm. 7.14 pour la connexité, le thm. 7.16 pour l'irréductibilité, et la prop. 6.3 pour le caractère réduit.
1.15 Platitude en géométrie analytique
Nous allons brièvement présenter la théorie de la platitude en géométrie de Berkovich, qui est introduite et étudiée systématiquement dans [Reference DucrosDuc18]. Soit $f\colon Y\to X$ un morphisme entre espaces
$k$-analytiques, soit
$y$ un point de
$Y$ et soit
$x$ son image sur
$X$. Soit
$\mathscr {F}$ un faisceau cohérent sur
$Y$.
1.15.1 Le cas bon
Supposons que $Y$ et
$X$ sont bons. On dit que
$\mathscr {F}$ est naïvement
$X$-plat en
$y$ si
$\mathscr {F}_y$ est un
$\mathscr {O}_{X,x}$-module plat. Cette notion présente un grave défaut, qui explique le choix de l'adverbe « naïvement » : elle n'est stable ni par changement de base
$k$-analytique, ni par extension des scalaires – nous décrivons en détail un contre-exemple à la section 4.4 de [Reference DucrosDuc18]. Pour y remédier, on impose la stabilité par extension des scalaires et changement de base
$k$-analytique : on dit que
$\mathscr {F}$ est
$X$-plat (ou plat sur
$X$) en
$y$ si pour tout bon espace analytique
$X'$ défini sur une extension complète quelconque de
$k$, tout
$k$-morphisme
$X'\to X$ et tout antécédent
$y'$ de
$y$ sur
$Y':=Y\times _X X'$, le faisceau cohérent
$\mathscr {F}_{Y'}$ est naïvement
$X'$-plat en
$y'$. Soit
$U$ un bon domaine analytique de
$X$ contenant
$x$ et soit
$V$ un bon domaine analytique de
$Y\times _X U$ contenant
$y$. Les anneaux locaux
$\mathscr {O}_{V,y}$ et
$\mathscr {O}_{U,x}$ sont respectivement plats sur
$\mathscr {O}_{Y,y}$ et
$\mathscr {O}_{X,x}$ (c'est une conséquence de la proposition 2.2.4 de [Reference BerkovichBer90]). On en déduit facilement que
$\mathscr {F}$ est
$X$-plat en
$y$ si et seulement si
$\mathscr {F}_V$ est
$U$-plat en
$y$ (cette équivalence est énoncée au paragraphe 4.1.7 [Reference DucrosDuc18] mais M. Daylies a remarqué que la preuve qu'on en donne est erronée ; pour un raisonnement correct, voir les errata mentionnés dans la bibliographie).
1.15.2 Le cas général
On ne suppose plus que $Y$ et
$X$ sont bons. On dit que
$\mathscr {F}$ est
$X$-plat en
$y$ si pour tout bon domaine analytique
$U$ de
$X$ contenant
$x$ et tout bon domaine analytique
$V$ de
$Y\times _X U$ contenant
$y$, le faisceau cohérent
$\mathscr {F}_V$ est
$U$-plat en
$y$ ; et il suffit en fait de le vérifier pour un tel couple
$(U,V)$ donné. Si
$\mathscr {F}=\mathscr {O}_Y$ on dit aussi que
$Y$ est
$X$-plat en
$y$ ou que
$f$ est plat en
$x$. On dit que
$\mathscr {F}$ est
$X$-plat s'il est plat en tout point de
$Y$ (si
$\mathscr {F}=\mathscr {O}_Y$ on dira aussi que
$Y$ est
$X$-plat, ou que
$f$ est plat)
Soit $U$ un domaine analytique de
$X$ contenant
$x$ et soit
$V$ un domaine analytique de
$Y\times _X U$ contenant
$y$ (on ne suppose pas
$U$ ou
$V$ bons). Il est immédiat que
$\mathscr {F}$ est
$X$-plat en
$y$ si et seulement si
$\mathscr {F}_V$ est
$U$-plat en
$y$. En particulier
$U\hookrightarrow X$ est plat (appliquer ce qui précède au morphisme
$\mathrm {Id}_X\colon X\to X$, qui est évidemment plat).
1.15.3 Platitude du morphisme structural
Le morphisme structural $X\to \mathscr {M}(k)$ est plat ([Reference DucrosDuc18], lemme 4.1.13 ; il y a quelque chose à démontrer !).
1.15.4 Changement de base et descente
Soit $X'$ un espace analytique défini sur une extension complète
$L$ de
$k$, soit
$X'\to X$ un
$k$-morphisme et soit
$y'$ un point de
$Y':=Y\times _x X'$ situé au-dessus de
$y$, dont on note
$x'$ l'image sur
$X'$. Si
$\mathscr {F}$ est
$X$-plat en
$y$ alors
$\mathscr {F}_{Y'}$ est
$X'$-plat en
$y'$ : la définition permet en effet de se ramener au cas où tous les espaces en jeux sont bons, dans lequel cette propriété a été imposée. La réciproque est vraie si le morphisme
$X'\to X_L$ induit par
$X'\to X$ est plat en
$x'$ (combiner les propositions 4.5.5 et 4.5.6 de [Reference DucrosDuc18]).
1.15.5 Platitude et suites exactes
Soit $0\to \mathscr {L}\to \mathscr {M}\to \mathscr {N}\to 0$ une suite de faisceaux cohérents sur
$X$. Si elle est exacte en
$x$ et si
$Y$ est
$X$-plat en
$y$ alors
$0\to \mathscr {L}_Y\to \mathscr {M}_Y\to \mathscr {N}_Y\to 0$ est exacte en
$y$ ([Reference DucrosDuc18], prop. 4.5.7 (1) pour une preuve directe).
1.15.6 Platitude et dimension
Si $\mathscr {F}$ est
$X$-plat en
$y$ on a
![](https://static.cambridge.org/binary/version/id/urn:cambridge.org:id:binary:20210322154004198-0020:S0010437X20007459:S0010437X20007459_eqnU5.png?pub-status=live)
([Reference DucrosDuc18], Lemma 4.5.11).
1.15.7 Lieu de platitude
L'ensemble des points de $Y$ en lesquels
$\mathscr {F}$ est
$X$-plat est un ouvert de Zariski de
$Y$ ([Reference DucrosDuc18], thm. 10.3.2).
1.15.8 Image d'un espace compact par un morphisme plat
Si $X$ et
$Y$ sont compacts et
$\Gamma$-stricts et si
$\mathscr {F}$ est
$X$-plat, l'image
$f(\mathrm {Supp}(\mathscr {F}))$ est un domaine analytique compact et
$\Gamma$-strict de
$X$ ([Reference DucrosDuc18], thm. 9.2.2 ; le cas où
$\Gamma =\{1\}$ et où
$\mathscr {F}=\mathscr {O}_Y$ est dû à Raynaud, cf. [Reference Bosch and LütkebohmertBL93] Cor. 5.11).
1.15.9 Platitude automatique au-dessus de certains points « génériques »
Soit $Y\to X$ un morphisme d'espaces
$k$-analytiques, soit
$\mathscr {F}$ un faisceau cohérent sur
$Y$ et soit
$x$ un point de
$X$. Supposons que
$X$ est réduit en
$x$ et que
$d_k(x)=\dim _x X$. Le faisceau
$\mathscr {F}$ est alors
$X$-plat en chaque point de la fibre
$Y_x$ ([Reference DucrosDuc18], thm. 10.3.7).
1.15.10 Platitude et composantes irréductibles
Si $f$ est plat,
$\overline {f(Z)}^{X_{\mathrm {Zar}}}$ est une composante irréductible de
$X$ pour toute composante irréductible
$Z$ de
$Y$ ([Reference DucrosDuc09], lemme 5.7).
1.15.11 Principes GAGA pour la platitude
Soient $\mathscr {Y}$ et
$\mathscr {X}$ deux schémas de type fini sur une même algèbre
$k$-affinoïde, et soit
$\mathscr {G}$ un faisceau cohérent sur
$\mathscr {Y}$. Le faisceau
$\mathscr {G}^{\mathrm {an}}$ est alors
$\mathscr {X}^{\mathrm {an}}$-plat en un point
$t$ de
$\mathscr {Y}^{\mathrm {an}}$ si et seulement si
$\mathscr {G}$ est
$\mathscr {X}$-plat en
$t^{\mathrm {al}}$ ([Reference DucrosDuc18], lemme 4.2.1 et prop. 4.2.4).
Par ailleurs, soit $Y\to X$ un morphisme entre espaces
$k$-affinoïdes, soit
$\mathscr {F}$ un faisceau cohérent sur
$Y$ et soit
$y$ un point de
$Y$. Si
$\mathscr {F}$ est
$X$-plat en
$y$ alors
$\mathscr {F}^{\mathrm {al}}$ est
$X^{\mathrm {al}}$-plat en
$y^{\mathrm {al}}$ ; si
$\mathscr {F}^{\mathrm {al}}$ est
$X^{\mathrm {al}}$-plat en
$y^{\mathrm {al}}$ et si
$y$ vit sur un sous-espace analytique fermé de
$Y$ qui est fini sur
$X$ (c'est par exemple le cas si
$y$ est un point rigide ou si
$Y$ est fini sur
$X$) alors
$\mathscr {F}$ est
$X$-plat en
$y$ ([Reference DucrosDuc18], lemme 4.2.1 et thm. 8.3.7).
1.16 Morphismes quasi-lisses et quasi-étales
Soit $f\colon Y\to X$ un morphisme entre espaces
$k$-analytiques, soit
$y$ un point de
$Y$ et soit
$x$ son image sur
$X$.
1.16.1
Au chapitre 5 de [Reference DucrosDuc18], on définit la notion de quasi-lissité de $f$ en
$y$ par un critère jacobien mettant en jeu le faisceau
$\Omega _{Y/X}$ des différentielles de Kähler ([Reference DucrosDuc18], déf. 5.2.4 ; voir [Reference DucrosDuc18], 5.1 pour les rappels sur
$\Omega _{Y/X}$) ; on dit que
$f$ est quasi-lisse s'il est quasi-lisse en tout point de
$Y$. Un espace
$k$-analytique est dit quasi-lisse (en un point donné ou globalement) si son morphisme structural vers
$\mathscr {M}(k)$ est quasi-lisse (en le point donné, ou globalement). On emploie l'expression « quasi-étale » pour « quasi-lisse de dimension relative nulle » (cette définition est compatible avec celle donnée par Berkovich dans [Reference BerkovichBer94], cf. [Reference DucrosDuc18], lemme 5.4.11).
1.16.2 Propriétés élémentaires
La quasi-lissité est stable par composition et changement de base ; les immersions de domaines analytiques sont quasi-lisses ; plus généralement si $U$ est un domaine analytique de
$X$ contenant
$x$ et si
$V$ est un domaine analytique de
$Y\times _X U$ contenant
$y$ alors
$Y\to X$ est quasi-lisse en
$y$ si et seulement si
$V\to U$ est quasi-lisse en
$y$ ([Reference DucrosDuc18], 5.2.10–5.2.13).
1.16.3 Quasi-lissité sur le corps de base
Soit $Z$ un espace
$k$-analytique et soit
$z\in Z$. On dit que
$Z$ est géométriquement régulier en
$z$ si
$Z_L$ est régulier en tout antécédent de
$z$ pour toute extension complète
$L$ de
$k$ ; il suffit de le vérifier pour une extension parfaite
$L$ de
$k$ donnée et un antécédent donné de
$z$ sur
$Z_L$, cf. [Reference DucrosDuc18], 2.6.9
Les assertions suivantes sont équivalentes (cf. [Reference DucrosDuc18] 5.1.9, 5.1.10) :
(i) l'espace
$Z$ est quasi-lisse en
$z$ ;
(ii)
$\Omega _{Z/k}$ est libre de rang
$\dim _z Z$ en
$z$ ;
(iii)
$Z$ est géométriquement régulier en
$z$.
1.16.4 Quasi-lissité et platitude
Le morphisme $f\colon Y\to X$ est quasi-lisse en
$y$ si et seulement si
$f$ est plat en
$y$ et
$Y_x$ est quasi-lisse en
$y$. Pour une preuve de ces affirmations, voir [Reference DucrosDuc18] 5.1.9, 5.1.10 et thm. 5.3.4.
1.16.5 Lieu de quasi-lissité
Si $d$ est un entier, l'ensemble des points
$z$ de
$Y$ tels que
$f$ soit quasi-lisse en
$z$ et tels que
$\dim _z f=d$ est un ouvert de Zariski de
$Y$ ([Reference DucrosDuc18], thm. 10.7.2).
1.16.6 Quasi-lissité et propriétés d'algèbre commutative
Les propriétés évoquées en 1.6.1 « descendent par morphisme plat et sont préservées par morphisme quasi-lisse ». Plus précisément, soit $\mathscr {F}\to \mathscr {G}\to \mathscr {H}$ un diagramme dans la catégorie des faisceaux cohérents sur
$X$ et soit
${\sf P}$ l'une des propriétés considérées en 1.6.1. Si
$f$ est plat en
$y$ et si
$Y$ (ou
$\mathscr {F}_Y$, ou
$\mathscr {F}_Y\to \mathscr {G}_Y$, ou
$\mathscr {F}_Y\to \mathscr {G}_Y\to \mathscr {H}_Y$) satisfait
${\sf P}$ en
$y$ alors
$X$ (ou
$\mathscr {F}$, ou
$\mathscr {F}\to \mathscr {G}$, ou
$\mathscr {F}\to \mathscr {G}\to \mathscr {H}$) satisfait
${\sf P}$ en
$x$. La réciproque vaut si
$f$ est quasi-lisse en
$y$ ([Reference DucrosDuc18], lemmes 4.5.1 et 4.5.2, prop. 5.5.4 et 5.5.5).
1.16.7 Quasi-lissité et principes GAGA
Sii $\mathscr {Y}\to \mathscr {X}$ est un morphisme entre schémas de type fini sur une même algèbre affinoïde et si
$y$ est un point de
$\mathscr {Y}^{\mathrm {an}}$ alors
$\mathscr {Y}^{\mathrm {an}} \to \mathscr {X}^{\mathrm {an}}$ est quasi-lisse (resp. quasi-étale) en
$y$ si et seulement si
$\mathscr {Y}\to \mathscr {X}$ est lisse (resp. étale) en
$y^{\mathrm {al}}$ ([Reference DucrosDuc18], prop. 2.2.7 et cor. 5.3.6).
Remark 1.17 Le préfixe « quasi » dans les expressions « quasi-lisse » et « quasi-étale » indique que les morphismes concernés peuvent avoir du bord, ce qui n'est pas le cas des morphismes lisses et étales définis par Berkovich au chapitre 3 de [Reference BerkovichBer93]. Plus précisément, soit $Y\to X$ un morphisme d'espaces
$k$-analytiques et soit
$y\in Y$. Le morphisme
$Y\to X$ est étale en
$y$ si et seulement si
$f$ est quasi-étale en
$y$ et
$y\notin \partial (Y/X)$ ; si
$Y\to X$ est lisse en
$y$, il est quasi-lisse en
$y$ et
$y\notin \partial (Y/X)$ ; et la réciproque de cette dernière assertion vaut lorsque
$X$ et
$Y$ sont bons, mais probablement pas en général ([Reference DucrosDuc18], cor. 5.4.8 et rem. 5.4.9 ; pour la définition du bord
$\partial (Y/X)$, voir [Reference BerkovichBer93], 1.5.4).
1.18 À propos du théorème de Gerritzen-Grauert
Soit $X$ un espace
$k$-affinoïde. Rappelons qu'un domaine affinoïde
$V$ de
$X$ est dit rationnel s'il peut être défini par une conjonction d'inégalités de la forme
![](https://static.cambridge.org/binary/version/id/urn:cambridge.org:id:binary:20210322154004198-0020:S0010437X20007459:S0010437X20007459_eqnU6.png?pub-status=live)
où les $f_i$ et
$g$ sont des fonctions analytiques sur
$X$ sans zéro commun et où les
$\lambda _i$ sont des réels strictement positifs. Si
$X$ est
$\Gamma$-strict et si les
$\lambda _i$ peuvent être choisis dans
$\Gamma$, nous dirons que
$V$ est
$\Gamma$-rationnel.
On dispose d'une version $\Gamma$-stricte du théorème de Gerritzen-Grauert : si
$X$ est
$\Gamma$-strict, tout domaine affinoïde
$\Gamma$-strict de
$X$ est réunion finie de domaines
$\Gamma$-rationnels. Lorsque
$\Gamma =\{1\}$ c'est le théorème de Gerritzen-Grauert classique (cf. [Reference Bosch, Güntzer and RemmertBGR84], § 7.3.5, Thm. 1., Cor. 3) ; lorsque
$\Gamma =\mathbf {R}_{>0}$ c'est établi dans [Reference DucrosDuc03], lemme 2.4 par réduction au cas
$\Gamma =\{1\}$, mais la preuve de ce lemme s'adapte en fait sans la moindre difficulté au cas où
$\Gamma$ est quelconque.
Lemme 1.19 Soit $X$ un espace
$k$-analytique
$\Gamma$-strict et compact et soit
$Y$ un sous-espace analytique fermé de
$X$. Soit
$V$ un domaine analytique compact et
$\Gamma$-strict de
$Y$. Il existe un domaine analytique compact et
$\Gamma$-strict
$W$ de
$X$ tel que
$V=Y\cap W$.
Demonstration Soit $(X_i)$ un recouvrement fini de
$X$ par des domaines affinoïdes
$\Gamma$-stricts. Si l'on construit pour tout
$i$ un domaine analytique compact et
$\Gamma$-strict
$W_i$ de
$X_i$ tel que
$W_i\cap Y=V\cap X_i$ il suffira de poser
$W={\bigcup} _i W_i$ pour conclure. On peut donc supposer
$X$ affinoïde. Dans ce cas
$Y$ est également affinoïde, et la version
$\Gamma$-stricte du théorème de Gerritzen-Grauert assure alors que
$V$ est une union finie de domaines
$\Gamma$-rationnels ; il suffit de démontrer le lemme pour chacun d'eux, ce qui permet de se ramener au cas où
$V$ est un domaine
$\Gamma$-rationnel de
$Y$. Choisissons un système d'inégalités
![](https://static.cambridge.org/binary/version/id/urn:cambridge.org:id:binary:20210322154004198-0020:S0010437X20007459:S0010437X20007459_eqnU7.png?pub-status=live)
décrivant $V$, où les
$f_i$ et
$g$ sont des fonctions analytiques sur
$Y$ sans zéro commun et où les
$\lambda _i$ appartiennent à
$\Gamma$. Comme les
$f_i$ et
$g$ sont sans zéro commun,
$g$ ne s'annule pas sur
$V$. Il y est alors minoré par un élément
$\mu \in \big |k^{\times }\big |\cdot \Gamma$ ; quitte à multiplier
$g$ et les
$f_i$ par un scalaire non nul convenable, on peut supposer que
$\mu \in \Gamma$, et rajouter l'inégalité
$\big |1\big |\leqslant \mu ^{-1} \big |g\big |$ au système décrivant
$V$.
Relevons chacune des $f_i$ en une fonction analytique
$\varphi _i$ sur
$X$, et relevons
$g$ en une fonction analytique
$\psi$ sur
$X$. Le domaine
$\Gamma$-rationnel
$W$ de
$X$ défini par les inégalités
![](https://static.cambridge.org/binary/version/id/urn:cambridge.org:id:binary:20210322154004198-0020:S0010437X20007459:S0010437X20007459_eqnU8.png?pub-status=live)
répond alors à nos exigences.
Remark 1.20 Lorsque $\Gamma =\mathbf {R}_{>0}$ le lemme 1.19 est une conséquence de la version du théorème de Gerritzen-Grauert prouvée par Temkin, voir la proposition 3.5 de [Reference TemkinTem05]. Et la preuve de Temkin s'adapte en fait au cas d'un groupe
$\Gamma$ quelconque, à condition de remplacer sa théorie de la réduction
$\mathbf {R}_{>0}$-graduée par sa variante
$\Gamma$-graduée, cf. le chapitre 3 de [Reference DucrosDuc18] et plus particulièrement les sections 3.4 et 3.5 ; on obtient ainsi une autre démonstration du lemme 1.19.
1.21 Idéaux de Fitting
Nous nous servirons de manière cruciale dans la démonstration de notre théorème principal de la notion d'idéal de Fitting ; rappelons brièvement ce en quoi elle consiste. Soit $A$ un anneau commutatif et soit
$M$ un
$A$-module de type fini. Soit
$r$ un entier positif ou nul. Donnons-nous une présentation
![](https://static.cambridge.org/binary/version/id/urn:cambridge.org:id:binary:20210322154004198-0020:S0010437X20007459:S0010437X20007459_eqnU9.png?pub-status=live)
de $M$. Le
$r$-ième idéal de Fitting de
$M$ est l'idéal de
$A$ engendré par les mineurs de taille
$n-r$ de la matrice de
$u$ (dans les bases canoniques de
$A^{(I)}$ et
$A^n$) si
$r\leqslant n$, et l'idéal
$A$ si
$r>n$. La terminologie est justifiée car on montre que cet idéal ne dépend pas de la présentation choisie de
$M$ (voir par exemple [Sta19, Tag 07Z8]). Soit
$X$ un schéma (resp. un espace
$k$-analytique) et soit
$\mathscr {F}$ un faisceau quasi-cohérent de type fini (resp. un faisceau cohérent) sur
$X$. Par recollement à partir du cas affine (resp. affinoïde) on peut définir le
$r$-ième idéal de Fitting
$\mathscr {I}$ de
$\mathscr {F}$ sur
$X$. C'est un faisceau quasi-cohérent (resp. cohérent) d'idéaux, dont le lieu des des zéros est exactement l'ensemble des points de
$X$ en lesquels le rang ponctuel de
$\mathscr {F}$ est
$>r$.
2 L'assassin analytique
Convention Si $M$ est un module non nul sur un anneau local noethérien
$A$, la dimension
$\dim M$ de
$M$ sera par définition la dimension de Krull de son support sur
$\mathrm {Spec}\ A$.
2.2 Platitude et profondeur
Soit $A\to B$ un morphisme local entre anneaux locaux noethériens et soit
$F$ le corps résiduel de
$A$. Soit
$M$ un
$A$-module non nul de type fini et soit
$N$ un
$B$-module non nul de type fini et plat sur
$A$. Considérons
$N\otimes _A M$,
$N\otimes _A F$ et
$M$ comme des modules sur
$B, B\otimes _AF$ et
$A$ respectivement. On a alors les égalités :
![](https://static.cambridge.org/binary/version/id/urn:cambridge.org:id:binary:20210322154004198-0020:S0010437X20007459:S0010437X20007459_eqn1.png?pub-status=live)
![](https://static.cambridge.org/binary/version/id/urn:cambridge.org:id:binary:20210322154004198-0020:S0010437X20007459:S0010437X20007459_eqn2.png?pub-status=live)
(voir [Reference GrothendieckEGA IV2], Cor. 6.1.2 et Prop. 6.3.1). Indiquons deux conséquences immédiates de ces égalités qui nous seront utiles.
2.2.1
On déduit de l’égalité (b) que $N\otimes _A M$ est de profondeur nulle si et seulement si
$N\otimes _AF$ et
$M$ sont de profondeur nulle.
2.2.2
Supposons que $N=B$ (et donc que
$B$ est plat sur
$A$), et que
$B\otimes _A F$ est de Cohen-Macaulay, c'est-à-dire que
$\mathrm {prof}(B\otimes _AF)=\dim (B\otimes _A F)$. Par ce qui précède,
$\mathrm {prof}(B\otimes _A M)=0$ si et seulement si
$\mathrm {prof}(B\otimes _A F)=\mathrm {prof}\;M=0$. Au vu de l’égalité (a) on a par ailleurs
$\mathrm {prof}(B\otimes _A F)=\dim (B\otimes _A F)=\dim (B)-\dim (A)$, de sorte que finalement
![](https://static.cambridge.org/binary/version/id/urn:cambridge.org:id:binary:20210322154004198-0020:S0010437X20007459:S0010437X20007459_eqnU10.png?pub-status=live)
2.3 Dimension centrale
Soit $X$ un espace
$k$-analytique et soit
$x$ un point de
$X$.
2.3.1
Rappelons ([Reference DucrosDuc18], déf. 3.2.2) que la dimension centrale du germe $(X,x)$ est le minimum des dimensions de
$\overline {\{x\}}^{V_{\mathrm {Zar}}}$ où
$V$ parcourt l'ensemble des voisinages analytiques de
$x$ dans
$X$ ; nous la noterons
$\mathrm {dim}_{\mathrm c}(X,x)$.
Nous allons avoir besoin dans ce qui suit d'une « G-version » de cette notion : nous définirons $\mathrm {dim}_{\mathrm c}(X_{\mathrm G},x)$ comme le minimum des dimensions de
$\overline {\{x\}}^{V_{\mathrm {Zar}}}$ où
$V$ parcourt l'ensemble des domaines analytiques de
$X$ contenant
$x$.
L'application $V\mapsto \dim \overline {\{x\}}^{V_{\mathrm {Zar}}}$ est une fonction croissante du domaine analytique
$V$ contenant
$x$. Dans les définitions de
$\mathrm {dim}_{\mathrm c}(X,x)$ (resp.
$\mathrm {dim}_{\mathrm c}(X_{\mathrm G},x)$), on peut donc se contenter de faire parcourir à
$V$ une base de voisinages analytiques de
$x$ (resp. une famille cofinale de domaines analytiques de
$X$ contenant
$x$) : dans le premier cas, on pourra ainsi se limiter aux ouverts, ou aux voisinages analytiques compacts, ou aux voisinages affinoïdes si
$X$ est bon ; dans le second, on pourra se limiter aux domaines affinoïdes.
2.3.2
On a les inégalités
![](https://static.cambridge.org/binary/version/id/urn:cambridge.org:id:binary:20210322154004198-0020:S0010437X20007459:S0010437X20007459_eqnU11.png?pub-status=live)
Si $d_k(x)=\dim \overline {\{x\}}^{X_{\mathrm {Zar}}}$ on a donc
![](https://static.cambridge.org/binary/version/id/urn:cambridge.org:id:binary:20210322154004198-0020:S0010437X20007459:S0010437X20007459_eqnU12.png?pub-status=live)
2.3.3
Si $V$ est un voisinage analytique de
$x$ on a
$\mathrm {dim}_{\mathrm c}(V,x)=\mathrm {dim}_{\mathrm c}(X,x)$ ; si
$V$ est un domaine analytique de
$X$ contenant
$x$ on a
$\mathrm {dim}_{\mathrm c}(V_{\mathrm G},x)=\mathrm {dim}_{\mathrm c}(X_{\mathrm G},x)$ et
$\mathrm {dim}_{\mathrm c}(V,x)\leqslant \mathrm {dim}_{\mathrm c}(X,x)$, avec égalité si
$\mathrm {dim}_{\mathrm c}(X_{\mathrm G},x)=\mathrm {dim}_{\mathrm c}(X,x)$ car on a alors
$\mathrm {dim}_{\mathrm c}(X,x)=\mathrm {dim}_{\mathrm c}(X_{\mathrm G},x)=\mathrm {dim}_{\mathrm c}(V_{\mathrm G},x)\leqslant \mathrm {dim}_{\mathrm c}(V,x)$.
Si $Y$ est un fermé de Zariski de
$X$ contenant
$x$ on a
$\mathrm {dim}_{\mathrm c}(Y,x)=\mathrm {dim}_{\mathrm c}(X,x)$ et
$\mathrm {dim}_{\mathrm c}(Y_{\mathrm G},x) =\mathrm {dim}_{\mathrm c}(X_{\mathrm G},x)$. La première égalité est évidente ; la seconde vient du fait que si
$W$ est un domaine analytique de
$Y$ contenant
$x$, il existe en vertu du lemme 1.19 (à appliquer ici avec
$\Gamma =\mathbf {R}_{>0}$) un domaine analytique
$V$ de
$X$ contenant
$x$ tel que
$V\cap Y\subset W$.
2.3.4
Si $X$ est affinoïde, on a
$\dim \mathscr {O}_{X,x}=\dim \mathscr {O}_{X^{\mathrm {al}}, x^{\mathrm {al}}}$ si et seulement si
$\mathrm {dim}_{\mathrm c}(X,x)=\dim \overline {\{x\}}^{X_{\mathrm {Zar}}}$ ([Reference DucrosDuc18], lemme 3.2.8) ; et si
$X$ est bon, on a l’égalité
$\dim \mathscr {O}_{X,x}+\mathrm {dim}_{\mathrm c}(X,x)=\dim _x X$ ([Reference DucrosDuc18], cor. 3.2.9).
2.4
Soit $X$ un espace
$k$-affinoïde, soit
$V$ un domaine affinoïde de
$X$ et soit
$\mathscr {F}$ un faisceau cohérent sur
$X$.
2.4.1
Soit $x$ un point de
$V$ appartenant au support de
$\mathscr {F}$. Dans le diagramme commutatif
![](https://static.cambridge.org/binary/version/id/urn:cambridge.org:id:binary:20210322154004198-0020:S0010437X20007459:S0010437X20007459_eqnU13.png?pub-status=live)
toutes les flèches sont régulières ([Reference DucrosDuc09], Th. 3.3), et en particulier plates et à fibres de Cohen-Macaulay.
2.4.2
En vertu de 2.2.2, il s'ensuit que $\mathscr {F}_x$ est de profondeur nulle si et seulement si
$\mathscr {F}^{\mathrm {al}}_{x^{\mathrm {al}}}$ est de profondeur nulle et
$\dim \mathscr {F}^{\mathrm {al}}_{x^{\mathrm {al}}}=\dim \mathscr {F}_x$. D'après 2.3.3 et 2.3.4, cela revient à demander que
$\mathscr {F}^{\mathrm {al}}_{x^{\mathrm {al}}}$ soit de profondeur nulle et que
$\mathrm {dim}_{\mathrm c}(X,x)=\dim \overline {\{x\}}^{X_{\mathrm {Zar}}}$.
2.4.3
De même, $\mathscr {F}_{V,x}$ est de profondeur nulle si et seulement si
$\mathscr {F}_x$ est de profondeur nulle et
$\dim \mathscr {F}_{V,x}=\dim \mathscr {F}_x$. D'après 2.3.3 et 2.3.4, cela revient à demander que
$\mathscr {F}_x$ soit de profondeur nulle et que
$\mathrm {dim}_{\mathrm c}(V,x)=\mathrm {dim}_{\mathrm c}(X,x)=\dim \overline {\{x\}}^{X_{\mathrm {Zar}}}$ (la dernière égalité provient de 2.4.2).
2.5
Soit $X$ un schéma noethérien et soit
$\mathscr {F}$ un faisceau cohérent sur
$X$. Nous suivrons la terminologie de Raynaud et Gruson en appelant assassin de
$\mathscr {F}$ l'ensemble des points
$x$ de
$\mathrm {Supp}(\mathscr {F})$ tels que le
$\mathscr {O}_{X,x}$-module
$\mathscr {F}_x$ soit de profondeur nulle, ce qui revient à demander que l'idéal maximal
$\mathfrak {m}_x$ de
$\mathscr {O}_{X,x}$ soit l'annulateur d'un élément de
$\mathscr {F}_x$, ou encore que tout élément de
$\mathfrak {m}_x$ soit un diviseur de zéro du module
$\mathscr {F}_x$ ; l'assassin de
$\mathscr {F}$ sera noté
$\mathrm {Ass}(\mathscr {F})$ ; c'est un ensemble fini qui contient l'ensemble des points maximaux de
$\mathrm {Supp}(\mathscr {F})$. L'ensemble
$\mathrm {Ass}(\mathscr {O}_X)$ sera également appelé l'assassin de
$X$ et noté
$\mathrm {Ass}(X)$.
Une composante assassine de $\mathscr {F}$ (ou de
$X$ si
$\mathscr {F}=\mathscr {O}_X$) est un fermé irréductible de
$X$ dont le point générique appartient à
$\mathrm {Ass}(\mathscr {F})$. Toute composante irréductible de
$\mathrm {Supp}(\mathscr {F})$ est une composante assassine de
$\mathscr {F}$. Les autres composantes assassines de
$\mathscr {F}$ (ou de
$X$ si
$\mathscr {F}=\mathscr {O}_X$) sont traditionnellement appelées ses composantes immergées.
Remark 2.6 Notre définition de l'assassin est spécifique au cas noethérien, le seul dont nous aurons besoin ici. Sur un schéma quelconque, la bonne définition est celle de Raynaud et Gruson ([Reference Raynaud and GrusonRG71], définition 3.2.1).
Le but de ce qui suit est de développer une théorie des composantes assassines et immergées en géométrie analytique.
Définition 2.7 Soit $X$ un espace
$k$-analytique et soit
$\mathscr {F}$ un faisceau cohérent sur
$X$. On a appelle assassin de
$\mathscr {F}$, et l'on note
$\mathrm {Ass}(\mathscr {F})$, l'ensemble des points
$x$ de
$\mathrm {Supp}(\mathscr {F})$ tel que que le
$\mathscr {O}_{V,x}$-module
$\mathscr {F}_{V,x}$ soit de profondeur nulle pour tout bon domaine analytique
$V$ de
$X$ contenant
$x$ (il suffit que ce soit le cas pour tout domaine affinoïde contenant
$x$). L'ensemble
$\mathrm {Ass}(\mathscr {O}_X)$ sera souvent noté plus simplement
$\mathrm {Ass}(X)$ et appelé l'assassin de
$X$.
Un fermé de Zariski $Y$ de
$X$ sera appelé une composante assassine de
$\mathscr {F}$ (ou de
$X$ si
$\mathscr {F}=\mathscr {O}_X$) s'il est de la forme
$\overline {\{x\}}^{X_{\mathrm {Zar}}}$ pour un certain
$x\in \mathrm {Ass}(X)$ (remarquons qu'une telle composante est toujours contenue dans
$\mathrm {Supp}(\mathscr {F})$).
2.8
Soit $X$ un espace
$k$-analytique et soit
$\mathscr {F}$ un faisceau cohérent sur
$X$. Soit
$V$ un domaine analytique de
$X$. Il découle immédiatement de la définition que l'intersection
$\mathrm {Ass}(\mathscr {F})\cap V$ est contenue dans
$\mathrm {Ass}(\mathscr {F}_V)$, mais on a en fait égalité. En effet, soit
$x\in \mathrm {Ass}(\mathscr {F}_V)$ et soit
$U$ un domaine affinoïde de
$X$ contenant
$x$. Soit
$W$ un domaine affinoïde de
$U\cap V$ contenant
$x$. Comme
$x$ appartient à
$\mathrm {Ass}(\mathscr {F}_V)$, le module
$\mathscr {F}_{W,x}$ est de profondeur nulle, et il découle alors de 2.4.3 que
$\mathscr {F}_{U,x}$ est aussi de profondeur nulle. Ainsi,
$x\in \mathrm {Ass}(\mathscr {F})$.
Proposition 2.9 Soit $X$ un espace
$k$-affinoïde et soit
$\mathscr {F}$ un faisceau cohérent sur
$X$.
(1) Soit
$x\in \mathrm {Supp}(\mathscr {F})$. Les assertions suivantes sont équivalentes.
(i) Le point
$x$ appartient à
$\mathrm {Ass}(\mathscr {F})$.
(ii) La profondeur de
$\mathscr {F}_x$ est nulle, et
$\mathrm {dim}_{\mathrm c}(X_{\mathrm G},x)=\dim \overline {\{x\}}^{X_{\mathrm {Zar}}}$.
(iii) La profondeur de
$\mathscr {F}_{x^{\mathrm {al}}}^{\mathrm {al}}$ est nulle, et
$\mathrm {dim}_{\mathrm c}(X_{\mathrm G},x)=\dim \overline {\{x\}}^{X_{\mathrm {Zar}}}$.
(2) Soit
$Z$ un fermé de Zariski de
$X$. Le fermé
$Z$ est une composante assassine de
$\mathscr {F}$ si et seulement si
$Z^{\mathrm {al}}$ est une composante assassine de
$\mathscr {F}^{\mathrm {al}}$.
(3) Soit
$Z$ une composante assassine de
$\mathscr {F}$ et soit
$z\in Z$. Les assertions suivantes sont équivalentes :
(A)
$z\in \mathrm {Ass}(\mathscr {F})$ et
$\overline {\{z\}}^{X_{\mathrm {Zar}}}=Z$ ;
(B)
$\mathrm {dim}_{\mathrm c}(X_{\mathrm G},z)=\dim Z$.
(4) Soit
$V$ un domaine affinoïde de
$X$.
(4a) Soit
$Z$ une composante assassine de
$\mathscr {F}$. Toute composante irréductible de
$Z\cap V$ est une composante assassine de
$\mathscr {F}_V$.
(4b) Soit
$T$ une composante assassine de
$\mathscr {F}_V$. L'adhérence
$\overline {T}^{X_{\mathrm {Zar}}}$ est une composante assassine de
$\mathscr {F}$ de même dimension que
$T$, et
$T$ est une composante irréductible de
$\overline {T}^{X_{\mathrm {Zar}}}\cap V$.
Demonstration Prouvons (1). Si (i) est vraie alors par définition, $\mathscr {F}_{V,x}$ est de profondeur nulle pour tout domaine affinoïde
$V$ de
$X$ contenant
$x$. On en déduit que
$\mathscr {F}_x$ est de profondeur nulle et, grâce à 2.4.3, que
![](https://static.cambridge.org/binary/version/id/urn:cambridge.org:id:binary:20210322154004198-0020:S0010437X20007459:S0010437X20007459_eqnU14.png?pub-status=live)
pour tout domaine affinoïde $V$ de
$X$ contenant
$x$, ce qui entraîne que que
$\mathrm {dim}_{\mathrm c}(X_{\mathrm G},x)=\dim \overline {\{x\}}^{X_{\mathrm {Zar}}}$ ; ainsi (ii) est vraie. Si (ii) est vraie, alors (iii) est vraie d'après 2.4.2. Enfin, supposons que (iii) soit vraie. Soit
$V$ un domaine affinoïde de
$X$ contenant
$x$. L'hypothèse (iii) entraîne que
$\mathrm {dim}_{\mathrm c}(V,x)=\mathrm {dim}_{\mathrm c}(X,x)=\dim \overline {\{x\}}^{X_{\mathrm {Zar}}}$. La seconde égalité et le fait que
$\mathscr {F}^{\mathrm {al}}_{x^{\mathrm {al}}}$ soit de profondeur nulle entraînent que
$\mathscr {F}_x$ est de profondeur nulle (2.4.2) ; et ceci implique au vu de la première égalité que
$\mathscr {F}_{V,x}$ est de profondeur nulle (2.4.3), d'où (i).
Prouvons (2). Supposons que $Z$ soit une composante assassine de
$\mathscr {F}$. Il existe alors un point
$x\in \mathrm {Ass}(\mathscr {F})$ tel que
$Z=\overline {\{x\}}^{X_{\mathrm {Zar}}}$. Le point
$x^{\mathrm {al}}$ est le point générique de
$Z^{\mathrm {al}}$. Comme
$x\in \mathrm {Ass}(\mathscr {F})$, il résulte de (1) que
$\mathscr {F}^{\mathrm {al}}_{x^{\mathrm {al}}}$ est de profondeur nulle ; par conséquent,
$Z^{\mathrm {al}}$ est une composante assassine de
$\mathscr {F}^{\mathrm {al}}$. Réciproquement, supposons que
$Z^{\mathrm {al}}$ soit une composante assassine de
$\mathscr {F}^{\mathrm {al}}$. Dans ce cas,
$Z$ est irréductible et contenu dans le support de
$\mathscr {F}$ ; soit
$n$ sa dimension. Choisissons un point
$x$ sur
$Z$ tel que
$d_k(x)=n$. On a alors
$\overline {\{x\}}^{X_{\mathrm {Zar}}}=Z$, et
$x^{\mathrm {al}}$ est le point générique de
$Z^{\mathrm {al}}$. Comme
$Z^{\mathrm {al}}$ est une composante assassine de
$\mathscr {F}^{\mathrm {al}}$, la profondeur de
$\mathscr {F}^{\mathrm {al}}_{x^{\mathrm {al}}}$ est nulle ; et l’égalité
$d_k(x)=\dim \overline {\{x\}}^{X_{\mathrm {Zar}}}$ assure par ailleurs que
$\mathrm {dim}_{\mathrm c}(X_{\mathrm G},x)=\dim \overline {\{x\}}^{X_{\mathrm {Zar}}}$ (2.3.2). On déduit alors de (1) que
$x\in \mathrm {Ass}(\mathscr {F})$ ; par conséquent,
$Z=\overline {\{x\}}^{X_{\mathrm {Zar}}}$ est une composante assassine de
$\mathscr {F}$.
Montrons (3). L'implication (A)$\Rightarrow$(B) est une conséquence immédiate de (1). Supposons maintenant que (B) est vérifié. On a alors clairement
$\overline {\{z\}}^{X_{\mathrm {Zar}}}=Z$, et
$z^{\mathrm {al}}$ est donc le point générique de
$Z^{\mathrm {al}}$. Puisque
$Z$ est une composante assassine de
$\mathscr {F}$, le fermé
$Z^{\mathrm {al}}$ est une composante assassine de
$\mathscr {F}^{\mathrm {al}}$ d'après (2), et
$\mathscr {F}^{\mathrm {al}}_{z^{\mathrm {al}}}$ est donc de profondeur nulle. Joint à l’égalité
$\mathrm {dim}_{\mathrm c}(X_{\mathrm G},z) = \dim Z=\dim \overline {\{z\}}^{X_{\mathrm {Zar}}}$, ceci entraîne en vertu de (1) que
$z\in \mathrm {Ass}(\mathscr {F})$.
Montrons (4a). Soit $T$ une composante irréductible de
$Z\cap V$. Soit
$t$ un point de
$T$ tel que
$d_k(t)=\dim T=\dim Z$. On a alors
$\overline {\{t\}}^{V_{\mathrm {Zar}}}=T$ et
$\mathrm {dim}_{\mathrm c}(X_{\mathrm G},t)=\dim Z$. En vertu de (3), cette dernière égalité implique que
$t$ appartient à
$\mathrm {Ass}(\mathscr {F})$ et donc à
$\mathrm {Ass}(\mathscr {F}_V)$. Par conséquent,
$T=\overline {\{t\}}^{V_{\mathrm {Zar}}}$ est une composante assassine de
$\mathscr {F}_V$.
Montrons (4b). Choisissons un point $t$ de
$\mathrm {Ass}(\mathscr {F}_V)$ tel que
$\overline {\{t\}}^{V_{\mathrm {Zar}}}=T$ ; posons
$Z=\overline {T}^{X_{\mathrm {Zar}}} = \overline {\{t\}}^{X_{\mathrm {Zar}}}$. Le point
$t$ appartenant à
$\mathrm {Ass}(\mathscr {F}_V)$ appartient également à
$\mathrm {Ass}(\mathscr {F})$ (2.8), et
$Z$ est donc une composante assassine de
$X$. En appliquant (3) à
$T$ et
$Z$ on voit que
$\dim T=\mathrm {dim}_{\mathrm c}(V_{\mathrm G},t) = \mathrm {dim}_{\mathrm c}(X_{\mathrm G},t)=\dim Z$. Pour des raisons de dimension,
$T$ est nécessairement une composante irréductible de
$\overline {T}^{X_{\mathrm {Zar}}}\cap V$.
La proposition suivante étend au cas d'un espace $X$ quelconque une partie des résultats de la proposition précédente. On peut la voir comme une généralisation aux composantes assassines des résultats sur les composantes irréductibles rappelés au 1.10.3.
Proposition 2.10 Soit $X$ un espace
$k$-analytique et soit
$\mathscr {F}$ un faisceau cohérent sur
$X$.
(1) Soit
$Z$ une composante assassine de
$\mathscr {F}$ et soit
$x\in Z$. Les assertions suivantes sont équivalentes :
(i)
$x$ appartient à
$\mathrm {Ass}(\mathscr {F})$ et
$\overline {\{x\}}^{X_{\mathrm {Zar}}}=Z$ ;
(ii)
$\mathrm {dim}_{\mathrm c}(X_{\mathrm G},x)=\dim Z$.
(2) Soit
$V$ un domaine analytique de
$X$.
(2a) Soit
$Z$ une composante assassine de
$\mathscr {F}$. Toute composante irréductible de
$Z\cap V$ est une composante assassine de
$\mathscr {F}_V$.
(2b) Soit
$T$ une composante assassine de
$\mathscr {F}_V$. L'adhérence
$\overline {T}^{X_{\mathrm {Zar}}}$ est une composante assassine de
$\mathscr {F}$ de même dimension que
$T$, et
$T$ est une composante irréductible de
$\overline {T}^{X_{\mathrm {Zar}}} \cap V$.
(3) Soit
$V$ un domaine analytique compact de
$X$. Le domaine
$V$ ne rencontre qu'un nombre fini de composantes assassines de
$\mathscr {F}$.
Demonstration Montrons d'abord (1). Supposons que (i) est vérifiée, et soit $V$ un domaine affinoïde de
$X$ contenant
$x$ ; posons
$T=\overline {\{x\}}^{V_{\mathrm {Zar}}}$. Puisque
$x$ appartient à
$\mathrm {Ass}(\mathscr {F})$, il appartient à
$\mathrm {Ass}(\mathscr {F}_V)$ ; par conséquent
$T$ est une composante assassine de
$\mathscr {F}_V$ ; soit
$n$ sa dimension. Pour tout domaine affinoïde
$U$ de
$X$, notons
$U_n$ la réunion des composantes assassines de
$\mathscr {F}_U$ de dimension
$n$. Si
$U$ et
$W$ sont deux domaines affinoïdes de
$X$ tels que
$W\subset U$, il découle de l'assertion (4) de la proposition 2.9 que
$U_n\cap W=W_n$ ; si l'on pose
$Y={\bigcup} _U U_n$, où
$U$ parcourt l'ensemble des domaines affinoïdes de
$U$, on a donc
$Y\cap U=U_n$ pour tout tel
$U$. Par conséquent,
$Y$ est un fermé de Zariski de
$X$, purement de dimension
$n$ ; pour tout domaine affinoïde
$U$ de
$X$, les composantes irréductibles de
$Y\cap U$ sont exactement les composantes assassines de
$\mathscr {F}_U$ de dimension
$n$. Puisque
$Y$ contient
$x$, il contient
$Z$ qui est donc de dimension au plus
$n$. Mais comme
$Z$ contient
$T$ qui est de dimension
$n$, on a
$\dim Z=n$ (et
$Z$ est donc une composante irréductible de
$Y$). Et comme
$x$ appartient à
$\mathrm {Ass}(\mathscr {F}_V)$, l'assertion (3) de la proposition 2.9 assure que
$\mathrm {dim}_{\mathrm c}(V_{\mathrm G},x)=\dim T=n$ ; il vient
![](https://static.cambridge.org/binary/version/id/urn:cambridge.org:id:binary:20210322154004198-0020:S0010437X20007459:S0010437X20007459_eqnU15.png?pub-status=live)
d'où (ii).
Supposons réciproquement que (ii) est vérifiée, et notons $n$ la dimension de
$Z$. Puisque
$Z$ est égale par définition à
$\overline {\{z\}}^{X_{\mathrm {Zar}}}$ pour un certain
$z\in \mathrm {Ass}(\mathscr {F})$, le raisonnement suivi ci-dessus (avec
$z$ au lieu de
$x$) montre que pour tout domaine affinoïde
$U$ de
$X$, l'intersection
$U\cap Z$ est une union finie de composantes assassines de
$\mathscr {F}_U$ de dimension
$n$. Choisissons un domaine affinoïde
$U$ de
$X$ qui contient
$x$. Par ce qui précède,
$x$ est situé sur une composante assassine
$T$ de
$\mathscr {F}_U$ qui est de dimension
$n$. On a
$\mathrm {dim}_{\mathrm c}(U_{\mathrm G},x)=\mathrm {dim}_{\mathrm c}(X_{\mathrm G},x)=n=\dim T$ ; d'après l'assertion (3) de la proposition 2.9, le point
$x$ appartient à
$\mathrm {Ass}(\mathscr {F}_U)$, et partant à
$\mathrm {Ass}(\mathscr {F})$ (2.8). Par ailleurs l’égalité
$\mathrm {dim}_{\mathrm c}(X_{\mathrm G},x)=\dim Z$ entraîne que
$\overline {\{x\}}^{X_{\mathrm {Zar}}}=Z$, d'où (i).
L'assertion (2) se démontre alors mutatis mutandis comme l'assertion (4) de la proposition 2.9 (qui en est un cas particulier, mais nous nous en sommes servi ci-dessus pour démontrer (1) ; c'est la raison pour laquelle nous l'avions établie au préalable).
Montrons enfin (3). On peut supposer que $V$ est affinoïde. Soit
$Z$ une composante assassine de
$\mathscr {F}$ rencontrant
$V$ et soit
$T$ une composante irréductible de
$Z\cap V$. On a alors
$Z=\overline {T}^{X_{\mathrm {Zar}}}$, et l'assertion (2) déjà établie assure par ailleurs que
$T$ est une composante assassine de
$\mathscr {F}_V$. On conclut en remarquant que
$\mathscr {F}_V$ n'a qu'un nombre fini de composantes assassines, en vertu de l'assertion (2) de la proposition 2.9 et du fait que l'assassin d'un faisceau cohérent sur un schéma noethérien est fini.
Remark 2.11 Soit $X$ un espace
$k$-analytique, soit
$\mathscr {F}$ un faisceau cohérent sur
$X$. Si
$V$ est un domaine analytique de
$X$ et si
$T$ est une composante assassine de
$\mathscr {F}_V$, la proposition 2.10 assure que
$\overline {T}^{X_{\mathrm {Zar}}}$ est une composante assassine de
$\mathscr {F}$.
Réciproquement, soit $Z$ une composante assassine de
$\mathscr {F}$. Elle est non vide par définition, donc il existe un domaine affinoïde
$V$ de
$X$ rencontrant
$Z$. Choisissons une composante irréductible
$T$ de
$Z\cap V$. On a alors
$Z=\overline {T}^{X_{\mathrm {Zar}}}$, et la proposition 2.10 ci-dessus assure par ailleurs que
$T$ est une composante assassine de
$\mathscr {F}_V$.
Ainsi, une partie $Z$ de
$X$ est une composante assassine de
$\mathscr {F}$ si et seulement si elle est de la forme
$\overline {T}^{X_{\mathrm {Zar}}}$ où
$T$ est une composante assassine de
$\mathscr {F}_V$ pour un certain domaine affinoïde
$V$ de
$X$. (Lorsque
$X$ est
$\Gamma$-strict, le domaine affinoïde
$V$ peut être choisi
$\Gamma$-strict, puisqu'il suffit par ce qu'il précède qu'il rencontre
$Z$.)
Et rappelons que si $V$ est un domaine affinoïde de
$X$, un fermé de Zariski
$T$ de
$V$ est une composante assassine de
$\mathscr {F}_V$ si et seulement si
$T^{\mathrm {al}}$ est une composante assassine de
$\mathscr {F}^{\mathrm {al}}_V$ (prop. 2.9).
Ceci permettra assez souvent de ramener des questions portant sur les composantes assassines en géométrie analytique à des problèmes analogues en géométrie algébrique. Nous allons en voir ci-dessous plusieurs exemples.
Exemple 2.12 Soit $X$ un espace
$k$-analytique, soit
$\mathscr {F}$ un faisceau cohérent sur
$X$ et soit
$Z$ une composante irréductible du support de
$\mathscr {F}$. Choisissons un domaine affinoïde
$V$ de
$X$ qui rencontre
$Z$, et soit
$T$ une composante irréductible de
$Z\cap V$. Par construction,
$T^{\mathrm {al}}$ est une composante irréductible de
$\mathrm {Supp}(\mathscr {F}_V^{\mathrm {al}})$, et c'est donc une composante assassine de
$\mathscr {F}_V^{\mathrm {al}}$ ; par conséquent,
$T$ est une composante assassine de
$\mathscr {F}_V$ (prop. 2.9) et
$Z=\overline {T}^{X_{\mathrm {Zar}}}$ est une composante assassine de
$\mathscr {F}$ (prop. 2.10).
On appelle composante immergée de $\mathscr {F}$ (ou de
$X$ si
$\mathscr {F}=\mathscr {O}_X$) toute composante assassine de
$\mathscr {F}$ qui n'est pas une composante irréductible de son support.
Lemme 2.13 Soit $X$ un espace
$k$-analytique, soit
$U$ un domaine analytique de
$X$ rencontrant toutes les composantes assassines de
$X$ et soit
$Z$ un sous-espace analytique fermé de
$X$ tel que
$Z\cap U=U$ ; on a alors
$Z=X$.
Demonstration Soit $\mathscr {I}$ le faisceau cohérent d'idéaux décrivant
$Z$ ; nous allons montrer que
$\mathscr {I}=0$. Soit
$\Omega$ le complémentaire de
$\mathrm {Supp}(\mathscr {I})$ ; par hypothèse,
$\Omega$ contient
$U$.
Soit $V$ un domaine affinoïde de
$X$ et soit
$T$ une composante assassine de
$V$. L'adhérence
$\overline {T}^{X_{\mathrm {Zar}}}$ est une composante assassine de
$X$ (prop. 2.10) ; elle rencontre donc
$U$ par hypothèse, et a fortiori
$\Omega$. L'intersection
$\Omega \cap \overline {T}^{X_{\mathrm {Zar}}}$ est alors un ouvert Zariski-dense de
$\overline {T}^{X_{\mathrm {Zar}}}$, et
$\Omega \cap V\cap \overline {T}^{X_{\mathrm {Zar}}}$ est de ce fait Zariski-dense dans
$V\cap \overline {T}^{X_{\mathrm {Zar}}}$ ; en particulier,
$\Omega$ rencontre
$T$ (qui est une composante irréductible de
$V\cap \overline {T}^{X_{\mathrm {Zar}}}$).
Compte-tenu de la caractérisation algébrique des composantes assassines de $V$ (prop. 2.9), il résulte de ce qui précède que
$(\Omega \cap V)^{\mathrm {al}}$ rencontre toutes les composantes assassines de
$V^{\mathrm {al}}$ ; par conséquent, toute section globale de
$\mathscr {I}_V^{\mathrm {al}}$ est nulle sur un ouvert schématiquement dense de
$V^{\mathrm {al}}$, et est dès lors nulle. Il vient
$\mathscr {I}_V=0$ ; comme ceci vaut quel que soit
$V$, on a
$\mathscr {I}=0$.
Définition 2.14 Soit $X$ un espace
$k$-analytique et soit
$U$ un domaine analytique de
$X$. Nous dirons que
$U$ est analytiquement dense dans
$X$ s'il rencontre toutes les composantes assassines de
$X$.
2.15
Soit $X$ un espace
$k$-analytique. Si
$U$ est un domaine analytique analytiquement dense de
$X$, il est Zariski-dense dans
$X$ : en effet, comme il rencontre toutes les composantes assassines de
$X$, il rencontre en particulier toutes ses composantes irréductibles, si bien que
$\overline {U}^{X_{\mathrm {Zar}}}=X$.
2.16
Soit $X$ un espace
$k$-analytique et soit
$U$ un ouvert de Zariski de
$X$. Supposons
$U$ analytiquement dense. Dans ce cas
$U\cap V$ est analytiquement dense dans
$V$ pour tout domaine analytique
$V$ de
$X$. En effet, soit
$T$ une composante assassine de
$V$. Son adhérence
$Z:=\overline {T}^{X_{\mathrm {Zar}}}$ est une composante assassine de
$X$ (prop. 2.10), et elle rencontre donc
$U$. L'ouvert de Zariski
$U\cap Z$ de
$Z$ est donc dense ; son intersection avec
$Z\cap V$ est par conséquent dense dans ce dernier, et elle rencontre donc
$T$ qui en est une composante irréductible.
lemme-definition Soit $X$ un espace
$k$-analytique et soit
$U$ un domaine analytique de
$X$. Soit
$\mathscr {I}$ le faisceau d'idéaux de
$\mathscr {O}_X$ qui envoie un domaine analytique
$V$ de
$X$ sur l'ensemble des
$f\in \mathscr {O}_X(V)$ telle que
$f|_{V\cap U}=0$.
(1) Le faisceau
$\mathscr {I}$ est cohérent ; on note
$Y$ le sous-espace analytique fermé de
$X$ qu'il définit.
(2) Les composantes irréductibles de
$Y$ sont les composantes irréductibles de
$X$ qui rencontrent
$U$ et ses composantes assassines sont les composantes assassines de
$X$ qui rencontrent
$U$.
(3) L'immersion
$U\hookrightarrow X$ se factorise par
$Y$, et
$Y$ est le plus petit sous-espace analytique fermé de
$X$ possédant cette propriété. Le morphisme induit
$U\to Y$ identifie
$U$ à un domaine analytique de
$Y$ analytiquement dense dans ce dernier.
On dit que $Y$ est l'adhérence analytique de
$U$.
Demonstration Commençons par remarquer que la conjonction de (1) et (2) entraîne (3). Supposons en effet avoir montré (1) et (2). Si $\mathscr {J}$ est un faisceau cohérent sur
$X$, l'immersion
$U\hookrightarrow X$ se factorise par le sous-espace analytique fermé correspondant à
$\mathscr {J}$ si et seulement si
$\mathscr {J}|_U=0$, ce qui revient par définition de
$\mathscr {I}$ à demander que
$\mathscr {J}\subset \mathscr {I}$ ; par conséquent,
$Y$ est bien le plus petit sous-espace analytique fermé de
$X$ par lequel
$U\hookrightarrow X$ se factorise. L’égalité
$\mathscr {I}_U=0$ signifie que
$Y\cap U=U$, si bien que
$U$ s'identifie à un domaine analytique de
$Y$. Et l'assertion (2) assure que toute composante assassine de
$Y$ rencontre
$U$ ; par conséquent, ce dernier est analytiquement dense dans
$Y$.
Il reste donc à montrer (1) et (2). On procède en deux étapes.
2.17.1 Supposons que
$U$ est un ouvert de Zariski de
$X$
Grâce à la proposition 2.10 on peut montrer (1) et (2) G-localement. On peut donc supposer $X$ affinoïde. On note
$Y$ le sous-espace analytique fermé de
$X$ défini par
$\mathscr {I}(X)$ et
$\mathscr {J}$ le faisceau cohérent associé. Par définition de
$Y$, le sous-schéma fermé
$Y^{\mathrm {al}}$ de
$X^{\mathrm {al}}$ est l'adhérence schématique de
$U^{\mathrm {al}}$ ; ses composantes irréductibles sont donc les composantes irréductibles de
$X^{\mathrm {al}}$ rencontrant
$U^{\mathrm {al}}$, ses composantes assassines sont les composantes assassines de
$X^{\mathrm {al}}$ qui rencontrent
$U^{\mathrm {al}}$, et
$U^{\mathrm {al}}$ s'identifie à un sous-schéma ouvert de
$Y^{\mathrm {al}}$. En vertu des principes GAGA (et notamment de la proposition 2.9), les composantes irréductibles de
$Y$ sont les composantes irréductibles de
$X$ rencontrant
$U$, ses composantes assassines sont les composantes assassines de
$X$ rencontrant
$U$, et
$U$ s'identifie (morphiquement) à un ouvert de Zariski de
$Y$ ; puisque toute composante assassine de
$Y$ rencontre
$U$, ce dernier est analytiquement dense dans
$Y$.
Il suffit donc pour conclure de démontrer que $\mathscr {I}$ coïncide avec le faisceau cohérent
$\mathscr {J}$. L’égalité
$\mathscr {J}(V)=\mathscr {I}(V)$ implique que
$\mathscr {J}\subset \mathscr {I}$ ; montrons l'inclusion réciproque.
Soit $V$ un domaine affinoïde de
$X$ et soit
$f\in \mathscr {I}(V)$. Par définition,
$f|_{V\cap U}=0$. Comme
$U$ est un ouvert de Zariski analytiquement dense de
$Y$, l'intersection
$V\cap U$ est un ouvert de Zariski analytiquement dense de
$V\cap Y$ (2.16). L’égalité
$f|_{V\cap U}=0$ implique alors en vertu du lemme 2.13 (à appliquer au faisceau cohérent d'idéaux de
$Y\cap V$ engendré par
$f|_{Y\cap V}$) que
$f|_{Y\cap V}=0$, ce qui signifie précisément que
$f$ appartient à
$\mathscr {J}(V)$ et achève la démonstration de (1) et (2) lorsque
$U$ est un ouvert de Zariski de
$X$.
2.17.2 Preuve de
$(1)$ et
$(2)$ dans le cas général
Soit $Z$ la réunion des composantes assassines de
$X$ qui ne rencontrent pas
$U$ ; posons
$\Omega =X\setminus Z$. Par construction
$Z\cap \Omega =\varnothing$, si bien que
$U\subset \Omega$. Soit
$T$ une composante assassine de
$\Omega$. Son adhérence
$\overline {T}^{X_{\mathrm {Zar}}}$ est une composante assassine de
$X$ (prop. 2.10) qui n'est pas contenue dans
$Z$, et qui par conséquent rencontre
$U$. En vertu de la proposition 2.10,
$T$ est une composante irréductible de
$\Omega \cap \overline {T}^{X_{\mathrm {Zar}}}$ ; par ailleurs ce dernier, en tant qu'ouvert de Zariski non vide de l'espace irréductible
$\overline {T}^{X_{\mathrm {Zar}}}$, est lui-même irréductible (lemme 1.11) ; il vient
$\Omega \cap \overline {T}^{X_{\mathrm {Zar}}}=T$.
Puisque $\Omega \cap \overline {T}^{X_{\mathrm {Zar}}}$ est dense dans
$\overline {T}^{X_{\mathrm {Zar}}}$ (qui est irréductible),
$\Omega \cap \overline {T}^{X_{\mathrm {Zar}}}\cap U=T\cap U$ est dense dans
$\overline {T}^{X_{\mathrm {Zar}}}\cap U$. Comme ce dernier est non vide,
$T\cap U$ est non vide. Ainsi, toute composante assassine de
$\Omega$ rencontre
$U$ ; autrement dit,
$U$ est analytiquement dense dans
$\Omega$.
Il s'ensuit d'après le lemme 2.17 que pour tout domaine analytique $V$ de
$X$, l'idéal
$\mathscr {I}(V)$ de
$\mathscr {O}_X(V)$ peut également se décrire comme l'ensemble des
$f\in \mathscr {O}_X(V)$ telles que
$f|_{V\cap \Omega }=0$. Il résulte alors du cas particulier traité en 2.17.1, que
$\mathscr {I}$ est cohérent et que le sous-espace analytique fermé
$Y$ qu'il définit a pour composantes irréductibles (resp. assassines) les composantes irréductibles (resp. assassines) de
$X$ qui rencontrent
$\Omega$.
Mais une composante assassine de $X$ qui rencontre
$\Omega$ n'est pas contenue dans
$Z$, ce qui implique par définition de
$Z$ qu'elles rencontre
$U$. Ainsi
$Y$ a pour composantes irréductibles (resp. assassines) les composantes irréductibles (resp. assassines) de
$X$ qui rencontrent
$U$.
Remark 2.18 Soit $X$ un espace
$k$-analytique et soit
$U$ un domaine analytique de
$X$. On déduit de 2.15 que le support de l'adhérence analytique de
$U$ dans
$X$ est égal à
$\overline {U}^{X_{\mathrm {Zar}}}$.
Lemme 2.19 Soit $X$ un espace
$k$-analytique et soit
$\mathscr {F}$ un faisceau cohérent sur
$X$. Le faisceau
$\mathscr {F}$ est
$S_1$ si et seulement s'il ne possède aucune composante immergée.
Demonstration Supposons que $\mathscr {F}$ soit
$S_1$ et soit
$Z$ une composante assassine de
$\mathscr {F}$. Il existe un domaine affinoïde
$V$ de
$X$ et un fermé de Zariski
$T$ de
$V$ tel que
$T^{\mathrm {al}}$ soit une composante assassine de
$\mathscr {F}_V^{\mathrm {al}}$ et tel que
$\overline {T}^{X_{\mathrm {Zar}}}=Z$ (remarque 2.11). Comme
$\mathscr {F}$ est
$S_1$, le faisceau
$\mathscr {F}_V^{\mathrm {al}}$ est
$S_1$, et
$T^{\mathrm {al}}$ est dès lors une composante irréductible de
$\mathrm {Supp}(\mathscr {F}_V^{\mathrm {al}})$ ; par conséquent,
$T$ est une composante irrédutible de
$\mathrm {Supp}(\mathscr {F}_V)$, et
$Z$ est dès lors une composante irréductible de
$\mathrm {Supp}(\mathscr {F})$.
Réciproquement, supposons que toute composante assassine de $\mathscr {F}$ soit une composante irréductible de
$\mathrm {Supp}(\mathscr {F})$, et soit
$V$ un domaine affinoïde de
$X$. Soit
$T$ un fermé de Zariski de
$V$ tel que
$T^{\mathrm {al}}$ soit une composante assassine de
$\mathscr {F}_V^{\mathrm {al}}$. Le fermé
$T$ est une composante assassine de
$\mathscr {F}_V$ par la proposition 2.9 ; l'adhérence
$Z:=\overline {T}^{X_{\mathrm {Zar}}}$ est alors une composante assassine de
$\mathscr {F}$ et
$T$ est une composante irréductible de
$Z\cap V$ (prop. 2.10). Par hypothèse sur
$\mathscr {F}$, le fermé
$Z$ est une composante irréductible de
$\mathrm {Supp}(\mathscr {F})$, et
$T$ est donc une composante irréductible de
$\mathrm {Supp}(\mathscr {F}_V)$. Ainsi,
$T^{\mathrm {al}}$ est une composante irréductible de
$\mathrm {Supp}(\mathscr {F}_V^{\mathrm {al}})$, et
$\mathscr {F}_V^{\mathrm {al}}$ est donc
$S_1$. Il s'ensuit que
$\mathscr {F}_V$ est
$S_1$ ; ceci valant pour tout domaine affinoïde
$V$ de
$X$, le faisceau
$\mathscr {F}$ est
$S_1$.
Proposition 2.20 Soit $X$ un espace
$k$-analytique et soit
$Y\to X$ un morphisme dont la source
$Y$ est
$L$-analytique pour une certaine extension complète
$L$ de
$k$. Soit
$\mathscr {F}$ un faisceau cohérent sur
$X$ et soit
$\mathscr {G}$ un faisceau cohérent sur
$Y$. On suppose que pour tout domaine affinoïde
$V$ de
$X$ et tout domaine affinoïde
$W$ de
$Y\times _X V$, le faisceau
$\mathscr {G}_W^{\mathrm {al}}$ est plat sur
$V^{\mathrm {al}}$ et que sa restriction à chaque fibre de
$W^{\mathrm {al}} \to V^{\mathrm {al}}$ est
$S_1$. Soit
$Z$ un fermé de Zariski de
$Y$. Les assertions suivantes sont équivalentes :
(i)
$Z$ est une composante assassine de
$\mathscr {F}\boxtimes \mathscr {G}:=\mathscr {F}_Y\otimes _{\mathscr {O}_Y} \mathscr {G}$ ;
(ii) il existe une composante assassine
$T$ de
$\mathscr {F}$ telle que
$Z$ soit une composante irréductible de
$\mathrm {Supp}(\mathscr {G})\times _X T$.
Remark 2.21 Les hypothèses de la proposition sont notamment satisfaites dans les cas importants qui suivent.
(1) L'espace
$Y$ est
$k$-analytique,
$\mathscr {G}$ est
$X$-plat et
$\mathscr {G}_{Y_x}$ est
$S_1$ pour tout
$x\in X$. En effet, soient
$W$ et
$V$ comme dans l’énoncé. La
$X$-platitude de
$\mathscr {G}$ entraîne que
$\mathscr {G}_W^{\mathrm {al}}$ est plat sur
$V^{\mathrm {al}}$. Soit
$\xi \in V^{\mathrm {al}}$, soit
$\eta$ un antécédent de
$\xi$ sur
$W^{\mathrm {al}}$, et soit
$\mathscr {X}$ l'adhérence de
$\xi$ dans
$V^{\mathrm {al}}$, munie de sa structure réduite. Comme
$\mathscr {G}_{W\times _V\mathscr {X}^{\mathrm {an}}}$ est plat sur
$\mathscr {X}^{\mathrm {an}}$ et
$S_1$ en restriction à chaque fibre, on déduit de [Reference DucrosDuc18], Th. 11.3.3 (2b) que
$\mathscr {G}_{W\times _V \mathscr {X}^{\mathrm {an}}}$ est
$S_1$ en tout point de
$W$ situé au-dessus du lieu
$S_1$ de
$\mathscr {X}^{\mathrm {an}}$. Choisissons maintenant un antécédent
$y$ de
$\eta$ sur
$W$, et soit
$x$ l'image de
$y$ sur
$V$ ; le point
$x$ est situé au-dessus de
$\xi$. Comme
$\xi$ est le point générique du schéma
$\mathscr {X}$, le schéma
$\mathscr {X}$ est
$S_1$ en
$\xi$, et
$\mathscr {X}^{\mathrm {an}}$ est dès lors
$S_1$ en
$x$ ; par ce qui précède,
$\mathscr {G}_{W\times _V \mathscr {X}^{\mathrm {an}}}$ est
$S_1$ en
$y$ ; il s'ensuit que
$(\mathscr {G}_W^{\mathrm {al}})_{W^{\mathrm {al}}\times _{V^{\mathrm {al}}}\mathscr {X}}$ est
$S_1$ en
$\eta$ ; puisque
$\xi$ est le point générique de
$\mathscr {X}$, cela signifie exactement que
$(\mathscr {G}_W^{\mathrm {al}})_{W^{\mathrm {al}}_\xi }$ est
$S_1$ en
$\eta$.
(2) L'espace
$Y$ est
$k$-analytique,
$Y\to X$ est quasi-lisse,
$\mathscr {F}=\mathscr {O}_X$ et
$\mathscr {G}=\mathscr {O}_Y$. En effet, on est alors dans un cas particulier de (1) puisqu'un morphisme quasi-lisse est plat à fibres géométriquement régulières (et en particulier
$S_1$) ; on pourrait aussi invoquer directement le th. 5.5.3 (2) de [Reference DucrosDuc18].
(3) L'espace
$Y$ est égal à
$X_L$, le faisceau
$\mathscr {G}$ est égal à
$\mathscr {O}_Y$ et
$\mathscr {F}=\mathscr {O}_X$. En effet, soient
$V$ et
$W$ comme dans la proposition. Comme
$W$ s'identifie à un domaine affinoïde de
$V_L$, le morphisme
$W^{\mathrm {al}} \to {V_L}^{\mathrm {al}}$ est régulier ([Reference DucrosDuc09], thm. 3.3). D'après [Reference DucrosDuc18], thm. 5.5.3 (2), le morphisme
$V_L^{\mathrm {al}} \to V^{\mathrm {al}}$ est plat et à fibres d'intersection complète, et en particulier
$S_1$. Il s'ensuit ([Reference GrothendieckEGA IV2], prop. 6.4.1) que
$W^{\mathrm {al}} \to V^{\mathrm {al}}$ est plat et à fibres
$S_1$.
Démonstration de la proposition 2.20 Traitons d'abord le cas particulier où $X$ et
$Y$ sont affinoïdes. Puisque
$\mathscr {G}^{\mathrm {al}}$ est plat sur
$X^{\mathrm {al}}$ par hypothèse, on déduit de 2.2 qu'un point
$\eta$ de
$Y^{\mathrm {al}}$ appartient à
$\mathrm {Ass}(\mathscr {F}\boxtimes \mathscr {G})$ si et seulement si son image
$\xi$ sur
$X^{\mathrm {al}}$ appartient à
$\mathrm {Ass}(\mathscr {F})$ et
$\eta$ appartient à
$\mathrm {Ass}(\mathscr {G}^{\mathrm {al}}_{Y^{\mathrm {al}}_\xi })$. Mais comme
$\mathscr {G}^{\mathrm {al}}_{Y^{\mathrm {al}}_\xi }$ est
$S_1$ par hypothèse, il est sans composante immergée, et
$\eta$ appartient donc à
$\mathrm {Ass}(\mathscr {G}^{\mathrm {al}}_{Y^{\mathrm {al}}_\xi })$ si et seulement si
$\eta$ est un point générique d'une composante irréductible du support de
$\mathscr {G}^{\mathrm {al}}_{Y^{\mathrm {al}}_\xi }$ ; par platitude, cette dernière condition revient à demander que
$\eta$ soit le point générique d'une composante irréductible de
$\mathrm {Supp}(\mathscr {G}^{\mathrm {al}})\times _{X^{\mathrm {al}}}\overline {\{\xi \}}^{X^{\mathrm {al}}}$. Ainsi, un fermé
$\mathscr {Z}$ de
$Y^{\mathrm {al}}$ est une composante assassine de
$(\mathscr {F}\boxtimes \mathscr {G})^{\mathrm {al}}$ si et seulement si il existe une composante assassine
$\mathscr {T}$ de
$\mathscr {F}^{\mathrm {al}}$ telle que
$\mathscr {Z}$ soit une composante irréductible de
$\mathrm {Supp}(\mathscr {G}^{\mathrm {al}})\times _{X^{\mathrm {al}}}\mathscr {T}$ ; la proposition s'en déduit alors par le principe GAGA pour les composantes assassines (proposition 2.9 (2)).
On ne suppose plus maintenant que $X$ et
$Y$ sont affinoïdes. Supposons que (i) est vraie ; notons que
$Z\subset \mathrm {Supp}(\mathscr {G})$ par définition. Choisissons un domaine affinoïde
$V$ de
$X$ qui rencontre l'image de
$Z$ et un domaine affinoïde
$W$ de
$Y\times _X V$ qui rencontre
$Z$. Soit
$Z_1$ une composante irréductible de
$Z\cap W$. C'est une composante assassine de
$\mathscr {F}_V\boxtimes \mathscr {G}_W$, et
$Z=\overline {Z_1}^{\mathrm {Supp}(\mathscr {G_{\mathrm {Zar}}})}$ (prop. 2.10). D'après le cas affinoïde déjà traité, il existe donc une composante assassine
$T_1$ de
$\mathscr {F}_V$ telle que
$Z_1$ soit une composante irréductible de
$\mathrm {Supp}(\mathscr {G}_W)\times _V T_1$. Posons
$T=\overline {T_1}^{X}$. C'est une composante assassine de
$\mathscr {F}$ et
$T_1$ est une composante irréductible de
$T\cap V$ (prop. 2.10). Par platitude de
$\mathscr {G}_W^{\mathrm {al}}$ sur
$V^{\mathrm {al}}$, les composantes irréductibles de
$\mathrm {Supp}(\mathscr {G}_W^{\mathrm {al}})\times _{V^{\mathrm {al}}}T_1^{\mathrm {al}}$ sont des composantes irréductibles de
$\mathrm {Supp}(\mathscr {G}_W^{\mathrm {al}})\times _{V^{\mathrm {al}}}(T\cap V)^{\mathrm {al}}$. Par conséquent,
$Z_1$ est une composante irréductible de
$\mathrm {Supp}(\mathscr {G}_W)\times _V (T\cap V)$, c'est-à-dire encore de
$(\mathrm {Supp}(\mathscr {G})\times _X T)\cap W$. On en déduit que
$Z=\overline {Z_1}^{\mathrm {Supp}(\mathscr {G})}$ est une composante irréductible de
$\mathrm {Supp}(\mathscr {G})\times _X T$.
Supposons maintenant que (ii) est vraie. Soit $V$ un domaine affinoïde de
$X$ rencontrant l'image de
$Z$, et soit
$W$ un domaine affinoïde de
$Y\times _X V$ rencontrant
$Z$. Soit
$Z_1$ une composante irréductible de
$Z\cap W$ ; c'est une composante irréductible de
$(\mathrm {Supp}(\mathscr {G})\times _X T)\cap W$, c'est-à-dire de
$\mathrm {Supp}(\mathscr {G}_W)\times _V (T\cap V)$. Si on désigne par
$T_1$ une composante irréductible de
$V\cap T$ contenant l'image de
$Z_1$ alors
$Z_1$ est une composante irréductible de
$\mathrm {Supp}(\mathscr {G}_W)\times _V T_1.$ (Par platitude,
$T_1$ est unique et
$Z_1^{\mathrm {al}} \to T_1^{\mathrm {al}}$ est dominant, mais peu importe ici).
Or $T$ est une composante assassine de
$\mathscr {F}$. Il s'ensuit que
$T_1$ est une composante assassine de
$\mathscr {F}_V$ (prop. 2.10) ; par le cas affinoïde déjà traité,
$Z_1$ est une composante assassine de
$\mathscr {F}_V\boxtimes \mathscr {G}_W$ ; en utilisant une dernière fois la proposition 2.10 on en déduit que
$Z=\overline {Z_1}^{Y}$ est une composante assassine de
$\mathscr {F}\boxtimes \mathscr {G}$.
Nous avons vu plus haut (prop. 2.9) un résultat de type GAGA pour les composantes assassines lorsque l'espace ambiant est affinoïde. Cela s’étend en fait au cadre plus général de l'analytifié d'un schéma de type fini sur un espace affinoïde.
Lemme 2.22 Soit $A$ une algèbre
$k$-affinoïde, soit
$\mathscr {X}$ un
$A$-schéma de type fini, et soit
$\mathscr {F}$ un faisceau cohérent sur
$\mathscr {X}$. Les composantes assassines de
$\mathscr {F}^{\mathrm {an}}$ sont exactement les fermés de
$\mathscr {X}^{\mathrm {an}}$ de la forme
$\mathscr {Y}^{\mathrm {an}}$, où
$\mathscr {Y}$ est une composante assassine de
$\mathscr {F}$.
Demonstration Nous allons procéder par double inclusion.
2.22.1
Soit $\mathscr {Y}$ une composante assassine de
$\mathscr {F}$. Comme
$\mathscr {Y}$ est irréductible,
$\mathscr {Y}^{\mathrm {an}}$ l'est aussi ; soit
$n$ la dimension de
$\mathscr {Y}^{\mathrm {an}}$. Soit
$x$ un point de
$\mathscr {Y}^{\mathrm {an}}$ tel que
$d_k(x)=n$ ; son adhérence
$\overline {\{x\}}^{\mathscr {X}^{\mathrm {an}}_{\mathrm {Zar}}}$ est égale à
$\mathscr {Y}^{\mathrm {an}}$ (et
$x^{\mathrm {al}}$ est donc le point générique de
$\mathscr {Y}$). Choisissons un domaine affinoïde
$V$ de
$\mathscr {X}^{\mathrm {an}}$ contenant
$x$, et posons
$Z=\overline {\{x\}}^{V_{\mathrm {Zar}}}$ ; puisque
$d_k(x)=n$, on a
$\dim Z=n$. Comme la liste des dimensions des composantes irréductibles de
$\mathrm {Supp}( \mathscr {F}^{\mathrm {an}}_V)$ contenant
$x$ est la même que la liste des dimensions des composantes irréductibles de
$\mathrm {Supp}( \mathscr {F}^{\mathrm {an}})$ contenant
$x$, on en déduit que la codimension de Krull de
$Z$ dans
$\mathrm {Supp}( \mathscr {F}^{\mathrm {an}}_V)$ est égale à la codimension de
$\mathscr {Y}^{\mathrm {an}}$ dans
$\mathrm {Supp}(\mathscr {F}^{\mathrm {an}})$, c'est-à-dire à celle de
$\mathscr {Y}$ dans
$\mathrm {Supp}(\mathscr {F})$ ([Reference DucrosDuc18], Cor. 2.7.13). Autrement dit,
$\mathscr {F}_{V^{\mathrm {al}},x_V^{\mathrm {al}}}$ et
$\mathscr {F}_{\mathscr {X},x^{\mathrm {al}}}$ ont même dimension. Comme
$V^{\mathrm {al}} \to \mathscr {X}$ est régulier (th. 3.3 de [Reference DucrosDuc09]), et comme
$\mathscr {F}_{\mathscr {X},x^{\mathrm {al}}}$ est de profondeur nulle (puisque
$x^{\mathrm {al}}$ est le point générique de la composante assassine
$\mathscr {Y}$ de
$\mathscr {F}$), la profondeur de
$\mathscr {F}_{V^{\mathrm {al}}, x_V^{\mathrm {al}}}$ est nulle par 2.4.3. Comme
$d_k(x)=\dim Z$, on a
$\mathrm {dim}_{\mathrm c}(V_{\mathrm G},x)=\dim Z$ (2.3.2), et
$x$ appartient donc à
$\mathrm {Ass}(\mathscr {F}_V^{\mathrm {an}}) \subset \mathrm {Ass}(\mathscr {F}^{\mathrm {an}})$ en vertu de la proposition 2.10 ; par conséquent,
$\mathscr {Y}^{\mathrm {an}}$ est une composante assassine de
$\mathscr {F}^{\mathrm {an}}$.
2.22.2
Soit $Y$ une composante assassine de
$\mathscr {F}^{\mathrm {an}}$. Nous allons montrer qu'elle est de la forme requise, en commençant par traiter deux cas particulier.
2.22.2.1 Supposons
$\mathscr {X}$ propre sur
$A$
Par GAGA, la composante $Y$ est égale à
$\mathscr {Y}^{\mathrm {an}}$ pour un certain fermé de Zariski irréductible
$\mathscr {Y}$ de
$\mathscr {X}$. Soit
$x$ un point de
$\mathrm {Ass}(\mathscr {F}^{\mathrm {an}})$ tel que
$\overline {\{x\}}^{\mathscr {X}^{\mathrm {an}}_{\mathrm {Zar}}}=Y$ ; le point
$x^{\mathrm {al}}$ est alors le point générique de
$\mathscr {Y}$. Comme
$x\in \mathrm {Ass}(\mathscr {F}^{\mathrm {an}})$, la profondeur de
$\mathscr {F}^{\mathrm {an}}_{\mathscr {X}^{\mathrm {an}},x}$ est nulle ; par platitude du morphisme d'espaces annelés
$\mathscr {X}^{\mathrm {an}} \to \mathscr {X}$ ([Reference BerkovichBer93], Prop. 2.6.2) et par 2.4.3, la profondeur de
$\mathscr {F}_{\mathscr {X},x^{\mathrm {al}}}$ est nulle ; par conséquent
$x^{\mathrm {al}} \in \mathrm {Ass}(\mathscr {F})$ et
$\mathscr {Y}$ est une composante assassine de
$\mathscr {F}$.
2.22.2.2 Supposons
$\mathscr {X}$ affine
Choisissons une compactification projective $\overline {\mathscr {X}}$ du
$A$-schéma
$\mathscr {X}$, et un prolongement
$\overline{\mathscr {F}}$ de
$\mathscr {F}$ à
$\overline{\mathscr {X}}$ ([Reference GrothendieckEGA I], Cor. 9.4.8). Par la proposition 2.10, l'adhérence
$Z:=\overline {Y}^{\mathscr {X}^{\mathrm {an}}_{\mathrm {Zar}}}$ est une composante assassine de
$\overline{\mathscr {F}}^{\mathrm {an}}$, et
$Y$ est une composante irréductible de
$Z\cap \mathscr {X}^{\mathrm {an}}$ ; par ailleurs
$Z\cap \mathscr {X}^{\mathrm {an}}$ est irréductible en vertu du lemme 1.11, si bien que
$Y=Z\cap \mathscr {X}^{\mathrm {an}}$. Par le cas propre déjà traité,
$Z=\mathscr {Z}^{\mathrm {an}}$ pour une certaine composante assassine
$\mathscr {Z}$ de
$\overline{\mathscr {F}}$. Il vient
$Y=Z\cap \mathscr {X}^{\mathrm {an}}=(\mathscr {Z}\cap \mathscr {X})^{\mathrm {an}}$, ce qui termine la preuve dans le cas affine puisque
$\mathscr {Z}\cap \mathscr {X}$ est une composante assassine de
$\mathscr {F}$.
2.22.2.3 Preuve dans le cas général
Choisissons un ouvert affine $\mathscr {U}$ de
$\mathscr {X}$ tel que
$\mathscr {U}^{\mathrm {an}}$ rencontre
$Y$. L'intersection
$Y\cap \mathscr {U}^{\mathrm {an}}$ est irréductible d'après le lemme 1.11, et c'est donc une composante assassine de
$(\mathscr {F}_{\mathscr {U}})^{\mathrm {an}}$ par la proposition 2.10, qui assure aussi que
$\overline {(Y\cap \mathscr {U}^{\mathrm {an}})}^{\mathscr {X}^{\mathrm {an}}_{\mathrm {Zar}}}=Y$.
Par le cas affine déjà traité , $Y\cap \mathscr {U}^{\mathrm {an}}$ est égale à
$\mathscr {Z}^{\mathrm {an}}$ pour une certaine composante assassine
$\mathscr {Z}$ de
$\mathscr {F}_{\mathscr {U}}$. Soit
$\mathscr {Y}$ l'adhérence de
$\mathscr {Z}$ dans
$\mathscr {X}$ ; c'est une composante assassine de
$\mathscr {F}$. Puisque
$\mathscr {Y}$ est irréductible,
$\mathscr {Y}^{\mathrm {an}}$ est un fermé de Zariski irréductible de
$\mathscr {X}^{\mathrm {an}}$ et son ouvert de Zariski non vide
$Y\cap \mathscr {U}^{\mathrm {an}}=\mathscr {Z}^{\mathrm {an}}$ est donc Zariski-dense. On a par conséquent
![](https://static.cambridge.org/binary/version/id/urn:cambridge.org:id:binary:20210322154004198-0020:S0010437X20007459:S0010437X20007459_eqnU16.png?pub-status=live)
ce qui achève la démonstration.
2.23 Fonctions régulières et fonctions méromorphes
Soit $X$ un espace
$k$-analytique. Nous allons brièvement rappeler les définitions de fonction régulière et de fonction méromorphe sur
$X$, et établir quelques énoncés élémentaires à leur sujet qui sont certainement bien connus, mais dont les preuves ne sont à notre connaissance pas disponibles dans la littérature (une partie de ce qui suit figure toutefois dans la prépublication [Reference Chambert-Loir and DucrosCD12]).
2.23.1
On dit qu'une fonction $f\in \mathscr {O}_X(X)$ est régulière si la multiplication par
$f$ est un endomorphisme injectif de
$\mathscr {O}_X$. C'est une propriété qu'on peut vérifier G-localement ; si
$X$ est affinoïde,
$f$ est régulière si et seulement si c'est un élément régulier de
$\mathscr {O}_X(X)$ au sens usuel de l'algèbre commutative, c'est-à-dire un élément non diviseur de zéro.
2.23.2
Une fonction $f\in \mathscr {O}_X(X)$ est régulière si et seulement si son lieu des zéros ne contient aucune composante assassine de
$X$. En effet, le caractère G-local de la régularité et la proposition 2.10 (2) permettent de se ramener au cas affinoïde, dans lequel l'assertion découle du résultat analogue en théorie des schémas et du principe GAGA pour les composantes assassines (2.9 (2)).
2.23.3
Soit $\mathscr {S}$ le sous-faisceau de
$\mathscr {O}_X$ qui associe à un domaine analytique
$U$ l'ensemble des sections régulières de
$\mathscr {O}_X(U)$. On appelle faisceau des fonctions méromorphes sur
$X$ et l'on note
$\mathscr {K}_X$ le faisceautisé (pour la G-topologie) de
$U\mapsto \mathscr {S}(U)^{-1} \mathscr {O}_X(U)$. Il résulte de la définition de
$\mathscr {S}$ que le morphisme naturel
$\mathscr {O}_X\to \mathscr {K}_X$ est injectif. On se permettra donc d'identifier
$\mathscr {O}_X$ à un sous-faisceau de
$\mathscr {K}_X$.
2.23.4
Supposons $X$ affinoïde, disons
$X=\mathscr {M}(A)$. L'application naturelle de l'anneau total des fractions de
$A$ dans
$\mathscr {K}_X(X)$ est un isomorphisme.
L'injectivité est une conséquence formelle de l'injectivité de $A\to \mathscr {K}_X(X)$. Prouvons la surjectivité. Soit
$f\in \mathscr {K}_X(X)$ et soit
$\mathscr {D}$ le « faisceau des dénominateurs de
$f$ », c'est-à-dire le faisceau d'idéaux de
$\mathscr {O}_X$ qui envoie un domaine analytique
$U$ de
$X$ sur l'ensemble des
$h\in \mathscr {O}_X(U)$ tels que
$hf\in \mathscr {O}_X(U)\subset \mathscr {K}_X(U)$.
Montrons que $\mathscr {D}$ est cohérent. On peut raisonner G-localement et partant supposer que
$f=g/h$ où
$g$ et
$h$ appartiennent à
$\mathscr {O}_X(X)$ et où
$h$ est régulière. Mais dans ce cas
$\mathscr {D}$ est le noyau du morphisme
$\mathscr {O}_X\to \mathscr {O}_X/(h)$ induit par la multiplication par
$g$, d'où l'assertion.
Il suffit maintenant pour conclure de montrer que $\mathscr {D}$ possède une section globale qui est régulière. Procédons par l'absurde, en supposant que toute section globale de
$\mathscr {D}$ est diviseur de zéro. Le lemme d’évitement des idéaux premiers couplé au principe GAGA pour les composantes assassines (prop. 2.9 (2)) assure alors qu'il existe une composante assassine
$Y$ de
$X$ contenue dans le lieu des zéros de
$\mathscr {D}$. Soit
$x\in Y$ et soit
$V$ un domaine affinoïde de
$X$ contenant
$y$ tel que
$f|_V$ soit de la forme
$g/h$ où
$g$ et
$h$ appartiennent à
$\mathscr {O}_X(V)$ et où
$h$ est régulière. Le lieu des zéros de
$\mathscr {D}_V$ contient
$Y\cap V$, qui est non vide (il contient
$x$) et est en vertu de la proposition 2.20 (2) une union de composantes assassines de
$V$. Il en résulte en vertu de 2.23.2 que
$\mathscr {D}(V)$ ne contient aucune fonction régulière, contredisant le fait que
$h$ appartient manifestement à
$\mathscr {D}(V)$.
2.23.5
On dit qu'un faisceau cohérent d'idéaux $\mathscr {I}$ sur
$X$ est inversible si
$\mathscr {I}$ est G-localement libre de rang
$1$, c'est-à-dire encore si
$\mathscr {I}$ est G-localement engendré par une section régulière de
$\mathscr {O}_X$.
Soit $\mathscr {I}$ un faisceau cohérent d'idéaux sur
$X$.
2.23.5.1
Supposons $\mathscr {I}$ inversible. On note
$\mathscr {I}^{-1}$ le sous-
$\mathscr {O}_X$-module de
$\mathscr {K}_X$ constitué des sections
$g$ telles que
$gf$ soit une section de
$\mathscr {O}_X$ pour toute section
$f$ de
$\mathscr {I}$. C'est un
$\mathscr {O}_X$-module cohérent, et même G-localement libre de rang
$1$ : si
$h$ est une fonction régulière engendrant
$\mathscr {I}$ sur un domaine analytique
$U$ de
$X$ alors
$h^{-1}$ engendre
$\mathscr {I}^{-1}$ sur
$U$. Cette dernière remarque montre que le sous-faisceau
$\mathscr {I}\cdot \mathscr {I}^{-1}$ de
$\mathscr {K}_X$ est égal à
$\mathscr {O}_X$.
2.23.5.2
Réciproquement, supposons qu'il existe un sous-$\mathscr {O}_X$-module cohérent
$\mathscr {J}$ de
$\mathscr {K}_X$ tel que
$\mathscr {I}\cdot \mathscr {J}=\mathscr {O}_X$ ; nous allons montrer que
$\mathscr {I}$ est inversible. On peut raisonner G-localement. On peut donc supposer que
$X=\mathscr {M}(A)$ pour une certaine algèbre
$k$-affinoïde
$A$, que
$\mathscr {J}(A)\subset h^{-1} A$ pour un certain élément régulier
$h$ de
$A$, et que
$1\in \mathscr {I}(A)\cdot \mathscr {J}(A)$. Cette dernière condition assure que
$\mathscr {I}(A)\cdot \mathscr {J}(A) =A$, puis que
$\mathscr {I}(A)\cdot (h\mathscr {J}(A))=hA$. Comme
$h\mathscr {J}(A)$ est un idéal de
$A$ par choix de
$h$, on déduit du lemme [Sta19, Tag 09ME] que
$\mathscr {I}(A)$ est un
$A$-module projectif de rang
$1$ ; par conséquent,
$\mathscr {I}$ est localement libre de rang
$1$.
On déduit de ce qui précède que pour qu'un produit fini $\mathscr {I}_1\cdot \ldots \cdot \mathscr {I}_n$ de faisceaux cohérents d'idéaux sur
$X$ soit inversible, il faut (et il suffit) que chacun des
$\mathscr {I}_j$ le soit.
2.24
Soit $X$ un espace
$k$-analytique, soit
$L$ une extension complète de
$k$ et soit
$X'$ un espace
$L$-analytique. Soit
$\varphi \colon X'\to X$ un morphisme tel que le morphisme induit
$X'\to X_L$ soit plat.
2.24.1
Pour tout domaine affinoïde $U$ de
$X$ et tout domaine affinoïde
$V$ de
$\varphi ^{-1}(U)$, la
$\mathscr {O}_X(U)$-algèbre
$\mathscr {O}_{X'(V)}$ est plate. On en déduit aussitôt que si
$f$ est une fonction régulière sur un domaine analytique
$W$ de
$X$, son image réciproque
$\varphi ^*f$ est une fonction régulière sur
$\varphi ^{-1}(W)$.
2.24.2
Soit $\mathscr {I}$ un faisceau cohérent d'idéaux sur
$X$. Si
$\mathscr {I}$ est inversible, il résulte de 2.24.1 que
$\varphi ^{-1}(\mathscr {I})$ est inversible.
3 Idéal des coefficients
3.1
Nous dirons qu'un morphisme $f\colon Y\to X$ entre espaces analytiques est compact si
$f^{-1}(V)$ est compact pour tout domaine affinoïde
$V$ de
$X$. C'est par exemple le cas si
$Y$ est compact et
$X$ topologiquement séparé, ou si
$f$ est propre.
3.2
Un polyrayon est une famille finie de réels strictement positifs. Un polyrayon $r=(r_1,\ldots , r_n)$ est dit
$k$-libre si les
$r_i$ forment une famille libre du
$\mathbf {Q}$-espace vectoriel
$\mathbf {R}_{>0}/\big |k^{\times }\big |^\mathbf {Q}$.
Si $r$ est
$k$-libre, on notera
$k_r$ la
$k$-algèbre constituée des séries
$\sum _{I\in \mathbf {Z}^n}a_I T^I$ à coefficients dans
$k$ telles que
$\big |a_I\big |r^I$ tende vers zéro quand
$\big |I\big |$ tend vers l'infini. La norme
$\sum a_I T^I\mapsto \max \big |a_I\big |r^I$ fait de
$k_r$ à la fois une algèbre de Banach
$k$-affinoïde et une extension complète de
$k$. Si
$A$ (resp.
$X$) est une algèbre
$k$-affinoïde (resp. un espace
$k$-analytique) on écrira
$A_r$ (resp.
$X_r$) au lieu de
$A\hat \otimes _k k_r$ (resp.
$X_{k_r}$).
Theoreme 3.3 (Descente fidèlement plate des faisceaux cohérents) Soit $Y\to X$ un morphisme compact, plat et surjectif entre espaces
$k$-analytiques.
(1) Soit
$\mathscr {F}$ un faisceau cohérent sur
$X$. La suite
est exacte.(2) La catégorie des faisceaux cohérents sur
$X$ est naturellement équivalente à celle des faisceaux cohérents sur
$Y$ munis d'une donnée de descente relativement à
$Y\to X$.
Remark 3.4 Dans le cas strictement $k$-analytique, ce théorème est dû à Bosch et Görz ([Reference Bosch and GörzBG98], thm. 3.1) mais nous n'utilisons pas leur résultat. Nous redémontrons donc celui-ci, par des méthodes complètement différentes (les leurs font appel à la géométrie formelle suivant le point de vue de Raynaud).
Remark 3.5 Le théorème est faux sans hypothèse de compacité. Pour le voir, fixons deux réels strictement positifs $r$ et
$s$ avec
$r < s$, et notons
$X$ la couronne
$r\leqslant \big |T\big |\leqslant s$. Pour tout
$t$ compris entre
$r$ et
$s$, notons
$X_t$ la couronne
$\big |T\big |=t$, qui est un domaine affinoïde de
$X$ ; enfin, posons
$Y=\coprod _{r\leqslant t\leqslant s}X_t$. Le morphisme naturel
$Y\to X$ est alors plat et surjectif, mais ne satisfait visiblement ni (1) ni (2).
Proof Démonstration du théorème 3.3 Il suffit de prouver (2) : en effet, (1) en est une conséquence formelle car on a pour tout espace analytique $Z$ et tout faisceau cohérent
$\mathscr {G}$ sur
$Z$ un isomorphisme
$\mathscr {G}(Z)\simeq \mathrm {Hom}(\mathscr {O}_Z,\mathscr {G})$ fonctoriel en
$Z$ et
$\mathscr {G}$.
Montrons donc (2). L'assertion est G-locale sur $X$, ce qui permet de le supposer affinoïde ; l'espace
$Y$ est alors compact. On note
$A$ l'algèbre des fonctions analytiques sur
$X$, et l'on se donne deux faisceaux cohérents
$\mathscr {F}$ et
$\mathscr {G}$ sur
$Y$ munis de données de descente relativement à
$X$, et une application
$\mathscr {O}_Y$-linéaire
$u \colon \mathscr {F}\to \mathscr {G}$ compatible aux données de descentes considérées. Le but de ce qui suit est de montrer que
$\mathscr {F}$ et
$\mathscr {G}$ proviennent de deux faisceaux cohérents
$\mathscr {F}_0$ et
$\mathscr {G}_0$ sur
$X$, et que
$u_0$ provient d'une unique application
$\mathscr {O}_X$-linéaire de
$\mathscr {F}_0$ dans
$\mathscr {G}_0$.
3.5.1
Supposons tout d'abord que $Y$ est de la forme
$X_r$ pour un certain polyrayon
$k$-libre
$r$. Soit
$A$ l'algèbre des fonctions analytiques sur
$X$. Les faisceaux cohérents
$\mathscr {F}$ et
$\mathscr {G}$ correspondent respectivement à des
$A_r$-modules de Banach finis
$M$ et
$N$.
Notons $T$ la famille des fonctions coordonnées de
$k_r$, et
$T_1$ et
$T_2$ les deux familles de fonctions coordonnées de
$k_r\hat \otimes _k k_r$, et posons
$B=A_r\hat \otimes _A A_r$. On dispose d'identifications naturelles
![](https://static.cambridge.org/binary/version/id/urn:cambridge.org:id:binary:20210322154004198-0020:S0010437X20007459:S0010437X20007459_eqnU18.png?pub-status=live)
Lorsqu'un « objet mathématique » défini sur $A_r$ sera vu comme défini sur l'anneau
$A\{r^{-1} T_i, rT_i^{-1}\}$ pour
$i=1$ ou
$2$, nous l'indiquerons par un
$i$ en indice. On a
![](https://static.cambridge.org/binary/version/id/urn:cambridge.org:id:binary:20210322154004198-0020:S0010437X20007459:S0010437X20007459_eqnU19.png?pub-status=live)
Nous allons tout d'abord montrer que $M$ provient d'un
$A$-module de Banach fini
$M_0$ La donnée de descente dont
$\mathscr {F}$ est muni consiste en un isomorphisme de
$B$-modules
$\iota$ entre
$M_1\{r^{-1} T_2, rT_2^{-1}\}$ et
$M_2\{r^{-1} T_1, rT_1^{-1}\}$.
Donnons-nous un élément $\sum _{I,J}m_{I,J,1}T_2^IT_3^J$ de
$M_1\{r^{-1} T_2, rT_2^{-1}, r^{-1} T_3, rT_3^{-1}\}$. Pour tout
$I$, écrivons
$\iota (\sum _J m_{I,J,1}T_2^J)=\sum _J n_{I,J,2}T_1^J$. Pour tout
$J$, écrivons
$\iota (\sum _I m_{I,J,1}T_2^I)=\sum _I\ell _{I,J,2}T_1^I$ ; et écrivons enfin
$\iota (\sum _J \ell _{I,J,1}T_2^J)=\sum _J\lambda _{I,J,2}T_1^J$ pour tout
$I$. Lorsqu'on applique la condition de cocycle satisfaite par
$\iota$ à
$\sum _{I,J}m_{I,J,1}T_2^IT_3^J$, il vient
$n_{I,J}=\lambda _{J,I}$ pour tout
$(I,J)$.
Soit $M_0$ le sous-ensemble de
$M$ constitué des éléments
$m$ tels
$\iota (m_1)=m_2$ ; c'est un
$A$-module de Banach. Soit
$m\in M$ ; écrivons
$\iota (m_1)=\sum _I \mu _{J,2} T_1^J$. Appliquons ce qui précède avec
$m_{I,J}=m$ si
$(I,J)=(0,0)$ et
$0$ sinon. On obtient
$n_{I,J}=\mu _J$ si
$I=0$, et
$0$ sinon ; puis
$\ell _{I,J}=\mu _I$ si
$J=0$ et
$0$ sinon. On a
$\lambda _{I,J}=n_{J,I}$ pour tout
$(I,J)$, c'est-à-dire
$\lambda _{I,J}=\mu _I$ si
$J=0$ et
$0$ sinon. Il vient
$\iota (\mu _{J,1})=\mu _{J,2}$ pour tout
$J$ ; autrement dit,
$\mu _J$ appartient à
$M_0$ pour tout
$I$. Comme
$\iota$ est un morphisme injectif de
$B$-modules, on a nécessairement
$m_1=\sum \mu _{J,1} T_1^J$. Le morphisme naturel
$M_0\{r^{-1} T, r T^{-1}\}\to M_1$ qui envoie
$\sum \alpha _J T^J$ sur
$\sum \alpha _{J,1}T_1^J$ est donc surjectif ; et en vertu de l’égalité
![](https://static.cambridge.org/binary/version/id/urn:cambridge.org:id:binary:20210322154004198-0020:S0010437X20007459:S0010437X20007459_eqnU20.png?pub-status=live)
il est injectif et admissible ; le module $M$ s'identifie donc à
$M_0\hat \otimes _A A_r$. Comme
$M$ est un
$A_r$-module de Banach fini,
$M_0$ est un
$A$-module de Banach fini, d'après [Reference BerkovichBer90], Prop. 2.1.11.
Modulo l'isomorphisme $M\simeq M_0\hat \otimes _A A_r$ construit ci-dessus, l'isomorphisme
$\iota$ est simplement l'isomorphisme évident
![](https://static.cambridge.org/binary/version/id/urn:cambridge.org:id:binary:20210322154004198-0020:S0010437X20007459:S0010437X20007459_eqnU21.png?pub-status=live)
On fabrique par le même procédé un $A$-module de Banach fini
$N_0$ et un isomorphisme
$N\simeq N_0\hat \otimes _A A_r$ modulo lequel la donnée de descente fournie avec
$N$ est l'isomorphisme évident
![](https://static.cambridge.org/binary/version/id/urn:cambridge.org:id:binary:20210322154004198-0020:S0010437X20007459:S0010437X20007459_eqnU22.png?pub-status=live)
Soit $m\in M_0$ ; écrivons
$u(m)=\sum n_I T^I$. Appliquons la commutation de
$u$ aux données de descente à l’élément
$m$ de
$M_0\subset M_0\{r^{-1} T_1,rT_1^{-1}\}\{r^{-1} T_2,rT_2^{-1}\}$ ; il vient
$\sum n_I T_1^I=\sum n_IT_2^I$, ce qui entraîne que tous les
$n_I$ sont nuls à l'exception de
$n_0$. Ainsi
$u(M_0)\subset N_0$ et
$u$ induit donc une application
$A$-linéaire
$u_0$ de
$M_0$ dans
$N_0$ ; comme
$u$ est bornée,
$u_0$ est bornée. Il est alors immédiat que
$u$ est l'application déduite de
$u_0$ par changement de base de
$A$ à
$A_r$, et que
$u_0$ est la seule application
$A$-linéaire bornée de
$M_0$ dans
$N_0$ qui ait cette propriété ; ceci achève la preuve du cas où
$Y=X_r$.
3.5.2
En vertu du cas particulier traité en 3.5.1 ci-dessus, on peut démontrer le théorème après extension des scalaires à $k_r$ pour n'importe quel polyrayon
$k$-libre
$r$ ; cela permet de supposer que la valeur absolue de
$k$ n'est pas triviale et que
$Y$ et
$X$ sont strictement
$k$-analytiques. On déduit alors des théorèmes 8.4.6 et 9.1.3 de [Reference DucrosDuc18] qu'il existe :
• une famille finie
$f_i \colon Z_i\to X$ de morphismes quasi-étales de source affinoïde, telle que
$X={\bigcup} f_i(Z_i)$ ;
• pour tout
$i$, un morphisme fini, plat et surjectif
$Z'_i\to Z_i$ et un
$X$-morphisme
$Z_i \to Y$.
Posons $Z=\coprod Z_i$ et
$Z'=\coprod Z'_i$. Puisque
$Y\times _X Z'\to Z'$ a par construction une section, il suffit de démontrer le théorème lorsque
$Y=Z'$ ; le morphisme
$Y\to X$ se factorise alors par une flèche finie et plate
$Y\to Z$ suivie d'une flèche quasi-étale
$Z\to X$. Par descente finie et plate schématique, on peut supposer que
$Y=Z$ ; il reste donc à traiter le cas où
$Y\to X$ est quasi-étale. En raisonnant localement sur
$X$, on peut supposer qu'il existe un revêtement fini galoisien
$X'\to X$ tel que
$Y$ s’écrive comme une union finie
${\bigcup} Y_i$ où chaque
$Y_i$ est un domaine affinoïde d'un quotient
$X'_i$ de
$X'$. En utilisant encore une fois encore la descente étale schématique, on voit qu'on peut démontrer le théorème après changement de base de
$X$ à
$X'$, et l'on se ramène ainsi au cas où
$Y$ s’écrit
${\bigcup} Y_i$ où chaque
$Y_i$ s'identifie à un domaine affinoïde de
$X$.
Puisqu'un faisceau cohérent est un faisceau pour la G-topologie, et puisque la cohérence est une notion G-locale, les faisceaux cohérents satisfont la descente relativement aux G-recouvrements. En appliquant ceci sur l'espace $Y$, on voit qu'on peut remplacer ce dernier par
$\coprod Y_i$ ; et on conclut alors par descente pour la G-topologie sur
$X$.
Nous nous proposons maintenant de montrer l'existence d'un « idéal des coefficients » associé à un sous-espace analytique fermé de la source d'un morphisme quasi-lisse et compact à fibres géométriquement irréductibles (théorème 3.9). Ce résultat jouera un rôle crucial dans notre construction d’éclatements à effet aplatissant ; en effet, les centres de ces éclatements seront tous définis par des idéaux de coefficients bien choisis (selon le procédé général décrit à l’étape 6.8.2 de la preuve du théorème principal).
Ce théorème sur l'existence d'un idéal des coefficients est l'analogue du théorème 4.1.1 de [Reference Raynaud and GrusonRG71], ou plutôt d'un cas particulier de celui-ci (celui où $X$ est lisse à fibres géométriquement irréductibles sur
$S$ et où
$\mathscr {M}=\mathscr {O}_X$). Lorsqu'on suit la preuve de ce théorème de Raynaud et Gruson en simplifiant ce qui peut l’être dans le cas particulier évoqué, on voit qu'elle repose in fine sur le résultat suivant, aussi joli que surprenant : si
$A\to B$ est un morphisme lisse entre anneaux tel que les fibres de
$\mathrm {Spec}\ B\to \mathrm {Spec}\ A$ soient toutes géométriquement irréductibles de même dimension
$n$, alors
$B$ est libre comme
$A$-module (évidemment de rang
$\aleph _0$ si
$A\neq \{0\}$ et
$n>0$). Ce résultat s'obtient en combinant la prop. 3.3.1, le th. 3.3.5 et le cor. 3.3.11 de [Reference Raynaud and GrusonRG71], du moins dans le cas
$n>0$ ; dans le cas
$n=0$, on peut remarquer directement que
$A\to B$ est un isomorphisme.
Or nous ignorons totalement si une variante banachique de cet énoncé vaut pour les morphismes quasi-lisses entre algèbres $k$-affinoïdes, et n'avons pas de piste pour en démontrer éventuellement une.
Toutefois, il y a un exemple évident de morphisme quasi-lisse $A\to B$ entre algèbres
$k$-affinoïde tel que les fibres de
$\mathscr {M}(B)\to \mathscr {M}(A)$ soient toutes géométriquement irréductibles de même dimension, et tel que
$B$ soit somme directe banachique d'une famille dénombrables de
$A$-modules libres de rang
$1$ : c'est celui où
$B=\mathscr {M}(A\{T/r\})$ pour un certain polyrayon
$r$. Et cela nous sera suffisant pour suivre plus ou moins la preuve par [Reference Raynaud and GrusonRG71] de l'existence d'un idéal de coefficients, grâce au lemme 3.7 ci-dessous.
Notation Pour tout espace $k$-analytique
$X$ et tout polyrayon
$r$ on notera
$\mathbf {D}_X(r)$ le polydisque relatif fermé de rayon
$r$ sur
$X$, c'est-à-dire l'espace
$k$-analytique
$X\times _k \mathscr {M}(k\{T/r\})$.
Lemme 3.7 Soit $Y\to X$ un morphisme quasi-lisse et séparé entre espaces
$k$-analytiques, et soit
$\sigma$ une section de
$Y\to X$. Il existe un G-recouvrement affinoïde
$(X_i)$ de
$X$, et pour tout
$i$ un voisinage affinoïde
$V_i$ de
$\sigma (X_i)$ dans
$Y\times _X X_i$, un polyrayon
$r_i$ et un
$X_i$-isomorphisme
$V_i\simeq \mathbf {D}_{X_i}(r_i)$ modulo lequel
$\sigma$ est la section nulle.
Demonstration On peut raisonner G-localement sur $X$, ce qui autorise à le supposer affinoïde. Soit
$x$ un point de
$X$ et soit
$n$ la dimension de
$Y\to X$ en
$\sigma (x)$. Le point
$\sigma (x)$ appartient à l'intérieur relatif de
$Y$ sur
$X$ ([Reference BerkovichBer94], déf. 1.5.4 et prop. 1.5.5 (i)), ce qui entraîne que le germe
$(Y,\sigma (x))$ est bon. Il existe donc un voisinage affinoïde
$U$ de
$\sigma (x)$ dans
$Y$ tel que
$U\to X$ soit purement de dimension
$n$ et tel que
$\Omega _{U/X}$ soit libre de rang
$n$, avec une base de la forme
$(\mathrm {d} f_1,\ldots , \mathrm {d}f_n)$ où les
$f_i$ sont des fonctions analytiques sur
$U$. Posons
$X'=\sigma ^{-1}(U)$. Quitte à remplacer
$X$ par
$X'$ (ce qui est licite puisqu'on peut raisonner localement sur
$X$) et
$U$ par
$U\times _X X'$, on peut supposer que
$\sigma (X)$ est contenu dans
$U$. Comme
$\sigma (X)$ est par ailleurs contenu dans l'intérieur relatif de
$Y$ sur
$X$, il est contenu dans l'intérieur relatif de
$U$ dans
$Y$, c'est-à-dire dans l'intérieur topologique de
$U$ dans
$Y$ ([Reference BerkovichBer94], prop. 1.5.5 (ii)).
On peut dès lors remplacer $Y$ par
$U$, c'est-à-dire se ramener au cas où
$Y$ est affinoïde, où
$Y\to X$ est purement de dimension
$n$, et où
$\Omega _{Y/X}$ est libre de rang
$n$, avec une base de la forme
$(\mathrm {d} f_1,\ldots , \mathrm {d}f_n)$ où les
$f_i$ sont des fonctions analytiques sur
$Y$. Pour tout
$i$, posons
$g_i=\sigma ^*f_i$. C'est une fonction sur
$X$, et l'on note encore
$g_i$ son image dans
$\mathscr {O}_Y(Y)$. Quitte à remplacer chacune des
$f_i$ par
$f_i-g_i$, on peut alors supposer que
$f_i|_{\sigma (X)}=0$ pour tout
$i$. Soit
$f\colon Y\to \mathbf {A}^n_X$ le morphisme induit par les
$f_i$. Il est quasi-étale ([Reference DucrosDuc18], Lemma 5.4.5), et la composée
$\tau :=f\circ \sigma$ est la section nulle de
$\mathbf {A}^n_X\to X$. Comme
$\sigma (X)$ est contenu dans l'intérieur relatif de
$Y$ sur
$X$, il est contenu dans l'intérieur du morphisme
$f$, qui est donc étale au voisinage de
$\sigma (X)$. Puisque
$f$ induit un isomorphisme de
$\sigma (X)$ sur
$\tau (X)$, il résulte de la proposition 4.3.4 de [Reference BerkovichBer93] que
$f$ induit un isomorphisme d'un voisinage ouvert
$W$ de
$\sigma (X)$ dans
$Y$ sur un voisinage ouvert
$\Omega$ de
$\tau (X)$ dans
$\mathbf {A}^n_X$. Puisque
$\tau$ est la section nulle, il existe un polyrayon
$r$ de longueur
$n$ tel que
$\mathbf {D}_X(r)\subset \Omega$. Soit
$V$ l'image réciproque de
$\mathbf {D}_X(r)$ par l'isomorphisme
$W\simeq \Omega$. C'est par construction un voisinage affinoïde de
$\sigma (X)$ muni d'un
$X$-isomorphisme
$V\simeq \mathbf {D}_X(r)$ qui identifie
$\sigma$ à la section nulle.
Énonçons dès maintenant un corollaire technique du lemme précédent, dont nous aurons besoin plus tard.
Corollaire Soit $Y\to X$ un morphisme quasi-lisse entre espaces
$k$-analytiques compacts et soit
$Z$ un fermé de Zariski de
$Y$ tel que
$Z_x$ soit d'intérieur vide dans
$Y_x$ pour tout
$x$. Il existe alors un domaine analytique compact
$V$ de
$Y$ rencontrant toutes les fibres de
$Y\to X$ et disjoint de
$Z$.
Demonstration Comme une union finie de domaines analytiques compacts est un domaine analytique compact et comme le fait d’être d'intérieur vide est, pour un fermé de Zariski, préservé par la restriction à un domaine analytique, on peut raisonner G-localement sur $Y$, et partant le supposer affinoïde. Comme
$Y\to X$ est quasi-lisse il est plat, et l'image du morphisme
$Y\to X$ est par conséquent un domaine analytique compact de
$X$ ; quitte à remplacer
$X$ par ce dernier, on peut supposer que
$Y\to X$ est surjective. Soit
$(f_1,\ldots , f_m)$ une famille de fonctions analytiques sur
$Y$ engendrant l'idéal qui décrit le fermé
$Z$ ; posons
$\Phi =\max (\big |f_1\big |,\ldots , \big |f_m\big |)$. C'est une fonction continue de
$Y$ dans
$\mathbf {R}_{\geqslant 0}$ dont le lieu d'annulation est
$Z$. Pour tout
$x\in X$, notons
$\Psi (x)$ le maximum de
$\Phi$ sur la fibre
$Y_x$. Le but de ce qui suit est de montrer que
$\Psi$ est minorée sur
$X$ par un réel
$\varepsilon >0$ ; on pourra alors prendre pour
$V$ le domaine défini par l'inégalité
$\Phi \geqslant \varepsilon /2$.
La minoration qu'on cherche à établir sur $\Psi$ peut se montrer après n'importe quel changement de base surjectif
$X'\to X$, ce qui autorise à supposer tout d'abord que le corps de définition de
$X$ n'est pas trivialement valué et que
$Y$ et
$X$ sont stricts, puis, en vertu du lemme précédent, que
$X$ est affinoïde et que
$Y\to X$ possède une section
$\sigma$ telle qu'il existe un voisinage analytique
$W$ de
$\sigma (X)$ dans
$Y$ et un
$X$-isomorphisme
$W\simeq \mathbf {D}_X(r)$ pour un certain polyrayon
$r=(r_1,\ldots , r_n)$ (isomorphisme qui identifie
$\sigma$ à la section nulle).
Pour tout $x$, notons
$\mathfrak {s}(x)$ le point de Shilov de
$W_x\simeq \mathbf {D}_{\mathscr {H}(x)}(r)$ (c'est l'unique point en lequel toute fonction analytique sur
$\mathbf {D}_{\mathscr {H}(x)}(r)$ atteint son maximum en norme ; il correspond à la norme de l'algèbre
$\mathscr {H}(x)\{T/r\}$, qui est multiplicative). Le fermé
$Z_x$ est d'intérieur vide dans
$Y_x$, et
$Z\cap W_x$ est donc un fermé de Zariski strict de
$\mathbf {D}_{\mathscr {H}(x)}(r)$ ; en particulier, il ne contient pas
$\mathfrak {s}(x)$. L'application
$\mathfrak {s}$ est continue ([Reference BerkovichBer90], lemme 3.3.2 (i)). La composée
$\Phi \circ \mathfrak {s}$ est encore continue, et partout strictement positive par ce qui précède. Cette fonction est donc minorée sur
$X$ par un réel
$\varepsilon >0$ ; il en va a fortiori de même pour
$\Psi$.
Théorème 3.9 (Idéal des coefficients) Soit $Y\to X$ un morphisme quasi-lisse et compact entre espaces
$k$-analytiques, à fibres géométriquement irréductibles. Soit
$Z$ un sous-espace analytique fermé de
$Y$. La catégorie des espaces analytiques
$T$ définis sur une extension complète de
$k$ et munis d'un
$k$-morphisme
$T\to X$ tel que l'immersion fermée
$Z\times _X T\hookrightarrow Y\times _X T$ soit un isomorphisme admet un objet final
$S$. L'espace
$S$ est
$k$-analytique et
$S\to X$ est une immersion fermée. La formation de
$S$ commute aux changements de base.
Si $\mathscr {I}$ désigne le faisceau d'idéaux définissant
$Z$, le faisceau d'idéaux
$\mathscr {J}$ qui définit
$S$ est appelé l'idéal des coefficients de
$\mathscr {I}$ ; si
$\mathscr {J}$ est inversible alors le sous-faisceau cohérent
$(\mathscr {J}\mathscr {O}_Y)^{-1} \mathscr {I}$ de
$\mathscr {K}_Y$ est contenu dans
$\mathscr {O}_Y$, et son idéal des coefficients est
$\mathscr {O}_X$.
Demonstration Commençons par une remarque. Soit $S\hookrightarrow X$ une immersion fermée, donnée par un faisceau cohérent d'idéaux
$\mathscr {I}$ sur
$X$. Soit
$T$ un espace analytique défini sur une extension complète de
$k$, et soit
$X'$ un espace
$k$-analytique. Soit
$T\to X$ un
$k$-morphisme et soit
$X'\to X$ une surjection plate et compacte. Le morphisme
$T\to X$ se factorise alors par
$S$ si et seulement si
$T'\to X'$ se factorise par
$S'$, en notant
$T'$ et
$S'$ les espaces déduits de
$T$ et
$S$ par le changement de base
$X'\to X$. En effet,
$T\to X$ se factorise par
$S$ si et seulement si l'image réciproque de
$\mathscr {I}$ dans
$\mathscr {O}_T$ est nulle, et
$T'\to X'$ se factorise par
$S'$ si et seulement si l'image réciproque de
$\mathscr {I}$ dans
$\mathscr {O}_{T'}$ est nulle, et on conclut en remarquant que par descente fidèlement plate pour les sections globales des faisceaux cohérents (3.3 (1))
$\mathscr {O}_T\to p_*\mathscr {O}_{T'}$ est injective, où
$p$ désigne le morphisme plat, compact et surjectif
$T'\to T$.
Combiné à la descente fidèlement plate pour les faisceaux cohérents eux-mêmes (th. 3.3 (2)), cette remarque nous montre qu'il suffit d’établir le théorème après un changement de base compact, plat et surjectif. Comme il est par ailleurs de nature G-locale, on peut procéder aux réductions successives suivantes.
• On peut supposer que
$X$ est compact ; l'espace
$Y$ est alors compact.
• Quitte à remplacer
$X$ par
$X_r$ pour un polyrayon
$r$ convenable, on peut supposer que
$k$ n'est pas trivialement valué et que
$X$ et
$Y$ sont stricts.
• Comme
$Y\to X$ est surjectif (ses fibres sont intègres et en particulier non vides), on déduit du th. 9.1.3 de [Reference DucrosDuc18] qu'il existe un espace
$k$-analytique compact
$X'$ et un morphisme quasi-étale
$X'\to X$ tel que
$Y\times _X{X'}\to X'$ admette une section. Quitte à remplacer
$X$ par
$X'$, on peut supposer que
$Y\to X$ admet une section
$\sigma$.
• Enfin en utilisant le lemme 3.7, on se ramène au cas où
$X$ est affinoïde et où
$\sigma (X)$ possède un voisinage affinoïde
$V$ dans
$Y$ tel qu'il existe un
$X$-isomorphisme entre
$V$ et un polydisque relatif sur
$X$ identifiant
$\sigma (X)$ à la section nulle. Notons
$n$ la dimension relative de ce polydisque. Comme les fibres de
$Y\to X$ sont géométriquement intègres, elles sont purement de dimension
$n$.
Soit $A$ l'algèbre des fonctions analytiques sur
$X$ ; l'algèbre des fonctions analytiques sur
$V$ est isomorphe à
$A\{r^{-1} \tau \}$ pour un certain polyrayon
$r$. Le sous-espace analytique fermé
$Z\cap V$ de
$V$ est alors défini par une famille finie
$(\sum _I a_{I,j}\tau ^I)_j$ de fonctions. Notons
$S$ le sous-espace analytique fermé de
$X$ défini par l'idéal
$(a_{I,j})_{I,j}$ ; nous allons montrer qu'il répond à la question.
Soit $T\to X$ un
$k$-morphisme d'espaces analytiques, où
$T$ est défini sur une extension complète de
$k$ ; nous désignons désormais par
$a_{I,j}$ l'image réciproque de
$a_{I,j}$ sur
$T$. Il s'agit de démontrer que
$Z\times _X T\simeq Y\times _X T$ si et seulement si tous les
$a_{I,j}$ sont nuls. L'assertion étant G-locale sur
$T$, on peut le supposer affinoïde ; quitte à remplacer
$X$ par
$T$, on peut alors supposer que
$T=X$.
Supposons que $Z=Y$. Dans ce cas
$Z\cap V=V$, et l'idéal engendré par les
$\sum _I a_{I,j}\tau ^I$ pour
$j$ variable est alors nul. Cela signifie que
$\sum _I a_{I,j}\tau ^I=0$ quel que soit
$j$, c'est-à-dire encore que
$a_{I,j}=0$ quel que soit
$(I,j)$.
Réciproquement, supposons que tous les coefficients $a_{I,j}$ soient nuls. On a alors
$Z\cap V=V$. Pour montrer que
$Z=Y$, il suffit en vertu du lemme 2.13 de vérifier que
$V$ rencontre toutes les composantes assassines de
$Y$. Soit
$Y'$ une telle composante. D'après la proposition 2.20 et la remarque 2.21 (2), il existe une composante assassine
$X'$ de
$X$ telle que
$Y'$ soit une composante irréductible de
$Y\times _X X'$. Soit
$Y''$ l'ouvert de
$Y\times _X X'$ formé des points de
$Y'$ qui ne sont situés sur aucune autre composante de
$Y\times _X X'$. Soit
$y\in Y''$ et soit
$x$ son image sur
$X'$. La fibre
$Y''_x$ est un ouvert non vide de l'espace irréductible
$Y_x$, et
$Y''_x\subset Y'_x$ ; par conséquent
$Y'_x=Y_x$. En particulier,
$Y'$ rencontre
$\sigma (x)\in V$.
Montrons maintenant la dernière assertion. On suppose donc que $\mathscr {J}$ est inversible. En raisonnant G-localement, on peut se ramener au cas où il existe un élément régulier
$f$ de
$A$ tel que
$(a_{I,j})_{I,j}=(f)$. Pour tout
$(I,j)$, notons
$b_{I,j}$ l'unique élément de
$A$ tel que
$a_{I,j}=fb_{I,j}$. Le sous-
$\mathscr {O}_Y$-module
$(\mathscr {J}\mathscr {O}_Y)^{-1} \mathscr {I}$ de
$\mathscr {K}_Y$ est alors engendré par
$(\sum _I b_{I,j}\tau ^I)_j$ et est en particulier contenu dans
$\mathscr {O}_Y$. Et son idéal des coefficients est engendré par les
$b_{I,j}$, et est donc égal à
$\mathscr {O}_X$ puisque
$(b_{I,j})_{I,j}=A$ par construction.
Ce théorème sur l'existence d'un idéal de coefficients s'applique à un morphisme quasi-lisse à condition que ses fibres soient géométriquement irréductibles, c'est-à-dire encore non vides et géométriquement connexes (puisqu'un espace quasi-lisse est normal). Nous allons maintenant décrire un procédé permettant de se ramener à cette situation.
Définition 3.10 Soit $Y\to X$ un morphisme d'espaces
$k$-analytiques. Un découpage de
$Y$ relativement à
$X$, ou encore un
$X$-découpage de
$Y$, est un G-recouvrement de
$Y$ par des domaines analytiques compacts dont les fibres au-dessus de
$X$ sont géométriquement connexes. Si
$Y$ et
$X$ sont
$\Gamma$-stricts, nous dirons qu'un découpage est
$\Gamma$-strict s'il est constitué de domaines analytiques
$\Gamma$-stricts.
Théorème 3.11 Soit $Y\to X$ un morphisme d'espaces
$k$-analytiques
$\Gamma$-stricts. On suppose que les deux assertions suivantes sont satisfaites :
(1)
$Y\to X$ est plat à fibres géométriquement réduites ;
(2)
$Y\to X$ est topologiquement propre.
ll existe alors un recouvrement $(Z_i\to X)$ de
$X$ pour la topologie quasi-étale tel que pour tout indice
$i$, les deux propriétés suivantes soient satisfaites :
⋄ l'espace
$Z_i$ est affinoïde et
$\Gamma$-strict ;
⋄ l'espace
$Y\times _X Z_i$ possède un
$Z_i$-découpage
$\Gamma$-strict.
Demonstration Nous allons procéder en plusieurs étapes.
3.11.1 Réduction au cas affinoïde
L’énoncé à prouver est G-local sur $X$, ce qui permet de supposer que
$X$ est affinoïde. Dans ce cas
$Y$ est quasi-compact par propreté topologique, et il admet donc un
$G$-recouvrement fini par des domaines affinoïdes
$\Gamma$-stricts. Il suffit de démontrer le théorème pour chacun de ces domaines ; on suppose donc désormais que
$Y$ et
$X$ sont affinoïdes.
3.11.2 Insensibilité aux revêtements radiciels
Si $X'\to X$ est un morphisme fini et radiciel, et si le théorème vaut au-dessus de
$X'$, il vaut sur
$X$. Supposons en effet qu'il existe une famille finie
$(Z_i\to X')$ de morphismes quasi-étales de sources affinoïdes, recouvrant
$X'$, et tels que
$Y\times _X Z_i$ admette un
$Z_i$-découpage
$\Gamma$-strict pour tout
$i$. Quitte à raffiner le recouvrement
$(Z_i)$, on peut supposer qu'il existe pour tout
$i$ un domaine
$\Gamma$-rationnel
$V_i$ de
$X'$ (1.18) et un revêtement fini étale
$W_i$ de
$V_i$ dont
$Z_i$ est un domaine
$\Gamma$-rationnel.
L'image de $V_i$ sur
$X$ est un domaine
$\Gamma$-rationnel
$U_i$ de
$X$ (qui se décrit en élevant les inéquations décrivant
$V_i$ à une puissance convenable de l'exposant caractéristique). L'invariance topologique du site étale ([Reference BerkovichBer93], th. 4.3.4) assure l'existence d'un revêtement fini étale
$T_i\to U_i$ tel que
$W_i=V_i\times _{U_i}T_i$. L'image de
$Z_i$ sur
$T_i$ par le morphisme radiciel
$W_i\to T_i$ est un domaine
$\Gamma$-rationnel
$S_i$ de
$T_i$ ; la famille
$(S_i\to X)$ est un recouvrement quasi-étale de
$X$.
Fixons $i$. L'espace affinoïde
$Y\times _X Z_i$ admet un recouvrement fini
$(Y_{ij})$ par des domaines analytiques
$\Gamma$-stricts compacts, tels que
$Y_{ij}\to Z_i$ soit à fibres géométriquement connexes pour tout
$j$. Pour tout
$j$, l'image
$\Omega _{ij}$ de
$Y_{ij}$ sur
$Y\times _X S_{ij}$ est un domaine analytique compact et
$\Gamma$-strict de
$Y\times _X S_i$, et les fibres de
$\Omega _{ij}\to S_i$ sont géométriquement connexes, d'où l'assertion.
3.11.3
Nous allons utiliser librement le langage de l'algèbre graduée à la Temkin, dans sa variante introduite à la section 1 de [Reference DucrosDuc19], ainsi que la notion de présentation $\Gamma$-sympathique d'un morphisme entre algèbres affinoïdes, cf. [Reference DucrosDuc19], définition 3.2.
Le théorème 3.5 de [Reference DucrosDuc19] assure qu'il existe une famille finie de morphismes $X_i\to X$, dont les images recouvrent
$X$, telles que les propriétés suivantes soient satisfaites pour tout
$i$ :
⋄ l'espace
$X_i$ est affinoïde et
$\Gamma$-strict ;
⋄ si
$\big |k^{\times }\big |\neq \{1\}$ alors
$X_i\to X$ est quasi-étale ; en général, il admet une décomposition
$X_i\to X'_i\to X$ avec
$X_i\to X'_i$ fini, radiciel et plat, et
$X'_i\to X$ quasi-étale ;
⋄
$Y\times _X X_i\to X_i$ admet une présentation
$\Gamma ^\mathbf {Q}$-sympathique.
Il découle alors de 3.11.2, et du fait que le théorème à montrer est, par son énoncé même, local pour la topologie quasi-étale sur $X$, qu'il suffit de traiter le cas où
$Y\to X$ admet une présentation
$\Gamma ^\mathbf {Q}$-sympathique.
3.11.4
Nous utilisons dans ce qui suit les réductions $\Gamma ^\mathbf {Q}$-graduées à la Temkin, cf. [Reference DucrosDuc19], 2.1.3.
L'existence d'une présentation $\Gamma ^\mathbf {Q}$-sympathique de
$Y\to X$ implique par définition que le morphisme naturel
$\tilde {Y}\to \tilde {X}$ induit par la flèche
$Y\to X$ admet une factorisation
$\tilde {Y}\to {\sf Y}\to \tilde {X}$ telles que les propriétés suivantes (entre autres) soient satisfaites :
(1)
$\tilde {Y}$ est finie sur
${\sf Y}$ ;
(2) il existe un recouvrement ouvert fini
$({\sf U}_i)$ de
${\sf Y}$ tel que pour tout
$\xi \in \tilde {X}$ et tout
$i$, la fibre
${\sf U}_{i,\xi }$ soit géométriquement connexe et soit ou bien vide, ou bien une composante connexe de
${\sf Y}_\xi$ ;
(3) pour tout point
$x\in X$ dont on note
$\tilde {x}$ l'image sur
$\tilde {X}$ et toute extension complète
$L$ de
$\mathscr {H}(x)$, le morphisme naturel
$\widetilde {Y_{x,L}}\to {\sf Y}_{\tilde {x},\tilde {L}}$ est un isomorphisme.
Pour tout $i$, désignons par
$U_i$ l'image réciproque de
${\sf U}_i$ sur
$Y$ par la flèche composée
$Y\to \tilde {Y}\to {\sf Y}$. Chacun des
$U_i$ est un domaine analytique compact et
$\Gamma$-strict de
$Y$, et les
$U_i$ recouvrent
$Y$. Il suffit de montrer que pour tout
$i$, les fibres de
$U_i \to X$ sont géométriquement connexes.
Fixons $i$, et donnons-nous un point
$x\in X$. Pour toute extension complète
$L$ de
$\mathscr {H}(x)$, l'espace
$U_{i,x,L}$ s'identifie à l'image réciproque de l'ouvert
${\sf U}_{i,\tilde {x},\tilde {L}}$ de
$\widetilde {Y_{x,L}}= {\sf Y}_{\tilde {x},\tilde {L}}$, et
${\sf U}_{i,\tilde {x},\tilde {L}}$ est connexe car
${\sf U}_{i,\tilde {x}}$ est géométriquement connexe par hypothèse.
Il n'y a plus pour conclure qu’à expliquer pourquoi la connexité de ${\sf U}_{i,\tilde {x},\tilde {L}}$ entraîne celle de
$U_{i,x,L}$. Or d'une manière générale, si
$Z=\mathscr {M}(C)$ est un espace affinoïde
$\Gamma$-strict et si
$\rho$ désigne l'application de réduction
$Z\to \tilde {Z}$ alors
$\rho$ induit pour tout ouvert
${\sf U}$ de
$\tilde {Z}$ une bijection
$\pi _0(\rho ^{-1}({\sf U}))\simeq \pi _0({\sf U})$. En effet il suffit en vertu de la surjectivité et de l'anti-continuité de
$\rho$ de le vérifier pour
${\sf U}$ parcourant une une base d'ouverts, et donc par exemple pour
${\sf U}$ principal, auquel cas
$\rho ^{-1}({\sf U})$ est un domaine affinoïde de réduction
${\sf U}$ ; on s'est donc ramené au cas
${\sf U}=\tilde {Z}$. La connexité de
$Z$ entraîne celle de
$\tilde {Z}$ parce que
$\rho$ est anti-continue et surjective. Et comme tout isomorphisme
$C\simeq C_1\times C_2$ induit un isomorphisme
$\tilde {C}\simeq \widetilde {C_1}\times \widetilde {C_2}$, la connexité de
$\tilde {Z}$ entraîne celle de
$Z$.
Remark 3.12 Soit $Y\to X$ un morphisme plat, topologiquement propre et topologiquement séparé entre espaces
$k$-analytiques
$\Gamma$-stricts. Supposons que
$Y$ admette un découpage
$\Gamma$-strict
$(Y_i)$ sur
$X$. Il possède alors un découpage
$\Gamma$-strict
$(Z_j)$ sur
$X$ que pour tout
$j$, chaque fibre non vide de
$Z_j\to X$ soit une composante connexe de la fibre de
$Y\to X$ qui la contient.
Pour le voir, on peut raisonner G-localement sur $X$, et partant supposer
$Y$ et
$X$ compacts ; on peut alors également supposer que le découpage
$(Y_i)$ est fini, et indexé par
$\{1,\ldots,r\}$ pour un certain
$r$. On construit récursivement pour tout
$i$ une suite
$(Z_{ij})_{1\leqslant j\leqslant r}$ de domaines analytiques compacts et
$\Gamma$-stricts de
$Y$ par le procédé suivant :
⋄
$Z_{i1}=Y_i$ ;
⋄
$Z_{ij}=Z_{i,j-1}\cup {\bigcup} _{1\leqslant \ell \leqslant r} Y_\ell \cap f^{-1}(f(Y_\ell \cap Z_{i,j-1}))$.
Pour tout $i$, on pose
$Z_i=Z_{i,r}$.
Soit $x$ un point de
$X$ et soit
$y \in Y_x$. Soit
$i$ un entier compris entre
$1$ et
$r$. Notons
$\mathscr {S}_i$ l'ensemble des entiers
$s$ compris entre
$1$ et
$r$ tels qu'il existe une suite
$i=a_1,a_2,\ldots , a_s$ d'entiers deux à deux distincts compris entre
$1$ et
$r$ sujette aux conditions suivante :
$(Y_{a_\ell }\cap Y_{a_{\ell +1}})_x$ est non vide pour tout
$\ell$ compris entre
$1$ et
$s-1$, et
$y\in Y_{a_s}$. Si
$\mathscr {S}_i$ est non vide on note
$\delta (y,i)$ son plus petit élément ; si
$\mathscr {S}_i$ est vide on pose
$\delta (y,i)=+\infty$.
Par construction, $\delta (y,i)=1$ si et seulement si
$y\in Y_i$ ; et comme les
$Y_{i,x}$ sont des parties compactes et connexes de la fibre
$Y_x$ qui recouvrent cette dernière, on voit que
$\delta (y,i)<+\infty$ si et seulement si
$Y_{i,x}\neq \varnothing$ et
$y$ appartient à la composante connexe de
$Y_x$ contenant
$Y_{i,x}$.
Par ailleurs il résulte de la définition que $y$ appartient au domaine analytique
$Z_{ij}$ si et seulement
$\delta (y,i)\leqslant j$. Il s'ensuit que pour tout
$i$, la fibre
$Z_{i,x}$ est vide si
$Y_{i,x}=\varnothing$, et égale à la composante connexe de
$Y_x$ contenant
$Y_{i,x}$ sinon.
Ainsi, $(Z_i)_{1\leqslant i\leqslant r}$ constitue un recouvrement de
$Y$ par des domaines analytiques compacts et
$\Gamma$-stricts telles que pour tout
$i$, toute fibre non vide de
$Z_i\to X$ soit une composante connexe de la fibre de
$Y\to X$ qui la contient. Et si
$x$ est un point de
$X$ tel que
$Z_{i,x}$ soit non vide alors
$Y_{i,x}$ est non vide, contenu dans
$Z_{i,x}$, et géométriquement connexe ; par conséquent
$Z_{i,x}$ est géométriquement connexe.
4 Rappels et compléments sur les dévissages
Notation 4.1 Pour tout morphisme $u\colon \mathscr {F}\to \mathscr {G}$ entre faisceaux cohérents sur un espace
$k$-analytique
$X$, on notera
$\mathrm {Bij}(u)$ l'ensemble des points de
$x$ en lesquels
$u$ est bijectif ; c'est un ouvert de Zariski de
$X$.
Nous allons maintenant donner la définition de dévissage en un point. Elle est inspirée de la notion analogue dans le contexte schématique, introduite par Raynaud et Gruson dans [Reference Raynaud and GrusonRG71].
Définition 4.2 Soit $Y\to X$ un morphisme d'espaces
$k$-analytiques, soit
$y$ un point de
$Y$ et soit
$x$ son image sur
$X$. Soit
$\mathscr {F}$ un faisceau cohérent sur
$Y$ dont le support contient
$y$. Soit
$r$ un entier strictement positif et soit
$n_1>n_2>\cdots >n_r$ une suite strictement décroissante d'entiers. Un
$X$-dévissage de
$\mathscr {F}$ en
$y$ en dimensions
$n_1>n_2>\cdots > n_r$ est une liste de données
$(V,\{T_i,\pi _i,u_i,t_i,\mathscr {L}_i,\mathscr {P}_i\}_{i\in \{1,\ldots , r\}})$ où :
•
$V$ est un voisinage affinoïde de
$y$ dans
$Y$ ;
•
$T_i$ est pour tout
$i$ un domaine affinoïde d'un espace
$k$-analytique
$T^{\dagger}ger _i$ muni d'un morphisme
$T_i^{\dagger}ger \to X$ lisse et purement de dimension relative
$n_i$, et
$t_i$ est un point de
$T_i$ situé au-dessus de
$x$ ;
• pour tout
$i$,
$\mathscr {L}_i$ et
$\mathscr {P}_i$ sont des
$\mathscr {O}_{T_i}$-modules cohérents,
$\mathscr {L}_i$ est libre, et
$\mathscr {P}_i$ est non nul dès que
$i\leqslant r-1$ ;
•
$t_i\in \mathrm {Supp}(\mathscr {P}_i)$ pour tout
$i < r$, et
$t_r\in \mathrm {Supp}(\mathscr {P}_r)$ si
$\mathscr {P}_r\neq 0$ ;
•
$\pi _1$ est un
$X$-morphisme fini de
$\mathrm {Supp}(\mathscr {F}_V)$ vers
$T_1$ tel que
$\pi _1^{-1}(t_1)=\{y\}$ ensemblistement ;
•
$\pi _i$ est pour tout
$i$ compris entre
$2$ et
$r$ un morphisme fini de
$\mathrm {Supp}(\mathscr {P}_{i-1})$ vers
$T_i$ tel que
$\pi _i^{-1}(t_i)=\{t_{i-1}\}$ ensemblistement ;
•
$u_1$ est un morphisme de
$\mathscr {L}_1$ vers
$\pi _{1*}\mathscr {F}_V$ de conoyau
$\mathscr {P}_1$ et tel que
$t_1$ appartienne à
$\overline {\mathrm {Bij}(u_1|_{T_{1,x}})}^{T_{1,x}}$ ;
• pour tout
$i$ compris entre
$2$ et
$r$,
$u_i$ est un morphisme de
$\mathscr {L}_i$ vers
$\pi _{1*}\mathscr {P}_{i-1}$ de conoyau
$\mathscr {P}_i$ et tel que
$t_i$ appartienne à
$\overline {\mathrm {Bij}(u_i|_{T_{i,x}})}^{T_{i,x}}$.
On dit que ce dévissage est $\Gamma$-strict si
$V$ et tous les
$T_i$ sont
$\Gamma$-stricts, et qu'il est total si
$\mathscr {P}_r=0$.
Remark 4.3 Notre définition diffère légèrement de celle de [Reference DucrosDuc18], déf. 8.2.4 : ce que nous y appelons simplement dévissage est ce que nous appelons ici dévissage total.
4.4 Existence de dévissages
Si $Y$ et
$X$ sont bons et si
$Y$ est
$\Gamma$-strict, le théorème 8.2.5 de [Reference DucrosDuc18] assure l'existence d'un
$X$-dévissage
$\Gamma$-strict total de
$\mathscr {F}$ en
$y$ en dimensions comprises entre
$\dim _y (\mathrm {Supp}(\mathscr {F})_x)$ et
$\dim_y (\mathrm{Supp}(\mathscr{F})_x) - \mathrm{coprof}_y \mathscr{F}_{Y_x}$.
4.5 Un critère de platitude
L'intérêt des dévissages est de fournir un critère de platitude qui dans certaines circonstances se révèle plus applicable que la définition directe. Ainsi, soient $X, Y$,
$x$,
$y$ et
$\mathscr {F}$ comme dans la définition 4.2, et soit
$(V, \{T_i,\pi _i,u_i,t_i,\mathscr {L}_i,\mathscr {P}_i\}_{i\in \{1,\ldots , r\}})$ un
$X$-dévissage de
$\mathscr {F}$ en
$y$. Les assertions suivantes sont équivalentes par une application répétée de la proposition 8.1.11 (1) de [Reference DucrosDuc18] :
(i)
$\mathscr {F}$ est
$X$-plat en
$y$ ;
(ii) le faisceau cohérent
$\mathscr {P}_r$ est
$X$-plat en
$t_r$ et
$u_i$ est injectif en
$t_i$ pour tout
$i$.
Remark 4.6 Notons que si le dévissage est total, $\mathscr {P}_r$ est nul et en particulier automatiquement
$X$-plat en
$t_r$ : dans ce cas
$\mathscr {F}$ est donc
$X$-plat en
$x$ si et seulement si
$u_i$ est injectif en
$t_i$ pour tout
$i$, énoncé qui constitue le th. 8.4.3 (2) de [Reference DucrosDuc18].
Nous allons avoir besoin d'une variante légèrement plus globale de la notion de dévissage.
Définition 4.7 Soit $Y\to X$ un morphisme d'espaces
$k$-analytiques et soit
$E$ un sous-ensemble de
$X$. Soit
$\mathscr {F}$ un faisceau cohérent sur
$Y$. Soit
$r$ un entier strictement positif et soit
$n_1>n_2>\cdots >n_r$ une suite strictement décroissante d'entiers
$\geqslant 0$. Un
$X$-dévissage de
$\mathscr {F}$ au-dessus de
$E$ en dimensions
$n_1>n_2>\cdots >n_r$ est une liste de données
$\{T_i,\pi _i,u_i, \mathscr {L}_i,\mathscr {P}_i\}_{i\in \{1,\ldots , r\}}$ où :
•
$T_i$ est pour tout
$i$ un espace
$k$-analytique muni d'un morphisme
$T_i\to X$ quasi-lisse et purement de dimension relative
$n_i$ ;
• pour tout
$i$,
$\mathscr {L}_i$ et
$\mathscr {P}_i$ sont des
$\mathscr {O}_{T_i}$-modules cohérents, et
$\mathscr {L}_i$ est libre ;
•
$\pi _1$ est un
$X$-morphisme fini de
$\mathrm {Supp}(\mathscr {F})$ vers
$T_1$ ;
•
$\pi _i$ est pour tout
$i$ compris entre
$2$ et
$r$ un morphisme fini de
$\mathrm {Supp}(\mathscr {P}_{i-1})$ vers
$T_i$ ;
•
$u_1$ est un morphisme de
$\mathscr {L}_1$ vers
$\pi _{1*}\mathscr {F}$ de conoyau
$\mathscr {P}_1$ tel que
$\mathrm {Bij}(u_1|_{T_{1,x}})$ soit dense dans
$T_{1,x}$ pour tout
$x\in E$ ;
• pour tout
$i$ compris entre
$2$ et
$r$,
$u_i$ est un morphisme de
$\mathscr {L}_i$ vers
$\pi _{1*}\mathscr {P}_{i-1}$ de conoyau
$\mathscr {P}_i$ tel que
$\mathrm {Bij}(u_i|_{T_{i,x}})$ soit dense dans
$T_{i,x}$ pour tout
$x\in E$ ;
Ce dévissage est dit $\Gamma$-strict si
$V$ et tous les
$T_i$ sont
$\Gamma$-stricts ; il est dit total s'il existe
$i$ tel que
$\mathscr {P}_i=0$ (auquel cas
$\mathscr {P}_j=0$ pour tout
$j>i$).
Remark 4.8 Conservons les notations de la définition ci-dessus. Si $\{T_i,\pi _i,u_i, \mathscr {L}_i,\mathscr {P}_i\}_{i\in \{1,\ldots , r\}}$ est un dévissage de
$\mathscr {F}$ au-dessus de
$E$ alors pour tout
$x\in E$ et tout indice
$i$, la fibre
$T_{i,x}$ est purement de dimension
$n_i$, et le lieu de bijectivité de
$u_i|_{T_{i,x}}$ est dense dans
$T_{i,x}$ ; le conoyau de
$u_i|_{T_{i,x}}$ étant égal à
$\mathscr {P}_{i,T_{i,x}}$, ce dernier a un support d'intérieur vide dans
$T_{i,x}$, et en particulier de dimension
$ < n_i$.
Lemme 4.9 Soit $Y\to X$ un morphisme entre bons espaces
$k$-analytiques ; on suppose de plus que
$Y$ est
$\Gamma$-strict. Soit
$y$ un point de
$Y$ et soit
$x$ son image sur
$X$. Soit
$\mathscr {F}$ un faisceau cohérent sur
$Y$ dont le support contient
$y$. Il existe alors un voisinage affinoïde
$\Gamma$-strict de
$y$ dans
$Y$ en restriction auquel
$\mathscr {F}$ admet un
$X$-dévissage
$\Gamma$-strict total au-dessus de
$x$ en dimensions comprises entre
$\dim _y (\mathrm {Supp}(\mathscr {F}))_x$ et
$\mathrm {coprof}_y \mathscr {F}_{Y_x}$, qui ne fait intervenir que des espaces affinoïdes.
Demonstration On commence par choisir un $X$-dévissage
$\Gamma$-strict et total
$(V, \{T_i,\pi _i, u_i, t_i,\mathscr {L}_i, \mathscr {P}_i\}_{i\in \{1,\ldots , r\}})$ de
$\mathscr {F}$ en
$y$ en dimensions appartenant à la plage requise (4.4). Nous allons montrer par récurrence sur
$r$ qu'il existe un voisinage
$\Gamma$-rationnel (1.18)
$V'$ de
$y$ dans
$V$ qu'on peut choisir arbitrairement petit, et un
$X$-dévissage
$\Gamma$-strict total
$(V', \{T'_i,\pi '_i,u'_i, \mathscr {L}'_i,\mathscr {P}'_i\}_{i\in \{1,\ldots , r\}})$ de
$\mathscr {F}_{V'}$ en
$y$ où chacun des
$T'_i$ est un voisinage rationnel
$\Gamma$-strict de
$t_i$ dans
$T_i$ et où les autres données sont induites par celles du dévissage initial.
On suppose donc l'assertion vraie en rang $ < r$ (condition qui est vide si
$r=1$ puisqu'il n'y a pas de dévissage de longueur nulle). Fixons un voisinage
$\Gamma$-rationnel arbitraire arbitraire
$\Omega$ de
$y$ dans
$V$. Par propreté topologique des morphismes finis, il existe un voisinage
$\Gamma$-rationnel
$T'_1$ de
$t_1$ dans
$T_1$ qui possède les trois propriétés suivantes :
(1)
$T'_{1,x}$ est contenue dans la composante connexe de
$t_1$ dans
$T_{1,x}$ ;
(2)
$\pi _1^{-1}(T'_1)$ est contenu dans
$\Omega$ ;
(3) Si
$r\geqslant 2$, la restriction de
$\mathscr {F}$ à
$T'_1$ possède un
$X$-dévissage total au-dessus de
$x$ du type fourni par l'hypothèse de récurrence.
Par construction, $\pi _1^{-1}(T'_1)$ est un domaine
$\Gamma$-rationnel de
$\mathrm {Supp}(\mathscr {F}_V)$ contenu dans
$\Omega$. En relevant un système d'inégalités convenables définissant
$\pi _1^{-1}(T'_1)$ (comme dans la preuve du lemme 1.19) on obtient un voisinage
$\Gamma$-rationnel
$W$ de
$y$ dans
$V$ tel que
$W\cap \mathrm {Supp}(\mathscr {F}_V)=\pi _1^{-1}(T'_1)$. Soit
$V'$ l'intersection
$W\cap \Omega$ ; c'est encore un voisinage
$\Gamma$-rationnel de
$y$ dans
$V$, et l'on a
$V'\cap \mathrm {Supp}(\mathscr {F}_V)=\pi _1^{-1}(T'_1)$. On obtient alors un dévissage satisfaisant les conditions requises en prenant la famille
$(V',T'_1)$ (et les objets induits par
$\pi _1$,
$u_1$,
$\mathscr {L}_1$ et
$\mathscr {P}_1\ldots$), et en la concaténant avec le dévissage évoqué en (3) si
$r>1$.
Notation 4.10 Soit $Y\to X$ un morphisme entre espaces
$k$-analytiques et soit
$\mathscr {F}$ un faisceau cohérent sur
$Y$. Nous noterons
${\sf P}(\mathscr {F}/X)$ l'ensemble des points de
$Y$ en lesquels
$\mathscr {F}$ est
$X$-plat. C'est un ouvert de Zariski de
$Y$ dont le fermé complémentaire sera noté
${\sf Q}(\mathscr {F}/X)$.
Définition 4.11 Soit $Y\to X$ un morphisme entre espaces
$k$-analytiques et soit
$u\colon \mathscr {F}\to \mathscr {G}$ un morphisme entre faisceaux cohérents sur
$Y$. Soit
$y$ un point de
$Y$. On dit que
$u$ est universellement
$X$-injectif en
$y$ si pour tout espace analytique
$X'$ défini sur une extension complète de
$k$, tout
$k$-morphisme
$X'\to X$ et tout antécédent
$y'$ de
$Y$ sur
$Y':=Y\times _X X'$, le morphisme
$\mathscr {F}_{Y'}\to \mathscr {G}_{Y'}$ induit par
$u$ est injectif en
$y'$. On dit que
$u$ est
$X$-universellement injectif s'il est
$X$-universellement injectif en tout point de
$Y$.
Proposition 4.12 Soit $Y\to X$ un morphisme entre espaces
$k$-analytiques et soit
$x$ un point de
$X$. Soit
$\mathscr {F}$ un faisceau cohérent sur
$Y$. Soit
$r$ un entier strictement positif et soit
$\mathscr {D}=\{T_i,\pi _i,u_i, \mathscr {L}_i,\mathscr {P}_i\}_{i\in \{1,\ldots , r\}}$ un
$X$-dévissage de
$\mathscr {F}$ au-dessus de
$x$, en dimensions
$n_1>\cdots >n_r$. On suppose que
$X$,
$Y$ et les espaces
$T_i$ sont tous compacts.
(1) Il existe un voisinage analytique compact
$X'$ de
$x$ dans
$X$ tel que pour tout
$i$ et tout
$\xi \in X'$, l'intersection du lieu de surjectivité de
$u_i$ avec
$T_{i,\xi }$ soit dense dans
$T_{i,\xi }$.
(2) Soit
$m$ un entier tel que
$\dim {\sf Q}(\mathscr {P}_r/X)_x < m$ (c'est par exemple le cas si
$n_r\leqslant m$ ou si
$\mathscr {P}_r=0$). Les assertions suivantes sont équivalentes :
(i) la dimension de
${\sf Q}(\mathscr {F}/X)_x$ est
$ < m$ ;
(ii) il existe un voisinage analytique compact
$X'$ de
$x$ dans
$X$ tel que pour tout
$i$ vérifiant l'inégalité
$n_i\geqslant m$, le morphisme
$u_i|_{T_i\times _X X'}$ soit
$X'$-universellement injectif ;
(iii) pour tout
$i$ vérifiant l'inégalité
$n_i\geqslant m$, le morphisme
$u_i$ est injectif en tout point de
$T_{i,x}$.
Demonstration Prouvons tout d'abord (1). Fixons $i$ et appelons
$Z$ le lieu des points de
$T_i$ en lesquels
$u_i$ n'est pas surjectif ; c'est un fermé de Zariski de
$T_i$. Par hypothèse, le lieu de bijectivité de
$u_i|_{T_{i,x}}$ est dense dans
$T_{i,x}$ ; il en va a fortiori de même de son lieu de surjectivité, qui en vertu de [Reference DucrosDuc18], 2.5.4 (lequel repose in fine sur le lemme de Nakayama) est égal à la fibre en
$x$ du lieu de surjectivité de
$u_i$. Par conséquent,
$Z_x$ est d'intérieur vide dans
$T_{i,x}$ ; comme ce dernier est purement de dimension
$n_i$, cela signifie que la dimension de
$Z_x$ est
$ < n_i$. Soit
$Z'$ le sous-ensemble de
$Z$ constitué des points en lesquels la dimension relative de
$Z$ sur
$X$ est
$\geqslant n_i$. C'est un fermé de Zariski de
$Z$ dont l'image
$Z'$ sur
$X$ est par ce qui précède un compact ne contenant pas
$x$ ; choisissons un voisinage analytique compact
$X_i$ de
$x$ dans
$X$ qui ne rencontre pas cette image. Par construction,
$Z\times _X X_i$ est de dimension relative partout
$ < n_i$ sur
$X_i$, ce qui veut dire que l'intersection du lieu de surjectivité de
$u_i$ avec
$T_{i,\xi }$ est dense dans
$T_{i,\xi }$ pour tout
$\xi \in X_i$. Il suffit alors de poser
$X'={\bigcap} _i X_i$.
Montrons maintenant (2). Le fermé de Zariski ${\sf Q}(\pi _{1*}\mathscr {F}/X)$ de
$T_1$ est égal à l'image de
${\sf Q}(\mathscr {F}/X)$ par le morphisme fini
$\pi _1$ ([Reference DucrosDuc18], Lemma 4.1.15 (3) ; notons que notre phrase a un sens car
${\sf Q}(\mathscr {F}/X)$ est contenu dans
$\mathrm {Supp}(\mathscr {F})$). On a donc
$\dim {\sf Q}(\pi _{1,*}\mathscr {F}/X)_x = \dim {\sf Q}(\mathscr {F}/X)_x$. Pour prouver (2), on raisonne par récurrence sur
$r$, et l'on fait donc l'hypothèse que (2) est vraie lorsque le dévissage en jeu est de longueur
$ < r$. Supposons que (i) soit vraie et montrons (ii) ; si
$n_1 < m$ il n'y a rien à démontrer, et l'on suppose donc à partir de maintenant que
$n_1\geqslant m$. La proposition 8.1.10 de [Reference DucrosDuc18] assure qu'en tout point de
${\sf P}(\pi _{1*}\mathscr {F}/X)$, le faisceau cohérent
$\mathscr {P}_1$ est
$X$-plat et le morphisme
$u_1$ est injectif ; il vient
${\sf Q}(\mathscr {P}_1/X)_x \subset {\sf Q}(\pi _{1,*}\mathscr {F}/X)_x$ puis
![](https://static.cambridge.org/binary/version/id/urn:cambridge.org:id:binary:20210322154004198-0020:S0010437X20007459:S0010437X20007459_eqnU23.png?pub-status=live)
la seconde inégalité provenant de l'hypothèse (i). L'hypothèse de récurrence assure donc qu'il existe un voisinage analytique compact $X'$ de
$x$ dans
$X$ tel que pour tout
$i$ vérifiant les inégalités
$i\geqslant 2$ et
$r_i\geqslant m$, le morphisme
$u_i|_{T_i\times _X X'}$ soit
$X'$-universellement injectif. Comme
$n_1\geqslant m$ et comme
${\sf Q}(\pi _{1,*}\mathscr {F}/X)_x$ est de dimension
$ < m$, l'ouvert
${\sf P}(\pi _{1*}\mathscr {F}/X)_x$ de
$T_{1,x}$, qui est contenu dans le lieu d'injectivité de
$u_1$, est dense dans
$T_{1,x}$ ; et comme par ailleurs le lieu de bijectivité de
$u_1|_{T_{1,x}}$ est dense par définition d'un dévissage, il en va a fortiori de même de son lieu de surjectivité ; par [Reference DucrosDuc18], 2.5.4, ceci entraîne que le lieu de surjectivité de
$u_1$ contient un ouvert dense de
$T_{1,x}$. Par conséquent,
$(\mathrm {Bij}(u_1))_x$ est dense dans
$T_{1,x}$ . Soit
$\Sigma$ le complémentaire de
$\mathrm {Bij}(u_1)$ dans
$T_1$. C'est un fermé de Zariski de
$T_1$ ; soit
$\Sigma '$ le lieu des points de
$\Sigma$ en lequel ce dernier est de dimension relative
$n_1$ sur
$X$. C'est un fermé de Zariski de
$\Sigma$ ([Reference DucrosDuc07], Th. 4.9) qui ne rencontre pas
$T_{1,x}$ puisque
$\Sigma _x$ est d'intérieur vide dans
$T_{1,x}$, qui est purement de dimension
$n_1$ ; il existe donc un voisinage analytique compact
$X''$ de
$x$ dans
$X$ ne rencontrant pas l'image de
$\Sigma '$. Par construction, l'intersection de
$\mathrm {Bij}(u_1)$ avec
$T_{1,\xi }$ est dense dans
$T_{1,\xi }$ pour tout
$\xi \in X''$ ; il résulte alors de la proposition 8.1.8 de [Reference DucrosDuc18] que
$u_1|_{T_1\times _X X''}$ est universellement injectif. En conséquence,
$u_i|_{T_i\times _X(X'\cap X'')}$ est universellement injectif pour tout
$i$ tel que
$r_i\geqslant m$, et (ii) est vraie.
L'implication (ii)$\Rightarrow$(iii) est évidente (et ne fait pas appel à l'hypothèse de récurrence).
Supposons que (iii) est vraie et montrons (i). Si $n_1 < m$ on a alors évidemment
$\dim {\sf Q}(\pi _{1*}\mathscr {F}/X)_x < m$ et partant
$\dim {\sf Q}(\mathscr {F}/X)_x < m$. Supposons maintenant que
$n_1\geqslant m$. Le morphisme
$u_1$ est alors injectif en tout point de
$T_{1,x}$, ce qui entraîne en vertu de la proposition 8.1.10 de [Reference DucrosDuc18] que
${\sf P}(\pi _{1*}\mathscr {F}/X)_x={\sf P}(\mathscr {P}_1/X)_x$, et partant que
${\sf Q}(\pi _{1*}\mathscr {F}/X)_x={\sf Q}(\mathscr {P}_1/X)_x$.
On distingue deux cas. Supposons tout d'abord que $r\geqslant 2$. Le dévissage
$\mathscr {D}$ définit alors par restriction aux entiers compris entre
$2$ et
$r$ un
$X$-dévissage du faisceau cohérent
$\mathscr {P}_1$ au-dessus de
$x$ en dimensions
$n_2>\cdots >n_r$, qui vérifie (iii) ; en vertu de notre hypothèse de récurrence, il vient
$\dim {\sf Q}(\mathscr {P}_1/X)_x < m$, c'est-à-dire
$\dim {\sf Q}(\pi _{1*}\mathscr {F}/X)_x < m$, ce qui entraîne que que
$\dim {\sf Q}(\mathscr {F}/X)_x < m$. Supposons maintenant que
$r=1$ ; on a alors
$\dim {\sf Q}(\mathscr {P}_1/X)_x < m$, et donc
$\dim {\sf Q}(\pi _{1*}\mathscr {F}/X)_x < m$, et par conséquent
$\dim {\sf Q}(\mathscr {F}/X)_x < m$.
Lemme 4.13 Soit $Y\to X$ un morphisme quasi-lisse d'espaces
$k$-analytiques. Soit
$\mathscr {F}$ un faisceau cohérent sur
$Y$. Soit
$U$ l'ouvert de Zariski de
$Y$ formé des points en lesquels
$\mathscr {F}$ est libre, soit
$y$ un point de
$Y$ en lequel
$\mathscr {F}$ est
$X$-plat, et soit
$x$ l'image de
$y$ sur
$X$. Le point
$y$ appartient alors à
$\overline {U_x}^{Y_x}$.
Demonstration L'assertion peut se prouver en remplaçant $Y$ par n'importe quel domaine affinoïde de
$Y$ contenant
$y$. On peut donc supposer
$X$ et
$Y$ affinoïdes. Soit
$Z$ la composante connexe de
$y$ dans l'espace quasi-lisse
$Y_x$ (remarquons que comme
$Y_x$ est quasi-lisse sur
$\mathscr {H}(x)$ il est normal, et ses composantes connexes sont donc irréductibles) ; soit
$\eta$ le point générique de la composante connexe
$Z^{\mathrm {al}}$ de
$Y_x^{\mathrm {al}}$ et soit
$\kappa (\eta )$ son corps résiduel. Choisissons une famille finie d’éléments de
$\mathscr {F}(Y)$ induisant une base du
$\kappa (\eta )$-espace vectoriel
$\mathscr {F}(Y)\otimes _{\mathscr {O}_Y(Y)}\kappa (\eta )$ ; cette famille définit un morphisme
$u$ de
$\mathscr {O}_Y^r$ vers
$\mathscr {F}$ ; soit
$\Omega$ l'ouvert de Zariski de
$Y$ constitué des points en lesquels
$u$ est un isomorphisme. Par construction, il existe un ouvert de Zariski non vide
$T$ de
$Z$ tel que
$u|_T$ soit un isomorphisme. Le point
$y$ appartient à
$\overline {T}^{Y_x}$ ; puisque
$\mathscr {F}$ est
$X$-plat en
$y$, il s'ensuit en vertu de la proposition 8.1.10 de [Reference DucrosDuc18] que
$u$ est injectif en
$y$ ; il en résulte par la proposition 8.1.8 de [Reference DucrosDuc18] que
$y\in \overline {\Omega _x}^{Y_x}$. Comme
$\Omega$ est contenu dans
$U$ il vient
$y\in \overline {U_x}^{Y_x}$.
5 Les éclatements en géométrie analytique
Nous utiliserons régulièrement dans ce qui suit les notions d'adhérence analytique et de densité analytique (définition 2.14 et lemme-définition 2.17).
Définition 5.1 Si $X$ est un espace
$k$-analytique, nous appellerons diviseur de Cartier sur
$X$ tout sous-espace analytique fermé de
$X$ défini par un faisceau cohérent d'idéaux inversible.
Remark 5.2 Nous attirons l'attention du lecteur sur le fait que dans ce texte les diviseurs de Cartier sont par définition effectifs.
5.3
Soit $X$ un espace
$k$- analytique et soit
$S$ un diviseur de Cartier de
$X$. Son complémentaire
$X\setminus S$ est analytiquement dense dans
$X$ (et en particulier dense pour la topologie de Zariski), et
$S$ est partout de codimension
$1$ dans
$X$ : on peut en effet vérifier cet énoncé G-localement, ce qui permet de supposer
$X$ affinoïde ; et on se ramène alors par les théorèmes de type GAGA aux assertions analogues dans le contexte schématique.
5.4
Soit $X$ un espace
$k$-analytique, soit
$\mathscr {I}$ un faisceau cohérent d'idéaux sur
$X$ et soit
$S$ le sous-espace analytique fermé de
$X$ défini par
$\mathscr {I}$. La catégorie des espaces analytiques
$Y$ définis sur une extension complète de
$k$ et munis d'un
$k$-morphisme
$f\colon Y\to X$ tel que le faisceau cohérent d'idéaux
$f^{-1} \mathscr {I}$ soit inversible, c'est-à-dire encore tels que
$Y\times _X S$ soit un diviseur de Cartier de
$Y$, admet un objet final, appelé éclatement de
$X$ le long de
$\mathscr {I}$ (ou le long de
$S$, ou de centre
$S$), qui est un espace
$k$-analytique. Il suffit en effet de le vérifier G-localement, ce qui permet de supposer que
$X$ est affinoïde. Désignons par
$\mathscr {Y}$ l’éclaté
$\mathrm {Proj}({\bigoplus} (\mathscr {I}^{\mathrm {al}})^n)$ de
$X^{\mathrm {al}}$ le long de
$\mathscr {I}^{\mathrm {al}}$. On vérifie alors (exactement comme en géométrie algébrique) que l'espace
$X$-analytique
$\mathscr {Y}^{\mathrm {an}}$ possède la propriété universelle requise.
L’éclatement de $X$ le long de
$S$ sera noté
${\sf B}_{S}(X)$ ; le produit fibré
${\sf B}_{S}(X)\times _X S$ est un diviseur de Cartier de
${\sf B}_{S}(X)$, qu'on appelle le diviseur exceptionnel de l’éclatement et qu'on note
${\sf E}_{S}(X)$.
5.5
Soit $X$ un espace
$k$-analytique et soit
$S$ un sous-espace analytique fermé de
$X$, défini par un faisceau quasi-cohérent d'idéaux
$\mathscr {I}$. Soit
$f$ le morphisme canonique
${\sf B}_{S}(X)$ vers
$X$. Les faits suivants découlent immédiatement de la construction de l’éclatement et/ou de sa propriété universelle.
5.5.1
Le morphisme $f$ est propre et induit un isomorphisme
![](https://static.cambridge.org/binary/version/id/urn:cambridge.org:id:binary:20210322154004198-0020:S0010437X20007459:S0010437X20007459_eqnU24.png?pub-status=live)
De plus, ${\sf B}_{S}(X)\setminus {\sf E}_{S}(X)$ est analytiquement dense dans
${\sf B}_{S}(X)$.
5.5.2
Si $X$ est réduit,
${\sf B}_{S}(X)$ est réduit.
5.5.3
Si $\mathscr {J}$ est un faisceau cohérent d'idéaux inversibles sur
$X$, le faisceau cohérent d'idéaux
$f^{-1} (\mathscr {J})$ sur
${\sf B}_{S}(X)$ est inversible. Autrement dit,
${\sf B}_{S}(X)\times _X T$ est un diviseur de Cartier de
${\sf B}_{S}(X)$ pour tout diviseur de Cartier
$T$ de
$X$.
5.5.4
Soit $L$ une extension complète de
$k$, soit
$X'$ un espace
$L$-analytique et soit
$X'\to X$ un
$k$-morphisme ; posons
$S'=S\times _X X'$. Supposons que
![](https://static.cambridge.org/binary/version/id/urn:cambridge.org:id:binary:20210322154004198-0020:S0010437X20007459:S0010437X20007459_eqnU25.png?pub-status=live)
soit un diviseur de Cartier de ${\sf B}_{S}(X)\times _X X'$, ce qui est par exemple le cas en vertu de 2.24.2 dès que le morphisme
$X'\to X_L$ est plat. On a alors un
$X'$-isomorphisme canonique entre
${\sf B}_{S'}(X')$ et
${\sf B}_{S}(X)\times _X X'$ (il est en effet tautologique que ce dernier satisfait la propriété universelle requise).
5.5.5
Si $S$ est un diviseur de Cartier,
$f$ est un isomorphisme.
5.5.6
Soit $\mathscr {J}$ un faisceau d'idéaux cohérent et inversible sur
$X$, et soit
$n$ un entier strictement positif. L’éclatement de
$X$ le long de
$\mathscr {I}^n\cdot \mathscr {J}$ s'identifie canoniquement à
${\sf B}_{S}(X)$.
5.5.7
Si le support de $S$ est égal (ensemblistement) à l'espace
$X$ tout entier alors
${\sf B}_{S}(X)=\varnothing$.
5.6
Nous dirons qu'un morphisme $f\colon Y\to X$ entre espaces
$k$-analytiques est un éclatement s'il existe un sous-espace analytique fermé
$S$ de
$X$ et un
$X$-isomorphisme
$Y\simeq {\sf B}_{S}(X)$.
Insistons sur le fait que si c'est le cas, le centre $S$ n'est pas uniquement déterminé, comme en attestent les exemples donnés en 5.5.5, 5.5.6 et 5.5.7 ; et le diviseur exceptionnel de l’éclatement ne l'est pas davantage.
On ne parlera dès lors « du » centre ou « du » diviseur exceptionnel d'un éclatement que si ce dernier a été présenté comme l’éclatement le long d'un centre bien précis.
5.7
Soit $X$ un espace
$k$-analytique et soient
$S$ et
$Y$ deux sous-espaces analytiques fermés de
$X$. On note
$S\cap Y$ le sous-espace analytique fermé
$S\times _XY$ de
$X$ et
$f$ le morphisme canonique
${\sf B}_{S}(X)\to X$. L’éclatement
${\sf B}_{S\cap Y}(Y)$ s'identifie à un sous-espace analytique fermé de
${\sf B}_{S}(X)$ qu'on appelle le transformé strict de
$Y$ (relatif à l’éclatement de centre
$S$). Modulo cette identification,
$f^{-1}(Y\setminus S)$ est l'ouvert
${\sf B}_{S\cap Y}(Y)\setminus {\sf E}_{S \cap Y}(Y)$ de
${\sf B}_{S\cap Y}(Y)$, qui est analytiquement dense dans
${\sf B}_{S\cap Y}(Y)$ puisque
${\sf E}_{S\cap Y}(Y)$ est un diviseur de Cartier de
${\sf B}_{S\cap Y}(Y)$ (5.3). Autrement dit, le transformé strict de
$Y$ est l'adhérence analytique de
$f^{-1}(Y\setminus S)$ dans
${\sf B}_{S}(X)$, qu'on peut également voir comme l'adhérence analytique de
$f^{-1}(Y\setminus S)$ dans
$f^{-1}(Y)$.
Considérons $\mathscr {O}_{f^{-1}(Y)}$ et
$\mathscr {O}_{{\sf B}_{S\cap Y}(Y)}$ comme deux faisceaux cohérents sur
${\sf B}_{S}(X)$. Par ce qui précède,
$\mathscr {O}_{{\sf B}_{S\cap Y}(Y)}$ est le quotient de
$\mathscr {O}_{f^{-1}(Y)}$ par son sous-module formé des sections qui s'annulent sur
${\sf B}_{S}(X)\setminus {\sf E}_{S}(X)$, c'est-à-dire des sections qui sont à support (ensemblistement) dans
${\sf E}_{S}(X)$.
5.8
Soit $X$ un espace
$k$-analytique et soit
$S$ un sous-espace analytique fermé de
$X$. On suppose que
$X$ est irréductible et que
$S$ est ensemblistement distinct de
$X$.
5.8.1
Soit $f\colon {\sf B}_{S}(X)\to X$ le morphisme canonique. Comme
$f$ induit un isomorphisme
${\sf B}_{S}(X)\setminus {\sf E}_{S}(X)\simeq X\setminus S$, l'ouvert
$X\setminus S$ de
$X$ est contenu dans
$f({\sf B}_{S}(X))$. Puisque
$S$ est ensemblistement distinct de
$X$, l'ouvert de Zariski
$X\setminus S$ est dense dans
$X$ (qui est irréductible) ; comme
$f$ est fermé en tant que morphisme propre, il vient
$f({\sf B}_{S}(X))=X$.
5.8.2
L'ouvert $X\setminus S$ de
$X$ est irréductible (lemme 1.11). Or
${\sf B}_{S}(X)$ induit un isomorphisme
${\sf B}_{S}(X)\setminus {\sf E}_{S}(X) \simeq X\setminus S$. Puisque
${\sf B}_{S}(X)\setminus {\sf E}_{S}(X)$ est Zariski-dense dans
${\sf B}_{S}(X)$ (car
${\sf E}_{S}(X)$ est un diviseur de Cartier de
${\sf B}_{S}(X)$), il en résulte que
${\sf B}_{S}(X)$ est irréductible. Comme il possède un ouvert dense isomorphe à
$X\setminus S$, sa dimension est égale à celle de
$X$.
5.9
Soit $X$ un espace
$k$-analytique et soit
$S$ un sous-espace analytique fermé de
$X$. Notons
$f$ le morphisme canonique
${\sf B}_{S}(X)\to X$. Soit
$(X_i)_{i\in I}$ la famille des composantes irréductibles de
$X$ n’étant pas contenues dans
$S$, chacune étant munie de sa structure réduite. Pour tout
$i$, on pose
$S_i=S\times _X X_i$ et l'on identifie l’éclaté
${\sf B}_{S_i}(X_i)$ à un sous-espace analytique fermé de
${\sf B}_{S}(X)$.
5.9.1
Il résulte de 5.8.1 que $f({\sf B}_{S_i}(X_i))=X_i$. Par conséquent,
$f({\sf B}_{S}(X))$ contient la réunion des
$X_i$ pour
$i\in I$. Soit
$U$ le complémentaire de
${\bigcup} _{i\in I}X_i$ dans
$X$. On a
![](https://static.cambridge.org/binary/version/id/urn:cambridge.org:id:binary:20210322154004198-0020:S0010437X20007459:S0010437X20007459_eqnU26.png?pub-status=live)
car $S\cap U=U$ par définition de la famille
$(X_i)$. Il vient
$f({\sf B}_{S}(X))={\bigcup} _ {i\in I}X_i$.
5.9.2
L'ouvert ${\sf B}_{S}(X)\setminus {\sf E}_{S}(X)$ est analytiquement dense dans
${\sf B}_{S}(X)$ et il est égal à
${\bigcup} _{i\in I}f^{-1}(X_i\setminus S_i)$ ; par conséquent
${\sf B}_{S}(X)$ s'identifie ensemblistement à
![](https://static.cambridge.org/binary/version/id/urn:cambridge.org:id:binary:20210322154004198-0020:S0010437X20007459:S0010437X20007459_eqnU27.png?pub-status=live)
D'après 5.8.2, l'espace ${\sf B}_{S_i}(X_i)$ est pour tout
$i$ un espace irréductible de dimension
$\dim X_i$. Par ailleurs si
$i$ et
$j$ sont deux éléments distincts de
$I$, les fermés
${\sf B}_{S_i}(X_i)$ et
${\sf B}_{S_j}(X_j)$ de
${\sf B}_{S}(X)$ sont non comparables pour l'inclusion : il suffit en effet de s'assurer que leurs traces sur
${\sf B}_{S}(X)\setminus {\sf E}_{S}(X)$ ne le sont pas, mais elles s'identifient via
$f$ à
$X_i\setminus S_i$ et
$X_j\setminus S_j$, lesquels ne sont pas comparables pour l'inclusion puisque
$X_i$ et
$X_j$ ne le sont pas.
Par conséquent $({\sf B}_{S_i}(X_i))_i$ est la famille des composantes irréductibles de
${\sf B}_{S}(X)$.
Lemme 5.10 Soit $X$ un espace
$k$-analytique compact, soit
$S$ un sous-espace analytique fermé de
$X$, et soit
$f$ le morphisme canonique
${\sf B}_{S}(X)\to X$. Soit
$T$ un sous-espace analytique fermé de
${\sf B}_{S}(X)$. Il existe un sous-espace analytique fermé
$\Sigma$ de
$X$, dont le support est ensemblistement égal à
$S\cup f(T)$, tel que
${\sf B}_{T}({\sf B}_{S}(X)) \simeq _X {\sf B}_{\Sigma }(X)$.
Demonstration Nous allons suivre mutatis mutandis la preuve de [Sta19, Tag 0801]. Soit $\mathscr {I}$ le faisceau cohérent d'idéaux qui définit
$S$ et soit
$\mathscr {A}$ la
$\mathscr {O}_X$-algèbre graduée
${\bigoplus} _n \mathscr {I}^n$. Soit
$i$ l'immersion fermée
$T\hookrightarrow {\sf B}_{S}(X)$. On dispose d'un morphisme naturel de
$\mathscr {O}_X$-algèbres graduées
![](https://static.cambridge.org/binary/version/id/urn:cambridge.org:id:binary:20210322154004198-0020:S0010437X20007459:S0010437X20007459_eqnU28.png?pub-status=live)
où la torsion par $n$ fait référence au faisceau
$\mathscr {O}(1)$ relatif sur l'espace
$X$-analytique
${\sf B}_{S}(X)=\mathrm {Proj}\;\mathscr {A}$. Soit
$\mathscr {J}$ son noyau. Ce dernier possède les propriétés suivantes :
(1) pour tout
$n$, le sommande
$\mathscr {J}_n$ est un
$\mathscr {O}_X$-module cohérent ;
(2) pour
$n$ assez grand, l'immersion fermée
identifie\[ \mathrm{Proj}(\mathscr{A}/\mathscr{J}_n \cdot\mathscr{A})\hookrightarrow \mathrm{Proj}\;\mathscr{A}={\sf B}_{S}(X) \]
$\mathrm {Proj}(\mathscr {A}/\mathscr {J}_n \cdot \mathscr {A})$ à
$Z$, et le support du faisceau cohérent sur
${\sf B}_{S}(X)$ associé à
$\mathscr {A}/\mathscr {J}_n\cdot \mathscr {A}$ est égal à
$T$.
En effet, (1) découle immédiatement de la noethérianité des algèbres affinoïdes ; et par compacité de $X$, on peut pour démontrer (2) supposer que
$X$ est affinoïde, et partant se ramener à l’énoncé schématique analogue, qui est une version plus simple (grâce à la cohérence de
$\mathscr {J}_n$) de [Sta19, Tag 0803]
Par définition, $\mathscr {J}_n$ est un sous-faisceau cohérent de
$\mathscr {I}^n$ ; on peut donc le voir comme un faisceau cohérent d'idéaux sur
$X$, qu'on note
$\mathscr {K}$. Le sous-espace analytique fermé
$\Sigma$ de
$X$ défini par le faisceaux d'idéaux
$\mathscr {K}\cdot \mathscr {I}$ convient alors : il suffit en effet de le prouver G-localement, ce qui permet de se ramener au cas affinoïde, puis à la variante schématique de l’énoncé, qui est prouvée dans [Sta19, Tag 080B].
Lemme 5.11 Soit $X$ un espace
$k$-analytique compact et soit
$U$ un ouvert de Zariski de
$X$. Supposons donnée une partition finie
$U=\coprod _i U_i$ où les
$U_i$ sont aussi des ouverts de Zariski de
$X$. Il existe alors un sous-espace analytique fermé
$S$ de
$X$, supporté par
$X\setminus U$, et une partition
${\sf B}_{S}(X)=\coprod V_i$, où les
$V_i$ sont des ouverts de Zariski de
${\sf B}_{S}(X)$, telle que
$V_i\setminus {\sf E}_{S}(X)={\sf B}_{S}(X)\times _X U_i$ pour tout
$i$.
Demonstration Nous reprenons essentiellement la preuve du lemme 5.1.5 de [Reference Raynaud and GrusonRG71]. Le lemme 5.10 ci-dessus permet de se ramener (par une récurrence immédiate) au cas où la partition donnée de $U$ comprend exactement deux ouverts
$U_1$ et
$U_2$. Choisissons un faisceau cohérent d'idéaux
$\mathscr {J}$ de lieu (ensembliste) des zéros
$X\setminus U$. Pour
$i\in \{1,2\}$ on désigne par
$\mathscr {I}_i$ le faisceau cohérent d'idéaux définissant l'adhérence analytique de
$U_i$ dans
$X$ ; puis on pose
$\mathscr {J}_i=\mathscr {J} \cdot \mathscr {I}_i$. Par construction,
$\mathscr {J}_i|_{U_i}=0$,
$\mathscr {J}_i|_{U_j}=\mathscr {O}_{U_j}$ pour
$j\neq i$, et le lieu des zéros ensembliste de
$\mathscr {J}_i$ est
$X\setminus U_i$.
Soit $S$ le sous-espace analytique fermé de
$X$ défini par l'idéal
$\mathscr {J}_1+\mathscr {J}_2$ ; il est supporté par
$X\setminus U$. Pour
$i\in \{1,2\}$, notons
$U'_i$ l'image réciproque de
$U_i$ sur
${\sf B}_{S}(X)$ et
$\mathscr {J}'_i$ l'image réciproque de
$\mathscr {J}_i$ dans
$\mathscr {O}_{{\sf B}_{S}(X)}$. Par construction,
$\mathscr {J}'_1+\mathscr {J}'_2$ est un faisceau d'idéaux inversible de
$\mathscr {O}_{{\sf B}_{S}(X)}$, et
$(\mathscr {J}'_1\cap \mathscr {J}'_2)|_{U'_1\coprod U'_2}=0$. Puisque
$U'_1\coprod U'_2$ est analytiquement dense dans
${\sf B}_{S}(X)$ (c'est le complémentaire du diviseur de Cartier
${\sf E}_{S}(X)$), il vient
$\mathscr {J}'_1\cap \mathscr {J}'_2=0$. Pour
$i\in \{1,2\}$, notons
$T_i$ le sous-espace analytique fermé de
${\sf B}_{S}(X)$ défini par
$\mathscr {K}_i:=(\mathscr {J}'_1+\mathscr {J}'_2)^{-1} \mathscr {J}'_i\subset \mathscr {O}_{{\sf B}_{S}(X)}$. On pose
$V_2={\sf B}_{S}(X)\setminus T_2$ et
$V_1={\sf B}_{S}(X)\setminus T_1$.
On a $\mathscr {K}_1+\mathscr {K}_2=\mathscr {O}_{{\sf B}_{S}(X)}$, et donc
$T_1\cap T_2=\varnothing$. Et par ailleurs
$\mathscr {K}_1\cdot \mathscr {K}_2$ est contenu dans
$\mathscr {J}'_1\cap \mathscr {J}'_2=0$, si bien que
$T_1\cup T_2={\sf B}_{S}(X)$ ; par conséquent,
${\sf B}_{S}(X)=V_1\coprod V_2$.
On a de plus $\mathscr {K}_1|_{U'_1}=0$ et
$\mathscr {K}_1|_{U'_2}=\mathscr {O}_{U'_2}$. Il en résulte que
$V_2\setminus {\sf B}_{S}(X)=U'_2$, et on a de même
$V_1\setminus {\sf B}_{S}(X)=U'_1$.
Nous allons maintenant introduire les morphismes d'espaces analytiques qui nous servirons à aplatir les faisceaux cohérents. Il s'agit essentiellement des composés d’éclatements et de morphismes quasi-étales, ce dernier point étant une nouveauté par rapport à ce qu'on rencontre en théorie des schémas.
5.12
On note $\mathfrak {A}_{k,\Gamma }^{\mathrm {elem}}$ la classe des morphismes
$Y\to X$ entre espaces
$k$-analytiques compacts et
$\Gamma$-stricts qui admettent une factorisation de la forme
$Y\to Z\to X$ où
$Z$ est compact et
$\Gamma$-strict, où
$Z\to X$ est quasi-étale et où
$Y\to Z$ est un éclatement. Notons que tout éclatement et tout morphisme quasi-étale dont les sources et buts sont compacts et
$\Gamma$-stricts appartiennent à
$\mathfrak {A}_{k,\Gamma }^{\mathrm {elem}}$ (composer d'un côté ou de l'autre avec l'identité, qui est à la fois un morphisme quasi-étale et un éclatement).
On définit récursivement sur l'entier naturel $h$ une classe
$\mathfrak {A}_{k,\Gamma }^{\leqslant h}$ de morphismes entre espaces
$k$-analytiques compacts et
$\Gamma$-stricts, par le procédé suivant :
⋄
$Y\to X$ appartient à
$\mathfrak {A}_{k,\Gamma }^{\leqslant 0}$ si et seulement si
$X$ est compact et
$\Gamma$-strict et
$Y\to X$ est un isomorphisme ;
⋄ si
$h>0$ alors
$Y\to X$ appartient à
$\mathfrak {A}_{k,\Gamma }^{\leqslant h}$ si et seulement si elle admet une factorisation
$Y\to Z\to X$ où
$Z\to X$ appartient à
$\mathfrak {A}_{k,\Gamma }^{\leqslant h-1}$ et où
$Y\to Z$ appartient à
$\mathfrak {A}_{k,\Gamma }^{\mathrm {elem}}$.
Nos notations sont consistantes : si $Y\to X$ appartient à
$\mathfrak {A}_{k,\Gamma }^{\leqslant h}$, il appartient aussi à
$\mathfrak {A}_{k,\Gamma }^{\leqslant h+1}$, ce qu'on peut voir en écrivant
$Y\to X$ comme la flèche composée
![](https://static.cambridge.org/binary/version/id/urn:cambridge.org:id:binary:20210322154004198-0020:S0010437X20007459:S0010437X20007459_eqnU30.png?pub-status=live)
Remarquons que $\mathfrak {A}_{k,\Gamma }^{\leqslant 1}$ n'est autre que
$\mathfrak {A}_{k,\Gamma }^{\mathrm {elem}}$. Nous noterons
$\mathfrak {A}_{k,\Gamma }$ la réunion des
$\mathfrak {A}_{k,\Gamma }^{\leqslant h}$ pour
$h$ parcourant
$\mathbf {Z}_{\geqslant 0}$.
Soit $h$ un entier et soit
$Y\to X$ une flèche de
$\mathfrak {A}_{k,\Gamma }^{\leqslant h}$. Soit
$L$ une extension complète de
$k$ et soit
$X'$ un espace
$L$-analytique
$\Gamma$-strict et compact muni d'un morphisme plat vers
$X_L$ ; posons
$Y'=Y\times _X X'$. On voit à l'aide de 5.5.4 et par une récurrence immédiate sur
$h$ que
$Y'\to X'$ est une flèche de
$\mathfrak {A}_{L,\Gamma }^{\leqslant h}$.
5.13
Nous allons maintenant introduire une variante de la définition précédente « avec spécification d'un diviseur exceptionnel ». On définit récursivement sur l'entier naturel $h$ une classe
$\mathfrak {D}_{k,\Gamma }^{\leqslant h}$ de diagrammes
$S\hookrightarrow Y\to X$ dans la catégorie des espaces
$k$-analytiques compacts et
$\Gamma$-stricts, par le procédé suivant :
⋄
$S\hookrightarrow Y\to X$ appartient à
$\mathfrak {D}_{k,\Gamma }^{\leqslant 0}$ si et seulement si
$X$ est compact et
$\Gamma$-strict,
$Y\to X$ est un isomorphisme, et
$S$ est un diviseur de Cartier de
$Y$ ;
⋄ si
$h>0$ alors
$S\hookrightarrow Y\to X$ appartient à
$\mathfrak {D}_{k,\Gamma }^{\leqslant h}$ si et seulement s'il existe :
• un diagramme
$T\hookrightarrow Z\to X$ appartenant à
$\mathfrak {D}_{k,\Gamma }^{\leqslant h-1}$ ;
• un espace analytique compact et
$\Gamma$-strict
$Z'$ muni d'un morphisme quasi-étale
$Z'\to Z$ ;
• un sous-espace analytique fermé
$T'$ de
$Z'$ majorant
$Z'\times _Z T$,
$Y\to X$ admette une factorisation
$Y\to Z'\to Z\to X$ identifiant
$Y$ à
${\sf B}_{T'}(Z')$ et
$S$ à
${\sf E}_{T'}(Z')$.
Nos notations sont consistantes : si $S\hookrightarrow Y\to X$ appartient à
$\mathfrak {D}_{k,\Gamma }^{\leqslant h}$, il appartient aussi à
$\mathfrak {D}_{k,\Gamma }^{\leqslant h+1}$, ce qu'on peut voir en écrivant
$Y\to X$ comme la composée
![](https://static.cambridge.org/binary/version/id/urn:cambridge.org:id:binary:20210322154004198-0020:S0010437X20007459:S0010437X20007459_eqnU31.png?pub-status=live)
5.14
Soit $h$ un entier et soit
$S\hookrightarrow Y\to X$ un diagramme appartenant à
$\mathfrak {D}_{k,\Gamma }^{\leqslant h}$.
5.14.1
Il résulte immédiatement de la définition et d'une récurrence sur $h$ que
$Y\to X$ appartient à
$\mathfrak {A}_{k,\Gamma }^{\leqslant h}$, que
$S$ est un diviseur de Cartier de
$Y$, et que
$Y\to X$ est quasi-étale en dehors de
$S$.
5.14.2
Soit $L$ une extension complète de
$k$ et soit
$X'$ un espace
$L$-analytique
$\Gamma$-strict et compact muni d'un morphisme plat vers
$X_L$ ; posons
$Y'=Y\times _X X'$ et
$S'=S\times _Y Y'$. En combinant 5.5.4 avec une récurrence sur
$h$, on voit que le diagramme
$S'\hookrightarrow Y'\to X'$ appartient à
$\mathfrak {D}_{L,\Gamma }^{\leqslant h}$.
Notation 5.15 Soit $X$ un espace
$k$-analytique. Nous noterons
${\sf A}(X)$ l'ensemble des points d'Abhyankar de rang maximal de
$X$, c'est-à-dire l'ensemble des points
$x$ de
$X$ tels que
$d_k(x)=\dim _x X$.
5.16
Soit $X$ un espace
$k$-analytique.
5.16.1
Si $X$ est irréductible tout point de
${\sf A}(X)$ est Zariski-dense dans
$X$, et tout ouvert non vide
$U$ de
$X$ rencontre
${\sf A}(X)$ (car
$\dim U=\dim X$).
5.16.2
On ne suppose plus $X$ irréductible. Soit
$(X_i)_{i\in I}$ la famille des composantes irréductibles de
$X$. On a alors
${\sf A}(X)=\coprod _i {\sf A}(X_i)$.
En effet, soit $i\in I$ et soit
$x\in {\sf A}(X_i)$. Comme
$x$ est Zariski-dense dans
$X_i$ il n'appartient pas à
${\bigcup} _{j\neq i}X_j$ (et a fortiori pas à
${\bigcup} _{j\neq i}{\sf A}(X_j)$). Il en résulte que
![](https://static.cambridge.org/binary/version/id/urn:cambridge.org:id:binary:20210322154004198-0020:S0010437X20007459:S0010437X20007459_eqnU32.png?pub-status=live)
et $x\in {\sf A}(X)$. Ainsi les
${\sf A}(X_i)$ sont deux à deux disjoints et leur réunion est contenue dans
${\sf A}(X)$.
Réciproquement, soit $x\in {\sf A}(X)$ et soit
$i$ tel que
$x\in X_i$ et
$\dim _x X=\dim X_i$. Comme
$\dim _x X=d_k(x)$ on a
$\dim X_i=d_k(x)$ et
$x\in {\sf A}(X_i)$.
5.16.3
Pour tout indice $i$, il résulte de 5.16.1 que
${\sf A}(X_i)$ est dense dans
$X_i$ et que chaque élément de
${\sf A}(X_i)$ est Zariski-dense dans
$X_i$. On en déduit en vertu de 5.16.2 que pour tout fermé de Zariski
$Y$ de
$X$, l'adhérence
$\overline {{\sf A}(X)\cap Y}^{X}$ est la réunion des composantes irréductibles de
$X$ contenues dans
$Y$.
Lemme 5.17 Soit $f\colon Y\to X$ une flèche de
$\mathfrak {A}_{k,\Gamma }$ et soit
$y\in {\sf A}(Y)$. L'image
$f(y)$ appartient alors à
${\sf A}(X)$.
Demonstration On se ramène immédiatement au cas où $f$ est ou bien quasi-étale, ou bien un éclatement. Si
$f$ est quasi-étale, il est en particulier plat et de dimension relative nulle. On en déduit que
$\dim _{f(y)}X=\dim _y Y$, et la finitude de
$\mathscr {H}(y)$ sur
$\mathscr {H}(f(y))$ assure par ailleurs que
$d_k(f(y))=d_k(y)$ ; par conséquent, le lemme est vrai lorsque
$f$ est quasi-étale.
Supposons maintenant que $f$ soit un éclatement, et choisissons-en un centre
$S$. L'hypothèse faite sur
$y$ implique que celui-ci n'est situé sur aucun fermé de Zariski d'intérieur vide de
$Y$ ; en particulier,
$y$ n'est pas situé sur le diviseur de Cartier
${\sf E}_{S}(X)$ ; le lemme découle alors du fait que
$f$ induit un isomorphisme
$Y\setminus {\sf E}_{S}(X)\simeq X\setminus S$.
6 Aplatissement d'un faisceau cohérent
6.1
Soit $X$ un espace
$k$-analytique, soit
$\mathscr {F}$ un faisceau cohérent sur
$X$ et soit
$S$ un fermé de Zariski de
$X$. Le sous-faisceau
$\mathscr {G}$ de
$\mathscr {F}$ formé des sections dont le support est ensemblistement contenu dans
$S$ est alors cohérent.
En effet, on peut pour le vérifier supposer $X$ affinoïde. Posons
$A=\mathscr {O}_X(X)$ ; notons
$I$ un idéal de
$A$ définissant
$S$ et notons
$M$ le
$A$-module
$\mathscr {F}(X)$. Il existe par noethérianité un entier
$n$ tel que tout élément de
$M$ annulé par une puissance de
$I$ soit annulé par
$I^n$. Soit
$N$ le sous-module de
$M$ formé des éléments de
$I^n$-torsion. Pour tout
$f\in I$, la multiplication par
$f$ définit un endomorphisme injectif du module
$M/N$, puis du faisceau cohérent associé
$\widetilde {M/N}$. Il s'ensuit que l'injection canonique
$\tilde {N}\hookrightarrow \mathscr {G}$ est un isomorphisme.
6.2
Soit $Y\to X$ un morphisme d'espaces
$k$-analytiques, soit
$S$ un fermé de Zariski de
$X$ et soit
$\mathscr {F}$ un faisceau cohérent sur
$Y$. Nous noterons
$\mathscr {F}\oslash _X S$ le quotient de
$\mathscr {F}$ par son sous-faisceau formé des sections dont le support est ensemblistement contenu dans
$Y\times _X S$ (nous emploierons aussi cette notation lorsque
$S$ est un sous-espace analytique fermé de
$X$, mais seul compte alors son ensemble sous-jacent). C'est un faisceau cohérent d'après 6.1. Si
$Y=X$ nous écrirons simplement
$\mathscr {F}\oslash S$.
6.3
Soit $f\colon Y\to X$ un morphisme d'espaces
$k$-analytique et soit
$\mathscr {F}$ un faisceau cohérent sur
$Y$. Rappelons que
${\sf P}(\mathscr {F}/X)$ désigne le lieu de
$X$-platitude de
$\mathscr {F}$, et
${\sf Q}(\mathscr {F}/X)$ son fermé de Zariski complémentaire ; notons que
${\sf Q}(\mathscr {F}/X) \subset \mathrm {Supp}(\mathscr {F})$. Pour tout entier
$n$, le lieu des points de
${\sf Q}(\mathscr {F}/X)$ en lesquels ce dernier est de dimension relative
$\geqslant n$ sur
$X$ sera noté
${\sf Q}(\mathscr {F}/X)_{\geqslant n}$ ; c'est un fermé de Zariski de
${\sf Q}(\mathscr {F}/X)$ (remarquons que
${\sf Q}(\mathscr {F}/X)_{\geqslant0}$ est égal à
${\sf Q}(\mathscr {F}/X)$). Enfin, nous noterons
${\sf Q}(\mathscr {F}/X)_{\geqslant n}^{\mathrm {sat}}$ le saturé de
${\sf Q}(\mathscr {F}/X)_{\geqslant n}$ pour la relation d’équivalence ensembliste induite par
$f$, c'est-à-dire l'ensemble
$f^{-1}(f({\sf Q}(\mathscr {F}/X)_{\geqslant n}))$.
6.4
Soit $Y\to X$ un morphisme d'espaces
$k$-analytiques et soit
$\mathscr {F}$ un faisceau cohérent sur
$Y$. Soit
$S$ un diviseur de Cartier sur
$X$. La flèche quotient de
$\mathscr {F}$ vers
$\mathscr {F}\oslash _XS$ est alors un isomorphisme au-dessus de l'ouvert de Zariski
${\sf P}(\mathscr {F}/X)$ de
$Y$. En effet, on peut pour le voir raisonner G-localement et se ramener au cas où
$Y$ et
$X$ sont affinoïdes, et où
$S$ est défini par l’équation
$f=0$ pour une certaine fonction
$f$ non diviseur de zéro dans
$\mathscr {O}_X(X)$. Pour tout
$n$, la multiplication par
$f^n$ est un endomorphisme injectif de
$\mathscr {O}_X$, et la multiplication par
$f^n$ est donc un endomorphisme injectif de
$\mathscr {F}_{{\sf P}(\mathscr {F}/X)}$, ce qui entraîne aussitôt notre assertion.
Définition 6.5 Soit $Y\to X$ un morphisme d'espaces
$k$-analytiques, et soit
$\mathscr {F}$ un faisceau cohérent sur
$Y$. Soit
$n$ un entier. Nous dirons que le faisceau
$\mathscr {F}$ est
$X$-plat en dimensions
$\geqslant n$ si
${\sf Q}(\mathscr {F}/X)_{\geqslant n} = \varnothing$. Notons que
$\mathscr {F}$ est
$X$-plat en dimensions
$\geqslant 0$ si et seulement s'il est
$X$-plat.
Nous pouvons maintenant énoncer le théorème principal de cet article, qu'on peut voir comme une version analytique du théorème 5.2.2 de [Reference Raynaud and GrusonRG71]. Son énoncé utilise de façon cruciale la classe de diagrammes $\mathfrak {D}_{k,\Gamma }^{\leqslant h}$ introduite en 5.13.
Théorème 6.6 Soit $f\colon Y\to X$ un morphisme entre espaces
$k$-analytiques compacts et
$\Gamma$-stricts. Soient
$n$ et
$d$ deux entiers avec
$n\leqslant d+1$, et soit
$\mathscr {F}$ un faisceau cohérent sur
$Y$ dont le support est partout de dimension relative
$\leqslant d$ sur
$X$. Il existe une famille finie de couples
$[(S_i\hookrightarrow Z_i\to X,Y_i)]_i$, où
⋄
$S_i\hookrightarrow Z_i\to X$ est un diagramme appartenant à
$\mathfrak {D}_{k,\Gamma }^{\leqslant d+1-n}$ ;
⋄
$Y_i$ est un domaine
$k$-analytique compact et
$\Gamma$-strict de
$Y\times _X Z_i$,
famille qui satisfait les propriétés suivantes :
(1) pour tout
$i$, le faisceau cohérent
$\mathscr {F}_{Y_i}\oslash _{Z_i}S_i$ est
$Z_i$-plat en dimensions
$\geqslant n$ ;
(2) pour tout
$i$, l'ouvert
$Y_i\setminus (Y_i\times _{Z_i}S_i)$ de
$Y_i$ est contenu dans l'image réciproque de
$Y\setminus {\sf Q}(\mathscr {F}/X)_{\geqslant n}$ ;
(3) pour tout
$i$, le fermé
$Y_i\times _{Z_i}S_i$ de
$Y_i$ est contenu dans l'image réciproque de
${\sf Q}(\mathscr {F}/X)_{\geqslant n}^{\mathrm {sat}}$ ;
(4) la réunion des images des morphismes
$Y_i\to Y$ contient
$Y\setminus {\sf Q}(\mathscr {F}/X)_{\geqslant n}^{\mathrm {sat}}$ ;
(5) la réunion des images des morphismes
$Y_i \times _{Z_i}S_i\to Y$ contient tout point de
${\sf Q}(\mathscr {F}/X)_{\geqslant n}$ dont l'image sur
$X$ n'est pas adhérente à
$f({\sf Q}(\mathscr {F}/X)_{\geqslant n})\cap {\sf A}(X)$.
6.7 Commentaires
Avant de démontrer le théorème, nous allons passer en revue quelques cas particuliers.
6.7.1 Supposons que
$\mathscr {F}$ est déjà
$X$-plat en dimensions
$\geqslant n$
Le théorème est alors vide car la famille constituée de l'unique couple satisfait tautologiquement les conditions (1) à (5).
6.7.2 Supposons que
$n=0$
Nous avons alors affaire à un théorème d'aplatissement stricto sensu : en effet, dans ce cas, le faisceau cohérent $\mathscr {F}_{Y_i}\oslash _{Z_i}S_i$ est
$Z_i$-plat pour tout
$i$.
6.7.3 Supposons que
$n=d+1$
Le théorème est alors vide : en effet, comme les fibres de $\mathrm {Supp}(\mathscr {F})\to X$ sont de dimension
$\leqslant d$, le faisceau cohérent
$\mathscr {F}$ est automatiquement
$X$-plat en dimensions
$\geqslant d+1$, et on est donc dans la situation déjà décrite en 6.7.1.
Si nous avons choisi d'inclure le cas $n=d+1$ dans l’énoncé (au lieu d'imposer
$n\leqslant d$, ce qui pourrait paraître plus naturel) c'est d'une part pour rendre triviale l'initialisation de la récurrence descendante sur
$n$ sur laquelle est fondée notre preuve, d'autre part pour disposer d'un théorème d'utilisation aussi souple que possible. Par exemple, cela nous permettra de démontrer le théorème 7.3 sans perdre du temps à traiter à part le cas (par ailleurs trivial) où
$d=\delta$.
6.7.4 Supposons que
${\sf Q}(\mathscr {F}/X)_{\geqslant n}^{\mathrm {sat}}$ est d'intérieur vide dans
$Y$
La propriété (4) combinée à la compacité des $Y_i$ implique alors que les images des morphismes
$Y_i\to Y$ recouvrent
$Y$.
6.7.5 Supposons que
${\sf Q}(\mathscr {F}/X)_{\geqslant n} = Y$
La propriété (4) est alors triviale et n'apporte aucune information sur les images des $Y_i\to Y$, et (2) assure par ailleurs que
$Y_i$ est contenu pour tout
$i$ dans l'image réciproque de
$S_i$, ce qui entraîne que
$\mathscr {F}_{Y_i}\oslash _{Z_i}S_i=0$ : la propriété (1) est donc également évidente. Notre théorème est ainsi dans ce cas sans contenu en ce qui concerne la platitude. C'est conforme au principe général évoqué en introduction selon lequel les techniques d'aplatissement n'ont pas vocation à créer de la platitude ex-nihilo, mais à la propager un peu lorsqu'elle existe déjà ; remarquons que 6.7.4 est également une manifestation de ce principe, mais dans le cas opposé où il y a déjà « beaucoup » de platitude au départ.
Mais notre théorème n'est pas vide pour autant lorsque ${\sf Q}(\mathscr {F}/X)_{\geqslant n} = Y$. Il affirme alors en effet comme on vient de le voir l'existence pour tout
$i$ d'une factorisation ensembliste de
$Y_i\to Z_i$ par
$S_i$, qui est un fermé de Zariski d'intérieur vide de
$Z_i$ ; et si de plus
$X$ est réduit, la fibre de
$f$ en un point de
${\sf A}(X)$ est entièrement contenue dans
${\sf P}(\mathscr {F}/X) = \varnothing$, si bien que
$f(Y)=f({\sf Q}(\mathscr {F}/X)_{\geqslant n})$ ne contient aucun point de
${\sf A}(X)$ ; la combinaison de (1) et (2) entraîne alors que la réunion des images des
$Y_i\to Y$ est égale à
$Y$.
C'est sur ce type de remarque que se fonde le théorème 7.5 que nous verrons plus loin.
6.8 Démonstration du théorème 6.6
Elle est longue et comporte de nombreuses étapes.
6.8.1 Automaticité de la propriété
$(2)$
Remarquons pour commencer que (2) est une conséquence de (1). En effet, supposons (1) satisfaite, soit $i$ un indice, soit
$t$ un point de
$Y_i$ qui n'est pas situé au-dessus de
$S_i$, et soit
$y$ l'image de
$t$ sur
$Y$. L'assertion (1) assure que
$t$ n'appartient pas à
${\sf Q}(\mathscr {F}_{Y_i}/X)_{\geqslant n}$ ; et comme
$t$ n'est pas situé au-dessus de
$S_i$, son image sur
$Z_i$ appartient à
${\sf P}(Z_i/X)$. On en déduit alors par descente plate de la platitude que
$y$ n'appartient pas à
${\sf Q}(\mathscr {F}/X)_{\geqslant n}$.
6.8.2 Preuve du théorème dans un premier cas particulier
On suppose que $d$ est égal à
$n$ et que
$f$ est quasi-lisse à fibres géométriquement irréductibles de dimension
$n$. Nous allons montrer qu'il existe un sous-espace analytique fermé
$S$ de
$X$ de support
$f({\sf Q}(\mathscr {F}/X)_{\geqslant n})$ tel que le faisceau cohérent
$\mathscr {F}_{Y\times _X {\sf B}_{S}(X)}\oslash _X S$ soit
${\sf B}_{S}(X)$-plat en dimensions
$\geqslant n$. C'est en un certain sens le cœur de notre démonstration, car c'est la seule étape lors de laquelle on construit explicitement un éclatement ayant des vertus aplatissantes. Notre raisonnement est une adaptation de celui suivi par Raynaud et Gruson à la section 5.4 de [Reference Raynaud and GrusonRG71].
6.8.2.1
Supposons qu'on ait établi ce qui est annoncé en 6.8.2. Le théorème est alors valable dans notre cas particulier ; plus précisément, la famille singleton $\{({\sf E}_{S}(X) \hookrightarrow {\sf B}_{S}(X)\to X, Y\times _X {\sf B}_{S}(X))\}$ répond à nos exigences. Il est en effet immédiat qu'elle satisfait (1), et partant (2) d'après 6.8.1. En ce qui concerne (3), (4) et (5) commençons par remarquer que comme
$S$ a pour support
$f({\sf Q}(\mathscr {F}/X)_{\geqslant n})$, le fermé
${\sf Q}(\mathscr {F}/X)_{\geqslant n}^{\mathrm {sat}}$ de
$Y$ est égal à
$Y\times _X S$. L'assertion (4) en découle tautologiquement, et l'assertion (3) s'en déduit compte-tenu du fait que l'image de
${\sf B}_{S}(X)\to X$ contient
$X\setminus S$. Il reste à vérifier (5). Soit
$y$ un point de
${\sf Q}(\mathscr {F}/X)_{\geqslant n}$ dont l'image
$x$ n'appartient pas à l'adhérence de
$S\cap {\sf A}(X)$ dans
$S$. Il résulte de 5.9.1 que
$x$ appartient à l'image de
${\sf E}_{S}(X)$ sur
$X$ ; il s'ensuit que
$y$ appartient à l'image de
$Y\times _X {\sf E}_{S}(X)\to Y$.
6.8.2.2
Nous allons maintenant prouver l'assertion annoncée en 6.8.2 en plusieurs étapes. Remarquons pour commencer que sous nos hypothèses ${\sf Q}(\mathscr {F}/X)_{\geqslant n}$ est exactement la réunion des fibres de
$Y\to X$ qui ne rencontrent pas
${\sf P}(\mathscr {F}/X)$. Soit
$U$ le complémentaire de
${\sf Q}(\mathscr {F}/X)_{\geqslant n}$ ; c'est un ouvert de Zariski de
$Y$.
Soit $V$ le lieu des points en lesquels
$\mathscr {F}$ est libre ; c'est un ouvert de Zariski de
$Y$. Comme
$Y$ est quasi-lisse sur
$X$, le faisceau cohérent
$\mathscr {O}_Y$ est plat sur
$X$, et
$V$ est par conséquent contenu dans
${\sf P}(\mathscr {F}/X)$ et a fortiori dans
$U$.
Soit $x$ un point de
$X$ tel que
$U_x$ soit non vide. Cela signifie que
$Y_x$ rencontre
${\sf P}(\mathscr {F}/X)$ ; on déduit alors du lemme 4.13 que
$V$ rencontre
$Y_x$.
Ceci valant pour tout $x$ tel que
$U_x$ soit non vide, on peut également décrire
${\sf Q}(\mathscr {F}/X)_{\geqslant n}$ comme la réunion des fibres de
$Y\to X$ qui ne rencontrent pas
$V$.
6.8.2.3
Soit $T$ le complémentaire de
$V$ dans
$Y$, muni (disons) de sa structure réduite. Les fibres de
$Y\to X$ étant géométriquement irréductibles, le fermé
$T$ de
$Y$ possède un « idéal des coefficients » sur
$X$, définissant un sous-espace analytique fermé
$S$ de
$X$ (th. 3.9). Par construction, un point
$x$ de
$X$ appartient à
$S$ si et seulement si sa fibre
$Y_x$ ne rencontre pas
$V$, c'est-à-dire si et seulement si
$x$ appartient à
$f({\sf Q}(\mathscr {F}/X)_{\geqslant n})$ (en effet comme la fibre
$Y_x$ est quasi-lisse, elle est régulière et en particulier réduite, et un sous-espace analytique fermé de
$Y_x$ est donc isomorphe à
$Y_x$ si et seulement si son support est égal à
$Y_x$) ; autrement dit, le support de
$S$ est égal à
$f({\sf Q}(\mathscr {F}/X)_{\geqslant n})$.
Nous allons maintenant démontrer l'existence d'un sous-espace analytique fermé $S'$ de
$X$ de même support que
$S$ tel que
$\mathscr {F}_{Y\times _X {\sf B}_{S'}(X)}\oslash _X S'$ soit
${\sf B}_{S'}(X)$-plat en dimensions
$\geqslant n$, ce qui achèvera la preuve de l'assertion souhaitée ; nous utiliserons désormais uniquement les faits suivants :
•
$Y\to X$ est quasi-lisse à fibres géométriquement irréductibles de dimension
$n$ ;
•
$V$ est un ouvert de Zariski de
$Y$ tel que
$\mathscr {F}_V$ soit G-localement libre (et
$T$ désigne son complémentaire) ;
•
$Y\times _X S$ est la réunion des fibres de
$Y\to X$ qui ne rencontrent pas
$V$.
Nous procèderons à plusieurs reprises à des changement de base par des éclatements convenables, ce qui sera licite car les trois propriétés ci-dessus sont préservées par ce type d'opération, et car la composée de deux éclatements est un éclatement dont le support du centre est ce qu'on attend, voir le lemme 5.10. Nous n'utiliserons plus le fait que $Y\times _X S={\sf Q}(\mathscr {F}/X)_{\geqslant n}$ (qui pourrait ne pas survivre à un changement de base).
6.8.2.4
Soit $\Omega$ l'ouvert complémentaire de
$S$ dans
$X$. Pour tout point
$x$ de
$\Omega$, la fibre
$V_x$ est non vide ; le faisceau
$\mathscr {F}$ est libre en tout point de
$V$, et en particulier en tout point de
$V_x$ ; ce dernier étant un ouvert de Zariski de l'espace normal et connexe
$Y_x$, il est connexe (lemme 1.11) et le rang de
$\mathscr {F}$ est donc égal à un même entier
$r(x)$ en tout point de
$V_x$.
Montrons que la fonction $x\mapsto r(x)$ est localement constante sur
$\Omega$. Soit
$x$ un point de
$\Omega$, et soit
$\Omega '$ un voisinage analytique compact de
$x$ dans
$\Omega$. Par hypothèse, le fermé
$T_\omega$ est d'intérieur vide dans
$Y_\omega$ pour tout
$\omega \in \Omega '$. Le corollaire 3.8 assure alors qu'il existe un domaine analytique compact
$T'$ de
$Y\times _X \Omega '$ qui évite
$T\times _X \Omega '$ et rencontre toutes les fibres de
$Y$ au-dessus de
$\Omega '$. Comme
$T'$ est contenu dans
$V$, le faisceau
$\mathscr {F}|_{T'}$ est G-localement libre. Pour tout
$i$, notons
$T'_i$ l'ouvert fermé de
$T'$ sur lequel le rang de
$\mathscr {F}$ est égal à
$i$. On a
$T'_i=\varnothing$ pour presque tout
$i$, et
$T'=\coprod _i T'_i$. De plus, le rang étant constant sur
$V_x$ pour tout
$x$, les images des
$T'_i$ sur
$\Omega '$ sont deux à deux disjointes, et compactes. On obtient ainsi une écriture de
$\Omega '$ comme une union disjointe finie d'ouverts fermés sur lesquels
$r$ est constant ; en particulier,
$r$ est constant au voisinage de
$x$.
Fixons un entier $m$. Le lieu
$\Omega _m$ des points
$x$ de
$\Omega$ tels que
$r(x)=m$ est en vertu de ce qui précède un ouvert fermé de
$\Omega$, et partant un ouvert de Zariski de
$X$ (lemme 1.12). D'après le lemme 5.11, il existe un sous-espace analytique fermé
$S'$ de
$X$ de support
$S$ tel que la partition finie
$\Omega \times _X{\sf B}_{S'}(X)=\coprod (\Omega _i\times _X{\sf B}_{S'}(X))$ soit induite par une partition finie en ouverts de Zariski de
${\sf B}_{S'}(X)$. En remplaçant
$X$ par
${\sf B}_{S'}(X)$ et en raisonnant ouvert par ouvert, on se ramène au cas où
$r$ a une valeur constante sur
$\Omega$, encore notée
$r$ (cette notation désigne donc désormais un entier, et non une fonction), et où
$S$ est un diviseur de Cartier. Sous ces hypothèses, toute composante assassine de
$X$ rencontre
$\Omega$.
6.8.2.5
Montrons que $V$ est analytiquement dense dans
$Y$. Soit
$\Sigma$ une composante assassine de
$Y$. Comme
$Y\to X$ est quasi-lisse,
$\Sigma$ est une composante irréductible de
$f^{-1}(\Theta )$ pour une certaine composante assassine
$\Theta$ de
$X$ (munie, disons, de sa structure réduite). Puisque
$f^{-1}(\Theta )\to \Theta$ est plat l'image
$f(\Sigma )$ est Zariski-dense dans
$\Theta$. En tant que composante assassine de
$X$, le fermé
$\Theta$ rencontre
$\Omega$, et l'image
$f(\Sigma )$ n'est donc par ce qui précède pas contenue dans
$S$ ; autrement dit,
$f^{-1}(S)\cap \Sigma$ est d'intérieur vide dans
$\Sigma$. Il existe par conséquent un point
$y$ de
$\Sigma$, dont on note
$x$ l'image sur
$X$, qui n'est situé ni sur
$f^{-1}(S)$, ni sur une composante irréductible de
$f^{-1}(\Theta )$ autre que
$\Sigma$. La dimension relative de
$f|_\Sigma$ en
$y$ est alors égale à la dimension relative de
$f$ en
$y$, c'est-à-dire à
$n$. Par conséquent
$\Sigma \cap Y_x=Y_x$ (la fibre
$Y_x$ étant irréductible de dimension
$n$). Comme
$x$ n'est pas situé sur
$S$, la fibre
$V_x$ est non vide, et
$\Sigma$ rencontre donc
$V$. Ce dernier est bien par conséquent analytiquement dense dans
$Y$.
6.8.2.6
Soit $\mathscr {I}$ le
$r$-ième idéal de Fitting de
$\mathscr {F}$ (1.21) et soit
$\mathscr {J}\subset \mathscr {O}_X$ son « idéal des coefficients » (thm. 3.9). Comme
$\mathscr {F}_V$ est G-localement libre de rang
$r$, on a
$\mathscr {I}_V=\mathscr {O}_V$ ; puisque
$V$ rencontre toutes les fibres de
$Y\to X$ au-dessus de
$\Omega$, il vient
$\mathscr {J}_\Omega =\mathscr {O}_\Omega$. Soit
$\mathscr {J}'$ le faisceau d'idéaux inversible définissant
$S$. En remplaçant
$X$ par son éclatement le long de
$\mathscr {J}\cdot \mathscr {J}'$ (qui s'identifie à l’éclatement de
$X$ le long de
$\mathscr {J}$ mais a un centre qui est ensemblistement exactement égal à
$S$), on se ramène au cas où
$\mathscr {J}$ est inversible.
Soit $\mathscr {H}$ le sous-faiceau cohérent
$(\mathscr {J}\mathscr {O}_Y)^{-1} \mathscr {I}$ de
$\mathscr {K}_Y$. Il est en fait contenu dans
$\mathscr {O}_Y$, et son idéal des coefficients est lui-même égal à
$\mathscr {O}_X$ (th. 3.9). Soit
$Y'$ l'ouvert complémentaire du fermé de Zariski de
$Y$ défini par le faisceau d'idéaux
$\mathscr {H}$ ; par définition on a
$\mathscr {H}_{Y'}=\mathscr {O}_{Y'}$, et partant
$\mathscr {I}_{Y'}=\mathscr {J}\mathscr {O}_{Y'}$ ; en particulier,
$\mathscr {I}_{Y'}$ est inversible.
Soit $x\in X$. Comme l'idéal des coefficients de
$\mathscr {H}$ est égal à
$\mathscr {O}_X$, le sous-espace analytique fermé de
$Y_x$ défini par
$\mathscr {H}_{Y_x}$ n'est pas isomorphe à
$Y_x$, ce qui entraîne que son support est différent de
$Y_x$ car l'espace
$Y_x$ est quasi-lisse, donc régulier, donc réduit. En conséquence, l'ouvert
$Y'$ rencontre toutes les fibres de
$f$.
Notons par ailleurs que puisque $\mathscr {J}_\Omega =\mathscr {O}_\Omega$, on a
$\mathscr {J}\mathscr {O}_{Y\times _X \Omega }=\mathscr {O}_{Y\times _X \Omega }$, si bien que
$\mathscr {H}_{Y\times _X \Omega }=\mathscr {I}_{Y\times _X \Omega }$. Il en résulte que
$\mathscr {H}_V=\mathscr {I}_V=\mathscr {O}_V$ (et
$V$ est donc contenu dans
$Y'$) et que
$\mathscr {I}_{Y'\times _X \Omega }=\mathscr {H}_{Y'\times _X \Omega } =\mathscr {O}_{Y'\times _X \Omega }$.
Nous allons maintenant montrer que $\mathscr {F}\oslash _X S$ est
$X$-plat en dimensions
$\geqslant n$, ce qui achèvera la démonstration de l'assertion énoncée en 6.8.2. Soit
$\mathscr {N}$ le sous-faisceau cohérent de
$\mathscr {F}$ constitué des sections annulées par
$\mathscr {I}$. Puisque
$\mathscr {I}_{Y'\times _X \Omega }=\mathscr {O}_{Y'\times _X \Omega }$, on a
$\mathscr {N}_{Y'\times _X\Omega }=0$ ; par conséquent, le support de toute section de
$\mathscr {N}$ sur un ouvert de
$Y'$ est contenu dans
$Y'\times _X S$ et l'on dispose donc d'une suite exacte de faisceaux cohérents sur
$Y'$
![](https://static.cambridge.org/binary/version/id/urn:cambridge.org:id:binary:20210322154004198-0020:S0010437X20007459:S0010437X20007459_eqnU33.png?pub-status=live)
(où $\mathscr {P}$ est le faisceau cohérent sur
$Y'$ défini par cette suite exacte).
Nous allons tout d'abord montrer que $(\mathscr {F}/\mathscr {N})_{Y'}$ est G-localement libre de rang
$r$ ; comme
$f$ est quasi-lisse, cela assurera que
$(\mathscr {F}/\mathscr {N})_{Y'}$ est
$X$-plat. Soit
$W$ un domaine affinoïde de
$Y$. Comme l'ouvert de Zariski
$V$ est analytiquement dense dans
$Y$ (6.8.2.5), l'intersection
$V\cap W$ est analytiquement dense dans
$W$ (2.16). Autrement dit, toute composante assassine de
$W$ rencontre
$V$, ce qui signifie en vertu de la proposition 2.9 (2) que l'assassin de
$W^{\mathrm {al}}$ est contenu dans
$(W\cap V)^{\mathrm {al}}$. Comme le faisceau
$\mathscr {F}_V$ est G-localement libre de rang
$r$, le faisceau
$(\mathscr {F}_W^{\mathrm {al}})_{(V\cap W)^{\mathrm {al}}}$ est localement libre de rang
$r$ ; le faisceau
$\mathscr {F}_W^{\mathrm {al}}$ est en conséquence localement libre de rang
$r$ en tout point de
$\mathrm {Ass}(W^{\mathrm {al}})$. On déduit alors du lemme 5.4.3 de [Reference Raynaud and GrusonRG71] que
$\mathscr {F}_W^{\mathrm {al}}/\mathscr {N}_W^{\mathrm {al}}$ est localement libre de rang
$r$ au-dessus du plus grand ouvert de
$W^{\mathrm {al}}$ sur lequel le
$r$-ième idéal de Fitting
$\mathscr {I}^{\mathrm {al}}$ de
$\mathscr {F}^{\mathrm {al}}$ est inversible, ouvert qui contient
$(Y'\cap W)^{\mathrm {al}}$. Ceci valant pour tout domaine affinoïde
$W$ de
$Y$, le faisceau
$(\mathscr {F}/\mathscr {N})_{Y'}$ est G-localement libre de rang
$r$ et par conséquent
$X$-plat, comme annoncé.
Comme $V$ ne rencontre pas
$Y\times _X S$ on a
$(\mathscr {F}/\mathscr {N})_V=(\mathscr {F}\oslash _XS)_V=\mathscr {F}_V$, et il vient
$\mathscr {P}_V=0$. Par ailleurs, le faisceau cohérent
$\mathscr {P}$ est un sous-faisceau du faisceau G-localement libre
$(\mathscr {F}/\mathscr {N})_{Y'}$ ; toute composante assassine de
$\mathscr {P}$ est alors une composante assassine de
$Y'$, et rencontre dès lors
$V$. Mais comme
$\mathscr {P}_V=0$, ceci entraîne que
$\mathscr {P}$ n'a pas de composantes assassines, ce qui signifie qu'il est nul ; par conséquent
$(\mathscr {F}\oslash _X S)_{Y'}=(\mathscr {F}/\mathscr {N})_{Y'}$, et
$(\mathscr {F}\oslash _X S)_{Y'}$ est de ce fait
$X$-plat. Puisque
$Y'$ rencontre toutes les fibres de
$f$ (fibres qui sont irréductibles et de dimension
$n$), le faisceau cohérent
$\mathscr {F}\oslash _X S$ est
$X$-plat en dimensions
$\geqslant n$.
6.8.3 Preuve d'une variante du théorème dans un second cas particulier
Supposons donné un diviseur de Cartier $S$ de
$X$ tel que le faisceau cohérent
$\mathscr {F}\oslash _X S$ soit
$X$-plat en dimensions
$\geqslant n+1$. Nous allons montrer qu'il existe
• une famille finie
$(Z_i\to X)_{1\leqslant i\leqslant m}$ de morphismes quasi-étales à sources compactes et
$\Gamma$-strictes ;
• pour tout
$i$, un sous-espace analytique fermé
$S_i$ de
$Z_i$ majorant
$Z_i\times _X S$ et un domaine analytique compact et
$\Gamma$-strict
$Y_i$ de
$Y\times _{Z_i}{\sf B}_{S_i}(Z_i)$,
ces données étant assujetties aux conditions suivantes :
(i) pour tout
$i$, le faisceau cohérent
$\mathscr {F}_{Y_i}\oslash _{Z_i}S_i$ est
${\sf B}_{S_i}(Z_i)$-plat en dimensions
$\geqslant n$ ;
(ii) pour tout
$i$, le fermé
$Y_i\times _{Z_i}S_i$ de
$Y_i$ est contenu dans l'image réciproque de
\[{\sf Q}(\mathscr {F}/X)_{\geqslant n}^{\mathrm {sat}} \cup (Y\times _X S)\,; \]
(iii) la réunion des images des
$Y_i\to Y$ contient
$Y\setminus ({\sf Q}(\mathscr {F}/X)_{\geqslant n}^{\mathrm {sat}} \cup (Y\times _X S))$ ;
(iv) la réunion des images des morphismes
$Y_i\times _{X_i}S_i\to Y$ contient l'ensemble des points de
${\sf Q}(\mathscr {F}/X)_{\geqslant n} \cup (Y\times _X S)$ dont l'image sur
$X$ n'est pas adhérente à
\[ [f({\sf Q}(\mathscr{F}/X)_{{\geq} n}) \cup (f(Y)\cap S)]\cap {\sf A}(X) . \]
6.8.3.1
Pour établir l'assertion requise, on peut raisonner G-localement sur $X$ et
$Y$. On peut donc supposer qu'ils sont tous deux affinoïdes. Soit
$x\in X$. Par compacité de
$X$, il suffit de démontrer l'assertion au-dessus d'un voisinage de
$x$ ; nous nous autoriserons donc dans la suite du raisonnement à restreindre
$X$ autour de
$x$ autant que nécessaire.
En raisonnant une dernière fois G-localement sur $Y$, on peut en vertu du lemme 4.9 supposer que l'on est dans l'un des deux cas suivants :
⋄
$Y_x$ ne rencontre pas le support de
$\mathscr {F}\oslash _XS$ ;
⋄
$Y_x$ rencontre le support de
$\mathscr {F}\oslash _XS$ et il existe un
$X$-dévissage total et
$\Gamma$-strict
de\[ \{T_i,\pi_i, u_i, \mathscr{L}_i,\mathscr{P}_i\}_{i\in \{1,\ldots, r\}} \]
$\mathscr {F}\oslash _XS$ au-dessus de
$x$, en dimensions
$n_1>\cdots >n_r$ majorées par
$\dim \mathrm {Supp}(\mathscr {F}\oslash _XS)_x$.
6.8.3.2
Supposons que $Y_x$ ne rencontre pas le support de
$\mathscr {F}\oslash _XS$. Par propreté topologique de
$f$ on peut alors restreindre
$X$ pour se ramener au cas où
$\mathscr {F}\oslash _XS=0$. Sous cette hypothèse, et plus généralement si
$\mathscr {F}\oslash _XS$ est
$X$-plat en dimensions
$\geqslant n$, l'assertion requise est vraie avec
$m=1,Z_1=X,S_1=S$ et
$Y_1=Y\times _X {\sf B}_{S}(X)$.
6.8.3.3
On suppose désormais que $Y_x$ rencontre le support de
$\mathscr {F}\oslash _XS$ et qu'il existe un
$X$-dévissage total
![](https://static.cambridge.org/binary/version/id/urn:cambridge.org:id:binary:20210322154004198-0020:S0010437X20007459:S0010437X20007459_eqnU36.png?pub-status=live)
du faisceau $\mathscr {F}\oslash _XS$ au-dessus de
$x$, en dimensions
$n_1>\cdots >n_r$ majorées par
$\dim \mathrm {Supp}(\mathscr {F}\oslash _XS)_x$. Quitte à tronquer ce dévissage (qui ne sera dès lors peut-être plus total), on peut remplacer la condition
$\mathscr {P}_r=0$ par les deux conditions suivantes :
(a)
$\dim \mathrm {Supp}(\mathscr {P}_r)_x < n$ ;
(b) pour tout entier
$i$ tel que
$1\leqslant i < r$ on a
$\dim \mathrm {Supp}(\mathscr {P}_i)_x\geqslant n$ (et partant
$n_i\geqslant n+1$ et
$n_{i+1}\geqslant n$).
En vertu de la proposition 4.12, on peut également supposer quitte à restreindre $X$ que les deux assertions suivantes sont satisfaites :
(c) pour tout
$i$, l'intersection
$\mathrm {Supp}(\mathscr {P}_i)\cap Y_\xi$ est d'intérieur vide dans
$Y_\xi$ pour tout
$\xi \in X$ ;
(d) pour tout
$i$ tel que
$n_i\geqslant n+1$ (et en particulier pour tout
$i < r$) le morphisme
$u_i$ est universellement
$X$-injectif.
6.8.3.4 Supposons que
$n_r < n$
Comme $n_{i+1}\geqslant n$ pour tout
$i$ tel que
$1\leqslant i < r$ d'après la condition (b) de 6.8.3.3, il vient
$r=1$. La dimension relative du support de
$\mathscr {F}\oslash _XS$ sur
$X$ est donc strictement inférieure à
$n$, et
$\mathscr {F}\oslash _XS$ est en particulier
$X$-plat en dimensions
$\geqslant n$ ; l'assertion cherchée est alors vraie (6.8.3.2).
6.8.3.5 Supposons que
$n_r>n$
Dans ce cas $u_i$ est universellement injectif pour tout
$i$ ; joint à la condition (a) ci-dessus ceci implique d'après l'assertion (2) de la proposition 4.12 que
$\mathscr {F}\oslash _XS$ est
$X$-plat en dimensions
$\geqslant n$, et l'assertion cherchée est dès lors vraie (6.8.3.2).
6.8.3.6 Supposons que
$n_r=n$
Le théorème 3.11 appliqué au morphisme quasi-lisse $T_r \to X$ assure l'existence d'une surjection quasi-étale à source affinoïde et
$\Gamma$-stricte
$X'\to X$ telle qu'il existe un
$X'$-découpage
$\Gamma$-strict de
$T_r\times _X X'$. Il suffit alors par propreté topologique de
$X'\to X$ de montrer le théorème au voisinage de chacun des antécédents de
$x$ dans
$X'$. Autrement dit quitte à remplacer
$X$ par
$X'$ et
$x$ par n'importe lequel de ses antécédents sur
$X'$, on peut supposer que
$T_r\to X$ possède un
$X$-découpage
$\Gamma$-strict
$(T_{rj})_{1\leqslant j\leqslant e_r}$.
Nous allons construire récursivement pour tout $i$ un recouvrement fini
$(T_{ij})_{1\leqslant j\leqslant e_i}$ de
$T_i$ par des domaines analytiques compacts et
$\Gamma$-stricts. Le recouvrement
$(T_{rj})_j$ est déjà construit. Supposons
$(T_{ij})_j$ construit pour un certain
$i$ compris entre
$2$ et
$r$, et expliquons comment construire
$T_{i-1,j}$ ; pour tout
$j$ compris entre
$1$ et
$e_i$ on note
$X_{ij}$ l'image de
$T_{ij}$ sur
$X$ ; c'est un domaine analytique compact et
$\Gamma$-strict de
$X$. Soit
$j$ compris entre
$1$ et
$e_i$. On choisit un domaine analytique compact et
$\Gamma$-strict
$\Upsilon$ de
$T_{i-1}$ tel que
$\Upsilon \cap \mathrm {Supp}(\mathscr {P}_{i-1})=\pi _i^{-1}(T_{ij})$ (ce qui est possible grâce au lemme 1.19) et l'on pose alors
$T_{i-1,j}=\Upsilon \times _X{X_{ij}}$. Par construction,
$T_{i-1,j}\cap \mathrm {Supp}(\mathscr {P}_{i-1})=\pi _i^{-1}(T_{ij})$ pour tout
$j$ compris entre
$1$ et
$e_i$. La réunion
${\bigcup} _{1\leqslant j\leqslant e_i}T_{i-1,j}$ est donc un domaine analytique compact et
$\Gamma$-strict de
$T_{i-1}$ qui contient
$\mathrm {Supp}(\mathscr {P}_{i-1})$ et en est dès lors un voisinage. Si
${\bigcup} _{1\leqslant j\leqslant e_i}T_{i-1,j}$ est égal à
$T_{i-1}$ tout entier, on considère que la famille
$(T_{i-1,j})_j$ est construite. Sinon il existe un domaine analytique compact et
$\Gamma$-strict
$T_{i-1,e_i+1}$ de
$T_{i-1}$ ne rencontrant pas
$\mathrm {Supp}(\mathscr {P}_{i-1})$ et tel que
${\bigcup} _{1\leqslant j\leqslant e_i+1}T_{i-1,j}=T_{i-1}$, et l'on considère que la famille
$(T_{i,j})_j$ est construite. (On a donc
$e_{i-1}=e_i$ ou
$e_{i-1}=e_i+1$).
On construit enfin un recouvrement $(Y_j)_{1\leqslant j\leqslant e_0}$ de
$Y$ par un procédé analogue (prendre ci-dessus
$i=1$ et remplacer
$T_{i-1}$ par
$Y$ et
$\mathscr {P}_{i-1}$ par
$\mathscr {F}\oslash S$). Soit
$j$ compris entre
$1$ et
$e_0$. Notons
$\varepsilon _j$ le plus grand entier
$i$ compris entre
$0$ et
$r$ tel que
$j\leqslant e_i$ (si
$\varepsilon _j < r$ on a donc
$j=e_{\varepsilon _j}$ et
$e_{\varepsilon _j+1}=e_{\varepsilon _j}-1$, ce qui entraîne que
$\mathscr {P}_{e_j,T_{\varepsilon _jj}}=0$), et notons
$X_j$ l'image de
$T_{\varepsilon _jj}$ sur
$X$ (c'est un domaine analytique compact et
$\Gamma$-strict de
$X$) si
$\varepsilon _j>0$ ; si
$\varepsilon _j=0$ (ce qui veut dire que
$j=e_0$ et que
$e_1=e_0-1$) on pose
$X_j=X$. Il résulte de nos constructions que
$Y_j\to X$ se factorise par
$X_j$. Il suffit maintenant de montrer l'assertion requise pour chacun des morphismes
$Y_j\to X_j$. On fixer donc
$j$, et l'on distingue plusieurs cas.
Supposons que $\varepsilon _j=0$. On a alors
$j=e_0$ et
$(\mathscr {F}\oslash _XS)_{Y_j}=0$, et l'assertion requise vaut dès lors pour
$Y_j\to X_j$ (6.8.3.2).
Supposons que $0 < \varepsilon _j < r$. La donnée
$\mathscr {D}_j$ des
$T_{ij}$ pour
$i$ variant de
$1$ à
$\varepsilon _j$ et des restrictions correspondantes des faisceaux
$\mathscr {L}_i$, des morphismes
$\pi _i$ et des applications linéaires
$u_i$ définit alors un
$X_j$-dévissage de
$(\mathscr {F}\oslash _XS)_{Y_j}$ au-dessus de tout point de
$X_j$. En effet, soit
$\xi$ un point de
$X_j$ et soit
$i$ un entier compris entre
$1$ et
$\varepsilon _j$. Par hypothèse, l'intersection du support de
$\mathscr {P}_{i,T_{ij}}$ avec
$T_{ij,\xi }$ est d'intérieur vide dans
$T_{ij,\xi }$ ; par un raisonnement reposant in fine sur le lemme de Nakayama ([Reference DucrosDuc18], 2.5.4) cela signifie que le lieu de surjectivité de
$u_{i,T_{ij}}$ contient un ouvert dense de
$T_{ij,\xi }$, et il résulte par ailleurs de nos hypothèses et des inégalités
$i\leqslant \varepsilon _j < r$ que
$u_{i,T_{ij}}$ est (universellement) injectif ; par conséquent, le lieu de bijectivité de
$u_{i,T_{ij}}$ contient un ouvert dense de
$T_{ij,\xi }$, et le lieu de bijectivité de
$u_{i,T_{ij,\xi }}$ est a fortiori dense dans
$T_{ij,\xi }$. Ainsi,
$\mathscr {D}_j$ est un
$X_j$-dévissage de
$(\mathscr {F}\oslash _XS)_{Y_j}$ au-dessus de tout point de
$X_j$, comme annoncé. Ce dévissage est total : en effet comme
$\varepsilon _j < r$ on a
$\mathscr {P}_{e_j,T_{\varepsilon _jj}}=0$. Puisque
$u_{i,T_{ij}}$ est (universellement) injectif pour tout
$i$ compris entre
$1$ et
$\varepsilon _j$, on déduit de 4.5 que
$(\mathscr {F}\oslash _XS)_{Y_j}$ est
$X_j$-plat ; l'assertion requise vaut alors pour
$Y_j\to X_j$ (6.8.3.2).
Supposons que $e_j=r$. Le morphisme
$T_{rj}\to X_j$ est quasi-lisse à fibres géométriquement connexes, et surjectif ; autrement dit, il est quasi-lisse à fibres géométriquement irréductibles. Ses fibres sont de dimension
$n$ (rappelons en effet qu'on s'est placé dans le cas où
$n_r=n$). Posons
$\mathscr {Q}=(\pi _{r*}\mathscr {P}_{r-1})_{T_{rj}}$. En vertu du cas particulier traité au 6.8.2, il existe un sous-espace analytique fermé
$F$ de
$X_j$, de support l'image de
${\sf Q}(\mathscr {Q}/X_j)_{\geqslant n} = {\sf Q}(\mathscr {Q}/X_j)_{\geqslant n}^{\mathrm {sat}}$, tel que
$\mathscr {Q}_{T_{r,j}\times _{X_j} {\sf B}_{F}(X_j)}\oslash _ {X_j}F$ soit
${\sf B}_{F}(X_j)$-plat en dimensions
$\geqslant n$. Soit
$\Sigma$ le sous-espace analytique fermé de
$X_j$ défini par le produit des idéaux définissant respectivement
$F$ et
$S\cap X_j$ ; son support est la réunion de
$S\cap X_j$ et de l'image de
${\sf Q}(\mathscr {Q}/X_j)_{\geqslant n}$. L’éclaté
${\sf B}_{\Sigma }(X_j)$ est égal à
${\sf B}_{F}(X_j)$ (5.5.6). De plus, le lieu de
${\sf B}_{\Sigma }(X_j)$-platitude de
$\mathscr {Q}_{T_{r,j}\times _{X_j} {\sf B}_{\Sigma }(X_j)}\oslash _{X_j}\Sigma$ contient celui de
$\mathscr {Q}_{T_{r,j}\times _{X_j} {\sf B}_{\Sigma }(X_j)}\oslash _{X_j} F$ ; en effet, le premier est le quotient du second par son sous-faisceau formé des sections à support dans
$T_{rj}\times _{X_j}{\sf E}_{\Sigma }(X_j)$, qui est un diviseur de Cartier de
$T_{rj}\times _{X_j}{\sf B}_{\Sigma }(X_j)$ car
$T_{r,j}\to X_j$ est plat (puisque quasi-étale), et notre affirmation est alors une conséquence de 6.4. En conséquence,
$\mathscr {Q}_{T_{r,j}\times _{X_j} {\sf B}_{\Sigma }(X_j)}\oslash _{X_j} \Sigma$ est
${\sf B}_{\Sigma }(X_j)$-plat en dimensions
$\geqslant n$.
Nous allons maintenant montrer les énoncés suivants :
(A) On a l’égalité
\[ f({\sf Q}(\mathscr{F}_{Y_j}/X_j)_{{\geq} n})\cup (S\cap X_j)= f({\sf Q}(\mathscr{Q}/X_j)_{{\geq} n}) \cup (S\cap X_j). \]
(B) Le faisceau cohérent
est\[ (\mathscr{F}\oslash_XS)_{Y_j\times_{X_j}{\sf B}_{\Sigma}(X_j)}\oslash_{X_j}\Sigma =\mathscr{F}_{Y_j\times_{X_j}{\sf B}_{\Sigma}(X_j)}\oslash_{X_j}\Sigma \]
${\sf B}_{\Sigma }(X_j)$-plat en dimensions
$\geqslant n$.
Avant de le faire, expliquons pourquoi ceci entraîne que $Y_j\to X_j$ satisfait l’énoncé 6.8.3, avec
$m=1, Z_1=X_j, S_1=\Sigma$, et en prenant comme domaine analytique de
$Y_j\times _{X_ j}{\sf B}_{\Sigma }(X_j)$ cet espace tout entier.
L'assertion (i) est une conséquence directe de (B). Les assertions (ii) et (iii) résultent de (A), du fait que $\Sigma$ est égal ensemblistement à
$(S\cap X_j)\cup f({\sf Q}(\mathscr {Q}/X_j)_{\geqslant n})$, et du fait que
${\sf B}_{\Sigma }(X_j) \to X_j$ induit un isomorphisme au-dessus de
$X_j\setminus \Sigma$ (ce qui entraîne que
$Y_j\times _{X_j}{\sf B}_{\Sigma }(X_j) \to Y_j$ induit un isomorphisme au-dessus de
$Y_j\setminus (Y_j\times _{X_j}\Sigma )$).
Vérifions enfin (iv). Donnons-nous un point $y$ sur
$(Y_j\times _X S) \cup {\sf Q}(\mathscr {F}_{Y_j}/X_j)_{\geqslant n}$ dont l'image
$x$ par
$f$ n'est pas adhérente à
![](https://static.cambridge.org/binary/version/id/urn:cambridge.org:id:binary:20210322154004198-0020:S0010437X20007459:S0010437X20007459_eqnU39.png?pub-status=live)
et montrons que $y$ appartient à l'image de
$Y_j\times _{X_j}{\sf E}_{\Sigma}(X_j)$. Le point
$x$ appartient à
$\Sigma$ par définition, et aucune composante irréductible de
$X_j$ contenue dans
$\Sigma$ ne passe par
$x$. En effet si c’était le cas cette composante serait contenue dans
$f({\sf Q}(\mathscr {F}_{Y_j}/X_j)_{\geqslant n})$, car
$S\cap X_j$ est un diviseur de Cartier de
$X_j$, et est en particulier d'intérieur vide dans
$X_j$, et
$x$ serait adhérent à
$f({\sf Q}(\mathscr {F}_{Y_j}/X_j)_{\geqslant n})\cap {\sf A}(X)$, en contradiction avec notre hypothèse.
Puisqu'aucune composante irréductible de $X_j$ contenue dans
$\Sigma$ ne passe par
$x$, le point
$x$ appartient à l'image de
${\sf E}_{\Sigma }(X_j) \to X_j$ (5.9.2) ; il en résulte que
$y$ appartient à l'image de de
$Y_j\times _{X_j}{\sf E}_{\Sigma}(X_j)$.
6.8.3.7 Preuve de l'assertion
$(\rm {A})$
Soit $\xi \in X_j$. La dimension de
$\mathrm {Supp}(\mathscr {P}_{r,T_{rj}})_\xi$ est strictement inférieure à
$n_r=n$, et on sait par ailleurs que
$u_{i,T_{ij}}$ est universellement
$X_j$-injectif pour
$i$ variant entre
$1$ et
$r-1$. En appliquant la proposition 4.12 d'une part au
$X_j$-dévissage à un cran
$\{T_{rj}, \mathrm {Id}, u_{r,T_{rj}}, \mathscr {L}_{r,T_{rj}}, \mathscr {P}_{r,T_{rj}}\}$ de
$\mathscr {Q}$ et d'autre part au
$X_j$-dévissage
$\mathscr {D}_j$ du faisceau cohérent
$(\mathscr {F}\oslash _XS)_{Y_j}$, on voit que les assertions suivantes sont équivalentes :
(a)
$\dim {\sf Q}(\mathscr {Q}/X_j)_\xi < n$ ;
(b)
$u_r$ est injectif en tout point de
$T_{rj,\xi }$ ;
(c)
$\dim {\sf Q}((\mathscr {F}\oslash _XS)_{Y_j}/X_j)_\xi < n$.
Si $\xi$ n'appartient pas à
$S$ l'assertion (c) équivaut simplement à demander que
$\dim {\sf Q}(\mathscr {F}_{Y_j}/ X_j)_\xi < n$. L’équivalence (a)
$\iff$(c) implique donc que
![](https://static.cambridge.org/binary/version/id/urn:cambridge.org:id:binary:20210322154004198-0020:S0010437X20007459:S0010437X20007459_eqnU40.png?pub-status=live)
d'où (A).
6.8.3.8 Preuve de
$({\rm B})$
On pose $\mathscr {G}=(\mathscr {F}\oslash _XS)_{Y_j}$. En procédant au changement de base
${\sf B}_{F}(X_j) \to X_j$ on se ramène, sans changer les propriétés du dévissage
$\mathscr {D}_j$, au cas où
$\Sigma$ est un diviseur de Cartier, où
${\sf B}_{\Sigma }(X_j) = X_j$ et où
$\mathscr {Q}\oslash _{X_j}\Sigma$ est
$X_j$-plat en dimensions
$\geqslant n$, et il suffit de démontrer que ceci entraîne la
$X_j$-platitude de
$\mathscr {G}\oslash _{X_j}\Sigma$ en dimensions
$\geqslant n$.
Comme $\mathscr {Q}\oslash _{X_j}\Sigma$ est
$X_j$-plat en dimensions
$\geqslant n$, il en va de même de
$\mathscr {P}_{r-1, T_{r-1,j}}\oslash _{X_j}\Sigma$ ([Reference DucrosDuc18], Lemma 4.1.15 (3)). Pour tout
$i$ compris entre
$1$ et
$r-1$, la suite exacte
![](https://static.cambridge.org/binary/version/id/urn:cambridge.org:id:binary:20210322154004198-0020:S0010437X20007459:S0010437X20007459_eqnU41.png?pub-status=live)
(en posant $T_{0j}=Y_j$ et
$\mathscr {P}_{0j}=\mathscr {G}$) induit d'après le lemme 5.5.3 (ii) de [Reference Raynaud and GrusonRG71] une suite exacte
![](https://static.cambridge.org/binary/version/id/urn:cambridge.org:id:binary:20210322154004198-0020:S0010437X20007459:S0010437X20007459_eqnU42.png?pub-status=live)
d'où un dévissage $\mathscr {D}'_j$ de
$\mathscr {G}\oslash _{X_j}\Sigma$ en dimensions
$n_1>\cdots >n_{r-1}$. Comme les applications linéaires qui le constituent sont injectives, et comme le faisceau cohérent
$\mathscr {P}_{r-1,T_{r-1,j}}\oslash _{X_j}\Sigma$ est
$X_j$-plat en dimensions
$\geqslant n$, il résulte de la proposition 4.12 que le faisceau cohérent
$\mathscr {G}\oslash _{X_j}\Sigma$ est
$X_j$-plat en dimensions
$\geqslant n$.
6.8.4 Preuve du cas général
Nous allons démontrer le cas général en procédant par récurrence descendante sur l'entier $n\leqslant d+1$. On suppose donc que le théorème est vrai pour tout entier strictement supérieur à
$n$ et inférieur ou égal à
$d+1$.
6.8.4.1 Le cas où
$n=d+1$
Comme les fibres du morphisme $\mathrm {Supp}(\mathscr {F})\to X$ sont toutes de dimension
$\leqslant d$, le faisceau
$\mathscr {F}$ est
$X$-plat en dimensions
$\geqslant d+1$. Par conséquent, les conclusions du théorème sont vérifiées par la famille constituée de l'unique couple
.
6.8.4.2 Le cas où
$n < d+1$
L'hypothèse de récurrence assure qu'il existe une famille finie $(S_i\hookrightarrow Z_i\to X)$ de diagrammes appartenant à
$\mathfrak {D}_{k,\Gamma }^{\leqslant d-n}$ et, pour tout
$i$, un domaine analytique compact et
$\Gamma$-strict
$Y_i$ de
$Y\times _X Z_i$, tels que les propriétés suivantes soient satisfaites :
(1*) pour tout
$i$, le faisceau cohérent
$(\mathscr {F}_{Y_i})\oslash _{Z_i}S_i$ est
$Z_i$-plat en dimensions
$\geqslant n+1$ ;
(2*) pour tout
$i$, l'ouvert
$Y_i\setminus (Y_i\times _{Z_i}S_i)$ de
$Y_i$ est contenu dans l'image réciproque de
$Y\setminus {\sf Q}(\mathscr {F}/X)_{\geqslant n+1}^{\mathrm {sat}}$ ;
(3*) pour tout
$i$, le fermé
$Y_i\times _{Z_i}S_i$ de
$Y_i$ est contenu dans l'image réciproque de
${\sf Q}(\mathscr {F}/X)_{\geqslant n+1}^{\mathrm {sat}}$ ;
(4*) la réunion des images des morphismes
$Y_i\to Y$ contient
$Y\setminus {\sf Q}(\mathscr {F}/X)_{\geqslant n+1}^{\mathrm {sat}}$ ;
(5*) la réunion des images des morphismes
$Y_i \times _{Z_i}S_i\to Y$ contient tout point de
${\sf Q}(\mathscr {F}/X)_{\geqslant n+1}$ dont l'image sur
$X$ n'est pas adhérente à
$f({\sf Q}(\mathscr {F}/X)_{\geqslant n+1}) \cap {\sf A}(X)$.
D'après les résultats de 6.8.3, il existe pour tout $i$ une famille finie
$[(Z_i^\ell , S_i^\ell , Y_i^\ell )]_{\ell }$ où :
(α)
$Z_i^\ell$ est pour tout
$\ell$ un espace
$k$-analytique compact et
$\Gamma$-strict muni d'un morphisme quasi-étale vers
$Z_i$, et
$S_i^\ell$ est un sous-espace analytique fermé de
$Z_i^\ell$ majorant
$Z_i^\ell \times _{Z_i}S_i$ ;
(β)
$Y_i^\ell$ est pour tout
$\ell$ un domaine analytique compact et
$\Gamma$-strict de
$Y_i\times _{Z_i}{\sf B}_{S_i^\ell }(Z_i^\ell )$, tel que
soit\[ \mathscr{F}_{Y_i^\ell}\oslash_{Z_i^\ell} {S_i^\ell}=(\mathscr{F}_{Y_i}\oslash_{Z_i}S_i)_{Y_i^\ell} \oslash_{Y_i^\ell}{S_i^\ell} \]
${\sf B}_{S_i^\ell }(Z_i^\ell )$-plat en dimensions
$\geqslant n$ ;
(γ) pour tout indice
$\ell$, l'image du morphisme
$Y_i^\ell \times _{Z_i^\ell }S_i^\ell \to Y_i$ est contenue dans
\[ {\sf Q}(\mathscr{F}_{Y_i}\oslash_{Z_i}S_i/Z_i)_{{\geq} n}^{\mathrm {sat}} \cup (Y_i\times_{Z_i}S_i). \]
(δ) la réunion pour
$\ell$ variable des images des morphismes
$Y^\ell _i\to Y_i$ contient
\[ Y_i\setminus ({\sf Q}(\mathscr {F}_{Y_i}\oslash _{Z_i}S_i/Z_i)_{\geqslant n}^{\mathrm {sat}} \cup (Y_i\times _{Z_i}S_i))\,; \]
si l'on note
$f_i$ le morphisme
$Y_i\to Z_i$, la réunion pour
$\ell$ variable des images des morphismes
$Y_i^\ell \times _{Z_i^\ell }S_i^\ell \to Y_i$ contient tout point de
dont l'image par\[ (Y_i\times_{Z_i}S_i)\cup {\sf Q}(\mathscr{F}_{Y_i}\oslash_{Z_i}S_i/Z_i)_{{\geq} n} \]
$f_i$ n'est pas adhérente à
\[ [(f_i(Y_i)\cap S_i)\cup f_i({\sf Q}(\mathscr{F}_{Y_i}\oslash_{Z_i}S_i/Z_i)_{{\geq} n})]\cap {\sf A}(Z_i). \]
La famille $[({\sf E}_{S_i^\ell }(Z_i^\ell )\hookrightarrow {\sf B}_{S_i^\ell }(Z_i^\ell )\to X, Y_i^\ell )]_{i,\ell }$ satisfait alors les conclusions du théorème. C'est en effet évident pour (1) qui découle de (
$\beta$), et on sait que (2) est alors automatiquement vérifiée (6.8.1). En ce qui concerne (3), soit
$y$ un point de
$Y\setminus {\sf Q}(\mathscr {F}/X)_{\geqslant n}^{\mathrm {sat}}$ ; il appartient a fortiori à
$Y\setminus {\sf Q}(\mathscr {F}/X)_{\geqslant n+1}^{\mathrm {sat}}$ et est donc égal d'après (4
$^\ast$) à l'image d'un point
$y'$ de
$Y_i$ pour un certain
$i$. Comme
$y$ n'appartient pas à
${\sf Q}(\mathscr {F}/X)_{\geqslant n+1}^{\mathrm {sat}}$, la condition (3
$^\ast$) entraîne que
$y'$ n'appartient pas à
$Y_i\times _{Z_i}S_i$ ; il est donc situé au-dessus du lieu de platitude de
$Z_i\to X$. Par conséquent, comme
$y$ n'appartient pas à
${\sf Q}(\mathscr {F}/X)_{\geqslant n}^{\mathrm {sat}}$, le point
$y'$ n'appartient pas à
${\sf Q}(\mathscr {F}_{Y_i}/Z_i)_{\geqslant n}^{\mathrm {sat}}$, et donc pas non plus à
${\sf Q}(\mathscr {F}_{Y_i}\oslash _{Z_i}S_i/Z_i)_{\geqslant n}^{\mathrm {sat}}$ car
$\mathscr {F}_{Y_i}\oslash _{Z_i}S_i$ coïncide avec
$\mathscr {F}_{Y_i}$ au-dessus de
$Z_i\setminus S_i$. Il s'ensuit que
$y'$ appartient en vertu de
$(\delta )$ à l'image de
$Y_i^\ell \to Y_i$ pour un certain
$\ell$, et
$y$ appartient dès lors à l'image de
$Y_i^\ell \to Y$.
Vérifions (4). Fixons un couple $(i,\ell )$, soit
$y$ un point de
$Y_i^\ell \times _{Z_i^\ell }S_i^\ell$ et soit
$\eta$ son image sur
$Y_i$. Il résulte de
$(\gamma )$ que
![](https://static.cambridge.org/binary/version/id/urn:cambridge.org:id:binary:20210322154004198-0020:S0010437X20007459:S0010437X20007459_eqnU47.png?pub-status=live)
On distingue maintenant deux cas : si $\eta$ appartient à
$Y_i\times _{Z_i}S_i$ il est alors situé d'après la propriété (3
$^\ast$) au-dessus de
${\sf Q}(\mathscr {F}/X)_{\geqslant n+1}^{\mathrm {sat}}$, et a fortiori au-dessus de
${\sf Q}(\mathscr {F}/X)_{\geqslant n}^{\mathrm {sat}}$ ; sinon
$\eta$ appartient à
${\sf Q}(\mathscr {F}_{Y_i}\oslash _{Z_i}S_i/Z_i)_{\geqslant n}^{\mathrm {sat}}$ et le même raisonnement que celui suivi pour la preuve de (3) montre alors que
$\eta$ est situé au-dessus de
${\sf Q}(\mathscr {F}/X)_{\geqslant n}^{\mathrm {sat}}$.
Montrons enfin (5). Soit $y$ un point de
$f({\sf Q}(\mathscr {F}/X)_{\geqslant n})$ dont l'image
$x$ sur
$X$ n'est pas adhérente à
$f({\sf Q}(\mathscr {F}/X)_{\geqslant n})\cap {\sf A}(X)$ ; nous allons prouver que le point
$y$ appartient à l'image de l'un des morphismes
$Y_i^\ell \times _{Z_i^\ell }S_i^\ell \to Y$.
Nous allons tout d'abord montrer qu'il existe $i$ tel que
$y$ possède un antécédent
$y'$ sur
$\Lambda _i:=(Y_i\times _{Z_i}S_i)\cup {\sf Q}(\mathscr {F}_{Y_i}\oslash _{Z_i}S_i/Z_i)_{\geqslant n}.$ On distingue pour ce faire deux cas.
Supposons que $x$ n'appartient pas à
$f({\sf Q}(\mathscr {F}/X)_{\geqslant n+1})$. Le point
$y$ n'appartient alors pas à
${\sf Q}(\mathscr {F}/X)_{\geqslant n+1}^{\mathrm {sat}}$. Il s'ensuit en vertu de (4
$^\ast$) qu'il existe un indice
$i$ et un point
$y'$ de
$Y_i$ situé au-dessus de
$y$. D'après (3
$^\ast$) le point
$y'$ n'appartient pas à
$Y_i\times _{Z_i}S_i$ ; il est situé par conséquent au-dessus du lieu de platitude de la flèche
$Z_i\to X$, si bien qu'il appartient à
${\sf Q}(\mathscr {F}_{Y_i}/Z_i)_{\geqslant n}$, et partant à
${\sf Q}(\mathscr {F}_{Y_i}\oslash _{Z_i}S_i/Z_i)_{\geqslant n}$ puisqu'il n'est pas situé au-dessus de
$S_i$. Il appartient donc bien à
$\Lambda _i$.
Supposons maintenant que $x$ appartient à
$f({\sf Q}(\mathscr {F}/X)_{\geqslant n+1})$. Puisque
$x$ n'est, par hypothèse, pas adhérent à
$f({\sf Q}(\mathscr {F}/X)_{\geqslant n})\cap {\sf A}(X)$, il n'est a fortiori pas adhérent à
$f({\sf Q}(\mathscr {F}/X)_{\geqslant n+1}) \cap {\sf A}(X)$ ; il résulte alors de (5
$^\ast$) qu'il existe un indice
$i$ et un antécédent
$y'$ de
$y$ sur
$Y_i\times _{Z_i}S_i\subset \Lambda _i$.
Fin de la démonstration. Soit $z$ l'image de
$y'$ sur
$Z_i$. Montrons que
$z$ n'est pas adhérent à
$f_i(\Lambda _i) \cap {\sf A}(Z_i)$. On raisonne par l'absurde, en supposant qu'il l'est. Comme
$S_i$ est un diviseur de Cartier de
$Z_i$, il ne rencontre pas
${\sf A}(Z_i)$, et
$z$ est donc adhérent à
$f_i({\sf Q}(\mathscr {F}_{Y_i}\oslash _{Z_i}S_i/Z_i)_{\geqslant n})\cap {\sf A}(Z_i\setminus S_i).$ Soit
$\zeta$ un point de
$f_i({\sf Q}(\mathscr {F}_{Y_i}\oslash _{Z_i}S_i/Z_i)_{\geqslant n})\cap {\sf A}(Z_i\setminus S_i)$. Par définition, le point
$\zeta$ possède un antécédent
$\eta$ par
$f_i$ situé sur
${\sf Q}(\mathscr {F}_{Y_i}\oslash _{Z_i}S_i/Z_i)_{\geqslant n}$ ; puisque
$\zeta$ n'appartient pas à
$S_i$, le point
$\eta$ appartient en fait à
${\sf Q}(\mathscr {F}_{Y_i}/Z_i)_{\geqslant n}$ ; et comme
$Z_i\to X$ est quasi-étale et en particulier plat en dehors de
$S_i$, ceci entraîne que l'image de
$\eta$ sur
$Y$ appartient à
${\sf Q}(\mathscr {F}/X)_{\geqslant n}.$ En conséquence, l'image
$\xi$ de
$\zeta$ sur
$X$ appartient à
$f({\sf Q}(\mathscr {F}/X)_{\geqslant n})$. Par ailleurs le point
$\zeta$ appartient à
${\sf A}(Z_i\setminus S_i)$, ce qui entraîne que
$\xi \in {\sf A}(X)$ (lemme 5.17). Il résulte de ce qui précède que
$x$ appartient à l'adhérence de
$f({\sf Q}(\mathscr {F}/X)_{\geqslant n})\cap {\sf A}(X)$, ce qui est absurde. Par conséquent,
$z$ n'appartient pas à l'adhérence de
$f_i(\Lambda _i)\cap {\sf A}(X)$. L'assertion
$(\varepsilon )$ assure alors que
$y'$ appartient à l'image de
$Y_i^\ell \times _{Z_i^\ell } S_i^\ell \to Y_i$ pour un certain
$\ell$, et
$y$ appartient de ce fait à l'image de
$Y_i^\ell \times _{Z_i^\ell } S_i^\ell \to Y$.
7 Applications
Lemme 7.1 Soit $Y\to X$ un morphisme entre espaces
$k$-analytiques, soit
$y$ appartenant à
${\sf A}(Y)$ et soit
$x$ son image sur
$X$.
(1) On a
$d_k(x)=d_k(y)-\dim _x Y_x$.
(2) Supposons de plus
$X$ réduit. Les assertions suivantes sont équivalentes :
(i) l'espace
$Y$ est
$X$-plat en
$y$ ;
(ii) on a
$\dim _y Y_x+\dim _x X=\dim _y Y$ ;
(iii) le point
$x$ appartient à
${\sf A}(X)$ ;
(iv) l'espace
$Y_{\mathrm {red}}$ est
$X$-plat en
$y$.
Demonstration Prouvons tout d'abord (1). Soit $U$ l'ouvert de Zariski de
$Y$ formé des points
$z$ tels que
$\dim _z Y_{f(z)}\leqslant \dim _y Y_x$ et
$\dim _z Y\leqslant \dim _y Y$ ; il contient
$y$. On a
$\dim _y Y=d_k(y)=d_{\mathscr {H}(x)}(y)+d_k(x)$, et si
$z$ est un point de
$U_x$ on a
![](https://static.cambridge.org/binary/version/id/urn:cambridge.org:id:binary:20210322154004198-0020:S0010437X20007459:S0010437X20007459_eqnU48.png?pub-status=live)
ce qui montre que le maximum de $d_{\mathscr {H}(x)}$ sur
$U_x$ est atteint en
$y$. Puisque
$\dim U_x$ est égal à
$\dim _y Y_x$ par définition de
$U$, il vient
$d_{\mathscr {H}(x)}(y)=\dim _y Y_x$ ; par conséquent
$d_k(x)=d_k(y)-d_{\mathscr {H}(x)}(y)=d_k(y)-\dim _y Y_x$.
Faisons l'hypothèse que $X$ est réduit, et montrons (2). Les implications (i)
$\Rightarrow$(ii) et (iii)
$\Rightarrow$(i) font partie des propriétés de base de la platitude rappelées en 1.14 et sq.
Supposons que (ii) est vraie. On a d'après (1) l’égalité $d_k(x)=d_k(y)-\dim _y Y_x$ et au vu de l'hypothèse (ii), elle entraîne que
$d_k(x)=\dim _xX$, c'est-à-dire que
$x\in {\sf A}(X)$, d'où (iii).
Ainsi les assertions (i), (ii) et (iii) sont-elles équivalentes. Comme la valeur de vérité de (iii) ne change pas si l'on remplace $Y$ par
$Y_{\mathrm {red}}$ on a également (i)
$\iff$(iv).
Le but de ce qui suit est de montrer un « théorème d’équidimensionalisation », fondé sur notre théorème principal mais ne nécessitant aucune hypothèse de platitude générique.
Lemme 7.2 Soit $f\colon Y\to X$ un morphisme d'espaces
$k$-analytiques. Supposons qu'il existe
$\delta$ tel que
$\Omega :=\{y\in Y, \dim _y f=\delta \}$ soit un ouvert de Zariski dense de
$Y$.
(1) On a
${\sf P}(Y/X) \subset \Omega$.
(2) On a
$Y\setminus \Omega ={\sf Q}(Y/X)_{\geqslant\delta +1}$.
(3) Si
$Y$ est équidimensionnel, l'ensemble
${\sf A}(Y)$ ne rencontre pas
${\sf Q}(Y/X)_{\geqslant\delta +1}^{\mathrm {sat}}$.
Demonstration Commençons par prouver (1). On peut remplacer $Y$ par
${\sf P}(Y/X)$, et partant supposer
$f$ plat. Posons
$\Omega =\{y\in Y, \dim _y f=\delta \}$ ; c'est par hypothèse un ouvert de Zariski dense de
$Y$ et il s'agit de démontrer que
$\Omega =Y$. Soit
$y\in Y$ et soit
$x$ son image sur
$X$. Soit
$Z$ une composante irréductible de
$X$ passant par
$x$. Il suffit de montrer que
$\dim _y (Y\times _X Z)_x=\delta$.
Soit $Z'$ l'ouvert de Zariski de
$X$ constitué des points de
$Z$ qui n'appartiennent à aucune autre composante irréductible de
$X$. L'intersection de
$Y\times _Z Z'$ avec
$\Omega$ est Zariski-dense dans
$Y\times _Z Z'$ (car ce dernier est un ouvert de Zariski de
$Y$). Par ailleurs
$Y\times _X Z'$ est Zariski-dense dans
$Y\times _X Z$ ; en effet
$Y\times _X Z\to Z$ est plat (pour donner un sens à cette affirmation il faut choisir une structure analytique sur
$Z$, par exemple sa structure réduite) et l'image sur
$Z$ de toute composante irréductible de
$Y\times _X Z$ est donc Zariski-dense dans
$Z$ et de ce fait rencontre
$Z'$, d'où notre assertion. Il s'ensuit que
$\Omega \cap (Y\times _Z Z')$ est dense dans
$Y\times _X Z$.
On peut donc remplacer $X$ par
$Z$, c'est-à-dire supposer que
$X$ est irréductible. Soit
$n$ sa dimension. Soit
$T$ une composante irréductible de
$Y$. Choisissons un point
$t$ de
$Y$ situé sur
$T\cap \Omega$ et n'appartenant à aucune autre composante irréductible de
$Y$ (c'est possible car
$\Omega$ est Zariski-dense dans
$Y$). On a alors
$\dim _t T_{f(t)}=\dim _t Y_{f(t)}=\delta$. Par platitude il vient
$\dim T=\dim _t Y=n+\delta$. Ceci valant pour tout
$T$, l'espace
$Y$ est purement de dimension
$n+\delta$. On en déduit à nouveau par platitude que la dimension relative de
$Y$ sur
$X$ est partout égale à
$\delta$, ce qui achève de montrer (1).
Montrons maintenant (2). Soit $y\in Y$. Si
$y$ appartient à
${\sf Q}(Y/X)_{\geqslant\delta +1}$ on a a fortiori
$\dim _y f\geqslant \delta +1$, et
$y$ n'appartient donc pas à
$\Omega$. Réciproquement, supposons que
$y$ n'appartient pas à
$\Omega$. Le point
$y$ vit alors sur une composante irréductible
$T$ de
$Y_{f(y)}$ de dimension
$\geqslant \delta +1$. L'assertion (1) déjà démontrée assure que
$T\subset {\sf Q}(Y/X)$, ce qui entraîne que
$y\in {\sf Q}(Y/X_{\geqslant \delta +1})$.
Montrons enfin (3). On suppose donc que $Y$ est purement de dimension
$m$ pour un certain
$m\geqslant 0$. Soit
$y\in {\sf A}(Y)$ et soit
$x$ son image sur
$X$. On a
$d_k(y)=m$, et par densité de
$\Omega$ dans
$Y$ on a
$\dim _y Y_x=\delta$ ; ceci entraîne que
$d_{\mathscr {H}(x)}(y)\leqslant \delta$ et qu'il existe
$z\in Y_x$ tel que
$d_{\mathscr {H}(x)}(z)=\delta$.
On a $d_k(x)=d_k(y)-\mathrm {d}_{\mathscr {H}(x)}(y)\geqslant m-\delta$, et
$d_k(x)=d_k(z)-\mathrm {d}_{\mathscr {H}(x)}(z)\leqslant m-\delta$ car
$d_k(z)\leqslant m$ puisque
$\dim Y=m$. Par conséquent,
$d_k(x)=m-\delta$. Pour tout
$t\in Y_x$ on a donc
![](https://static.cambridge.org/binary/version/id/urn:cambridge.org:id:binary:20210322154004198-0020:S0010437X20007459:S0010437X20007459_eqnU49.png?pub-status=live)
Ceci entraîne que $\dim Y_x\leqslant \delta$, et finalement que
$\dim Y_x=\delta$. En particulier,
$Y_x$ ne rencontre pas
${\sf Q}(Y/X)_{\geqslant\delta +1}$, et
$y$ n'appartient ainsi pas à
${\sf Q}(Y/X)_{\geqslant\delta +1}^{\mathrm {sat}}$.
Théorème 7.3 Soit $f\colon Y\to X$ un morphisme entre espaces
$k$-analytiques
$\Gamma$-stricts compacts. On suppose que l'application
$y\mapsto \dim _y f$ prend des valeurs comprises entre deux entiers
$\delta$ et
$d$ avec
$\delta \leqslant d$, et que la réunion des fibres de
$f$ de dimension
$\delta$ est dense dans
$Y$. Il existe une famille finie de couples
$[(S_i\hookrightarrow Z_i\to X, Y_i)]_i$ où
$S_i\hookrightarrow Z_i\to X$ est un diagramme appartenant à
$\mathfrak {D}_{k,\Gamma }^{\leqslant d-\delta }$ et où
$Y_i$ est un domaine analytique compact et
$\Gamma$-strict de
$Y\times _X Z_i$, qui satisfait les propriétés suivantes :
(1) pour tout
$i$, l'adhérence analytique
$Y'_i$ de
$Y_i\setminus Y_i\times _{Z_i}S_i$ dans
$Y_i$ est purement de dimension relative
$\delta$ sur
$Z_i$ ;
(2) la réunion des images des morphismes
$Y'_i\to Y$ est égale à
$Y$ ;
(3) la réunion des images des morphismes
$Y_i\times _{Z_i}S_i\to Y$ est contenue dans la réunion des fibres de
$f$ de dimension
$>\delta$, et contient
$\{y\in Y, \dim _y f>\delta \}$.
Remark 7.4 Les hypothèses du théorème sont notamment vérifiées lorsque les conditions suivantes sont satisfaites : $y\mapsto \dim _y f$ prend des valeurs comprises entre deux entiers
$\delta$ et
$d$, l'ouvert
$\{y\in Y, \dim _y f=\delta \}$ est dense dans
$Y$, et
$Y$ est équidimensionnel. En effet, si c'est le cas il résulte alors de l'assertion (3) du lemme 7.2 que
${\sf A}(Y)$ ne rencontre pas
${\sf Q}(Y/X)_{\geqslant\delta +1}^{\mathrm {sat}}$, ce qui signifie que pour tout
$y\in {\sf A}(Y)$, la fibre
$f^{-1}(f(y))$ évite
${\sf Q}(Y/X)_{\geqslant\delta +1}$ ; en vertu de l'assertion (2) du lemme 7.2, ceci revient à dire que
$f^{-1}(fy))$ est entièrement contenu dans
$\{y\in Y, \dim _y f=\delta \}$, soit encore que la fibre
$f^{-1}(f(y))$ est de dimension
$\delta$. La réunion des fibres de
$f$ qui sont de dimension
$\delta$ contient donc
${\sf A}(Y)$, et est par conséquent dense dans
$Y$.
Proof Démontration du théorème 7.3 Le théorème 6.6 appliqué lorsque $\mathscr {F}=\mathscr {O}_Y$ et
$n=\delta +1$ assure l'existence d'une famille finie de couples
$[(S_i\hookrightarrow Z_i\to X, Y_i)]_i$ où
$S_i\hookrightarrow Z_i\to X$ est un diagramme appartenant à
$\mathfrak {D}_{k,\Gamma }^{\leqslant d-\delta }$ et où
$Y_i$ est un domaine analytique compact et
$\Gamma$-strict de
$Y\times _X Z_i$, qui satisfait les propriétés suivantes :
(a) pour tout
$i$, l'adhérence analytique
$Y'_i$ de
$Y_i\setminus Y_i\times _{Z_i}S_i$ dans
$Y_i$ est plate en dimensions
$\geqslant \delta +1$ sur
$Z_i$ ;
(b) pour tout
$i$, l'ouvert
$Y_i\setminus Y_i\times _{Z_i}S_i$ de
$Y_i$ est contenu dans l'image réciproque de
$Y\setminus {\sf Q}(Y/X)_{\geqslant\delta +1}$ ;
(c) pour tout
$i$, le fermé
$Y_i\times _{Z_i}S_i$ de
$Y_i$ est contenu dans l'image réciproque de
${\sf Q}(Y/X)_{\geqslant\delta +1}^{\mathrm {sat}}$ ;
(d) la réunion des images des morphismes
$Y_i\to Y$ contient
$Y\setminus {\sf Q}(Y/X)_{\geqslant\delta +1}^{\mathrm {sat}}$ ;
(e) la réunion des images des morphismes
$Y_i\times _{Z_i}S_i\to Y$ contient tout point de
${\sf Q}(Y/X)_{\geqslant\delta +1}$ dont l'image sur
$X$ n'est pas adhérente à
${\sf A}(X)\cap f({\sf Q}(Y/X)_{\geqslant\delta +1})$.
Il suffit maintenant d'expliquer pourquoi ces propriétés entraînent (1), (2) et (3). Posons $\Omega =\{y\in Y,\dim _y f=\delta \}$. Sous nos hypothèses,
$\Omega$ est dense dans
$Y$ (il contient même un ensemble dense de fibres de
$f$) ; le lemme 7.2 (2) assure dès lors que
$\Omega$ est le complémentaire de
${\sf Q}(Y/X)_{\geqslant\delta +1}$ dans
$Y$ ; il s'ensuit que
${\sf Q}(Y/X)_{\geqslant\delta +1}^{\mathrm {sat}}$ est exactement la réunion des fibres de
$f$ de dimension
$>\delta$ ; compte-tenu de nos hypothèses, ceci entraîne la densité de
$Y\setminus {\sf Q}(Y/X)_{\geqslant\delta +1}^{\mathrm {sat}}$ dans
$Y$.
7.4.1 Preuve de
$(1)$
Comme $\Omega$ est le complémentaire de
${\sf Q}(Y/X)_{\geqslant\delta +1}$ dans
$Y$, la propriété (b) assure que
$Y_i\setminus Y_i\times _{Z_i}S_i$ est situé au-dessus de
$\Omega$ ; par conséquent,
$Y_i\setminus Y_i\times _{Z_i}S_i$ est purement de dimension relative
$\delta$ sur
$Z_i$.
Puisque l'ouvert $(Y_i\setminus Y_i\times _{S_i}Z_i)$ de
$Y'_i$ est analytiquement dense (et en particulier Zariski-dense) dans ce dernier, on déduit de (a) et du lemme 7.2 (2) que
$Y'_i$ est purement de dimension relative
$\delta$ sur
$Z_i$, et (1) est établie.
7.4.2 Preuve de
$(2)$
La conjonction de (c) et de (d) assure que la réunion des images des morphismes $Y_i\setminus (Y_i\times _{Z_i}S_i)\to Y$ contient
$Y\setminus {\sf Q}(Y/X)_{\geqslant\delta +1}^{\mathrm {sat}}$, dont on a vu plus haut que c’était un ouvert dense de
$Y$. Comme cette réunion est par ailleurs compacte, l'assertion (2) en résulte.
7.4.3 Preuve de
$(3)$
D'après la condition (c), la réunion des images des morphismes $Y_i\times _{Z_i}S_i\to Y_i$ est contenue dans
${\sf Q}(Y/X)_{\geqslant\delta +1}^{\mathrm {sat}}$, c'est-dire dans la réunion des fibres de
$f$ de dimension
$\delta$.
Soit $y$ un point de
$Y$ tel que
$\dim _y f>\delta$, c'est-à-dire tel que
$y\in {\sf Q}(Y/X)_{\geqslant\delta +1}$. On sait d'après la propriété (2) déjà établie que
$y$ possède un antécédent
$z$ sur
$Y'_i\subset Y_i$ pour un certain
$i$ ; et la propriété (b) implique que
$z\in Y_i\times _{Z_i}S_i$.
Si $f\colon Y\to X$ est un morphisme de type fini entre schémas noethériens avec
$X$ intègre et si l'ouvert de platitude de
$f$ est vide,
$f(Y)$ ne contient pas le point générique de
$X$, et est donc contenu dans un fermé de Zariski strict de
$X$.
En raison du « mauvais » comportement de la topologie de Zariski en géométrie analytique, le résultat analogue dans le monde des espaces de Berkovich est grossièrement faux (penser à l'immersion dans un gros bidisque $D$ d'une courbe
$C$ tracée sur un bidisque plus petit telle que
$\overline {C}^{D_{\mathrm {Zar}}}=D$, cf. par exemple [Reference DucrosDuc18], 4.4 pour un exemple un peu plus explicite). Mais on peut en un certain sens le « rendre vrai par éclatements et morphismes quasi-étales », comme en atteste le théorème 7.5 ci-dessous. Et cela nous permettra lors de la preuve du théorème 7.9 de procéder à une réduction au cas génériquement plat par récurrence sur la dimension du but, comme on le fait couramment en théorie des schémas.
Théorème 7.5 Soit $f\colon Y\to X$ un morphisme entre espaces
$k$-analytiques
$\Gamma$-stricts compacts, avec
$X$ réduit. On suppose que
$y\mapsto \dim _y f$ prend des valeurs comprises entre deux entiers
$\delta$ et
$d$ avec
$\delta \leqslant d$, et on fait l'hypothèse que
${\sf P}(Y/X) = \varnothing$. Il existe alors une famille finie de couples
$[(S_i\hookrightarrow Z_i\to X, Y_i)]_i$ où
$S_i\hookrightarrow Z_i\to X$ est un diagramme appartenant à
$\mathfrak {D}_{k,\Gamma }^{\leqslant d-\delta +1}$ et où
$Y_i$ est un domaine analytique compact et
$\Gamma$-strict de
$Y\times _X Z_i$, qui satisfait les propriétés suivantes :
(1) pour tout
$i$, l'image du morphisme
$Y_i\to Z_i$ est contenue dans
$S_i$ ;
(2) la réunion des images des morphismes
$Y_i\to Y$ est égale à
$Y$.
Demonstration Le théorème 6.6 appliqué avec $\mathscr {F}=\mathscr {O}_Y$ et
$n=\delta$ assure l'existence d'une famille finie de couples
$[(S_i\hookrightarrow Z_i\to X, Y_i)]_i$ où
$S_i\hookrightarrow Z_i\to X$ est un diagramme appartenant à
$\mathfrak {D}_{k,\Gamma }^{\leqslant d-\delta +1}$ et où
$Y_i$ est un domaine analytique compact et
$\Gamma$-strict de
$Y\times _X Z_i$, qui satisfait entre autres les propriétés suivantes :
(a) pour tout
$i$, l'ouvert
$Y_i\setminus Y_i\times _{Z_i}S_i$ de
$Y_i$ est contenu dans l'image réciproque de
$Y\setminus {\sf Q}(Y/X)_{\geqslant\delta }$ ;
(b) la réunion des images des morphismes
$Y_i\times _{Z_i}S_i\to Y$ contient tout point de
${\sf Q}(Y/X)_{\geqslant\delta }$ dont l'image sur
$X$ n'est pas adhérente à
${\sf A}(X)\cap f({\sf Q}(Y/X)_{\geqslant\delta })$.
Or comme ${\sf P}(Y/X)$ est vide et comme
$Y\to X$ est partout de dimension relative supérieure ou égale à
$\delta$, le fermé
${\sf Q}(Y/X)_{\geqslant\delta }$ de
$Y$ est égal à
$Y$ tout entier. Par conséquent, la propriété (a) équivaut à l'assertion (1) et la propriété (b) revient à dire que la réunion des images des morphismes
$Y_i\times _{Z_i}S_i\to Y$ contient tout point de
$Y$ dont l'image sur
$X$ n'est pas adhérente à
$f(Y)\cap {\sf A}(X)$. Mais comme
$X$ est réduit ,
$f^{-1}({\sf A}(X))$ est contenu dans
${\sf P}(Y/X)$ et ce dernier est vide par hypothèse. Il vient
$f(Y)\cap {\sf A}(X)=\varnothing$. L'assertion (2) s'en déduit.
Notre but est maintenant de donner une description générale des images de morphismes entre espaces $k$-analytiques compacts. Nous allons commencer par le cas génériquement plat.
Théorème 7.6 Soit $d$ un entier et soit
$f\colon Y\to X$ un morphisme entre espaces
$k$-analytiques compacts et
$\Gamma$-stricts, à fibres de dimension
$\leqslant d$. On suppose que
$X$ est réduit et que
${\sf P}(Y/X)$ est dense dans
$Y$. Il existe alors une famille finie
$(f_i\colon V_i\to X)$ de flèches de
$\mathfrak {A}_{k,\Gamma }^{\leqslant d+2}$ possédant les propriétés suivantes :
⋄ chacune des
$f_i$ admet une factorisation
$V_i\hookrightarrow Z_i\to X$ où
$Z_i\to X$ est une flèche de
$\mathfrak {A}_{k,\Gamma }^{\leqslant d+1}$ et où
$V_i$ est un domaine analytique compact et
$\Gamma$-strict de
$Z_i$ ;
⋄ l'image
$f(Y)$est la réunion des
$f_i(V_i)$.
De plus $f(Y)\cap {\sf A}(X)$ est dense dans
$f(Y)$.
Demonstration En appliquant le théorème 6.6 avec $\mathscr {F}=\mathscr {O}_Y$ et
$n=0$, on obtient l'existence d'une famille finie de couples
$[(S_i\hookrightarrow Z_i\to X, Y_i)]_i$ où
$S_i\hookrightarrow Z_i\to X$ est un diagramme appartenant à
$\mathfrak {D}_{k,\Gamma }^{\leqslant d+1}$ et où
$Y_i$ est un domaine analytique compact et
$\Gamma$-strict de
$Y\times _X Z_i$, telle que les propriétés suivantes (entre autres) soient satisfaites :
(1) pour tout
$i$, l'adhérence analytique
$Y'_i$ de
$Y_i\setminus (Y_i\times _{Z_i}S_i)$ dans
$Y_i$ est plate sur
$Z_i$ ;
(2) pour tout
$i$, le fermé
$Y_i\times _{Z_i}S_i$ de
$Y_i$ est contenu dans l'image réciproque de
${\sf Q}(Y/X)^{\mathrm {sat}}$ ;
(3) la réunion des images des morphismes
$Y_i\to Y$ contient
${\sf P}(Y/X)$.
7.6.1
Puisque ${\sf P}(Y/X)$ est dense dans
$Y$, il contient
${\sf A}(Y)$. Le lemme 7.1 assure alors que
$f({\sf A}(Y))\subset {\sf A}(X)$. Comme
${\sf A}(Y)$ est dense dans
$Y$, ceci entraîne que l'intersection
$f(Y)\cap {\sf A}(X)$ est dense dans
$f(Y)$.
7.6.2
Soit $y\in {\sf A}(Y)$. Par ce qui précède
$f(y)\in {\sf A}(X)$ ; comme
$X$ est réduit, il en résulte que
$f$ est plat en tout point de
$f^{-1} (f(y))$, si bien que
$y\notin {\sf Q}(Y/X)^{\mathrm {sat}}$. Il s'ensuit que
$Y\setminus {\sf Q}(Y/X)^{\mathrm {sat}}$ est dense dans
$Y$.
7.6.3
Soit $y$ un point de
$Y$ n'appartenant pas à
${\sf Q}(Y/X)^{\mathrm {sat}}$. Le point
$y$ est en particulier situé sur
${\sf P}(Y/X)$, et est par conséquent d'après (3) égal à l'image d'un point
$y'$ de
$Y_i$ pour un certain
$i$. Et puisque
$y$ n'appartient pas à
${\sf Q}(Y/X)^{\mathrm {sat}}$, la propriété (2) assure que
$y'$ n'est pas situé sur
$Y_i\times _{Z_i}S_i$ ; il appartient dès lors à
$Y'_i$.
Par ce qui précède, le sous-ensemble $Y\setminus {\sf Q}(Y/X)^{\mathrm {sat}}$ de
$Y$ est contenu dans la réunion des images des morphismes
$Y'_i\to Y$. Cette réunion est compacte, et
$Y\setminus {\sf Q}(Y/X)^{\mathrm {sat}}$ est dense dans
$Y$ en vertu de 7.6.2. Il s'ensuit que la réunion des images des morphismes
$Y'_i\to Y$ est égale à
$Y$ tout entier ; de ce fait,
$f(Y)$ est la réunion des images des morphismes
$Y'_i\to X$.
7.6.4
Pour tout $i$, la flèche
$Y'_i\to X$ admet une factorisation
$Y'_i\to Z_i\to X$ avec
$Y'_i\to Z_i$ plat ; l'image
$V_i$ de
$Y'_i\to Z_i$ est un domaine analytique
$\Gamma$-strict de
$Z_i$, et le morphisme composé
$V_i\hookrightarrow Z_i\to X$ est donc une flèche de
$\mathfrak {A}_{k,\Gamma }$, que l'on note
$f_i$. Par ailleurs, puisque
$S_i\hookrightarrow Z_i\to X$ appartient à
$\mathfrak {D}_{k,\Gamma }^{\leqslant d+1}$, le morphisme
$Z_i\to X$ appartient à
$\mathfrak {A}_{k,\Gamma }^{\leqslant d+1}$, et
$V_i\to Z_i\to X$ appartient à
$\mathfrak {A}_{k,\Gamma }^{\leqslant d+2}$. Comme
$f(Y)$ est la réunion des images des morphismes
$Y'_i\to X$, c'est aussi la réunion des
$f_i(V_i)$.
7.7
Nous désignons par $\mathfrak {B}_{k,\Gamma }$ la classe des morphismes
$Y\to X$ d'espaces
$k$-analytiques admettant une factorisation
![](https://static.cambridge.org/binary/version/id/urn:cambridge.org:id:binary:20210322154004198-0020:S0010437X20007459:S0010437X20007459_eqnU50.png?pub-status=live)
où les $X_i$ sont tous compacts,
$\Gamma$-stricts et réduits et où
$X_i\to X_{i-1}$ est pour tout
$i$ ou bien un éclatement, ou bien un morphisme quasi-étale, ou bien une immersion fermée.
7.8
Soit $f\colon Y\to X$ une flèche de
$\mathfrak {A}_{k,\Gamma }$ avec
$X$ réduit. C'est alors une flèche de
$\mathfrak {B}_{k,\Gamma }$. En effet, par définition de
$\mathfrak {A}_{k,\Gamma }$ la flèche
$f\colon Y\to X$ admet une factorisation
$Y=X_n\to X_{n-1}\to \cdots \to X_0=X$ où les
$X_i$ sont tous compacts et
$\Gamma$-stricts et où
$X_i\to X_{i-1}$ est pour tout
$i$ ou bien un éclatement, ou bien un morphisme quasi-étale. Il suffit pour conclure de s'assurer que chacun des
$X_i$ est réduit. Or c'est évident car la source d'un éclatement (resp. d'un morphisme quasi-étale) de but réduit est encore un espace réduit.
Théorème 7.9 Soit $f\colon Y\to X$ un morphisme entre espaces
$k$-analytiques compacts et
$\Gamma$-stricts, avec
$X$ réduit. Soit
$Z$ l'adhérence de
${\sf P}(Y/X)$ dans
$Y$.
(1) Il existe une famille finie
$(f_i\colon V_i\to X)$ de flèches de
$\mathfrak {B}_{k,\Gamma }$ telles que
$f(Y)$ soit égale à
${\bigcup} _i f_i(V_i)$.
(2) L'adhérence de
$f(Y)\cap {\sf A}(X)$ dans
$X$ est égale à
$f(Z)$.
Remark 7.10 Seul intervient dans l’énoncé le fermé ensembliste $Z$ ; il n'est donc pas nécessaire de spécifier une structure analytique sur celui-ci. Remarquons toutefois que si l'on en choisit une (par exemple la structure réduite, ou celle d'adhérence analytique de
${\sf P}(Y/X)$) alors
${\sf P}(Z/X)$ est dense dans
$Z$ (et
$f(Z)$ est donc de la forme décrite par le théorème 7.6). Pour le voir, on commence par remarquer que l'ouvert
${\sf P}(Z/X)$ est dense dans
$Z$ si et seulement s'il contient
${\sf A}(Z)$, ce qui grâce au caractère réduit de
$X$ et en vertu du le lemme 7.1 est indépendant de la structure analytique choisie sur
$Z$. Munissons donc celui-ci de la structure qui en fait l'adhérence analytique de
${\sf P}(Y/X)$. Dans ce cas
${\sf P}(Y/X)$ s'identifie à un ouvert dense de l'espace
$Z$ qui est plat sur
$X$, d'où notre assertion.
Proof Démonstration du théorème 7.9 On montre les énoncés (1) et (2) séparément.
7.10.1 Preuve de
$(1)$
Soit $(X_i)$ une famille finie de sous-espaces analytiques fermés réduits de
$X$ recouvrant
$X$. Il suffit de montrer le théorème pour chacun des morphismes
$Y\times _X X_i\to X_i$, ce qui permet de se ramener au cas où
$X$ est purement de dimension
$n$ pour un certain
$n\geqslant 0$. On raisonne maintenant par récurrence sur
$n$.
Si $n=0$ alors
$X$ consiste en un ensemble fini de points rigides, et
$f(Y)$ aussi. Par conséquent
$f(Y)$ est un fermé de Zariski de
$X$ (et également un domaine analytique compact et
$\Gamma$-strict de
$X$), et le théorème est donc démontré dans ce cas.
On suppose maintenant que $n>0$. On peut raisonner composante par composante sur
$Y$ (en munissant chaque composante d'une structure analytique arbitraire) et donc se ramener au cas où celui-ci est irréductible. On distingue maintenant deux cas.
7.10.1.1 Supposons que
${\sf P}(Y/X)$ est non vide
Dans ce cas ${\sf P}(Y/X)$ est dense dans
$Y$ et le théorème est alors une conséquence du théorème 7.6 (et on peut même demander que les
$f_i$ soient des flèches de
$\mathfrak {A}_{k,\Gamma }$).
7.10.1.2 Supposons que
${\sf P}(Y/X)$ est vide
Nous pouvons alors appliquer le théorème 7.5. Il assure en particulier l'existence d'une famille finie $(Z_i\to X)_i$ de flèches de
$\mathfrak {A}_{k,\Gamma }$ et, pour chaque
$i$, d'un domaine analytique compact et
$\Gamma$-strict
$Y_i$ de
$Y\times _X Z_i$ et d'un diviseur de Cartier
$S_i$ de
$Z_i$ tels que les deux propriétés suivantes soient satisfaites :
⋄ pour tout
$j$, l'image du morphisme
$Y_i\to Z_i$ est contenue dans
$S_i$ ;
⋄ la réunion des images des morphismes
$Y_i\to Y$ est égale à
$Y$.
L'ensemble $f(Y)$ est alors égal à la réunion des images des morphismes composés
$Y_i\to Y \to X$. Fixons
$i$. Par construction,
$Y_{i,\mathrm {red}}\to X$ se factorise par
$S_{i,\mathrm {red}}$. L'espace
$Z_i$ est purement de dimension
$n$ (parce que c'est le cas de
$X$, et en vertu de 5.9.2). En tant que diviseur de Cartier de l'espace
$Z_i$, l'espace
$S_i$ est alors purement de dimension
$n-1$. L'hypothèse de récurrence assure donc l'existence d'une famille finie
$(T_{ij}\to S_{i,\mathrm {red}})_j$ de flèches de
$\mathfrak {B}_{k,\Gamma }$ telles que l'image de
$Y_{i,\mathrm {red}}\to S_{i,\mathrm {red}}$ soit la réunion des images des morphismes
$T_{ij}\to S_{i,\mathrm {red}}$ pour
$j$ variable.
Il résulte de ce qui précède que $f(Y)$ est la réunion des images des morphismes composés
![](https://static.cambridge.org/binary/version/id/urn:cambridge.org:id:binary:20210322154004198-0020:S0010437X20007459:S0010437X20007459_eqnU51.png?pub-status=live)
pour $i$ et
$j$ variables. Or ces morphismes composés appartiennent à
$\mathfrak {B}_{k,\Gamma }$ par construction, ce qui achève de démontrer (1).
7.10.2 Montrons maintenant (2)
Soit $x\in f(Y)\cap {\sf A}(X)$. Comme
$X$ est réduit, la fibre
$f^{-1}(x)$ est contenue dans
${\sf P}(Y/X)\subset Z$ ; puisque cette fibre est non vide par hypothèse,
$x\in f(Z)$. Ainsi,
$f(Y)\cap {\sf A}(X)=f(Z)\cap {\sf A}(X)$.
D'autre part, soit $y$ un point de
${\sf A}(Y)$ situé sur
$Z$. Il appartient à
${\sf P}(Y/X)$ par définition de
$Z$, et
$f(y)$ appartient donc à
${\sf A}(X)$ par le lemme 7.1. Comme
${\sf A}(Y)\cap Z$ est dense dans
$Z$ il en résulte que
$f(Z)\cap {\sf A}(X)=f(Y)\cap {\sf A}(X)$ est dense dans
$f(Z)$, ce qui achève de démontrer (2).
7.11 Commentaires
L'intérêt d’écrire $f(Y)$ comme réunion des
$f_i(V_i)$ est que chacun des morphismes
$f_i\colon V_i\to X$ est a priori nettement plus simple que
$f$, étant composé d’éclatements, morphismes quasi-étales et immersions fermées (notons que ceci entraîne que
$\dim V_i\leqslant \dim X$, indépendamment de la dimension de
$Y$). On peut certes juger que le gain reste limité, les
$f_i(V_i)$ ne semblant malgré tout pas si aisés à appréhender. Mais il y a néanmoins des chances que ce résultat soit à peu près optimal : un certain nombre de travaux de théorie des modèles, dont nous discutons ci-dessous, laissent en effet penser qu'il y a peu d'espoir d'obtenir une description beaucoup plus tangible des images de morphismes.
7.12 Liens avec les travaux de Cluckers, Lipshitz, Robinson,
$\ldots$
Les images de morphismes arbitraires entre espaces strictement $k$-analytiques compacts ont déjà fait l'objet de nombreux travaux du point de vue de la théorie des modèles ([Reference LipshitzLip93], [Reference SchoutensSch94], [Reference Lipshitz and RobinsonLR00], [Reference Cluckers and LipshitzCL17], …), qui abordent le problème sous l'angle de l’élimination des quantificateurs.
Plus précisément, faisons l'hypothèse que $k$ est algébriquement clos non trivialement valué, et considérons le langage
$\mathcal {L}_k^{\mathrm {an}}$ obtenu à partir du langage
$\mathcal {L}:=(+,\times , 0,1, x\mapsto x^{-1}, |)$ des corps valués en lui adjoignant un symbole pour chaque série convergente appartenant à
$k\{T_1,\ldots , T_n\}$ (pour
$n$ variable). Le corps
$k$ s'interprète naturellement comme une structure pour
$\mathcal {L}_k^{\mathrm {an}}$, et il est naturel de se demander si, à l'instar de acvf, la théorie de
$k$ admet l’élimination des quantificateurs dans le langage
$\mathcal {L}_k^{\mathrm {an}}$. La réponse est négative ; on trouvera un contre-exemple à la section 4 de [Reference Cluckers and LipshitzCL17]. Mais on peut montrer l'existence d'une famille
$\mathcal {F}=(\mathcal {F}_{nm})_{(n,m)}$ où
$\mathcal {F}_{nm}$ est pour tout
$(n,m)$ un ensemble de fonctions
$k$-analytiques bornées sur le produit du polydisque unité fermé de dimension
$n$ par le polydisque unité ouvert de dimension
$m$, telle que :
⋄
$\mathcal {F}_{n0}=k\{T_1,\ldots , T_n\}$ pour tout
$n$ ;
⋄ dans le langage
$\mathcal {L}^{\mathcal {F}}\supset \mathcal {L}_k^{\mathrm {an}}$ obtenu en adjoignant à
$\mathcal {L}$ un symbole par élément de
$\mathcal {F}_{nm}$ (pour
$(n,m)$ variable), la théorie de
$k$ admet l’élimination des quantificateurs.
La preuve initiale de ce fait est due à Lipshitz ([Reference LipshitzLip93], thm. 3.8.2), mais la famille $\mathcal {F}=(\mathcal {F}_{nm})$ dont il montre l'existence n'est ni canonique ni vraiment explicite. Dans le travail plus récent [Reference Cluckers and LipshitzCL17], Cluckers et Lipshitz construisent une autre famille
$(\mathcal {F}_{nm})$ satisfaisant aux exigences ci-dessus bien plus aisée à appréhender : en gros,
$\mathcal {F}_{nm}$ s'obtient en adjoignant à
$k\{T_1,\ldots , T_n, S_1,\ldots , S_m\}$ les solutions dans
$k\{T_1,\ldots , T_n\}[\![S_1,\ldots , S_m]\!]$ de certains « systèmes polynomiaux henséliens » à coeffcients dans
$k\{T_1,\ldots , T_n,S_1,\ldots , S_m\}$ (voir la section 3 de [Reference Cluckers and LipshitzCL17] pour davantage de détails) ; désignons par
$\mathcal {L}^{\mathrm h}_k$ le langage
$\mathcal {L}^{\mathcal {F}}$ lorsque
$\mathcal {F}$ est la famille de Cluckers et Lipshitz.
Nous pensons (mais nous ne l'avons pas vérifié) que le théorème 7.9 ci-dessus est essentiellement (lorsque $k$ est algébriquement clos non trivialement valué et lorsque
$\Gamma =\{1\}$) une reformulation géométrique de l’élimination des quantificateurs dans
$\mathcal {L}_k^{\mathrm h}$, les systèmes polynomiaux henséliens de Cluckers et Lipshitz devant peu ou prou correspondre à nos morphismes quasi-étales. Le contre-exemple de [Reference Cluckers and LipshitzCL17] évoqué plus haut suggère qu'on ne peut pas se passer des systèmes polynomiaux henséliens pour avoir élimination des quantificateurs, et donc qu'on ne peut sans doute pas se passer des morphismes quasi-étales pour décrire les images de morphismes et ni sans doute, par voie de conséquence, pour aplatir les faisceaux cohérents.
Signalons pour terminer que si l'on note $\mathcal {L}^{\dagger}ger _k$ le langage obtenu en adjoignant à
$\mathcal {L}$ un symbole pour chaque série surconvergente de
$k\{T_1,\ldots , T_n\}$ (pour
$n$ variable) alors la théorie de
$k$ dans le langage
$\mathcal {L}^{\dagger}ger _k$ admet l’élimination des quantificateurs. C'est un résultat établi par Schoutens dans [Reference SchoutensSch94], dont Florent Martin a donné une formulation et une preuve géométriques ([Reference MartinMar16], thm. 1.35) ; notre théorème 7.9 est en quelque sorte au langage
$\mathcal {L}_k^{\mathrm h}$ ce que celui de Martin est au langage
$\mathcal {L}_k^{\dagger}ger$.
Remerciements
Je tiens à manifester ma reconnaissance aux rapporteurs anonymes pour leur lecture très attentive du manuscrit et les corrections qu'ils ont suggérées.