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L’effacement du droit au consentement préalable, libre et éclairé des peuples autochtones dans le discours des juges interaméricains

Published online by Cambridge University Press:  30 December 2019

Doris Farget*
Affiliation:
Sciences juridiques Université du Québec à Montréalfarget.doris@uqam.ca
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Résumé

En se basant sur les travaux de Sally Engle Merry, cet article étudie le parcours du droit au consentement préalable, libre et éclairé des peuples autochtones en droit interaméricain, et met en lumière les dynamiques de glissement, d’effacement et de confusion qui opèrent entre cette norme et le droit à la consultation active. En prenant en considération le contexte d’intervention des instances interaméricaines, l’article met en lumière la vulnérabilité des juges interaméricains dans leur rôle de « traducteurs » et identifie des pistes de réflexion quant aux répercussions de ces glissements discursifs sur les relations entre les peuples autochtones et les États.

Abstract

Drawing upon Sally Engle Merry’s research, this article considers the path of the right to free, prior and informed consent of indigenous peoples in inter-American law. By doing so, it highlights discursive shift, dynamics of erasure and confusion between this right and the duty to actively consult indigenous peoples. Taking into account the context of intervention of the Inter-American Commission and Court, this article emphasizes judges’ vulnerability as “translators” and initiates reflection about the effects of this discursive shift on the relationship between indigenous peoples and member states.

Type
Articles
Copyright
Copyright © Canadian Law and Society Association / Association Canadienne Droit et Société 2019 

Introduction

Le nouveau réalisme juridique permet de considérer d’un regard neuf l’utilisation, la circulation, et les formes de résistances rencontrées par les droits humains au travers, notamment, du processus de vernacularisation Footnote 1. Ce dernier est ainsi défini par Sally Engle Merry :

They [human rights] are created through diverse social movements in many parts of the world and crystallized into a form of symbolically universal law under the supervision of the UN and its human rights organizations. This law-like form is then reappropriated by myriad civil society organizations and translated into terms that make sense in their local communities. This is the process of vernacularization: the extraction of ideas and practices from the universal sphere of international organizations, and their translation into ideas and practices that resonate with the values and ways of doing things in local contexts.Footnote 2

Cette circulation est rendue possible grâce à l’intervention de divers « intermédiaires » ou « traducteurs », acteurs importants dans ce processus.

Intermediaries or translators work at various levels to negotiate between local, regional, national, and global systems of meaning. Translators refashion global rights agendas for local contexts and reframe local grievances in terms of global human rights principles and activities […] Translators are both powerful and vulnerable. They work in a field of conflict and contradictions, able to manipulate others who have less knowledge than they do but still subject to exploitation by those who installed them. As knowledge brokers, translators channel the flow of information but they are often distrusted, because their ultimate loyalties are ambiguous and they may be double agents Footnote 3.

Selon Merry, malgré ce statut de passeurs ou de médiateurs des normes internationales, les traducteurs ne parviennent pas toujours à leurs fins. « New ideas and practices may be ignored, rejected, or folded into pre-existing institutions to create a more hybrid discourse and organization »Footnote 4.

L’importance des traducteurs dans le processus de vernacularisation a été soulignée par Merry en référence au rôle des Organisations non gouvernementales (ONG) à l’échelle locale. Sans vouloir minimiser ce rôle au sein du système interaméricain, cette dimension me paraît également éclairante pour comprendre les « consciences […] changeantes des droits et des relations »Footnote 5 au sein de celui-ci. Plus précisément, ce parallèle me paraît pertinent pour examiner et expliquer les usages et les formes de résistance latentes qui émergent à l’égard du droit au consentement libre, préalable et éclairé des peuples autochtones [ci-après, le droit au consentement] et que laisse transparaître le discours des juges et des commissaires interaméricains depuis 2007. Ceci se justifie d’autant plus que « A new legal realist approach to the human rights system […] would emphasize the significance of local cultural understandings of law and the importance of analyzing the social contexts of its creation and implementation »Footnote 6.

L’analyse du discours interaméricain sous le prisme du travail des traducteurs permet d’observer le parcours du droit au consentement au sein du système, de mettre en lumière et d’expliquer les glissements discursifs, la confusion qui s’opèrent entre ce droit et le droit à la consultation active, informée et culturellement adaptée dans le but de parvenir à une entente [par la suite, le droit à la consultation active], voire même l’effacement du premier droit au profit du second. Cette étude de discours démontre que les juges et les commissaires traduisent de façon située les droits humains, à leur propre échelle, à l’intérieur d’un contexte politique dynamique et façonné par des luttes de pouvoirFootnote 7. C’est à ce titre qu’ils peuvent être qualifiés de traducteurs.

Le système interaméricain est l’un des trois systèmes régionaux de protection des droits humains dans le monde, et le plus ancien. Développé dans le cadre de l’Organisation des États Américains (OEA), il a été fondé en 1948 lors de l’adoption de la Charte de BogotaFootnote 8. Au sein de cette organisation interétatique, deux organes distincts ayant pour mission de veiller à la mise en œuvre des droits civils, politiques, économiques, sociaux et culturels ont vu le jour, œuvrant l’un comme l’autre à l’élaboration du droit interaméricainFootnote 9. Il s’agit, d’une part, de la Commission interaméricaine des droits humains [ci-après, la Commission], créée en 1959 en vertu de la Charte de Bogota et, d’autre part, de la Cour interaméricaine des droits humains [ci-après, la Cour], mise sur pied en 1979 en vertu de la Convention américaine des droits de l’homme [ci-après, la Convention]Footnote 10. Établie à Washington, la Commission occupe des fonctions politiques et juridictionnelles. Elle contrôle notamment la mise en œuvre, par les 35 États membres, de la Déclaration américaine sur les droits et les devoirs de l’homme [ci-après, la Déclaration américaine]Footnote 11, document signé par tous les États membres et source d’obligations juridiques pour euxFootnote 12. Quant à elle, la Cour, basée à San José (Costa Rica), est un tribunal régional contrôlant la mise en œuvre de la Convention américaine. Sa compétence a été reconnue par de nombreux États d’Amérique centrale et du Sud, mais non par les États-Unis et le CanadaFootnote 13. À titre d’instances de contrôle de la mise en œuvre des droits en vigueur, juges et commissaires interaméricains « tissent le droit »Footnote 14 au travers de leurs interprétations et de celles des parties à une cause, toutes étant, d’une part, imprégnées par des valeurs et des représentations et, d’autre part, négociées au sein d’un contexte politique et social.

Selon Claudio Grossman, le système interaméricain a traversé trois phases depuis sa création, celle des régimes dictatoriaux, celle de l’essor des démocraties et, actuellement, celle des enjeux d’inégalité, d’exclusion et de pauvretéFootnote 15. C’est dans cette troisième phase que s’inscrivent tant l’émergence du droit à la participation publique des peuples autochtones que celle du droit au consentementFootnote 16.

Dans les rapports et jugements interaméricains, le droit à la participation publique des peuples autochtones aux processus de prise de décision relatifs à l’exploitation des terres ancestrales, des territoires et des ressources a été associé à deux normes distinctes, celle du droit à la consultation active et celle du droit au consentement. Bien que la définition du droit au consentement fasse encore débatFootnote 17, le premier fait de l’obtention du consentement une obligation de moyen alors que le second la change en obligation de résultat lorsque « les effets sur la vie ou les terres des peuples autochtones sont directs et sensibles »Footnote 18. Alors qu’en 2007, dans l’affaire Saramaka peoples c. Suriname [ci-après, l’affaire Saramaka], la Cour reconnaissait, dans certaines circonstances, le droit au consentementFootnote 19, et que cette position a été réitérée en 2009 et en 2016 par la CommissionFootnote 20, il n’en demeure pas moins qu’à partir de 2012 et de l’affaire Kichwa indigenous peoples of Sarayaku c. Équateur [ci-après, l’affaire Sarayaku], la Cour évoque uniquement le droit à la consultation activeFootnote 21. La référence au droit au consentement disparaît alors du discours des juges, bien que les faits soient similaires et que les deux cas aient été tranchés sur la base du droit de propriété, protégé à l’article 21 de la Convention américaine, dont résulte le droit à la participation publique des peuples autochtones. Le peuple Saramaka dénonçait la violation de son droit au territoire et aux ressources naturelles en raison des effets continus produits par la construction, en 1960, du barrage hydroélectrique d’Afobaka, sur la rivière Suriname, qui avait inondé une grande partie des terres occupées par ce peuple et conduit au déplacement de ses membres. Ce peuple témoignait également des effets de l’exploitation aurifère et forestière sur l’accès au territoire et sur son utilisation, notamment la pollution environnementale et la contamination des sources d’eau potable. Il dénonçait aussi les impacts potentiels liés à un projet qui consistait à rehausser le niveau du barrageFootnote 22. Quant à lui, le peuple Kichwa, établi au sein de la forêt amazonienne, dénonçait les effets d’un contrat de partenariat conclu entre l’État et des compagnies en vue de l’exploration des hydrocarbures et du pétrole brut sur une grande partie du territoire – un territoire sur lequel ce peuple possède des droits d’occupation octroyés par l’État en 1992. Outre qu’elle avait creusé plus de 400 puits, l’une des compagnies avait aussi placé des explosifs dans le territoire et détruit plusieurs sites sacrés ou d’importance, sans consultation préalable et de bonne foi des membres du peuple Kichwa. Dans ce contexte, l’État avait plutôt laissé le soin de la consultation aux compagnies privées impliquées dans le projet. Elles-mêmes avaient tenté d’obtenir le consentement de certains membres de ce peuple par le biais de négociations faussées par la proposition d’échange de services ou d’argent, par la présence de forces armées sur le territoire et par le biais de tentatives visant à rompre la cohésion sociale de ce peupleFootnote 23.

Les questions suivantes se posent alors : Comment la Cour parvient-elle à cet effacement ou à ce glissement discursif? Est-ce accidentel ou est-ce la résultante de rapports de force? Comment le statut de traducteur exposé par Merry contribue-t-il à expliquer ce glissement, dans un contexte où, par ailleurs, tant la Commission que la Cour affichent un souci de renforcer l’équité des décisions publiques vis-à-vis des peuples autochtones? Quelles sont les répercussions de ce glissement sur le statut politique des peuples autochtones et sur le pouvoir transformatif des instances interaméricaines quant à la relation que les États membres entretiennent avec les peuples autochtones du continent?

Cet article a un caractère exploratoire, visant à mettre en lumière une transformation importante du discours de la Cour interaméricaine peu signalée ni documentée. Il aspire également à expliquer, d’un point de vue sociojuridique et à travers quelques pistes de réflexion, cette transformation et les répercussions qu’elle entraine. Il n’a cependant pas pour ambition de présenter une analyse exhaustive du droit à la participation publique des peuples autochtones ou de leur droit au consentement en contexte interaméricain.

Je présenterai donc d’abord le parcours du droit au consentement au sein du système interaméricain et les dynamiques d’effacement et de glissement qui le caractérisent (1). Pour éclairer ces dynamiques au sein du processus de production et d’interprétation du droit par les juges interaméricains, je m’appuierai ensuite sur « le statut de traducteur » et sur certains éléments du contexte politique qui influencent leur intervention (2). Je présenterai enfin certaines répercussions de ce glissement sur les relations entre les États membres et les peuples autochtones (3).

1. Le parcours du droit au consentement en contexte interaméricain et ses dynamiques d’effacement, de glissement ou de confusion

Déjà présent dans le discours de plusieurs groupes autochtones investis dans la rédaction de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones (DNUDPA)Footnote 24 ou requérants au sein du système interaméricainFootnote 25, le droit au consentement a été énoncé pour la première fois par la Commission interaméricaine en 2002Footnote 26 et mentionné par la Cour interaméricaine en 2006Footnote 27. Ce n’est qu’en 2007, dans l’affaire Saramaka, que la Cour le met en œuvre dans certaines circonstances afin de garantir le droit à la participation publique des peuples autochtones dans les processus de prise de décision concernant leurs terres, territoires et ressources. Dans cette affaire, elle considérait que les peuples autochtones détenaient ce droit dans un contexte bien spécifique, celui de l’émergence d’un projet de développement d’envergure ayant des impacts significatifs sur leurs territoires. En de telles circonstances, seule l’obtention du consentement de la nation ou de la communauté autochtone impactée permettait à l’État d’adopter des mesures limitant le droit à la propriété collective de ces dernières sur leurs terres, territoires et ressources. À cette époque, bien que reconnaissant que des analyses supplémentaires étaient nécessaires pour mieux distinguer « consentement » et « consultation », la Cour différenciait ces deux notionsFootnote 28. Pour ce faire, elle s’inspirait des travaux du Rapporteur spécial des Nations Unies, Rodolfo Stavenhagen qui, en 2003, reconnaissait le droit des peuples autochtones à dire non aux projets de développement d’envergureFootnote 29.

Suite au jugement dans l’affaire Saramaka, deux rapports de la Commission interaméricaine, publiés en 2009 et 2016, ont défini et réaffirmé la distinction entre le droit à la consultation active des peuples autochtones et leur droit au consentement.

En 2009, le rapport indiquait que « même si tous les processus de consultation doivent poursuivre l’objectif du consentement, dans certains cas spécifiquement définis, la jurisprudence interaméricaine et les normes internationales exigent que l’État obtienne le consentement préalable, libre et éclairé des peuples autochtones »Footnote 30. « L’exigence du consentement » y apparaît comme une « sauvegarde accrue […] qui répond à une logique de proportionnalité par rapport aux droits affectés »Footnote 31. Pour expliquer cette logique, la Commission se réfère à nouveau au Rapporteur spécial des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones – fonction alors occupée par James Anaya – qui, dans un rapport de la même année, indiquait que « [d]ans certains contextes, cette éventualité [celle d’obtenir le consentement] peut se renforcer jusqu’à devenir une interdiction de lancer la mesure ou d’entreprendre le projet si les autochtones n’y consentent pas »Footnote 32. Notons qu’à la différence du rapport de 2003 élaboré par le Rapporteur Rodolofo Stavenhagen, celui du Rapporteur James Anaya opère une distanciation entre le droit au consentement et le droit de vetoFootnote 33. Entre le dépôt de ces deux rapports, en 2006-2007, certains États membres des Nations Unies, parmi lesquels le Canada, ont résisté activement au droit au consentement dans le cadre des phases ultimes de négociation de la DNUDPAFootnote 34. Cette observation illustre les consciences changeantes des droits auxquelles je fais référence en introduction.

Dans son rapport de 2016, la Commission réitère la distinction entre les deux normesFootnote 35 et identifie quatre situations dans lesquelles émerge le droit au consentement. Parmi celles-ci, certaines sont similaires aux situations prévues dans la DNUDPA, bien qu’en la matière, un alignement complet du rapport de 2016 sur la Déclaration ne soit pas vérifiable. Les quatre situations identifiées par la Commission sont décrites ci-après. Comme dans la DNUDPA, il s’agit de cas de déplacement de peuples autochtonesFootnote 36 et d’entreposage de matières dangereuses sur les terres et territoires autochtonesFootnote 37. S’y ajoutent les cas de développement de projets de grande envergure ou d’accumulation de projets de petite envergure générant des impacts cumulatifs plus importants sur les peuples autochtonesFootnote 38. De plus, à la différence de la DNUDPA, l’intérêt public ne justifie pas la présence militaire sur les terres et territoires autochtonesFootnote 39. Ce même rapport précise ce qui est entendu par activités de grande envergure, qu’elles soient de nature minière, gazière ou pétrolière. Premièrement, la Commission présente des exemples illustrant de telles activités – qu’il s’agisse 1) de projets supposant la création de grandes fosses méga minières sur de grandes surfaces de territoires en vue de l’extraction de grandes quantités de matière par année, 2) de barrages impliquant l’immersion permanente, totale ou partielle de territoires autochtones ou 3) de projets ayant un impact significatif sur les lieux sacrésFootnote 40. Deuxièmement, afin d’expliciter les conditions d’émergence du droit au consentement, la Commission précise ce qu’elle entend par « envergure ». D’une part, de tels projets ont un impact plus grand sur l’intégrité du territoire. Ils sont déterminés par leur ampleur ou dimension – en référence notamment aux volumes extraits, à la quantité de matière commercialisée –, leurs impacts sur l’environnement, l’écotoxicité des substances en cause, l’utilisation d’explosifs et les effets négatifs sur des espèces menacées. D’autre part, ces projets se caractérisent par leurs impacts sociaux et humains, incluant les effets sur les droits – notamment le droit de propriété collective des peuples autochtones – sur les visions du monde et, plus globalement, sur « la survie physique et culturelle des peuples autochtones à titre de peuples distincts »Footnote 41.

Malgré les limites associées au fait de fonder l’émergence du droit au consentement sur la nature ou l’étendue des impacts potentiels d’une mesureFootnote 42, la position adoptée par la Commission et par la Cour était audacieuse. D’une part, la confirmation du droit au consentement à titre de norme applicable et contraignante pour les États membres de l’OEA par le jugement Saramaka – amplement cité en doctrine et dans les documents internationaux – et par les deux rapports de la Commission encourageait un remaniement de l’agenda des droits humains et du droit international des peuples autochtones, comme les « traducteurs » ont le pouvoir de le faire. D’autre part, cette position offrait un levier d’intervention plus solide aux peuples autochtones dans les processus de prise de décision portant sur des projets de grande envergure, le droit au consentement contenant à la fois le droit de consentir à un projet et celui de le refuserFootnote 43. Enfin, cette position était d’autant plus ambitieuse qu’au moment de trancher l’affaire Saramaka, il n’y avait pas de consensus parmi les États membres de l’OEA quant à la norme juridique à valoriser.

Or, malgré ce jugement, en dépit des références multiples au droit au consentement dans les deux rapports produits par la Commission et nonobstant l’ampleur des projets ayant déclenché des recours devant la Cour interaméricaine, depuis 2012 et l’affaire Sarayaku, ce tribunal s’en tient à un autre « langage », « centré sur l’État » et reproduisant des rapports asymétriquesFootnote 44, celui du droit à la consultation active dans le but de parvenir à une entente. À partir de 2012, ce droit devient l’unique balise appliquée par la Cour pour mettre en œuvre le droit à la participation publique des peuples autochtonesFootnote 45, malgré l’ampleur analogue des projets et même s’ils transforment durablement l’utilisation du territoire, et se soldent par la perte ou la destruction durable de larges territoires et par la pollution environnementale. Ces deux affaires n’ont donc pas été traitées de manière identique par la Cour. Dans l’affaire Saramaka, le refus du projet de la part de ce peuple conduisant à son interdiction est jugé légitime par les juges, dans la mesure où le projet est de grande envergure ou génère des impacts significatifs sur le territoireFootnote 46. Or, à partir de 2012, la Cour n’évoque plus que le droit à la consultation activeFootnote 47, ce qui conduit à un basculement du régime juridique applicable en matière de participation des peuples autochtones à la prise de décision dans les cas de projets d’envergure. La coexistence entre le droit au consentement et le droit à la consultation active dans la mise en œuvre du droit à la participation publique des peuples autochtones aux processus de prise de décision disparaît alors du discours des juges, au profit du seul droit à la consultation active.

Ce glissement est confirmé par plusieurs jugements ultérieurs. Dans un arrêt d’octobre 2014, dans lequel la Commission interaméricaine demandait à la Cour de garantir le droit au consentement des peuples Kuna et Embera lorsque des projets prévoient des développements sur leurs territoires, la Cour est restée silencieuse face à la demandeFootnote 48. Dans l’arrêt Kaliña and Lokono Peoples, en 2015, le respect d’un processus effectif de participation a été évoqué par la Cour, puis associé au droit à la consultationFootnote 49.

Or, en 2009, la Commission définit le droit à la consultation active ainsi : « La consultation […] est un processus de dialogue et de négociation qui suppose la bonne foi des parties dans le but de parvenir à une entente mutuelle »Footnote 50. L’esprit de cette définition est perceptible au sein de plusieurs paragraphes de l’arrêt Sarayaku Footnote 51. Alors qu’en 2007, le droit au consentement répondait à l’objectif de préserver les droits humains des peuples autochtones et « une relation spéciale » des membres du peuple Saramaka au territoireFootnote 52, en 2012, l’objectif du droit à la consultation est « d’établir un dialogue entre les parties, basé sur les principes de confiance et de respect mutuel, visant à parvenir à un consensus »Footnote 53. En terminant son point sur la consultation, la Cour indique ainsi, dans l’affaire Sarayaku, qu’une consultation de bonne foi suppose « un dialogue authentique ou véritable dans le cadre d’un processus de participation visant à parvenir à un accord »Footnote 54. Les formules « dialogue », « confiance » et « respect mutuel » s’ancrent davantage dans le discours de la CourFootnote 55, malgré les critiques qui émergent à leur égardFootnote 56. Dans ce contexte, l’État a le devoir de « prêter dûment attention aux résultats de la consultation »Footnote 57 et de « prendre en compte les préoccupations, les demandes et propositions des peuples autochtones affectés »Footnote 58. Il a « le devoir d’ajuster ou d’annuler le plan ou le projet proposé en se fondant sur les résultats de la consultation »Footnote 59 ou – et la nuance est importante – il a l’obligation de justifier l’absence d’accommodementFootnote 60. Ainsi, « le devoir de consultation exige de toutes les parties la flexibilité et l’accommodement des différents droits et intérêts en présence »Footnote 61. Sous ce régime, l’unilatéralisme de l’État dans la mise en place et l’ajustement du projet, bien que déconseillé par la Cour et la Commission, reste donc possible et accepté. C’est dans ce contexte compromissoire que l’objectif d’atteindre le consentement est poursuivi. Il apparaît alors comme une simple obligation de moyen, un levier moins puissant pour les peuples autochtones, dans la mesure où le droit au refus – une composante essentielle du droit au consentement et un levier d’action contre les décisions soutenues par les États membres – n’est plus garanti, et le rééquilibrage partiel des pouvoirs qui en résulte non plusFootnote 62.

Ainsi, la comparaison des affaires Saramaka et Sarayaku révèle une transformation significative de la position de la Cour interaméricaine, au détriment du droit au consentement, qui est également observée par Thomas Antkowiak :

Another major uncertainty involves when ‘good-faith’ and ‘active’ consultations harden into a requirement for ‘free, prior, and informed consent’ (“FPIC”). This controversial matter is particularly doubtful after Sarayaku. The judgment, despite Saramaka’s precedent and the petitioners’ demands for consent standards, ignored the principle completely. Clearly, there is powerful state and corporate opposition to an indigenous ‘veto power.’Footnote 63

Passant d’une attitude d’ouverture par rapport au droit au consentement à une attitude nébuleuse, tantôt de confusion, tantôt d’effacement, cette analyse discursive met en lumière l’incertitude et les contradictions du système interaméricain quant aux droits et à la place légitime qu’ont les peuples autochtones dans les processus de prise de décision. Outre le discours de la Cour, cette incertitude peut être observée dans une résolution importante de l’instance suprême de l’Organisation. En effet, les articles 23 et 29(4) de la Déclaration américaine sur les droits des peuples autochtones – document adopté en 2016 par l’Assemblée générale de l’OEAFootnote 64 - incorporent le droit des peuples autochtones à la participation pleine et effective dans les processus de prise de décision. Rédigés sur le modèle de l’article 32(2) de la DNUDPA, dont l’expression « dans le but d’obtenir leur consentement » a suscité des débats quant à la nature de l’obligation prescriteFootnote 65, l’article 23 invoque l’obligation des États de « consulter les peuples autochtones et de coopérer de bonne foi avec eux […] dans le but d’obtenir leur consentement préalable, libre et éclairé avant […] d’adopter et de mettre en œuvre des mesures législatives ou administratives qui pourraient les affecter »Footnote 66. Pour sa part, l’article 29 reconnaît le droit des peuples autochtones au développement économique, au maintien et à la détermination de leurs propres priorités, en conformité avec leur cosmovision. Dans ce contexte, « les États doivent consulter les peuples autochtones et coopérer de bonne foi avec eux […] dans le but d’obtenir leur consentement libre et informé avant d’approuver des projets affectant leurs terres, territoires et ressources […] »Footnote 67.

À la lumière de ces deux dispositions et des jugements de la Cour statuant sur les requêtes des peuples Sarayaku, Kuna, Emberá, Kaliña et Lokono, le principe formulé par Sally Engle Merry, selon lequel les notions ou pratiques portées par « les traducteurs » ayant le potentiel de transformer la nature des droits consacrés pourraient être rejetées, amalgamées, enveloppées (folded into), voire même recouvertes au sein de cadres préexistantsFootnote 68, semble se confirmer en contexte interaméricain. Les dynamiques de glissement et de confusion observées entre les notions de consultation et de consentement conduisent dans plusieurs cas à l’effacement du droit au consentement des peuples autochtones dans le discours des juges et de l’OEA. Ce faisant, elles poussent à questionner le rôle et le pouvoir des juges à titre de « traducteurs » et à s’intéresser au contexte politique au sein duquel s’inscrit leur intervention.

2. Le processus d’interprétation du droit interaméricain, la vulnérabilité des traducteurs et le contexte politique

Selon certains auteurs, la non-mobilisation par la Cour du droit au consentement dans l’affaire Sarayaku s’expliquerait par l’absence de nécessité d’examiner cette exigence dans un cas où la violation du droit à la consultation a été reconnueFootnote 69 et par le degré de discrétion dont disposent les juges dans leur travail d’interprétationFootnote 70. Cela signifierait donc que, dans des affaires ultérieures, les juges pourraient encore déterminer de la nécessité de mettre en œuvre l’exigence du consentement, en s’appuyant sur le précédent de l’affaire Saramaka. Or, à la lumière de l’analyse présentée dans la partie précédente, les dynamiques de glissement, de confusion et d’effacement du droit au consentement paraissent stables et systématiques. Malgré une atténuation des termes du discours également observable en contexte onusienFootnote 71, ce constat intervient dans une période marquée par des tensions politiques au sein du système interaméricain dépassant le champ des droits relatifs aux peuples autochtones. Les lignes suivantes visent donc à illustrer ces tensions à travers quelques exemples et à démontrer que ces dernières contraignent les juges, à titre de « traducteurs », à un discours hybride, incertain, voire confus. Comme le rappelle Sally Engle Merry, les organisations internationales « contribute to the creation of a new legal order but are also deeply constrained in their authority by the system of sovereignty that underlies all transnational endeavors and inevitably reflects the global inequalities among rich and poor nations. »Footnote 72

En examinant empiriquement le processus de vernacularisation des sources transnationales et en portant attention au rôle des « traducteurs » dans ce processus, cette anthropologue du droit a également mis en lumière leur pouvoir et leur vulnérabilité :

Translation takes place within fields of unequal power. Translators’ work is influenced by who is funding them; their ethnic, gender, or other social commitments; and institutional frameworks that create opportunities for wealth and power […]. Moreover, translators work within established discursive fields that constrain the repertoire of ideas and practices available to them.Footnote 73

Dans ce contexte, la formule « droit au consentement » cumulée à l’audace avec laquelle la Commission et la Cour interaméricaine ont interprété les dispositions de la Déclaration et de la Convention américaine pour les rendre effectives en contexte autochtone semblent être perçues par plusieurs États membres comme une menace à leur souveraineté et au bon développement de leurs économiesFootnote 74. Selon Monica Yriart, « The politics of National Executive Powers present the impression that economic growth depends upon the appropriation of indigenous territories to obtain the natural wealth that lies within them »Footnote 75. La formule « droit au consentement » suscite ainsi des inquiétudes chez les États membres, puisqu’en trame de fond, elle questionne la légitimité de cette appropriation. S’additionnant à d’autres éléments d’insatisfaction, l’incorporation du droit au consentement à la normativité interaméricaine, bien qu’elle se fasse de façon balisée, conduit plusieurs États membres à formuler des résistances ou à faire pression sur les organes du système, notamment pour qu’ils abandonnent cette interprétation.

La résistance de plusieurs États se manifeste à travers la formulation d’interprétations divergentes de celles de la Cour et de la Commission. Prenons pour exemple la position de l’Équateur dans l’affaire Sarayaku. Bien que, lors d’une visite de la Cour en territoire Sarayaku, le 21 avril 2012 – quelques semaines avant le prononcé du verdict – et sous haute présence médiatique, l’État ait reconnu sa responsabilité dans la violation des droits des SarayakuFootnote 76, ce même État considérait initialement que l’attitude réactive du peuple Sarayaku et son manque de coopération justifiaient l’absence de compensation de l’État dans le cadre du projet d’exploitation autoriséFootnote 77. De plus, l’Équateur « considère le droit à la participation des peuples autochtones comme important, mais soutient qu’aucune réglementation n’autorise les peuples autochtones à exercer un droit de veto sur une décision de l’État concernant l’exploitation des ressources naturelles »Footnote 78. Bien que cette affirmation révèle une interprétation étroite du jugement dans l’affaire Saramaka, elle n’est pas isolée parmi les États membresFootnote 79.

Sans qu’il soit source d’influence directe sur les décisions des juges, ce type d’interprétation vient s’ajouter aux pressions – politiques et financièresFootnote 80 – générées à travers des « gestes symboliques » posés par les États membres à propos d’enjeux qui dépassent le contentieux autochtone, mais que l’ambition de la Commission et de la Cour en matière de droit au consentement réactive. Ces pressions diffuses se manifestent, par exemple, par la dénonciation ou la menace de dénoncer un traité – i.e. la Convention américaine –, par le refus de siéger à une audience et par la proposition expresse de modifier les règles de procédure de la Commission interaméricaine, sous prétexte de la renforcer, mais dans l’objectif indirect d’en limiter la compétenceFootnote 81. Par exemple, en septembre 2012, le Venezuela a retiré son adhésion à la Convention américaine. Ce choix intervient en réaction aux décisions et jugements rendus par la Commission et la Cour le concernant, et sachant que les États d’Amérique du Nord n’ont pas reconnu la compétence de la Cour, se soustrayant ainsi à d’éventuelles sanctionsFootnote 82. Dans le discours de certains États membres, la mise en question de la légitimité Nord/Sud du système est donc un argument qui s’ajoute ou qui s’entremêle à l’interprétation jugée trop audacieuse fournie par la Cour et par la Commission en matière de droit à la participation publique des peuples autochtones. En effet, à la différence des États d’Amérique du Nord, plusieurs États du Sud, dont l’Argentine, le Brésil, l’Équateur et le Venezuela, ont ratifié, en plus de la Convention américaine, la Convention 169 relative aux peuples indigènes et tribaux adoptée par l’Organisation internationale du travail (OIT) en 1989Footnote 83. Certains, dont l’Équateur, ont incorporé ce traité à leur droit interne, et la Cour le prend alors en considération dans l’interprétation de la Convention américaine en contexte autochtone. Un autre exemple concerne la réaction du Brésil – État influent au sein du système – dans le cadre du traitement par la Commission de l’affaire relative au barrage de Belo Monte. Alors que la Commission imposait des mesures provisoires, en raison notamment de l’absence de participation des peuples autochtones affectés par ce projet, cet État rappelait son ambassadeur à l’OEA et menaçait de se retirer du systèmeFootnote 84. Or, il est intéressant de noter que le Brésil, ainsi que l’Équateur et le Venezuela, ont tous joué un rôle significatif dans le dernier processus de « renforcement » du système interaméricainFootnote 85. Comme au cours d’autres « processus de renforcement » du système, des enjeux géopolitiques ont nourri les débats parmi les États membres, débats portant aussi sur la limitation des compétences de la CommissionFootnote 86. Un document produit par plusieurs groupes de la société civile actifs au sein du système interaméricain indique ainsi : « The positions held by some States then with respect to the IACHR’s Rules of Procedure were not always geared toward its strengthening; rather, at many times they sought to diminish the scope of protection offered by the IACHR »Footnote 87. Les critiques du processus émises par ces groupes concernant le manque de considération pour les victimes de violations, pour l’accès au système interaméricain, pour la préservation de son indépendance et pour la protection des droits et de la dignité humaine, signalent sa véritable orientationFootnote 88. Dans une déclaration commune publiée en avril 2019, l’Argentine, le Brésil, le Chili, la Colombie et le Paraguay en appelaient une nouvelle fois à une meilleure opérationnalité et efficacité du système. Ce faisant, ils invoquaient les principes de subsidiarité et d’autonomie des États membres pour garantir les droits protégés par la Convention américaine conformément au droit interne, ainsi qu’une stricte application des sources du droit internationalFootnote 89. La limitation des compétences et de l’autonomie interprétative du système demeure donc un objectif.

Dans ce contexte, l’affaire Saramaka, qui représente la première consécration du droit au consentement par un tribunal régional, puis, en 2011, l’adoption de mesures provisoires contre le Brésil dans l’affaire du barrage de Belo Monte semblent avoir été des « avancées » trop contraignantes, notamment par rapport aux politiques extractivistes favorisées par les États membres. À la lumière des levées de boucliers qu’elles ont provoquées, il ne serait plus possible d’évoquer le terme « consentement », en raison d’une trop grande réticence des États membresFootnote 90 et du risque de détérioration du système que font courir les gestes qu’ils posent. De telles manifestations de mécontentement auraient facilement pu avoir un effet domino sur l’attitude d’autres États et conduire à discréditer le système. Une certaine prudence de la Cour et de la Commission dans les interprétations qu’elles donnent aux traités en vigueur contribuerait donc à son maintien. L’atténuation des termes du discours au sein de l’arrêt Sarayaku et des jugements suivants dépasse d’ailleurs le cadre de la participation publique des peuples autochtones. Depuis 2012 et au sein du contentieux autochtone, celle-ci peut également être observée sur le plan du droit sur les ressources naturelles. La Cour fait désormais référence à la « protection of natural resources in the territory »Footnote 91, au lieu d’invoquer « le droit de posséder les ressources naturelles que les membres des communautés autochtones ont traditionnellement utilisé »Footnote 92. De plus, d’après Antkowiak, le jugement de la Cour interaméricaine dans l’affaire Sarayaku incarne un déclin de la protection établie par le système concernant le droit au partage des bénéfices et marque la disparition des rares références faites par la Cour au concept d’autodéterminationFootnote 93.

La Cour nuancerait ainsi son discours pour conserver l’adhésion des États et maintenir un contrôle sur la mise en œuvre des traités. Pour assurer cet objectif en matière de droit à la participation des peuples autochtones, elle se replierait sur une formule ambiguë, ouverte à des interprétations plus ou moins restrictives et partagée par un plus grand nombre d’États membres, celle du droit à la consultation. Dans ce contexte, les dynamiques de glissement, de confusion, voire d’effacement qui règnent désormais dans son discours seraient une autre forme « d’activisme »Footnote 94 des juges interaméricains.

3. Les répercussions des dynamiques de glissement, de confusion et d’effacement du droit au consentement sur les relations entre les peuples autochtones et les États

Plusieurs auteur.e.s ont déjà mis en lumière le projet colonial sur lequel le droit international s’est bâti, la mise sous silence ou l’exclusion de ses mécanismes décisionnels de nombreux peuples, dont les peuples autochtones, et de leurs conceptions des relations internationales, notamment par le biais de ce qu’Isabelle Schulte-Tenckhoff et Adil Hasan Khan nomment « le paradigme de la domestication »Footnote 95. Selon James Sakej Henderson, le droit international s’appuie sur la pensée eurocentrique et reconduit ainsi le colonialisme :

In public or private international law, Indigenous people and peoples became non-persons because of European concepts of “race” or “society.” Therefore, international law did not then – nor was it required to – impose on European nations any standard of justice or duties with respect to Indigenous treaties, peoples, or individuals. It thus came to regard empire and colonialism as both natural and progressive rather than unjust and oppressive.Footnote 96

Quant à elle, Irene Watson soutient que

The force and violence of colonialism are the legacies we are left to decolonise from. The resolution of contemporary colonial violence requires the deflation of power in its grandest forms of corporatised power and the colonial state, which in its modern form has grown from three centuries of Western political theory.Footnote 97

Pour cette auteure, le système international contemporain perpétue « la matrice coloniale » puisque les mêmes puissances, les États-Nations, dont plusieurs ex-empires coloniaux, contrôlent encore ce champ du droit et exercent leur emprise sur les mécanismes décisionnels et autres leviers de contrôle du pouvoir, tel que le cadre au sein duquel s’exercent les relations internationalesFootnote 98. Il en résulte l’effacement des nations autochtones des structures décisionnelles internationales, mais aussi de leurs conceptions des relations internationales. Cet effacement se produit tant à l’échelle internationale que régionale – notamment au sein du système interaméricain – et opère selon la même logique.

À elle seule, la confirmation judiciaire d’un droit au consentement n’est pas en mesure de renverser cette matrice, sachant que ce droit n’a pas le pouvoir direct de revoir les fondements, les processus et la structure décisionnelle du système interaméricain – notamment son fonctionnement selon la structure de l’État-nation. Cependant, le glissement ou la confusion discursive du droit au consentement vers le seul droit à la consultation active, et l’effacement conséquent du premier dans le discours des juges interaméricains confirment la présence continue de cette matrice. Ils démontrent le maintien des pouvoirs dont disposent les États membres sur une organisation régionale et leur capacité à faire pression, par divers moyens, afin de supprimer du droit interaméricain ou de reformuler à leur avantage un levier dans les processus de prise de décision, celui que représente le droit de s’opposer à l’exploitation de grande envergure de territoires autochtones et/ou des ressources qui y sont afférentes. De plus, ce glissement discursif perpétue la normalisation juridique du contrôle par les États du territoire et des ressources naturelles. Il signale un renoncement à permettre la mise en question tant de ce contrôle que de l’effacement de la souveraineté autochtoneFootnote 99.

La présence grandissante, à partir de 2012, des notions de « dialogue » et de « consensus » dans le discours interaméricain, dont l’utilisation s’effectue dans un contexte abstrait, comporte aussi le risque de reproduire cette matrice. En effet, ces notions sont privilégiées par la Cour et par la Commission sans tenir compte ni des conflits asymétriques, ni de la présence d’inégalités profondes entre les nations autochtones et les États en termes d’autorité et de pouvoirFootnote 100. En valorisant le consensus, objectif qui semble difficile à atteindre à la lumière des multiples tensions à l’œuvre entre les États et les nations autochtones requérantes au sein du système, la Cour et la Commission ne réduisent-elles pas la légitimité de la résistance et des diverses formes de contestation autochtones face aux projets d’exploitation du territoire et, in fine, la posture du désaccord? Par ailleurs, comment parvenir à un consensus équitable, alors qu’il est si difficile de limiter l’omnipotence des États-nations? Les embuches qui se présentent sur le chemin de celles et ceux qui tentent de questionner ou de nuancer le pouvoir des États dans les processus de prise de décision ne reflètent-elles pas l’impasse actuelle en matière de consensus? Dans ce contexte, évoquer cet idéal de consensus jumelé à la valorisation unique du droit à la consultation active, au détriment d’un droit au consentement ayant pour corolaire le droit au refus, reconduit la matrice définie par Watson.

Enfin, le droit à la consultation active, lorsqu’il a d’emblée pour objectif d’atteindre une entente ou de parvenir au consentement ne peut-il pas être altéré par l’objectif à atteindre? Bien que la démarche puisse être fondée sur de bonnes intentions, le consentement à titre d’objectif à atteindre peut générer des effets pervers, notamment être détourné ou instrumentalisé. En effet, cet objectif ne suppose plus seulement le fait de composer avec l’avis des peuples autochtones, un avis qui lie l’État, mais peut aussi viser à obtenir leur consentement par le biais de stratégies plus ou moins douteuses, ce qu’illustre très bien l’arrêt SarayakuFootnote 101. Le droit à la consultation en vue d’obtenir le consentement, ou le consentement comme objectif à atteindre, plutôt que comme droit impliquant aussi le droit au refus, deviendrait alors inefficace, voire même contre-productif.

Conclusion

Cette analyse de la jurisprudence interaméricaine permet de mettre en lumière les potentialités et les limites qui s’imposent non seulement au pouvoir transformatif des organisations régionales de protection des droits humains, mais plus particulièrement à celui des juges œuvrant en leur sein. Partant du principe selon lequel les traducteurs façonnent l’agenda des droits humains en convoyant les doléances locales de manière plus ou moins conforme en fonction du contexte politique avec lequel ils ont à composer, j’ai démontré que le droit au consentement – norme appuyée par de nombreuses nations et représentant.e.s autochtones – avait été appliqué par la Cour interaméricaine dans le jugement Saramaka, mais qu’en raison de dynamiques entretenues par les États membres et de pressions politiques et financières sur le système interaméricain, ce droit n’était actuellement plus utilisé. Il était plutôt confondu ou effacé par une norme moins efficace en matière de rééquilibrage des pouvoirs entre États membres et nations autochtones, celle du droit à la consultation active. Il ressort ainsi de cette analyse que des limites juridiques et politiques concrètes, issues de rapports de pouvoir, s’imposent au travail des juges-traducteurs interaméricains, notamment au plan de leur pouvoir d’interprétation et du principe de l’interprétation créative, évolutive et inclusive des documents internationaux. Cecilia Medina souligne bien la centralité de ce principe en matière d’interprétation des droits humains:

[…] the way to protect a person today may be, and frequently is, different from what was required in the past; the perception of what is impermissible for states to do and permissible in a person’s conduct similarly varies with the passing of time. This requires that interpretations be dynamic. Human rights decisions are supposed to protect a person from actions that violate human rights in the present; threats to human rights fluctuate, as human inventiveness is fertile not only with respect to improving life but also in harming or destroying it […] usually the content of a right necessarily evolves as new possibilities of its application are unveiled.Footnote 102

Comment assurer une telle interprétation dynamique, nécessaire si l’on veut promouvoir le caractère inclusif de la protection offerte par le droit international des droits humains, lorsque celle-ci est associée, par des acteurs puissants tels les États membres, à une tentative d’empiètement sur le processus législatif?

Deux autres limites imbriquées à cette interprétation apparaissent. La première touche au principe de l’indépendance des tribunaux internationaux et la seconde a trait au pouvoir de contrôle de la mise en œuvre des documents internationaux – un contrôle qui devrait être effectif et adapté au contexte de chaque affaire. « L’indépendance de la fonction judiciaire est considérée comme l’absence d’immixtions indues dans les affaires judiciaires […] [son] absence mène au déni de justice et compromet la crédibilité du processus judiciaire »Footnote 103. Plusieurs facteurs garantissent cette indépendance, dont la séparation des pouvoirs – notamment l’indépendance de la fonction judiciaire par rapport aux autres pouvoirsFootnote 104 –, la transparence des processus de nomination des magistrats et le fait de « doter les instances juridictionnelles des ressources nécessaires à l’accomplissement de leurs fonctions »Footnote 105. Or, que signifie l’expression « immixtions indues »? Au-delà des immixtions directes qui consisteraient, pour les États membres, à intervenir formellement dans l’administration de la justice interaméricaine, ne peut-on pas qualifier ainsi les gestes symboliques décrits ci-dessus et posés par plusieurs États membres? Quant au pouvoir de contrôle de la mise en œuvre des documents internationaux, le Rapporteur spécial des Nations Unies sur l’indépendance des juges et des avocats rappelait que « le fait de vouloir limiter ou même suspendre ce pouvoir de contrôle judiciaire […] revenait à porter atteinte à l’indépendance de la justice »Footnote 106. La même question se pose ici, à savoir comment garantir ce pouvoir de contrôle, au cœur même de la fonction de la Cour et de la Commission interaméricaine, sachant que les États membres posent ou tolèrent ces gestes symboliques? Ces limites mettent en lumière la déficience du système en matière de protection effective et inclusive, celle-ci s’avérant nécessaire pour rééquilibrer les rapports de force.

Cette analyse, bien que portant sur une période limitée, démontre d’abord que le droit interaméricain et ses processus conventionnels d’interprétation sont perméables, voire contraints par des contextes géopolitiques changeants avec lesquels les juges interagissent et composent pour « tisser » le droit. En cela, le droit étatique et les institutions qui l’encadrent ou le produisent ne génèrent pas cette normativité stable, prévisible et neutre décrite par certainsFootnote 107.

Cet article indique également que le droit interaméricain, malgré la volonté de changement affichée par ses organes judiciaires et quasi-judiciaires, se heurte à des obstacles importants relativement au renversement du statu quo. Même limités, les normes ou les mécanismes favorisant un certain partage du pouvoir avec les États membres en matière de prise de décision, comme le droit au consentement, suscitent encore de lourdes résistances parmi les États et certains acteurs privés, invisibles pour des questions de procédureFootnote 108 au sein des salles d’audience de la Commission et de la Cour interaméricaine. Le système interaméricain apparaît alors comme complexe et polyphonique. Sans s’attendre à ce que ses principaux acteurs – étatiques, judiciaires, quasi-judiciaires, non-gouvernementaux et autochtones – unissent leurs voix, cette étude souligne que le droit au consentement est une norme encore non-acquise qui suscite des résistances, un constat qui demeure invisible si on analyse le droit sous un angle purement légaliste.

Footnotes

*

Je remercie vivement Dominique Leydet pour sa relecture et ses commentaires sur une version antérieure de ce texte ainsi que Dia Dabby pour les discussions stimulantes à propos du processus de vernacularisation. Mes remerciements vont également aux deux évaluateurs externes de la revue pour leurs commentaires.

References

1 Sally Engle Merry, « New Legal Realism and the Ethnography of Transnational Law », Law & Social Inquiry 31, no. 4 (2006): 975-995; Sally Engle Merry et Peggy Levitt, « The Vernacularization of Women’s Human Rights », dans Human Rights Futures, dir. Stephen Hopgood, Jack Snyder et Leslie Vinjamuri (Cambridge: Cambridge University Press, 2017), p. 214.

2 Merry et Levitt, “The Vernacularization”, p. 213. Voir aussi Sally Engle Merry, « Human Rights and Transnational Culture: Regulating Gender Violence through Global Law », Osgoode Hall Law Journal 44, no. 1 (2006): 55-56.

3 Sally Engle Merry, « Transnational Human Rights and Local Activism: Mapping the Middle », American Anthropologist 108, no. 1 (2006): 39-40. Également : Merry, « Human Rights and Transnational Culture », p. 55 et Sally Engle Merry, Human Rights and Gender Violence: Translating International Law into Local Justice (Chicago: University of Chicago Press, 2005).

4 Merry, « Transnational », p. 40.

5 Merry, « Human Rights and Transnational Culture », p. 55.

6 Merry, « New Legal Realism », p. 978.

7 Merry, « Human Rights and Transnational Culture ».

8 Charte de l’Organisation des États Américains, 1948, Bogota, (entrée en vigueur le 13 décembre 1951) OEA, en ligne : http://www.oas.org/dil/french/traites_A-41_Charte_de_l_Organisation_des_Etats_Americains.pdf (consultation le 11.06.2019).

9 La Cour interaméricaine est « l’interprète ultime de la Convention américaine » et n’est pas liée par les décisions de la Commission. Sur ce point et sur le rôle, les pouvoirs et les limites de la Commission et de la Cour, consulter Thomas Antkowiak et Alejandra Gonza, The American Convention on Human Rights. Essential Rights (Oxford : Oxford University Press, 2017), 8-18. Cette autonomie d’interprétation n’empêche pas un dialogue important entre les deux organes, donnant lieu à des interprétations communes de la Convention et de la Déclaration américaine.

10 Convention américaine des droits de l’homme, 1969 (entrée en vigueur le 18 juillet 1978), OEA, en ligne :http://www.oas.org/juridico/English/treaties/b-32.html (consultation le 11.01.2019).

11 Déclaration américaine sur les droits et les devoirs de l’homme, 1998, AG/RES. 1591(XXVIIIO/98), Conférence internationale des États Américains, en ligne : http://www.oas.org/juridico/English/ga-Res98/Eres1591.htm (consultation le 11.01.2019).

12 Antkowiak et Gonza, The American Convention on Human Rights, p. 6.

13 La Commission interaméricaine, mécanisme reconnu par ces deux États au moment de leur adhésion à l’OEA, peut cependant déclarer leur responsabilité dans la violation des droits humains protégés par la Déclaration américaine et, ce faisant, s’inspire de la Convention américaine et des jugements de la Cour. Antkowiak et Gonza, The American Convention on Human Rights, p. 9.

14 Bruno Latour, La fabrique du droit. Une ethnographie du Conseil d’État (Paris : La Découverte, 2002).

15 Claudio Grossman, « The Inter-American System of Human Rights: Challenges for the Future », Indiana Law Journal 83, (2008): 1268.

16 À propos du système interaméricain, voir aussi Dinah Shelton, « Environmental Rights and Brazil’s Obligations in the Inter-American Human Rights System », George Washington International Law Review 40, (2009): 773-777 et Ludovic Hennebel, La Convention américaine des droits de l’Homme : mécanismes de protection et étendue des droits et libertés (Bruxelles : Bruylant, 2007). Pour le site de la Commission : http://www.oas.org/en/iachr/; pour celui de la Cour : http://www.corteidh.or.cr/index.php/en# (dernières consultations le 11.01.2019).

17 Jeremie Gilbert et Cathal Doyle, « A New Dawn over the Land: Shedding Light on Collective Ownership and Consent », dans Reflections on the UN Declaration on the Rights of Indigenous Peoples, dir. Stephen Allen et Alexandra Xanthaki (Oxford : Hart, 2011), 289-328.

18 Rapporteur spécial sur la situation des droits humains et des libertés fondamentales des peuples autochtones, James Anaya, UN Doc. A/HRC/12/34, 15 juillet 2009, en ligne : http://unsr.jamesanaya.org/docs/annual/2009_hrc_annual_report_fr.pdf (consultation le 11.06.2019), para 47; Saramaka People v. Suriname, Series C no 172, arrêt, (28 novembre 2007) Cour I.D.H., en ligne :http://www.corteidh.or.cr/docs/casos/articulos/seriec_172_ing.pdf (consultation le 11.01.2019) [Saramaka], para 134-137.

19 Saramaka, para 134.

20 Commission interaméricaine des droits humains, Indigenous and Tribal Peoples’ Rights over their Ancestral Lands and Natural Resources. Norms and Jurisprudence of the Inter-American Human Rights System OEA/Ser.L/V/II. Doc. 56/09 2009 (30 décembre 2009), en ligne : https://www.oas.org/en/iachr/indigenous/docs/pdf/ancestrallands.pdf, para 329. Commission interaméricaine des droits humains, Indigenous Peoples, Afro-Descendent Communities, and Natural Resources: Human Rights Protection in the Context of Extraction, Exploitation, and Development Activities, OEA/Ser.L/V/II. Doc. 47/15 2016, (31 décembre 2015), en ligne : http://www.oas.org/en/iachr/reports/pdfs/ExtractiveIndustries2016.pdf, para 183.

21 Kichwa Indigenous Peoples of Sarayaku v. Ecuador, Series C no 245 (27 juin 2012) Cour I.D.H., en ligne : http://corteidh.or.cr/docs/casos/articulos/seriec_245_ing.pdf (consultation le 11.01.2019) [Sarayaku], para 177, 157 et 158.

22 Saramaka, para 11 et 12.

23 Sarayaku, para 51-106.

24 Notamment Brenda Gunn, « Moving Beyond Rhetoric: Achieving Reconciliation Through Fulfillment of Indigenous Peoples’ Right to Self-Determination », Dalhousie Law Journal 38, no. 1 (2015): 237-270 et Marie Léger, « L’histoire de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones », Recherches amérindiennes au Québec XXXVII, (2007): 145-155.

25 Consulter les témoignages dans Yakye Axa Indigenous Community v. Paraguay, Series C no 125 (17 juin 2005) Cour I.D.H., en ligne : http://www.corteidh.or.cr/docs/casos/articulos/seriec_125_ing.pdf (consultation le 11.01.2019), p. 10-13.

26 Mary and Carrie Dann v. United States, Case 11.140, report no 75/02, Com. I.D.H. (27 décembre 2002), en ligne : https://www1.umn.edu/humanrts/cases/75-02a.html (consultation le 11.01.2019), para 130-131.

27 Sawhoyamaxa Indigenous Community v. Paraguay, Series C no 146 (29 mars 2006), Cour I.D.H., en ligne : http://www.corteidh.or.cr/docs/casos/articulos/seriec_146_ing.pdf (consultation le 11.01.2019), para 233.

28 Saramaka, para 134-137.

29 Rapporteur spécial sur la situation des droits humains et des libertés fondamentales des peuples autochtones, Rodolfo Stavenhagen, Report submitted in accordance with Commission resolution 2001/65 (Fifty-ninth session), U.N. Doc. E/CN.4/2003/90, 21 Janvier 2003, en ligne : https://documents-dds-ny.un.org/doc/UNDOC/GEN/G03/105/44/PDF/G0310544.pdf?OpenElement (consultation le 11.06.2019), para. 66. Ce rapport est cité dans Saramaka, para 135.

30 Commission interaméricaine, Indigenous and Tribal Peoples’ Rights over their Ancestral Lands, para 329 [traduction libre]. Voir également ce rapport, para 290, 329 et 330.

31 Ibid., para 333 [traduction libre].

32 Rapporteur spécial James Anaya, UN Doc. A/HRC/12/34,, para 47. Rapport cité dans Commission interaméricaine, Indigenous and Tribal Peoples’ Rights over Their Ancestral Lands, p. 120 (note 757).

33 Rapporteur spécial James Anaya, UN Doc. A/HRC/12/34,, para 48.

34 Léger, « L’histoire de la Déclaration ».

35 Commission interaméricaine, Indigenous Peoples, Afro-Descendent Communities, and Natural Resources, para 183.

36 Ibid., para 192.

37 Ibid., para 193.

38 Ibid., para 191.

39 Ibid., para 193.

40 Ibid., para 187.

41 Ibid., para 188-190.

42 À ce propos, voir la riche analyse de Dominique Leydet. Selon cette auteure, ce fondement nécessite l’intervention d’un tiers, notamment un agent du gouvernement ou un juge, à l’étape de la détermination de l’étendue des impacts et reconduit ainsi les rapports asymétriques, de même qu’il contourne la détermination de critères autochtones conditionnant l’acceptabilité ou la non acceptabilité par ces peuples des projets. Dominique Leydet, « The Power to Consent: Indigenous Peoples, States, and Development projects », University of Toronto Law Journal, à paraître.

43 Bien que cette interprétation fasse encore débat, plusieurs auteurs sont du même avis, notamment Leydet, « The Power to Consent », et Gilbert et Doyle, « A New Dawn ».

44 Leydet, « The Power to Consent ».

45 Sarayaku, para 177, 157, 158. Geneviève Säuberli retient que ce jugement protège et met en œuvre le droit à la consultation à titre de principe général du droit international, sans examen du droit au consentement. Geneviève Säuberli, « The Case of the Kichwa Peoples of the Sarayaku v. Ecuador. Constructing a Right to Consultation and to Cultural Identity », dans The Inter-American Court of Human Rights: Theory and Practice, Present and Future, dir. Yves Haeck, Oswaldo Ruiz-Chiriboga et Clara Burbano-Herrera (Cambridge : Intersentia, 2015), p. 589.

46 Saramaka, para 134-137.

47 Sarayaku, para 177, 157 et 158

48 Case of the Kuna Indigenous People of Madungandí and the Emberá Indigenous People of Bayano and their Members v. Panama, Series C no 284 (14 octobre 2014), Cour I.D.H., en ligne : http://www.corteidh.or.cr/docs/casos/articulos/seriec_284_esp.pdf (consultation le 11.01.2019), p. 5 et para 227 et 228.

49 Case of the Kaliña and Lokono Peoples v. Suriname, Series C no 309 (25 novembre 2015), Cour I.D.H., en ligne : http://www.corteidh.or.cr/docs/casos/articulos/seriec_309_ing.pdf (consultation le 11.01.2019), para 206-212.

50 Commission interaméricaine, Indigenous and Tribal Peoples’ Rights over their Ancestral Lands, para 285 et 292 [traduction libre].

51 Sarayaku, para 166-167, 186 et 200.

52 Saramaka, para 129.

53 Sarayaku, para 186.

54 Ibid., para 200.

55 Ibid., para 193, 197, 198 et 200.

56 Maristella Svampa et Georges Durand, « Néo-“développementisme” extractiviste, gouvernements et mouvements sociaux en Amérique latine », Problèmes d’Amérique latine 81, no. 3 (2011): 101-127; Pierre Batellier, « Revoir les processus de décision publique : de l’acceptation sociale à l’acceptabilité sociale », Gaïa Presse (2012). En ligne : https://www.gaiapresse.ca/2012/10/revoir-les-processus-de-decision-publique-de-lacceptation-sociale-a-lacceptabilite-sociale/.

57 Commission interaméricaine, Indigenous and Tribal Peoples’ Rights over their Ancestral Lands, para 325 [traduction libre].

58 Ibid., para 326 [traduction libre].

59 Ibid., para 324 [traduction libre].

60 Ibid., para 327.

61 Ibid., para 324 [traduction libre].

62 Rappelons que d’autres auteurs partagent cette position quant aux pouvoirs distincts que confèrent droit à la consultation et droit au consentement. Voir ci-dessus les notes 42-44.

63 Thomas Antkowiak, « Rights, Resources, and Rhetoric: Indigenous Peoples and the Inter-American Court », University of Pennsylvania Journal of International Law 35, no. 1 (2013): 168.

64 American Declaration on the Rights of Indigenous Peoples, AG/RES.2888 (XLVI-O/16), June 15, 2016, OEA, en ligne : https://www.oas.org/en/sare/documents/DecAmIND.pdf [consultation le 11.01.2019].

65 Gilbert et Doyle, « A New Dawn », p. 316-320.

66 American Declaration on the Rights of Indigenous Peoples, article 23(2) [traduction libre].

67 Ibid., article 29(4).

68 Merry, « Transnational », p. 40.

69 Efrén C. Olivares Alanís, « Indigenous Peoples’ Rights and the Extractive Industry: Jurisprudence From the Inter-American System of Human Rights », Goettingen Journal of International Law 5, no. 1 (2013), p. 213; Lisl Brunner et Karla Quintana, « The Duty to Consult in the Inter-American System: Legal Standards After Sarayaku », ASIL Insights 16, no. 35 (2012): 3-4.

70 James Cavallaro et Stephanie Erin Brewer, « Reevaluating Regional Human Rights Litigation in the Twenty-First Century: The case of the Inter-American Court », Harvard Law School, Public Law and Legal Theory Working Paper Series, Paper No 09-31, 2008, p. 794.

71 Même si de plus amples recherches sont nécessaires, cette atténuation apparaît en comparant les rapports des Rapporteurs spéciaux Stavenhagen, Report submitted in accordance with Commission resolution 2001/65, et Anaya, UN Doc. A/HRC/12/34.

72 Sally Engle Merry, « Anthropology and International Law », Annual Review of Anthropology 35 (2006): 111.

73 Merry, « Transnational », p. 40.

74 À titre d’exemple, selon Monica Yriart, les négociations de la Déclaration américaine sur les droits des peuples autochtones ont longtemps été bloquées « […] precisely on the point of consent », Monica Yriart, « Jurisprudence in a Political Vortex. The Right of Indigenous Peoples to Give or Withhold Consent to Investment and Development Projects – The Implementation of Saramaka v. Suriname », dans The Inter-American Court of Human Rights: Theory and Practice, Present and Future, dir. Yves Haeck, Oswaldo Ruiz-Chiriboga et Clara Burbano-Herrera (Cambridge : Intersentia, 2015), p. 484.

75 Ibid., p. 496 et p. 488.

76 Gouvernement de l’Équateur, Déclaration d’ouverture, 21 avril 2012, en ligne : https://www.youtube.com/watch?v=dqYWwvsdYSE&list=UUg7qjRWcDG6waOmYz05JxbQ&index=2&feature=plcp; Kevin Koenig, « Jungle Justice: Ecuador Recognizes Rights Violations in Sarayaku Case », Amazon Watch, 15 mai 2012, en ligne : https://amazonwatch.org/news/2012/0515-jungle-justice-ecuador-recognizes-rights-violations-in-sarayaku-case (consultation le 11.06.2019).

77 Sarayaku, para 131.

78 Ibid., para 129 [traduction libre].

79 Selon Yriart, « The majority of the constituted powers of states of the Inter-American System, such as Colombia, Argentina and Peru, openly and operationally oppose Saramaka », Yriart, « Jurisprudence », p. 489.

80 Sur le financement, International Coalition of Human Rights Organizations in the Americas, Observation on the Process of Reflection on the Workings of the Inter-American Commission with a View to Strengthening the Inter-American Human Rights Protection System, 15 mars 2012, en ligne : https://cejil.org/en/civil-society-observations-strengthening-inter-american-system (consultation le 14.12.2018).

81 Claudia Martin et Diego Rodríguez-Pinzón, « Strengthening or Straining the Inter-American System on Human Rights », The Inter-American Court of Human Rights: Theory and Practice, Present and Future, 795-822.

82 Ibid., p. 820-821.

83 OIT, Convention 169 relative aux peuples indigènes et tribaux, Genève, 76e session (1989), en ligne : https://www.ilo.org/dyn/normlex/fr/f?p=NORMLEXPUB:12100:0::NO::P12100_INSTRUMENT_ID:312314 (consultation le 13.02.2019).

84 Martin et Rodríguez-Pinzón, « Strengthening », p. 820.

85 Ibid., p. 796-822. Voir aussi la présentation faite par l’OEA de ce processus, en ligne : http://www.oas.org/en/iachr/mandate/strengthening.asp ainsi que Centre pour la justice et le droit international (CEJIL), « Los debates sobre el rol de la Comisión Interamericana de Derechos Humanos en Democracia », Documento de Coyuntura no 9 2014, en ligne : https://cejil.org/en/position-paper-no-9-debate-role-inter-american-commission-human-rights-democracy-20112014-only, p. 10-11 (consultation le 11.01.2019).

86 CEJIL, « Los debates sobre el rol », p. 8.

87 International Coalition of Human Rights Organizations in the Americas, Observation on the Process of Reflection,

88 Ibid.

89 Argentine, Brésil, Chili, Colombie et Paraguay, Declaración sobre el Sistema Interamericano de Derechos Humanos, 24 avril 2019, en ligne : http://www2.mre.gov.py/index.php/noticias-de-embajadas-y-consulados/gobiernos-de-argentina-brasil-chile-colombia-y-paraguay-se-manifiestan-sobre-el-sistema-interamericano-de-derechos-humanos?fbclid=IwAR24ZiaqFhGvQniznEnL3SX2MMu71itqud8-p2CBo98cnMNleC_6OdHgW48 (consultation le 11.06.2019).

90 L’opposition d’États puissants au sein du système expliquerait ce déclin de la protection selon Antkowiak, « Rights », p. 168.

91 Sarayaku, para 146.

92 Saramaka, para 121 [traduction libre].

93 Antkowiak, « Rights », 170-172.

94 Sur ce qualificatif, Ludovic Hennebel et Hélène Tigroudja, dir., Le particularisme interaméricain des droits de l’homme (Paris : Pedone, 2009).

95 Isabelle Schulte-Tenckhoff et Adil Hasan Khan, « The Permanent Quest for a Mandate: Assessing the UN Permanent Forum on Indigenous Issues », Griffith Law Review 20 (2011): 690-697.

96 James Sakej Henderson, Indigenous Diplomacy and the Rights of Peoples. Achieving UN Recognition (Vancouver : UBC Press, Purich Publishing, 2008), p. 15.

97 Irene Watson, Aboriginal Peoples, Colonialism and International Law. Raw Law (Oxon : Routledge, 2015), p. 149.

98 Ibid., p. 150. Pour un argument similaire, lire aussi Sharon Venne, « How governments manufacture consent and use it against Indigenous Peoples », dans Indigenous Peoples as Subjects of International Law, dir. Irene Watson (Oxon : Routledge, 2017), 141-170.

99 Henderson, Indigenous Diplomacy, p. 19-20. Gonzalo Bustamente fait un constat similaire. Selon lui, les gouvernements néolibéraux et post-néolibéraux latino-Américains minent l’autodétermination autochtone en opérant « une colonisation du droit au consentement ». Celle-ci se déploie par le façonnage et l’encadrement de ce droit de manière telle à ce qu’il s’articule avec le projet politique néolibéral. Gonzalo Bustamente, « The Right to Consultation and Free, Prior and Informed Consent in Latin America: The Governmentality of the Extraction of Natural Resources », Revue Québécoise de droit international, hors-série (2015): 192-193. La normalisation du contrôle du territoire par l’État est également présente dans le discours de la Cour suprême du Canada concernant le titre aborigène et via « la fiction de l’acquisition par la couronne du titre sur les terres autochtones », voir John Borrows, « The Durability of Terra Nullius: Tsilhqot’in Nation v. British Columbia » UBC Law Review 43, no. 3 (2015): 723-734.

100 Cet argument a déjà été mis de l’avant par Svampa et Durand, « Néo-“développementisme” ».

101 Sarayaku, para 51-106.

102 Cecilia Medina, « The Role of International Tribunals: Law-Making or Creative Interpretation? », dans The Oxford Handbook of International Human Rights Law, dir. Dinah Shelton (Oxford : Oxford University Press, 2013), 652-653.

103 Rapporteur spécial des Nations Unies sur l’indépendance des juges et des avocats Leandro Despouy, Rapport A/HRC/11/41, 24 mars 2009, en ligne : https://documents-dds-ny.un.org/doc/UNDOC/GEN/G09/125/64/PDF/G0912564.pdf?OpenElement (consultation : février 2019), para 15.

104 Ibid., para 18.

105 Ibid., para 37.

106 Rapporteur spécial des Nations Unies sur l’indépendance des juges et des avocats Diego García-Sayán, Rapport A/HRC/35/31, 9 juin 2017, en ligne : https://documents-dds-ny.un.org/doc/UNDOC/GEN/G17/159/83/PDF/G1715983.pdf?OpenElement (consultation : février 2019), para 30.

107 Notamment Kelsen, Zachariae et leurs disciples.

108 La juridiction de la Cour et de la Commission est « verticale », c’est-à-dire à l’égard des seuls États et non vis-à-vis des personnes privées, parmi lesquelles les compagnies minières dont les activités sont à l’origine de nombreux dommages. Shelton, « Environmental Rights », p. 743-44 et p. 747-48.