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Développement et validation d’une classification québécoise des résidences privées avec services accueillant des personnes âgées*

Published online by Cambridge University Press:  20 January 2014

Catherine Lestage*
Affiliation:
Faculté de médecine et des sciences de la santé de l’Université de Sherbrooke Centre de recherche sur le vieillissement du Centre de santé et de services sociaux de l’Institut universitaire de gériatrie de Sherbrooke
Nicole Dubuc
Affiliation:
Faculté de médecine et des sciences de la santé de l’Université de Sherbrooke Centre de recherche sur le vieillissement du Centre de santé et de services sociaux de l’Institut universitaire de gériatrie de Sherbrooke
Gina Bravo
Affiliation:
Faculté de médecine et des sciences de la santé de l’Université de Sherbrooke Centre de recherche sur le vieillissement du Centre de santé et de services sociaux de l’Institut universitaire de gériatrie de Sherbrooke
*
Correspondence and requests for reprints should be sent to / La correspondance et les demandes de tirés à part sont à adresser à: Catherine Lestage, PhD. Faculté de médecine et des sciences de la santé de l’Université de Sherbrooke 3001, 12e avenue Nord Sherbrooke, QC J1H 5N4 (Catherine.Lestage@USherbrooke.ca)
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Abstract

Private Residential Care Facilities (RCFs) fill the gap between independent community living and institutional settings for seniors. There are marked differences between RCFs which make them difficult to compare. To address this issue, the objective of this study was to develop and validate a classification of RCFs based on their physical and organizational environments. RCF owners across Quebec were invited to complete a questionnaire that described the setting’s physical and organizational environment. Different combinations of cluster analysis methods and statistical parameters were used to identify plausible classifications. The final choice was made by an expert committee. Overall, 552 owners returned the questionnaire. Three plausible classifications were submitted to the committee. The selected classification included five clusters that differed with regard to admission criteria, services offered and recreational activities. This classification could help health professionals select the RCF that best responds to older adults’ needs.

Résumé

Les résidences privées pour personnes âgées (RPA) sont une option entre le domicile et les centres d’hébergement de soins de longue durée. Elles sont hétérogènes, ce qui complexifie leur comparaison. Objectif. Développer et valider une classification de RPA basée sur leur environnement physique et organisationnel. Méthodes. Les propriétaires d’une RPA du Québec ont été invités à remplir un questionnaire qui dresse un portrait de l’environnement physique et organisationnel du milieu. Plusieurs méthodes d’analyses de classification automatisée et différents critères statistiques ont servi à identifier les classifications potentielles. Le choix final a été confié à un groupe d’experts. Résultats. 552 propriétaires ont retourné le questionnaire. Trois classifications ont été soumises aux experts. Celle retenue contient 5 groupes qui se distinguent par la clientèle hébergée, les services offerts et les loisirs. Conclusion. Cette classification pourra aider les professionnels à choisir la RPA qui répond le mieux aux besoins d’une personne âgée.

Type
Articles
Copyright
Copyright © Canadian Association on Gerontology 2013 

Introduction

Le vieillissement de la population qui caractérise le Québec comme l’ensemble des provinces canadiennes exerce de fortes pressions sur la prestation de services d’hébergement (Ministère de la Santé et des Services sociaux, 2003; Société Alzheimer du Canada, Reference Shih and Fan2010; Statistique Canada, 2010). Au Québec, les principaux types de milieux de vie substituts sont les résidences privées avec services (RPA; 65%), les centres d’hébergement et de soins de longue durée (CHSLD; 28%), les résidences de type familial (RTF; 3%) et les ressources intermédiaires (RI; 2%) (Conseil des Aînés, 2007). Les milieux institutionnels (CHSLD, RTF, RI) sont financés entièrement ou en partie par le ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS). Ils offrent une vaste gamme de services standardisée aux personnes âgées en perte d’autonomie. Depuis 2005, le MSSS encadre davantage leurs conditions d’accueil et diminue progressivement le nombre de places offertes. Il encourage plutôt le développement des RPA. On estime qu’environ 120 000 personnes âgées vivent actuellement dans quelques 2 000 RPA (Ministère de la Santé et des Services sociaux, 2011).

Le manque de places dans les milieux institutionnels et l’insuffisance des ressources humaines et financières dans les services de soutien à domicile forcent les intervenants du réseau de la santé à orienter les personnes âgées vers les RPA (Charpentier, Delli-Colli, et Dalpé, 2000; Delli-Colli, Dubuc, et Caron, 2006). Préalablement à toute décision d’orientation, l’intervenant procède à une évaluation rigoureuse des besoins de la personne âgée à l’aide de l’outil d’évaluation multiclientèle (OEMC). Si des services d’hébergement sont requis, l’intervenant considère l’environnement physique et organisationnel (prestation, organisation et gestion du personnel et des services) des milieux de vie substituts de sa région afin d’orienter la personne âgée vers celui qui maximisera son potentiel (autonomie, indépendance fonctionnelle et psychosociale). Cet appariement personne-environnement est l’un des principaux défis du processus d’orientation en raison de l’impact significatif de l’environnement sur la qualité de vie (Kane et al., Reference Kane, Kling, Bershadsky, Kane, Giles and Degenholtz2003; Parker et al., 2004), sur le bien-être (Lawton, Reference Lawton1983) ainsi que sur l’exercice de l’autonomie (Brawley, Reference Brawley2001; Iwarsson, Reference Iwarsson2005). Dans une étude récente (Delli-Colli et al., Reference Delli-Colli, Dubuc and Caron2006), les intervenants se sont dits inconfortables d’orienter des personnes âgées vers les RPA, notamment parce qu’ils estiment ne pas les connaître suffisamment pour juger de leur capacité à répondre aux besoins identifiés. Contrairement aux milieux institutionnels, les RPA se présentent sous différentes formes. Elles varient grandement en regard des ratios de personnel, de l’aménagement physique, des politiques d’admission, des services offerts et de la capacité d’accueil (Conseil des Aînés, 2007). Cette hétérogénéité des RPA complexifie leur représentation.

Le développement de classification est recommandé lorsqu’on souhaite se représenter un ensemble hétérogène (Everitt, Landau, & Leese, Reference Everitt, Landau and Leese2001; Hair, Black, Babin, & Anderson, Reference Hair, Black, Babin and Anderson2010), comme c’est le cas des résidences privées avec services du Québec. Bien qu’il existe des classifications de différents types de milieux de vie substituts accueillant des personnes âgées (Degenholtz, Miller, Kane, Cutler, & Kane, Reference Degenholtz, Miller, Kane, Cutler and Kane2006; Gold, Sloane, Mathew, Bledsoe, & Konanc, Reference Gold, Sloane, Mathew, Bledsoe and Konanc1991; Grant, Reference Grant1998; Park, Zimmerman, Sloane, Gruber-Baldini, & Eckert, 2006), une seule classifie des milieux comparables aux RPA québécoises, soit les assisted living (Park et al., 2006). Cette classification, développée aux États-Unis, n’est toutefois pas utilisable au Québec voire au Canada parce que certaines variables à la base de sa conception sont liées à l’organisation d’un système de santé privé.

La présente étude visait à développer et à valider une classification des RPA québécoises, basée sur les caractéristiques de leur environnement physique et organisationnel, dans le but de soutenir éventuellement les intervenants dans le processus d’orientation des personnes âgées. Elle a été approuvée par le Comité d’éthique de la recherche du Centre de santé et de services sociaux-Institut universitaire de gériatrie de Sherbrooke.

Méthodologie

Les analyses de classification automatisée (ACA) sont un outil privilégié pour le développement empirique d’une classification (Aldenderfer & Blashfield, Reference Aldenderfer and Blashfield1984; Everitt et al., Reference Everitt, Landau and Leese2001; Hair et al., Reference Hair, Black, Babin and Anderson2010). L’utilisation d’ACA est peu fréquente dans la littérature en gérontologie, nous consacrons la prochaine section à une brève description de ses principales étapes. Nous décrivons ensuite la méthodologie de la présente étude.

Analyses de classification automatisée

Les ACA visent à dégager la structure d’un ensemble hétérogène, en créant des groupes qui partagent des caractéristiques similaires. Elles permettent de se représenter chacun de ces groupes et de mieux saisir leurs particularités (Everitt et al., Reference Everitt, Landau and Leese2001; Hair et al., Reference Hair, Black, Babin and Anderson2010). En outre, elles génèrent une matrice de calculs intermédiaires qui permet, dans un deuxième temps, de classer un objet (ici une RPA) dans l’un des groupes de la classification produite dès que les informations requises sont disponibles. L’utilisation d’ACA implique plusieurs décisions d’ordre méthodologique. Hair et collaborateurs (2010) regroupent ces décisions en une série d’étapes qui concernent respectivement : l’objectif poursuivi et les variables de regroupement; l’échantillon et la préparation des données; les stratégies de regroupement; l’interprétation des groupes et la validation de la classification.

La première étape consiste à déterminer (a) le but poursuivi ainsi que (b) les variables à utiliser pour construire la classification. (a) Les ACA peuvent être utilisées dans une perspective exploratoire ou confirmatoire, la perspective exploratoire étant la plus fréquente. (b) L’inclusion d’une variable « non pertinente » peut modifier les regroupements effectués. Par conséquent, une variable ne devrait être incluse que si elle peut contribuer à définir la structure du phénomène à l’étude (Everitt et al., Reference Everitt, Landau and Leese2001). La deuxième étape concernent : (a) la taille de l’échantillon; (b) la détection des données extrêmes; (c) l’identification d’une mesure de distance; (d) l’examen de la colinéarité entre les variables; et (e) la transformation des variables. (a) Une des particularités des ACA est qu’il n’existe pas de formule mathématique pour déterminer la taille d’échantillon requise (Dolnicar, Reference Dolnicar2002). De plus, la présence de données manquantes est particulièrement complexe à gérer. Hair et collaborateurs (2010) conseillent de ne considérer que les participants sans données manquantes. Conséquemment, il faut prévoir une taille d’échantillon suffisamment importante pour, d’une part, maximiser le nombre d’observations par variable de regroupement, et d’autre part, prévoir un certain pourcentage de participants inutilisables. (b) La détection des données extrêmes est importante car plusieurs stratégies de regroupement sont fortement influencées par celles-ci. Il importe donc de déterminer si elles sont de réelles données extrêmes ou si elles témoignent de la présence d’un sous-groupe marginal. (c) et (d) Un des principes clés de l’ACA est l’identification de la proximité entre les objets sur l’ensemble des variables choisies. Un calcul de distance entre toutes les paires d’observations est alors nécessaire. Plusieurs mesures de distance existent (ex. : euclidienne, Manhattan, Mahalanobis). Le choix de la mesure est principalement déterminé par la nature des variables sélectionnées et leur niveau de colinéarité (Everitt et al., Reference Everitt, Landau and Leese2001; Gordon, Reference Gordon1999; Hair et al., Reference Hair, Black, Babin and Anderson2010; Milligan, Reference Milligan1980). Le niveau d’interdépendance entre les variables doit donc être examiné. (e) La majorité des stratégies de regroupement ne peut être employée avec des variables de nature différente (ex. : dichotomique et continue). De plus, même lorsque les variables sont de même nature, elles doivent être d’échelle identique. Si tel n’est pas le cas, il est recommandé de transformer les variables, par exemple, en utilisant le score Z (Gordon, Reference Gordon1999; Milligan & Cooper, Reference Milligan and Cooper1988).

L’étape suivante concerne le choix de la ou des stratégies de regroupement. Il existe deux grandes familles de stratégies : hiérarchiques (ex. : single linkage, complete, Ward) et non-hiérarchiques (ex. : k-means, k-modes). Ces méthodes reposent sur des principes d’agglomération distincts; elles ont chacune des avantages et des inconvénients (Everitt et al., Reference Everitt, Landau and Leese2001; Hair et al., Reference Hair, Black, Babin and Anderson2010; Milligan, Reference Milligan1980; Xu & Wunsch, 2008). Puisque les méthodes hiérarchiques et non hiérarchiques se complètent, plusieurs auteurs recommandent : 1) de varier les méthodes hiérarchiques utilisées et d’examiner la convergence des résultats; 2) d’identifier le nombre de groupes et leurs centres respectifs; et 3) d’utiliser ces informations (nombre et centres des groupes) dans une méthode non-hiérarchique (Hair et al., Reference Hair, Black, Babin and Anderson2010; Punj & Stewart, Reference Park, Zimmerman, Sloane, Gruber-Baldini and Eckert1983).

Enfin, la dernière étape se rapporte aux épreuves de validation. Ces épreuves permettent d’identifier la classification optimale d’un point de vue statistique et clinique. Statistiquement, la « meilleure » classification est celle qui crée des groupes distincts et homogènes (Kovacs, Legany, & Babos, Reference Kovacs, Legany and Babos2006). Selon Weissert et Musliner (1992), un coefficient de variation (CV) inférieur à 0,5 indique que l’homogénéité du groupe est acceptable. Pour identifier de bonnes classifications, on recommande également l’évaluation visuelle des groupes de chacune des classifications générées à l’étape précédente, l’utilisation de critères statistiques (ex. : pseudo t2, pseudo-F de Calinski) et la prise en compte de considérations pratiques (ex. : nombre raisonnable d’objets par groupe) (Everitt et al., Reference Everitt, Landau and Leese2001; Hair et al., Reference Hair, Black, Babin and Anderson2010; Kettenring, Reference Kettenring2006; Milligan & Cooper, Reference Milligan and Cooper1985; Salem & Nandi, Reference Punj and Stewart2009; Xu & Wunsch, 2008).

Certains auteurs déplorent le peu de considération donnée aux épreuves de validation (Clatworthy, Buick, Hankins, Weinman, & Horne, Reference Clatworthy, Buick, Hankins, Weinman and Horne2005; Kaufman & Rousseeuw, Reference Kaufman and Rousseeuw1990). Pourtant, il s’agit d’une étape importante, car elle permet de s’assurer que la structure de la classification n’est pas due au hasard (Lange, Roth, Braun, & Buhmann, Reference Lange, Roth, Braun and Buhmann2004). L’examen de la reproductibilité des résultats générés par les différentes méthodes de regroupement permet, par le biais d’un pourcentage d’accord, de s’assurer que tel n’est pas le cas (Lange et al., Reference Lange, Roth, Braun and Buhmann2004; Salem & Nandi, Reference Punj and Stewart2009). De plus, un processus de validation croisée permet d’apprécier la stabilité de la classification, au moyen du coefficient Kappa (Hair et al., Reference Hair, Black, Babin and Anderson2010; Punj & Stewart, Reference Park, Zimmerman, Sloane, Gruber-Baldini and Eckert1983). Landis et Koch (1977) suggèrent d’interpréter le Kappa comme suit : faible (0,00–0,40), modéré (0,41–0,60), fort (0,61–0,80) et presque parfait (0,81–1,00). Enfin, d’un point de vue clinique, la « meilleure » classification est celle qui crée des groupes utiles aux futurs utilisateurs (Hair et al., Reference Hair, Black, Babin and Anderson2010). L’emploi de variables illustratives (variables non utilisées pour développer la classification mais connues pour différer entre les groupes) ainsi que le jugement d’experts viennent appuyer l’utilité et la pertinence de la classification générée (Everitt et al., Reference Everitt, Landau and Leese2001; Hair et al., Reference Hair, Black, Babin and Anderson2010; Kettenring, Reference Kettenring2006; Milligan & Cooper, Reference Milligan and Cooper1985; Salem & Nandi, Reference Punj and Stewart2009; Xu & Wunsch, 2008).

Participants

Toutes les RPA inscrites au registre public des résidences pour personnes âgées du Québec étaient visées par la présente étude, à l’exception de celles de l’Estrie, du Nord du Québec et du Nunavik. Celles de l’Estrie ont été écartées parce qu’elles avaient participé quelques mois auparavant à l’évaluation de la fidélité du questionnaire utilisé pour la collecte des données. Deux autres critères d’exclusion ont été appliqués : effectuer des rénovations majeures au moment de la collecte de données et avoir une vocation exclusive en santé mentale, en déficience physique ou en déficience intellectuelle.

Variables et instrument de mesure

Le développement de la présente classification s’inscrit dans une perspective exploratoire. Les variables retenues pour développer la classification sont issues du questionnaire de l’environnement physique et organisationnel, appelé EPO. Ce questionnaire auto-administré permet de décrire 13 dimensions de l’environnement physique et organisationnel des RPA, par exemple les aires communes, la sécurité, les politiques d’admission et les services offerts. Chaque dimension s’apprécie par le biais d’un score sur 100. Plus ce score est élevé, plus la RPA est pourvue en ressources matérielles, humaines et organisationnelles liées à la dimension concernée. La décision de privilégier le score des dimensions de ce questionnaire s’appuie sur des considérations théoriques et cliniques. D’une part, ces dimensions sont reconnues utiles pour se représenter un milieu de vie ou pour rencontrer adéquatement les différents besoins des personnes âgées qui y demeurent (Lawton, Weisman, Sloane, & Calkins, Reference Lawton, Weisman, Sloane and Calkins1997; Regnier & Scott, Reference Parker, Barnes, McKee, Morgan, Torrington and Tregenza2001). D’autre part, les items composant chacun des scores du questionnaire EPO ont été identifiés comme essentiels, suite à une consultation Delphi menée auprès de 48 experts québécois (Lestage, Dubuc, & Bravo, Reference Lestage, Dubuc and Bravo2008). Enfin, le questionnaire EPO ne requière pas la présence d’un examinateur externe et présente de bonnes qualités psychométriques (Lestage, Dubuc et Bravo, Reference Lestage, Dubuc and Bravo2009).

Collecte de données

Les responsables d’une RPA ont reçu, par la poste et à leur attention personnelle, une lettre explicative de l’étude, le questionnaire EPO accompagné de son guide de consignes et de directives, une fiche de consentement, une fiche de désistement, une fiche d’informations sociodémographiques ainsi qu’une enveloppe-réponse préadressée et affranchie. Trois semaines plus tard, un appel téléphonique a permis de vérifier si le responsable avait bien reçu les documents. Bien qu’il soit recommandé d’effectuer une deuxième relance auprès des non-répondants (Dillman, Reference Dillman2000), aucune autre tentative n’a été effectuée auprès de ces derniers, à la demande du Comité d’éthique de la recherche de notre établissement. Nous avons toutefois rappelé les responsables qui avaient omis de répondre à certaines questions.

Analyse de données

Après avoir décrit les caractéristiques des RPA participantes à l’aide de fréquence et de moyenne, nous avons procédé aux analyses de classification automatisée (ACA) en respectant les étapes préalablement exposées. Nous avons calculé un score Z pour chacune des variables afin d’établir leur écart à la moyenne et ainsi détecter la présence de données extrêmes. Puisque les variables de regroupement étaient de nature continue, nous avons étudié la matrice des corrélations pour établir leur niveau de colinéarité. Pour les paires de variables trop fortement corrélées entre elles, nous avons retiré une variable par paire identifiée. Comme mesure de distance, nous avons utilisé la distance euclidienne qui permet une interprétation simple et rapide de l’écart entre deux observations (Hair et al., Reference Hair, Black, Babin and Anderson2010). Enfin, la standardisation des données n’était pas nécessaire puisque la nature et l’échelle des variables étaient identiques.

Nous avons utilisé les méthodes hiérarchiques de Ward, average et complete, chacune produisant des classifications potentielles. Nous avons employé la représentation par dendrogramme, le pseudo-F de Calinski (Calinski & Harabasz, Reference Calinski and Harabasz1974) comme règle d’arrêt et certains critères pratiques (ex. : nombre raisonnable de résidences par groupe, nombre de groupes aisé à manipuler) afin d’identifier le nombre de groupes acceptable ainsi que les centres de chacun de ces groupes, et ce, pour chacune des classifications générées. Ces informations furent ensuite utilisées avec la méthode non-hiérarchique k-means. Les classifications ainsi générées ont ensuite été examinées attentivement. Nous avons calculé un coefficient de variation pour chacun des groupes de chacune des classifications afin de mesurer leur homogénéité. La reproductibilité a été étudiée par le biais d’un pourcentage d’accord entre les classifications produites par les différentes méthodes d’ACA employées. La stabilité a été testée par la procédure de validation croisée suggérée par Punj et Stewart (1983). Celle-ci consiste à estimer un coefficient Kappa entre les résultats dérivés de deux sous-échantillons. La mise en commun de tous ces paramètres nous a amené à rejeter un certain nombre de classifications et à identifier les plus pertinentes d’un point de vue statistique. Ces dernières ont été soumises à un groupe d’experts composé de cliniciens expérimentés dans le processus d’orientation des personnes âgées. Cette consultation d’experts avait pour but d’évaluer la pertinence clinique ainsi que l’utilité des classifications présentées. Afin de faciliter et de soutenir les discussions du groupe d’experts, un document de travail leur avait été préalablement remis. On y retrouvait la description de l’étude ainsi que la présentation de chacune des classifications jugées statistiquement pertinentes. De plus, les groupes de ces classifications étaient décrits à l’aide de variables illustratives (ex. : services spécifiques, clientèle, taille) et des dimensions de l’EPO. La statistique du khi-carré et l’analyse de variance univariée avec correction de Bonferroni ont servi à comparer les différents groupes sur ces variables.

Toutes les analyses statistiques ont été réalisées à l’aide du progiciel SPSS, version 15.0.

Résultats

Échantillon

Au moment de la collecte des données, 2 262 RPA étaient inscrites au registre. De celles-ci, 334 ne satisfaisaient pas aux critères d’inclusion. Sur les 1 928 admissibles, 552 (29%) responsables ont retourné le questionnaire. Ceux-ci étaient répartis dans les 14 régions socio-sanitaires du Québec. Les responsables participants et non-participants sont comparables en ce qui a trait au sexe (p = 0,212). Cependant, ceux de résidence de moins de 100 lits (p < 0,001) et localisés en zone rurale (p = 0,003) ont davantage participé. En nombre absolu, l’échantillon comprend toutefois davantage de RPA situées en zone urbaine. Le tableau 1 présente quelques caractéristiques des RPA participantes. On y remarque que celles-ci varient au plan de l’environnement physique (bâtiment, ascenseur, unités locatives) et organisationnel (clientèle et services offerts).

Tableau 1 : Caractéristiques des 552 RPA participantes

* plus d’une réponse possible.

Analyse de classification automatisée

Les données ont d’abord été examinées à l’aide d’un score Z, afin de déceler la présence de données extrêmes. Soixante-cinq données potentiellement aberrantes ont ainsi été identifiées. Les analyses ont été effectuées avec et sans ces données, et aucune différence significative n’a été notée. Les 552 RPA ont donc été incluses dans les analyses. L’examen de la matrice des corrélations a révélé que deux paires de variables étaient fortement corrélées. La première paire concernait les politiques d’admission et les politiques de rétention (r de Pearson = 0,92); la seconde concernait l’environnement supportant l’autonomie et le confort, l’intimité et la personnalisation (r = 0,87). Nous avons retiré une dimension par paire identifiée conformément à la visée clinique de l’étude, soit de soutenir les intervenants dans le processus d’orientation. Conséquemment, les scores des 11 dimensions suivantes de l’EPO ont été utilisés : espaces communs, environnement supportant l’autonomie, équipement spécialisé, sécurité, contrôle personnel, activités récréatives, politiques d’admission, clarté des politiques, offre de services, personnel et déficits cognitifs.

Après avoir combiné les différentes méthodes de classification et stratégies de regroupement, nous avons considéré différents paramètres statistiques (cf. tableau 2) afin d’écarter les classifications moins intéressantes. Le pseudo-F de Calinski a permis de guider le nombre optimal de groupe. Les meilleurs résultats provenaient des classifications à cinq groupes pour lesquelles la valeur du pseudo-F était maximisée. Le pourcentage de reproductibilité entre les classements issus des différentes méthodes de regroupement variait entre 75 pour cent et 90 pour cent. L’examen des coefficients de variation des groupes générés par chacune des classifications démontra qu’ils étaient tous homogènes (CV < 0,5). Ce paramètre ne s’est donc pas avéré discriminant. Ensuite, pour réaliser la validation croisée, nous avons divisé aléatoirement l’échantillon principal en deux sous-échantillons comprenant respectivement 75 % (n = 411) et 25 % (n = 141) des résidences. Les deux sous-échantillons étaient comparables en ce qui a trait aux 11 variables de regroupement (p = 0,181 à 0,940), à la région géographique (p = 0,564) et à la taille de la résidence (p = 0,988). La stabilité des classifications a été établie par les Kappas obtenus, lesquels variaient de 0,48 à 0,88.

Tableau 2 : Valeurs des différents paramètres statistiques examinés pour choisir les meilleures classifications à 5, 6 et 7 groupes

L’examen visuel des groupes et des dendrogrammes générés et l’appréciation des paramètres statistiques ne permettent pas d’identifier la classification la plus pertinente. Ce choix résulte davantage d’un équilibre entre des considérations d’ordre statistique et pratique (Hair et al., Reference Hair, Black, Babin and Anderson2010; Kettenring, Reference Kettenring2006). Seuls des experts cliniciens peuvent évaluer dans quelle mesure une classification donnée reflète la réalité « terrain ». Nous avons donc présenté à un comité d’experts « la meilleure » classification à 5 groupes, à 6 groupes et à 7 groupes telles que soutenues par les paramètres statistiques et le jugement de deux membres de l’équipe.

Choix de la classification finale

Le comité d’experts était composé de huit professionnels de la santé impliqués dans le processus d’orientation des personnes âgées. Les membres étaient âgés en moyenne de 44 ans (± 11 ans) et sept d’entre eux étaient des femmes. La moitié des membres travaillaient en soutien à domicile, alors que les autres œuvraient en milieu hospitalier. Ils avaient en moyenne plus de sept ans d’expérience dans leur fonction actuelle et plus de 11 ans d’expérience auprès de personnes âgées.

Cette rencontre de trois heures a permis aux experts d’échanger sur les avantages et les inconvénients de chacune des classifications et sur leur pertinence clinique. À l’aide de RPA connues de tous les experts, des exercices d’assignation manuelle ont été faites. À la fin de la rencontre, les experts ont individuellement ordonné leurs préférences quant aux classifications proposées. Tous les membres préféraient la classification à 5 groupes créée à partir de la méthode hiérarchique de Ward et de la méthode non-hiérarchique k-means. Cette classification assigne les RPA de manière identique dans plus de 86 pour cent des cas. De plus, elle forme des groupes homogènes (CV = 0,28) et présente une très bonne stabilité (Kappa = 0,88). De manière plus spécifique, le tableau 3 présente la moyenne et l’écart-type des 11 dimensions du questionnaire EPO ayant servi à la création des 5 groupes de la classification retenue. Le tableau 4 complète le portrait en comparant les groupes sur les variables illustratives essentielles au processus d’orientation d’une personne âgée.

Tableau 3 : Comparaison des groupes sur les variables ayant servi à construire la classification finale

a moyenne (écart-type).

Note: La moyenne la plus élevée est en gras; la plus faible est en italique.

Tableau 4 : Comparaison des groupes sur les variables illustratives

a Fréquence des résidences qui présentent cette caractéristique.

Note: La fréquence la plus élevée est en gras; la plus faible est en italique.

Voici une brève description de chacun des groupes. Le groupe 1 (n = 139) se caractérise par des résidences ayant peu d’équipements spécialisés et où les personnes ont peu d’occasions d’exercer leur contrôle personnel et de participer à des activités récréatives. Il se distingue par un haut pourcentage de petites résidences (≤ 9 lits) à but lucratif, offrant principalement des chambres privées. Ce groupe admet surtout des personnes âgées en très légère perte d’autonomie. Le propriétaire vit généralement sur les lieux et il assume lui-même certaines tâches telles que la préparation des repas, l’entretien ménager et la distribution de médicaments. La nuit, il assure une présence physique, mais il n’est pas forcément éveillé.

Le groupe 2 (n = 170) est similaire au groupe 1 en ce qui a trait au peu d’espaces communs accessibles aux résidents et à un environnement supportant peu l’autonomie fonctionnelle (absence de barres d’appui, de services à proximité, de buanderie, etc.). En revanche, il s’en distingue parce qu’il offre plus d’activités récréatives et qu’il admet une clientèle en plus grande perte d’autonomie. Il présente d’ailleurs la moyenne la plus élevée quant à l’offre de services. Ce groupe est composé de résidences de petite à moyenne taille (≤ 29 lits) offrant principalement des chambres privées. Ces résidences accueillent des personnes âgées ayant des déficits cognitifs et de légers troubles de comportement. Dans ce groupe, la situation typique est un propriétaire qui demeure sur les lieux et qui assiste les résidents dans leurs activités de la vie quotidienne (AVQ) et domestique (AVD), et ce, avec l’aide de quelques employés non infirmiers.

Contrairement aux deux groupes précédents, le groupe 3 (n = 58) offre davantage d’espaces communs. Les résidences de ce groupe présentent le même niveau d’équipements spécialisés et une offre similaire d’activités récréatives que les résidences du groupe 2. Le groupe 3 obtient les plus hauts scores quant à l’environnement supportant l’autonomie et l’exercice du contrôle personnel. Toutefois, il présente les plus faibles quant à l’offre de services, au personnel et aux interventions liées aux déficits cognitifs. Ce groupe est caractérisé par une forte présence de résidences privées à but non lucratif. Ce sont généralement des milieux collectifs, de grande taille (entre 30 et 99 lits), offrant principalement des appartements. Parmi tous les groupes, celui-ci accueille la clientèle la plus autonome et présente l’offre de services la plus limitée. Sauf exception, il n’y a pas de personnel infirmier ni d’assistance. Le groupe 4 (n = 72) obtient les plus hautes moyennes quant aux espaces communs accessibles aux résidents ainsi qu’à son offre d’activités récréatives. Ce groupe est caractérisé par des résidences de grande à très grande taille (100 lits et plus) qui offrent à la fois des chambres privées et des logements. Comme dans le groupe 1, les résidences de ce groupe accueillent une clientèle en légère perte d’autonomie. Elles offrent principalement des services dans les AVD. Le groupe 4 se démarque par une présence éveillée 24 heures sur 24. Plus de la moitié des résidences de ce groupe disposent de personnel infirmier et d’assistance pour dispenser les services.

Le groupe 5 (n = 113) se caractérise par l’obtention des plus hautes moyennes quant aux équipements spécialisés, à la sécurité, aux politiques d’admission (donc moins strictes), à la clarté de ses politiques organisationnelles, au personnel ainsi qu’aux interventions en lien avec les déficits cognitifs. Ce groupe est majoritairement composé de résidences privées à but lucratif de grande à très grande taille. Ces résidences accueillent des personnes âgées avec une perte d’autonomie plus importante que tous les autres groupes. Elles offrent beaucoup de services d’aide par l’entremise de leur personnel infirmier et d’assistance ainsi qu’une présence éveillée 24 heures sur 24.

Discussion

L’objectif de cette étude était de développer et de valider une classification des résidences privées avec services accueillant des personnes âgées. L’analyse de différents paramètres statistiques indiquait que la classification à 5 groupes était l’une des plus stables, des plus reproductibles et des plus homogènes. Toutefois, trois classifications ont été soumises à un groupe d’experts pour qu’ils puissent identifier la plus significative d’un point de vue clinique. Les experts ont jugé que la classification à 5 groupes était la plus utile et la plus représentative de la réalité.

Plusieurs facteurs contribuent à définir les résidences privées, et la taille est très certainement l’un des plus utilisés. À cet effet, les groupes ont été présentés sur un continuum quant à leur taille. Ainsi, les groupes 1 et 2 sont composés de petites et moyennes résidences, tandis que les groupes 4 et 5 sont composés de résidences de grande à très grande taille. Ce continuum peut être scindé en trois parties. On peut se représenter la première partie (groupes 1 et 2) comme une résidence unifamiliale où des chambres y sont louées. Le salon et la salle à manger tiennent lieu d’espaces communs. Le propriétaire demeure sur place avec les résidents. Dans cette partie du continuum, il y a une démarcation quant à la clientèle accueillie et aux services offerts. En effet, on remarque que le groupe 1 offre moins de services et héberge une clientèle continente et plus autonome. À l’inverse, le groupe 2 offre beaucoup de services à une clientèle présentant davantage d’incapacités (déficits cognitifs, troubles de comportement, incontinence). Dans cette partie du continuum (groupes 1 et 2), le loyer inclut normalement tous les services, que ces derniers soient requis ou non par la personne hébergée. Le groupe 3 compose à lui seul une partie du continuum. Il se distingue par son fort pourcentage de résidences à but non lucratif. On peut se représenter cette partie comme un immeuble d’appartements géré par le conseil d’administration d’un organisme à but non lucratif. Des personnes âgées y sont hébergées, mais elles doivent avoir un bon niveau d’autonomie fonctionnelle (continentes, sans déficits cognitifs ou problèmes de comportement). Ce sont principalement des bénévoles qui animent et administrent ce type de milieux. Lorsqu’un résident a besoin d’assistance pour ses AVQ ou AVD, il doit faire appel à son réseau social, au centre de santé et de services sociaux ou aux entreprises d’économie sociale de sa région. Le coût du loyer est généralement moindre ou subventionné en partie par divers partenaires. Enfin, la troisième partie du continuum est composée des groupes 4 et 5 de la classification. Elle peut se représenter par de grands complexes d’appartements, mais offrant également des chambres. C’est dans cette partie que l’on retrouve les grands complexes qui offrent des aménagements et services différents, selon le niveau d’autonomie des personnes hébergées. Ces résidences comptent une infirmière sur place et du personnel pour offrir des soins d’assistance. Le coût de tous ces services s’ajoute généralement au loyer mensuel. À l’intérieur de cette partie du continuum, on remarque encore deux niveaux différents quant à la clientèle hébergée et aux services offerts. Le groupe 4 offre moins de services et accueille une clientèle davantage autonome, tandis que le groupe 5 offre davantage de services à une clientèle en plus grande perte d’autonomie. En somme, les 5 groupes issus de la classification développée illustrent bien différentes configurations d’environnement physique et organisationnel. La classification permet donc de se représenter rapidement une RPA, selon le groupe auquel elle appartient.

Contrairement à d’autres types d’analyses statistiques, les ACA rendent difficiles la comparaison des résultats obtenus à ceux d’autres études car elles sont très influencées par le choix des variables et la mesure de distance utilisées pour créer les groupes. Néanmoins, nous trouvons pertinent de comparer notre classification à celle de Park et collaborateurs (2006) développée à partir de 189 assisted living. Leur classification est composée de 6 groupes qui se distinguent principalement par les services offerts, le profil des personnes hébergées, le contrôle que peut exercer le résident sur son environnement et le pourcentage de personnes sous le régime d’assurance Medicaid. Le premier groupe (n = 14) offre très peu de services à des personnes ayant très peu d’incapacités comparativement aux autres groupes. Le second groupe (n = 25) se démarque par sa clientèle à très faibles revenus et pouvant présenter un problème de santé mentale. Le troisième groupe (n = 7) se définit par le haut taux de roulement de son personnel ainsi que par sa clientèle atteinte de problèmes de santé mentale. Le quatrième groupe (n = 54) est caractérisé par des milieux de grande taille ayant les plus hauts scores en termes de loisirs offerts et de qualité de l’environnement. Ce groupe accueille des personnes ayant peu d’incapacités. Le cinquième groupe (n = 57) offre une intensité modérée de services à une clientèle en grande perte d’autonomie. Enfin, le sixième groupe (n = 32) ne se démarque statistiquement d’aucun autre groupe de la classification. Il est intéressant de constater que certaines configurations de groupes sont comparables aux nôtres, malgré l’utilisation de variables de regroupement différentes. Il s’agit notamment des groupes 1, 4 et 5 qui présentent des caractéristiques similaires dans les deux classifications.

Forces et limites

La présente étude comporte certaines forces et limites qui méritent d’être discutées. Parmi les limites, notons tout d’abord le taux de participation et le peu de données disponibles sur les RPA non-participantes. Il est connu que le mode d’administration d’un questionnaire influence le taux de participation (Hox & De Leeuw, Reference Hox and De Leeuw1994; Shih & Fan, Reference Regnier, Scott, Zimmerman, Sloane and Eckert2009). Pour contrer les désavantages liés à notre méthode de collecte de données, nous avions pris diverses mesures, dont l’envoi d’une lettre personnalisée et signée, l’utilisation d’une enveloppe-réponse affranchie et la relance des non-répondants (Edwards et al., Reference Edwards, Roberts, Clarke, DiGiuseppi, Pratap and Wentz2007). Soulignons qu’au moment de notre collecte des données, les responsables participaient pour la première fois au processus de certification obligatoire, ce qui leur demandait beaucoup de temps et d’énergie. Ils devaient notamment compléter plusieurs formulaires, suivre de la formation et assister à des rencontres d’information. De plus, la Société canadienne d’hypothèques et de logement menait une étude sur la même population, ce qui peut avoir nui au recrutement de la présente étude. Bien que le taux de participation soit un indicateur de validité externe et de généralisation possible des résultats, notre échantillon représente tout de même 29 pour cent de la population visée et non d’un échantillon présélectionné, ce qui est loin d’être négligeable. Par ailleurs, les ACA ne se jugent pas aux mêmes critères de validité que les études quantitatives usuelles. Ce qui importe, c’est d’abord de retrouver au sein de l’échantillon la diversité des caractéristiques qui définissent les objets à classifier. L’échantillon doit aussi contenir un nombre élevé d’objets par rapport au nombre de variables utilisées pour effectuer les regroupements (Dolnicar, Reference Dolnicar2003; Hair et al., Reference Hair, Black, Babin and Anderson2010). Notre échantillon contient des résidences aux caractéristiques variées et dispersées dans tout le Québec. Le ratio entre le nombre de participants et le nombre de variables de regroupement (552 participants/11 variables) est l’un des plus élevés, si on le compare à d’autres études ayant utilisé le même type d’analyses statistiques (Degenholtz et al., Reference Degenholtz, Miller, Kane, Cutler and Kane2006; Grant, Reference Grant1998; Park et al., 2006). Park et collaborateurs disposaient d’un échantillon de 189 participants pour 26 variables, Degenholtz et collaborateurs de 131 participants pour 25 variables et Grant de 334 participants pour sept variables. Enfin, la taille de l’échantillon offre suffisamment de puissance pour détecter les différences entre les groupes générés.

Trois régions socio-sanitaires ont été exclues de l’étude, comptant pour un peu moins de 130 RPA. Rien ne laisse croire que ces RPA soient différentes de celles qui ont contribué à développer la présente classification. Néanmoins, il serait intéressant de vérifier que celle-ci les représente adéquatement. Une fois les variables collectées, il suffirait d’insérer les données dans la matrice de calculs pour établir leur distance euclidienne aux centres des groupes de la classification générée. Des distances élevées suggèreraient que ces RPA diffèrent de celles du reste du Québec.

Un autre élément à discuter concerne une faiblesse inhérente à l’utilisation d’ACA. Ce type d’analyse statistique produit toujours des regroupements d’objets, qu’il existe ou non une réelle structure à l’intérieur de l’ensemble initial (Hair et al., Reference Hair, Black, Babin and Anderson2010). Afin de s’assurer que les regroupements générés ont des fondements théoriques et cliniques, il est important de se prémunir d’une méthodologie réfléchie et de valider la classification retenue. L’une des forces indéniables de notre étude est la méthodologie rigoureuse et très détaillée fournie dans le présent article. Cette description détaillée permet de reproduire l’étude et d’en apprécier la qualité (Clatworthy et al., Reference Clatworthy, Buick, Hankins, Weinman and Horne2005). Afin de nous assurer de la fiabilité de la classification choisie, nous avons utilisé plusieurs méthodes d’ACA et analysé leur reproductibilité. De plus, les groupes de la classification choisie représentent un pourcentage raisonnable de milieux (entre 11% et 31%) et sont homogènes. Un processus de validation croisée a permis de démontrer sa très bonne stabilité (Kappa=0,88). Aussi, un groupe d’experts cliniciens a confirmé la pertinence et la représentativité de nos résultats, ce qui accroît leur validité. Une autre force de notre étude est la cohérence que l’on observe entre le troisième et le quatrième tableaux de résultats, notamment au plan des politiques d’admission, de l’offre de services, de la taille de la résidence et des espaces communs disponibles. Enfin, comme le comité d’experts l’a mentionné à plusieurs reprises, cette classification répond à un besoin clinique. En effet, les intervenants du réseau de la santé doivent rapidement s’approprier de l’information sur les milieux d’hébergement de leur région afin de conseiller et de soutenir adéquatement les personnes âgées et leur famille dans leurs démarches de sélection d’un milieu de vie substitut. Notre étude répond à ce besoin, puisqu’elle a permis de développer la matrice des calculs intermédiaires à l’assignation des RPA. Comme illustré en annexe, cette matrice permet d’assigner à l’un des 5 groupes une RPA donné pour laquelle nous disposons des 11 variables ayant servi à construire la classification. Les intervenants pourront ainsi rapidement identifier celles qui répondent le mieux aux besoins cliniques de la personne âgée à relocaliser et à ses préférences.

Conclusion

Les résultats de l’étude justifient le malaise vécu par les intervenants impliqués dans le processus d’orientation des personnes âgées, en confirmant l’hétérogénéité des RPA. Le matériel utilisé (questionnaire EPO et guide de consignes) et développé (matrice des calculs intermédiaires à la classification) dans cette étude est d’ores et déjà utilisable. Néanmoins, il serait plus aisé à utiliser s’il était informatisé et disponible en ligne. Un tel programme permettrait que la compilation des données et l’assignation d’une résidence à son groupe d’appartenance se fassent de manière automatisée. L’informatisation d’une telle base de données faciliterait son accès aux intervenants impliqués dans le processus d’orientation des personnes âgées. En plus d’obtenir des informations sur le groupe d’appartenance de la RPA, des données complémentaires pourraient y être extraites. Par exemple, la présence d’un service en particulier, mais aussi la localisation géographique et le coût du loyer mensuel, trois informations importantes dans le choix d’une RPA (Castle & Sonon, Reference Castle and Sonon2007). Le nombre de places vacantes dans une RPA donnée pourrait également y figurer. Les propriétaires pourraient eux-mêmes mettre cette information à jour périodiquement. Une meilleure connaissance de ces milieux de vie constitue un pas dans la bonne direction pour faciliter le travail des intervenants et offrir un environnement adapté aux besoins et aux préférences de la personne qui requiert des services d’hébergement.

Matériel supplémentaire

Pour voir matériel supplémentaire pour cet article, s’il vous plaît visitez http://dx.doi.org/10.1017/S0714980813000627

Footnotes

*

Catherine Lestage tient à remercier les Instituts de recherche en santé du Canada ainsi que les Fonds de la recherche en santé du Québec pour l’octroi des bourses de formation de doctorat.

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Figure 0

Tableau 1 : Caractéristiques des 552 RPA participantes

Figure 1

Tableau 2 : Valeurs des différents paramètres statistiques examinés pour choisir les meilleures classifications à 5, 6 et 7 groupes

Figure 2

Tableau 3 : Comparaison des groupes sur les variables ayant servi à construire la classification finale

Figure 3

Tableau 4 : Comparaison des groupes sur les variables illustratives

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