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MultiplesIdentifications - Khun Eng Kuah-Pearce et Andrew P. Davidson, eds., At Home in the Chinese Diaspora: Memories, Identities and Belongings (Basingstoke, Palgrave MacMillan, 2008).

Published online by Cambridge University Press:  04 February 2010

Aurélie Névot*
Affiliation:
Laboratoire “Milieux, sociétés et cultures en Himalaya”, CNRS, Paris [aurelie.nevot@gmail.com]

Abstract

Type
Book Reviews
Copyright
Copyright © A.E.S. 2009

Ce volume collectif a ete publie sous la direction de Khun Eng Kuah-Pearce de l'université de Hong-kong (Chine) et d'Andrew P. Davidson de l'université de New South Wales (Australie).

En guise d'introduction (chapitre l intitule Diasporic Memories and Identities, pp. 1-11), une redéfinition du concept de diaspora est tout d'abord proposée. En accord avec James Clifford, K. E. Kuah-Pearce et A. P. Davidson voient les « communautés diasporiques » (diasporic communities) – constituées ici d’émigrés chinois – non pas comme des entités animées par un « changing same », mais en cours de transformation, d’« hybridation », à l'intersection de cultures différentes, tout en « persistant à être là » (p. 4). C'est donc à la fois de perpétuations et de reformulations identitaires dans un contexte transnational soutenu par des moyens de communication puissants, qu'ils proposent d’étudier. Mémoires (memories) – individuelle et collective – et sentiments d'appartenance (belongings) constituent les thèmes majeurs des différents contributeurs. Le livre a pour ambition de montrer comment les mémoires – que A. P. Davidson qualifie de « miroirs de la vie », « Memories are the mirrors of life » (p. 250) – se déploient et sont négociées afin de fonder une identité et de rétablir un sentiment d'appartenance, mais aussi comment les mouvements transnationaux affectent le mythe du pays natal et l'idée d'un retour aux origines. Il s'agit de comprendre comment les identités sont construites, vécues, transformées et transmises (p. 245) et comment les communautés diasporiques se réélaborent et se réimaginent à travers elles. D'après ses maîtres d’œuvre, cet ouvrage ouvre de nouvelles perspectives sur des aires géographiques où les communautés chinoises ont jusqu'ici été fort peu étudiées (contrairement aux travaux déjà entrepris en Grande-Bretagne et aux États-Unis).

Dans un premier article portant sur « The Play of Identity, Memory and Belonging: Chinese Migrants in Sydney » (pp. 12-32), Andrew P. Davidson s'interroge sur le sentiment d'appartenance que les migrants développent peu à peu. Comment les émigrés chinois recréent-ils un socle social ? Comment « se sentir chez soi » au sein d'une culture anglo-celtique ? Les réponses divergent selon l’âge, le sexe, le niveau d’éducation, la capacité à parler anglais des personnes interviewées : pour certaines d'entre elles, il paraît difficile de ressentir une certaine familiarité avec les Australiens (p. 20), le bien-être résidant au sein de la communauté diasporique. D'autres ont des points de vue inverses. Les femmes – en particulier – n'imaginent pas un instant retourner au pays (au chapitre 14, A. P. Davidson revient rapidement sur l'influence du « sexe » (gender) seulement effleurée ici, soulignant que certaines femmes développent par le biais de la migration des stratégies leur permettant de se défaire du « monde patriarcal » chinois). A. P. Davidson pointe du doigt, sans hélas argumenter plus avant, l'importance du lieu de résidence, afin de s'inscrire dans le processus d'identification local : le sentiment d'appartenance se développe, affirme-t-il, quand on se dit résident de Sydney et non pas d'Australie (p. 19). Nous reviendrons sur la notion chinoise de « bendiren » traduisible par « les gens qui ont leur racine sur ce territoire », notion nullement évoquée ici et néanmoins cruciale pour saisir qu'en Chine même, on s'identifie non pas seulement en fonction de son appartenance ethnique, mais aussi en fonction du territoire que l'on occupe.

Le chapitre suivant se focalise sur le maintien de relations avec le pays d'origine par le biais de réseaux. Dans cet article intitulé « Memories and Identity Anxieties of Chinese Transmigrants in Australia » (pp. 33-51), David Ip développe l'idée que l'immigration n'engendre pas nécessairement une rupture avec le pays d'origine mais entraîne, au contraire, la création de réseaux avec ce dernier, tout en impliquant un ancrage dans le pays d'adoption. Il introduit alors les notions de « migrants transnationaux » et de « transnationalisme » qu'il préfère à celles de « migrants » et d’« immigration ». Ces migrants sont sans cesse pris dans un processus de mouvement, vacillent entre un ici et un ailleurs ; d'où une certaine anxiété chez eux. Désireux d'explorer « the inner world of the transmigrant » (p. 35), qu'il ne fait qu’évoquer, l'auteur constate que le problème essentiel consiste, dans un tel contexte, à « réassembler leur identité », prise entre plusieurs traditions et des mémoires plurielles.

C'est aussi de stabilité et de fixation de l'identité dont il est question ensuite chez Walter F. Lalich dans « Chinese Collective Memories in Sydney » (pp. 52-73). L'auteur analyse l'importance de l'environnement communautaire dans la « perception de la sinitude » (chineseness). Au terme d'une discussion théorique sur la notion de mémoire collective ou sociale (il parle de mémoire en contexte socio-spatial), puis de considérations sur les endroits communaux ou publics (landmarks), il explore les lieux d'appropriation de la communauté chinoise à Sydney depuis les années 1950 (temples bouddhistes, églises chrétiennes, associations amicales, centres communautaires, foyers pour personnes âgées). C'est ainsi qu'il introduit l'idée de « stratification de la mémoire collective », en ce sens que cette dernière est localisée en différents endroits de Sydney ; chaque membre de la diaspora a alors la possibilité d’être membre de plusieurs entités communautaires selon les endroits qu'il investit. De même que Maurice Halbwachs, l'auteur met en avant que différentes mémoires individuelles sont localisées au sein de la mémoire collective. L'individu est donc réintroduit au sein de la problématique au terme de cette troisième étude.

« Generational Identities through Time: Identities and Homelands of the ABCs » (pp. 74-93), aborde une tout autre thématique tout en faisant écho aux deux articles précédents. Lucille Ngan interroge le rapport à la sinitude (chineseness) des troisième et quatrième générations d'immigrés (ABC), c'est-à-dire de ceux qui sont nés en Australie de parents nés en Australie. Quand les descendants de premiers migrants sont intégrés à la société d'accueil, peut-on encore les considérer comme membres d'une communauté diasporique et ce, bien que toutes relations avec le pays d'origine soient absentes ? L'expérience diasporique de ces Australiens d'origine chinoise ne peut guère s'appréhender de la même façon que celle de la diaspora au sens où on l'entend généralement, car leur négociation de l'ethnicité est différente de celle des autres migrants. Les générations qui les précèdent leur transmettent une certaine nostalgie du pays d'origine, un homeland souvent imaginé et réinventé. C'est en ce sens que L. Ngan souligne que la sinitude n'est pas une catégorie avec un contenu fixe : elle est constamment transformée selon les enjeux de négociation. S'opposant à l'idée que la chineseness repose uniquement sur le contexte transnational, l'auteure l'inscrit également dans le cadre de la transmission familiale : l'influence transgénérationnelle de la mémoire a de fortes conséquences sur la perception de sa propre « chinoiseté ».

Le sixième chapitre nous permet de quitter l'Australie pour découvrir la diaspora chinoise de Nouvelle-Zélande. Andrew P. Davidson et Rosa Dai tentent de comprendre comment les politiques d'immigration ont influencé les mouvements de Chinois vers cette région du monde en analysant les stratégies et les réseaux transnationaux qui facilitent une telle migration, d'où le titre, « Moving through Memory: Chinese Migration to New Zealand in the 1990s » (pp. 94-110). Un nouveau concept est introduit ici, celui de « de leur article migration en chaîne » (chain migration) : les motivations à la migration sont soutenues par le biais d'arrangement sociaux et de connaissances (les guanxi ne sont jamais abordées de front dans cet ouvrage bien qu'elles constituent le socle de l’édifice social chinois) qui impliquent la diffusion d'informations et le soutien des membres de la diaspora à l’égard des nouveaux arrivants. Les opportunités de carrière facilitent également les mouvements d'immigration. La conclusion, fort liminaire et peu problématisante, suggère que l'investissement dans le réseau social local et la politique d'immigration du pays d'accueil contribuent à l'arrivée de nouveaux migrants chinois en Nouvelle-Zélande.

C'est aussi de réseaux dont il s'agit dans le chapitre « Collective Memories as Cultural Capital: from Chinese Diaspora to Emigrant Hometowns » (pp. 111-127). K. E. Kuah-Pearce examine comment des Chinois originaires de la province du Fujian, précisément du district d'Anxi, négocient leur mémoire et leur identité à Singapour. Les membres de la diaspora mettent en avant des valeurs sociales propres à leur culture, perçues comme « authentiques ». Développant des réseaux de parentés transnationaux, ils soutiennent financièrement et revitalisent leur village ancestral (dont le nom n'est pas donné). Investis dans la rénovation du temple local (dont on ne sait s'il s'agit d'un temple bouddhiste, taoïste ou de celui des dieux du sol), ils maintiennent, précise K. E. Kuah-Pearce, la relation avec leurs parentèles et leurs ancêtres en Chine tout en les célébrant également dans le temple construit à leur attention à Singapour.

Sur un tout autre registre, le chapitre suivant traite de la diaspora chinoise en Corée du Sud. Sheena Choi s'intéresse aux « Politics, Commerce and Construction of Chinese ‘Otherness’ in Korea : Open Port Period (1876-1910) » (pp. 128-145). Alors que toute une littérature se développe au sujet du rôle de la colonisation japonaise dans la construction de la mémoire nationale coréenne, S. Choi tente de démontrer que l'influence de la Chine est tout aussi importante dans la communauté imaginée (imagined community) de la Corée. Pour ce faire, elle examine les interactions sociales, politiques et économiques entre les deux pays. La Chine de l'empire des Qing fut victime de l'impérialisme occidental à la fin du XIXe siècle tout en pratiquant à son tour, dans le cadre international, l'impérialisme moderne au travers de ses relations avec la Corée (reste à savoir si ces deux formes d'impérialisme abordées par S. Choi sont comparables) : elle tenta de restaurer sa souveraineté en Corée durant les années 1880 et 1890. Avec la défaite des Qing lors de la guerre sino-japonaise, au début du XXe siècle, la Chine fut perçue par la Corée comme le symbole de l’« autre arriérée » (backward other), ce qui eut une certaine influence sur la construction de l'identité coréenne et en même temps, sur la perception de la diaspora chinoise et de son altérité (otherness).

John Clammer avec « Imagination, Memory and Misunderstanding: the Chinese in Japan and Japanese Perceptions of China » (pp. 146-163) s'intéresse tout autant à la mémoire des Chinois exilés au Japon qu’à la façon dont l'implantation de Chinois au Japon a influencé la mémoire sociale japonaise. Dans un premier temps, il brosse l'historique des flux migratoires de Chinois vers le Japon – notamment le développement de la communauté chinoise après 1945 en rapport avec les relations entre le Japon, Taiwan et la République populaire de Chine. L'auteur porte ensuite attention à la « psychologie » des relations entre la communauté chinoise contemporaine et le Japon, soulignant notamment que si la diaspora chinoise reste très peu développée au Japon, elle représente néanmoins, symboliquement, la gigantesque Chine voisine. Elle renvoie également à des événements historiques et politiques fort douloureux entre les deux pays voisins, à la fois proches et distincts.

Le lecteur quitte ensuite le continent asiatique pour rejoindre l'Europe. C'est en Allemagne que se déroulent les faits rapportés par Maggi W. H. Leung dans le chapitre : « Memories, Belonging and Homemaking: Chinese Migrants in Germany » (pp. 164-186). L'auteure conçoit la diaspora comme un « patchwork dynamique », un « collage fluide », constitué de pièces hétérogènes, et tenant des discours parfois divergeants bien qu'une mémoire commune soit partagée (mémoire qui s'avère parfois imaginée, « mythique »). M. W. H. Leung rappelle que le pays d'accueil restreint l'espace dans lequel la communauté peut s'installer, de même que le discours des Allemands sur les représentations qu'ils se font des Chinois est restrictif. Émerge ensuite de ses observations l'idée que, pour construire leur identité, les membres de la diaspora ont recours au souvenir sélectif et à l'oubli. C'est également d'hétérogénéité au sein même de la diaspora qu'il est question : l'auteure fait état des différences entre communautés diasporiques chinoises (par exemple taiwanaises et continentales), précisant qu'en certaines occasions qui visent à célébrer leur « pan-chinoiseté », leurs identités conflictuelles refont surface. Enfin, elle examine la filière économique de la mémoire : nostalgie et mémoires sont des thèmes phares utilisés par certains entrepreneurs immigrés comme stratégies de marketing.

C'ert l'Afrique du Sud qui est le territoire d'accueil de migrants chinois dans le onzième chapitre intitulé « A Century of not Belonging: the Chinese in South Africa » (pp. 187-205). Se focalisant sur l'histoire d'une famille chinoise qui a migré vers l'Afrique du Sud au siècle dernier, Darryl Accone et Karen Harris retracent son parcours en distinguant quatre phases historiques : de la fin de la période coloniale britannique à la période de l'Union, puis de l’Apartheid jusqu’à la période démocratique actuelle. Des migrants venant de la région cantonaise s'installèrent en premier en Afrique du Sud, puis vinrent des Taiwanais et plus récemment des Chinois du continent qui ont d'ailleurs une grande influence sur le commerce et l'industrie locale. L'absence de sentiment d'appartenance est prépondérante au sein de ces diverses communautés chinoises d'Afrique du Sud : pendant l’Apartheid, ils n'auraient pas été assez blancs, aujourd'hui, ils ne seraient pas assez noirs.

Le chapitre 12 rédigé par Amy Lee Wai-sum « Look Who's Talking: Migrating Narratives and Identity Construction » (pp. 206-223), repose sur deux écrits à la fois autobiographiques et de fiction : The Woman warrior (M. H. Kingston, 1975, Picador, London) et The Hundred Secret Senses (A. Tan, 1995, Flamingo, London) où la mémoire transmise par les femmes est au cœur der propos. L'analyse des deux textes révèle que la mémoire repose sur les interactions entre les sexes et les générations et qu'il y a un risque de fracture sociale s'il s'avère impossible de ressentir un sentiment d'appartenance par le biais de la transmission. La question de départ de A. L. Wai-sum est la suivante : compte tenu de la diversité des identités chinoises, comment conceptualiser l'idée d'appartenance et ce, plus particulièrement, quand l'identité prend racine loin de la Chine ?

Au terme d'une analyse littéraire, l'ouvrage propose ensuite au lecteur une analyse cinématographique, avec les musiques de films. Esther M. K. Cheung dans « In Love with Music : Memory, Identity and Music in Hong Kong's Diasporic Films » (pp. 224-243), s'intéresse au « paysage musical » qui dépasse les frontières. Ce sont deux films hong-kongais qui tiennent ici le haut de l'affiche : Song of Exile (1990) de A. Hui et Comrades, almost a Love Story (1996) de P. Chan. Des éléments propres à la « Chine » se transmettent par-delà le contexte transnational. Les films créent un sentiment d'appartenance au-delà des flux de population internationaux. La musique populaire qui est sélectionnée et devient la bande originale d'un film, contribue à créer une mémoire collective parmi les membres des différentes diasporas, en contradiction avec leur dimension cosmopolite.

Si les regards des différents contributeurs s'avèrent certes éclectiques, il n'en ressort pas moins une impression de redondance, d'emploi récurrent de termes peu clairement circonscrits (« identité », « appartenance », « mémoire ») et qui, bien que parfois rapidement discutés, semblent être contredits par les observations. Pourquoi, en effet, parler par exemple de mémoire collective alors que les auteurs montrent, pour la plupart, que cette notion s'efface au regard des mémoires individuelles qui renvoient à des perceptions divergentes de la migration ? Pourquoi investir l'objet de ce livre par le biais d'une notion aussi archétypale et fourre-tout plutôt que d'interroger précisément les notions de migration, de migrant, telles qu'elles sont conçues par les Chinois eux-mêmes ?

Une autre strate d'interprétation aurait été la bienvenue, et ce d'autant plus que dans la conclusion de l'ouvrage, A. P. Davidson écrit (p. 251) : « As part of imagination, memories are emotionaly driven in shaping personal identities and histories. Who we are then is as much about fact as it is fiction. It is in this respect that we depart the realm of the historian and anthropologist and settle into cultural discourse ».

En quoi le fait de s’éloigner des domaines de l'historien et de l'anthropologue permet-il de mieux « s’établir dans le discours culturel » ? Les fragments de discours rapportés par les différents auteurs rendent-ils compte du discours alors que pratiquement aucun terme chinois n'apparaît ? Les interviews étaient-elles tenues en anglais ou en chinois ? Divulgue-t-on le même contenu dans les deux langues ? On en doute et on ne peut que regretter le caractère superficiel de certains propos. Le paradoxe de ce collectif repose sur ses ambitions premières, louables, de rendre compte des discours des personnes interviewées et sur le manque d'audace analytique, obligeant le lecteur à lire, par exemple, que les mémoires ne sont pas statiques mais en constante évolution (p. 13), ou encore que les migrants expérimentent une déterritorialisation et une « dislocation », une cassure avec leur pays d'origine (p. 3). On pourrait tenir les mêmes propos pour toute autre diaspora. Au terme de ce livre, qu'apprend-on sur la diaspora chinoise en tant que telle, sur les représentations chinoises de la migration et du migrant yimin Les populations chinoises ont depuis fort longtemps vécu, au sein même de leur pays, des expériences de « délocalisation » et d'intégration à un nouveau territoire ; aujourd'hui encore, le barrage des Trois-Gorges oblige les populations localisées à proximité à quitter leurs terres ancestrales et le gouvernement chinois les force à s’établir en des lieux très éloignés de leurs terres d'origine (dans la région de Shanghai, notamment, en vue de créer une localité modèle, écologique). Que dire alors des yimin transnationaux au regard de ces yimin continentaux ? Le thème de la déterritorialisation, s'il est évoqué, n'est aucunement problématisé, alors qu'il nous semble être le point central d'une problématique envisageable. Comment intègre-t-on une nouvelle terre, loin de la terre de ses ancêtres et de ses racines ? Si K. E. Kuah-Pearce est la seule à introduire cette thématique au détour de l'expression luodi shenggen (p. 113), « ce qui tombe à terre crée de nouvelles racines », renvoyant à l'idée que l'on s'inscrit sur un territoire en faisant pousser de nouvelles racines dans la terre que l'on investit, pourquoi ne pas également interroger l'expression de bendiren , employée en Chine pour désigner les locaux, les « gens du territoire », lorsque A. P. Davidson révèle que les Chinois de Sydney se disent avant tout de Sydney et non pas d'Australie pour s'identifier : ils se définissent par rapport au lieu qu'ils occupent, sur lequel ils greffent leurs racines, et non pas par rapport au pays d'accueil. Et que dire, au final, de l'expression yeluoguigen, , « toute feuille morte retombe à ses racines », employée par les Chinois pour dire qu’à leur mort, ils réintègrent leur sol natal, et qu'il eût été intéressant de questionner ici en rapport avec la nostalgie, l'anxiété, le rapport aux ancêtres évoqués dans plusieurs articles. En un mot, « At Home in the Chinese Diaspora » pèche par l'emploi excessif d'expressions générales et préétablies sur la diaspora, au détriment de la prise en considération d'expressions chinoises, lesquelles, plus qu'un long discours, expriment toute la quintessence du vécu d'un migrant et de son rapport au territoire qu'il quitte comme à celui sur lequel il s’établit.