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L’élément politique des crimes contre l’humanité: État des lieux de la jurisprudence de la Cour pénale internationale

Published online by Cambridge University Press:  17 November 2015

Abstract

To be characterized as a crime against humanity under Article 7 of the Rome Statute of the International Criminal Court (ICC), the acts listed must have been committed as part of a systematic or widespread attack in furtherance of a State or organizational policy. Both variants of the attack, that is to say its “systematic” or “generalized” nature are alternative requirements. However, some of the legal literature since the preparatory work to draft the Rome Statute of the International Criminal Court in 1998 considers that the requirement of a policy makes both variants cumulative, hence creating a conflict between Article 7(1) and Article 7(2) of the Rome Statute. The controversy over the content and the legal scope of the concept of policy is worsened by the absence of definitions of the notions of policy and systematic attack in the core legal texts of the ICC. What definition have Chambers of the ICC given to the notion of policy? What sources have Chambers relied on? Does ICC case law provide tools to avoid possible conflict between Article 7(1) and Article 7(2) of the Rome Statute? These are the issues this study attempts to examine.

Résumé

Pour être qualifié de crime contre l’humanité au regard de l’article 7 du Statut de Rome de la Cour pénale internationale (CPI), tout acte mentionné par cette disposition doit être commis dans le cadre d’une attaque soit systématique soit généralisée, en application de la politique d’un État ou d’une organisation. Les deux variantes de l’attaque, c’est-à-dire son caractère “systématique” ou “généralisé” constituent les branches d’une alternative. Cependant, une partie de la littérature juridique considère, depuis les travaux d’élaboration du Statut de Rome de la Cour pénale internationale, en 1998, que l’exigence d’une politique rend les deux variantes cumulatives de sorte à créer un conflit entre les alinéas 1 et 2-a de l’article 7 du statut précité. La controverse autour du contenu et de la portée juridique de la notion de politique est amplifiée par l’absence de définition des notions de politique et d’attaque systématique dans les principaux instruments juridiques de la CPI. Quelle définition les chambres de la CPI ont-elles attribuée à la notion de politique? À quelles sources d’inspiration ces chambres ont-elles fait appel? La jurisprudence de la CPI permet-elle d’éviter le spectre du conflit entre les alinéas 1 et 2-a de l’article 7 du Statut de Rome? Telles sont les questions auxquelles la présente contribution essaie de répondre.

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Articles
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Copyright © The Canadian Yearbook of International Law/Annuaire canadien de droit international 2015 

Propos liminaires

Le chapeau de l’article 7-1 du Statut de Rome (StR) de la Cour pénale internationale (CPI) Footnote 1 dispose:

Aux fins du présent Statut, on entend par crime contre l’humanité l’un quelconque des actes ci-après lorsqu’il est commis dans le cadre d’une attaque généralisée ou systématique lancée contre toute population civile et en connaissance de cette attaque.

Cette disposition, consacrant deux variantes (comme branches d’alternative et non cumulatives) de l’attaque, le caractère généralisé et le caractère systématique de celle-ci, est suivie d’actes, tels que le meurtre, l’extermination, la réduction en esclavage et la déportation ou le transfert forcé de population.

Par ailleurs, d’après l’article 7-2-a du StR,

aux fins du paragraphe 1: par “attaque lancée contre une population civile,” on entend le comportement qui consiste en la commission multiple d’actes visés au paragraphe 1 à l’encontre d’une population civile quelconque, en application ou dans la poursuite de la politique d’un État ou d’une organisation ayant pour but une telle attaque. Footnote 2

À l’instar d’autres éléments contextuels des crimes contre l’humanité, Footnote 3 la condition tenant à l’existence d’une politique d’un État ou d’une organisation (élément politique ou élément de politique), pour peu qu’elle soit considérée comme un élément contextuel, se présente sous forme d’“étiquette ... sans indications des contenus.” Footnote 4

En effet, d’une manière générale et contrairement à ce qu’en disent certains auteurs, Footnote 5 la jurisprudence de la CPI Footnote 6 ainsi qu’une abondante doctrine relèvent que nombre des termes clés de l’article 7 du StR, parmi lesquels figurent les éléments contextuels des crimes contre l’humanité, sont ambigus et ne sont pas définis par les instruments juridiques de la CPI. Footnote 7

L’une des conséquences de l’ambiguïté de l’élément politique est que celui-ci a été analysé par de nombreux auteurs, dès l’insertion de l’alinéa 2-a à l’article 7 du StR, en 1998, comme une réintroduction de facto du cumul des caractères systématique et généralisé de l’attaque, Footnote 8 engendrant du coup un conflit entre l’article 7-1 et l’article 7-2-a du StR.

L’adjonction de cet alinéa était le compromis entre les partisans de l’exigence cumulative des caractères généralisé et systématique de l’attaque et les partisans de l’alternative entre ces deux variantes de l’attaque. Toutefois, en définitive, signalent certains auteurs,

tout l’art du texte de compromis [l’article 7-2-a du StR] réside dans son ambiguïté créative. Les “récalcitrants” pouvaient soutenir que ce texte préservait l’effet de la condition conjonctive — “généralisé et systématique” — tandis que les “progressistes” pouvaient soutenir que la condition disjonctive l’avait emporté.” Footnote 9

Les difficultés potentielles d’interprétation de l’élément politique ne s’arrêtent pas là; elles se rapportent également aux éventuelles sources d’inspiration des chambres de la CPI. Ainsi, comme nous le verrons, les tribunaux pénaux internationaux (ci-après “TPI”) Footnote 10 et les tribunaux mixtes ne voient pas dans la politique d’un État ou d’une organisation un élément à part entière des crimes contre l’humanité, mais l’analysent comme une composante facultative du caractère systématique de l’attaque. Or, les chambres de la CPI et une abondante littérature juridique affirment que, dans le cadre du StR, l’élément politique est un élément constitutif différent du caractère systématique d’une attaque. Footnote 11

Il incombe désormais aux chambres de la CPI de définir l’élément politique, de le clarifier et d’en lever les ambiguïtés comme l’avaient suggéré — sans évoquer spécifiquement l’élément politique — certaines délégations durant la Conférence diplomatique de Rome et durant les travaux d’élaboration des éléments des crimes Footnote 12 (EC). Footnote 13 La question la plus significative à laquelle ces chambres doivent répondre est celle de savoir si la condition tenant à l’existence d’une politique (art. 7-2-a StR) revient à réintroduire de facto l’exigence à la fois des caractères généralisé et systématique de l’attaque dans la définition des crimes contre l’humanité ou, au contraire, si une telle condition ne crée pas de conflit entre les alinéas 1 et 2-a de l’article 7 du StR, car elle laisse intacte l’alternative entre l’une ou l’autre de ces deux variantes de l’attaque.

Les enjeux de cette clarification ou de cette désambiguïsation sont mis en relief par le grand nombre des poursuites pour crimes contre l’humanité devant la CPI; Footnote 14 par la nécessité de distinguer les crimes imprescriptibles que sont les crimes contre l’humanité des crimes de droit commun; par le rôle prépondérant que les définitions des éléments contextuels des crimes revêtent pour le respect des principes de légalité (art. 22 StR) et de la sécurité juridique; Footnote 15 par l’encadrement des sources de droit applicable par la lex lata (art. 21 StR), mais également par l’influence aujourd’hui avérée de l’article 7 du StR sur le droit interne (en matière de droit d’asile, voire en matière répressive) et, dans des proportions limitées, sur le droit international. Footnote 16

Par ailleurs, la clarté et la désambiguïsation s’imposent, car l’on ne peut prouver qu’un élément légal clairement défini. Footnote 17 Sans nous attarder ici sur les sources du droit applicable et les méthodes d’interprétation, Footnote 18 nous nous bornerons à rappeler que la clarification ou la désambiguïsation doit obéir aux règles d’interprétation prévues aux articles 31 et 32 de la Convention de Vienne sur le droit des traités et demeurer dans les limites strictes fixées par les articles 7, 10, 21 et 22 du StR.

L’on est dès lors en droit d’attendre des chambres de la CPI qu’elles s’en tiennent à leur jurisprudence, selon laquelle “le cadre juridique de la CPI est différent de celui des tribunaux ad hoc,” Footnote 19 d’où la “nécessité de ne pas transposer mécaniquement la jurisprudence des tribunaux ad hoc dans le système de la Cour,” Footnote 20 notamment “sans [l’]avoir ... analysée en détail,” Footnote 21 mais de “prêter toute l’attention voulue au cadre juridique du tribunal dont il est question et aux circonstances particulières de l’espèce considérée,” Footnote 22 sous peine d’aboutir à des résultats “contraires à l’esprit et à la lettre des textes statutaires” Footnote 23 de la CPI.

Quatrième d’une série d’études que nous dédions aux éléments contextuels des crimes contre l’humanité prévus par l’article 7 du StR, la présente contribution se propose uniquement de répondre aux trois questions suivantes. Quelle définition les chambres de la CPI ont-elles attribuée à la notion de politique? À quelles sources d’inspiration ces chambres ont-elles fait appel? La jurisprudence de la CPI permet-elle d’éviter le spectre du conflit entre les alinéas 1 et 2-a de l’article 7 du Statut de Rome?

À cette fin, notre contribution met en exergue la teneur de l’élément politique dans les principales sources invoquées par les chambres de la CPI sur la question qui nous intéresse et se penche sur les travaux préparatoires du StR et des EC. Ensuite, elle analyse tour à tour l’abondante jurisprudence (2005 à 2014) des chambres préliminaires et la jurisprudence naissante de la Chambre de première instance II de la CPI, à la lumière des sources et travaux préparatoires précités, mais également sous l’éclairage du peu de critiques que la doctrine Footnote 24 formule progressivement à l’endroit de la jurisprudence de ces deux catégories de chambres. Les définitions de l’élément politique adoptées par les chambres préliminaires et par la Chambre de première instance II de la CPI, ainsi que les variations notables qu’elles présentent, sont mises en exergue. Il est fait état de sources qui sous-tendent une définition lorsqu’elles apparaissent dans une décision; sinon, comme cela se produit à plusieurs occasions, nous indiquons l’absence de source. De l’examen des différentes définitions ainsi recensées, nous avons tiré trois enseignements majeurs, dont un concerne l’existence éventuelle d’un conflit entre les alinéas 1 et 2-a de l’article 7 du StR, soit un éventuel anéantissement de l’alternative entre les caractères généralisé et systématique de l’attaque par la jurisprudence de la CPI.

Notion de politique

La doctrine, partiellement suivie par la jurisprudence de la CPI, attribue essentiellement trois fonctions à l’élément politique. Premièrement, il permettrait d’exclure du champ des crimes contre l’humanité des actes isolés, fortuits, erratiques ou d’un auteur qui agit de sa propre initiative. Footnote 25 Deuxièmement, c’est l’existence de la politique qui agrégerait des actes inhumains énoncés par l’article 7 du StR, actes non autrement reliés, de manière à ce que l’on puisse affirmer qu’ainsi réunis, ils constituent une attaque au sens de l’article 7 du StR. Footnote 26 Pour terminer, l’élément politique soustrairait les actes énoncés à l’article 7 du StR à l’ordre juridique interne pour en faire des delicta iuris gentium (crimes internationaux), Footnote 27 par conséquent imprescriptibles.

Nous avons déjà souligné qu’en théorie les chambres de la CPI déclarent que l’élément politique est un élément à part entière de la définition des crimes contre l’humanité et, qu’à ce titre, son existence doit être établie.

L’analyse de la jurisprudence de la CPI qui est dédiée à cet élément ne peut être efficiente si elle n’est pas précédée d’un exposé succinct des principaux outils juridiques évoqués dans cette jurisprudence Footnote 28 ou dans la doctrine: le projet de code des crimes contre la paix et la sécurité de l’humanité élaboré par la Commission du droit international (CDI) en 1996, la jurisprudence des TPI et des tribunaux mixtes et les travaux préparatoires du StR et des EC. L’examen des travaux de la CDI de 1996 et de la jurisprudence des TPI et des tribunaux mixtes permet de s’imprégner de la teneur de la notion de politique dans deux cadres juridiques spécifiques. Ce préalable permet par la suite de savoir si, au regard des travaux préparatoires du StR ainsi que des EC, l’élément politique (tel que l’entendent la CDI [en 1996] et les TPI) est compatible avec le StR, et si leurs lectures peuvent contribuer au respect de la formulation disjonctive des variantes “généralisé” et “systématique” de l’attaque dans le cadre de la CPI. Si la présente contribution examine uniquement les travaux de la CDI de 1996, ce n’est pas faute pour les travaux subséquents d’être intéressants, mais parce que la jurisprudence pertinente de la CPI n’en fait pas cas. En revanche, les travaux de la CDI de 1996 ont, eux, été débattus dans le cadre de l’élaboration du StR et des EC, et sont évoqués par la CPI et par les TPI.

l’élément politique (ou de politique) dans le projet de code des crimes contre la paix et la sécurité de l ’humanité de 1996

D’après l’article 18 du Projet de code des crimes contre la paix et la sécurité de l’humanité élaboré par la CDI, en 1996 (Projet de code), “on entend par crime contre l’humanité le fait de commettre, d’une manière systématique ou sur une grande échelle et à l’instigation ou sous la direction d’un gouvernement, d’une organisation ou d’un groupe, l’un des actes ci-après.” Footnote 29

La CDI fait savoir que cette définition renferme deux types d’éléments contextuels: (1) le caractère systématique ou généralisé des actes incriminés (et non d’une quelconque attaque), ainsi que (2) l’instigation ou la direction d’un gouvernement, d’une organisation ou d’un groupe.

Elle explique que l’exigence selon laquelle “les actes inhumains doivent avoir été commis d’une manière systématique” signifie “en application d’un plan ou d’une politique préconçus, dont la mise en œuvre se traduit par la commission répétée ou continue d’actes inhumains. Le but de cette disposition est d’exclure l’acte fortuit qui ne ferait pas partie d’un plan ou d’une politique plus vaste.” Footnote 30

Il découle de ce qui précède que le terme “politique” est uniquement évoqué comme faisant partie du caractère systématique de la commission des actes et que la politique n’est pas nécessairement requise à partir du moment où l’on peut prouver l’existence d’un plan. En parlant du second élément contextuel, à savoir — non pas la politique, qui elle, fait partie du premier élément — mais l’instigation ou la direction d’un gouvernement, d’une organisation ou d’un groupe, la CDI précise que

l’instigation ou la direction nécessaire peut ... émaner soit d’un gouvernement, soit d’une organisation ou d’un groupe. Cette alternative est destinée à exclure les situations où un individu commet un acte inhumain de sa propre initiative dans la poursuite de son propre dessein criminel, en l’absence de tout encouragement ou de toute directive de la part soit d’un gouvernement, soit d’un groupe ou d’une organisation ... C’est l’instigation ou la direction soit d’un gouvernement ou d’une organisation ou d’un groupe quelconque, qui donne à l’acte sa dimension et en fait un crime contre l’humanité, imputable à des particuliers ou à des agents d’État. Footnote 31

L’élément politique (ou de politique) dans la jurisprudence des TPI et des tribunaux mixtes

Il faut remarquer qu’en ce qui concerne les crimes contre l’humanité, les statuts des TPI ne prévoient pas explicitement l’exigence d’une politique. En outre, la caractéristique systématique de l’attaque n’est pas prévue par le Statut du TPIY. Footnote 32 Prévue par le Statut du TPIR (art. 3), cette caractéristique est précédée de la conjonction “et” dans la version française dudit statut, ce qui donne à penser que l’attaque doit être à la fois généralisée et systématique.

Une bonne partie de la jurisprudence élaborée au sein des TPI les dernières années au cours desquelles le StR (1997–98) et les EC (1999–2000) ont été débattus et adoptés considère que l’existence de l’élément politique est requise en droit international, mais elle estime que cet élément est dissout dans le caractère systématique de l’attaque. Footnote 33 Comme nous le verrons, cette position a légèrement évolué.

Il importe de garder à l’esprit que compte tenu du fait que dans la jurisprudence des TPI et des tribunaux mixtes, l’élément politique n’a pas d’existence propre (en dehors du caractère systématique et, d’une façon marginale, du caractère généralisé de l’attaque), il n’a pas besoin d’être formel; la preuve de l’existence de l’une de deux variantes de l’attaque suffit. Il ne doit pas faire l’objet d’un examen séparé.

S’agissant de la jurisprudence contemporaine à l’élaboration du StR et des EC, dans l’affaire Tadić, la Chambre de première instance du TPIY a fait valoir que le caractère systématique de l’attaque indique “qu’un schéma ou un plan méthodique est évident.” Footnote 34 Puis, à cet égard, elle reproduit la définition donnée par la CDI à l’expression “actes inhumains commis d’une manière systématique” à l’article 18 du Projet de code élaboré par cette dernière. Footnote 35

Elle poursuit en avançant que “le caractère d’actes généralisés ou systématiques démontre l’existence d’une politique visant à commettre ces actes, qu’elle soit ou non énoncée formellement.” Footnote 36

Quelques mois après l’adoption du StR, alors que les EC étaient en cours d’élaboration, la Ch. Ire inst. I du TPIR a considéré dans les affaires Akayesu et Musema que

le caractère “systématique” tient ... au fait que l’acte est soigneusement organisé selon un modèle régulier en exécution d’une politique concertée mettant en œuvre des moyens publics ou privés considérables ... Il doit cependant exister une espèce de plan ou de politique préconçus. Footnote 37

Dans l’affaire Kayishema et Ruzindana, la Ch. Ire inst. II soutient, à l’instar de la CDI et du jugement Tadić, qu’“une attaque systématique s’entend d’une attaque perpétrée en application d’une politique ou d’un plan.” Footnote 38 Toujours d’après elle, “en droit international coutumier, pour qu’il y ait crimes contre l’humanité, il faut que la preuve soit rapportée que les actes incriminés ont été commis en application d’un ordre ou d’une politique émanant d’un État.” Footnote 39 Qui plus est, elle poursuit en affirmant que “l’absence de l’une ou de l’autre des deux conditions que sont le caractère généralisé ou systématique du crime suffit pour entraîner l’exclusion des actes qui ne s’inscrivent pas dans le cadre d’une politique ou d’un plan plus vaste.” Footnote 40 Pour expliquer la notion de politique, notion qui, d’après la CDI, est dissoute dans le caractère systématique de la commission des actes, cette chambre cite expressément le passage de l’article 18 du Projet code relatif à la définition de “l’instigation ou la direction d’un gouvernement, d’une organisation ou d’un groupe.” Footnote 41 Pourtant, vraisemblablement pour la CDI, l’instigation ou la direction constituent un élément à part, différent du caractère systématique de la commission des actes et, par conséquent, de la “politique.”

Il est fait grief à cette jurisprudence du TPIR, qui assimile l’élément politique au caractère systématique, de ne pas mettre assez l’accent sur cet élément dans le cadre d’une attaque généralisée. Footnote 42

La jurisprudence des TPI et des tribunaux hybrides a évolué de sorte qu’après l’adoption du StR et des EC, elle ne considère plus que l’existence d’une politique est requise, que cette dernière est un élément constitutif de tous les crimes contre l’humanité et que le caractère systématique de l’attaque se réduit à l’élément politique. Footnote 43

Ainsi, dans l’affaire Kunarac, la Ch. d’appel du TPIY a estimé que: (1) à la différence du fait que l’attaque doit être dirigée contre une population civile et du fait qu’elle doit être généralisée ou systématique, qui sont des éléments constitutifs des crimes contre l’humanité, l’existence d’une politique ou d’un plan n’est pas un élément constitutif des crimes précités; Footnote 44 et (2) ni le Statut du TPIY ni le droit international coutumier n’exigent la preuve de l’existence d’un plan ou d’une politique visant à la perpétration des crimes contre l’humanité. Footnote 45 Par conséquent, il n’est pas nécessaire de démontrer qu’une attaque dirigée contre une population civile, une attaque systématique ou une attaque généralisée résultait de l’existence d’une politique ou d’un plan. La preuve de la survenance de ces attaques peut être administrée autrement. Footnote 46

L’élément politique (ou de politique) à travers les travaux préparatoires de l’article 7 du StR et des EC

En 1996, la définition de l’attaque systématique suggérée par certaines délégations au sein du Comité préparatoire faisait de la politique un élément d’une telle attaque. Ces délégations ont suggéré que “par “attaque systématique” on entend une attaque qui constitue en soi une politique ou un plan concerté, qui fait partie d’une telle politique ou d’un tel plan ou qui est conforme ou qui vise à réaliser les fins de cette politique ou de ce plan ou se traduit par la répétition d’actes d’agression.” Footnote 47 En 1997, la volonté d’associer l’élément politique à l’attaque systématique était toujours présente dans les travaux du Comité préparatoire. On peut lire dans un projet d’article relatif aux crimes contre l’humanité que l’acte criminel doit s’inscrire “dans le cadre d’un plan ou d’une politique systématique ou [doit être] commis de manière massive à l’encontre d’une population.” Footnote 48 L’assimilation de l’élément politique à l’attaque systématique a continué.

À la Conférence diplomatique de Rome, Footnote 49 les États-Unis d’Amérique, qui n’avaient pas proposé de définition de l’élément politique, ont soutenu que “le terme “systématique” signifie que l’attaque correspond à une politique ou à un plan concerté, ou à une pratique répétée pendant une certaine période, ou en fait partie ou en favorise la réalisation.” Footnote 50 Nous n’avons retrouvé aucune trace d’une éventuelle suite à cette proposition.

Toujours à Rome, le paragraphe 2-a a été ajouté au texte initial de l’actuel article 7 du StR. Ce paragraphe aurait pour point de départ une proposition que le Canada aurait émise à titre de compromis entre les partisans du caractère cumulatif de l’attaque généralisée et systématique et les délégations qui défendaient l’alternative entre ces deux variantes d’une attaque. Footnote 51 Le Canada aurait précisé s’être inspiré explicitement de la jurisprudence Tadić évoquée plus haut, y compris au sujet de l’élément politique. Footnote 52 Cette proposition canadienne, de surcroît débattue et retouchée, Footnote 53 ne devrait pas laisser croire que le mot “politique” avait été clairement défini. Footnote 54

Ainsi, d’après le professeur Bassiouni, à Rome,

l’élément d’existence d’une politique, déclencheur de la compétence, est dénoté par des actes qui sont “généralisés ou systématiques.” Cette définition de l’élément de politique n’est pas des plus claires. Les auteurs peuvent avoir eu des incertitudes, mais, plus probablement, le manque de clarté était intentionnel — il permettait de contourner de façon diplomatique les pressions exercées par les ONG pour que les crimes contre l’humanité soient transformés en crimes couvrant les violations massives des droits de l’homme, qu’elles aient ou non été commises en application de la politique d’un État ou d’une organisation (ce qui couvre les acteurs non étatiques). Footnote 55

À l’occasion de l’élaboration des EC, les États-Unis d’Amérique ont réitéré leur définition du terme “attaque systématique,” proposée à Rome et faisant allusion à la politique. Footnote 56

En outre, au sujet de l’approche générale commune à tous les crimes contre l’humanité, le Canada et l’Allemagne ont estimé que “l’existence d’une politique peut être déduite des éléments de preuve disponibles en ce qui concerne les faits et les circonstances. Il n’est pas nécessaire de prouver qu’une politique a été adoptée.” Footnote 57 Après avoir énoncé l’exigence d’une attaque généralisée ou systématique, la délégation de l’Égypte a souhaité que les EC mentionnent le fait que “l’attaque systématique a été organisée minutieusement et a suivi un modèle régulier fondé sur une politique commune qui était évidente.” Footnote 58

La délégation suisse a présenté une compilation de la jurisprudence pertinente des TPI (essentiellement les jugements Tadić et Kayishema) et du Projet de code de la CDI de 1996 déjà évoqués. Footnote 59

Le premier rapport de la Commission préparatoire n’a mentionné aucun élément de ces propositions. En revanche, on y voit apparaître la disposition aux termes de laquelle “il est entendu que pour qu’il y ait “politique ayant pour but une telle attaque,” il faut que l’État ou l’organisation favorise ou encourage activement le comportement en tant qu’attaque contre une population civile.” Footnote 60 Critiquée par certains auteurs, Footnote 61 cette disposition qui s’apparente à certains égards au second élément contextuel prévu par l’article 18 du Projet de code de la CDI de 1996, c’est-à-dire “l’instigation ou la direction soit d’un gouvernement ou d’une organisation.” a été reprise dans la version définitive des EC. Footnote 62 En attribuant à l’élément politique une telle définition et en ne faisant pas allusion au caractère systématique de l’attaque, cette disposition des EC marque probablement la différence entre l’acception de l’élément politique, d’une part, dans l’espace normatif de la CPI et, d’autre part, dans le cadre de la CDI et de la jurisprudence des TPI et des tribunaux mixtes. À ce titre, elle mériterait une attention particulière de la part des chambres de la CPI.

La version définitive des EC prévoit, à la note de bas de page n° 6, que

dans des circonstances exceptionnelles, une telle politique peut prendre la forme d’une abstention délibérée d’agir, par laquelle l’État ou l’organisation entend consciemment encourager une telle attaque. On ne peut inférer l’existence d’une telle politique du seul fait que l’État ou l’organisation s’abstienne de toute action. Footnote 63

Même si certains auteurs relèvent qu’il est difficile de mesurer l’influence potentielle de la jurisprudence des TPI sur le StR et sur les EC dans le domaine qui nous intéresse, Footnote 64 il ne fait pas de doute que la version définitive des EC ne contient aucun des éléments suggérés par les différentes délégations, à l’exception de ce qui vient d’être dit à propos de l’instigation, et ne renvoie pas à la jurisprudence des TPI dont étaient issues la plupart des définitions proposées. Pour l’heure, on ne saurait ignorer que les rédacteurs du StR et des EC ont pris connaissance de nombreuses propositions relatives à l’élément politique issues de la jurisprudence des TPI, mais qu’ils ne les ont intégrées ni dans les dispositions du StR ni dans celles des EC.

l’élément politique (ou de politique) selon les chambres de la CPI

À la différence des dispositions des statuts des TPI et des tribunaux hybrides, le StR (art. 7-2-a) prévoit explicitement l’élément politique qu’il rattache à la notion d’attaque, cette dernière pouvant être généralisée ou systématique. Footnote 65

Les décisions de confirmation des charges portées contre Katanga et Bemba constituent la jurisprudence de base à propos de la notion de politique. Ces premières décisions de la CPI ont inspiré la quasi-totalité de décisions subséquentes des chambres préliminaires, voire dans une certaine mesure, de la Ch. Ire inst. II. Certaines thèses soutenues dans ces décisions ont été critiquées par la doctrine ou rejetées par la Ch. Ire inst. II ou encore n’ont pas fait l’unanimité au sein de la jurisprudence des chambres préliminaires. Une partie des décisions relatives à la Situation en Côte d’Ivoire a ainsi été remise en cause par certains auteurs.

Dans l’affaire Katanga, la Ch. prél. I ne définit pas l’élément politique, mais elle déclare, sur le fondement de la jurisprudence des TPI, Footnote 66 que

l’adjectif “systématique” a été compris comme renvoyant soit à un plan organisé dans la poursuite d’une politique commune, qui épouse un modèle régulier et qui se traduit par la commission continue d’actes, soit à un “scénario des crimes,” de telle sorte que ces derniers constituent une “répétition délibérée et régulière de comportements criminels similaires.” Footnote 67

Ainsi, de l’avis de cette chambre, les violences survenues dans le village de Bogoro (Rép. dém. Congo) au mois de février 2003 faisaient partie d’une attaque systématique parce qu’elles “n’ont pas été commis[es] contre la population civile de façon fortuite, mais en application d’une politique commune et d’un plan commun organisé.” Footnote 68

Au paragraphe 396, elle affirme, sans citer de source, d’une part, que la politique ne doit pas nécessairement être définie explicitement Footnote 69 et, d’autre part, que:

une attaque généralisée doit aussi s’inscrire dans le cadre de la politique d’une organisation, c’est-à-dire qu’elle doit avoir été soigneusement organisée selon un modèle régulier. Elle doit également être exécutée dans la poursuite d’une politique concertée mettant en œuvre des moyens publics ou privés. Footnote 70

De manière générale, cette chambre, qui ne fait nullement référence au jugement Tadić au sujet de la notion de politique, ne s’est pas pour autant éloignée du jugement Akayesu.

Ces extraits, dont le contenu a été suivi dans les décisions ultérieures des chambres préliminaires et qui sont soutenus par certains auteurs, Footnote 71 sont critiqués dans la littérature juridique à cause des termes utilisés, Footnote 72 à cause du recours à la jurisprudence des TPI sans proposition d’explication, à cause du recours à certaines décisions des TPI déjà remises en cause par d’autres, Footnote 73 mais également du fait que certains de ces extraits seraient perçus comme une interprétation erronée de l’élément politique Footnote 74 et donneraient à penser que, de l’avis de cette chambre, une attaque généralisée est synonyme d’une attaque systématique qui, à son tour, correspond à l’élément politique.

Dans l’affaire Bemba, la Ch. prél. II soutient, sur la base de la décision relative à la confirmation des charges portées contre Katanga et de la jurisprudence du TPIY, Footnote 75 que:

la condition tenant à “la politique d’un État ou d’une organisation” exige que l’attaque ait été organisée selon un modèle régulier ... Une telle politique n’a pas besoin d’être énoncée de façon formelle. Cette condition est ... remplie par une attaque planifiée, dirigée ou organisée. Footnote 76

Toujours dans cette affaire, la Ch. prél. III, déclare que “l’adjectif systématique” dénote le “caractère organisé des actes de violence.” Footnote 77

En outre, elle souligne, Footnote 78 à l’instar de la Ch. prél. I (aff. Katanga), Footnote 79 que “l’existence d’une politique d’un État ou d’une organisation constitue un élément permettant de conclure à la nature systématique d’une attaque.” Footnote 80

Certains auteurs font remarquer que cette chambre n’indique pas ses sources au sujet de cette affirmation, Footnote 81 tandis que d’autres relèvent que, dans cette affaire, la Ch. prél. II assimile l’élément politique au caractère systématique d’une attaque, Footnote 82 ce qui, d’après une partie de la doctrine, est l’interprétation appropriée de l’élément politique dans le cadre du StR. Footnote 83

Dans le droit fil des décisions relatives à la confirmation des charges portées contre Katanga et Bemba, les chambres préliminaires maintiennent dans leurs décisions subséquentes Footnote 84 qu’au nombre des caractéristiques de l’élément politique figurent: le fait que la politique “a) ... doit avoir été soigneusement organisée et selon un modèle régulier; b) ... doit être exécutée dans la poursuite d’une politique concertée mettant en œuvre des moyens publics ou privés ...; et d) ... ne doit pas nécessairement être définie explicitement ou officialisée.” Footnote 85

L’exigence posée par ces chambres, aux termes de laquelle la politique doit être organisée soigneusement et selon un modèle régulier, s’apparente à la proposition faite par la délégation égyptienne devant la Commission préparatoire, qui — comme précisé plus haut — n’a pas été reprise dans les EC.

Toujours à propos d’éventuels indices de l’existence d’une politique, la Ch. prél. II précise qu’en “soi, le non-respect des principes du droit international humanitaire [n’est pas nécessairement] révélateur de l’existence d’une ... politique.” Footnote 86

À la différence de ce qui vient d’être souligné, les Ch. prél. II (affaire Ntaganda et Situation en République du Kenya) et III (Situation en Côte d’Ivoire) considèrent que le fait qu’une attaque soit organisée selon un modèle régulier constitue l’indice révélateur de son caractère systématique. Footnote 87 En outre, dans l’affaire Ruto et autres, la Ch. prél. II fait valoir que l’élément politique est distinct d’un plan ou de la planification, même si — comme cela serait le cas dans cette affaire — en pratique, ils peuvent parfois se chevaucher. Footnote 88

Outre les affaires Katanga et Bemba, l’affaire Gbagbo a particulièrement retenu l’attention de la doctrine. En premier lieu, c’est en se fondant sur les faits de cette affaire que des auteurs (des amici curiæ) ont identifié des indices dont, selon eux, l’existence prouve l’élément politique. Footnote 89 Ils énoncent à cet égard:

[L]es circonstances générales, comme les attaques répétées de forces pro-Gbagbo contre des civils soutenant son adversaire politique; le défaut d’intervention voire la participation de la police; la préparation des atrocités, comme lorsque des policiers amenaient des préservatifs au site où ils violaient des femmes ayant participé aux manifestations; des mesures permettant d’identifier les partisans de l’opposition; les déclarations publiques des dirigeants appartenant à l’entourage immédiat; des instructions internes; des avertissements à l’avance selon lesquels des manifestants non armés seraient tués; et des déclarations de témoins selon lesquelles les auteurs des crimes faisaient référence à des instructions ou prenaient des victimes pour cible en raison de l’opposition de ces personnes à Laurent Gbagbo. Footnote 90

Ils ajoutent que l’on peut déduire l’élément politique de la répétition des actes, de leur ampleur et du contexte politique global. Footnote 91 Or, comme indiqué plus haut, dans l’affaire Katanga, la Ch. prél. I déclare que l’adjectif systématique renvoie à une “répétition délibérée et régulière de comportements criminels similaires.” En second lieu, l’interprétation de l’élément politique dans l’affaire Gbagbo a valu des critiques sévères à la Ch. prél. I de la part de certains auteurs. En effet, celle-ci a décidé d’ajourner l’audience de confirmation des charges portées contre Gbagbo, faute de preuves suffisantes pour confirmer ou non lesdites charges. Elle a par conséquent demandé au Procureur,

d’envisager d’apporter, dans la mesure du possible, des éléments de preuve supplémentaires ou de procéder à de nouvelles enquêtes relativement aux points suivants: ... la structure organisationnelle des “forces pro-Gbagbo,” y compris la manière dont les différents sous-groupes s’inscrivaient dans la structure d’ensemble et notamment la manière dont “l’entourage immédiat” a coordonné et financé les activités des différents sous-groupes et a fourni à ceux-ci les moyens nécessaires pour ces activités; tout changement ou évolution de la structure susmentionnée et/ou de ses méthodes de fonctionnement qui serait survenu entre novembre 2010 et mai 2011. Comment, quand et par qui ont été adoptés la politique ou le plan allégués d’attaquer la “population civile pro-Ouattara,” notamment des informations spécifiques sur les réunions au cours desquelles cette politique ou ce plan auraient été adoptés, ainsi que sur la manière dont l’existence et la teneur de cette politique ou ce plan ont été communiquées aux membres des “forces pro-Gbagbo” ou portées à leur connaissance une fois adoptés. Footnote 92

Dans un mémoire présenté en qualité d’amici curiæ, les Professeurs Robinson, DeGuzman, Jalloh et Cryer reprochent à cette chambre d’éprouver des difficultés à identifier l’élément politique Footnote 93 et d’exiger plus de preuves qu’il n’en faut, particulièrement d’exiger la preuve directe de l’adoption d’une politique formelle. Footnote 94 Par conséquent, ils voient dans sa lecture de l’élément politique “une interprétation erronément stricte du droit relatif à l’élément d’existence d’une politique” Footnote 95 ou, encore, “une conception formaliste et bureaucratique de l’élément d’existence d’une politique.” Footnote 96

Dans la décision relative à la confirmation des charges, rendue après les observations de ces amici, et après que le Procureur a produit les éléments de preuve demandés, la chambre en question fait valoir, sur le fondement de la jurisprudence des chambres préliminaires, dans les affaires Katanga, Bemba et Kenyatta, d’une part, qu’“une attaque planifiée, dirigée ou organisée — par opposition à des actes de violence spontanés ou isolés — satisfait au critère d’existence d’une politique” Footnote 97 et, d’autre part,

que les notions de “politique” et de caractère “systématique” de l’attaque dans le contexte de l’article 7-1 du Statut renvoient l’une et l’autre à un certain degré de planification de l’attaque. En ce sens, la preuve qu’un État ou une organisation a planifié, organisé ou dirigé l’attaque peut être utile pour établir tant l’existence d’une politique que le caractère systématique de l’attaque , mais les deux notions ne doivent pas être amalgamées, car elles servent des fins différentes et correspondent à des critères différents au regard des articles 7-1 et 7-2-a du Statut. Footnote 98

Cette chambre, comme la majorité des autres, Footnote 99 ne dit pas comment distinguer les deux notions. En revanche, au paragraphe 225 de sa décision, elle considère que l’attaque imputée à Gbagbo est, entre autres motifs, systématique parce qu’elle était planifiée et coordonnée. Toujours dans la Situation en Côte d’Ivoire de laquelle relève l’affaire Gbagbo, la Ch. prél. III avait déjà conclu qu’“au vu de la manière systématique dont ces attaques ont été menées ... il y a tout lieu de penser qu’une politique d’organisation était en place.” Footnote 100

Ainsi, tout donne à penser qu’en réalité, dans cette affaire, la position de la Ch. prél. I n’est pas totalement éloignée de la jurisprudence antérieure qui assimile l’élément politique au caractère systématique d’une attaque.

Pour clore l’analyse de la jurisprudence des chambres préliminaires, signalons que dans les affaires Mbarushimana et Mudacumura, après avoir conclu à l’absence de l’élément politique, les Ch. prél. I Footnote 101 et II Footnote 102 se sont abstenues d’examiner le caractère systématique ou généralisé de l’attaque, ou les deux.

Au stade de première instance, dans le jugement Katanga, la Ch. Ire inst. II fait observer ce qui suit:

  1. i) “les Éléments des crimes, comme l’article 7-2-a du Statut, rattachent ce concept [la politique] à la définition même de l’attaque (et non pas à la caractérisation de cette dernière dont il est dit qu’elle doit être généralisée ou systématique)” Footnote 103 et les termes “systématique” et “politique” ne peuvent pas être considérés comme synonymes; Footnote 104

  2. ii) “assimiler le terme “politique” au concept de “modèle régulier,” tel que cela a déjà été le cas dans certaines décisions rendues par la Cour, Footnote 105 reviendrait à lui donner un sens analogue à celui qu’a le caractère “systématique.” Il aboutirait, en définitive à ce qu’une attaque généralisée présente, avec la démonstration de l’existence d’une politique, le caractère d’une attaque systématique, ce qui serait contraire à la formulation disjonctive des termes du Statut”; Footnote 106

  3. iii) l’élément politique “renvoie essentiellement au fait que l’État ou l’organisation entend mener une attaque contre une population civile que ce soit en agissant ou en s’abstenant délibérément d’agir”; Footnote 107

  4. iv) compte tenu de la rareté de l’adoption et de la diffusion d’un projet préétabli ou d’un plan matérialisant la politique, l’existence de cette dernière peut être déduite, “notamment, du constat de la répétition d’actes réalisés selon la même logique, de l’existence d’activités préparatoires ou encore de mobilisations collectives orchestrées et coordonnées par cet État ou cette organisation.” Footnote 108

Théoriquement d’accord sur ce principe qui s’apparente à certains égards à celui d’une politique informelle, la juge Van Den Wyngaert semble se montrer plus nuancée en pratique, puisqu’elle souligne, dans une opinion dissidente, qu’

il n’est fait nulle part mention de documents faisant état d’une politique, d’un plan ou d’un dessein commun ngiti visant à éliminer la population civile hema, ou de réunions durant lesquelles une telle politique ou un tel dessein commun aurait été débattu. Pour étayer la thèse de l’existence d’un dessein commun, la Majorité se fonde exclusivement sur des preuves indirectes. Ces preuves sont, selon moi, totalement insuffisantes. Footnote 109

Au stade d’appel, à propos de l’interprétation de l’élément politique, la Chambre d’appel a estimé, dans l’affaire Gbagbo, qu’il était prématuré de se prononcer, notamment parce que la chambre préliminaire saisie ne s’était pas encore prononcée et que la Chambre d’appel “n’est pas un organe consultatif.” Footnote 110

Observations finales

Les chambres de la CPI ont certainement franchi une étape dans la recherche d’une définition et d’un contenu à l’élément politique. Cependant, il résulte de la présente étude qu’il reste probablement d’autres étapes à franchir, notamment, afin de remédier au manque d’unanimité au sein des chambres préliminaires, aux problèmes de motivation de leurs décisions et au déficit de clarté dans la distinction entre le caractère systématique d’une attaque et l’élément politique.

En premier lieu, l’examen de la jurisprudence de la CPI témoigne de l’absence d’unanimité entre les chambres préliminaires concernant le contenu de l’élément politique, chambres qui ne s’accordent pas non plus avec la Ch. Ire inst. II à cet égard. Par ailleurs, s’agissant des décisions de certaines chambres préliminaires, l’on doit s’intéresser à la notion d’attaque systématique pour lire entre les lignes ou pour en extraire des informations relatives à l’élément politique parce que ce dernier n’y est pas explicité séparément. Une telle démarche est difficile à expliquer dans le chef de ces chambres qui citent sans ambages l’élément politique en tant qu’élément contextuel des crimes contre l’humanité au même titre que d’autres éléments contextuels de ces crimes.

En outre, les chambres de la CPI n’indiquent pas toujours leurs sources d’inspiration et, lorsqu’elles les citent, elles n’avancent pas nécessairement d’explications. Dès lors que, d’une part, l’élément politique ne semble avoir ni le même contenu ni la même place parmi les éléments des crimes contre l’humanité au sein du Projet de code de la CDI, dans le StR et les EC ou dans la jurisprudence des TPI et des tribunaux hybrides et, d’autre part, que les auteurs du StR et des EC ont pris connaissance de cette jurisprudence sans en reprendre les définitions, il est souhaitable que les chambres donnent de plus amples explications sur le recours à ce Projet de code ou à cette jurisprudence.

En dernier lieu, certes la Ch. Ire inst. II s’est employée à clarifier un tant soit peu la notion de politique en remettant partiellement et ouvertement en cause la jurisprudence des chambres préliminaires. Cependant, la jurisprudence de la CPI demeure imprécise et porte à croire à la neutralisation redoutée de la formulation disjonctive des variantes “généralisée” et “systématique” de l’attaque.

En effet, les chambres préliminaires affirment que l’existence d’une politique permet de conclure à l’exigence d’une attaque systématique et — comme dans le jugement Tadić (para. 653) — que l’existence d’une attaque systématique prouve qu’une politique était en place.

Pour montrer qu’elles sont persuadées de l’existence d’une politique, la plupart de ces chambres font référence aux mêmes éléments factuels et indices que ceux mis en lumière dans la démonstration de l’existence d’une attaque systématique, Footnote 111 au point de pousser certains auteurs à conclure que “la formulation disjonctive pour laquelle certains s’étaient battus à Rome a perdu tout son sens dans le cadre des premières affaires de la Cour.” Footnote 112

La doctrine émet quatre grandes pistes pouvant, selon elle, permettre de ne pas exiger que l’attaque soit à la fois systématique et généralisée et, par conséquent, d’éviter le conflit entre l’article 7-1 et l’article 7-2-a du StR: interpréter l’élément politique de manière souple en étant moins exigeant en matière de preuve, ôter l’autonomie d’existence à cet élément en s’alignant sur la jurisprudence des TPI, lui attribuer un contenu selon que l’attaque est systématique ou généralisée, et enfin supprimer cet élément des dispositions de l’article 7 du StR.

En ce qui concerne la première piste, des auteurs, tels que DeGuzman, soutiennent que

la CPI exige des actes soit généralisés soit systématiques pour la qualification de crimes contre l’humanité, l’élément d’existence d’une politique ne peut pas être interprété comme équivalent au caractère systématique des actes. Un tel point de vue violerait la présomption selon laquelle aucune disposition du Statut n’est superflue. Mais surtout, la grande majorité des États qui s’étaient ardemment opposés à l’exigence d’un caractère généralisé et systématique n’auraient certainement pas consenti à l’adoption d’une disposition qui serait équivalente à une telle exigence. Footnote 113

et que l’élément politique requiert

une interprétation très large ... La politique ne doit pas nécessairement impliquer une planification ou une action systématique, ni une préméditation clairement exprimée. L‘élément d’existence d’une politique devrait plutôt être défini comme exigeant simplement “une conduite donnée, un principe directeur ou une procédure” qui serait associé à une certaine entité, au-delà de l’individu qui commet le crime. Footnote 114

Par ailleurs, certains professeurs suggèrent que

l’interprétation contextuelle de l’article 7 ... dicte qu’il soit fait une interprétation modeste de l’élément d’existence d’une politique. Pour éviter une contradiction entre les paragraphes 1 et 2-a de l’article 7, le terme “politique” doit dénoter un seuil moins élevé que le terme “généralisé” (tout comme le terme “multiple” doit être moins exigeant que “généralisé”). Autrement, la nature disjonctive des caractères généralisé ou systématique serait écartée ... Toute preuve supplémentaire d’efforts d’organisation peut être pertinente au regard de la condition de caractère “systématique” (dont la définition précise n’est pas en cause ici), mais n’est pas requise pour établir l’existence d’une “politique.” Footnote 115

Comment savoir que le seuil ou le critère d’appréciation est suffisant ou qu’il est excédé? Si l’on doit comprendre, d’après ces auteurs, que l’élément politique n’est rien d’autre qu’une attaque systématique modérément appréciée, l’on peut en déduire que toute attaque systématique rend compte ipso facto de l’existence d’une politique.

Pour ce qui est de la deuxième piste, certains, comme Hwang, suggèrent que

le Jugement Tadić et la manière dont y est traité l’élément d’existence d’une politique seront particulièrement pertinents dans le cadre de l’interprétation du Statut de Rome parce que la proposition canadienne pour le chapeau de la disposition relative aux crimes contre l’humanité a été justifiée sur la base du raisonnement exposé par le TPIY dans cette décision. Footnote 116

Suivre une telle suggestion, c’est rejoindre les auteurs qui opinent, à propos de l’élément politique dans le StR, qu’

il n’est pas certain que cette exigence supplémentaire apporte quelque chose de nouveau au droit en vigueur ... les tribunaux pénaux internationaux pour l’ex-Yougoslavie et pour le Rwanda ont déjà pris en compte, largement, l’existence d’une telle politique, pour apporter la démonstration du caractère systématique de l’attaque en cause ... les conditions précédentes d’attaque généralisée ou systématique suffisaient. Cette condition renforce en fait, et l’explique, la condition alternative d’une attaque massive ou systématique, mais, érigée en élément constitutif, elle ajoute à la difficulté de démontrer l’existence de l’attaque. Footnote 117

Quant à la troisième piste, le professeur Ambos, pour qui le contenu de la notion de politique varie selon que l’attaque est systématique ou généralisée, argue que la politique active — c’est-à-dire, selon lui, une conduite active qui se matérialise par le fait de déclencher, de planifier, d’organiser ou de diriger l’attaque — est implicite dans le caractère systématique. Quant à la politique derrière une attaque généralisée, elle devrait selon lui s’entendre, à la différence de ce qui est indiqué dans les EC, d’une inaction délibérée (par example, déni de protection), de la tolérance ou de l’acquiescement dans le chef de l’entité en cause (État ou organisation), pour autant que cette entité soit légalement obligée et capable d’agir. Footnote 118

La quatrième et dernière piste nous vient, entre autres auteurs, de Halling pour qui, plutôt que de maintenir l’exigence de l’élément politique au risque de l’assimiler au caractère systématique de l’attaque, il faut supprimer purement et simplement cet élément des dispositions de l’article 7 du StR. Footnote 119

Pour espérer d’éventuelles réponses aux questions soulevées ici, il reste maintenant à observer la tendance que dessineront d’autres chambres de première instance et la Chambre d’appel, qui ne se sont pas encore prononcées sur l’élément politique.

References

1 Juridiction pénale internationale permanente ayant son siège à La Haye (Pays-Bas), la CPI a été créée en 1998 par un traité, le StR. Elle a principalement pour rôle, d’une part, de poursuivre les auteurs des crimes de génocide, des crimes contre l’humanité et des crimes de guerre commis à compter du 1er juillet 2002 et, d’autre part, de statuer sur les réparations en faveur des victimes de ces crimes (art 75 StR). Sa compétence porte uniquement sur les crimes commis par les ressortissants des États parties au StR (122 États) ou sur les territoires de ces États. Ces critères de compétence personnelle et territoriale ne jouent pas lorsque la CPI est saisie par le Conseil de sécurité de l’Organisation des Nations Unies (ONU). Voir art 13 StR. Par ailleurs, la Cour n’est pas encore compétente en matière de crime d’agression, faute d’avoir recueilli le nombre de ratifications requises. (Pour une présentation succincte de la CPI, voir en ligne à http://icc-cpi.int/fr_menus/icc/about%20the%20court/Pages/about%20the%20court.aspx>. Pour une présentation détaillée de la CPI, voir: Yves Hamuli Kabumba, La preuve compatible avec les droits de l’accusé devant la Cour pénale internationale, thèse de doctorat en sciences juridiques, Université catholique de Louvain, 2013 [non publiée] aux pp 41–83). La jurisprudence et les instruments juridiques de la CPI cités dans la présente étude sont disponibles en ligne à http://www.icc-cpi.int>.

2 Nos italiques.

3 C’est-à-dire, des éléments constitutifs généraux communs à tous les crimes contre l’humanité par opposition aux éléments spécifiques. Ils servent de critère distinctif des crimes internationaux par rapport aux crimes de droit commun et permettent d’exclure les actes isolés du champ des crimes contre l’humanité (William Schabas, The International Criminal Court: A Commentary on the Rome Statute, Oxford Press University, 2010 à la p 141; Rapport du Comité préparatoire pour la création d’une cour criminelle internationale (Travaux du Comité préparatoire en mars-avril et août 1996, 51e session, Supplément n° 22, A/51/22 (1996) aux para 84–85; Beth Van Schaack, “The Definition of Crimes Against Humanity: Resolving the Incoherence” (1998–99) 37 Columbia Journal of Transnational Law 841 et 850; Proposition présentée par les États-Unis d’Amérique. Annexe concernant les éléments de la définition des crimes visés au chapitre II, A/CONF.183/C.1/L.10, 19 juin 1998 à la p 2 [Proposition présentée par les États-Unis d’Amérique]; Proposal submitted by the United States of America. Draft Elements of Crimes, PCNICC/1999/DP.4, 4 février 1999 à la p 5 [Proposal submitted by the United States of America]).

4 Nous devons l’expression à Esposito, qui l’évoque pour parler des crimes relevant de la compétence des TPI ( Esposito, Andreana, “La définition des crimes et le rôle du droit comparé: comment les juges comblent les lacunes normatives” dans Fronza, Emanuela et Manacorda, Stefano, dir, La justice pénale internationale dans les décisions des tribunaux ad hoc, Paris, Dalloz, 2004 Google Scholar à la p 43).

5 Roy Lee, “An Assessment of the ICC Statute” (2001) 25 Fordham International Law Journal 757; Lee, R., “Introduction” dans Lee, R., dir, The International Criminal Court. Elements of Crimes and Rules of Procedure and Evidence, New York, Transnational Publishers, 2001 Google Scholar, à la p lvii (en parlant du StR et des Éléments des crimes, il avance que “chacun des crimes passibles de poursuites est défini dans des termes précis et concrets” [notre traduction]). Dans ce sens, Dieter Kastrup, “From Nuremberg to Rome and Beyond: The Fight Against Genocide, War Crimes, And Crimes Against Humanity” (1999–2000) 23 Fordham International Law Journal 408–9; Juan-Antonio Carrilo-Salcedo, “La Cour pénale internationale: l’humanité trouve une place dans le droit international” (1999) 103:1 Revue générale de droit international public 24; Luigi Condorelli, “La Cour pénale internationale. Un pas de géant (pourvu qu’il soit accompli)” (1999) 103:1 Revue générale de droit international public 9.

6 Situation en République de Côte d’Ivoire, ICC-02/11-14-Corr-tFRA, Rectificatif à la Décision relative à l’autorisation d’ouverture d’une enquête dans le cadre de la situation en République de Côte d’Ivoire rendue en application de l’article 15 du Statut de Rome, 15 novembre 2011 au para 43 (CPI — Chambre préliminaire [Ch. Prél.] III); Le Procureur c Germain Katanga, ICC-01/04-01/07-3436, Jugement rendu en application de l’article 74 du Statut, 7 mars 2014 au para 1106 (CPI — Chambre de première instance [Ch. Ire inst.] II); Le Procureur c Laurent Koudou Gbagbo, ICC-02/11-01/11-9-Red-tFRA, Décision relative à la demande de délivrance d’un mandat d’arrêt à l’encontre de Laurent Koudou Gbagbo, déposée par le Procureur en vertu de l’article 58, 30 novembre 2011 au para 37 (Ch. prél. III); Situation en République du Kenya, ICC-01/09-19-Corr-tFRA, Décision relative à la demande d’autorisation d’ouvrir une enquête dans le cadre de la situation en République du Kenya rendue en application de l’article 15 du Statut de Rome, 31 mars 2010 au para 84 (Ch. prél. II).

7 Pour ne mentionner qu’un modeste échantillon de ces études: d’après le professeur Burns, la référence à la politique d’un État ou d’une organisation introduit dans le StR “un élément extrêmement nébuleux” [notre traduction] (Peter T. Burns, “Aspects of Crimes Against Humanity and the International Criminal Court” (2007) au point 3, en ligne à <http://icclr.law.ubc.ca/sites/icclr.law.ubc.ca/files/publications/pdfs/AspectofCrimesAgainstHumanity.pdf> (6 septembre 2014); Cameron Russell, “The Chapeau of Crimes Against Humanity: the impact of the Rome Statute of the International Criminal Court” (2011–12) 8 Eyes on the International Criminal Court 60 (il soutient que l’élément politique est “l’aspect le plus controversé de la jurisprudence dans le Statut de Rome” [notre traduction]); Alain Pellet, “Pour la Cour pénale internationale, quand même ! Quelques remarques sur sa compétence et sa saisine” (1998) 5 L’Observatoire des Nations Unies 150 (“l’article 7 du Statut, qui définit les crimes contre l’humanité, est ... fait de bric et de broc et ne brille ni par sa cohérence, ni par sa clarté...”). Voir également p 151; Serge Sur, “Vers une cour pénale internationale: la convention de Rome entre les ONG et le Conseil de Sécurité” (1999) 103:1 Revue générale de droit international public 40 (en évoquant des crimes relevant de la compétence de la CPI, il parle d’incriminations à revoir [qui] risquent de manquer d’unité et de certitude[...] dans la mesure où les crimes contre l’humanité notamment ne sont qu’imparfaitement définis); Mettraux, Guénaël, “Crimes Against Humanity and the Question of a ‘Policy’ Element” dans Sadat, Leila, dir, Forging a Convention for Crimes Against Humanity, Cambridge, Cambridge University Press, 2011 Google Scholar à la p 148; Margaret deguzman, “The Road from Rome: The Developing Law of Crimes against Humanity” (2000) 22 Human Rights Quarterly 354 aux 371–72; W. Schabas, supra, note 3 à la p 148; Jean-François Dobelle, “La convention de Rome portant statut de la Cour pénale internationale” (1998) Annuaire français de droit international 360; L Sadat, “Crimes Against Humanity in the Modern Age” (2013) 107 American Journal of international Law 355 [L Sadat, Crimes Against Humanity].

8 Voir par exemple, Boot, Matchteld, Genocide, Crimes Against Humanity, War Crimes: Nullum Crimen Sine Lege and Subject Matter Jurisdiction of the International Criminal Court, Antwerpen, Intersentia, 2002 aux pp 481–83;Google Scholar Roger Clark, “Crime Against Humanity and the Rome Statute” dans Mauro Politi et Giuseppe Nesi, dir, The Rome Statute of the International Criminal Court: A Challenge to Impunity, Ashgate, 2001 à la p 91: “La politique d’une organisation est un élément plutôt proche du caractère systématique ... En bref, si un événement remplit les conditions de la définition figurant au paragraphe 2-a, c’est-à-dire s’il est généralisé et s’il y a une politique derrière lui, les éléments supplémentaires que sont les caractères généralisé et systématique semblent de toute façon tous deux réunis! On peut, si on le souhaite, adopter une formulation inversée: la définition même du terme attaque semble exiger en même temps quelque chose de proche tant de l’élément de caractère généralisé que de celui de caractère systématique” [notre traduction]; Madeleine Schwarz, “Prosecuting Crimes Against Humanity in Canada: What Must Be Proved” (2002) 46 Criminal Law Quarterly 65: “on ne sait pas exactement comment une définition exigeant que l’attaque consiste en la commission multiple d’actes et soit menée en application ou dans la poursuite d’une politique n’annule pas dans une certaine mesure tout bénéfice que pourrait procurer le fait de disposer d’un seuil en indiquant que l’attaque doit être soit généralisée soit systématique” [notre traduction]; Jelena Pejic, “The International Criminal Court Statute: An appraisal of the Rome Package” (2000) 34 The International Lawyer 73; Schabas, W, An Introduction to the International Criminal Court, 2d ed, Cambridge University Press, 2004 CrossRefGoogle Scholar à la p 44; van den Herik, Larissa, “Using Custom to Reconceptualize Crimes Against Humanity” dans Darcy, Shane et Powderly, Joseph, dir, Judicial Creativity: The International Criminal Tribunals, Oxford University Press, 2010 Google Scholar à la p 94 (de l’avis de cet auteur, la condition tenant à l’existence d’une politique exclut la possibilité que les crimes contre l’humanité soient commis en tant que partie d’une attaque généralisée, mais qui n’est pas systématiqu)

9 [notre traduction]. Timothy Mccormack, “Crimes Against Humanity” dans Dominic McGoldrick, Peter Rowe et Eric Donnelly, dir, The Permanent International Criminal Court: Legal and Policy Issues, Hart Publishing, 2004 à la p 188; J-F Dobelle, supra note 7 à p 360.

10 Nous pensons au Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY) et au Tribunal pénal pour le Rwanda (TPIR).

11 Le Procureur c Germain Katanga, ICC-01/04-01/07-3436, supra, note 6 au para 1115: “les Éléments des crimes, comme l’article 7-2-a du Statut, rattachent ce concept à la définition même de l’attaque [et non pas à la caractérisation de cette dernière dont il est dit qu’elle doit être généralisée ou systématique].” Voir également les para 1111–12. Au paragraphe 1133, où cette chambre énumère les éléments contextuels, elle fait de la politique un élément à part entière en l’énonçant séparément de l’attaque systématique. Les chambres préliminaires procèdent de même (Situation en République de Côte d’Ivoire, ICC-02/11-14-Corr-tFRA, supra note 6 au para 29; Situation en République du Kenya, ICC-01/09-19-Corr-tFRA, supra note 6 au para 79; Le Procureur c Jean-Pierre Bemba, ICC-01/05-01/08-424-tFRA, Décision rendue en application des alinéas a) et b) de l’article 61-7 du Statut de Rome, relativement aux charges portées par le Procureur à l’encontre de Jean-Pierre Bemba Gombo, 15 juin 2009 au para 80 (Ch. prél. II); Le Procureur c Laurent Gbagbo, ICC-02/11-01/11-656-Red-tFRA, Décision relative à la confirmation des charges portées contre Laurent Gbagbo, 12 juin 2014 au para 216 (Ch. prél. I); The Prosecutor v Bosco Ntaganda, ICC-01/04-02/06-309, Decision Pursuant to Article 61(7)(a) and (b) of the Rome Statute on the Charges of the Prosecutor Against Bosco Ntaganda, 9 juin 2014 au para 13–30 (Pre-Trial Chamber II); Le Procureur c Bosco Ntaganda, ICC-01/04-02/06-36-Red-tFRA, Décision relative à la requête déposée par le Procureur en vertu de l’article 58, 13 juillet 2012 au para 18–32 (Ch. prél. II); Le Procureur c Callixte Mbarushimana, ICC-01/04-01/10-465-Red-tFRA, Décision relative à la confirmation des charges, 16 décembre 2011 au para 244 (Ch. prél. I). voir également le para 23 de l’opinion dissidente de la juge Sanji Mmasenono Monageng jointe à cette décision; Situation en République du Kenya, ICC-01/09-19-Corr-tFRA, Opinion dissidente du juge HansPeter Kaul, 31 mars 2010 au para 32 [Situation en République du Kenya, ICC-01/09-19-Corr-tFRA, “Opinion dissidente”]: “[le Statut de la CPI fait] de la ‘politique d’un État ou d’une organisation’ une condition légale liée à l’élément ‘attaque’ et non à la composante ‘systématique’.” M. deguzman, supra note 7 à la p 374: “Comme le Statut de la CPI exige des actes soit généralisés soit systématiques pour la qualification de crimes contre l’humanité, l’élément d’existence d’une politique ne peut être interprété comme équivalent au caractère systématique des actes. ... L’élément politique figurant à l’article 7-2 du Statut de la CPI doit nécessairement ... signifier autre chose qu’un caractère systématique” [notre traduction]. Dans ce sens, Phylilis Hwang, “Defining Crimes Against Humanity in the Rome Statute of the International Criminal Court” (1998) 22:2 Fordham International Law Journal 503: “En interprétant l’élément “politique,” la ... CPI devrait garder à l’esprit que l’importance de cet element ... n’est pas de démontrer le caractère systématique, mais d’établir un certain degré de participation d’un État ou d’une organisation dans des actes constitutifs de crimes contre l’humanité” [notre traduction]; J.-F. Dobelle, supra note 7 à la p 360; M. Boot, supra note 8 à la p 482; Bassiouni, Cherif, “The Permanent International Criminal Court” dans Lattimer, Mark et Sands, Philippe, dir, Justice for Crimes Against Humanity, Oxford, Hart Publishing, 2003 aux pp 187–88.Google Scholar

12 À ce sujet, William Lietzau, “Checks and Balances and Elements of Proof: Structural Pillars for the International Criminal Court” (1999) 32 Cornell International Law Journal 481 et 484; Rapport du Comité préparatoire, supra note 3 au para 52 et 56. Au nombre des partisans de cette position proche de celle des défenseurs de l’adage “omnis definitio periculosa est.” figure le Nigéria pour qui “un document tel que ... celui sur les Éléments des crimes n’est jamais parfait. Il peut subsister des ambiguïtés ou des imprécisions que les juges devront chercher à éliminer en s’appuyant sur les règles d’interprétation” [nos italiques]. Synthèse des déclarations faites en séance plénière à l’occasion de l’adoption du rapport du Groupe de travail sur le Règlement de procédure et de preuve et du rapport du Groupe de travail sur les éléments des crimes, PCNICC/2000/INF/4, 13 juillet 2000 à la p 4.

13 Instrument juridique destiné à “aide[r] la Cour à interpréter et appliquer les articles 6, 7 et 8 [du StR]” (Art 9-1 du StR). Deuxième source du droit applicable devant la CPI, ils ont été élaborés par la Commission préparatoire, en ce qui concerne les crimes relevant de la compétence de la CPI, entre le mois de février 1999 et le mois de novembre 2000 et ont été adoptés par l’Assemblée des États parties, pouvoir législatif de la CPI, au mois de septembre 2002.

14 C’est-à-dire, la majorité à la fois des mandats d’arrêt pour crimes, des citations à comparaître et des personnes poursuivies. Dans les situations en Côte d’Ivoire, au Kenya et en Libye, les personnes sont poursuivies uniquement pour crimes contre l’humanité.

15 Principe confirmé par la jurisprudence de la CPI. Voir Y. Hamuli Kabumba, supra note 1 aux pp 24; 99 et 409–15.

16 Tous ces points sont développés dans une étude séparée, qui est dédiée aux sources du droit auxquelles les chambres de la CPI peuvent faire appel pour combler le silence des instruments de cette cour concernant les éléments contextuels des crimes contre l’humanité.

17 Dans ce sens, The Prosecutor v Laurent Gbagbo, ICC-02/11-01/11-534, Amicus Curiæ Observations of Professors Robinson, deGuzman, Jalloh et Cryer, 9 octobre 2013 aux para 6 et 43. Dans le cas de l’élément politique, des auteurs font observer que “une bonne part de la controverse sur l’élément politique résulte peut-être des manières différentes dont le sens de cet élément est compris” [notre traduction]. Cryer, Robert, Friman, Hakan, Robinson, Darryl and Wilmshurst, Elizabeth, An Introduction to International Criminal Law and Procedure, Cambridge, Cambridge University Press, 2e éd, 2010 à la p 239.CrossRefGoogle Scholar

18 Comme indiqué plus haut (supra note 16), une autre étude leur est exclusivement dédiée. Par ailleurs, nous n’examinerons pas les aspects relatifs à l’entité (État ou organisation) à l’origine de la politique.

19 Le Procureur c Jean-Pierre Bemba, ICC-01/05-01/08-424-tFRA, supra note 11 au para 203; Le Procureur c Germain Katanga, ICC-01/04-01/07-3436, supra note 6 au para 51; Le Procureur c Mathieu Ngudjolo Chui, ICC-01/04-02/12-4-tFRA, Jugement rendu en application de l’article 74 du Statut. Opinion concordante de la juge Christine Van den Wyngaert, 18 décembre 2012 au para 9, (Ch Ire inst. II). Voir également note de bas de page n° 16; Le Procureur c Thomas Lubanga, ICC-01/04-01/06-1049-tFRA, Décision relative aux pratiques employées pour préparer et familiariser les témoins avant qu’ils ne déposent au procès, 30 novembre 2007 au para 45, (Ch. Ire inst. I). Le Bureau du Procureur de la CPI le confirme en faisant référence de manière expresse à l’article 7-1 du StR (Le Procureur c Thomas Lubanga, ICC-01/04-01/06-803, Décision sur la confirmation des charges, 29 juillet 2007 au para 323 [Ch. prél. I]).

20 Le Procureur c Thomas Lubanga, ICC-01/04-01/06-1049-tFRA, supra note 19 au para 44; Le Procureur c Germain Katanga, ICC-01/04-01/07-717-tFRA-Corr, Décision relative à la confirmation des charges, 26 septembre 2008 au para 508, (Ch prél. I); Le Procureur c Thomas Lubanga, ICC-01/04-01/06-T-340-FRA, Compte-rendu d’audience du 30 mars 2011 à la p 8, lignes 25–27 (Ch. Ire inst. I); Situation en Ouganda, ICC-02/04-01/05-60-tFR, Décision relative à la position du Procureur sur la décision de la Chambre préliminaire II d’expurger les descriptions factuelles des crimes dans les mandats d’arrêt, demande de réexamen et demande d’éclaircissements, 28 octobre 2005 au para 19 (Ch. prél. II); The Prosecutor v Thomas Lubanga, ICC-01/04-01/06-2727-Red, Redacted Decision on the Prosecution's Application to Admit Rebuttal Evidence from Witness DRC-OTP-WWWW-0005, 28 April 2011 au para 41 (Trial Chamber I).

21 Le Procureur c Thomas Lubanga, ICC-01/04-01/06-1049-tFRA, supra note 19 au para 44; Le Procureur c Germain Katanga, ICC-01/04-01/07-3436, supra note 6 au para 47.

22 Le Procureur c Jean-Pierre Bemba, ICC-01/05-01/08-475-tFRA, Décision relative à la mise en liberté provisoire de Jean-Pierre Bemba Gombo et invitant les autorités du Royaume de Belgique, de la République portugaise, de la République française, de la République fédérale d’Allemagne, de la République italienne et de la République sud-africaine à participer à des audiences, 14 août 2009 au para 42 (Ch prél. II).

23 Situation en Ouganda, ICC-02/04-01/05-60-tFR, supra note 20 au para 23; Le Procureur c Jean-Pierre Bemba, ICC-01/05-01/08-424-tFRA, supra note 11 au para 200–203 et note de bas de page n° 550; Le Procureur c Germain Katanga, ICC-01/04-01/07-717-tFRA-Corr, supra note 20 aux para 508 et 481; Le Procureur c Germain Katanga, ICC-01/04-01/07-3436, supra note 6 au para 47.

24 Il importe de mentionner que nous avons délibérément omis les auteurs qui n’indiquent pas leurs sources, y compris les professeurs les plus cités dans la littérature juridique relative aux crimes contre l’humanité.

25 M. Politi, “Le Statut de Rome de la Cour pénale internationale: le point de vue d’un négociateur” (1999) 4 Revue générale de droit international public 831; Lyal Sunga, “The Crimes within the Jurisdiction of the International Criminal Court” (1998) 4 European Journal of Crime, Criminal Law and Criminal Justice 71; Simon Chesterman, “An Altogether Different Order: Defining the Elements of Crimes against Humanity” (2000) 10 Duke Journal Of Comparative and International Law 316; The Prosecutor v Laurent Gbagbo, ICC-02/11-01/11-534, supra note 17 au para 24; W. Schabas, “State Policy as an Element of International Crimes” (2008) 98 Journal of Criminal Law and Criminology 960; Le Procureur c Germain Katanga, ICC-01/04-01/07-3436, supra note 6 au para 1112.

26 Le Procureur c Germain Katanga, ICC-01/04-01/07-3436, supra note 6 au para 1114; The Prosecutor v Laurent Gbagbo, ICC-02/11-01/11-534, supra note 17 au para 22 (dans un mémoire présenté en qualité d’amici curiæ, quatre professeurs expliquent qu’en l’absence de la condition tenant à l’existence d’une politique, une attaque pouvait simplement être généralisée sans que les différents actes n’aient de liens entre eux. On peut lire à ce paragraphe: “À l’époque de la Conférence de Rome, le caractère ‘généralisé ou systématique’ était déjà apparu comme faisant figure de norme appropriée, mais un nombre significatif d’États ont exprimé des inquiétudes sur cette norme, l’estimant trop inclusive, car elle permettrait de qualifier de ‘généralisés’ des crimes ordinaires sans lien aucun entre eux qui seraient commis dans une ville ou région. Il était généralement admis que des crimes sans lien aucun entre eux ne constitueraient pas une attaque” [notre traduction]; L. Sunga, supra note 25 à la p 71. Dans ce sens, Situation en République du Kenya, ICC-01/09-19-Corr-tFRA, Opinion dissidente, supra note 11 au para 40; D. Robinson, “Essence of Crimes against Humanity Raised by Challenges at ICC” (27 septembre 2011), en ligne à <http://www.ejiltalk.org/essence-of-crimes-against-humanity-raised-by-challenges-at-icc/>.

27 C. Bassiouni, “Note explicative sur le Statut de la Cour pénale internationale” (2000) 71 Revue internationale de droit pénal 12; C. Bassiouni, Crimes Against Humanity in International Criminal Law, Kluwer Law International, 1999 aux pp 244–47. En ce sens, voir L. Sadat, Crimes Against Humanity, supra note 7 aux pp 352–53. Contra, Le Procureur c Germain Katanga, ICC-01/04-01/07-3436, supra note 6 au para 1111.

28 Voir par exemple, Situation en République du Kenya, ICC-01/09-19-Corr-tFRA, supra note 6 au para 86 (à propos du sens du terme “politique,” cette chambre déclare “prend[re] acte de la jurisprudence des tribunaux ad hoc ainsi que des travaux de la Commission du droit international (CDI).” Voir également para 87.

29 Rapport de la Commission du droit international, 51e session, Supplément n° 10, A/51/10 (1996) à la p 114.

30 [nos italiques] Ibid à la p 115. Lorsqu’elle définit les termes “commis sur une grande échelle,” la CDI ne fait pas état des mots “en application d’un plan ou d’une politique préconçus.”

31 [nos italiques] Ibid aux pp 116–17. De nos jours, la CDI s’oriente vers l’adoption d’une convention spécifique aux crimes contre l’humanité dont les dispositions reproduisent presque verbatim l’article 7 du StR. Voir en ligne à <http://www.ejiltalk.org/towards-a-new-global-treaty-on-crimes-against-humanity/>.

32 À ce sujet, De Frouville, Olivier, Droit international pénal. Sources incriminations responsabilités, Paris, Pedone, 2012 à la p 134.Google Scholar

33 M. Boot, supra note 8 à la p 481: “la jurisprudence des tribunaux ad hoc ne semble pas établir de distinction entre le critère de systématicité et l’exigence d’existence d’une politique, ni entre les notions de “politique” et de “plan”” [notre traduction]. Voir également la p. 482.

34 Le Procureur c Dusko Tadić alias “DULE,” affaire n° IT-94-1-T, Ch. Ire inst., “Jugement,” 7 mai 1997 au para 648 (TPIY – Ch. Ire inst.) [jugement Tadić], en ligne à <http://www.tpiy.org/x/cases/tadic/tjug/fr/tad-tj970507f.pdf> (6 septembre 2014).

35 Ibid.

36 Ibid au para 653.

37 [nos italiques] Le Procureur c Akayesu, ICTR-96-4-T, jugement, 2 septembre 1998 (TPIR — Ch. Ire inst. I) au para 580 [jugement Akayesu], en ligne à <http://www.ictrcaselaw.org/docs/doc15223.pdf> (16 août 2014). S’agissant du passage mis en évidence ici — auquel diverses chambres de la CPI ont souscrit — il est reproché à ce jugement de ne point citer de source (Rodney Dixon, ”Article 7” dans Otto Triffterer, dir, Commentary on the Rome Statute of the International Criminal Court, Observers Notes, Article by Article, Baden Baden, Nomos Verlagsgesellschaft, 2e éd., 2008 à la p 179). Dans le sens du jugement Akayesu, voir Le Procureur c Alfred Musema, ICTR-96-13-T, Jugement et sentence, 27 janvier 2000 au para 204, (TPIR — Ch. Ire inst. I), en ligne à <http://www.ictrcaselaw.org/docs/doc10191.pdf> (2 août 2014).

38 Le Procureur c Clément Kayishema et Obed Ruzindana, ICTR-95-1-T, Jugement, 21 mai 1999 au para 123, (TPIR-Ch. Ire inst. II), en ligne à <http://www.ictrcaselaw.org/docs/doc9046.pdf> (2 août 2014). Voir également, Le Procureur c Tihomir Blaskic, IT-95-14-T, Jugement, 3 mars 2000 au para 203, (TPIY — Ch. Ire inst. I), en ligne à <http://www.tpiy.org/x/cases/blaskic/tjug/fr/bla-tj000303f.pdf> (10 août 2014). Elle s’inspire ouvertement des jugements Tadić, Akayesu et Kayishema. On peut lire à la note 379: “Tant la jurisprudence du Tribunal, dans le Jugement Tadić, (au para 648) que celle du TPIR, dans les Jugements Akayesu (au para 580) et Kayishema, Ruzindana (au para 123) se réfèrent au plan ou à la politique pour définir l’élément de ‘systématicité’.”

39 Le Procureur c Clément Kayishema et Obed Ruzindana, supra note 38 au para 125.

40 Ibid au para 124.

41 Ibid au para 125 et 126.

42 Voir, s’agissant des affaires Musema, Kayishema et Akayesu, M. Schwarz, supra note 8 à la p 64. Elle conclut: “Une telle implication n’est pas la bonne interprétation à donner à l’exigence que l’acte soit commis dans le cadre d’une attaque généralisée ou systématique” [notre traduction].

43 À ce sujet, voir les références mentionnées dans Situation en République du Kenya, ICC-01/09-19-Corr-tFRA, Opinion dissidente, supra note 11 au para 31. En ce sens, G. Mettraux, “Crimes Against Humanity in the Jurisprudence of the International Criminal Tribunals for the Former Yugoslavia and for Rwanda” (2002) 43:1 Harvard International Law Journal 282.

44 Le Procureur c Dragoljub Kunarac, Radomir Kovac et Zoran Vukovic, IT-96-23 et IT-96-23/1-A, Arrêt, 12 juin 2002 au para 98 (TPIY-Ch. app.”), arrêt Kunarac en ligne à http://www.tpiy.org/x/cases/kunarac/acjug/fr/kun-aj020612f.pdf (2 août 2014). Dans ce sens, Le Procureur c Fatmir Limaj, Haradin Bala, Isak Musliu, IT-03-66-T, jugement, 30 novembre 2005 au para 212 (TPIY Ch. Ire inst. II), en ligne à <http://www.tpiy.org/x/cases/limaj/tjug/fr/lim-tj051130-f.pdf> (9 août 2014); Le Procureur c Juvénal Kajelijeli, ICTR-98-44A-T, Jugement et sentence, 1er décembre 2003 au para 872 (TPIR — Ch. Ire inst. II), en ligne à <http://www.ictrcaselaw.org/docs/doc42270.PDF> (1 juillet 2014); Le Procureur c Mikaeli Muhimana, ICTR-95-1B-T, jugement et sentence, 28 avril 2005 au para 527 (TPIR — Ch. Ire inst. III), en ligne à <http://www.refworld.org/docid/48abd5a5d.html> (28 juillet 2014); Le Procureur c Laurent Semanza, ICTR-97-20-T, Jugement et sentence, 15 mai 2003 au para 329 (TPIR-Ch. Ire inst. III), en ligne à <http://www.ictrcaselaw.org/docs/doc39013.pdf> (28 juillet 2014); The Prosecutor v Fofana and Kondewa, SCSL-04-14-A, jugement, 28 mai 2008 au para 246 (Tribunal spécial pour la Sierra Leone — Appeals Chamber), en ligne à <http://www.refworld.org/cgi-bin/texis/vtx/rwmain?docid=484417252&page=search> (14 septembre 2014).

45 Arrêt Kunarac, supra note 44 au para 98.

46 Ibid au para 98. Dans ce sens, Le Procureur c Fatmir Limaj et autres, supra note 44 au para 212; TPIR, The Prosecutor v Laurent Semanza, supra note 44 au para 329; Le Procureur c Juvénal Kajelijeli, supra note 44 au para 872; Le Procureur c Mikaeli Muhimana, supra note 44 au para 527; Tribunal spécial pour la Sierra Leone, The Prosecutor v Fofana and Kondewa, supra note 44 au para 246.

47 [nos italiques] Rapport du Comité préparatoire pour la création d’une cour criminelle internationale, vol. II (Compilation des propositions), Supplément No 22A (A/51/22), 1996 à la p 71.

48 [nos italiques] Comité préparatoire pour la création d’une cour criminelle internationale, “Projet de texte composite présenté par le président, A/AC.249/1997/WG.1/CRP.3, 18 février 1997 à la p 1.

49 Elle a eu lieu du 15 juin au 17 juillet 1998.

50 [nos italiques] Proposition présentée par les États-Unis d’Amérique, supra note 3 à la p 2.

51 M. deGuzman, supra note 7 à la p 372; Mahnoush Arsanjani, “The Rome Statute of the International Criminal Court” (1999) 93 American Journal of International Law 31; B. Van Schaack, supra note 3 aux pp 844 et 845. Comme indiqué plus haut, certains auteurs signalent que le compromis entre les partisans de la formulation cumulative et ceux de la formulation alternative est le fruit d’une formule ambiguë, l’article 7-2-a du StR, dans laquelle les deux camps semblaient trouver leurs comptes. D’aucuns font valoir que l’insertion de l’élément politique dans le StR était motivée par des considérations politiques (voir par exemple, David Hunt, “The International Criminal Court. High Hopes, ‘Creative Ambiguity’ and an Unfortunate Mistrust in International Judges” (2004) 2 Journal of International Criminal Justice 65).

52 P. Hwang, supra note 11 aux pp 497; 500 et 503; M. Boot, supra note 8 aux pp 470–72; 477–79 (à la p 471, cet auteur relève que la délégation n’a pas repris au pied de la lettre le contenu de cette jurisprudence puisque, par exemple, cette délégation ne reprend pas le motif discriminatoire qui pourtant est exigé dans le jugement Tadić). The Prosecutor v Laurent Gbagbo, ICC-02/11-01/11-534, supra note 17 au para 22; Benedetti, Fanny, Bonneau, Karine et Washburn, John, Negotiating the International Criminal Court: New York to Rome, 1994-1998, Leiden, Martinus Nijhoff Publishers, 2014 à la p 146.Google Scholar C. Russell, supra note 7 aux pp 54–55 et 57; L. van den Herik, supra note 8 aux pp 83–84.

53 P. Hwang, supra note 11 aux pp 497–501; B. Van Schaack, supra note 3 à la p 844; M. Boot, supra note 8 aux pp 472 et 479 (cet auteur qualifie la proposition canadienne, proposition faite le 1er juillet 1998, de point de départ).

54 À cet égard, M. Boot, supra note 8 aux pp 481–82.

55 [notre traduction et nos italiques] C. Bassiouni, “Negotiating the Treaty of Rome on the Establishment of an International Criminal Court” (1999) 32 Cornell International Law Journal 462.

56 Proposal submitted by the United States of America, supra note 3 à la p 4.

57 [nos italiques]. Proposition concernant l’article 7 présentée par l’Allemagne et le Canada, PCNICC/1999/WGEC/DP.36, 23 novembre 1999 au para 2. Cette proposition n’est pas sans rappeler les jugements Tadić (au para 653) et Akayesu (au para 580).

58 [nos italiques]. Proposition soumise par l’Égypte au sujet des éléments communs à inclure dans tous les crimes contre l’humanité, PCNICC/1999/WGEC/DP.42, 7 décembre 1999 à la p 1.

59 Commentaire de la Suisse sur l’article 7 du Statut de la Cour pénale internationale, PCNICC/1999/WGEC/DP.35, 24 novembre 1999 aux pp 5–7. Voir également les pp 3–4.

60 [nos italiques]. Rapport de la Commission préparatoire sur ses première, deuxième et troisième sessions (16-26 février, 26 juillet-13 août et 29 novembre-17 décembre 1999). Additif, Annexe III, PCNICC/1999/L.5/Rev.1/Add.2, 22 décembre 1999 à la p 7.

61 Werle, Gerhard, Principles of International Criminal Law, The Hague, T.M.C Asser Press, 2e éd., 2009 à la p 302 CrossRefGoogle Scholar (cet auteur soutient que cette formule est trop restrictive et ne trouve pas son fondement dans le StR).

62 Rapport de la Commission préparatoire de la Cour pénale internationale. Additif, Partie II: Texte final du projet d’éléments des crimes (PCNICC/2000/1/Add.2), 1er novembre 2000, article 7-3 (à la p 11).

63 D’aucuns soulignent la futilité de cette note de bas de page — particulièrement en ce qui concerne une organisation, car celle-ci doit avoir pour but une telle attaque — et observent qu’”il est délicat de faire correspondre une telle définition des éléments de l’attaque avec la lettre de l’article 7 du Statut. Le seul élément que le Statut exige par rapport à l’attaque est la connaissance que doit en avoir l’auteur.” Currat, Philippe, Les crimes contre l’humanité dans le Statut de la Cour pénale internationale, Bruxelles, Bruylant, 2006 aux pp 104–5.Google Scholar

64 Göran Sluiter, ““Chapeau Elements” of Crimes Against Humanity in the Jurisprudence of the UN ad Hoc Tribunals” dans L. Sadat, Forging a Convention, supra note 7 aux pp 108–9.

65 Le Procureur c Germain Katanga, ICC-01/04-01/07-3436, supra note 6 aux para 1111–12 et 1115. A contrario, voir Marie-Aude Tavoso, La définition des éléments constitutifs des crimes contre l’humanité, du génocide et des crimes de guerre: la nature de l’infraction internationale, Atelier national de reproduction des thèses, 2004 aux pp 144–45 (de l’avis de cet auteur, l’article 7-2-a du StR, qui définit la notion d’attaque, ne prévoit pas une condition préalable — un élément contextuel — supplémentaire, il ne serait “qu’une précision du sens à donner aux termes “généralisé” et “systématique”).

66 À la note de bas de page n° 509, elle fait référence à: TPIR, Le Procureur c. Akayesu, affaire n° ICTR-96-40-T, Jugement, 2 septembre 1998, para 580; TPIR, Le Procureur c. Kayishema, affaire n° ICTR-95-1-T, Jugement, 21 mai 1999, para 123. TPIY, Le Procureur c. Kordić et Čerkez, affaire n° IT-95-14/2-T, Jugement, 26 février 2001, para 179.”

67 Le Procureur c Germain Katanga, ICC-01/04-01/07-717-tFRA-Corr, supra note 20 au para 397 [nos italiques].

68 Ibid aux para 413; 412 et 414–16. Comme nous le verrons, elle a été suivie par d’autres chambres qui estiment que l’existence d’une politique atteste du caractère systématique de l’attaque. À l’inverse, la Ch. prél. III a considéré que la manière systématique dont une attaque avait eu lieu était la preuve de l’existence d’une politique (Situation en République de Côte d’Ivoire, ICC-02/11-14-Corr-tFRA, supra note 6 au para 100).

69 Dans la décision relative à la confirmation des charges portées contre Mbarushimana (ICC-01/04-01/10-465-Red-tFRA au para 263), la Ch. prél. I adopte ce raisonnement sans avancer de source. Or, on l’a vu plus haut, si les TPI n’exigent pas de politique formelle, c’est parce qu’ils considèrent que “le caractère d’actes généralisés ou systématiques démontre l’existence d’une politique visant à commettre ces actes.” L’absence d’exigence d’une politique formelle bénéficie du soutien de bien des auteurs (Voir, par exemple, l’avis des amici curiæ dans The Prosecutor v Laurent Gbagbo, ICC-02/11-01/11-534, supra note 17 aux para 20 et 24 [“il n’est pas nécessaire qu’une politique soit formalisée, explicitement déclarée et précisément définie” [notre traduction]). Doit-on comprendre par là que l’élément politique peut être vague, en dépit des dispositions du StR relatives au principe de légalité et de la présomption d’innocence? Doit-on comprendre par là que l’existence d’une politique pourrait être fondée sur des conjectures? Hwang semble prendre le contre-pied du raisonnement de ces auteurs en observant que “la nécessité d’établir l’existence de la politique d’un État ou d’une organisation pose problème parce que cette condition semble exiger la preuve d’un seuil plus élevé que celui exigé pour la condition de systématicité. Comme l’a relevé la CDI en 1996 et comme l’a affirmé le TPIY dans le Jugement Tadić, la systématicité peut être démontrée au moyen de l’existence d’un plan, qui peut être moins explicite et énoncé de façon moins formelle qu’une politique” [notre traduction et nos italiques]. P. Hwang, supra note 11 aux pp 502–3.

70 Cette analyse est reprise dans d’autres décisions. Voir, par exemple Situation en République du Kenya, ICC-01/09-19-Corr-tFRA, supra note 6 au para 84 [nos italiques].

71 Voir par exemple, G. Werle, supra note 61 aux pp 301–2 (d’après lui, s’aligner sur la jurisprudence initiale des TPI est la meilleure voie que la CPI pourrait suivre). La Ch. prél. I (aff. Katanga) fait explicitement référence à cet auteur. A contrario, et à titre de rappel, voir Situation en République du Kenya, ICC-01/09-19-Corr-tFRA, Opinion dissidente, supra note 11 au para 32 (où feu le juge Kaul faisait valoir que “la politique d’un État ou d’une organisation [est] une condition légale liée à l’élément ‘attaque’ et non à la composante ‘systématique’.”

72 L. Sadat, Crimes Against Humanity, supra note 7 à la p 359: “L’opinion de la chambre selon laquelle l’attaque doit être “soigneusement organisée” est curieuse; aucune source n’est citée pour cette formule, qui rappelle cependant la condition de systématicité exposée dans le jugement Akayesu. La décision de la chambre implique que toutes les attaques doivent être généralisées et systématiques, une lecture contraire au texte de l’article 7” [notre traduction].

73 Cas de la référence au jugement Akayesu remis en cause par le jugement Semanza (à ce sujet, voir L. Sadat, Crimes Against Humanity, supra note 7 aux pp 359–60, n 178).

74 Le fait pour la chambre d’exiger une attaque “soigneusement organisée” et une “politique concertée” pourrait heurter la thèse défendue par les professeurs Robinson, deGuzman, Jalloh et Cryer, selon laquelle la seule interprétation compatible avec le StR consiste à donner une définition souple à l’élément politique et à se montrer moins exigeant à son endroit en matière de preuve que pour le caractère systématique de l’attaque. Voir, s’agissant de cette thèse, The Prosecutor v Laurent Gbagbo, ICC-02/11-01/11-534, supra note 17 aux para 35 et 36.

75 Elle cite Le Procureur c/Tadić, affaire n° IT-94-1-T, jugement, 7 mai 1997, para 653 et TPIY, Le Procureur c/Kunarac et autres, affaire n° IT-96-23 et IT-96-23/1-A, Arrêt, 12 juin 2002, para 93.

76 [nos italiques]. Le Procureur c Jean-Pierre Bemba, ICC-01/05-01/08-424-tFRA, supra note 11 aux para 81 et 115. D’autres décisions reproduisent ce raisonnement. Voir, par exemple, Situation en République du Kenya, ICC-01/09-19-Corr-tFRA, supra note 6 au para 85; Le Procureur c Laurent Koudou Gbagbo, ICC-02/11-01/11-9-Red-tFRA, supra note 6 au para 37.

77 [nos italiques]. Le Procureur c Jean-Pierre Bemba, ICC-01/05-01/08-14, Décision relative à la Requête du Procureur aux fins de délivrance d’un mandat d’arrêt à l’encontre de Jean-Pierre Bemba Gombo, 10 juin 2008 au para 33 (Ch. prél. III). Voir également Situation en République du Kenya, ICC-01/09-19-Corr-tFRA, supra note 6 au para 96.

78 La Ch. prél. III fait référence à: “Chambre préliminaire I, Décision relative à la requête déposée par l’Accusation en vertu de l’article 58-7 du Statut, ICC-02/05-01/07-l-Corr-tFR, para 62.” La Ch. prél. I renvoie à son tour, sans autre explication, à l’arrêt Kunarac.

79 Le Procureur c Germain Katanga, ICC-01/04-01/07-717-tFRA-Corr, supra note 20 aux para 413 et 416.

80 Le Procureur c Jean-Pierre Bemba, ICC-01/05-01/08-14, supra note 77 au para 33. D’autres décisions reproduisent ce raisonnement critiqué par la doctrine. Voir, par exemple, Le Procureur c Ahmad Muhammad Harun (Ahmad Harun) et Ali Muhammad Ali Abd-al-Rahman (Ali Kushayb), ICC-02/05-01/07-1-Corr-tFR, Décision relative à la requête déposée par l’Accusation en vertu de l’article 58-7 du Statut, 27 avril 2007 au para 62, (Ch. prél. I), (il y est fait référence à l’arrêt Kunarac, para 98); Le Procureur c Bosco Ntaganda, ICC-01/04-02/06-36-Red-tFRA, supra note 11 au para 19; Le Procureur c Laurent Gbagbo, ICC-02/11-01/11-656-Red-tFRA, supra note 11 au para 216. Situation en République du Kenya, ICC-01/09-19-Corr-tFRA, supra note 6 au para 96.

81 Par exemple, L. Sadat, Crimes Against Humanity, supra note 7 à la p 361, n 186: “la décision ne contient aucune explication pour cette affirmation et en réalité, elle ne permet pas de déduire grand-chose sur la réflexion menée à la Cour à ce sujet” [notre traduction].

82 Matt Halling, “Push the Envelope – Watch It Bend: Removing the Policy Requirement and Extending Crimes against Humanity” (2010) 23 Leiden Journal of International Law 837.

83 Voir, par exemple, G. Werle, supra note 61 à la p 302: “dans ses premières décisions ... la Cour pénale internationale a affirmé à juste titre que l’élément d’existence d’une politique [d’un État ou d’une organisation] n’avait pas, en soi, de pertinence en tant qu’élément du crime, mais pouvait servir de preuve du caractère systématique de l’attaque” [notre traduction]. À la note 86, il cite la décision de délivrer un mandat d’arrêt à l’encontre de Bemba (ICC-01/05-01/08-14, 10 juin 2008 au para 33) et la décision d’émettre des mandats d’arrêt à l’encontre de Harun et de Kushayb (ICC-02/05-01/07-1-Corr-tFR, 27 avril 2007 au para 62). En ce sens, Elies Van Sliedregt, “AJIL Symposium. The Humaneness-side of Humanity: CAH’s Modern Meaning,” en ligne à <http://opiniojuris.org/2013/07/23/ajil-symposium-the-humaneness-side-of-humanity-cahs-modern-meaning/> (6 septembre 2014).

84 Ces décisions mettent abondamment en lumière des faits considérés par les chambres préliminaires comme la matérialisation de l’élément politique. Voir, notamment, Le Procureur c Callixte Mbarushimana, ICC-01/04-01/10-1-tFRA, Décision relative à la requête du Procureur aux fins de délivrance d’un mandat d’arrêt à l’encontre de Callixte Mbarushimana, 28 septembre 2010 au para 26 (Ch. prél. I); Le Procureur c Francis Kirimi Muthaura, Uhuru Muigai Kenyatta et Mohammed Hussein Ali, ICC-01/09-02/11-1-tFRA, Décision relative à la requête du Procureur aux fins de délivrance de citations à comparaître à Francis Kirimi Muthaura, Uhuru Muigai Kenyatta et Mohammed Hussein Ali, 8 mars 2011 aux para 20 et 23 (Ch. prél. II); Le Procureur c William Samoei Ruto, Henry Kiprono Kosgey et Joshua Arap Sang, ICC-01/09-01/11-373-tFRA, Décision relative à la confirmation des charges rendue en application des alinéas a) et b) de l’article 61-7 du Statut de Rome, 23 janvier 2012 aux para 219–220 (Ch. prél. II) [Le Procureur c William Samoei Ruto et autres]; Procureur c Ahmad Muhammad Harun (Ahmad Harun) et Ali Muhammad Ali Abd-al-Rahman (Ali Kushayb), ICC-02/05-01/07-1-Corr-tFR, supra note 80 au para 67; The Prosecutor v Bosco Ntaganda, ICC-01/04-02/06-309, supra note 11 aux para 19–21; Le Procureur c Laurent Gbagbo, ICC-02/11-01/11-656-Red-tFRA, supra note 11 au para 218; Situation en Jamahiriya arabe libyenne, ICC-01/11-01/11-1-tFRA, Décision relative à la requête déposée par le Procureur en vertu de l’article 58 du Statut concernant Muammar Mohammed Abu Minyar Qadhafi, Saif Al-Islam Qadhafi et Abdullah Al-Senussi, 27 juin 2011 aux para 19–32 (Ch. prél. I); Le Procureur c Omar Hassan Ahmad Al Bashir (Omar Al Bashir), ICC-02/05-01/09-3-tFRA, Décision relative à la requête de l’Accusation aux fins de délivrance d’un mandat d’arrêt à l’encontre d’Omar Hassan Ahmad Al Bashir, 4 mars 2009 au para 83 (Ch. prél. I).

85 [nos italiques]. Le Procureur c Laurent Koudou Gbagbo, ICC-02/11-01/11-9-Red-tFRA, supra note 6 au para 37. Le Procureur c Callixte Mbarushimana, ICC-01/04-01/10-465-Red-tFRA, supra note 11 au para 263; Le Procureur c Francis Kirimi Muthaura, Uhuru Muigai Kenyatta et Mohammed Hussein Ali, ICC-01/09-02/11-382-Red-tFRA, Décision relative à la confirmation des charges rendue en application des alinéas a) et b) de l’article 61-7 du Statut de Rome, 23 janvier 2012 au para 111 (Ch. prél. II) [Le Procureur c Francis Kirimi Muthaura et autres]; Situation en République de Côte d’Ivoire, ICC-02/11-14-Corr-tFRA, supra note 6 au para 43; Situation en République du Kenya, ICC-01/09-19-Corr-tFRA, supra note 6 aux para 84-85; Le Procureur c Bosco Ntaganda, ICC-01/04-02/06-36-Red-tFRA, supra note 11 au para 24.

86 Le Procureur c Sylvestre Mudacumura, ICC-01/04-01/12-1-Red-tFRA, Décision relative à la requête déposée par le Procureur en vertu de l’article 58, 13 juillet 2012 au para 26 (Ch. prél. II).

87 The Prosecutor v Bosco Ntaganda, ICC-01/04-02/06-309, supra note 11 au para 24. Situation en République de Côte d’Ivoire, ICC-02/11-14-Corr-tFRA, supra note 6 au para 54. En même temps, au para 43, cette chambre souscrit à la jurisprudence antérieure et déclare que pour son existence, la politique doit être soigneusement organisée selon un modèle régulier. Situation en République du Kenya, ICC-01/09-19-Corr-tFRA, supra note 6 au para 96 (la chambre évoque le raisonnement des jugements Akayesu et Blaskic en avançant: “l’élémentsystématiquea été défini par le TPIR comme: i) soigneusement organisé, ii) selon un modèle régulier, iii) en exécution d’une politique concertée ... et par le TPIY comme nécessitant, pour être établi: i) l’existence d’un but de caractère politique ou d’un plan ... et iv) l’implication d’autorités politiques et/ou militaires de haut niveau” [nos italiques].

88 Le Procureur c William Samoei Ruto et autres, ICC-01/09-01/11-373-tFRA, supra note 84 au para 209.

89 D’après eux, la politique d’un État ou d’une organisation consiste, dans le chef de l’État ou de l’organisation, en l’encouragement, la coordination, la fourniture de directives ou en l’encouragement actif ou passif (The Prosecutor v Laurent Gbagbo, ICC-02/11-01/11-534, supra note 17 aux para 22–23; 24 et 36. En ce sens, C. Bassiouni, supra note 11 à la p 188).

90 [notre traduction] The Prosecutor v Laurent Gbagbo, ICC-02/11-01/11-534, supra note 17 au para 18.

91 Ibid au para 25.

92 Le Procureur c Laurent Gbagbo, ICC-02/11-01/11-432-tFRA, Décision portant ajournement de l’audience de confirmation des charges conformément à l’article 61-7-c-i du Statut, 3 juin 2013 au para 44, (Ch. prél. I).

93 The Prosecutor v Laurent Gbagbo, ICC-02/11-01/11-534, supra note 17 aux para 15–16.

94 Ibid aux para 15–16; 43 et 44.

95 [notre traduction] Ibid au para 19.

96 [notre traduction] Ibid aux para 21 et 24. Pour l’heure, les preuves exigées par l’ensemble des chambres ou produites devant celles-ci se rapportent à une politique formelle. La jurisprudence citée aux notes 84 et 111 de la présente étude est éloquente à cet égard.

97 [nos italiques]. Le Procureur c Laurent Gbagbo, ICC-02/11-01/11-656-Red-tFRA, supra note 11 au para 215.

98 Ibid au para 216 [nos italiques].

99 Par exemple, dans l’affaire Ruto et autres, la Ch. prél. II souligne, sans autre explication, qu’“exiger une politique n’est pas la même chose qu’exiger un plan,” mais concède, sur la base de la décision relative à la confirmation des charges portées contre Katanga, qu’“une attaque planifiée, dirigée ou organisée ... satisfait à la condition d’existence d’une politique” (Le Procureur c William Samoei Ruto et autres, ICC-01/09-01/11-373-tFRA, supra note 84 aux para 209 et 210).

100 [nos italiques]. Situation en République de Côte d’Ivoire, ICC-02/11-14-Corr-tFRA, supra note 6 au para 100. Dans ce sens, Kai ambos, Treatise on International Criminal Law, Oxford University Press, vol. II, 2014 à la p 70 (il soutient que l’élément politique est implicite dans le caractère systématique de l’attaque). Le Procureur c Laurent Gbagbo, ICC-02/11-01/11-656-Red-tFRA, supra note 56 au para 210. Voir également les para 211–12.

101 Le Procureur c Callixte Mbarushimana, ICC-01/04-01/10-465-Red-tFRA, supra note 11 aux para 244–66. Dans une décision antérieure, cette chambre avait confirmé l’existence d’une politique (Le Procureur c Callixte Mbarushimana, ICC-01/04-01/10-1-tFRA, supra note 84).

102 Le Procureur c Sylvestre Mudacumura, ICC-01/04-01/12-1-Red-tFRA, supra note 86 aux para 23–29.

103 Le Procureur c Germain Katanga, ICC-01/04-01/07-3436, supra note 6 au para 1115.

104 Ibid au para 1111. Pour rappel, lorsqu’elle énumère les éléments contextuels (para 1133), elle fait de la politique un élément à part entière en l’énonçant séparément de l’attaque systématique. Elle indique néanmoins (para 1111), à l’instar de bien des chambres préliminaires, que “toutes les attaques dirigées contre une population civile pouvant être qualifiées de ‘systématiques’ feront, en principe, présumer l’existence d’une politique d’un État ou d’une organisation.”

105 À la note de bas de page 2635, cette chambre cite: “[aff. Katanga] Décision relative à la confirmation des charges, para 396; Décision relative à la confirmation des charges dans l’affaire Bemba, para 81; Situation en République du Kenya, Chambre préliminaire II, Décision relative à la demande d’autorisation d’ouvrir une enquête dans le cadre de la situation en République du Kenya rendue en application de l’article 15 du Statut de Rome, 31 mars 2010, ICC-01/09-19-Corr-tFRA (Décision relative à l’ouverture d’une enquête pour la situation Kenya), para 84; Le Procureur c Laurent Koudou Gbagbo, Chambre préliminaire III, Décision relative à la demande de délivrance d’un mandat d’arrêt à l’encontre de Laurent Koudou Gbagbo, déposée par le Procureur en vertu de l’article 58, 30 novembre 2011, ICC-02/11-01/11-9-Red-tFRA, para 37.”

106 Le Procureur c Germain Katanga, ICC-01/04-01/07-3436, supra note 6 au para 1112.

107 Ibid au para 1108.

108 Ibid au para 1109 [nos italiques]. Pour rappel, les TPI à l’origine de ce raisonnement le justifient par le fait que, d’après eux, “le caractère d’actes généralisés ou systématiques démontre l’existence d’une politique visant à commettre ces actes.”

109 Le Procureur c Germain Katanga, ICC-01/04-01/07-3436-AnxI-tFRA, Opinion de la Minorité présentée par la juge Christine Van den Wyngaert, 7 mars 2014 aux para 222 et suiv.

110 [notre traduction]. The Prosecutor v Laurent Koudou Gbagbo, ICC-02/11-01/11-572, Judgment on the appeal of the Prosecutor against the decision of Pre-Trial Chamber I of 3 June 2013 entitled “Decision adjourning the hearing on the confirmation of charges pursuant to article 61(7)(c)(i) of the Rome Statute,” 16 décembre 2013 au para 54 (Chambre d’appel).

111 À cet égard, il est intéressant de comparer, pour chacune des décisions suivantes, les paragraphes ou groupes de paragraphes cités ici. Le Procureur c Germain Katanga, ICC-01/04-01/07-717-tFRA-Corr, supra note 20 aux para 396–98 ensuite aux para 412–16; Le Procureur c Laurent Gbagbo, ICC-02/11-01/11-656-Red-tFRA, supra note 11 aux para 216, 218 et 225; Le Procureur c William Samoei Ruto et autres, ICC-01/09-01/11-373-tFRA, supra note 84 aux para 179 et 209, 217, 219; Le Procureur c Francis Kirimi Muthaura et autres, ICC-01/09-02/11-1-tFRA, supra note 84 aux para 19 et 2; Situation en République du Kenya, ICC-01/09-19-Corr-tFRA, supra note 6 au para 96 ensuite aux para 117–27; Le Procureur c Bosco Ntaganda, ICC-01/04-02/06-36-Red-tFRA, supra note 11 aux para 23–24 et 31. Comparez aussi: Le Procureur c Jean-Pierre Bemba, ICC-01/05-01/08-14, supra note 77 au para 35 avec Le Procureur c Jean-Pierre Bemba, ICC-01/05-01/08-424-tFRA, supra note 11 aux para 109–10; Situation en République du Kenya, ICC-01/09-19-Corr-tFRA, supra note 6 aux para 117–27 (les faits relatés pour démontrer que l’attaque était encadrée, planifiée et organisée y sont considérés comme la preuve de l’existence d’une politique) avec Le Procureur c Francis Kirimi Muthaura et autres, ICC-01/09-02/11-382-Red-tFRA, supra note 85 aux para 115 et 146–58 (les faits relatés pour démontrer l’existence d’une attaque planifiée et organisée y sont considérés comme la preuve du caractère systématique de cette attaque). Pour de plus amples informations, voir O. De Frouville, supra note 32 aux para 137–38.

112 [notre traduction] M. Halling, supra note 82 à la p 837; O. De Frouville supra note 32 à la p 139; C. Russell, supra note 7 à la p 67.

113 M. deGuzman, supra note 7 à la p 374 [notre traduction et nos italiques].

114 Ibid à la p 374 [notre traduction et nos italiques].

115 The Prosecutor v Laurent Gbagbo, ICC-02/11-01/11-534, supra note 17 aux para 35 et 36 [notre traduction et nos italiques]. En ce sens, M. Politi, supra note 25 à la p 831. Cependant, comme précisé plus haut, Hwang est d’un tout autre avis.

116 [notre traduction] P. Hwang, supra note 11 à la p 503.

117 [nos italiques]. P. Currat, supra note 63 à la p 105; G. Mettraux, supra note 7 aux pp 175–76 (son point de vue s’accorde avec l’arrêt Kunarac, car il soutient la futilité de l’élément politique qu’il estime, par ailleurs, indésirable, sauf à s’y intéresser facultativement, pour prouver qu’une attaque était dirigée contre une population civile et qu’elle était systématique. D’après lui, “les conditions existantes, lorsqu’elles sont interprétées correctement, semblent à même de maintenir l’intégrité de cette infraction [le crime contre l’humanité] tout en préservant l’étendue de son nécessaire champ d’application” [notre traduction]); G. Werle, supra note 61 à la p 302: “si cette interprétation large est adoptée, l’élément d’existence d’une politique ne fait rien de plus que développer ce qui est déjà inclus dans l’élément contextuel du crime, à savoir “une attaque systématique contre une population civile”” [notre traduction]. Voir également la p 301 où il recommande la CPI d’adopter la position de la jurisprudence initiale des TPI.

118 K. Ambos, supra note 100 aux pp 70–72.

119 M. Halling, supra note 82 aux pp 833–45. D’aucuns estiment que la suppression de l’élément politique ôterait au StR un filtre important en terme de compétence ratione materiæ et personæ de la CPI, en permettant d’ériger tout crime de droit commun, normalement du ressort des juridictions internes en un crime international relevant de la compétence de cette cour, pour peu qu’il soit commis de manière généralisée ou systématique (voir par exemple, W. Schabas, “Prosecuting Dr Strangelove, Goldfinger, and the Joker at the International Criminal Court: Closing the Loopholes” (2010) 23:3 Leiden Journal of International Law 849–50 et 852–53; W. Schabas, supra note 25 aux pp 960 et 982; C. Bassiouni, Crimes Against Humanity, supra note 27 aux pp 244–47).