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De la notion de grammaire standard dans une optique diglossique du français

Published online by Cambridge University Press:  30 January 2013

ANNE ZRIBI-HERTZ*
Affiliation:
UMR SFL, Université Paris-8/CNRS
*
Adresse pour correspondance: Anne Zribi-Hertz, UMR 7023 Structures Formelles du Langage, Université de Paris 8, 2 rue de la Liberté, F-93526 Saint- Denis cedex, France e-mail: azhertz@orange.fr
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Résumé

Cet article cherche à préciser le schéma diglossique de description du français envisagé dans Zribi-Hertz (2011a), qui propose de représenter la compétence linguistique d'un francophone par deux grammaires internes en intersection, respectivement étiquetées Grammaire Standard et Grammaire Dialectale. Quel est le statut de la Grammaire Standard dans ce schéma ? S'agit-il bien d'une grammaire interne, au sens où l'entend la grammaire générative ? Ou seulement d'une grammaire externe incarnant une norme imposée aux locuteurs par des grammairiens ? L'hypothèse ici défendue est que les deux grammaires sécantes du schéma diglossique doivent bien être des grammaires internes, mais que la Grammaire Standard interne, régie en tant que telle par le Principe de Cohérence présidant à toute grammaire interne, est à distinguer de la Norme Académique fixée de façon institutionnelle sur la base d'écrits attestés produits par des auteurs divers, et qui échappe de ce fait au Principe de Cohérence. L'argumentation de cet article s'appuie sur une étude de cas: les syntagmes nominaux sans nom lexical (DPSN) en français hexagonal moderne, dont les propriétés attestées ne sont pas prédites par la grammaire énoncée par la Norme Académique. Il est soutenu, sur la base de productions attestées récentes recueillies sur internet, que la grammaire académique souffre d'incohérences qui la rendent inapprenable (non intériorisable), et que les francophones ont donc mis en place une grammaire interne cohérente qu'ils intègrent aussi bien à leur Grammaire Dialectale qu'à leur Grammaire Standard.

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Copyright © Cambridge University Press 2013

1 INTRODUCTIONFootnote 1

Un débat intéressant semble opposer depuis plusieurs années deux approches de la variation grammaticale en français: l'approche variationniste inspirée de Labov (Reference Labov1969, Reference Labov1972), représentée notamment par Coveney (Reference Coveney2002, Reference Coveney, Martineau and Nadasdi2011) et Gadet (passim), qui dérive la variation de l'existence de variables sociolinguistiques supposées inhérentes à toute grammaire (plusieurs manières différentes, connotées sociologiquement ou stylistiquement, d'exprimer le même contenu); et l'approche diglossique, solidaire d'une conception générativiste de la grammaire et représentée notamment par Lambrecht (Reference Lambrecht1981), Zribi-Hertz (Reference Zribi-Hertz, Cinque, Koster, Pollock, Rizzi and Zanuttini1994, Reference Zribi-Hertz2011a), Massot (Reference Massot2008, Reference Massot2010), Rowlett (Reference Rowlett2007), Barra-Jover (Reference Barra Jover2009, Reference Barra Jover2010a,Reference Barra Joverb), Palasis (Reference Palasis2009), Hamlaoui (Reference Hamlaoui2011), qui pose que ce que l'on nomme couramment le français est produit par les locuteurs-scripteurs au moyen de deux grammaires distinctes que Zribi-Hertz (Reference Zribi-Hertz2011a) étiquette respectivement standard (GS) et dialectale (GD):Footnote 2

  1. (1) Le modèle diglossique selon Zribi-Hertz (Reference Zribi-Hertz2011a)Footnote 3

Les deux approches en présence sont peut-être tout simplement complémentaires, dans la mesure où elles cherchent à dégager des généralisations de nature différente, les sociolinguistes s'intéressant à la corrélation entre les formes produites et leurs conditions de production, et les générativistes à la structure et à l'acquisition des algorithmes qui produisent ces formes et sous-tendent les jugements émis à leur endroit par leurs récepteurs.

Le modèle diglossique schématisé en (1) distingue par hypothèse deux grammaires internes respectivement étiquetées GS (Grammaire Standard) et GD (Grammaire Dialectale), dénominations que je conserverai ici. GS, dans le schéma (1), représente la grammaire qu'un adulte francophone éduqué est censé activer en situation formelle (typiquement, dans la rédaction d'un article scientifique, d'une copie d'examen ou d'un courrier administratif), et qui produit des formes identifiées par leurs récepteurs comme H(igh) ou neutres du point de vue diasystématique.Footnote 4 GD est la grammaire que le même adulte active spontanément en situation informelle (conversation familière) et qui produit des formes identifiées par leurs récepteurs comme L(ow) ou neutres. La justification du terme Grammaire Standard fera l'objet de la suite de cet article. Quant au terme Grammaire Dialectale,Footnote 5 il est motivé par le fait que les données linguistiques primaires qui infléchissent l'acquisition non guidée d'une grammaire par l'enfant sont par essence ancrées dans l'espace et le temps, et en ce sens ‘dialectales’: tout locuteur natif d'une langue L l'est donc nécessairement d'un dialecte de L. GS et GD sont décrites comme sécantes, cette hypothèse rendant compte du fait que les ensembles de formes qu'elles produisent sont perçus par les locuteurs comme ressortissant à la même langue — ‘le français’. Les deux ensembles sécants délimitent trois ‘zones’ identifiant trois classes de formes linguistiques du point de vue de la production: formes validées par GS mais non produites par GD (Z1); formes produites par GD mais non validées par GS (Z3); formes produites par GD et validées par GS (Z2). Dans la mesure où la compétence linguistique d'un individu est, dans ses détails, idiolectale (point très bien souligné par Barra-Jover Reference Barra Jover2010a), la répartition des formes entre les trois zones — en particulier, la taille de l'intersection (Z2) — est a priori variable d'un locuteur à l'autre: telle forme validée par GS peut n'être jamais produite en situation informelle par un locuteur L1, mais régulièrement produite par un locuteur L2: elle relève alors de Z1 pour le locuteur L1, et de Z2 pour le locuteur L2.Footnote 6

Cette étude a pour objectif de préciser ce qu'il convient d'entendre par grammaire standard, dans une optique diglossique du français. La notion de grammaire standard implique en effet la fixation d'une norme — d'une ligne de démarcation entre standard et non standard — et la francophonie se caractérise culturellement par l'existence d'une Norme Académique, incarnée par des institutions telles que le Conseil Supérieur de la Langue Française, le Dictionnaire de l'Académie Française, et certains ministres de l'Education Nationale amateurs de grammaire.Footnote 7 Il est donc légitime de se demander si la Grammaire Standard du diagramme (1) représente bien une grammaire interne au même titre que la Grammaire Dialectale, ou seulement une ‘grammaire externe’ élaborée ‘au-dessus’ des usagers par des grammairiens chargés de la conservation d'un état de langue hérité du passé. Je soutiendrai dans ce qui suit, en m'appuyant sur une étude de cas, qu'il convient de distinguer la GS du diagramme (1), incarnant un algorithme mental intériorisé par les francophones diglosses, de la Norme Académique fixée de façon externe par les autorités grammaticales et dont les prescriptions ne sont pas toujours intériorisables par les usagers du français.

Dans ce qui suit, je consacrerai d'abord une petite section (section 2) au problème de l'intériorisation de la Norme Académique: je défendrai l'hypothèse que cette intériorisation n'est possible que si la Norme Académique se conforme au Principe de Cohérence qui préside à la mise en place de toute grammaire interne, et que la Norme Académique devient ‘inapprenable’Footnote 8 dès l'instant qu'elle ne s'y conforme pas. Je présenterai ensuite (section 3) une étude de cas qui alimentera l'hypothèse défendue dans la section 2: la grammaire des syntagmes nominaux sans nom lexical (en abrégé: DPSN)Footnote 9. Après avoir rappelé les prescriptions de la Norme Académique concernant ce type de syntagme en français, je montrerai que ces prescriptions sont couramment violées dans les productions des francophones, et ce, non seulement par ceux qui activent leur GD en situation informelle, mais aussi par les locuteurs diglosses activant leur grammaire standard, laquelle se développe donc en dehors de la Norme Académique. Je proposerai d'expliquer cette situation par les incohérences de la Norme Académique, qui rendent celle-ci partiellement inapte à l'intériorisation (inapprenable). La grammaire des DPSN appuie ainsi l'hypothèse que la Grammaire Standard du diagramme (1) doit être distinguée, en tant que grammaire intériorisée par les francophones diglosses, de la Norme Académique promulguée de l'extérieur par les autorités grammaticales sur la base de leur appréciation de formes attestées produites à des époques diverses par des scripteurs labellisés bons auteurs. La conclusion (section 4) récapitulera les principaux résultats en les confrontant à ceux de Rowlett (ce volume), qui portent aussi sur la nature du ‘français standard’.

2 PRINCIPE DE COHÉRENCE ET APPRENABILITÉ

Le schéma diglossique (1) prétend représenter la compétence linguistique de tout francophone ‘natif’, c'est-à-dire ayant acquis le français dès l'enfance par le processus naturel d'acquisition du langage. Le schéma n'explicite cependant pas la distinction entre la diglossie passive et la diglossie active. Un francophone est passivement diglosse dès lors qu'il est capable de comprendre, d'une part, les propos de ses interlocuteurs familiers, et d'autre part, le français standard produit, par exemple, par les journalistes de la presse quotidienne ou culturelle, ou les hommes politiques lisant leurs discours à la télévision. Un sous-ensemble des francophones sont, en outre, activement diglosses, c'est-à-dire capables non seulement de s'exprimer spontanément en situation informelle, mais aussi de produire créativement des textes validables comme standard par leurs lecteurs. La diglossie active est le résultat d'un apprentissage guidé par l'école, visant à faire intérioriser la Norme Académique par les locuteurs ayant naturellement acquis un français dialectal. Par ailleurs, une hypothèse essentielle de la linguistique générative est le Principe de Cohérence des Grammaires, énoncé par exemple en (2):Footnote 10

  1. (2) ‘We must make our ‘linguistics’ a kind of mathematics within which inconsistency is by definition impossible.’ (Nous devons faire de notre linguistique une sorte de mathématique, dans laquelle toute incohérence est par définition impossible.)

    [Joos Reference Joos1950: 702, cité par Chambers Reference Chambers1995: 12, cité par Coveney Reference Coveney, Martineau and Nadasdi2011: 78]

Cette hypothèse n'est pas admise par les sociolinguistes variationnistes, qui plaident la nature foncièrement ‘hétérogène’ des productions linguistiques. Toutefois, l'‘hétérogénéité’ dont ils traitent ne peut s'invoquer qu'au niveau des productions attestées (la ‘performance’, la ‘langue externe’), et non au niveau des grammaires internes sous-tendant ces productions (la ‘compétence’, la ‘langue interne’), qui sont par définition inaccessibles à l'oeil nu. Le Principe de Cohérence des Grammaires ne s'applique par hypothèse qu'aux grammaires internes, conçues comme des algorithmes au sein desquels toute contradiction est par définition exclue.

Un argument appuyant le Principe de Cohérence est l’inapprenabilité des généralisations ou prescriptions incohérentes: ainsi la recommandation de pluraliser aucunes en (3), qui prédit une prononciation inattestée; l'analyse de toute comme un adverbe fléchi (chez les grammairiens de référence, une contradiction dans les termes) en (4a), ou la pluralisation de toutes en (4b), qui prédit une prononciation inattestée; la recommandation de à vélo en (5a), sous prétexte que en vient du latin in et que Paul est placé sur le vélo et non à l'intérieur, qui prédit l'acceptabilité de séquences comme (5b), perçues comme déviantes;Footnote 11 la prescription de l'accord singulier en (6a), qui contredit l'accord pluriel en (6b) — sont autant de ‘règles’ inapprenables car incohérentes, et dont l'inapprenabilité a pour témoin l'impossibilité qu'ont les élèves à les mémoriser et la difficulté de tout un chacun à les appliquer:

  1. (3)

  2. (4)

  3. (5)

  4. (6)

Footnote 12

Les grammaires sécantes du diagramme (1) doivent, par hypothèse, se conformer au Principe de Cohérence dès lors qu'elles sont intériorisées par des locuteurs. Les deux grammaires se distinguent seulement l'une de l'autre par la nature du processus conduisant à leur intériorisation, l'une (GD) faisant l'objet d'une acquisition ‘naturelle’ (non guidée), et l'autre (GS) nécessitant un apprentissage assisté. Au terme du processus d'apprentissage, toutefois, la GS est une grammaire interne, activée créativement par les locuteurs diglosses, et dont on s'attend donc à ce qu'elle s'autorégule conformément au Principe de Cohérence.

Ces hypothèses seront illustrées dans la section 3 par une étude de cas — la syntaxe des syntagmes nominaux sans nom lexical (DPSN) en français moderne. Je montrerai que faute d'être cohérentes, les prescriptions de la Norme Académique concernant les DPSN sont inapprenables et donc couramment enfreintes par les locuteurs, même quand ceux-ci cherchent à activer leur grammaire standard. Il s'ensuit que les locuteurs développent une grammaire standard interne qui s'écarte de la Norme Académique.

3 ETUDE DE CAS: LA GRAMMAIRE DES DPSN EN FRANÇAIS

Les DPSN, dont les propriétés sont examinées plus bas, sont des syntagmes nominaux dépourvus de nom lexical. Ils incluent en français les deux types suivants:

  • DPSN de la forme: celui + XP (ex. celle qui est verte, celle de Jean, celle-là)

  • DPSN à N elliptiqueFootnote 13 (ex. la/ma/cette/une/des verte(s))

Dans la suite de cette section, je commencerai par rappeler les prescriptions de la Norme Académique concernant les deux types de DPSN en français (section 3.1). Je montrerai ensuite (section 3.2), sur la base d'exemples attestés recueillis sur internet dans des sites de discussion, que les prescriptions de la Norme Académique sont couramment violées par les francophones en situation informelle (c'est-à-dire activant leur grammaire dialectale), et j'expliciterai (section 3.3) la grammaire sous-jacente à ce premier ensemble de productions attestées. Je chercherai ensuite (section 3.4) à analyser la position de la Norme Académique par rapport aux productions effectives des locuteurs-scripteurs, en montrant tout d'abord (section 3.4.1) que contrairement à la grammaire activée par les locuteurs, la grammaire académique est inapprenable faute d'être cohérente; puis (section 3.4.2) que l'inapprenabilité de la Norme Académique a pour conséquence l'activation d'une grammaire cohérente — donc apprenable mais enfreignant la Norme Académique — par les locuteurs-scripteurs même dans des situations d'écrit contrôlé — autrement dit, l'intégration de cette grammaire apprenable à leur compétence standard interne.

3.1 Les prescriptions de la Norme Académique

Commençons par les syntagmes nominaux (DP) à nom elliptique, dont la grammaire telle qu'énoncée par Grevisse/Goosse (Reference Grevisse and Goosse1991) (en abrégé: GG) est validée comme standard par le Dictionnaire de l'AcadémieFootnote 14:

  1. (7) ‘Un nom accompagné d'une épithète peut ne pas être exprimé s'il a déjà été mentionné antérieurement avec une autre épithète. L'épithète sans nom est accompagnée du déterminant que le nom aurait eu [ex. (8)]. Ce tour appartient surtout à la langue écrite lorsqu'il s'agit d'épithètes de relation [ex. (9)]. A la place de l'épithète on peut avoir ‘un nom complément sans préposition [ex. (10)].’   [adapté de GG: 307]

  1. (8)
    1. a. entre les lignes allemandes et les françaises (Romains)

    2. b. les mérites respectifs de la viande bouillie et de la rôtie (Billy)   [GG: 307]

    3. c. On avait les yeux presque les uns sur les autres, ses verts sur mes noirs.   (Moreau) [GG: 308]

    4. d. Le Cardinal faisait le distrait pendant le premier acte et le second. (Vigny)   [GG: 307]

  2. (9)
    1. a. Les juifs, exclus de la société féodale et de la légiste qui ont précédé notre temps. (Barrès)   [GG: 307]

    2. b. Elle allait déserter le règne minéral et sauter par-dessus le végétal.   (Mandiargues) [GG: 308]

  3. (10)
    1. a. M. Léon Daudet s'étonnait de le voir prendre au sérieux l'Académie Française. La province finira peut-être par avoir la même considération pour la Goncourt (Thibaudet)

    2. b. des chambres d'amis: la verte, la Louis XIV (Sabatier)   [GG: 308]

      - Les prescriptions de la norme concernant l'ellipse du nom sont détaillées ci-dessous:

      - Un DP à nom elliptique doit contenir (i) un déterminant et (ii) un modifieur adjectival (ex. (7)–(9)) ou nominal (ex. (10))

      - Le modifieur adjectival d'un DP à nom elliptique peut être coordonné (11a) ou porter un adverbe de degré (11b):

  4. (11)
    1. a. J'aime tous les chevaux, mais surtout les petits et vifs.

    2. b. De ces deux maisons, je préfère la moins grande.

      - Le modifieur adjectival ou participial qui légitime l'ellipse du nom ne peut supporter ni complément ni ajout. Les formes du type de (12), rarement attestées, sont donc ‘à éviter’ (%):

  5. (12) %Ces deux classes de produits: le fait à la main (. . .) et le produit fait en série par la machine. (Gilson)   [adapté de GG: 309]

    - Le modifieur d'un DP à nom elliptique ne peut être ni un syntagme prépositionnel, ni une relative. Les formes du type (13) sont donc stigmatisées comme ‘populaires ou enfantines’ (%). Si de telles formes déviantes sont attestées à l'écrit (comme en (13d,e)), c'est qu'elles cherchent à transcrire du français non standard:

  6. (13)
    1. a. % la boîte en fer et la en bois   [GG: 901]

    2. b. % les robes en soie et les en laine   [GG: 310]

    3. c. % des cartes postales en couleur et des en noir   [GG: 901]

    4. d. % un stock de chaussettes, des à losanges, à carreaux, en cashmere, en Shetland (M. Cerf)   [GG: 901]

    5. e. % Quand on m'en [= des couleurs] donne, c'est toujours des qui existent.   (J.-J. Gautier) [GG: 901]

      - Les modifieurs proscrits en (12) et (13) sont néanmoins licites en (14):

  7. (14)
    1. a. une boîte en fer et deux en bois

    2. b. un enfant qui rit et un qui pleure

    3. c. deux robes en soie et deux en laine   [GG: 901]

    4. d. deux produits: un fait à la main, et l'autre à la machine (compar. (16))

La raison invoquée est que contrairement au déterminant, le cardinal ‘peut être un pronom’ (GG: 901):

  1. (15)
    1. a. Les orchidées tourmentées se penchent anxieusement vers Honoré: une a l'air méchant.   [GG: 1125]

    2. b. De ces îles, deux sont inhabitées.   [GG: 1051]

L'hypothèse implicite est donc que les exemples (14) sont licites parce que les modifieurs y incarnent des relatives (explicite en (14b), elliptiques en (14a,c,d)) supportées par un DP fonctionnel (un pronom). Si le DPSN doit être défini et contenir un modifieur autre qu'un adjectif ou nom épithète, le seul support licite est celui, étiqueté ‘pronom démonstratif’:

  1. (16)
    1. a. la boîte en fer et {celle/*la} en bois

    2. b. les robes en soie et {celles/*les} en laine

    3. c. l'enfant qui rit et {celui/*le} qui pleure

En présence d'un modifieur adjectival ou participial intransitif, la légitimité de celui fait l'objet d'hésitations de la part des grammairiens. Bien que Rothenberg (Reference Rothenberg1985) montre que même si elle est relativement peu fréquente, cette option a une réelle productivité en français standard et n'alterne pas librement avec l'ellipse du nom (cf. (17)), la norme incarnée par GG (p. 1069) persiste à recommander d'éviter la combinaison celui+adjectif illustrée en (17b):

  1. (17)
    1. a. Nous avons toutes les tailles à notre disposition, les grandes, les petites et les intermédiaires.

    2. b. % Nul n'a été plus méconnu de la génération qui l'a suivi (je ne dis pas de la mienne, mais de celle intermédiaire) que le vieux Edme.   [R. Rolland cité par Rothenberg, Reference Rothenberg1985: 196]

En bref, les instructions de la Norme Académique concernant les DPSN se laissent résumer comme en (18):

  1. (18)
    1. a. Un DPSN à nom elliptique doit inclure (i) un déterminant (ii) un adjectif, participe ou nom épithète, préférablement dépourvu de complément ou d'ajout.

    2. b. Si un DPSN contient tout autre type de modifieur — une relative (CP), un syntagme prépositionnel (PP), un adjectif ou participe supportant un complément ou ajout (A+XP = AP), le modifieur doit être supporté par un pronom (celui si le DP est défini), à l'exclusion d'un déterminant.

3.2 Quand la grammaire dialectale viole la Norme Académique

L'observation des données attestées produites aujourd'hui spontanément par les francophones ‘hexagonaux’Footnote 15 révèle que les prescriptions de la Norme Académique sont couramment violées. On relève en particulier de nombreux DPSN à nom elliptique qui ne respectent pas le format défini en (18a):

Ellipse du nom avec relative

  1. (19)
    1. a. [A propos des parapluies]

      Avez-vous déjà remarqué toutes les espèces existantes de cet engin? Il y a (. . .) les fleuris, les imprimés à mémé, les qui-se-retournent (. . .); les racornus, les biscornus, les rafistolés, les débraillés, les qui-font-trois-mètres-d'envergure (. . .)   <http://www.paperblog.fr/1536016/ploc-ploc/>

    2. b. Z'allez pas me croire, la miss a avalé toutes les aiguilles ! Oui, les qui-piquent, les qui-piquent-pas (. . .), les grosses, les p'tites, les moyennes, toutes!   <http://sirenebrodeuse.canalblog.com>

    3. c. Il y a parfois les urgences, qui s'évacuent très vite. . . les graves, les moins graves, les relatives, les ‘qu'on veut garder en l'état’, celles qui sont urgentes mais avec processus lent. . .   <http://jdmlasuite.canalblog.com/archives/p5-5.html>

    4. d. (les piments. . . .) y a du vert, du rouge, du qui pique beaucoup, du qui pique un peu moins. . . .tu sauras vite. . .)   <http://la-dit-la-fe.over-blog.com/article-21518212-6.html>

Dans trois de ces quatre exemples, le caractère non standard ou néologiqueFootnote 16 des séquences en gras est explicitement assumé par les locuteurs-scripteurs, qui signalent par des tirets ou guillemets leurs ‘dérapages contrôlés’. Dans l'exemple (19d) où n'intervient aucune typographie spéciale, la transcription y a de l'introducteur existentiel indique néanmoins que le scripteur cherche à signaler le caractère non standard du discours qu'il produit. Le fait que les relatives des exemples (19) soient insérées dans des énumérations de sous-espèces, où elles sont coordonnées à des DPSN à nom elliptique et modifieur adjectival conformes à (18a), étaye par ailleurs l'hypothèse qu'elles doivent être analysées comme des modifieurs néologiques parallèles à des adjectifs, et que les séquences en gras qui les contiennent sont donc des DPSN à nom elliptique, plutôt que des DP ‘hétérocatégoriels’ sans ellipse, selon le terme de Marandin (Reference Marandin, Fradin and Marandin1997).

Ellipse du nom avec modifieur adjectival complexe

Les DPSN à nom elliptique des exemples (20) enfreignent également la contrainte énoncée en (18a) puisque leur modifieur adjectival supporte une expansion prépositionnelle:

  1. (20)
    1. a. J'ai un ami, il peut faire un super-ragoût — un truc comme vous en avez jamais goûté avant ! Il aura juste besoin de quelques ingrédients, des faciles à trouver dans l'coin (. . .)   <http://fr.wowhead.com/quest=12483/le-ragout-de-chapeneiges>

    2. b. les bonnes crêpes, donc, fines, nan je rigole. . . si tu aimes épais disons les crêpes ‘suffisamment cuites’ pas pâles, pas les mal cuites avec des grosses taches marron, sont toujours craquantes sur les bords.   <http://www.marmiton.org/Communaute/>

Les DPSN en gras en (20) s'insèrent comme ceux de (19) dans des discours dont d'autres propriétés indiquent que leurs locuteurs-scripteurs sont conscients de ne pas activer leur grammaire standard: un super-ragoût, un truc comme vous en avez jamais goûté, dans l'coin (20a), nan je rigole (20b).

Ellipse du nom avec modifieur prépositionnel

Les violations les plus nombreuses de la contrainte énoncée en (18a) comportent un modifieur prépositionnel, comme l'illustre en (21) un premier échantillon d'exemples attestés:

  1. (21)
    1. a. Et les sorcières qu'elles aiment les chats noirs, (et même tous les autres, les à rayures, les à pois, les fleuris et surtout les tricolores), on leur fait quoi?   <http://forum.aufeminin.com/forum/seniors/>

    2. b. [la locutrice montre une photo de son système de rangement] Un peu tout là. Les boites rouges à casiers = décos en bois, l'autre pour les en métal, et l'autre pour les en plastique.   <http://www.lescrapdelaetitia92.com/article-33975761-6.html>

    3. c. Autour de mes doigts, je porte des bagues. J'en ai pas mal, et pas des en toc siouplait.   <http://www.monblogdefille.com/blog/qui-portez-vous-autour-du-cou>

    4. d. Pour les leviers je me suis fait baisez (sic) je voulais des en or   <http://www.crazymoto.net/index.php?showtopic=499322&st=100>

    5. e. Je suis déjà revenue depuis ce week end, mais il a fallu que je survive à la demi tonne de linge à laver, les courses paske yavait plus rien à manger dans la maison, et j'ai repris le boulot direct, etc. . . bref, la routine qui revient. (. . .) On est tout bronzés, en pleine forme. On revient de Bavière (. . .) Des dizaines de Brötchen tous les jours au petit déjeûner, des blancs, des blonds, des noirs, des avec graines, des sans graines, des au cumin, des en pâte à bretzel, des ronds, des longs, des carrés. . . Avec charcuteries et fromages, évidemment.

      Le midi: pas faim du tout.   <http://forum.aufeminin.com/forum/cuisine1/__f35198_cuisine1-Coucou-ca-y-est-je-suis-revenue.html>

Les DPSN à nom elliptique de (21) s'insèrent encore une fois dans des discours dont les autres propriétés indiquent que leurs locuteurs-scripteurs ont activé, spontanément ou par dérision, leur grammaire dialectale: les sorcières qu'elles aiment les chats noirs (21a); un peu tout là (21b); siouplait (21c); je me suis fait baisez (21d); paske yavait (21e).

Les trois types d'exemples attestés illustrés en (19), (20) et (21) montrent qu'au moins une grammaire dialectale du français hexagonalFootnote 17 génère des DPSN à nom elliptique qui ne sont pas validés par la Norme Académique énoncée en (18a). Notons toutefois que les DPSN à nom elliptique qui répondent au format fixé par (18a) sont aussi couramment produits par la grammaire qui génère les DPSN litigieux des exemples (19) à (21), comme en témoignent les nombreux DPSN à nom elliptique et modifieur adjectival figurant dans ces mêmes exemples.

Ces faits semblent donc nous inviter à conclure que les DPSN à nom elliptique de (19)-(21) sont générés par une variante ‘relâchée’ de la grammaire normée énoncée en (18a). Je tenterai de montrer que la syntaxe qui génère les DPSN à nom elliptique de (19)-(21) ne semble ‘relâchée’ que parce que la Norme Académique impose en (18a) une contrainte non motivée. Dans cette optique, on peut soutenir que la syntaxe qui génère les DPSN à nom elliptique de (19)-(21) en sus de ceux validés par (18a) se distingue de la syntaxe normée (restreinte à (18a)) par sa cohérence plutôt que par son relâchement. On verra cependant que la syntaxe cohérente demande à être explicitée en termes positionnels, plutôt que catégoriels (comme c'est le cas en (18)).

3.3 Grammaire dialectale des DPSN

L'objectif de cette section est de proposer une description explicite de la syntaxe qui génère les DPSN à nom elliptique des exemples (19) à (21) — syntaxe générant l'ellipse du nom non seulement en présence d'un modifieur épithétique lexical, mais aussi en présence d'une relative (19), d'un modifieur adjectival complexe (20) ou d'un modifieur prépositionnel (21).

Quoiqu'essentiellement différente de toutes celles qui l'ont précédée, l'analyse proposée ci-dessous s'inspire fortement, en les remodelant, d'hypothèses envisagées antérieurement dans la littérature syntaxique, notamment par Ronat (Reference Ronat1975), Kayne (Reference Kayne1994), Sleeman (Reference Sleeman1996), Cinque (Reference Cinque2010) et Zribi-Hertz (Reference Zribi-Hertz, Berns, Jacobs and Scheer2011b).

L'ensemble des données attestées suggère que la syntaxe des DPSN en français (hexagonal) est sous-tendue par une distinction fondamentale entre deux classes de modifieurs, que je propose ici d'étiqueter respectivement internes et externes.Footnote 18 Les modifieurs internes, typiquement illustrés par les adjectifs, sont indépendants de la détermination, et restreignent la dénotation en vertu de leurs seuls traits lexicaux: en ce sens ils sont essentiellement lexicaux — ils forment avec l'expression qu'ils modifient une unité lexicale étendue. Les modifieurs externes, qui incluent en français (i) les relatives restrictives, (ii) les génitifs, et (iii) les pointeurs déictiques ci et , contribuent aux effets de spécificité/(in)définitude associés à la détermination, comme en témoigne l'affinité particulière de chaque sous-type avec certains déterminants.Footnote 19 Les modifieurs externes et internes se distinguent aussi crucialement, comme l'a récemment rappelé Cinque (Reference Cinque2010), par leurs positions structurales respectives au sein du DP: dans l'optique de l'Axiome de Correspondance Linéaire de Kayne (Reference Kayne1994), les modifieurs externes (MDE) sont plus haut dans la structure que les modifieurs internes (MDI), puisque les MDE se manifestent toujours à droite des MDI dans l'ordre linéaire:

  1. (22)

Les modifieurs de chaque type doivent eux-mêmes être classifiés et chaque sous-classe, soigneusement décrite.Footnote 20

Si on suppose par convention (i) que chaque modifieur est inséré dans le spécificateur d'un syntagme de format X-barreFootnote 21 dominant structuralement l'expression qu'il ‘modifie’, et (ii) que l'ordre linéaire modifié-modifieur doit corrélativement résulter d'un déplacement du XP modifié par-dessus son modifieur, l'organisation générale du syntagme nominal peut être représentée schématiquement comme en (23):

  1. (23)
    1. a. les films noirs que Max a vus/les fonds noirs de Soulage/ces {films/fonds} noirs-là

Cette distinction binaire étant posée, les contraintes présidant à la formation des DPSN en français hexagonal moderne peuvent se reformuler comme en (24):

  1. (24) Syntaxe des DPSN en français hexagonal moderne

    1. a. L'ellipse du nom dans les DPSN est légitimée par un modifieur interne.

    2. b. Celui est suivi d'un modifieur externe.

  2. (25) la bleue

  3. (26) celle {que Max habite/de Max/-là}

Les deux généralisations énoncées en (24) et les structures proposées en (25) et (26) prédisent les propriétés que les prescriptions de (18) cherchent à ériger en norme, à savoir:

  1. (i) L'ellipse du nom est canoniquement légitimée par un modifieur réduit à une tête lexicale épithétique (ex. (7)-(9), (10)) et tend à être défavorisée par les modifieurs ne présentant pas cette simplicité interne, comme celui de (12).

  2. (ii) Celui est, à l'inverse, couramment suivi d'un modifieur syntagmatique (relative, génitif, PP).

La dérivation envisagée en (26), qui décompose celui en deux constituants syntaxiques indépendantsFootnote 22ce (D°) + lui (N fléchi réduit à ses traits fonctionnels) — dont l'adjacence résulte d'un déplacement syntaxique, prédit en outre directement le caractère crucialement non clitique de ce mot (cf. (27a)), contrastant avec l'essentielle cliticité du déterminant (cf. (27b)):

  1. (27) [Toutes les idées sont utiles, les révolutionnaires, les conservatrices, et même. . .]

    1. a. celles, {quelles qu'elles soient/précisément}, qui viennent d'ailleurs

    2. b. les (*,quelles qu'elles soient,) qui-viennent-d'ailleurs. . .

L'analyse envisagée en (26) éclaire par ailleurs les propriétés morphosyntaxiques apparemment paradoxales de celui,Footnote 23 qui, quoiqu'étant un mot morphologique, n'est pas à même de saturer à lui seul une position de DP:

  1. (28)
    1. a. *Celui vient d'arriver.

    2. b. *J'ai vu celui.

En vertu des hypothèses proposées, celui résulte d'un attachement morphologique post-syntaxique consécutif au déplacement du nom fléchi réduit à ses traits fonctionnels, par-dessus un modifieur externe, dans une position adjacente au déterminant: celui constitue donc un mot morphologique sans être pour autant un mot lexical.

L'analyse proposée en (24)-(26) prédit non seulement les données validées par la Norme Académique énoncée en (18), mais aussi l'ensemble des données attestées produites en (19)-(21) en violation de (18). Les hypothèses formulées en (24) prédisent correctement que les DPSN à nom elliptique ou de la forme celui+XP sont a priori légitimés par des modifieurs de catégorie quelconque — par exemple un adjectif porteur ou non d'un marqueur de degré — pourvu que ces modifieurs soient insérés dans des positions structurales appropriées (MDI pour l'ellipse du nom: (29a), (30a), (31a); MDE pour celui: (29b), (30b), (31b), chaque patron structural produisant ses propres effets interprétatifs (voir aussi (17)):

  1. (29)
    1. a. L'infirmière victime de l'accident faisait partie des plus âgées du service.

    2. b. Les femmes qui sont plus susceptibles d'avoir un cancer du sein sont

      celles plus âgées, ayant des antécédents familiaux et souffrant de maladies bénignes du sein.   <http://www.1mutuelle-moins-chere.org/blog/mutuelle-sante/>

  2. (30)
    1. a. [= (19b)]

      Z'allez pas me croire, la miss a avalé toutes les aiguilles !

      Oui, les qui-piquent, les qui-piquent-pas (. . .), les grosses, les p'tites, les moyennes, toutes !

    2. b. [discussion sur les taons]

      Les plus douloureux sont ceux qui piquent ou mordent pour pomper le sang, la plupart d'entre eux injectent leur salive (. . .) et peuvent transmettre des maladies (. . .)   <http://fr.answers.yahoo.com/question/index?qid=20070605071515AAZ>

  3. (31)
    1. a. Je viens de passer commande chez rctimer des adaptateurs à pince et à vis, vu les prix, j'ai pris les deux types. . . donc si les à pinces vont bien, je n'aurai pas à couper l'axe. . .   <http://www.helimag.com/multirotors/25136-chassis-quadrix->

    2. b. [discussion sur les leurres servant à attraper des écrevisses]

      Les imitations d'écrevisses sont excellentes dans les endroits ou sont présent ce crustacé (sic). Préférez-les à ceux à pinces flottantes, ils sont plus réalistes.   <http://pico92.over-blog.com/m/article-47220977.html>

La grammaire explicitée en (24)-(26) est cohérente en ce sens qu'elle est parfaitement régulière, ne comporte ni contradictions internes ni mystérieuses ‘exceptions’, et est fondée sur une distinction structurale (MDE/MDI) motivée indépendamment des DPSN et qu'on peut supposer pertinente au-delà du français.

3.4 Norme Académique et grammaires internes

3.4.1 L'incohérence de la Norme Académique

La discussion qui précède pourrait suggérer que deux grammaires des DPSN sont en concurrence en français: la grammaire énoncée en (18), validée par la Norme Académique, et qui ne génère pas les DPSN des types illustrés en (19)-(21), et une grammaire dialectale (hexagonale), explicitée en (24), qui les génère. Je soutiendrai toutefois que cette hypothèse doit être amendée dans le sens suivant: seule la grammaire des DPSN formulée en (24) est aujourd'hui intériorisée par les francophones (hexagonaux) diglosses, qui l'intègrent aussi bien à leur Grammaire Dialectale qu'à leur Grammaire Standard. Autrement dit, les DPSN générés par (24) ressortissent à la zone 2 du diagramme diglossique (1). Faute d'être cohérente, la Norme Académique (18) est en revanche condamnée à l'inapprenabilité.

Examinons d'abord quelles justifications logiques peuvent être invoquées à l'appui des prescriptions de la Norme Académique formulées sous (18). Une première hypothèse envisageableFootnote 24 serait que la grammaire des DPSN est fondamentalement sensible (pour une raison laissée dans l'ombre) au nombre de mots constituant le modifieur — l'ellipse du nom requiert un modifieur réduit à un mot, et celui, un modifieur composé de deux mots ou plus. Mais, outre qu'elle semble fort peu naturelle, cette règle serait en conflit avec les faits puisque le modifieur d'un DPSN à nom elliptique peut être coordonné ou supporter un adverbe de degré (ex. (11)), et qu'à l'inverse, le modifieur d'un DPSN en celui est parfois un lexème simple, cf. (32):

  1. (32) les livres abîmés et {ceux/?les} perdus devront être remboursés.   [ex. adapté de Rothenberg, Reference Rothenberg1985: 181]

Selon une deuxième hypothèse possible, la Norme Académique (18) serait motivée par la cliticité du déterminant, contrastant avec la non-cliticité de celui: en tant que proclitique, le déterminant requerrait sur sa droite un item fléchi permettant au sandhi externe de signaler l'attachement: on aurait donc parallèlement les encres [lezkr] et les incolores [lezkɔlɔr], contrastant avec *[lezavapœr]). Mais cette hypothèse ne peut être retenue puisque la Norme Académique elle-même doit valider l'ellipse du nom en présence d'un modifieur non fléchi en (33a) et l'absence de sandhi externe entre le déterminant et le modifieur fléchi en (33b):

  1. (33)
    1. a. Parmi tous ces foulards, je préfère les aubergine. [leoberʒin]*[lezoberʒin]

    2. b. . . .deux foyers de douleurs subjectives et objectives: dans la zone du carrefour sous-hépatique et dans la iliaque.Footnote 25

      [ex. de Damourette et Pichon t.II: 176, repris par Rothenberg, Reference Rothenberg1985: 168]

Selon une troisième hypothèse possible, la Norme Académique (18) serait sous-tendue par une distinction fondamentale entre modifieurs phrastiques (c'est-à-dire incarnant des relatives explicites ou elliptiques), et non phrastiques — les premiers devant s'adjoindre à un DP ou pronom (par ex. celui Footnote 26) auquel ils seraient reliés comme des relativesFootnote 27, les seconds étant des ‘épithètes’ intégrés à la composante lexicale du DP. Mais cette hypothèse impliquerait que celui soit identifié comme un ‘pronom’ (analyse démentie par (28)), et serait en outre en conflit avec le fait que tous les modifieurs combinables avec celui ne se laissent pas facilement analyser comme ‘phrastiques’, cf.:

  1. (34)
    1. a. [monuments] Ceux (*qui sont) de Paris sont très nombreux.

    2. b. [parapluies] Vous pourrez jeter ceux (*qui sont) au nez cassé.

Le caractère non motivé de la Norme Académique (18) permet d'éclairer le fait (souligné par Rothenberg Reference Rothenberg1985) qu'elle ne semble strictement intériorisée par personne — ni par les écrivains, qui la violent en alternant celle aristocratique et l'aristocratique, ni par les locuteurs, qui produisent les exemples de (19)-(21) et jugent, à l'inverse, ‘dérangeants’ beaucoup de DPSN pourtant tout à fait conformes à (18): faute d'être cohérente, la Norme Académique (18) apparaît non intériorisable — résolument inapprenable.

3.4.2 Norme Académique et GS interne

Comme je l'ai déjà noté plus haut, les exemples des types illustrés en (19)-(21) peuvent être décrits comme ‘stylistiquement homogènes’ puisque des propriétés indépendantes des DPSN identifient les discours produits comme non standard. Dans l'optique diglossique, ceci nous autorise à supposer que les locuteurs-scripteurs des exemples (19)-(21) ont activé leur grammaire dialectale d'un bout à l'autre de leurs discours.

Cette situation n'est toutefois pas la seule observée, car des DPSN à nom elliptique non conformes à (18a) apparaissent couramment au sein de discours que toutes leurs autres propriétés invitent à identifier comme standard. Ce cas de figure est tout particulièrement illustré par des DPSN indéfinis pluriels tels que ceux de (35):

  1. (35)
    1. a. Elle n'avait jamais vu de poissons dans une petite mare artificielle avec une si jolie fontaine! Puis, elle voit s'approcher doucement plusieurs autres poissons: des rouges, mais aussi des tout noirs et des à rayures.

      <http://chezrubis.com/les_poemes_camille/conte/>

    2. b. Tout, vous saurez (presque) tout sur les rubans aujourd'hui.Comme dans la célèbre chanson de Pierre Perret (. . .), il en existe de toutes les tailles, de toutes les matières, de toutes les sortes: des fins, des larges, des satinés, des bariolés, des unis, des à pois, des chics, des simples, des compliqués. . . Et si vous ne trouvez pas votre bonheur, vous pouvez aussi les personnaliser!

      <http://espacecreatifvc.canalblog.com/tag/ruban%20%C3%A0%20pois>

    3. c. Je me considère plus comme une nouvelliste. J'aime écrire toutes sortes de nouvelles, des longues, des courtes, des qui arrachent des larmes, des rigolotes, des pour enfants, des pour l'Histoire, des pour l'amour, des pour les concours, des pour le plaisir. . .

      <http://lalampedechevet.free.fr/pages/370.html>

Si l'on considère que (18) incarne la ‘grammaire standard’ des DPSN, les exemples cités en (35) doivent être analysés comme ‘stylistiquement hétérogènes’ ou (dans l'optique diglossique) comme présentant des phénomènes d'‘alternance codique’ (activation alternée de GS et GD). Je supposerai plutôt que chacun des discours examinés est généré d'un bout à l'autre par une seule grammaire interne se conformant — pour les DPSN — aux contraintes énoncées en (24a) plutôt qu'à celles énoncées en (18), et pour le reste, à des contraintes de la grammaire standard entérinées par la Norme Académique. Les locuteurs-scripteurs des exemples (35) ont donc intégré à leur GS non pas les contraintes (18), mais les contraintes (24), sans attendre que la Norme Académique décide de les ‘officialiser’. L'apparente ‘hétérogénéité stylistique’ des exemples (35) est donc due à la seule incohérence de la Norme Académique (18), qui, en empêchant arbitrairement les locuteurs de former certains DPSN dont ils ont besoin, les oblige à intégrer à leur GS interne une règle cohérente mais ‘non estampillée’.

Le cas des DPSN indéfinis pluriels à nom elliptique et modifieur prépositionnel mérite une mention spéciale dans une discussion de l'évolution de GS. L'ellipse du nom avec modifieur prépositionnel semble en effet incarner l'infraction la plus fréquente à la contrainte (18a). Dans l'optique de la formulation adoptée en (24), les modifieurs prépositionnels qui légitiment l'ellipse du nom dans les exemples attestés tels que (21) et (35) sont insérés dans leur DP comme des modifieurs internes — des épithètes lexicales. Les exemples qui suivent suggèrent en effet que les modifieurs internes de format prépositionnel pallient, en français, certaines lacunes dans la morphologie dérivationnelle des adjectifs lexicaux:

  1. (36)

  2. (37)

  3. (38)

  4. (39)

  5. (40)

Les modifieurs prépositionnels en gras dans ces exemples contribuent à l'interprétation du DP comme le font les adjectifs épithètes — ils forment avec le nom une unité lexicale étendue, indépendamment de la valeur du déterminant. Du point de vue syntaxique, les modifieurs prépositionnels comme ceux de (36)-(40) se distribuent comme les adjectifs par rapport aux modifieurs externes:

  1. (41)

Etant donné ce parallélisme, le fait que les modifieurs prépositionnels du type examiné puissent légitimer l'ellipse du nom au même titre que les adjectifs est attendu dans l'optique de la généralisation (24a).

L'existence de modifieurs prépositionnels ‘lexicaux’, analogues à des adjectifs, souligne l'incohérence de la Norme Académique énoncée en (18), qui valide les DP de (42a) et (42c) comme des cas d'ellipse du nom (avec une/des = déterminant) et ceux de (42b) comme des DP à relative réduite (où une = ‘pronom’), mais exclut (42d) comme mal formé. Notons au passage que le contraste d'acceptabilité postulé par la Norme Académique entre (42b) et (42d) est très rarement enregistré par l'intuition des locuteurs:Footnote 28

  1. (42)
    1. a. J'ai quatre boîtes: une métallique et une rayée, une carrée et une ronde.

    2. b. J'ai quatre boîtes: une en métal et une à rayures, une à double fond et une à tiroirs.

    3. c. J'ai beaucoup de boîtes: des métalliques et des rayées, des carrées et des rondes.

    4. d. % J'ai beaucoup de boîtes: des en métal et des à rayures, des à double fond et des à tiroirs.

Dans le cas des DPSN définis, la Norme Académique (18b) recommande l'emploi de celui en présence d'un modifieur prépositionnel (cf. (43)):Footnote 29

  1. (43)
    1. a. J'aime bien ces boîtes: {les/%celles} métalliques, {les/%celles} rayées, {les/%celles} carrées, {les/%celles} rondes.

    2. b. J'aime bien ces boîtes: {%les/celles} en métal, {%les/celles} à rayures, {%les/celles} à double fond, {%les/celles} à tiroirs.

Mais dans le cas des DPSN indéfinis comme ceux de (42d), la seule option validée par la Norme Académique (18) (et préservant l'interprétation recherchée) est de renoncer à l'ellipse en répétant le nom, solution que la Norme elle-même risque d'ailleurs de stigmatiser pour raisons stylistiques (haro sur les répétitions).

4 CONCLUSIONS

Cette étude avait pour objectif central de préciser la notion de grammaire standard, telle qu'elle figure dans le diagramme diglossique (1) qui cherche à représenter la compétence linguistique d'un locuteur du français. J'ai défendu l'hypothèse qu'une distinction doit être faite entre la Grammaire Standard du diagramme (1), incarnant une grammaire intériorisée, et la Norme Académique, constituée de recommandations externes émises par des grammairiens sur la base de leur appréciation de formes écrites attestées produites par des scripteurs reconnus par eux ‘bons auteurs’. Cette distinction est étayée empiriquement par l'étude des syntagmes nominaux sans nom lexical (DPSN) en français.

L'étude des DPSN en français (hexagonal) moderne conduit à distinguer deux grammaires dont l'une, énoncée en (18), est estampillée par la Norme Académique, et dont l'autre, explicitée en (24), s'est mise en place en dehors de la Norme Académique par le processus naturel d'autorégulation des grammaires internes. J'ai soutenu que bien que non conformes à la Norme Académique, les généralisations (24) sont celles qui sont aujourd'hui intégrées par les locuteurs-scripteurs à leur grammaire standard interne, conformément au Principe de Cohérence présidant à la mise en place de toute grammaire interne. La grammaire des DPSN produits par les francophones (hexagonaux) en situation d'écrit contrôlé contribue à étayer l'hypothèse que la Grammaire Standard du diagramme (1) doit se comprendre comme une grammaire intériorisée — une grammaire interne — au même titre que la Grammaire Dialectale, l'une et l'autre se développant conformément au Principe de Cohérence. Les grammaires Dialectale et Standard du diagramme (1) se distinguent seulement par la chronologie de leur acquisition (1. Dialectale; 2. Standard) et par les modalités, ‘naturelle’ ou guidée, de cette acquisition. Seule la Norme Académique, qui procède de décisions externes prises par des grammairiens, est à même d'édicter des règles non motivées ou contradictoires que les locuteurs-scripteurs peuvent tout au plus s'efforcer de mémoriser et/ou d'appliquer (en consultant Le Bon Usage) sans jamais pouvoir les intégrer à un système cohérent.

Au terme de cette étude, la Grammaire Standard du schéma diglossique (1) apparaît donc, en tant que grammaire interne, comme un espace d'innovation et donc de changement linguistique, contrairement à la Norme Académique, force institutionnelle de préservation du ‘classicisme’. Les deux grammaires internes du schéma diglossique — Dialectale et Standard — n'ont cependant pas le même statut vis-à-vis du changement: sur la base de l'exemple de la grammaire des DPSN en français hexagonal moderne, on pourrait concevoir la Grammaire Dialectale — typiquement activée dans l'oral spontané — comme l'espace-moteur de l'innovation, et la Grammaire Standard — grammaire créative de l'écrit contrôlé — comme un filtre intégrant les innovations de la Grammaire Dialectale si et seulement si elles permettent de résorber les incohérences de la Norme Académique.

Ces conclusions demandent à être confrontées à celles de Rowlett (ce volume), dont l'article porte également sur la nature de ce que j'appelle la ‘grammaire standard’ et que, reprenant le terme de Massot (Reference Massot2008, Reference Massot2010), il nomme FCT ((grammaire du) Français Classique Tardif). L'hypothèse de Rowlett est que seule la Grammaire Démotique (terme de Massot correspondant à la Grammaire Dialectale du schéma diglossique (1)) est une grammaire complète, et que la GS/FCT n'est qu'une grammaire incomplète, un ‘complément’, une ‘option’ (anglais bolt on), que les francophones diglosses ont intériorisé(e) en plus de leur grammaire de base (la GD), et qu'ils ont la liberté d'activer dans une situation pragmatique appropriée. L'argument empirique central à l'appui de cette hypothèse est que les deux grammaires supposées former le schéma diglossique (1) ‘sont massivement sécantes’ (massively overlap) et que certaines formes supposées générées par les deux grammaires ont des analyses structurales différentes dans l'une et dans l'autre: par exemple, les questions en est-ce que de (44) s'analysent en Français Classique Tardif comme dérivées de structures clivées (cf. (45))Footnote 30, alors que est-ce que s'analyse en Français Démotique/Dialectal comme un morphème compact [esk] marquant l'interrogation (cf. (46)). Ce conflit d'analyse plaide contre l'hypothèse que les questions en est-ce que puissent être générées à la fois par les deux grammaires du schéma 1:

  1. (44)
    1. a. Est-ce que Jean est parti?

    2. b. Qui est-ce qui est parti?

  2. (45)

  3. (46)

Il me semble que le contraste (45)/(46) mérite d'être réexaminé à la lumière de la distinction proposée plus haut entre ce que j'ai nommé la Norme Académique (externe), et la Grammaire Standard (interne). Pour un francophone diglosse d'aujourd'hui activant sa Grammaire Standard en situation formelle, les questions de (44) ne comportent pas plus de clivage sous-jacent que lorsqu'il les produit avec sa Grammaire Dialectale en situation informelle. L'analyse compositonnelle de la séquence est-ce que, représentée en (45), ressortit à une grammaire éteinte du français qui n'est plus intériorisée aujourd'hui par aucun locuteur, et peut seulement être archivée en tant qu'information diachronique. Les exemples (47), cités par Rowlett pour appuyer la compositionnalité de est-ce que en ‘Français Classique Tardif’, sont bien attestés, mais aucun n'est produit par un francophone diglosse moderne:

  1. (47)
    1. a. Quand sera-ce que nous serons petits ?

      [Saint-François de Sales, XVème siècle]

    2. b. Qui était-ce qui avait préparé. . . . [texte sur des vies de saints, littérature

      sacrée des coptes d'Egypte, style délibérément archaïsant]

    3. c. Quand serait-ce qu'elle arriverait. . .? [Pierre Bayle, 1820]

    4. d. Pourquoi fut-ce que les Romains firent telle chose ?

      [exemple cité par Vaugelas pour le stigmatiser —

      Vaugelas recommande déjà est-ce que dans ce contexte]

Ces faits viennent donc plutôt appuyer la pertinence d'une distinction entre la Grammaire Standard interne du schéma (1), et la grammaire du français classique que cherche à préserver la Norme Académique, mais qui n'est plus aujourd'hui une grammaire générative du français vivant, même en situation formelle. Les règles de (46), qui sont seules (à l'exclusion de (45)) intériorisées par un francophone moderne, et sont activées créativement aussi bien en situation informelle qu'en situation formelle, ressortissent à l'intersection de GS et de GD — la zone ‘Z2’ du diagramme (1):

  1. (48) Français moderne (Grammaire Dialectale et Grammaire Standard)

    1. a. Jean est parti > insertion [esk] > (44a)

    2. b. Qui est parti ? > insertion [esk] + insertion qu-i > (44b)

Une question indépendante du problème qui précède est celle du caractère complet ou incomplet de la Grammaire Standard du schéma (1). Une fois distinguées la Grammaire Standard du diagramme diglossique, et la grammaire classique, éteinte, sous-tendant des exemples comme ceux de (47), on peut encore se demander si la Grammaire Standard du schéma (1) est une grammaire complète, ou seulement un ‘complément de grammaire’ (a bolt on) clippé sur la Grammaire Dialectale, comme le suggère Rowlett. L'argument selon lequel l'‘intersection massive’ (massive overlap) des deux grammaires du schéma (1) rend ce modèle trop puissant ne me semble pas convaincant a priori, dans la mesure où des écarts entre GD et GS s'observent dans tous les principaux rouages de la grammaire du français: phrases indépendantes de types divers (questions, exclamatives, copulatives, déclaratives), polarité, TMA, accord, intensité, réflexivité, pronoms, subordonnées complétives et adverbiales, syntagme nominal (nombre, degrés de l'adjectif, relativisation), etc. Il me semble donc parfaitement légitime de souligner les divergences massives (massive contrasts) entre les deux grammaires, plutôt que l'énormité de l'intersection (massive overlap). D'autre part, les propriétés sont par hypothèse crucialement corrélées les unes aux autres au sein de chaque système (cf. Massot Reference Massot2008, Reference Massot2010), ce dont la notion de ‘complément’ (bolt on) ne rend peut-être pas aussi bien compte que l'hypothèse d'une Grammaire Standard complète. Mais cette question soulevée par Rowlett mérite sûrement qu'on continue à y réfléchir en faisant avancer le travail empirique.

Footnotes

1 Tous mes remerciements à Benjamin Massot, Paul Rowlett, Danielle Leeman et deux relecteurs anonymes d'une version antérieure de ce texte, dont les nombreuses remarques critiques m'ont été très utiles.

2 D'autres termes sont proposés ailleurs: Massot (Reference Massot2008, Reference Massot2010), suivi de Rowlett (ce volume), oppose le Français Classique Tardif au Français Démotique; Rowlett (Reference Rowlett2007) distingue le Modern French du Contemporary French; Barra Jover (Reference Barra Jover2009, Reference Barra Jover2010a,Reference Barra Joverb) distingue la grammaire du français écrit de celle du français parlé.

3 Massot (Reference Massot2008) propose d'inverser les numérotations de Z1 et Z3 pour expliciter le caractère cognitivement premier de la grammaire dialectale par rapport à la grammaire standard. La numérotation conservée en (1), reprise de Zribi-Hertz (Reference Zribi-Hertz2011a), est motivée par les effets stylistiques associés aux trois zones (1: H(igh), 2: Médian/neutre; 3: L(ow) (cf. Ferguson Reference Ferguson1959)). La numérotation des trois zones est à prendre comme une pure convention et n'implique de ma part aucun désaccord de fond avec B. Massot.

4 Voir Gadet (Reference Gadet1996) pour un inventaire des jugements diasystématiques.

5 Un des relecteurs de ce texte réagit négativement à ce terme en suggérant de le remplacer par registre familier. Le débat sur les termes est ici indissociable du débat sur le fond: le terme grammaire, compris comme dénotant un système ou algorithme cohérent, est solidaire de l'hypothèse diglossique, tandis que le terme registre évoque plutôt l'approche ‘variationniste’ (la variation stylistique produite par une grammaire conçue comme ‘hétérogène’).

6 Par exemple, tel francophone produit en situation informelle certaines questions directes à pronom enclitique (Veux-tu y aller ?), alors que d'autres ne peuvent en produire que dans un écrit formel (Bachar Al Assad va-t-il démissionner ?, titre d'article).

7 Notons que le Dictionnaire de l'Académie est aujourd'hui pourvu d'un service courriel (<dictionnaire@academie-francaise.fr>), auquel tout un chacun peut s'adresser pour savoir si telle ou telle forme a la bénédiction académique. Les réponses que l'on reçoit s'abritent couramment derrière l'autorité du Bon Usage, la grammaire de Grevisse/Goosse, par là même intronisée référence de La Norme. Notons aussi que les différentes institutions se chargeant de fixer la Norme Académique ne s'entendent pas toujours entre elles: ainsi le représentant du Dictionnaire, questionné via Internet, m'a ‘rappelé’ que l'Académie désapprouve les arrêtés orthographiques pris à l'initiative du ministre René Haby.

8 Terme introduit par Barra Jover dans ses travaux sur le changement syntaxique en français et la diglossie francophone.

9 DP est l'abréviation anglo-saxonne de Determiner Phrase, littéralement ‘Syntagme Déterminatif’ = ‘Syntagme Nominal’. DPSN se lit donc comme un sigle biglotte: ‘DP Sans Nom’ = ‘Syntagme Nominal sans nom lexical’.

10 Ce principe recoupe la notion de ‘grammaire parfaite’ invoquée par Chomsky (par ex. Reference Chomsky1995) et peut se comprendre comme une variante du principe d'économie maximale exploré dans d'autres modèles (cf. Martinet, Reference Martinet1955).

11 L'incohérence de la stigmatisation de en vélo est notée et analysée par Leeman (Reference Leeman1994), mais cela n'empêche pas le représentant du Dictionnaire de me confirmer en 2011 que à vélo reste ‘recommandé’ par son institution. La Norme Académique ne semble pas vraiment gênée de comporter des contradictions — attitude solidaire de son caractère résolument externe aux locuteurs. Il s'agit, disent-ils, des ‘difficultés bien connues du français’.

12 Arrêté Haby (1980): ‘(. . .) On admettra que [tout, employé comme adverbe] prenne la marque du genre et du nombre devant un [adjectif] féminin commençant par une voyelle ou un H muet.’ Cf. Miller, Pullum & Zwicky (Reference Miller, Pullum and Zwicky1997) sur les incohérences de la Norme Académique concernant tout, marqueur de degré.

13 Selon une analyse proposée par Marandin (Reference Marandin, Fradin and Marandin1997), il n'y a pas d'ellipse du nom en français: la verte est analysé comme un syntagme nominal (DP) ‘hétérocatégoriel’, dont la tête N est remplie par un adjectif. L'analyse de Marandin se heurte cependant à plusieurs arguments empiriques (cf. Corblin, Reference Corblin and Kleiber1990, Zribi-Hertz, Reference Zribi-Hertz, Berns, Jacobs and Scheer2011b). Je m'en tiendrai donc ici à l'idée classique que la verte contient un nom elliptique.

14 Point confirmé par un courriel de <dictionnaire@academie-francaise.fr>, 2011.

15 Toutes les violations attestées de la règle (18a) citées dans la section 3 ont été relevées sur Internet, dans divers types de textes, principalement des ‘blogs’ ou des sites où les internautes s'expriment sur divers sujets. J'ai éliminé d'emblée les productions de locuteurs manifestement non francophones (révélés par leur nom, les détails personnels livrés par leurs écrits, ou les interférences évidentes de leur L1). Un critère qui a guidé ma sélection des exemples retenus est que j'aurais pu les produire moi-même (locutrice native du français, dialecte francilien) dans les conditions pragmatiques considérées.

16 Comme le font justement remarquer deux relecteurs d'un premier jet de cet article, les tirets ou guillemets des exemples (19) peuvent signaler l'intuition qu'ont les scripteurs de produire des néologismes lexicaux (des mots construits dont les différentes parties sont attachées). Cette analyse est tout à fait en phase avec la grammaire dégagée plus loin (24a) pour les DPSN à nom elliptique.

17 D'après un bref échange avec un collègue québécois, les DPSN des types illustrés ici ne seraient pas produits en français québécois: un point à vérifier.

18 Cette distinction est analogue mais non identique à celle tracée par Cinque (Reference Cinque2010) entre modifieurs directs et indirects. Comme Cinque (Reference Cinque2010) et avant lui Sleeman (Reference Sleeman1996) et Kayne (Reference Kayne1994), j'admets qu'une classe de modifieurs (ceux que j'appelle externes) sont plus haut dans la structure du DP qu'une autre classe de modifieurs (ceux que je nomme internes). Cinque corrèle toutefois cette distinction structurale à un contraste catégoriel — les modifieurs qu'il nomme indirects sont phrastiques (anglais: clausal), les modifieurs directs ne le sont pas. En renonçant à cette corrélation catégorielle, on évite d'avoir à considérer comme ‘phrastiques’ les modifieurs génitifs et déictiques (-ci et -), qui sans être facilement analysables comme des relatives réduites, appartiennent du point de vue structural à la même classe que les relatives.

19 En présence d'un déterminant défini, les relatives restrictives se comportent comme des ‘co-déterminants’ (cf. Smith, Reference Smith, Reibel and Schane1969; Vergnaud, Reference Vergnaud1974, Kayne, Reference Kayne1994). En présence d'un génitif, le défini apparaît comme une détermination par défaut (Milner, Reference Milner1982, Woisetschlaeger, Reference Woisetschhlaeger1983). Les pointeurs déictiques ci/là sont sélectionnés par le déterminant ce.

20 Cf. notamment Laenzlinger (2000), Bouchard (Reference Bouchard2002), Knittel (Reference Knittel2005) sur la hiérarchisation des MDI en français; Milner (Reference Milner1982) sur la typologie des génitifs; Cinque (Reference Cinque2010) sur les syntagmes adjectivaux analysables comme des relatives réduites.

21 Je considère le schéma X-barre comme une convention commode guidant l'analyse syntaxique, qui permet notamment de distinguer formellement la relation ‘modification’ (modifieur-modifié) de la relation ‘complément de’.

22 Cette hypothèse n'est pas nouvelle, elle se trouve par exemple chez Gross (Reference Gross1977), Corblin (Reference Corblin and Kleiber1990), Kleiber (Reference Kleiber1994), Coene (Reference Coene, Kleiber, Laca and Tasmowski2001).

23 Le débat sur l'analyse de celui est ancien: l'hypothèse dominante est qu'il s'agit d'un ‘pronom’ (cf. Yvon, Reference Yvon1949, Reference Yvon1950a,Reference Yvonb, Reference Yvon1957, Pottier, Reference Pottier1962, Rothenberg, Reference Rothenberg1965, Clédat, Reference Clédat1984, Hirschbuhler & Labelle, Reference Hirschbuhler and Labelle1990, Cabredo Hofherr, Reference Cabredo Hofherr2005); certains l'identifient comme un déterminant (Gougenheim, Reference Gougenheim1965, Pierrard passim); et quelques-uns l'analysent comme syntaxiquement complexe (Gross, Reference Gross1977, Corblin, Reference Corblin and Kleiber1990, Kleiber, Reference Kleiber1994, Coene, Reference Coene, Kleiber, Laca and Tasmowski2001, Zribi-Hertz, Reference Zribi-Hertz, Berns, Jacobs and Scheer2011b).

24 Dans les grammaires dites traditionnelles telles que Le Bon Usage, les justifications des contraintes énoncées sont souvent laissées implicites: il nous incombe donc à nous, lecteurs et usagers, de les comprendre ‘entre les lignes’.

25 L'absence de sandhi dans la iliaque identifie justement dans ce contexte technique iliaque comme un modifieur, plutôt qu'un nom.

26 Cette idée est reformulée récemment par Cabredo Hoffer (Reference Cabredo Hofherr2005), qui compare le français (où les serait un déterminant) à l'espagnol, où los serait catégoriellement ambigu (déterminant ou pronom). Noter par ailleurs que l'analyse de celui comme ‘un pronom’ en français n'est pas du tout consensuelle parmi les grammairiens (v. note 23), et est en conflit avec la définition traditionnelle des pronoms comme des substituts fonctionnels du nom (cf. ex. (28)).

27 C'est en gros l'hypothèse explorée par Ronat (Reference Ronat1975), Cinque (Reference Cinque2010), Sleeman (Reference Sleeman1996), Zribi-Hertz (Reference Zribi-Hertz, Berns, Jacobs and Scheer2011b).

28 Parmi la douzaine de locuteurs (non linguistes !) que j'ai sondés, certains valident (i-a) et (i-b) à égalité, d'autres rejettent les deux à égalité, deux seulement émettent les jugements distincts prédits par (18):

(i) a. Il se vend ici trois types de céréales, des biologiques, des pour enfants et des vitaminées.

b. Nous vendons ici trois marques de céréales: une biologique, une pour enfants et une vitaminée.

29 Une relectrice de cet article m'a fait remarquer de façon intéressante que la séquence (i), produite par moi-même dans une version antérieure de ce texte, est ‘de la GD (. . .) dans un article scientifique’:

(i) les DPSN en celui et ceux à ellipse du nom

Cette remarque confirme que les prescriptions de la Norme Académique, en l'espèce, la règle (18b) concernant celui, sont inapprenables, même pour les experts professionnels de la grammaire française. La relectrice analyse intuitivement à ellipse du nom en (i) comme un modifieur interne et rechigne, corrélativement, à valider celui, se conformant ainsi à la généralisation (24b) (et non à (18b)). Le rejet de (i) pousse logiquement à choisir ici la construction à nom elliptique (ii), qui toutefois est exclue par la Norme Académique (18a):

(ii) % les DPSN en celui et les à ellipse du nom

Cet exemple est une bonne illustration des effets de l'incohérence de la Norme Académique sur les diglosses actifs.

30 Voir aussi Obenauer (Reference Obenauer1983) sur la compositionnalité de est-ce que en français classique.

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