L’intérêt pour les mots régionaux dans la littérature d’expression française continue depuis une trentaine d’années à inspirer plusieurs travaux. L’ouvrage que voici, tiré d’une thèse de doctorat soumise aux universités de Bonn et de Paris IV, fait l’analyse de mots régionaux dans l’œuvre d’Yves Viollier, écrivain vendéen publié au cours des XXe et XXIe siècles dont certains romans ont par ailleurs servi à la compilation d’autres ressources telles que Rézeau (Reference Rézeau2009) et, huit ans plus tôt, le Dictionnaire des régionalismes de France (Rézeau Reference Rézeau2001). L’analyse, présentée sous forme d’articles lexicographiques, emprunte certains acquis de la lexicographie différentielle (exemplifiée entre autres par le DRF, le Dictionnaire historique du français québécois et le Dictionnaire de la Suisse romande), notamment la réalisation d’enquêtes de vitalité et la prise en compte du discours métalinguistique des locuteurs. Elle est précédée d’une introduction qui représente à elle seule une monographie sur la problématique de la description de la variation diatopique, sur l’approche différentielle et sur l’apport à l’étude de la littérature diatopiquement marquée de notions empruntées à l’analyse du discours, aux théories de l’énonciation et à la sociologie de la littérature.
La nomenclature de l’ouvrage contient les diatopismes dont « l’analyse différentielle montre qu’ils relèvent avec une probabilité suffisante du français en Vendée de la seconde moitié du XXe ou du début du XXIe siècles » (58) et qui ont fait l’objet de « mises en relief métalinguistiques » par Viollier lui-même ou par son éditeur, c’est-à-dire de marquages typographiques, de gloses ou d’autres « dispositifs métalinguistiques dans le discours qui sont le résultat d’une stratégie ciblée, et qui permettent à l’énonciateur de commenter obliquement son discours » (58) et de signaler la présence de diatopismes dans le texte. Si cette restriction quant à la nomenclature a le mérite d’avoir été clairement énoncée (43) et justifiée – en raison, d’une part, du caractère « hautement réfléchi et stylisé » (10) du discours littéraire et, de l’autre, du fait que l’emploi des diatopismes représente donc une « stratégie discursive volontaire . . . largement ciblée » (ibid.) –, on peut tout de même regretter que des mots régionaux tels que étier (102, s.v. marais blanc), saoules (ibid.) ou encore croches (292, s.v. enjominer), qui ne remplissent pas ces critères, aient été passés sous silence. L’examen des diatopismes du corpus primaire qui ne sont pas pourvus de mises en relief aurait en effet permis de documenter d’autres usages, parfois inconscients, qui appartiennent à la norme régionale. Il aurait également pu étoffer davantage l’analyse du cotexte (l’entourage linguistique immédiat) de chacun des diatopismes inclus dans la description. Toujours est-il que la rubrique sociopragmatique où figure cette analyse constitue un apport tout à fait neuf dont la vocation est en outre de renseigner sur le(s) type(s) de mise en relief attesté(s) pour chacun des diatopismes retenus et sur les instances énonciatives auxquelles ils sont attribués. Elle relève de la microstructure mise en place pour la description de chacun des diatopismes à l’étude. Cette microstructure est présentée en début d’ouvrage (78–79), parfois à l’aide d’exemples tirés de la nomenclature. Elle fournit un luxe de détails sans égal à ce jour. Hormis la rubrique sociopragmatique, on y trouve notamment une rubrique qui contient la répartition de chaque diatopisme à l’intérieur du corpus primaire, de même que d’éventuelles remarques encyclopédiques, une analyse historico-comparative, et les résultats des enquêtes linguistiques réalisées en Vendée par l’auteure de 2006 à 2010, enquêtes qui renseignent le lecteur sur la vitalité de chacun des régionalismes à l’heure actuelle. Chaque article se clôt sur un bilan bibliographique, succinct lorsque le mot figure déjà dans le DRF, dans Rézeau (Reference Rézeau1984) ou bien dans Rézeau (Reference Rézeau2009), mais visant l’exhaustivité pour les diatopismes qui en sont absents.
Plusieurs index faciliteront la consultation de l’ouvrage: un système de renvois aux volets de l’introduction où sont définis les termes empruntés aux disciplines de l’analyse du discours, de l’énonciation et de la narratologie, une liste alphabétique des entrées de la nomenclature (le classement étant onomasiologique), ainsi qu’une liste étymologique, qui rassemble dans l’ordre alphabétique les étymons du FEW auxquels sont rattachées les entrées de la nomenclature. La bibliographie, quant à elle, compte près de trente pages et représente un instrument de travail précieux pour quiconque s’intéresse au français en Vendée et à la variation diatopique du français en général. Elle inclut trois parties: le corpus primaire, le corpus de référence et les sources métalinguistiques citées et consultées. Remercions l’auteure d’avoir contribué, grâce à cet ouvrage, à notre connaissance du fonctionnement des diatopismes dans la littérature contemporaine d’expression française.