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Lobbying et patronage : modes de médiation en contexte démocratique*

Published online by Cambridge University Press:  30 June 2008

Raymond Hudon
Affiliation:
Université Laval, raymond.hudon@pol.ulaval.ca
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Abstract

Résumé. L'imprécision couramment observée dans les discours sur les pratiques du patronage et du lobbying, respectivement, tient en très grande partie à un flou conceptuel auquel cet article propose précisément de remédier au moyen d'une comparaison de la fonctionnalité de ces deux formes de médiation entre la société et les institutions politiques. Adoptant une perspective proprement politique, tout en tenant compte du statut normatif différencié qui marque chacune des deux pratiques, nous présentons d'abord en parallèle leurs traits distinctifs pour ensuite, quasi paradoxalement, mieux saisir leurs similarités. Les dynamiques que traduisent les échanges au cœur d'une relation patron-client, dans le cas du patronage, et d'une relation lobby-titulaire de charge publique, dans le cas du lobbying, ont pour effet de transformer les rapports de force qui structurent les relations du patron et du lobby avec leurs rivaux-concurrents. Par ailleurs, à l'encontre de présupposés largement répandus qui associent ces pratiques à des stades différents du développement des sociétés, nous montrons leur coexistence possible dans les pratiques politiques contemporaines. Notre exercice, principalement conceptuel, peut par ailleurs se révéler utile pour poser des diagnostics adéquats sur la vie démocratique … dont certains dysfonctionnements ne peuvent être corrigés qu'au moyen d'interventions appropriées.

Abstract. Patronage and lobbying are currently discussed with vague concepts. This article suggests a comparison of the two phenomena by pointing to their respective roles in the conduct of relations between the society and the political institutions. In a properly political perspective, we consider their own status in normative terms and then present both their differences and similarities. The exchanges between a patron and a client and between a lobby and a public office holder result in transforming the power balance in the relations of a patron with rivals and of a lobby with competitors. Contrary to common assumptions which relate patronage and lobbying to societies at different stages of their development, we also show that they can coexist in contemporary political practices. We claim that our exercise, mainly conceptual in its nature, could serve to diagnose more adequately democratic malfunctioning and, consequently, to define more appropriate correctives.

Type
Research Article
Copyright
Copyright © Canadian Political Science Association 2008

Le «scandale des commandites» a spécialement marqué la politique canadienne et québécoise des dernières années. Il a d'abord donné lieu à une enquête dont le déroulement, objet d'une couverture très assidue, n'a sûrement pas contribué à redorer l'image de la politique et de celles et ceux qui la font ni à inspirer confiance dans la gestion des fonds publics. Au palier fédéral, il a ensuite conduit à l'élection d'un gouvernement qui a placé au rang de ses priorités un resserrement des règles de conduite des titulaires de charges publiques (TCP). Dans cette optique, ce gouvernement adoptait, en décembre 2006, la Loi sur la responsabilité.Footnote 1 Ces événements posent avec acuité la pertinence d'un examen renouvelé de la gouvernance dans nos sociétés et, plus précisément, des modes de médiation entre la société civile et les institutions démocratiques.

D'entrée, nous estimons que le traitement de ce «scandale» a été mené dans un certain flou conceptuel qui trop souvent, et négligemment, tendait à réduire cet épisode à des pratiques de lobbying. Quelques clarifications conceptuelles nous semblent s'imposer pour appuyer plus solidement l'analyse des modes de médiation inhérents à nos sociétés et identifier plus justement les éléments susceptibles d'y causer problème. Ce sont là des conditions nécessaires à un traitement plus adéquat de leurs symptômes.

Dans cette perspective, notre contribution, de prédominance nettement conceptuelle, vise à formaliser les mécanismes propres au lobbying, en tenant compte à la fois de la littérature récente sur le sujetFootnote 2 et de travaux antérieurs portant sur une pratique apparemment négligée par l'analyse politique, le patronage.Footnote 3 Nous soulignons tout d'abord la place centrale des processus de médiation dans l'activité politique et en décrivons sommairement deux modes principaux. Au-delà de jugements inspirés de conceptions idéales ou normatives, nous proposons ensuite une comparaison systématique du lobbying et du patronage, exercice qui fait ressortir à la fois la proximité et la pérennité des deux pratiques. À cet effet, la fonctionnalité comparée de ces activités nous permet de revenir sur ce qui est effectivement en jeu dans le «scandale des commandites», pour constater que loin d'être éradiqué, le patronage peut encore se manifester sous différentes formes dans nos sociétés. Sous l'éclairage de ce cas récent, nous concluons avec quelques éléments de réflexion quant à la coexistence des deux pratiques et aux effets des réglementations mises en oeuvre pour les encadrer (ou les proscrire). Dans un contexte où les gouvernants cherchent généralement à restaurer la confiance des citoyens à l'endroit des institutions démocratiques, nous estimons que l'ensemble de l'exercice est non seulement pertinent, mais nécessaire.

1. Le rôle central de la médiation entre la société civile et les institutions

Le lobbying constitue l'un des modes de médiation caractéristiques des processus politiques. Ainsi, en concevant la politique comme «l'activité sociale qui, partant de la reconnaissance de la diversité, vise l'intégration ordonnée des différences grâce à la négociation de compromis entre acteurs désireux de convertir leurs rapports conflictuels en procédures de gestion méthodique de leurs désaccords» (Hudon et Poirier, à paraître), nous mettons en relief les logiques de médiation qui caractérisent fondamentalement cette activité. Même si de nombreux compromis ponctuent les conduites dans la sphère privée, il n'est pas abusif d'avancer que la politique est essentiellement médiation. Ainsi, la médiation constitue l'un des mécanismes clés de gouvernance d'une société, en permettant «un processus de coordination d'acteurs, de groupes sociaux et d'institutions, en vue d'atteindre des objectifs définis et discutés collectivement» (Le Galès, Reference Le Galès, Boussaguet, Jacquot and Ravinet2004 : 243).

Concrètement, la médiation s'exerce sous deux formes principales, une médiation horizontale et une médiation verticale, qui concernent des rapports de nature différente entre les acteurs du système politique. Alors que la première renvoie à des pratiques qualifiant proprement les sociétés politiques, soit à des relations qui supposent diverses formes d'arbitrage, la deuxième a trait à des mises en rapport entre la société civile et les institutions publiques, en pratique à des relations qui, cette fois, font surgir la notion d'intermédiaire (Hudon, Reference Hudon2003).

1.1 La médiation-compromis

Dans sa première acception, l'idée de médiation se rapproche de celle de conciliation. Elle évoque la recherche de compromis entre différents acteurs dont les intérêts s'expriment dans des logiques de concurrence qui donnent prise à de potentiels rapports d'opposition. L'objectif de l'activité politique est de convertir ces logiques en rapports de coopération. Nous pourrions penser à un processus de mise en accord, tout en gardant à l'esprit que les ententes qui en résultent demeurent relatives … et couramment éphémères.

Dans l'esprit de la science politique classique, les premiers candidats désignés pour l'exercice de ce rôle sont les partis politiques et les administrations publiques, qui ont comme «mandat» reconnu de tempérer les revendications des groupes d'intérêt et d'assurer la protection du «bien commun». Selon cette même perspective classique, les groupes d'intérêt sont conçus comme représentants d'intérêts particuliers, en dépit de leur prétention à promouvoir l'intérêt public au moyen d'évocations plus ou moins floues. Or, l'évolution récente de l'univers des groupes d'intérêt bouleverse cette distribution commode des rôles en société entre divers acteurs, en provoquant des changements sous trois aspects principaux.

Tout d'abord, à partir des années soixante, émerge une deuxième génération de groupes dits «d'intérêt public», qui projettent une image renouvelée de l'activité de représentation d'intérêts en se donnant pour raison d'être la promotion de biens collectifsFootnote 4 ou de causes (droits civiques, environnement, par exemple), «the achievement of which will not selectively and materially benefit the membership or activists of the organization» (Berry, Reference Berry1999 : 190). En se proclamant les champions d'un intérêt général face auquel il n'est pas toujours justifié de renoncer à tout scepticisme, ces groupes rendent, au premier regard, moins impératif l'exercice de la médiation-compromis dont les partis politiques et les TCP avaient traditionnellement fait leur chasse gardée (Oueslati, Reference Oueslati2005 : 78).

En deuxième lieu, jumelée à cette diversification de leur univers, la multiplication des groupes (Baumgartner et Leech, Reference Baumgartner and Leech1998 : 109) fait en sorte qu'aujourd'hui, certaines pratiques de médiation se révèlent apparemment moins appropriées. En particulier, le corporatisme caractéristique de plusieurs pays développés, spécialement européens, ne trouve plus des conditions qui lui permettent de conserver son entière pertinence.Footnote 5 Entre autres, la formation de tables dites de concertation – qui regroupent un nombre restreint d'intervenants – est difficilement conciliable avec les demandes croissantes d'une démocratie participative, ouverte à un nombre élargi d'acteurs ainsi appelés à négocier leurs différends.

En réponse à cette exigence d'ouverture, la multiplication des démarches de consultation aurait pu se traduire par un gain d'autonomie des gouvernants – et, par association, des partis politiques – comme suite à un engagement plus poussé dans l'élaboration de compromis entre les multiples points de vue en présence. Or, ce développement paraît partiellement annulé par une troisième tendance, du côté des groupes d'intérêt, à favoriser la formation de coalitions avec d'autres pour parler d'une voix unique. En voilant au moins momentanément leurs différences, les groupes réalisent en pratique une partie de la fonction d'agrégation qui était traditionnellement considérée du mandat des partis politiques. Parfois eux-mêmes membres de coalitions – c'est le cas, par exemple, du Bloc Québécois, du Nouveau Parti démocratique et du Parti vert du Canada, tous trois membres de la Coalition Québec Vert-Kyoto –, les partis semblent eux-mêmes aspirés par cette tendance qui les relègue dans des fonctions habituellement jugées propres aux groupes d'intérêt.

Au total, la place et le rôle des acteurs politiques traditionnels (elus ou non elus) dans la dynamique de médiation-compromis se trouvent relativement amoindris au profit d'autres forces, en particulier les groupes d'intérêt. Dans ces conditions, l'utilité des partis politiques paraît dépréciée. Cette observation apparaît peut-être encore plus évidente dans la réalisation de l'autre volet de la médiation, la médiation-relais.

1.2 La médiation-relais

Selon cette deuxième acception, la notion de médiation renvoie à l'idée d'une mise en rapport entre deux parties distinctes, généralement inscrites dans une relation d'orientation verticale, typiquement de nature asymétrique. Par exemple, les élus peuvent jouer un rôle de médiateurs – ou d'intermédiaires – entre les citoyens et les institutions gouvernementales. C'est ce type de médiation qui constitue le cœur de notre propos dans notre étude comparée des pratiques du patronage et du lobbying.

Si nous nous reportons aux mécanismes d'interaction entre le système social et le système politique (Dion : Reference Dion1971), il est concevable que la médiation-relais soit assurée à la fois par les partis politiques et par les groupes d'intérêt. D'une part, en vertu des conduites couramment acceptées comme légitimes en contexte de démocratie représentative, les groupes d'intérêt assurent l'acheminement aux gouvernants des demandes issues de la société. D'autre part, les partis politiques exercent une fonction apparentée à celle des groupes, tout en jouissant normalement d'un avantage structurel par rapport à ces derniers, du fait qu'en plus de leur «tâche» attendue d'agrégation, ils ont la possibilité théorique de mener à son terme le relais grâce à une participation potentielle à l'adoption desdites politiques, dans le cadre de l'éventuel exercice de fonctions gouvernementales (Ryden : Reference Ryden1996).

Or, ces positions respectives des groupes et des partis ne sont peut-être plus aujourd'hui aussi clairement distinguées. En particulier, le rôle des partis politiques en matière de médiation-relais est largement mis à mal. Plusieurs constatent, en effet, un déclin des partis politiques (Dalton : Reference Dalton, Dalton and Wattenberg2000), ces derniers n'étant plus à même de concilier les intérêts divergents de la population et d'assurer la représentation de ceux-ci auprès des institutions étatiques. Les uns après les autres, les sondages ne cessent de mettre en lumière le déficit d'estime qui mine gravement la crédibilité des politiciens. Aussi n'est-il pas surprenant que pas moins de 70 pour cent des Canadiens estiment plus efficace l'action des groupes par rapport à celle des partis (Howe et Northrup : 2000, cités dans Young et Everitt, Reference Young and Everitt2004 : 4).

Cette «aliénation relative» des citoyens à l'endroit de certaines dimensions du régime démocratique crée des conditions favorables au développement d'une «politique protestataire» (Perrineau, Reference Perrineau2003 : 7), mais aussi d'un «consumérisme politique» (Rosanvallon, Reference Rosanvallon2006 : 258) qui place les groupes d'intérêt en position privilégiée pour faire le lien avec les institutions politiques. Cette position est en partie consolidée par une professionnalisation de la médiation, dont la multiplication du nombre de «professionnels de la consultation» (Lahusen : Reference Lahusen2002) constitue l'un des indices. Dans ce contexte, les intermédiaires qui assuraient traditionnellement un rôle de médiation et de relais, tels les partis politiques, voient leur rôle amoindri, au nom d'une valorisation de l'engagement plus direct du citoyen dans les processus politiques (Norris : Reference Norris1999).

En somme, les partis paraissent affaiblis non seulement dans leur contribution à la médiation-compromis, mais également dans leur fonction d'intermédiaire en médiation-relais. C'est sous l'éclairage de cette mutation dans les pratiques démocratiques (Hudon : Reference Hudon, Pelletier and Tremblay2005) que peut être entreprise l'analyse des deux formes de médiation que sont le lobbying et le patronage.

Tableau 1 Deux formes de médiation politique

2. Le lobbying et le patronage comme deux formes de médiation-relais

Le patronage et le lobbying constituent deux pratiques permettant une médiation entre les membres de la société et les lieux formels de décisions politiques. Avant de procéder à l'analyse systématique des deux pratiques pour en dégager les similitudes et les dissemblances, soulignons brièvement la réputation peu enviable qu'elles se partagent.

Dans l'entendement commun, le lobbying renvoie à des dysfonctionnements au regard d'une conception idéale de la démocratie, héritée de certains épisodes révolutionnaires et spécifiée selon les traditions culturelles. Ainsi, la loi française Le Chapelier, adoptée en 1791 pour faire de la participation à des «coalitions» un délit, illustre bien les réactions postrévolutionnaires à l'égard de la représentation organisée des intérêts. Avec le temps, toutefois, le lobbying a été considéré comme un moyen d'action légitime dans une société démocratique. Le Bill of Rights qui venait amender la Constitution des États-Unis – étrangement adopté la même année que la loi Le Chapelier – traça la voie et posa les assises de cette reconnaissance en consacrant le caractère inaliénable du «droit de pétition».

Cependant, cette reconnaissance ne découla pas uniquement de principes. Elle allait se greffer à une transformation d'un certain nombre de pratiques. Ainsi, au tournant du vingtième siècle, de nouveaux acteurs arrivèrent à se faire reconnaître comme interlocuteurs légitimes auprès des instances politiques nationales, concurremment – et non forcément en opposition – à l'action des entreprises (Clemens : Reference Clemens1997). Empruntant aux méthodes d'influence jusque-là privilégiées par celles-ci, des associations professionnelles, d'affaires ou autres constituèrent ainsi la première génération de groupes d'intérêt,Footnote 6 typiquement perçus comme porteurs d'intérêts particuliers, potentiellement adverses à la poursuite de l'intérêt général. Cela semblait justifier que l'on prête aux groupes l'intention de chercher à détourner les dirigeants politiques de leur responsabilité d'assurer la réalisation du bien commun. D'où, en grande partie, le jugement négatif inspiré par ces pratiques de représentation, sommairement identifiées sous le vocable de lobbying. En contrepartie, il a aussi fallu admettre qu'il valait mieux que les gouvernants évitent de prendre des décisions en vase clos et les éclairent plutôt en tenant compte des intérêts en présence dans la société, ce constat contribuant à légitimer la volonté des citoyens d'exprimer leurs doléances et revendications auprès des gouvernants. Aujourd'hui, la plupart des lois qui circonscrivent l'activité rendent d'ailleurs compte de cette évolution; citons, à titre d'exemple, l'article 1 de la Loi sur la transparence et l'éthique en matière de lobbyisme (LQ 2002, c. 23) :

Reconnaissant que le lobbyisme constitue un moyen légitime d'accès aux institutions parlementaires, gouvernementales et municipales et qu'il est dans l'intérêt du public que ce dernier puisse savoir qui cherche à exercer une influence auprès de ces institutions, la présente loi a pour objet de rendre transparentes les activités de lobbyisme exercées auprès des titulaires de charges publiques et d'assurer le sain exercice de ces activités.

Malgré la suspicion et les réserves dont il est toujours l'objet, le lobbying a ainsi acquis reconnaissance et légitimité. Il semble, par contre, que le patronage ne soit pas parvenu à se gagner des lettres de noblesse équivalentes. Non seulement le considère-t-on caractéristique du dysfonctionnement des institutions politiques, mais son existence même est estimée marginale, sinon pure déviance dans nos sociétés contemporaines. Selon le sentiment répandu, le patronage est d'abord associé à des époques révolues, c'est-à-dire à des stades antérieurs à la modernisation : «patronage is a phenomenon limited to certain historical societies: particularly those characterized by the break-up of kinship and tradition, or those in the early throes of modernization or industrialization» (Johnson et Dandeker, Reference Johnson, Dandeker and Wallace-Hadrill1989 : 219).

Au total, si les perceptions du lobbying demeurent fortement teintées de suspicion, le jugement est prononcé sans appel à l'égard du patronage, au sujet duquel il serait carrément iconoclaste d'attribuer une quelconque légitimité! À tout le moins estime-t-on que ses manifestations – qui toujours choquent – doivent être l'objet d'un bannissement sans complaisance. Nous adoptons tout de même un point de vue plutôt inédit en proposant d'analyser ici plus en détails les deux pratiques comme des modes de médiation-relais qui ne briment pas forcément la réalisation de l'idéal démocratique, mais peuvent même contribuer, peut-être étrangement pour plusieurs, à l'épanouissement de certains aspects d'une pratique démocratique.Footnote 7

Sans nullement suggérer une occultation des dérives et excès auxquels peuvent donner lieu les deux pratiques, une analyse strictement politique appelle certaines nuances. Considérés comme deux manifestations concrètes du processus de médiation-relais, le lobbying et le patronage peuvent finalement être envisagés comme des pratiques fonctionnelles dans une société démocratique.

2.1 Le lobbying

La notion de lobbying, parfois confuse, englobe un ensemble de réalités comportant des différences notables. Des clarifications s'imposent, avec de nombreuses nuances. Tentons une synthèse de l'abondante littérature récemment produite sur le sujet, pour dessiner les différentes configurations de l'activité et ainsi mieux comprendre ses dynamiques intrinsèques.

D'emblée, trois conceptions du lobbying peuvent être recensées : une spontanée; une deuxième ayant plus spécifiquement trait aux définitions contenues dans les lois et réglementations; une troisième de portée plus largement applicable à l'élaboration et à la mise en œuvre des politiques publiques. La première – spontanée – est au fondement même des prénotions et préjugés entretenus à l'endroit du lobbying. Dans un esprit qui condamne d'emblée la pratique sont ainsi entretenus les sentiments «populaires», fortement assaisonnés de populisme, à l'égard des puissants, ceux qui ont un accès privilégié aux décideurs. Par nature discret dans ses formes traditionnelles, l'exercice de l'influence est perçu comme secret et, partant, suspect. Alimentée par les médias, cette perception est au cœur de plusieurs «analyses» normatives du phénomène.

Une deuxième conception, de portée nettement plus restreinte, définit bien concrètement le lobbying par les relations qui prennent place entre les TCP et les lobbyistes, ces derniers étant généralement classés en trois catégories : les lobbyistes-conseils, les lobbyistes d'entreprise et les lobbyistes d'organisation. Souvent traduite sous le vocable de lobbyisme,Footnote 8 cette perspective proprement juridique de l'activité ne concerne qu'une mince partie de l'ensemble des démarches d'influence qui peuvent être exercées sur les TCP. Par exemple, en vertu de la Loi sur la transparence et l'éthique en matière de lobbyisme (LQ 2002, c. 23), adoptée au Québec en juin 2002, «[c]onstituent des activités de lobbyisme au sens de la présente loi toutes les communications orales ou écrites avec un titulaire d'une charge publique en vue d'influencer ou pouvant raisonnablement être considérées, par la personne qui les initie, comme étant susceptibles d'influencer la prise de décisions» (article 2).

Les communications entre lobbies et TCP ne renvoient donc qu'à une partie de l'activité de lobbying. Par contre, «l'ensemble des communications entre les groupes et l'État ne correspond pas à du lobbying» (Montpetit, Reference Montpetit2002 : 97). Il est parfois proposé de restreindre la portée du concept de lobbying au sein du vaste univers du «dialogue entre l'État et la société civile» pour ne pas «décourager des actions socialement souhaitables»Footnote 9 (Montpetit, Reference Montpetit2002 : 99). Plusieurs lois, dont celle du Québec (LQ 2002, c. 23), prennent ainsi soin d'exempter de l'inscription au registre des lobbyistes «les représentations faites en réponse à une demande écrite d'un titulaire d'une charge publique» [article 5 (2o)]. Réduire la conception du lobbying à la communication entre lobbies et TCP risque cependant de ne plus rendre adéquatement compte d'une pratique très étendue et diversifiée.Footnote 10 D'ailleurs, depuis sa révision de 2004, la Loi sur l'enregistrement des lobbyistes (LC 1985, c. 44) «considère que toute communication, dès qu'elle a lieu, constitue une activité de lobbying; fini les procès d'intention et la discrimination entre les communications, qu'elles soient initiées par le lobbyiste ou par le TCP» (Hudon, Reference Hudon2007: 112).

On peut, enfin, appréhender le lobbying dans une perspective très large, en faisant quasiment équivaloir l'activité à la vaste notion d'influence. Adhérant à cette troisième acception, Hudon (Reference Hudon, Pelletier and Tremblay2005 : 222) conçoit le lobbying «comme la traduction fonctionnelle des actions des groupes (et associations) visant à influencer des titulaires de charges publiques». Cette définition, très englobante, fait porter l'analyse non seulement sur les relations directes entre les lobbies et les TCP, mais également sur l'ensemble des moyens d'influence indirects – mobilisation populaire, médias, par exemple – auxquels les lobbies peuvent avoir recours pour arriver à leurs fins.

2.1.1 Le lobbying en tant que relation d'échange

Système de relations, le lobbying est traditionnellement compris comme un processus d'échange qui a pour objectif d'influencer les gouvernants. Ces relations comportent en elles-mêmes plusieurs caractéristiques qui permettent de comprendre les dynamiques générées.

Parce qu'elles sont caractérisées par un échange entre les deux parties prenantes, les relations de lobbying sont d'abord réciproques. L'objet le plus souvent cité de cet échange est l'information, qui est potentiellement un moyen d'influence : «Lobbying essentially comprises an exchange of information – demanded by governmental actors – and influence – granted by governmental actors and demanded by the […] lobbyists» (Michalowitz, Reference Michalowitz2007 : 76). En termes pratiques, le lobby offre au TCP expertise et connaissances du milieu d'interventionFootnote 11 et il est attendu qu'en retour, le TCP tienne compte des intérêts du lobby.

Toutefois, le lobby demeure structurellement dépendant de la volonté du TCP de répondre, en tout ou en partie, à ses demandes. C'est pourquoi les relations de lobbying sont reconnues pour être généralement de nature asymétrique : «[…] government actors have a stronger position because they are the only actors who can actually grant influence. At the same time, they can gain information from a number of different lobbyists who compete over influence» (Michalowitz, Reference Michalowitz2007 : 76). L'avantage du TCP tend à s'accroître lorsque ce dernier initie la relation, dans des cas typiques du «lobbying commandé». Dans de telles situations, non seulement le TCP choisit-il, à sa discrétion, le ou les lobbies qui seront consultés, mais il détermine également le moment de la relation. Le lobby voit ainsi sa capacité d'influencer fortement conditionnée du fait qu'il lui faut harmoniser ses démarches à l'agenda politique défini par le TCP ou aux préoccupations publiques. En contrepartie, le caractère parfois essentiel des informations transmises par un lobby au TCP peut constituer un atout précieux en conférant à sa contribution un caractère unique et indispensable, réduisant ainsi l'avantage qui favorisait initialement le TCP.

Les relations entre lobby et TCP sont, en troisième lieu, discrétionnaires. Le TCP peut en effet choisir de retenir un point de vue ou une demande parmi l'ensemble des positions qui lui sont communiquées, ou encore d'accorder une attention particulière à des lobbies spécifiques de préférence à d'autres. Le caractère discrétionnaire des relations peut aussi reposer sur les stratégies et atouts des lobbies eux-mêmes. Ainsi, il est notoire que les moyens financiers des groupes ont un effet marqué sur leur capacité à faire valoir leurs revendications, d'où l'avantage couramment reconnu aux milieux d'affaires à cet égard (Scholzman, Reference Scholzman1984; Martino Golden, Reference Martino Golden1998). Il est également admis qu'une bonne connaissance du processus législatif et du fonctionnement des institutions accroît les chances, pour un lobby donné, d'obtenir écoute et reconnaissance. Enfin, les capacités organisationnelles d'un lobby représentent un facteur d'importance additionnel : l'évocation, par exemple, d'un potentiel de mobilisation citoyenne peut en soi contribuer à accentuer la nature discrétionnaire des relations (Carpenter et al., Reference Carpenter, Esterling and Lazer1998).

En quatrième lieu, les relations entre lobbyistes et TCP peuvent être personnalisées. Bien que l'importance des connaissances personnelles du lobbyiste au sein de l'univers des TCP – les fameux et mythiques contacts – s'amenuise avec la professionnalisation de la pratique et la formalisation des processus d'échange (Yates : Reference Yates2004), la personnalisation des rapports entre les parties prenantes ne constitue certes pas un désavantage lorsqu'elle est possible. C'est vraisemblablement la raison pour laquelle on dénonce avec autant de vigueur les relations qui en portent la marque.

La notion de transitivité, enfin, constitue un cinquième trait des relations de lobbying. D'une part, les TCP peuvent devoir faire appel à d'autres instances, ou sources, pour satisfaire les demandes du lobby, faisant ainsi office d'intermédiaires. C'est le cas, par exemple, d'un député de l'opposition transmettant les demandes d'un groupe au ministre responsable d'une décision (Contandriopoulos et al., Reference Contandriopoulos, Hudon, Martin and Thompson2007). D'autre part, les lobbies peuvent solliciter le concours d'autres lobbies dans la promotion de leurs intérêts ou positions, comme cela se produit quand une compagnie pharmaceutique fait indirectement la promotion d'un médicament par l'entremise d'un groupement de patients… qu'elle aide de diverses façons.

Les relations de lobbying, qui s'opérationnalisent sous les cinq caractéristiques identifiées, sont d'abord l'occasion d'une première transformation en vertu de laquelle le TCP, mieux informé, gagne en assurance dans ses décisions, tandis que le lobby réduit son déficit de contrôle sur les objets de ses demandes. Cette opération a normalement pour effet de réduire l'écart, d'atténuer la nature asymétrique du rapport entre le lobby et le TCP. Par ailleurs, l'intention première du lobby demeure généralement d'obtenir un résultat précis : adoption d'une loi, modification d'un règlement, protection du statu quo législatif, obtention d'un contrat, et ainsi de suite.

De ce premier échange découle logiquement une deuxième transformation, qu'on pourrait associer à un changement des rapports de force entre le lobby (ou le groupe d'intérêt) qui prend part à la relation et ses concurrents, ou rivaux. Pour être plus que purement théorique, la réalisation de la deuxième transformation suppose ainsi la présence de réels concurrents. Ceux-ci sont généralement absents dans les cas plus ou moins exceptionnels où les enjeux soulevés sont de portée extrêmement restreinte ou de nature spécialement technique; évoquons à titre hypothétique une réglementation qui affecterait négativement une entreprise qui exploite une technologie en exclusivité. Cela peut aussi être le cas lorsque les positions mises de l'avant constituent l'aboutissement d'un large débat mené antérieurement ou sont perçues (ou efficacement présentées) comme coïncidant avec l'intérêt général. Cette situation peut se reconnaître dans les démarches qui ont mené à l'adoption en 2006, par l'Assemblée nationale du Québec, de la Loi facilitant les dons d'organes (LQ 2006, c. 11). Compte tenu du sentiment général de la population à l'égard de cet enjeu, Québec-Transplant a vraisemblablement pu obtenir une réponse positive à sa demande sans avoir eu à affronter une très farouche opposition. Il reste que l'organisme, en acquérant reconnaissance et crédibilité auprès des TCP approchés dans le cadre de la relation de lobbying, a transformé avantageusement sa position par rapport à un ensemble d'organismes à l'œuvre dans le milieu de la santé.

Figure 1 Schématisation d'une relation de lobbying – Théorie de l'échange

Par ailleurs, la deuxième transformation ne se réalise pas toujours exclusivement entre le lobby et ses concurrents. Il est en effet imaginable que les TCP participant à une relation de lobbying en tirent parfois un avantage pour eux-mêmes dans le cadre de leurs relations avec leurs propres concurrents-rivaux. Ainsi, un député «bien informé» siégeant à un comité parlementaire pourrait gagner en crédibilité. Toutefois, les avantages gagnés par les TCP demeurent généralement secondaires, quand ils ne sont pas accidentels, comparativement à ceux qu'obtiennent les lobbies. La recherche, par le lobby, d'une position avantageuse par rapport à celle de ses concurrents est, en effet, en lien plus direct avec la finalité première – l'influence – de la relation de lobbying telle qu'on la conçoit traditionnellement.

Le lobbying en tant que stratégie d'appui

Touchant l'objectif globalement rattaché au lobbying d'influencer la prise de décision en matière de politique publique, la perspective peut être radicalement changée si on conçoit le lobbying comme un legislative subsidy, c'est-à-dire une stratégie d'appui à des TCP que l'on peut compter parmi ses alliés. Dans cette optique, les lobbyistes ne cherchent plus tant à gagner des interlocuteurs à leur point de vue, mais concentrent leurs interventions auprès des législateurs qui partagent déjà leur opinion pour ainsi donner lieu à une forme de partenariat équivalant à un «matching grant of costly policy information, political intelligence, and legislative labor» (Hall et Deardorff, Reference Hall and Deardorff2006 : 69). Articulée sur l'idée de collaboration plutôt que celle de contrainte, cette observation des démarches d'influence fait écho à des dynamiques repérées dès les années cinquante, telles que Wilson (Reference Wilson1981 : 107) les rapporte : «lobbyists […] were at their best suppliers of technical information which enabled better policy to be made. Lobbyists became in effect unpaid staff members for legislators, sometimes on such close terms with legislators that the lobbyists began to see problems too much from the perspective of the legislator, and too little from that of his members». Ainsi s'avère-t-il rationnel pour un groupe environnementaliste d'alimenter en études et documentation des députés membres d'un comité sur l'environnement, le ministre de l'Environnement lui-même ou, encore, des fonctionnaires reconnus sensibles à la «cause environnementale». La logique de collaboration peut même être amplifiée quand un lobby fait partie du «milieu de soutien» (Spanou, Reference Spanou1991 : 257) propre au TCP visé. Par contre, s'obstiner à tenter de convaincre des TCP ayant des liens avec d'autres milieux qui peuvent leur apporter un soutien souvent nécessaire (ou qui épousent des orientations déjà définies) peut tout simplement équivaloir à une cause perdue d'avance. Ainsi les environnementalistes qui, à la fin des années 1990, s'en prirent à la pollution d'origine agricole au Québec se heurtèrent-ils au mur de la «bonne entente» qui marquait les relations entre le ministère de l'Agriculture, des Pêches et de l'Alimentation et l'Union des producteurs agricoles (Berny et al., à paraître).

La prise en compte de cette dimension dans l'exercice de l'influence bouleverse la conception classique de l'activité de lobbying. Aux techniques de persuasion se substitue une démarche pragmatique, qui amène à clairement orienter ses efforts vers les alliés et en quelque sorte instrumentaliser les TCP dont les opinions sont réputées favorables.Footnote 12 Au-delà des premières impressions que pourraient laisser les jeux de «connivences» précédemment évoqués, l'asymétrie caractéristique de la relation de lobbying n'est pas vraiment effacée. En effet, inscrites dans des procédures et des ensembles d'une très grande complexité, les politiques publiques sont très rarement l'affaire d'un seul individu ou d'un groupe plus ou moins restreint de TCP : «[…] influence obtained over one part of an institution does not guarantee the influence of private actors on the overall process» (Michalowitz, Reference Michalowitz2007 : 84). En bout de course, intégré à un ensemble vaste et complexe, le TCP conserve généralement sa position avantageuse par rapport au lobby, même si sa liberté d'action peut être limitée en raison de son interdépendance avec d'autres TCP.

2.1.2 Le lobbying en tant que stratégie de survie organisationnelle

Les voies de l'influence des lobbies ne correspondent donc pas forcément à celles que le sens commun dessinerait d'emblée. On s'attend en effet à ce qu'un acteur désireux de gagner une «cause» cherche à obtenir de nouveaux appuis. Nous venons toutefois de noter que la stratégie optimale, sans éliminer cette recherche d'un élargissement de ses appuis, peut aller dans le sens d'une consolidation des appuis déjà acquis. Sans doute affichera-t-on plus de scepticisme face à une remise en question du postulat même de la finalité première spontanément attribuée aux lobbies, soit d'influencer l'orientation des politiques publiques. Il est pour le moins déroutant d'être amené à constater que des actions publiques parmi les plus spectaculaires des lobbies peuvent effectivement comporter un effet trompe-l'œil. Ainsi, derrière les apparences d'une pression exercée sur les TCP par la mobilisation «populaire», peut se cacher une préoccupation de «survie» pour des groupes dont l'existence est liée au recrutement ou à la capacité de rétention de membres ou de sources de financement (Binderkrantz, Reference Binderkrantz2005 : 711). On se retrouve ainsi beaucoup plus près d'une logique wébérienne que des supposés de Bentley (Reference Bentley1908) qui voulait que l'existence des groupes soit plus ou moins mécaniquement fonction de l'émergence des enjeux dans une société et de la satisfaction des intérêts et demandes qui s'y greffent. Ce qui précède pourrait suggérer une sortie radicale du domaine de la pratique du lobbying, dans la mesure où on en réduit la conception à la réalisation de la première transformation que traduit l'échange entre lobbies et TCP, dans une intention d'influence. Par contre, avec notre proposition de considérer que la relation de lobbying comprend une deuxième dimension, une deuxième transformation qui, elle, concerne le lobby face à ses «concurrents», il n'est plus illogique de penser que le spectacle des jeux d'influence se révèle, dans des conditions particulières, plus ou moins instrumental.

Bien sûr, les «entrepreneurs» actifs à la tête des groupes trouvent, pour leur part, une grande source de satisfaction dans l'influence qu'ils estiment parvenir à exercer (Nownes et Cigler, Reference Nownes and Cigler1995 : 389). Cependant, ils sont bien conscients que l'une des ressources importantes pour y arriver réside dans des effectifs pouvant comporter un poids électoral significatif (Nownes et Cigler, Reference Nownes and Cigler1995 : 391–392).Footnote 13 Par ailleurs, de nombreuses autres études menées au cours des années 1990 sur l'action des groupes n'ont pu conclure de façon définitive quant à leur poids réel dans la détermination des politiques publiques (Lowery, Reference Lowery2007 : 36). De manière contre-intuitive, il semblerait, en effet, que l'on doive plutôt retenir que l'influence des lobbies est directement proportionnelle à la spécificité des enjeux et inversement proportionnelle à leur médiatisation : «[…] the influence of organized interests – all other things equal – seems to be negatively associated with the scope of lobbying battles as measured by the number of organizations involved, the intensity of their lobbying and how attentive the public is» (Lowery, Reference Lowery2007 : 37). Il apparaît dès lors quelque peu paradoxal de constater la multiplication phénoménale des groupes dans des champs d'action qui comptent déjà un nombre important de joueurs actifs et sur des enjeux qui sont l'objet d'une très grande attention publique, tels l'environnement ou le contrôle des armes à feu (Hudon : Reference Hudon, Pelletier and Tremblay2005). C'est pourquoi il est analytiquement approprié de mesurer le succès d'un lobby à l'aune de critères non limités au compte des modifications législatives ou réglementaires obtenues.

Much lobbying is probably not about securing or blocking specific laws or regulations. It may well be about maintaining membership rolls or securing access from political elites on other issues the organization cares about or changing the salience and popularity of the issue over the long haul or blocking rival organizations from relying on a shared issue agenda, membership base, or patrons or any number of other goals, all of which help the organization survive.

(Lowery, Reference Lowery2007 : 53)

La mise en lumière de ces deux aspects distincts de l'action publique des groupes – soit la volonté d'influencer et le souci de leur survie – ne doit évidemment pas occulter leur forte interdépendance. Il y a même plutôt lieu de noter la nécessité pour tout lobby de gérer les tensions que posent les deux logiques qui sont au fondement de la traduction concrète de ces deux aspects : une «logique de l'influence», articulée sur certaines demandes institutionnelles, et une «logique du membership», axée sur la volonté des membres.Footnote 14 «If influence is not obtainable because either the lobbyist has not been able to satisfy the governmental actor or influence is not granted for other reasons, the lobbyist cannot satisfy the logic of membership, and his position is likely to be at risk» (Michalowitz, Reference Michalowitz2007 : 78). La théorie de la survie organisationnelle reprend en partie ce point de vue, tout en faisant ressortir que la logique du membership peut parfois prévaloir sur celle de l'influence, comme autorisent d'ailleurs de le supposer les conclusions non définitives d'études empiriques sur l'influence des lobbies eu égard aux changements législatifs et réglementaires.

Figure 2 Schématisation d'une relation de lobbying – Théorie de la survie organisationelle

Fondamentalement, le lobbying renvoie à des mécanismes caractéristiques de la médiation sous forme de relais entre la société et les institutions politiques. Ce mode de médiation tire son sens premier de la réalisation de la première transformation qui implique une relation caractérisée par l'échange de moyens entre le TCP et le lobby, ce qui permet normalement au premier de remplir ses fonctions décisionnelles avec plus d'assurance, et au second de réduire son déficit de contrôle sur les objets de ses demandes, ses gains étant typiquement interprétés comme le résultat d'une influence exercée sur la prise de décision. Le succès de la première transformation, dans l'optique du lobby, repose sur le capital de crédibilité (ou de sympathie) qui est le sien auprès du TCP et qui peut se traduire par des mesures concrètes, mais il a aussi pour effet d'améliorer sa position dans le cadre d'une deuxième transformation de ses relations, cette fois face à ses concurrents, du fait même qu'il obtient des avantages au détriment de ceux-ci. Mais, venons-nous de voir, il améliore cette position d'une autre façon, soit en consolidant ou en accroissant son capital de crédibilité auprès de ses membres, ce qui lui donne un autre avantage face à ses concurrents. De ce point de vue, on comprend qu'un groupe écologiste puisse, à la limite, accorder autant d'attention à un autre groupe écologiste qu'à la position d'un TCP à convaincre du bien-fondé de ses demandes ou à conforter dans ses orientations déjà connues. En somme, en plus d'enrichir l'analyse de l'activité de lobbying, la théorie de la survie organisationnelle apporte un éclairage intéressant et pertinent sur la tendance des groupes d'intérêt public à privilégier des méthodes d'intervention publiques, manifestations, conférences de presse, grass roots lobbying, par rapport aux répertoires d'action de nature plus traditionnelle. En effet, gagnant en crédibilité auprès de «sa» base, pas forcément auprès des TCP – tout de même parfois pressés d'agirFootnote 15 –, le lobby peut en venir à s'imposer comme l'interlocuteur privilégié à propos d'un enjeu donné et, par le fait même, s'assurer une certaine pérennité, ce qui rejoindrait, en partie, le type de motivation tout juste évoqué.

Pour terminer, le choix de certains groupes d'intérêt de se regrouper en coalitions appelle une réflexion sommaire. S'il est aisé de voir l'intérêt qu'ont les groupes moins influents à joindre une coalition, il est moins évident d'identifier les motivations qui poussent les groupes déjà bien établis à faire de même. Or, les résultats parcellaires disponibles sur le sujet indiqueraient que les groupes influents trouvent dans la participation à de tels regroupements des avantages, notamment sur le plan de leur réputation et de ses effets à long terme (Mahoney et Baumgartner, Reference Mahoney and Baumgartner2004).

Après avoir décortiqué la dynamique des relations propres au lobbying, nous proposons une analyse contrastée avec la pratique du patronage, tant par référence aux acteurs concernés que par une mise en parallèle de leurs caractéristiques constitutives et des processus qui leur sont associés.

2.2 Le patronage

Tout comme le lobbying, le patronage met en scène une relation entre deux acteurs : en lieu et place d'un TCP et d'un lobby, on retrouve un patron et un client. Le patronage n'est pas exclusif au monde politique (Roniger, Reference Roniger, Roniger and Günes-Ayata1994 : 15), mais dans ce domaine particulier, le patron est le plus souvent incarné par un acteur politique partisan (ministre ou député, par exemple), alors que le client est généralement un citoyen, ou un groupe bien identifié de citoyens. Défini en termes généraux, le patronage, ou clientélisme, évoque «des liens personnalisés, entre des individus appartenant à des groupes sociaux disposant de ressources matérielles et symboliques de valeur très inégale, reposant sur des échanges durables de biens et de services, généralement conçus comme des obligations morales unissant un ‘patron’ et les ‘clients’ qui en dépendent» (Briquet, Reference Briquet, Briquet and Sawacki1998 : 7). Précisons encore que les dynamiques inhérentes aux relations de patronage sont similaires à celles propres aux relations de lobbying,Footnote 16 du fait qu'elles donnent lieu à deux transformations successives et qu'en plus, les deux types de relations – TCP-lobby et patron-client – comportent des caractéristiques constitutives semblables : réciproques, asymétriques, discrétionnaires, personnalisées et transitives (Lemieux : Reference Lemieux1977).Footnote 17

Les relations de patronage se caractérisent d'abord par leur réciprocité, en ce sens qu'elles impliquent un échange entre le patron et le client, qui puisent chacun à un large répertoire de moyens. Les ressources échangées, sensiblement différentes de celles qu'on retrouve dans les relations de lobbying, peuvent être de nature «instrumentale, économique et politique (soutien, loyauté, votes, protection), mais [peuvent également être constituées de] promesses de réciprocité, de solidarité et de loyauté» (Briquet : Reference Briquet, Briquet and Sawacki1998). La nature de l'échange dépasse la simple transaction commerciale : «no resources are exchanged separately at their simple market value; they are exchanged in a combined deal that imbues them with broader social and political meaning» (Roniger, Reference Roniger2004 : 356). Finalement, chacune des parties prenantes à la relation en retire un bénéfice personnel. En ce sens, le patronage, par essence fondé sur des visées particularistes, se démarque du lobbying, dont les visées peuvent aussi être de portée collective, que les intérêts en jeu soient de nature inclusive ou exclusive, pour reprendre la distinction de Mancur Olson (Reference Olson1965).

Ensuite, les relations de patronage sont typiquement de nature asymétrique, se déroulant entre un patron et un client dont le pouvoir, a-t-on l'habitude de concevoir,Footnote 18 «demeure subordonné au pouvoir du patron» (Lemieux : Reference Lemieux1987). Le patron cherche généralement à instrumentaliser la relation avec le client pour accroître sa puissance, alors que le client, de son côté, réduit son impuissance relative avec l'acquisition de biens puisés à même les ressources publiques, ou d'avantages personnels obtenus grâce à l'intervention du patron. Les moyens dont dispose le client peuvent être cruciaux pour le patron, mais il n'est habituellement pas le seul à pouvoir les offrir à ce dernier. C'est notamment ce qui contribue au caractère discrétionnaire des relations de patronage : le patron – régulièrement mais non obligatoirement instigateur de la relation – fait le choix d'établir une relation avec un client parmi nombre d'autres clients possibles, gardant, de ce fait, un certain contrôle sur la relation.

Une autre des caractéristiques intrinsèques de la relation de patronage tient au fait qu'elle repose, en général, sur des liens personnels, par opposition aux liens de nature administrative ou bureaucratique. Le caractère personnel de la relation s'observe dans un contact direct, voire familier, entre les deux protagonistes. Par ailleurs, la relation de patronage emprunte couramment le visage d'un individu qui, dans nombre de cas, peut être la figure concrète d'un groupe ou d'un ensemble de personnes : par exemple, le maire d'un village ou la supérieure d'une communauté religieuse. Selon la distinction proposée par Piattoni (Reference Piattoni and Piattoni2001 : 4–7), il semblerait alors plus approprié de parler de clientélisme.Footnote 19

À ce tableau, ajoutons finalement la notion de transitivité, pour signaler que les avantages offerts au client ne sont pas toujours sous le contrôle immédiat du patron; en réalité, ce dernier dépend lui-même assez souvent d'une relation avec un «supérieur» qui est la source du «bien» accordé. S'inspirant de J. Boissevain, Lemieux (Reference Lemieux1977 : 11) décrit la situation en ces termes : «si le client, C, d'un premier patron, B, n'est généralement pas le client du patron, A, de ce dernier, c'est souvent grâce aux prestations que le patron inférieur, B, reçoit du patron supérieur, A, qu'il peut établir ou maintenir avec son client, C, une relation de patronage». C'est le cas, par exemple, lorsqu'un député se tourne vers son collègue ministre pour plaider en faveur de l'attribution d'une subvention à une entreprise de sa circonscription.

La prise en compte des caractéristiques constitutives du patronage fournit un éclairage utile, à la limite nécessaire, à la compréhension des dynamiques générées dans cette pratique, la configuration desquelles se rapproche en fin de compte de celle du lobbying. À la base, en tant que mécanismes de médiation-relais, les relations de patronage mettent des membres de la société civile en rapport avec les institutions politiques. La relation entre les parties prenantes donne lieu d'abord à une première transformation dans le cadre d'un échange par lequel le patron gagne en puissance (en obtenant, par exemple, de l'information, du financement ou des votes) et le client devient moins impuissant (en obtenant quant à lui des ressources ou avantages matériels – emploi, subvention, contrat, par exemple – ou des atouts symboliques, tel le prestige). C'est précisément la perspective de voir son impuissance réduite en assurant son accès aux ressources publiques qui explique que le client se soumette, dans la relation de patronage, aux modalités et conditions définies par le patron (Roniger et Günes-Ayata, Reference Roniger and Günes-Ayata1994 : 4).

La réalisation de l'échange entre le patron et le client ouvre la voie à une deuxième transformation, qui s'opère essentiellement au profit du patron, contribuant à «l'amélioration de la position du patron par rapport à des rivaux» (Lemieux, Reference Lemieux2006 : 111). C'est précisément le résultat attendu de cette deuxième transformation qui, le plus souvent, incite le patron à lancer une relation de patronage, ou à s'y engager. Ainsi note-t-on que «le patronage politique a pour finalité de soustraire aux partis rivaux des appuis susceptibles d'améliorer leurs positions dans la compétition politique» (Lemieux, Reference Lemieux1987 : 6).

Figure 3 Schématisation d'une relation de patronage

Tout comme c'est le cas pour le lobby dans la relation de lobbying, la deuxième transformation de la relation de patronage n'est pas toujours exclusivement à l'avantage du patron. En effet, la relation de patronage peut également devenir le tremplin d'une puissance majorée du client par rapport à ses propres concurrents. Prenons, par exemple, le cas d'un entrepreneur qui, obtenant un contrat dans le cadre d'une relation de patronage, en tirerait un avantage immédiat, mais aussi potentiellement, à plus long terme, un avantage comparatif sur ses concurrents. Ce développement demeure toutefois subordonné à la volonté du patron d'initier la relation ou de s'y engager, cette décision étant globalement fonction de l'avantage apporté dans cette deuxième transformation, qui demeure la raison d'être de la relation (Lemieux : Reference Lemieux1987).

En reconnaissant que le jeu politique – selon lequel les acteurs cherchent à obtenir une position avantageuse par rapport à leurs concurrents – occupe une place légitime dans toute société démocratique, une analyse strictement politique des dynamiques inhérentes aux relations de patronage ne peut s'arrêter à une condamnation pure et simple de la pratique. C'est dans cet esprit que nous envisageons, dans la suite, la coexistence possible du patronage et du lobbying.

3. Coexistence (et cohabitation) des deux formes de médiation

Jusqu'ici, nous avons traité le patronage et le lobbying comme deux pratiques distinctes, en mettant en relief leurs similitudes et leurs spécificités. Nous avons délibérément négligé l'hypothèse de leur coexistence. D'ailleurs, le répertoire des analyses sur ces phénomènes n'accorde pas une très grande place à cette possibilité. Comme nous l'avons vu, il n'est pas exceptionnel, par exemple, que l'une et l'autre pratiques soient spécifiquement associées à des époques historiques ou étapes distinctes de l'évolution d'une société. Des analyses tendent parfois à ancrer cette idée, telle la distinction formulée par Lemieux (Reference Lemieux1962) entre le rôle de médiateur et celui de législateur, laquelle trouve pratiquement un écho dans la contribution plus récente de Fenno (Reference Fenno Jr.2000). Celui-ci remarque, dans le cadre d'une étude longitudinale portant sur les stratégies de représentation de deux représentants de l'état de Géorgie, le passage graduel d'une Person-Intensive Strategy, prédominante dans les années cinquante, à une Policy-Intensive Strategy, caractéristique des années quatre-vingt-dix. La première stratégie, propice aux relations de patronage, est fondée sur le contact personnel entre le représentant et ses commettants, la fonction de médiation étant fondamentale. La deuxième se caractérise plutôt par la volonté, de la part du représentant, de jouer un rôle d'«éducateur» politique auprès de ses commettants, en leur transmettant l'information politique en provenance de Washington, accordant ainsi prépondérance à la fonction législative.Footnote 20 Au vu de ces développements et à la faveur d'une vigilance dont l'insuffisance ne permet pas d'éviter le piège d'une équivalence discutable entre modernisation et progrès, la conclusion est assez vitement tirée d'une régression du patronage dans les sociétés contemporaines.

Notre description des relations de patronage, conçues dans le cadre de la réalisation d'une médiation-relais, invite à dépasser une vision strictement historique selon laquelle l'activité correspondrait au mieux (ou au pire!) à des vestiges de sociétés plus anciennes, plus traditionnelles. Notre perspective permet plutôt de considérer le patronage comme un phénomène qui a traversé le temps, au-delà des cultures et des classes (Johnson et Dandeker, Reference Johnson, Dandeker and Wallace-Hadrill1989 : 220) :

[…] while any single type of patronage, as for instance semi-institutionalized kinship-like personal dyadic patron-client relationship, may disappear under [given] conditions, new types may appear, and […] they can be found in a variety of forms in many societies, cutting across different levels of economic development and political regimes, and seemingly performing important functions within these more highly developed modern frameworks.

(Eisenstadt et Roniger, Reference Eisenstadt, Roniger, Eisensdatd and Lemarchand1981 : 272)

La persistance du phénomène est toutefois oblitérée par le flou conceptuel qui, souvent, marque respectivement les notions de patronage et de lobbying. Cela semble en partie attribuable à l'ambiguïté même de certaines situations, qui est liée, entre autres, à la conversion de nombreux ex-politiciens au lobbying (Hudon, Reference Hudon1987 : 131). Kristensson (Reference Kristensson1996 : 436) souligne aussi la non-étanchéité de la frontière entre les deux phénomènes : «The difference between brokerageFootnote 21 and interest-group politics is in some cases a subtle one. This is the case where interest representation is highly fragmented and/or there exist great asymmetries in power relations». Roniger (Reference Roniger2004 : 358) renchérit : «While formally more personalized and less structured, clientelism, adapted to a democratic context, is thus more like interest group, political influence, and lobbying». Sur la base de ces observations, il nous paraît possible de concevoir la coexistence de pratiques de patronage et de pratiques de lobbying non seulement à l'intérieur d'une même société, mais à l'intérieur d'une même relation.

Un premier cas (Figure 4) se présente, au départ, comme une relation de patronage par laquelle un patron cherche à corriger sa situation de relative instabilité dans le cadre de ses rapports avec des rivaux, ce que permet la deuxième transformation issue de sa relation avec un client. Cette préoccupation donne à la relation un caractère à dominance politique (au sens de politics). Or, par la réalisation de la première transformation et par la nature des biens échangés dans ce cadre, le résultat, pas forcément tout à fait délibéré, pourrait être de faciliter (ou d'entraver) l'adoption d'une politique publique (policy) et d'avantager le client dans ses rapports avec des concurrents. Ainsi, par incidence ou par reconversion recherchée, les protagonistes de la relation de patronage adoptent aussi des conduites propres à une relation de lobbying.

Figure 4 Coexistence patronage – lobbying (dominance politics)

Illustrons d'un cas hypothétique, mais vraisemblable, pouvant survenir à l'occasion d'une activité de financement au profit d'un parti politique. Pareille activité, qui vise explicitement à renforcer la position du parti dans les joutes électorales à venir, présente les conditions d'une réciprocitéFootnote 22 propre à une relation de patronage, incarnée par des acteurs spécifiques : un patron (sous la figure d'un ministre, par exemple) reçoit une contribution financière d'un client (tel le président d'une entreprise de construction de routes) qui, en retour, gagne des avantages de nature plus ou moins tangible (prestige, enrichissement du réseau de contacts et ainsi de suite). Comme l'occasion fait souvent le larron, ce type d'événement, légitime, peut par ailleurs, sans surprise, créer les conditions d'une relation de patronage particulière, proche du lobbying, entre le ministre et l'homme d'affaires si, à la faveur d'une conversation personnalisée, ce dernier en profite pour faire valoir sa position à l'égard d'une politique publique donnée. Sa seule présence pouvant créer chez le patron, aussi TCP, un préjugé favorable à son égard, le client, se faisant momentanément lobbyiste, peut même être dispensé d'un plaidoyer, ayant le sentiment qu'une représentation future bénéficiera probablement d'un bon accueil de la part du ministre.Footnote 23

Un deuxième cas (Figure 5) se présente, au départ, comme une relation de lobbying par laquelle s'exprime l'intention d'influence d'un lobby quant à un enjeu de politique publique. Par cet aspect, la relation concerne de manière prédominante des politiques (policies), déterminée par la nature des objets de l'échange, mais aussi articulée à une deuxième transformation qui affecte la position du lobby face à ses concurrents. Cela étant, il n'est cependant pas complètement écarté que, dans certaines circonstances et conditions, les protagonistes adoptent, concurremment ou en complément, des conduites propres à une relation de patronage. Le lobby qui cherche à modifier en sa faveur le rapport de force qui l'oppose à des concurrents peut menacer de punir électoralement, ou financièrement, un TCP récalcitrant à ses demandes pour ainsi modifier délibérément le rapport du TCP avec ses rivaux.Footnote 24 Par exemple, à l'occasion de la mise en œuvre de la loi 25Footnote 25 au Québec, un élu municipal, à la tête d'une coalition de citoyens, avait convaincu la députée locale de porter le dossier de leurs revendications auprès du ministre concerné; pour ce faire, il avait fait valoir les effets potentiels de la mobilisation citoyenne – capacité déjà démontrée sur le territoire – sur la «réélection» de cette dernière (Contandriopoulos et al., Reference Contandriopoulos, Hudon, Martin and Thompson2007). De même a-t-on pu voir, à la veille des élections générales de 2003, glisser vers des dynamiques propres au patronage le lobbying exercé auprès du Parti libéral du Québec (PLQ) pour le convaincre, en échange de votes, de s'engager à procéder aux «défusions» municipales si l'issue de l'élection devait leur être favorable. Selon plusieurs (dont Duchesne, Reference Duchesne2003), la réponse positive du PLQ à ces demandes aurait été déterminante de victoires libérales dans plusieurs circonscriptions qui traditionnellement ne donnent pas de tels résultats.

Figure 5 Coexistence lobbying – patronage (dominance policies)

Bien qu'elles puissent être estimées exagérément subtiles, les distinctions proposées permettent de limiter les multiples possibilités de confusion entre patronage et lobbying. Par trop sommaire, ce développement sur la coexistence (et cohabitation) du lobbying et du patronage signale à tout le moins la complexité des phénomènes ici examinés et invite à la plus grande circonspection dans l'établissement des diagnostics et dans l'élaboration des réglementations qui les visent. Généralement condamnée, plus ou moins ignorée même, la pratique du patronage, avons-nous tenté de montrer, n'est pas révolue dans nos sociétés contemporaines. En fait, elle coexiste souvent avec le lobbying, les deux activités allant parfois jusqu'à «cohabiter» dans le déroulement de relations d'une plus grande complexité. Notre insistance sur la contribution pratique du lobbying et du patronage à la mise en rapport de la société avec les institutions politiques s'est voulue épurée des considérations strictement normatives qui en restreignent trop souvent la compréhension. Par ailleurs, nous reconnaissons que ces pratiques, à l'instar de toute conduite humaine, connaissent aussi des dérives, comme en atteste le très médiatisé «scandale des commandites».

Les dérives possibles des deux modes de médiation

Le malaise que provoquent la pratique du patronage et, dans une mesure peut-être un peu moindre, celle du lobbying semble souvent découler de jugements généraux qui prennent une coloration strictement normative. Or, nous estimons que les règles éthiques (et déontologiques) conçues pour assurer leur encadrement atteindront probablement avec plus d'efficacité leur objectif, couramment affirmé, de restaurer la confiance des citoyens dans les institutions et processus démocratiques si l'effort est consenti de les articuler sur deux dimensions distinctes des pratiques visées. Ainsi, l'attention peut d'abord porter sur la nature et l'ampleur des moyens que s'échangent les principaux participants à des relations de patronage et de lobbying pour donner une première transformation de leur rapport réciproque et asymétrique. Un choix de «partenaires» jugé excessivement discrétionnaire entraînera régulièrement la réprobation. Ce sont toutefois les effets des avantages obtenus de cette première transformation, tels qu'ils se répercutent dans la réalisation d'une deuxième transformation, qui inspirent les dénonciations souvent les plus virulentes.

Dans tous les cas de figure, ce sont les transgressions à des principes et valeurs démocratiques largement acceptés qui fondent les perceptions négatives des phénomènes du patronage et du lobbying. Ainsi, dans le cas du lobbying, ces perceptions peuvent se rapporter à la nature des moyens échangés, mais apparemment surtout à la nature des moyens dont est présumé disposer le lobby pour convaincre le TCP. Dans ces conditions, on se retrouve parfois assez près des thèses relatives au bon et au mauvais patronage sous la forme des petit et gros patronages (Hudon : Reference Hudon1974) : il y aurait ainsi un bon et un mauvais lobbying! Le premier serait le fait d'acteurs porteurs d'intérêts à contenu social, humanitaire, artistique, ou autre, alors que le second est régulièrement associé aux «puissances» économiques qui auraient le pouvoir de fausser le jeu de la compétition égale dans l'idéal démocratique. Sur ce point, notre réaction peut paraître brutale : un lobby est un lobby (Hudon : Reference Hudon2007)! Liée à la présomption de puissance de lobbies spécifiques, la crainte de voir s'éroder la capacité des TCP de décider de manière relativement autonome et que soit négligé l'objectif parfois vaporeux de l'intérêt général, sert à justifier l'encadrement plus ou moins sévère du droit démocratique de (re)présentation libre de ses intérêts et opinions. En somme, la décision d'encadrement semble reposer sur deux motifs principaux : empêcher que soit renversé le rapport asymétrique qui, théoriquement, doit être à l'avantage du TCP par rapport au lobby; et limiter les effets plus diffus d'une concurrence inégale entre lobbies…

Dans le cas du patronage, la volonté de correction se décline visiblement moins sur la nuance. Néanmoins, les condamnations s'articulent sur des logiques similaires à celles que nous venons de présenter concernant le lobbying : la nature et l'ampleur des moyens échangés entre le patron et le client et le déséquilibre du statut réciproque de ces derniers. Touchant la nature des objets de l'échange, se retrouve une «distinction» équivalente à celle qui est repérée au regard du lobbying. Ainsi Médard (Reference Médard2000 : 75) prend-il soin de marquer la différence entre le clientélisme en tant que forme de corruption qui implique un «échange social», acceptable, et la corruption en tant qu'«échange marchand». Pour le reste, est objet de réprobation toute distorsion jugée abusive, tout d'abord dans le champ de la première transformation, quant au principe de traitement égalitaire des clients potentiels par le patron et à la capacité des patrons de décider plus ou moins librement (cas exemplaire de la corruption), puis dans le champ de la deuxième transformation, quant à une relative égalité dans les luttes qui marquent les rapports entre rivaux politiques. Bien que la frontière entre le tolérable et l'excessif se révèle à la fois floue et poreuse, des «formes excessives» du patronage sont «identifiables au niveau de la destination des moyens distribués à des clients dans le cadre de la relation, et au niveau des rapports qui se développent entre le patron et le client» (Lemieux et Hudon, Reference Lemieux and Hudon1975 : 163). Une typologie peut en être sommairement établie : le népotisme, le favoritisme, le graissage, le chantage et la corruption.

Le «scandale des commandites» constitue un objet offrant de multiples possibilités d'application des distinctions qui précèdent. Même si cet épisode a été associé maintes fois dans les médias à la pratique du lobbying, un examen plus attentif fait ressortir une correspondance plus étroite avec des manifestations caractéristiques du patronage. Les faits soumis à enquête ne s'attachaient pas au choix d'une politique publique, même si l'écho retentissant qu'a eu ce scandale au Québec tient d'abord à la nature des sensibilités politiques qu'il contribua à heurter. Ils se rattachaient plutôt au comportement politique d'acteurs responsables de la mise en application d'une politique publique. Par contre, ce sont les excès constatés dans ces formes de comportement qui choquèrent, non plus seulement au Québec, mais dans l'ensemble du Canada.

À l'origine, dans la foulée d'une très courte victoire de l'option fédéraliste au référendum de 1995, le programme des commandites vise à faire contrepoids au message souverainiste au Québec. Les souverainistes québécois ont vu dans cette intervention une tentative de fausser le débat démocratique sur le statut futur du Québec, mais les attitudes de réprobation générale se greffèrent apparemment davantage au sentiment que les fonds publics étaient utilisés tout à fait arbitrairement au profit de certains acteurs politiques gravitant autour du Parti libéral du Canada (PLC). Il est intéressant d'observer de plus près en quoi consistent les excès ayant soulevé l'indignation populaire.

Tout d'abord, l'enquête sur le programme des commandites a clairement mis en évidence des situations de favoritisme, une pratique qui «tire sa spécificité du caractère ‘discrétionnaire’ plus poussé» de la relation de patronage (Lemieux et Hudon, Reference Lemieux and Hudon1975 : 164–165). Le choix des agences de publicité a en effet reposé à peu près exclusivement sur des critères discrétionnaires établis par les responsables du programme, fonctionnaires ou membres du personnel politique, sans recours à la procédure usuelle d'appel d'offres. L'enquête a aussi révélé des traces de népotisme, alors que le fils adoptif du premier ministre Chrétien se trouvait à l'emploi de l'une des agences spécialement privilégiées.Footnote 26 Les commissions «hors de proportion» versées à des agences de publicité dans la réalisation de leurs contrats constituent, ni plus ni moins, des formes de graissage.Footnote 27 Par ailleurs, le témoignage de M. Jean Brault, dirigeant de l'une de ces agences, éveille de sérieux soupçons de corruption, lorsque sont pratiqués «à la fois le graissage et le chantage» sur le client «avec l'intention bien arrêtée de le maintenir ou de le réduire à un état de dépendance» (Lemieux et Hudon, Reference Lemieux and Hudon1975 : 167). M. Brault en rend lui-même bien compte en confessant que la valeur des montants reçus par son agence était telle qu'il lui était difficile, voire impossible, de se retirer de cette relation.Footnote 28

Même si seulement allusifs, les derniers développements illustrent avec force une pérennité des pratiques de patronage. Pourquoi alors avoir plus ou moins négligé de parler de cette dimension dans le traitement du «scandale des commandites» pour plutôt privilégier la dénonciation de cas présumés de lobbying? Peut-être aime-t-on croire, finalement, qu'on a réussi à pratiquement éradiquer des conduites qui, par essence, ressemblent beaucoup plus à du patronage qu'à du lobbying. D'aucuns se seront rassurés du seul fait que des coupables désignés du «scandale des commandites» ont été mis au pilori et sévèrement punis. Il est tout de même révélateur que le législateur ait voulu prévenir la répétition de tels événements, principalement avec l'adoption de la Loi sur la responsabilité (LC 2006, c. 9) qui renouvelle les balises touchant le lobbying et l'imputabilité des TCP et des fonctionnaires en particulier.Footnote 29

Conclusion : médiation politique et législation

Les dérives associées à certaines modalités de la médiation-relais ont conduit à des réglementations de nature et de portée variables. Malgré les nombreuses similitudes de leurs dynamiques, le lobbying et le patronage ont été traités fort différemment.

Ainsi, au fil des années, plusieurs interventions ont tout simplement visé à enrayer le patronage, particulièrement en réduisant radicalement la disponibilité des moyens sans lesquels l'échange que suppose l'activité devient impossible. Dans le contexte québécois, citons, à titre d'exemples, la Loi régissant le financement des partis politiques, qui vise spécifiquement les contributions financières; la Loi sur la fonction publique et la Commission de la fonction publique, issues de l'intention de limiter les nominations partisanes; la Politique sur les marchés publics et le Règlement sur les contrats d'approvisionnement, de construction et de services des ministères et des organismes publics, dont l'objet est d'encadrer l'octroi de contrats gouvernementaux, et ainsi de suite. À ces interventions s'ajoutent encore de nombreuses règles touchant le comportement des TCP, axées sur le souci d'assurer leur intégrité.Footnote 30

Ces multiples mesures n'ont manifestement pas réussi à contrer certains développements qui témoignent de la pérennité du patronage. Ainsi, Crenson et Ginsberg (Reference Crenson and Ginsberg2004) voient-ils émerger, aux États-Unis, un «nouveau patronage» dans le contexte d'une démocratie qui, de populaire, serait devenue «personnelle» (personal democracy), alors que l'on assiste à la conversion du citoyen en consommateur (individualiste). Dans ces conditions, plusieurs citoyens avides de satisfaire leurs besoins spécifiques stimulent la «demande» de patronage, les législations en place ne parvenant effectivement à dissuader que le recours à ses formes excessives. On peut donc concevoir, avec Piattoni (Reference Piattoni and Piattoni2001), le patronage comme une forme de médiation politique fondée sur la reconnaissance des particularismes. Briquet (Reference Briquet, Briquet and Sawacki1998 : 34–35) abonde, en présentant les relations de patronage – ou de clientélisme – comme une façon, parmi d'autres, de personnaliser les rapports politiques : «l'individualisation des rapports politiques et l'économie du don participent certainement à l'inscription de la politique dans les structures de la vie quotidienne et contribuent par là à doter de significations concrètes des relations a priori dépersonnalisées et abstraites.»

Dans cette perspective, le patronage peut contribuer à une certaine réappropriation du politique par le citoyen, qui se trouve appelé à participer plus directement aux mécanismes de médiation : «Reaching toward the middle ground of effective political processes, studies of clientelism reflect a rising interest in ‘real’ politics and the actual workings of civil society» (Roniger, Reference Roniger2004 : 360). Ce point de vue appelle le dépassement d'une perception strictement normative de l'activité, en vertu de laquelle elle serait d'emblée à condamner, et il soulève la question embarrassante de sa légitimité. Si, par exemple, le jugement était porté au vu des «résultats», il y aurait prise pour la justification d'une pratique qui peut notamment avoir un «effet égalisateur», comme dans le cas où «les clients appartiennent à des catégories inférieures de la collectivité» (Lemieux, Reference Lemieux1987 : 14). Dans un esprit similaire, la Banque mondiale a reconnu la légitimité, dans certaines circonstances et en vertu de certaines balises, des nominations politiques : «A small number of these appointments are justified as a means for political leaders to fashion a circle of government policymakers and managers who share a common agenda» (cité dans Roniger, Reference Roniger2004 : 366). Parce que le patronage recèle des pratiques occultes (occultées?) et contribue ainsi à la constitution d'un «registre double» d'activités officielles et officieuses, il semble que son analyse et son évaluation reposent d'abord sur la reconnaissance de ce dualisme. Les acteurs engagés dans une relation concrète devraient ainsi être conscients de cette situation pour mieux prévenir les déséquilibres qui peuvent en résulter (Briquet, Reference Briquet, Briquet and Sawacki1998 : 35).

À la différence du patronage, la reconnaissance du caractère légitime de la pratique du lobbying est aujourd'hui en nette progression, malgré que l'activité demeure l'objet de jugements critiques fondés sur la persistance de comportements discutables sur le plan éthique. L'adoption de diverses mesures législatives et réglementaires destinées à l'encadrerFootnote 31 a curieusement contribué à cette reconnaissance. En imposant la transparence, principalement par l'obligation faite aux lobbyistes d'inscrire leurs activités à un registre ouvert à la consultation publique, les législations et réglementations connues contribuent vraisemblablement à réduire potentiellement le caractère discrétionnaire et personnalisé des relations de lobbying … sans pour autant les proscrire. Par ailleurs, la récente Loi sur la responsabilité (LC 2006, c. 9) manifeste bien une volonté de resserrement de règles et traduit éloquemment l'attitude de suspicion dont continue d'être marqué le lobbying.

Les effets des mesures d'encadrement demeurent néanmoins limités, notamment en raison de la complexité de la pratique et de l'étendue des répertoires d'action. La conception du lobbying véhiculée par les lois et règlements ne couvre généralement pas les activités d'influence qui se manifestent par l'entremise de canaux indirects tels que la publicité, les campagnes de relations publiques ou autres démarches associées au grass roots lobbying. De même ne tient-elle généralement pas compte d'une série d'opérations menées en amont, déterminantes du succès d'une relation de lobbying : la veille médiatique, la rechercheFootnote 32 et ainsi de suite. La recherche de règles exemplaires d'encadrement soulève quand même quelques dilemmes qui imposent une réflexion sur l'évolution et le sens des pratiques démocratiques, particulièrement dans un contexte où les partis politiques sont, justement, l'objet d'un scepticisme et d'un cynisme croissants. D'autre part, la bureaucratisation de la «surveillance», souhaitable par certains aspects, pose à son tour un problème non banal d'un point de vue démocratique : «[…] restraint of the power of the elected political elite by a nonelected bureaucratic elite is a prerequisite for a properly functioning democracy. Not surprisingly, the independent power of a non-elected elite is also a source of problems for democracy.» (Etzioni-Halevy, Reference Etzioni-Halevy, Heidenheimer, Johnston and LeVine1989 : 302)

À l'instar de von Alemann, peut-être faut-il admettre que la corruption, qui entache parfois les pratiques de médiation pour donner racine à tous les amalgames (médiatiques), ne peut pas être définitivement abolie : «Political corruption is almost inevitable in a political culture – and that is exactly what must be learned by the political public and taught by political scientists» (Reference von Alemann, Heidenheimer, Johnston and LeVine1989 : 867). Cet aveu, bien que choquant, traduit bien prosaïquement une certaine lucidité. Loin d'être pessimistes, ces conclusions appellent plutôt un certain pragmatisme. C'est dans cet esprit que s'inscrit notre contribution. Il nous semble, en effet, qu'une clarification des dynamiques propres au lobbying et au patronage, qui met en relief à la fois leurs similitudes, leurs dissemblances et leurs risques de dérives ou d'excès, peut contribuer à de meilleurs diagnostics des problèmes et à des réglementations plus adéquates. Nous espérons avoir apporté quelques éléments utiles à de tels exercices, particulièrement dans un contexte où la réglementation de ces activités a la cote.

Footnotes

1 De son titre complet : Loi prévoyant des règles sur les conflits d'intérêts et des restrictions en matière de financement électoral, ainsi que des mesures en matière de transparence administrative, de supervision et de responsabilisation (LC 2006, c. 9).

2 Plusieurs des études examinées ont été menées dans un contexte états-unien, elles n'en sont pas moins pertinentes à notre propos en révélant des dynamiques utiles à notre montage conceptuel.

3 Un article récent (Wang et Kurzman, Reference Wang and Kurzman2007) fournit de précieux indices de la faible attention consacrée à ce phénomène. Même si l'objet de cet article – soit le clientélisme et encore plus spécifiquement l'achat de votes – est relativement restreint, il est révélateur que des 73 références recensées dans la bibliographie, seulement six (un peu plus de 8 %) ne soient pas antérieures à l'année 2000 (trois, de 2007, sont tirées d'un seul ouvrage collectif)!

4 Il est ironique que ce développement coïncide plus ou moins étroitement avec la diffusion des thèses de Mancur Olson (Reference Olson1965)!

5 Ayberk et Schenker (Reference Ayberk and Schenker1998) soulignent la progression de pratiques pluralistes, en dépit de la persistance, plus ou moins accessoire, de conduites corporatistes et clientélistes auprès des institutions européennes.

6 Pour un développement autour de ces notions de première et deuxième générations de groupes d'intérêt, voir Hudon (Reference Hudon, Pelletier and Tremblay2005 : 206–215).

7 Signalons ainsi, en ce qui concerne spécifiquement le patronage, l'effet potentiellement stimulant qu'il peut entraîner sur la participation électorale des citoyens (Hudon : Reference Hudon1987). En constituent une « démonstration» a contrario les observations de Schudson (Reference Schudson2007 : 245) concernant le resserrement de l'encadrement et de la réglementation touchant les partis au tournant du vingtième siècle aux États-Unis : vote secret, référendums d'initiative populaire, élections primaires, etc. Selon Schudson, les promoteurs de ces mesures obtinrent des résultats plutôt inattendus : «What they accomplished with these reforms was to reduce voter turnout from more than 70 percent in the 1880s and 1890s to less than 50 percent by the 1920s».

8 Il semble toutefois se dessiner un retour à la désignation antérieurement répandue; ainsi avec l'adoption de la Loi sur la responsabilité (LC 2006, c. 9), la Loi sur l'enregistrement des lobbyistes (LC 1985, c. 44) est devenue simplement la Loi sur le lobbying.

9 On sent bien ici la trace de la première conception, que Gaston Bachelard associerait à l'obstacle de la «connaissance première». Montpetit (Reference Montpetit2002 : 96) propose de concevoir trois autres types d'action (gouvernance, consumérisme public, tendance vers l'autorégulation) des groupes, qui se distingueraient du lobbying par référence à la forme et à la portée de la communication de ces groupes avec l'État.

10 À ce sujet, voir Nownes (Reference Nownes2006).

11 La notion de milieu d'intervention est empruntée à Spanou (Reference Spanou1991 : 256) et elle renvoie assez simplement au milieu «qui est particulièrement concerné par [l']action» d'une administration.

12 Signalons toutefois, avec Wilson (Reference Wilson1981 : 129), que les conditions de réalisation de ce pragmatisme ne sont plus identiques à celles des années 1950. En effet, avec le recul de la loyauté à l'égard des partis politiques, les groupes d'intérêt jouissent d'une marge de manœuvre accrue dans l'exercice de pressions sur les TCP, spécialement ceux qui sont engagés dans des activités partisanes. D'où de potentielles relations de patronage lancées à l'initiative d'un lobby momentanément converti en client. Nous traitons explicitement cette question. plus loin.

13 Comment ne pas noter qu'ainsi, la porte s'entrouvre sur des relations plus proches des dynamiques caractéristiques du patronage?

14 La notion de membre peut être prise ici dans un sens large. La «logique du membership» renvoie certes aux membres des groupes d'intérêt, mais elle peut également s'appliquer aux donateurs de ces groupes – dont la contribution se limite souvent à une «participation par chéquier» – et aux actionnaires d'une entreprise, qui s'attendent à ce que les démarches en matière de représentation portent fruit.

15 Ainsi, les méthodes d'intervention peu orthodoxes du mouvement animaliste ne font pas partie des répertoires habituels des bonnes manières ni des techniques propres à un lobbying soucieux de respectabilité. Le recours à la distorsion ou manipulation des faits ou à la fabrication de preuves n'est cependant pas exceptionnel pour les groupes qui incarnent ce mouvement. Les dénonciations – dont les enquêtes policières établiront le bien-fondé ou pas – de la ferme Les Élevages Périgord au Québec par le Réseau action globale (RAG) en fournissent une très belle illustration, tout en apportant des éléments contribuant à valider la théorie de la survie. D'un côté, à coups d'éclat, l'action des militants animalistes, dont l'une des organisations les plus importantes est People for the Ethical Treatment of Animals (PETA), par son action aux États-Unis, est parvenue à faire interdire la vente de foie gras à Chicago et serait en voie d'obtenir un résultat similaire à New York, tout en réussissant à en faire interdire la production en Californie (à l'instar d'au moins seize pays occidentaux). Mais le côté spectaculaire des gestes posés vise au moins autant à assurer un financement dont dépend ce type d'organisation. Pour une analyse de ce cas, voir Louis-Gilles Francoeur, «Les canards boiteux», Le Devoir, 12 juillet 2007. Voir aussi Sylvain Charlebois, «Vive le foie gras!», Le Devoir, 13 juillet 2007.

16 Confessons d'ailleurs que notre description et caractérisation de la relation TCP-lobby fut d'abord inspirée d'analyses de la relation patron-client!

17 L'identification des caractéristiques constitutives des relations de patronage varie légèrement d'un auteur à l'autre. Ainsi, Médard (Reference Médard1976) identifie la personnalisation, la réciprocité et la dépendance comme les trois traits. constitutifs des relations de clientèle.

18 L'étude de Wang et Kurzman (Reference Wang and Kurzman2007) sur l'achat des votes à Taiwan oblige cependant à reconnaître que le client peut faire preuve d'une relative indépendance en ne livrant pas le vote pour lequel il a pourtant touché le paiement versé par un patron-courtier. Le bris de contrat peut ne pas correspondre à une simple affirmation du client face au patron, mais lui être «autorisé» par divers facteurs qui tiennent plutôt à la puissance limitée du patron.

19 Kitschelt (Reference Kitschelt2000) abonde en soutenant que la personnalisation est liée à une conception plutôt classique du patronage, qui tend aujourd'hui à s'estomper devant l'émergence de nouvelles formes de pratiques, en vertu desquelles les commettants sont parfois regroupés de façon formelle et hiérarchisée, voire institutionnalisée. Dans ces conditions, les rapports entre patron et client deviendraient plus impersonnels.

20 Fenno explique le changement, marqué par le passage dans le temps d'une stratégie à l'autre, par l'évolution des technologies de l'information et des communications et par l'explosion du nombre de demandes provenant des commettants qui en a résulté, facteurs qui rendent beaucoup plus difficiles les démarches personnalisées.

21 Bien que la notion de brokerage ne soit pas absolument synonyme à celle de patronage au sens purement linguistique, les deux termes sont quasi-interchangeables dans la litérature qui nous concerne ici.

22 Évidemment, la référence explicite au seul trait de la réciprocité n'évacue aucunement les autres caractéristiques constitutives d'une relation de patronage (caractère discrétionnaire, asymétrie, personnalisation et, potentiellement, transitivité). Cependant, nous avons choisi de ne pas les discuter plus en détail ici.

23 Au vu de ces conditions, on comprend que des lobbyistes considèrent importante leur participation, ou celle de leurs clients, à de telles activités!

24 Les rapports de rivalité peuvent aussi prendre place entre fonctionnaires ou administrations, tout autant qu'entre candidats à des fonctions électives ou organisations partisanes.

25 Loi sur les agences de développement de réseaux locaux de services de santé et de services sociaux (LQ 2003, c. 21).

26 Soit la firme Pluri Design. Source : http://www.radio-canada.ca/nouvelles/special/nouvelles/commandites/200504/15/001-corriveau-nie.shtml (site consulté le 27 novembre 2005).

27 Dans un témoignage, où on reconnaît des formes de graissage et de népotisme, M. Jean Lafleur «a reconnu que sa femme, sa fille, son fils Éric et lui avaient reçu plus de 12 millions de dollars en salaires et primes, entre 1994 et 2000». Source : http://www.radio-canada.ca/nouvelles/special/nouvelles/commandites/200504/14/001-acteurs.shtml (site consulté le 27 novembre 2005).

28 L'on peut lire le témoignage de M. Jean Brault à l'adresse http://gomery.irri.net/Apr%2006,%2005PB/gomery93apr0605PB3of3.pdf (site consulté le 27 novembre 2005).

29 Il est remarquable que l'on ait si peu insisté sur le fait que près de la moitié des recommandations formulées dans le rapport Gomery visaient les conduites des fonctionnaires.

30 Par exemple, au Québec, les élus doivent se conformer aux règles touchant les conflits d'intérêts, telles que stipulées dans la Loi sur l'Assemblée nationale, la Loi de l'exécutif ainsi que dans plusieurs directives, dont la Directive sur la transparence et l'éthique relativement à l'exercice des fonctions du personnel des cabinets de ministre. Les membres de la fonction publique ne sont pas en reste, soumis à leur tour aux exigences éthiques et déontologiques de la Loi sur la fonction publique (qui traite abondamment d'intégrité), de la Loi modifiant la Loi sur le ministère du Conseil exécutif concernant l'éthique et la déontologie, ainsi qu'aux prescriptions de nombreux règlements et directives, dont le Règlement sur l'éthique et la déontologie des administrateurs publics et le Règlement sur les normes d'éthique, de discipline et le relevé provisoire des fonctions dans la fonction publique. Les lois et règlements sont disponibles sur le site des Publications du Québec, à l'adresse http://www.publicationsduquebec.gouv.qc.ca (consulté le 9 mai 2006) alors que les directives sont accessibles via le site du Premier ministre du Québec, à l'adresse http://www.premier.gouv.qc.ca (consulté le 9 mai 2006).

31 L'encadrement par voie législative demeure toutefois un phénomène à peu près exclusivement nord-américain. En Europe, bien que le phénomène ait été l'objet d'examens poussés, les législations demeurent l'exception.

32 Le Lobbying Disclosure Act (Public Law 104–65) des États-Unis fait de la recherche une partie constituante de l'activité de lobbying.

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Figure 0

Tableau 1 Deux formes de médiation politique

Figure 1

Figure 1 Schématisation d'une relation de lobbying – Théorie de l'échange

Figure 2

Figure 2 Schématisation d'une relation de lobbying – Théorie de la survie organisationelle

Figure 3

Figure 3 Schématisation d'une relation de patronage

Figure 4

Figure 4 Coexistence patronage – lobbying (dominance politics)

Figure 5

Figure 5 Coexistence lobbying – patronage (dominance policies)