Introduction
Parmi l’ensemble des services gérontologiques et gériatriques mis en place pour répondre aux besoins de la population vieillissante, on trouve le centre de jour (CJ), un service offert aux personnes âgées qui présentent des incapacités et qui demeurent à domicile. Les interventions en CJ comprennent des activités de surveillance de l’état de santé, des activités d’enseignement et de prévention, des activités de réadaptation visant essentiellement le maintien des capacités, des interventions psychosociales et de loisirs ainsi que du répit et du soutien aux familles (Gutman, Milstein, Killam, Lewis, et Hollander, Reference Gutman, Milstein, Killam, Lewis and Hollander1993b ; Regroupement des centres d’hébergement et de soins de longue durée de la région de Montréal, 2005). Elles sont offertes principalement sous forme d’activités de groupe, bien que certaines interventions individuelles soient aussi réalisées.
Les interventions du CJ sont une composante importante des services de soutien à domicile. Elles contribuent à améliorer le bien-être psychologique et la qualité de vie des personnes âgées ainsi qu’à diminuer le stress et le sentiment de fardeau de leur personne de soutien (Baumgarten, Lebel, Laprise, Leclerc, et Quinn, Reference Baumgarten, Lebel, Laprise, Leclerc and Quinn2002 ; Schacke et Zank, Reference Schacke and Zank2006 ; Strain, Chappell, et Blandford, Reference Strain, Chappell and Blandford1987 ; Zank et Schacke, Reference Zank and Schacke2002 ; Zarit, Stephens, Townsend, et Greene, Reference Zarit, Stephens, Townsend and Greene1998). De plus, lorsque le maintien à domicile n’est plus possible, l’utilisation du CJ préalable au placement en institution aurait un effet protecteur sur le déclin cognitif de personnes atteintes de démence lors du placement (Wilson et al., Reference Wilson, McCann, Li, Aggarwal, Gilley and Evans2007).
Plusieurs études ont décrit les caractéristiques des utilisateurs de CJ (Cefalu, Ettinger, et Espeland, Reference Cefalu, Ettinger and Espeland1996 ; Cohen-Mansfield, Lipson, Brenneman, et Pawlson, Reference Cohen-Mansfield, Lipson, Brenneman and Pawlson2001 ; Gutman, Milstein, Killam, Lewis, et Hollander, Reference Gutman, Milstein, Killam, Lewis and Hollander1993a) ainsi que les types d’activités offertes dans divers modèles de CJ (Conrad et Guttman, Reference Conrad and Guttman1991 ; Conrad, Hughes, Hanrahan, et Wang, Reference Conrad, Hughes, Hanrahan and Wang1993 ; Gutman et al., Reference Gutman, Milstein, Killam, Lewis and Hollander1993b ; Jarrott, Zarit, Berg, et Johansson, Reference Jarrott, Zarit, Berg and Johansson1998). Par exemple, aux États-Unis, Conrad et Guttman ont comparé les centres qui reçoivent 30 pour cent et plus de clients atteints de démence à ceux qui en reçoivent moins de 30 pour cent. Ils ont observé que les centres qui en accueillent plus de 30 pour cent offrent en général moins de services cliniques comme les soins dentaires et les examens auditifs et plus de services tels l’assistance aux soins personnels et aux finances ; le répit et le soutien aux familles ; les activités récréatives thérapeutiques (thérapie par l’art, musicothérapie) ; les activités de divertissement comme les fêtes, les sorties, les groupes sociaux ; les activités de loisirs ou passe-temps comme les jeux et l’artisanat. Jarrott et al. (Reference Jarrott, Zarit, Berg and Johansson1998) ont, pour leur part, comparé les activités organisées dans les CJ suédois et américains qui offrent des services à la clientèle atteinte de démence. Ils ont trouvé que la clientèle des CJ est similaire dans les deux pays, mais que les centres américains fournissent une plus grande variété de services, comme les services de podiatrie et les groupes de soutien aux aidants qui ne sont pas offerts dans les centres suédois. Toutefois, ces études n’ont pas cherché à savoir si les activités proposées à chacun des participants variaient en fonction des caractéristiques individuelles des clients.
Des guides publiés aux États-Unis (Goldston, Reference Goldston1989 ; Lindeman, Corby, Downing, et Sanborn, Reference Lindeman, Corby, Downing and Sanborn1991 ; National Institute on Adult Day Care, 1990 ; Nissenboim et Vroman, Reference Nissenboim and Vroman1998) décrivent comment mettre en place un CJ. Sauf les guides destinés précisément aux CJ pour la clientèle atteinte de démence (Lindeman et al., Reference Lindeman, Corby, Downing and Sanborn1991 ; Nissenboim et Vroman, Reference Nissenboim and Vroman1998), ces guides présentent les types d’activités à organiser, sans préciser la clientèle visée par chaque type d’activités. Au Canada, le seul guide recensé, le cadre de référence pour les CJ proposé par l’Association des centres d’accueil du Québec (ACAQ, 1991), regroupe la clientèle des CJ en six sous-programmes :
- incapacités fonctionnelles d’origine motrice ;
- incapacités fonctionnelles d’origine sensorielle ;
- incapacités fonctionnelles d’origine cognitive ;
- facteurs socio-environnementaux ;
- santé physique ;
- santé mentale.
Pour chacun des sous-programmes, ce cadre de référence propose une liste d’activités de groupe et d’activités individuelles qui peuvent être organisées par les CJ. Ces derniers peuvent adapter ces suggestions en fonction des besoins particuliers de leur clientèle et des ressources dont ils disposent. Aucune étude n’a été effectuée pour vérifier dans quelle mesure ces activités sont réellement offertes dans les CJ. Ce cadre de référence n’a pas non plus été mis à jour depuis 1991.
L’objectif général de la présente étude est d’évaluer l’adéquation entre les activités proposées par les CJ et les caractéristiques de santé et d’autonomie des utilisateurs. Elle comporte trois objectifs spécifiques : 1) établir, à l’aide d’analyses en regroupement, les profils de participants des CJ ; 2) étudier et catégoriser les activités qui leur sont offertes ; 3) comparer les activités offertes aux membres de chacun des profils préalablement déterminés à celles suggérées par le cadre de référence de l’ACAQ (1991) et aux recommandations d’un groupe d’experts. Il s’agit d’une étude exploratoire qui cherche à combler une lacune dans les études actuelles. En effet, bien que les CJ organisent majoritairement des activités de groupe, il arrive qu’ils offrent des programmations différentes pour les divers jours de la semaine ou encore, dans les centres suffisamment importants, deux ou trois activités simultanées pour divers groupes de clients, ce qui leur permet de personnaliser l’offre de services. Une combinaison d’activités mieux adaptées aux besoins de chaque participant pourrait avoir une influence sur la capacité du CJ d’atteindre ses objectifs.
Méthode
L’étude s’appuie principalement sur une analyse secondaire de données recueillies de juin 1999 à mars 2001 dans le cadre du projet de démonstration SIPA, qui consistait en l’expérimentation d’un modèle de services intégrés pour les personnes âgées qui présentent des incapacités (Béland et al., Reference Béland, Bergman, Lebel, Clarfield, Tousignant and Contandriopoulos2006a ; Reference Béland, Bergman, Lebel, Dallaire, Fletcher and Contandriopoulos2006b). Le projet SIPA a été mené auprès de 1 230 personnes âgées qui résidaient sur deux territoires de Centre local de services communautaires (CLSC) de la région de Montréal. Environ la moitié de ces personnes a reçu les services intégrés évalués dans le cadre du projet SIPA, alors que l’autre moitié continuait de recevoir les services de soutien à domicile habituels de leur CLSC.
Population à l’étude
Les personnes admises au projet SIPA devaient être âgées de 65 ans et plus, vivre à domicile au début de l’étude, accepter de participer à une étude randomisée sur les services intégrés pour personnes âgées et pouvoir s’exprimer en français ou en anglais avec les membres du projet SIPA, ou avoir un proche en mesure de le faire. Elles devaient aussi présenter des incapacités fonctionnelles, indiquées par un résultat de –10 ou moins au Système de mesure de l’autonomie fonctionnelle (Hébert, Carrier et Bilodeau, Reference Hébert, Carrier and Bilodeau1988 ; Desrosiers, Bravo, Hébert, et Dubuc, Reference Desrosiers, Bravo, Hébert and Dubuc1995).
Parmi les personnes toujours à domicile et suivies par l’équipe de recherche SIPA à la fin de la première phase du projet en mai 2000, 140 avaient participé aux activités d’un CJ pendant la période d’observation. Huit de ces participants ont dû être exclus des analyses en raison d’un trop grand nombre de données manquantes. L’échantillon final comprend donc 132 personnes âgées. La seule différence statistiquement significative entre les caractéristiques démographiques et de santé des sujets inclus et exclus concerne le lien avec la personne de soutien : pour les sujets exclus, la personne de soutien n’est jamais le conjoint, alors qu’elle l’est pour 28 pour cent des sujets inclus.
Caractéristiques des centres de jour
Les caractéristiques des cinq CJ qui offrent des services sur le territoire des deux CLSC de l’étude ont été décrites plus en détail dans un article précédent (Savard, Leduc, Lebel, Béland, et Bergman, Reference Savard, Leduc, Lebel, Béland and Bergman2007) et sont résumées ci-après.
Le nombre de personnes âgées inscrites varie de 25 à 45 personnes par jour, selon les centres. Le nombre moyen de présences réelles par jour varie de 18,1 à 28,7. Chaque personne peut être inscrite de une demi-journée à trois journées par semaine, selon ses besoins et les politiques de chacun des centres. Exceptionnellement, une personne a pu être inscrite à raison de quatre journées par semaine. La durée de chaque visite varie de 4,5 à 6 heures par jour pour les personnes inscrites à la journée et de 2 à 3,5 heures pour celles inscrites à la demi-journée, dans les centres qui offrent ce type de fréquentation. Le coût de chaque participation varie de 5 à 17 dollars par jour et couvre les frais de transport et de repas. Ces CJ peuvent compter sur un personnel variant de 4,7 à 7,9 équivalents temps complet (ETC), qui comprend, en plus du personnel administratif et de soutien (coordonnateurs, secrétaires, chauffeurs), des membres des professions suivantes : infirmières (cinq centres), ergothérapeutes (cinq centres), physiothérapeutes ou thérapeutes en réadaptation physique (quatre centres), intervenants en loisirs (quatre centres) ou éducateurs spécialisés (deux centres), intervenants psychosociaux (quatre centres), préposés aux bénéficiaires (quatre centres).
Bien que chacun des centres décrive ses critères d’admission de façon légèrement différente, ce sont tous des centres qui visent le soutien à domicile des personnes âgées présentant des incapacités. Deux centres acceptent les personnes de 60 ans et plus, deux autres les admettent à partir de 65 ans, alors qu’un autre exige un profil gériatrique sans mentionner un âge minimum.
Aucun des centres à l’étude ne se définit comme un centre pour personnes atteintes de démence. Toutefois, quatre des cinq CJ regroupaient les personnes atteintes de troubles cognitifs lors de certaines journées particulières. Le cinquième formait, cinq jours par semaine, un groupe spécifique pour les personnes qui ont des atteintes cognitives importantes. Dans ce groupe, on pouvait mener les mêmes types d’activités que lors des groupes habituels, mais en les adaptant aux capacités cognitives de la clientèle.
Collecte de données
Les caractéristiques des participants ont été recueillies par l’équipe de recherche SIPA à l’aide de questionnaires complétés par entrevue. Pour les personnes âgées incapables de répondre elles-mêmes au questionnaire, un substitut a été utilisé. L’équipe de recherche SIPA a aussi réalisé un relevé de l’utilisation des services de santé des participants à partir des bases de données des organismes et des établissements de santé (Régie de l’assurance maladie du Québec, Agence de la santé et des services sociaux de Montréal, hôpitaux, CLSC, CJ, etc.). Pour les CJ, ce relevé comprenait les données d’utilisation recueillies à l’aide du logiciel JEDIFootnote 1 par quatre des cinq CJ et des informations similaires colligées dans les dossiers des clients pour le cinquième centre qui n’utilisait pas ce logiciel.
Période d’observation
Les données relatives aux caractéristiques des personnes âgées ont été collectées de mai à novembre 2000. Les données obtenues des CJ sur les présences et les activités réalisées couvraient les années 2000 et 2001. Pour chaque individu, l’information a été relevée pour une période de six mois allant de trois mois avant à trois mois après la date du questionnaire. Cette période a été retenue en raison de deux facteurs importants. Puisque cette étude s’intéresse aux liens entre les profils des individus et les activités auxquelles ils ont participé et que les caractéristiques de santé des personnes âgées sont susceptibles de changer rapidement, une courte période d’observation devait être privilégiée. Elle devait toutefois être suffisamment longue pour englober un échantillon représentatif des activités offertes à chaque participant, malgré les absences qui peuvent être fréquentes pour certains d’entre eux.
Variables à l’étude
Caractéristiques des participants
Les participants sont décrits à l’aide de variables sociodémographiques, d’indicateurs de santé et de variables d’utilisation des services de santé. Neuf de ces variables (âge, sexe et sept indicateurs de santé), traitées sous une forme dichotomique, ont servi à la détermination des profils de participants lors des analyses en regroupement. Les autres variables ont été utilisées pour la description de l’échantillon et pour la validation nomologique des profils créés.
Les variables sociodémographiques retenues sont l’âge, le sexe, l’état civil, l’éducation, le pays de naissance, la langue d’usage et la cohabitation avec une personne de soutien. Elles ont été choisies parce que des études antérieures ont démontré des différences dans l’utilisation des CJ en fonction de ces variables (Baumgarten et al., Reference Baumgarten, Lebel, Laprise, Leclerc and Quinn2002 ; Henry et Capitman, Reference Henry and Capitman1995 ; Savard et al., Reference Savard, Leduc, Lebel, Béland and Bergman2007 ; Zarit, Stephens, Townsend, Greene, et Leitsch, Reference Zarit, Stephens, Townsend, Greene and Leitsch1999).
Les indicateurs de l’état de santé considérés sont ceux qui permettront de faire des liens avec les divers sous-programmes décrits dans le cadre de référence (ACAQ, 1991), sauf le sous-programme lié aux facteurs socio-environnementaux pour lequel il n’y a pas de données correspondantes fiables. Ainsi, les variables suivantes ont été retenues : la capacité fonctionnelle, la présence de troubles sensoriels, la présence de troubles cognitifs, le nombre et le type de problèmes de santé physique ainsi que la présence de symptômes de dépression.
Les variables d’utilisation des services de santé qui ont été saisies sont les suivantes : le fait de recevoir les services intégrés du projet SIPA ou les services habituels du CLSC (groupe contrôle), la fréquence de la participation au CJ, la fréquence de l’aide du CLSC pour ses activités de vie quotidienne ou domestique pendant la période d’observation, la présence et le nombre de jours d’hospitalisation ainsi que la présence d’hébergement temporaire pendant la période d’observation.
Les neuf variables ayant servi à la détermination des profils de participants lors des analyses en regroupement ont été opérationnalisées de la façon suivante :
Les variables sociodémographiques considérées sont l’âge et le sexe. Deux groupes d’âge ont été créés : les 85 ans et plus et les 84 ans et moins. Des analyses antérieures nous indiquaient que les personnes de 85 ans et plus étaient moins nombreuses à utiliser le CJ. Ce critère semble donc intéressant pour distinguer les divers groupes de participants.
La capacité fonctionnelle est évaluée par la Section des soins personnels du Older American Resources and Services (OARS) (Fillenbaum, Reference Fillenbaum1988). Cette échelle comporte sept énoncés qui évaluent la capacité d’accomplir ses soins personnels (s’habiller, manger, contrôler ses sphincters, etc.) et sept énoncés qui évaluent la capacité d’accomplir diverses tâches de la vie domestique (utiliser le téléphone, magasiner ou faire l’épicerie, préparer les repas, etc.). Les résultats possibles vont de 0 à 28, un résultat plus élevé indiquant une plus grande autonomie. Deux groupes ont été créés : les personnes plus autonomes que la moyenne (19 et plus au OARS) et les personnes moins autonomes (18 et moins au OARS). Des analyses antérieures nous indiquaient que les personnes âgées ayant un résultat de 19 ou plus au OARS étaient moins nombreuses à utiliser le CJ.
Nous avons évalué la présence de troubles sensoriels en demandant aux répondants s’ils avaient aucune, un peu ou beaucoup de difficulté à reconnaître des personnes, à lire ou à entendre, même en utilisant les aides techniques appropriées (lunettes, appareil auditif) le cas échéant. Pour les analyses, une variable dichotomique a été créée : aucune ou peu de difficulté pour chacune de ces trois activités ou beaucoup de difficulté pour au moins une des trois activités.
La présence de troubles cognitifs est mesurée par le Short Portable Mental Status Questionnaire (SPMSQ) (Pfeiffer, Reference Pfeiffer1975). Ce questionnaire comporte 10 questions évaluant principalement la mémoire et l’orientation. Pfeiffer suggère qu’un résultat de trois erreurs ou plus indique un déficit cognitif possible pour une personne qui a une éducation de niveau secondaire. Il propose de permettre une erreur de plus aux personnes qui n’ont pas fréquenté l’école secondaire et une erreur de moins à ceux qui ont fréquenté le collège ou l’université. Il recommande aussi d’accorder une erreur de plus aux Afro-Américains. Cette correction pour l’origine ethnique a été adaptée au contexte multiethnique de Montréal, et une erreur de plus est accordée aux personnes qui ne sont pas nées au Canada. En utilisant les critères suggérés par Pfeiffer, Foreman (Reference Foreman1987) a obtenu un coefficient de prévision d’un test positif de 0,89.
Pour les personnes qui n’avaient pas la capacité de répondre au SPMSQ (difficulté de communication liée à la connaissance de la langue ou à un problème de santé), la présence de troubles cognitifs est notée lorsque le questionnaire indique qu’un substitut est utilisé parce que la personne souffre de troubles cognitifs ou, à la question sur les problèmes de mémoire tirée de l’étude Established Populations for Epidemiological Studies of the Elderly (EPESE) (Cornoni-Huntley, Brook, Ostfeld, Taylor, et Wallace, Reference Cornoni-Huntley, Brook, Ostfeld, Taylor and Wallace1986), lorsque le substitut mentionne que la personne souffre de la maladie d’Alzheimer ou de problèmes de mémoire attestés par un médecin.
Pour évaluer la santé physique des personnes âgées, le questionnaire demandait aux répondants d’indiquer s’ils présentaient l’une ou l’autre des 16 conditions tirées de l’étude EPESE (Cornoni-Huntley et al., Reference Cornoni-Huntley, Brook, Ostfeld, Taylor and Wallace1986) et, dans l’affirmative, si ce problème était confirmé par un médecin. Ces conditions incluent la présence de : haute tension ; maladie du cœur ; problèmes de circulation ; accident vasculaire cérébral (AVC) ; diabète ; problèmes respiratoires ; rhumatisme ou arthrite (douleur aux articulations ou aux os) ; tumeur ou cancer ; problèmes émotionnels ; maladie de Parkinson ; problèmes de mémoire ou maladie d’Alzheimer ; problèmes de vessie, de reins ou de prostate ; cataractes ; glaucomes ; problèmes d’estomac (gastrite, ulcères, hernie hiatale) ; fracture de la hanche ou de la jambe récente (dans la dernière année). Pour créer un indicateur de l’état de santé physique, nous avons exclu deux de ces conditions, soit la présence de problèmes émotionnels et la présence de problèmes de mémoire ou de la maladie d’Alzheimer. Nous avons regroupé la présence de cataractes et de glaucomes pour indiquer la présence de problèmes aux yeux. Parmi ces 13 conditions, nous avons retenu le nombre de problèmes de santé attestés par un médecin comme premier indicateur de la santé physique. Pour les analyses, deux groupes ont été créés : les personnes qui ont davantage de problèmes que la médiane (cinq ou plus) et les autres (quatre ou moins). Cette distinction semble cliniquement significative pour les responsables de CJ. Deux autres indicateurs de santé physique ont été retenus : la présence d’un problème qui entraîne des incapacités locomotrices (AVC, Parkinson et fracture de la hanche ou de la jambe récente) et la présence d’au moins un autre problème parmi les suivants : maladie du cœur ; problèmes respiratoires ; diabète ; tumeur ; problèmes de vessie, de reins ou de prostate ; problèmes d’estomac. Les problèmes articulaires ou de rhumatisme n’ont pas été considérées comme des problèmes qui entraînent des incapacités locomotrices : les personnes âgées peuvent présenter ces problèmes sans limitation de leurs capacités locomotrices.
La santé psychologique a été mesurée par l’échelle de dépression gériatrique, version courte (EDG) (Bourque, Blanchard, et Vézina, Reference Bourque, Blanchard and Vézina1990 ; Sheikh et Yesavage, Reference Sheikh and Yesavage1986). Les résultats possibles pour la forme courte vont de 0 à 15. Un résultat de 6 ou plus indique la présence possible de dépression. Cette donnée n’est disponible que pour les personnes qui répondaient elles-mêmes au questionnaire, soit 97 des 132 sujets. Lorsque le résultat à l’EDG n’est pas présent, la personne est considérée comme n’ayant pas de symptômes dépressifs. La question de l’EPESE portant sur les troubles émotifs, qui demande si la personne souffre de problèmes émotionnels (nervosité, dépression, anxiété ou insomnie) et qui était disponible pour tous les sujets, n’a pas été retenue. En effet, cette question est trop générale et ne peut représenter une estimation adéquate de la présence de signes dépressifs.
Activités au centre de jour
Les activités auxquelles chaque individu participait à chacune de ses présences en CJ ont été colligées. Pour quatre des cinq CJ, cela s’est fait à partir du registre quotidien des activités du logiciel JEDI. Ce logiciel permet à chaque CJ de créer sa propre liste d’activités puis d’attribuer à chaque client la liste des activités auxquelles il est censé participer à chacune de ses visites. Le logiciel génère ensuite, pour chaque jour, la liste des clients de la journée avec les activités associées à chacun. À la fin de chacune des journées, les intervenants suppriment les participants absents et les activités annulées et, pour chaque client présent, éliminent les activités auxquelles il n’a pas participé, ajoutent les activités non prévues auxquelles il a participé puis sauvegardent ces informations dans le registre quotidien d’activités.
Pour le centre qui n’utilisait pas ce logiciel, les mêmes informations ont été recueillies à partir du registre des présences et de l’horaire des activités consignés au dossier des clients. Dans ce cas, les présences, les absences et les activités spéciales comme les fêtes ou les sorties sont inscrites chaque jour sur le registre de présences de chaque participant. Toutefois, l’horaire des activités prévues pour chacun est révisé seulement périodiquement et la non-participation occasionnelle à une activité (par exemple si une personne manque le groupe d’exercices pour rencontrer individuellement l’infirmière) n’est pas enregistrée.
Puisque les cinq CJ ne colligeaient pas tous quotidiennement les activités individuelles réalisées auprès des personnes âgées, il faut noter que seules les activités de groupe sont considérées dans cette étude. De même, les activités d’accueil et les périodes de repos n’ont pas été prises en compte. Bien que seulement certains centres inscrivaient ces activités dans leurs registres statistiques, presque tous les offraient. Il aurait donc été inadéquat de calculer un nombre précis de présences à ces activités seulement pour les centres qui les enregistraient.
Les variables pour l’étude et la catégorisation des activités sont les 107 activités de groupe recensées dans les registres d’activités.
Pour que nous puissions comparer les activités offertes à celles recommandées, les variables utilisées sont liées aux huit catégories d’activités établies à l’étape de la catégorisation des activités. Le fait pour une personne d’avoir bénéficié ou non de chacune de ces catégories d’activités a été enregistré. De plus, le nombre de jours pendant lesquels chaque individu a participé à chacune des catégories d’activités a été dénombré. Si le registre des activités contenait deux activités de la même catégorie le même jour, une seule participation à cette catégorie était enregistrée pour cette journée. Pour qu’il soit possible de tenir compte de la variation de participation des individus (certains n’avaient qu’une ou deux présences au CJ pendant la période de 26 semaines et d’autres en comptaient jusqu’à 95), le nombre de participations à chacune des catégories d’activités a ensuite été calculé en pourcentage des jours de présence au CJ. Cette variable donne une indication de l’intensité de l’exposition à chacune des catégories d’activités (elle ne tient cependant pas compte de la durée de chacune des activités au cours d’une journée). Enfin, le fait d’avoir participé au CJ à l’intérieur d’un groupe spécifique pour les personnes qui ont des atteintes cognitives a aussi été relevé.
Analyse des données
Profils de participants
Pour décrire les participants, nous avons d’abord calculé des statistiques descriptives (moyenne, fréquence) pour l’ensemble des participants. Puis, nous avons effectué des analyses en regroupement pour créer des profils de participants ayant un ensemble de caractéristiques similaires en considérant les variables suivantes : âge, sexe, capacités fonctionnelles, nombre de problèmes de santé, présence de problèmes sensoriels importants, de troubles cognitifs, de problèmes de santé qui entraînent des incapacités locomotrices, d’autres problèmes de santé et de symptômes dépressifs. Comme cela a été suggéré par Everitt, Landau et Leese (Reference Everitt, Landau and Leese2001), nous avons comparé les résultats de plusieurs méthodes d’analyses en regroupement, soit deux méthodes hiérarchiques (Ward, distance moyenne) et une méthode d’optimisation (méthode des nuées dynamiques ou K-means). Nous avons utilisé les résultats des méthodes hiérarchiques pour déterminer les nombres de groupes possibles, nombres qui furent entrés comme paramètre dans les analyses avec la méthode des nuées dynamiques.
Nous avons ensuite effectué deux séries d’analyses de variance (ANOVA) pour établir les différences significatives dans les caractéristiques des membres de chacun des groupes créés par ces analyses. La première série, qui portait sur les variables déjà incluses dans les analyses en regroupement, a confirmé que les différences observées étaient statistiquement significatives pour toutes ces variables. La seconde série, qui concernait les variables sociodémographiques et les variables d’utilisation des services non incluses dans les analyses en regroupement, nous a servi à tester la validité nomologique des profils créés.
Si les profils créés représentent vraiment des groupes de participants ayant des caractéristiques de santé et d’autonomie semblables, les profils devraient différer quant à la cohabitation avec une personne de soutien de même que pour la majorité des variables d’utilisation des services de santé. Toutefois, le pourcentage d’individus recevant les services intégrés du projet SIPA ne devrait pas varier selon les profils, puisque la sélection des individus pour le groupe expérimental du projet SIPA était aléatoire. Les profils pourraient aussi différer en ce qui a trait au niveau d’éducation, puisque la présence de certaines conditions de santé est corrélée avec l’éducation, et à la proportion d’immigrants, si ces derniers diffèrent dans les types de problèmes qui les amènent à demander des services de soutien à domicile.
Étude et catégorisation des activités
La catégorisation des activités a nécessité plusieurs étapes : 1) validation des données ; 2) regroupement des activités similaires portant des noms différents ; 3) regroupement des activités selon leurs buts.
Pour valider les données et préciser les caractéristiques des activités enregistrées, nous avons rencontré les coordonnateurs des cinq centres à l’étude en 2004 et leur avons demandé des précisions sur les activités de l’année 2000. Bien que des biais de rappel soient toujours possibles, ceux-ci sont minimisés par le fait que les objectifs des CJ et les programmes d’activités avaient peu changé pendant cette période. Ces rencontres nous ont permis de constater que la majorité des centres inscrivaient dans leurs registres statistiques les activités spécifiques auxquelles les participants assistaient, tels que artisanat, exercices, échanges (figure 1, modèle 1). Toutefois, pour certains groupes de participants, deux centres inscrivaient plutôt le nom d’un groupe de participants prédéterminés, alors que plusieurs activités pouvaient se dérouler à l’intérieur de ce groupe (figure 1, modèle 2). Les rencontres nous ont aussi permis de réaliser que des activités similaires portaient des noms différents dans les registres statistiques des divers centres (par exemple, les activités « mémo », « méli-mélo », « intello » et « cognitif » étaient toutes des activités de stimulation cognitive).
Les activités similaires portant des noms différents ont donc été regroupées. Pour les inscriptions effectuées selon le modèle 2, les activités réalisées ont été calculées en fonction des informations recueillies auprès du responsable du centre sur l’horaire type de ces groupes. Par exemple, pour un groupe répit qui comportait à chaque séance des exercices physiques et de la stimulation cognitive, ainsi que des activités d’artisanat bricolage ou des jeux physiques en alternance, nous avons inscrit des présences aux exercices physiques et à la stimulation cognitive pour chaque présence à ce groupe et des présences aux activités d’artisanat et aux jeux physiques pour 50 pour cent des présences à ce groupe. Cette étape nous a permis de réduire la liste d’activités de 107 à 40 activités différentes.
Les 40 activités résultant de ce premier processus de réduction ont ensuite été regroupées en fonction de leurs buts, à l’aide d’un groupe d’experts. L’ensemble des responsables de CJ de la région de Montréal a été invité à participer à ce groupe. Sept de ces personnes, parmi les plus engagées dans les activités de la table de concertation des CJ de la région et ayant en moyenne 17,8 années d’expérience en CJ, ont accepté l’invitation. Elles ont participé à une rencontre au cours de laquelle des catégories d’activités ont été créées au moyen d’une méthode adaptée de la technique du groupe nominal (Delbecq, Van De Ven, et Gustavson, Reference Delbecq, Van De Ven and Gustavson1975) qui comportait trois étapes.
Premièrement, le groupe d’experts a été invité à générer une liste de buts pour les interventions en CJ. Deuxièmement, chaque expert a été appelé à choisir, dans cette liste, un maximum de huit buts qu’il considérait comme les buts principaux des CJ. Seuls les buts qui ont reçu plus de 50 pour cent des votes ont été conservés. Après ce vote, sept buts ont été retenus. Troisièmement, le groupe d’experts a été appelé à voter sur les buts de chacune des 40 activités recensées dans les CJ à l’étude à partir des sept buts choisis précédemment. Même s’il est possible qu’une activité permette d’atteindre plusieurs buts, chaque participant ne devait choisir qu’un seul but par activité. Lors de l’analyse des résultats du vote, lorsqu’il y avait dispersion des votes, un maximum de deux buts a été conservé pour chaque activité. Cela a mené à une classification comprenant huit grandes catégories d’activités.
Adéquation des activités
Avant de se prononcer sur l’adéquation des activités pour chaque profil de participants, nous avons dû compiler les types d’activités dont ont bénéficié les membres de chaque profil puis déterminer les activités recommandées pour chacun.
Pour chaque profil de participants, des statistiques descriptives ont été calculées 1) pour le pourcentage d’individus ayant participé à chacune des catégories d’activités et 2) pour les individus ayant participé aux activités d’une catégorie donnée, la moyenne de l’intensité d’exposition à cette catégorie d’activités. Puis, des ANOVA nous ont permis d’établir les différences significatives entre les divers profils de participants pour la participation et l’intensité d’exposition à chaque type d’activités.
Les activités recommandées pour chaque profil de participants ont été déterminées de deux manières : d’abord à partir des recommandations d’activités pour les divers sous-programmes incluses dans le cadre de référence des CJ (ACAQ, 1991), puis à partir des activités recommandées par le groupe d’experts consulté. Pour chaque sous-programme décrit dans le cadre de référence, les membres du groupe d’experts devaient indiquer, par ordre de priorité, les cinq activités qu’il serait le plus pertinent d’offrir. Soulignons qu’au moment de se prononcer sur ces activités le groupe d’experts n’avait pas accès à la liste des activités recommandées par le cadre de référence, mais qu’il venait d’étudier la liste des 40 activités offertes par les CJ de cette étude. Lors de l’analyse des résultats du vote, les activités ont d’abord été associées à la catégorie d’activités à laquelle elles appartenaient, selon les résultats obtenus à l’étape précédente. L’importance de chacune des catégories d’activités pour chaque sous-programme a été déterminée à l’aide d’un système de points, qui accordait cinq points chaque fois qu’une catégorie apparaissait en première position, quatre points pour chaque deuxième position, etc.
Les analyses statistiques ont été effectuées à l’aide du logiciel SPSS pour Windows, version 13.0.
Résultats
Description de l’échantillon
Les principales caractéristiques des participants sont présentées au tableau 1. La moyenne d’âge de l’échantillon est de 80,7 ans (± 6,8). Les participants sont en majorité des femmes (72,7 %) et des veuves ou veufs (49,2 %). L’étude ayant été menée dans deux quartiers à caractère multiethnique de la ville de Montréal, on observe que 56,1 pour cent des participants sont nés dans un pays autre que le Canada. Ces immigrants vivent au Canada depuis plusieurs années (moyenne de 35,1 ans ± 18,8) et seuls 5,4 pour cent d’entre eux sont au Canada depuis moins de dix ans. Près de 89 pour cent des participants ont nommé une personne de soutien principale. On note que 35 pour cent des participants sont mariés et que le conjoint est la personne de soutien principale de 80 pour cent des personnes mariées et de 28 pour cent de l’échantillon total. Les enfants le sont pour 43,2 pour cent des participants, et environ 60 pour cent d’entre eux n’habitent pas avec le parent dont ils prennent soin.
1 Ces personnes utilisent le français ou l’anglais à la maison, parfois en plus d’une autre langue.
2 Les résultats possibles à l’OARS vont de 0 à 28, un résultat plus élevé indique une plus grande autonomie.
3 n = 97 car disponible seulement pour les personnes qui répondent elles-mêmes au questionnaire.
4 n = 132 : les individus dont les résultats sont manquants sont considérés comme ne présentant pas de symptômes dépressifs.
5 AVQ : activités de vie quotidienne; AVD: activités de vie domestique.
Les participants de cette étude présentent en moyenne 3,6 (± 2,3) problèmes de santé physique parmi les 13 conditions incluses dans cette variable. Les capacités fonctionnelles des participants sont très variées, les résultats allant de 3 à 28 à l’échelle des soins personnels du OARS. Les troubles cognitifs sont présents chez 28,0 pour cent des participants, et près du tiers de l’échantillon a au moins un problème sensoriel important. De plus, 43,3 pour cent de ceux qui ont répondu à l’EDG présentent des symptômes de dépression.
Ces personnes sont inscrites à leur CJ à raison de 1,5 (± 0,7) fois par semaine en moyenne ; toutefois, les présences réelles sont en moyenne d’un peu moins d’une fois par semaine (23,2 ± 18,6 présences en 26 semaines d’observation). Près des deux tiers des participants reçoivent de l’aide à domicile de leur CLSC pour les activités quotidiennes ou domestiques, et ce, en moyenne à raison de 2,0 (± 2,3) fois par semaine.
Profils de participants
Les analyses en regroupement nous ont permis de classer les clients qui possèdent des caractéristiques similaires en quatre groupes (tableau 2). Les résultats obtenus avec la méthode des nuées dynamiques (K-means), qui fait partie des méthodes dites d’optimisation des regroupements, sont présentés. Selon Everitt et al. (Reference Everitt, Landau and Leese2001), ce type de méthode permet d’augmenter l’homogénéité à l’intérieur des groupes et d’accroître ainsi la distance entre les groupes. C’est aussi ce que nos données ont démontré. Les méthodes hiérarchiques (Ward, distance moyenne) ont créé des groupes moins contrastés.
1 Dont 31 % chez des personnes avec atteinte cognitive et 26 % chez des personnes sans atteinte cognitive.
2 Ces 24 % qui présentent des signes de dépression ont tous aussi une atteinte neurologique (AVC, Parkinson).
3 Les résultats possibles à l’OARS vont de 0 à 28, un résultat plus élevé indique une plus grande autonomie.
* p < 0,05.
Les groupes 1 et 2 sont surtout composés surtout de personnes plus autonomes que la moyenne, alors que les groupes 3 et 4 comprennent majoritairement des personnes moins autonomes que la moyenne. Le groupe 1 comporte principalement des femmes qui présentent peu d’incapacités, sont relativement intactes au plan cognitif, mais semblent posséder une plus grande fragilité en raison d’un âge avancé, d’un grand nombre de problèmes de santé et de symptômes dépressifs. Pour s’y référer ultérieurement à l’aide d’une caractéristique principale, nous retiendrons la fragilité. Le groupe 2 est composé principalement de femmes un peu plus jeunes que la moyenne. En général, les problèmes de santé des membres de ce groupe sont peu nombreux. Par exemple, cinq personnes n’ont que des troubles cognitifs, quatre n’ont que des problèmes de vision et un autre problème de santé (ex. : haute tension artérielle ou rhumatisme), deux n’ont que des symptômes dépressifs et trois n’ont aucun problème de santé parmi la liste de 13 problèmes présentés. Seulement cinq membres de ce groupe ont un nombre de problèmes de santé plus élevé que la moyenne et ils sont plus autonomes que la moyenne (OARS de 25 à 28). Ce sont des personnes qui semblent fréquenter le CJ plus tôt dans le processus d’apparition des incapacités. Bien que ce terme ne reflète pas nécessairement la réalité de chacun des individus du groupe, nous les qualifierons d’utilisateurs précoces. Le groupe 3 est surtout composé de femmes plus âgées, peu autonomes et qui présentent, pour la plupart, des troubles cognitifs. La caractéristique distinctive de ce groupe serait les incapacités d’origine cognitive. Le groupe 4 est surtout composé d’hommes plus jeunes et moins autonomes que l’ensemble de l’échantillon, qui ont principalement des problèmes de santé qui entraînent des incapacités locomotrices, soit les AVC, la maladie de Parkinson ou les fractures de la hanche ou de la jambe récentes. La caractéristique distinctive de ce groupe serait les incapacités d’origine motrice. Les ANOVA confirment les différences entre les caractéristiques des membres de chacun des groupes pour chacune des variables ayant servi à créer la classification. Elles indiquent aussi des différences significatives pour un ensemble de variables n’ayant pas été utilisées dans la création des regroupements : pays de naissance, cohabitation avec une personne de soutien, aide reçue du CLSC et nombre de jours d’hospitalisation.
Catégories d’activités en centres de jour
Selon le groupe d’experts, les activités en CJ visent sept principaux buts : 1) maintien des capacités physiques ; 2) maintien de l’autonomie fonctionnelle ; 3) maintien des fonctions cognitives ; 4) amélioration de l’affect ; 5) amélioration de la qualité du réseau de soutien (par le soutien direct aux proches aidants) ; 6) prévention et promotion de la santé ; 7) intégration sociale (ce qui comprend le maintien ou le réapprentissage des habiletés sociales et la participation à la communauté).
Le regroupement des activités en fonction de leurs buts (un maximum de deux buts par activité) a mené à la création de huit catégories d’activités. Ces catégories, ainsi que les buts assignés à chacune, sont présentées au tableau 3. On note qu’aucune des activités recensées dans cette étude ne vise le soutien direct aux proches aidants : un seul centre offrait des groupes de soutien ou d’éducation pour les aidants, mais il n’enregistrait pas les présences des aidants dans le registre des activités du participant au CJ. Enfin, la dernière colonne du tableau 3 présente les activités associées à chacune des catégories d’activités ainsi que le nombre de CJ qui organisaient ces activités.
Recommandations d’activités
Les activités recommandées pour la clientèle de chacun des six sous-programmes selon le cadre de référence (ACAQ, 1991) sont présentées au tableau 4. Pour chaque catégorie d’activités, le rang indique le degré de priorité à lui accorder dans chacun des sous-programmes selon le groupe d’experts.
Participation aux activités
Le tableau 5 présente le nombre d’individus qui ont bénéficié de chacune des catégories d’activités puis, pour ceux qui ont profité des activités de la catégorie, la moyenne de l’intensité d’exposition.
1 Ce résultat signifie, par exemple, que ceux qui ont participé à des exercices physiques y ont participé en moyenne à 78 pour cent de leurs présences au CJ.
* p < 0,05.
Près de 90 pour cent des individus ont participé à des groupes d’intégration sociale et à des groupes d’exercices physiques. Ces activités sont les plus fréquentes, puisqu’en moyenne les personnes qui ont pris part à ces activités l’ont fait lors de 72 à 78 pour cent de leurs présences au CJ. Suivent les sports et jeux physiques, les activités fonctionnelles, les activités de prévention et de promotion de la santé ainsi que les activités de stimulation cognitive qui rejoignent de 65 à 77 pour cent des individus lors de 35 à 46 pour cent de leurs présences. Enfin, les activités qui rejoignent le moins grand nombre de participants sont les groupes spécifiques pour un problème physique commun et les activités musicales et de réminiscence, auxquels ont participé respectivement 50 pour cent et 45 pour cent des individus lors de 36 à 43 pour cent de leurs présences.
On peut aussi noter que 26 pour cent des individus ont pris part aux activités du CJ lors des journées ou des groupes destinés aux personnes qui ont des troubles cognitifs. En moyenne, les participants ont bénéficié d’activités appartenant à 5,6 (± 1,7) catégories différentes parmi les 8 catégories étudiées.
Différences entre les profils de participants
Les membres du groupe 1 sont parmi les plus nombreux à avoir bénéficié de groupes spécifiques pour un problème physique commun et d’activités fonctionnelles, mais ils sont moins nombreux à participer aux journées destinées aux personnes atteintes de troubles cognitifs. Ceux du groupe 2 sont parmi les plus nombreux à avoir bénéficié de groupes d’exercices généraux et d’activités fonctionnelles. Ils sont aussi peu nombreux à prendre part aux journées destinées aux personnes qui ont des troubles cognitifs. Ceux du groupe 3 sont parmi les plus nombreux à avoir bénéficié de groupes d’exercices généraux et parmi les moins nombreux dans les groupes pour un problème physique commun et aux activités fonctionnelles. Ils sont par contre plus nombreux à participer aux journées destinées aux personnes atteintes de troubles cognitifs. Ceux du groupe 4 sont parmi les moins nombreux à avoir bénéficié de groupes d’exercices généraux et parmi les plus nombreux dans les groupes spécifiques pour un problème physique commun. Comme ceux du groupe 3, ils sont parmi les moins nombreux à participer aux activités fonctionnelles et parmi les plus nombreux à prendre part aux journées destinées aux personnes atteintes de troubles cognitifs.
En ce qui concerne l’intensité de l’exposition aux activités, on note des différences significatives pour quatre catégories d’activités : les exercices physiques, les groupes spécifiques, la stimulation cognitive ainsi que les sports et les jeux physiques. Celles-ci vont toutes dans le sens d’une plus grande régularité de participation pour les membres des groupes 3 et 4. Ces derniers ont aussi participé à un moins grand nombre de catégories d’activités que ceux des profils 1 et 2.
Comparaison avec les activités recommandées
Les membres du groupe 1 ont plusieurs problèmes de santé physique. Ils sont aussi nombreux à présenter des symptômes dépressifs et des incapacités d’origine sensorielle, tout en étant majoritairement plus autonomes que la moyenne. Les activités auxquelles ils ont participé ont donc été comparées aux activités recommandées pour les trois sous-programmes suivants : incapacités fonctionnelles d’origine sensorielle, santé physique et santé mentale (tableau 6). On observe que les activités recommandées de façon prioritaire pour ces sous-programmes sont aussi des activités dont ont bénéficié la majorité des membres de ce groupe, à l’exception des activités de réminiscence qui peuvent être bénéfiques pour les personnes atteintes de dépression et auxquelles seulement la moitié du groupe a participé. On note aussi que les groupes spécifiques auxquels ils ont pris part sont liés à des problèmes physiques. On ne relève aucun groupe spécifique pour les problématiques sensorielles comme cela a été recommandé dans le cadre de référence.
ND : données non disponibles
Les membres du groupe 2 sont majoritairement plus jeunes que l’ensemble des participants à l’étude et présentent peu de problèmes de santé. Ces caractéristiques ne permettent pas de les lier à un sous-programme particulier des CJ. Les besoins de chacun de ces individus sont associés à des sous-programmes différents. La comparaison avec les activités recommandées n’est donc pas possible pour ce groupe.
Les membres du groupe 3 présentent, pour la plupart, des atteintes cognitives. Les activités auxquelles ils ont participé ont donc été comparées aux activités recommandées pour le sous-programme lié aux incapacités fonctionnelles d’origine cognitive (tableau 7). On observe ici que les activités dont ont bénéficié la majorité des membres de ce groupe sont les exercices physiques, les activités d’intégration sociale ainsi que les sports et les jeux physiques. Malgré le fait que les activités de stimulation cognitive et de réminiscence sont jugées prioritaires pour cette clientèle par le groupe d’experts consulté, un faible pourcentage des membres de ce groupe a participé à ce type d’activités. On note par ailleurs que ceux qui ont pris part à de la stimulation cognitive l’ont fait avec une certaine régularité (67 % de leurs présences).
ND : données non disponibles
Les membres du groupe 4 présentent presque tous des problèmes de santé qui entraînent des incapacités locomotrices. Les activités auxquelles ils ont participé ont donc été comparées aux activités recommandées pour le sous-programme lié aux incapacités fonctionnelles d’origine motrice (tableau 8). On observe que les membres de ce groupe ont participé en grande majorité aux activités d’intégration sociale, aux exercices physiques et aux groupes spécifiques pour un problème physique commun. Ces activités sont aussi celles qui sont recommandées de façon prioritaire pour ce groupe. On note aussi que tous les membres de ce groupe ont bénéficié d’exercices physiques, que ce soit dans des groupes d’exercices physiques généraux ou dans des groupes spécifiques pour un problème physique commun.
ND : données non disponibles
Discussion
Bien que largement présents dans la gamme des services de soutien à domicile, les CJ ont été peu étudiés au Canada. Les études canadiennes recensées à ce jour portent essentiellement sur leur structure (Gutman et al., Reference Gutman, Milstein, Killam, Lewis and Hollander1993a, Reference Gutman, Milstein, Killam, Lewis and Hollander1993b ; Ross-Kerr, Warren, et Godkin, Reference Ross-Kerr, Warren and Godkin1995 ; Strang, Greschuk, McIlveen, Gadacz, et Neufeld, Reference Strang, Greschuk, McIlveen, Gadacz and Neufeld1992 ; Tourigny, Côté, Laberge, Paradis, et Joubert, Reference Tourigny, Côté, Laberge, Paradis and Joubert1993) ou sur leurs résultats (Baumgarten et al., Reference Baumgarten, Lebel, Laprise, Leclerc and Quinn2002 ; Strain et al., Reference Strain, Chappell and Blandford1987), et très peu d’attention est apportée au processus d’intervention, les auteurs se limitant à décrire de façon succincte les activités offertes.
Dans cette étude exploratoire, nous avons cherché à vérifier l’adéquation entre les activités proposées dans les CJ et les caractéristiques de santé et d’autonomie des utilisateurs afin de combler une lacune dans les études actuelles. Ce type de recherche est important et probablement préalable aux études sur l’efficacité des CJ. En effet, une combinaison d’activités mieux adaptées aux besoins de chaque participant pourrait avoir une influence sur la capacité des CJ à atteindre leurs objectifs, qui sont liés au maintien des capacités physiques, cognitives, affectives et d’intégration sociale, au répit offert aux familles et, ultimement, au maintien dans la communauté. Comme peu de chercheurs se sont intéressés à ce sujet jusqu’à maintenant, nous n’avons pas trouvé une classification reconnue des activités offertes en CJ. Les activités sont décrites et regroupées de façon différente dans chaque étude, en fonction des préférences des auteurs plutôt qu’en raison de fondements théoriques. Nous avons fait appel à un groupe d’experts pour créer la classification utilisée dans la présente étude. Malgré certaines différences, cette classification rejoint globalement celle proposée dans le manuel d’activités de Norman et Horton (Reference Norman and Horton1996), ce qui lui apporte une certaine validité apparente. Ainsi, cette étude présente une méthode originale et structurée qui pourrait servir de référence pour des études similaires auprès d’un plus grand nombre de CJ.
L’analyse en regroupement a nous permis de déterminer quatre profils de participants et d’examiner les activités dont ont bénéficié les membres de chacun de ces profils. L’importance de considérer de tels groupes vient de la nécessité de prendre en compte les multiples caractéristiques des participants dans la programmation des activités. Par exemple, les personnes qui ont des atteintes cognitives peuvent avoir des besoins différents selon leur niveau de capacités fonctionnelles. Les différences statistiquement significatives observées dans l’utilisation des services de santé et dans les types d’activités dont ont bénéficié les membres de chacun des groupes confèrent une certaine validité apparente à ces regroupements. Il y aurait certes lieu de tester leur robustesse en vérifiant s’ils peuvent être reproduits dans d’autres études. Ils permettent tout de même d’apporter un éclairage intéressant sur les liens entre les activités en CJ et les caractéristiques des utilisateurs.
Parmi les éléments mis en lumière par les différentes analyses de cette étude, on note tout d’abord que les quatre profils de participants déterminés par les analyses en regroupement ne correspondent que partiellement aux six sous-programmes décrits dans le cadre de référence (ACAQ, 1991). D’autres observations nous amènent aussi à remettre en question l’existence réelle de ces sous-programmes dans les CJ. Par exemple, dans les recommandations de notre groupe d’experts, les activités de deux sous-programmes (incapacités fonctionnelles d’origine motrice et santé physique) semblaient relativement similaires. Ensuite, les données empiriques ne démontrent aucune activité particulière pour les personnes qui présentent des difficultés sensorielles. On remarque aussi que les divers sous-programmes de ce cadre de référence distinguent davantage les individus en fonction de l’origine de leurs difficultés que de leur niveau fonctionnel. Cependant, lorsque l’on planifie des activités de groupe, il semble important de tenir compte du niveau fonctionnel pour planifier des activités qui présentent le niveau de stimulation approprié aux capacités des participants.
On constate que les membres du groupe 2, qualifiés d’utilisateurs précoces, semblent fréquenter le CJ en raison d’un problème qui diffère pour chaque personne, mais avant que les incapacités liées à cette condition ne deviennent importantes (87 % sont dans la moitié la plus autonome de l’échantillon). On peut se demander si cette clientèle a réellement besoin de fréquenter un CJ ou si elle pourrait fréquenter des ressources plus légères (groupes communautaires et associatifs) pour laisser les places en CJ aux personnes qui ont des besoins plus importants. Cependant, surtout pour les personnes qui présentent une atteinte cognitive, plusieurs chercheurs recommandent que l’utilisation du CJ débute à un stade plus précoce de la maladie afin de vraiment contribuer au soutien à domicile. Lorsque le répit aux proches arrive tardivement dans le processus de maladie, les niveaux de stress et de fardeau sont déjà élevés, et les démarches d’hébergement sont souvent en cours et ne peuvent être retardées (Gaugler, Kane, Kane et, Newcomer, Reference Gaugler, Kane, Kane and Newcomer2005 ; Gaugler et Zarit, Reference Gaugler and Zarit2001 ; Gottlieb et Johnson, Reference Gottlieb and Johnson2000 ; Zarit et al., Reference Zarit, Stephens, Townsend, Greene and Leitsch1999).
En ce qui concerne les activités offertes, on constate que les exercices physiques et les activités d’intégration sociale sont celles dont ont bénéficié le plus grand nombre d’individus. Ces activités correspondent aux besoins d’un grand nombre de personnes âgées qui fréquentent les CJ. En effet, les activités d’intégration sociale sont recommandées pour tous les sous-programmes, tant dans le cadre de référence de l’ACAQ (1991) que par le groupe d’experts consulté, bien qu’elles ont un rang de priorité moindre pour les sous-programmes de santé physique et d’incapacités fonctionnelles d’origine cognitive. Selon ces mêmes sources, les exercices physiques sont aussi indiqués pour un grand nombre de sous-programmes, malgré le fait que le degré de priorité de ce type d’activités ne soit élevé que pour deux des sous-programmes (incapacités fonctionnelles d’origine motrice et santé physique). De plus, ces deux types d’activités sont facilement réalisables en groupe et probablement facilement acceptées par les participants des CJ.
Les exercices physiques et les jeux physiques ne faisaient pas partie des activités prioritaires pour la clientèle atteinte de démence selon le groupe d’experts consulté pour cette recherche. Nos données démontrent que, dans la réalité, les responsables de CJ les offrent régulièrement à cette clientèle. Les guides d’activités pour les personnes atteintes de démence leur donnent raison. Selon ces guides, les activités physiques qui demandent peu d’apprentissage favorisent la participation. De plus, elles permettent de stimuler le maintien des capacités physiques et de prévenir l’incapacité excessive ; d’amener une saine fatigue qui diminue l’agitation et l’errance ; de faire vivre des succès ; et d’avoir du plaisir et de célébrer la vie (Lindeman et al., Reference Lindeman, Corby, Downing and Sanborn1991 ; Nissenboim et Vroman, Reference Nissenboim and Vroman1998).
Dans les cinq CJ à l’étude, les groupes spécifiques sont tous des groupes d’exercices physiques pour un diagnostic ou un problème physique commun. Les groupes spécifiques pour la santé mentale et les incapacités d’origine sensorielle ne semblent pas être offerts. S’ils existent, ils ne sont pas traités comme tels dans les données statistiques des CJ et n’ont pas été mentionnés lors de nos rencontres avec les coordonnateurs des cinq CJ à l’étude visant à préciser les caractéristiques des activités recensées dans chacun des centres. Certains groupes d’intégration sociale (ex. : groupe de valorisation) visaient certainement la prévention et la promotion de la santé mentale, mais n’étaient pas propres à un groupe d’individus ayant démontré des besoins particuliers.
Lorsque l’on s’intéresse aux différences entre les hommes et les femmes, on observe que, parmi les quatre profils de participants déterminés, les hommes se retrouvent principalement dans un groupe de personnes moins autonomes, qui présentent un plus grand nombre de problèmes entraînant des incapacités locomotrices. Les femmes, pour leur part, se regroupent dans trois groupes distincts, ce qui laisse suggérer qu’elles ont une plus grande variété de raisons de fréquenter un CJ. Cela est cohérent avec les résultats d’une première étude qui indiquaient que les hommes participent davantage au CJ lorsqu’ils ont fait un AVC et lorsqu’ils sont moins autonomes (Savard et al., Reference Savard, Leduc, Lebel, Béland and Bergman2007).
Comme on pouvait s’y attendre, les membres du groupe 3 (incapacités d’origine cognitive) sont proportionnellement plus nombreux que ceux des autres groupes à avoir participé aux journées destinées aux personnes atteintes de troubles cognitifs. Ce qui étonne, c’est que 41 pour cent des membres du groupe 4 (incapacités d’origine motrice) ont pris part à ces journées, alors que seulement 28 pour cent d’entre eux ont des troubles cognitifs. Lorsque l’on analyse les données pour l’ensemble des personnes qui présentent une atteinte cognitive, on observe un résultat similaire : la participation à ces journées est constatée pour 57 pour cent des personnes qui ont une atteinte cognitive et pour 14 pour cent des personnes sans ce type d’atteinte. Les membres du groupe 4 sont majoritairement moins autonomes que la moyenne de l’échantillon. Est-il possible que les lourdes pertes d’autonomie soient faussement associées à des pertes cognitives ? Il est aussi possible que notre étude sous-estime le nombre de personnes atteintes de troubles cognitifs. En effet, il se peut que le SPMSQ ne dépiste pas bien toutes les formes de troubles cognitifs. Par exemple, contrairement au mini-examen de l’état mental (Folstein, Folstein, et McHugh, Reference Folstein, Folstein and McHugh1975), il n’y a aucune question sur les praxies ou la planification motrice dans le SPMSQ.
Les données démontrent que les activités de stimulation cognitive sont offertes autant aux membres du groupe 3 (incapacités d’origine cognitive) qu’à ceux des autres groupes. Un résultat similaire est observé lorsque l’on compare l’ensemble des personnes qui ont des atteintes cognitives à celles qui n’en ont pas. Cela contraste avec les recommandations du cadre de référence de l’ACAQ et du groupe d’experts, qui ne proposent ces activités que pour les personnes qui présentent des troubles cognitifs. Il est possible que des activités de stimulation cognitive de niveau avancé soient intéressantes pour des personnes sans atteinte cognitive et qu’elles puissent aussi être effectuées sous forme de jeux favorisant l’intégration sociale. Malheureusement, les données dont nous disposions pour cette étude ne nous permettaient pas de différencier les divers types de stimulation cognitive. De plus, bien que les études à ce sujet soient encore insuffisantes (Pope, Shue, et Beck, Reference Pope, Shue and Beck2003), il existe certaines données voulant que la stimulation cognitive puisse aider à prévenir l’apparition de déficits cognitifs (Wilson, Mendes de Leon, Barnes, Schneider, Bienias et al., Reference Wilson, Mendes de Leon, Barnes, Schneider and Bienias2002).
Par ailleurs, on peut remettre en question le fait que seulement 76 pour cent des personnes qui ont des atteintes cognitives et 57 pour cent des personnes du groupe 3 (ce qui comprend 74 % de personnes ayant des atteintes cognitives) ont participé à des activités de stimulation cognitive. En effet, ce type d’activités est présenté comme prioritaire pour cette clientèle par le groupe d’experts consulté, et la recherche a aussi démontré l’utilité de la stimulation cognitive pour cette clientèle (Knapp et al., Reference Knapp, Thorgrimsen, Patel, Spector, Hallam and Woods2006 ; Spector, Orrell, Davies, et Woods, Reference Spector, Orrell, Davies and Woods2000 ; Spector et al., Reference Spector, Thorgrimsen, Woods, Royan, Davies and Butterworth2003). Pourquoi cet écart ? Il y a sans doute la difficulté chez les intervenants en CJ à animer des activités de stimulation cognitive en groupe avec des personnes de niveaux cognitifs différents ou qui ont des atteintes très importantes. Ces intervenants doivent aussi tenir compte de l’ensemble des besoins et des goûts des clients, comme des besoins prioritaires liés à leur état de santé physique ou leur manque d’intérêt à participer à la stimulation cognitive. Il peut aussi exister une certaine perception chez les intervenants en CJ voulant que la stimulation cognitive ne donne pas de résultats avec les personnes atteintes de troubles cognitifs. En effet, l’orientation à la réalité et la stimulation cognitive ont fait l’objet de critiques en raison de l’application trop mécanique de ces techniques dans le passé (Spector et al., Reference Spector, Orrell, Davies and Woods2000).
On observe aussi que peu de personnes ont bénéficié des activités de réminiscence. Compte tenu des effets bénéfiques de ce type d’activités pour des personnes dépressives (Anderson, Reference Anderson2002 ; Bohlmeijer, Smit. et Cuijpers, Reference Bohlmeijer, Smit and Cuijpers2003 ; Frazer, Christensen, et Griffiths, Reference Frazer, Christensen and Griffiths2005) et des personnes qui ont des troubles cognitifs (Woods, Spector, Jones, Orrell, et Davies, Reference Woods, Spector, Jones, Orrell and Davies2005), on aurait pu s’attendre à ce qu’un grand nombre de membres du groupe 1 (dont 80 % présentent des symptômes dépressifs) et du groupe 3 (dont 74 % ont des atteintes cognitives) aient participé à des activités de réminiscence. Est-ce parce que ce type d’activités est mal connu des intervenants en CJ ? Est-ce en raison de leur difficulté à regrouper les participants qui ont des besoins homogènes pour ce type d’activités ? Est-il possible que de telles activités aient été offertes à l’intérieur d’activités répertoriées comme activités sociales et non comme activités de réminiscence ? Ce sont là des questions importantes auxquelles les données de cette étude ne permettent pas de répondre. On peut tout de même recommander que les CJ s’assurent d’avoir suffisamment d’intervenants formés à l’intervention psychosociale pour animer ce type d’activités de groupe.
La socialisation apportée par le CJ (Webb, Reference Webb1989) de même que les exercices (Frazer et al., Reference Frazer, Christensen and Griffiths2005) offerts à la majorité des participants des CJ sont certes bénéfiques pour les personnes qui présentent des symptômes dépressifs. Toutefois, d’autres approches ayant démontré des résultats probants (réminiscence, thérapie cognitive behaviorale, voir Frazer et al., Reference Frazer, Christensen and Griffiths2005) pourraient certainement être intégrées aux services proposés à cette clientèle. Compte tenu de la grande proportion de participants en CJ qui ont des symptômes dépressifs, il serait approprié que les responsables de CJ apportent une attention particulière aux services offerts à cette population.
Avant de terminer, nous souhaitons ajouter un mot sur la fréquence de la participation aux diverses activités. Sauf pour les exercices physiques et les activités d’intégration sociale, les sujets de cette étude participent aux autres catégories d’activités en moyenne pendant moins de 50 pour cent de leurs présences en CJ. Considérant que leur présence réelle au CJ est d’un peu moins d’un jour par semaine en moyenne, on peut se demander si l’intensité d’exposition aux diverses activités proposées par les CJ est suffisante pour engendrer les effets bénéfiques escomptés de chacune d’elles. Toutefois, ces données moyennes ne permettent pas de porter un jugement. Il y aurait surtout lieu de s’assurer d’une intensité d’exposition suffisante aux catégories d’activités prioritaires pour chaque profil de participants.
Nos données font ressortir très peu de différences dans l’intensité d’exposition à diverses activités en fonction des caractéristiques des participants, à l’exception de leur degré d’autonomie. Les membres des profils 3 et 4 (moins autonomes), lorsqu’ils participent aux exercices physiques, à la stimulation cognitive, aux sports et aux jeux physiques ainsi qu’à des groupes spécifiques, le font avec plus de régularité. Puisque les exercices physiques, les sports et jeux physiques et les groupes spécifiques sont bénéfiques pour les personnes atteintes d’incapacités d’origine motrice et que la stimulation cognitive de même que les sports et jeux physiques sont recommandés pour les individus ayant des incapacités d’origine cognitive, ces résultats sont encourageants. Toutefois, on aurait pu s’attendre à trouver d’autres différences qui auraient mieux reflété les besoins variés des divers profils de participants.
Limites de l’étude
Les statistiques colligées par les CJ comportent certaines imprécisions. Par exemple, certaines données sont enregistrées sous le nom d’un groupe qui pouvait contenir plusieurs types d’activités (par exemple, groupe répit) et nous avons fait des inférences sur les présences à chaque type d’activités à partir du pourcentage approximatif d’activités de chaque type à l’intérieur du groupe. Puisqu’il est possible que la répartition réelle des activités ait varié légèrement par rapport à celle décrite, ou que certaines activités effectuées occasionnellement n’aient pas été mentionnées dans la description du groupe, ces données sont moins précises que celles pour lesquelles les présences sont enregistrées pour chaque type d’activités. Ces variations ne semblent cependant pas majeures et ne devraient pas affecter les conclusions de l’étude.
À l’époque où cette étude a été menée, on constatait un manque d’homogénéité dans les données consignées par les CJ concernant l’état de santé des usagers. Ainsi, l’analyse secondaire de données recueillies dans le cadre d’une étude plus large sur les services intégrés aux personnes âgées nous a permis d’obtenir des données valides tant sur les caractéristiques des individus que sur leurs présences en CJ. Toutefois, l’échantillon n’est pas pleinement représentatif de l’ensemble de la population qui fréquente les CJ québécois.
Premièrement, ce n’est pas un échantillon aléatoire des personnes fréquentant les cinq centres étudiés. Toutefois, selon les responsables de ces cinq centres, les caractéristiques des participants à cette étude seraient assez semblables à celles de la clientèle de leur CJ, à l’exception de la proportion de personnes qui ont des atteintes cognitives, qui semble légèrement plus élevée dans la clientèle de leur CJ (de 30 à 40 %) que chez les participants à cette étude (28 %).
Deuxièmement, cet échantillon n’inclut que des personnes de 65 ans et plus. Ces dernières ont été recrutées majoritairement parmi les clients des services à domicile des CLSC. Bien que certains CJ montréalais acceptent d’autres types de clients, ceux de plus de 65 ans forment plus de 90 pour cent de leur clientèle et plus de 85 pour cent y sont dirigés par les services de soutien à domicile de leur CLSC (Regroupement des centres d’hébergement et de soins de longue durée de la région de Montréal, 2005).
Troisièmement, cet échantillon ne comprend que des personnes fréquentant l’un des cinq CJ d’un secteur bien délimité de l’île de Montréal. La population des deux territoires de CLSC sur lesquels le projet s’est déroulé est plus multiethnique que celle de l’ensemble de l’île de Montréal (44 à 48 % d’immigrants contre 28 % pour Montréal) (Agence de la santé et des services sociaux de Montréal, 2004a ; 2004b). Il s’agit donc d’un échantillon d’une grande métropole à composition multiethnique comme on en observe de plus en plus dans les différentes métropoles des pays occidentaux. Enfin, malgré cette limite, les résultats sont possiblement, au moins en partie, représentatifs des activités des CJ de la région de Montréal, les responsables des CJ de cette région ayant entrepris une réflexion commune sur les orientations des CJ (Regroupement des centres d’hébergement et de soins de longue durée de la région de Montréal, 2001 ; 2005). On peut cependant penser que des résultats différents auraient pu être obtenus dans les CJ des régions rurales de la province, puisqu’en plus de desservir une population aux caractéristiques différentes ceux-ci doivent souvent adapter leur programmation en fonction des possibilités de transport sur un vaste territoire. On notera toutefois qu’il est important d’offrir des services adéquats aux personnes âgées de la région métropolitaine, puisque 46 pour cent des personnes âgées du Québec vivent dans la région métropolitaine de Montréal (Institut de la statistique du Québec, 2005-2006 ; 2007).
Conclusion
Les résultats de la présente étude seront utiles aux gestionnaires de CJ et aux planificateurs de services pour les personnes âgées. Ils démontrent une concordance partielle entre les activités offertes en CJ et les besoins des utilisateurs. Cette concordance apparaît plus grande pour les personnes présentant des problèmes de santé physique ou des incapacités d’origine motrice. Bien qu’ils mériteraient d’être confirmés par des études plus poussées, les éléments mis en lumière dans cette étude soulèvent des questions sur l’adéquation entre la programmation d’activités et les objectifs visés, en particulier pour les personnes atteintes de troubles cognitifs et celles ayant des symptômes dépressifs. Ils renforcent la nécessité de revoir la planification des activités pour assurer une offre de services qui tient davantage compte des besoins des participants et des interventions démontrées efficaces. Les résultats de cette étude ciblent quatre profils de participants qui pourraient servir de point de départ à cette révision de la programmation des activités.
Dans le futur, des recherches plus approfondies sur les liens entre les types d’activités offertes en CJ et l’atteinte des objectifs des CJ seraient pertinentes. De plus, puisqu’une fréquentation régulière du CJ semble nécessaire pour induire des effets bénéfiques, des recherches sur les liens entre les activités offertes et la participation au CJ constituent une étape préalable essentielle.
Enfin, cette étude fait ressortir l’importance d’adopter une classification des activités des CJ qui permettrait d’avoir un recueil de données plus fiable et, subséquemment, d’obtenir une meilleure comparaison entre les CJ.