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Fabrice Marsac & Jean-Christophe Pellat (dir.), Le participe passé entre accord et désaccords. Strasbourg: Presses universitaires de Strasbourg, 2013, 296 pp., 978 2 86820 553 7 (broché)

Published online by Cambridge University Press:  04 June 2014

Annick Englebert*
Affiliation:
Centre de recherche « Philixte », Université Libre de Bruxelles, 50 avenue Fr. D. Roosevelt, B-1050 Bruxelles, BelgiqueAnnick.Englebert@ulb.ac.be
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Abstract

Type
Book Review
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Copyright © Cambridge University Press 2014 

L’exercice qui consiste à rendre compte d’un ouvrage collectif en environ 800 mots est assez périlleux: on voudrait pouvoir dire quelque chose de chaque contribution mais on ne le peut, on voudrait éviter de citer le nom de l’un sans parler de tous les autres, et on ne peut en définitive que parler globalement de ce qui se présente comme composite. C’est l’approche qui a été adoptée ici.

Depuis le temps que l’on en parle, on pourrait imaginer que tout a été dit sur l’accord du participe passé français et que l’ouvrage dirigé par Fabrice Marsac et Jean-Christophe Pellat, dans le prolongement d’un colloque tenu en 2011, ne fera jamais que répéter ce que tout le monde sait ou croit savoir depuis la nuit des temps sur cette question épineuse. Pourtant, le simple fait, indéniable, que les usagers achoppent toujours sur l’une ou l’autre des nombreuses règles qui le régissent suffirait, à lui seul, à légitimer le questionnement et l’ouvrage qui en découle.

Ce n’est toutefois pas l’usager que les éditeurs ont choisi comme voie d’entrée dans cette question sensible de la grammaire française, leurs motivations étant davantage axées sur ce que peut apporter la linguistique moderne à la description et à la formulation des règles, pour le bénéfice de la langue – de sa maitrise ou de son acquisition. Les points de vue adoptés par les contributeurs du volume sont très diversifiés, bien qu’essentiellement cantonnés à la synchronie et à l’époque strictement contemporaine (une seule exception, en guise de préambule). Descriptives, contrastives ou comparatistes, convoquant des problèmes de maitrise ou de traduction, axées sur le français langue maternelle, étrangère ou seconde, remettant en question des analyses traditionnelles ou des vues plus novatrices, se limitant au constat ou proposant leur(s) réponse(s), pédagogiques ou didactiques, sociolinguistiques ou tout simplement linguistiques, les contributions multiplient les angles de prise de vue sans jamais se répéter. . . pour donner de la problématique une photo panoramique actuelle.

On regrettera pourtant que le décalage dans le temps entre la tenue du colloque (2011) et la parution du volume (2013) qui en est la continuation n’ait pas été mis à profit pour convier les contributeurs à davantage d’entrelacs et de convergences; en somme, les différentes contributions tournent autour du sujet sans jamais réellement se rencontrer.

On regrettera aussi (et surtout) que, bien que les préoccupations didactiques tissent la toile de fond de la plupart des contributions, les études qui placent l’usager au cœur des réflexions soient peu nombreuses (trois sur les quinze que réunit le volume) et consistent en analyses de situations de classe, circonscrivant certes très finement les difficultés rencontrées par élèves et apprenants, mais débouchant sur des constats dont les linguistes s’emparent sans pour autant les ramener aux élèves et apprenants (ils vont les inscrire dans le cadre de tel modèle théorique ou dans l’évaluation des performances de tel logiciel) ou sans pour autant se placer à leur niveau, ne serait-ce qu’au plan du métalangage. La volonté déclarée du colloque (et implicite du volume) était de faire se rencontrer linguistes et pédagogues; nul doute qu’il y soit parvenu. Mais le didacticien, oublié de tous, attend des trucs, des recettes, des formulations accessibles à ses élèves, bref des solutions, non des problèmes, et ces solutions ne viennent pas. Le métalangage reste désespérément linguistique et on s’interroge sur ce que l’élève/l’apprenant va bien pouvoir faire avec des concepts comme ceux d’« objet affecté », d’« élément le plus topical » ou de « support autonome », malgré la solidité ou l’élégance de l’argumentation linguistique de ceux qui les utilisent ici. On s’étonne d’ailleurs de l’usage d’un métalangage disparate que personne ne semble penser à remettre en question: le participe passé qui ne s’accorde pas est dit invariable (indéclinable à date ancienne), alors que la réelle difficulté est justement dans sa variabilité (s’il était réellement invariable, on ne s’encombrerait pas de la question de savoir comment l’accorder) et que n’est jamais posée la question de savoir s’il est tout simplement accordable. La linguistique semble ainsi attendre implicitement de la didactique qu’elle prenne le relai, mais est-ce bien le rôle de la didactique de chercher le mot juste, celui que l’élève comprendra assurément? Linguistique et didactique ne devraient-elle pas parcourir le chemin côte à côte jusqu’au bout plutôt que de se contenter de rencontres presque fortuites?

Le perdant du volume demeure ainsi l’usager, qui, s’il est au cœur des réflexions, reste dans la ligne de mire de toutes les contributions sans qu’aucune ne l’atteigne vraiment.

Le débat reste donc ouvert: s’il a déjà fait couler beaucoup d’encre, l’accord du participe passé n’a pas encore asséché tous les encriers, tant s’en faut.