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Christiane Soum-Favaro, Annelise Coquillon et Jean-Pierre Chevrot (dir.), La liaison: approches contemporaines. (Sciences pour la communication, 110.) Bern: Peter Lang, 2014, XIII + 380 pp. 978 3 0343 1437 4 (broché), 978 3 0352 0204 5 (numérique)

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Christiane Soum-Favaro, Annelise Coquillon et Jean-Pierre Chevrot (dir.), La liaison: approches contemporaines. (Sciences pour la communication, 110.) Bern: Peter Lang, 2014, XIII + 380 pp. 978 3 0343 1437 4 (broché), 978 3 0352 0204 5 (numérique)

Published online by Cambridge University Press:  01 July 2015

Mathieu Avanzi*
Affiliation:
Institut Langage et Communication Université, catholique de Louvain Collège Érasme, Place Blaise Pascal, 1B-1348, Louvain-la-Neuve BelgiqueMathieu.Avanzi@uclouvain.be
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Abstract

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Book Review
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Copyright © Cambridge University Press 2015 

Situé à la croisée d’un ensemble de sciences du langage qui, trop souvent, s’ignorent, l’ouvrage collectif dirigé par Christiane Soum-Favaro, Annelise Coquillon et Jean-Pierre Chevrot est le fruit d’une collaboration entre phonologues, sociolinguistes et psycholinguistes. Il vise à fournir un état des lieux des travaux actuels portant pour l’essentiel sur la liaison en français. La liaison, on le sait, est le phénomène par lequel une consonne latente est prononcée (ou non) à la fin d’un mot suivi par un mot à initiale vocalique (comme dans le syntagme jeux [z] olympiques, où les crochets signalent la réalisation facultative de la consonne z). Des phénomènes de sandhi observés dans d’autres langues indo-européennes sont envisagés en fin d’ouvrage (le terme sandhi, issu de la tradition grammaticale indienne, désigne plus généralement l’ensemble des modifications phonétiques qui affectent des mots qui se succèdent dans un énoncé).

L’ouvrage se subdivise en quatre sections, de longueur inégale. La première réunit trois contributions traitant de la liaison dans une approche linguistique au sens traditionnel du terme. Les auteurs ayant collaboré à cette première section présentent des résultats obtenus à l’issue de plus d’une dizaine d’années de recherche sur le corpus PFC (Phonologie du français contemporain). Ce corpus, qui inclut plusieurs centaines d’heures d’enregistrements, rassemble des productions échantillonnées en fonction des variables sociolinguistiques classiques que constituent l’âge, le niveau socio-économique et l’origine géographique du locuteur, enregistrées dans différents contextes (lecture vs. conversation). Marie-Hélène Côté (chapitre 1, 9–32) discute de la nature phonologique des consonnes de liaison en français laurentien. Julien Eychenne, Chantal Lyche, Jacques Durand et Annelise Coquillon, d’une part (chapitre 2, 33–60) et Bernard Laks et Basilio Calderone, de l’autre (chapitre 3, 61–90), proposent des analyses multidimensionnelles de la liaison qui permettent de revisiter certains principes pourtant bien établis, tels que la nomenclature des types de liaison (obligatoire, facultative, interdite) introduite par Delattre (Reference Delattre1947), le rôle de la fréquence lexicale et du contexte morphosyntaxique, etc.

Les cinq chapitres réunis dans la seconde partie du recueil traitent de la liaison dans une approche neuro- et psycholinguistique. L’accent est mis sur les processus cognitifs qui sous-tendent le fonctionnement de ce phénomène phonologique. Les auteurs étudient successivement l’impact de la liaison sur la reconnaissance des mots à l’oral par des adultes (Annie Tremblay et Elsa Spinelli, chapitre 4, 93–116), l’influence de l’écrit sur l’acquisition de la liaison par de jeunes enfants (Céline Dugua et Marie Baclesse, chapitre 5, 117–139; et Christiane Soum-Favaro, Cecilia Gunnarsson, Aurélie Simoës-Perlant et Pierre Largy, chapitre 6, 141–167), ainsi que le traitement de la liaison chez des sujets atteints d’une liaison cérébrale présentant un trouble de l’encodage phonologique (Audrey Bürki et Marina Laganaro, chapitre 7, 169–185) ou une aphasie de type agrammatique (Halima Sahraoui et Lorraine Baqué, chapitre 8, 187–210).

Dans la troisième section, où la liaison est envisagée sous un angle sociolinguistique, l’analyse est conduite à partir de productions rarement pris en compte jusqu’ici: en mitchif, langue mixte issue du français et du cri, parler amérindien des Plaines de l’Ouest (Robert A. Papen, chapitre 9, 213–237), dans des comptines, formes textuelles quasi figées de la tradition orale enfantine (Aurélie Nardy, Jean-Pierre Chevrot et Carole Chauvin, chapitre 10, 239–262), à travers des corpus d’interactions parents-enfants (Damien Chabanal et Loïc Liégeois, chapitre 11, 263–282), et dans les enregistrements de locuteurs non-lecteurs originaires de Côte d’Ivoire et de Louisiane, régions où le français est en contact avec d’autres langues (Béatrice Akissi Boutin et Chantal Lyche, chapitre 12, 283–310). Ces données pour ainsi dire ‘inédites’ permettent d’apporter des arguments en faveur d’une approche de la liaison ‘basée sur l’usage’, telle que l’envisage Bybee (Reference Bybee2005).

Les deux derniers chapitres, réunis dans la quatrième partie de l’ouvrage, portent sur des phénomènes de sandhi dans des langues autres que le français. Jacques Durand, Sylvain Navarro et Cécile Viollain (chapitre 13, 313–344) traitent de la liaison en r dans les variétés dites non rhotiques de l’anglais; Pauline Welby, Máire Ní Chiosáin et Brian Ó Raghallaigh (chapitre 14, 345–380) s’intéressent à la mutation de certaines consonnes initiales de mots en irlandais. Grâce à l’analyse de corpus incluant différents styles de parole, les deux équipes apportent un regard nouveau sur le fonctionnement de phénomènes étudiés depuis longtemps et observables dans des contextes morphosyntaxiques bien précis.

Le recours à des données authentiques et variées, d’une part, et la collaboration entre spécialistes qui n’ont pas coutume de se côtoyer, de l’autre, assurent l’intérêt de ce recueil, qui demeurera sans aucun doute un ouvrage de référence pour les étudiants, chercheurs et enseignants qui s’intéressent au phénomène de la liaison en français, et aux sandhis en général.

References

RÉFÉRENCES

Bybee, J. (2005). La liaison: effets de fréquence et de constructions. Langages, 158: 2437.Google Scholar
Delattre, P. (1947). La liaison en français: tendances et classifications. The French Review, 12: 148157.Google Scholar