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TEFREP: Épreuve de répétition de phrases en franco-québécois. Développement, validation et normalisation

Published online by Cambridge University Press:  16 June 2015

Josiane Bourgeois-Marcotte
Affiliation:
Département de réadaptation, Faculté de Médecine, Université Laval, Québec, Canada.
Maximiliano A. Wilson
Affiliation:
Département de réadaptation, Faculté de Médecine, Université Laval, Québec, Canada. Centre de recherche de l’Institut universitaire en santé mentale de Québec (CRIUSMQ), Québec, Canada.
Martin Forest
Affiliation:
Département de réadaptation, Faculté de Médecine, Université Laval, Québec, Canada.
Laura Monetta*
Affiliation:
Département de réadaptation, Faculté de Médecine, Université Laval, Québec, Canada. Centre de recherche de l’Institut universitaire en santé mentale de Québec (CRIUSMQ), Québec, Canada.
*
La correspondance et les demandes de tirés-à-part doivent être adressées à: / Correspondence and requests for offprints should be sent to: Laura Monetta, Département de réadaptation, Université Laval, 1050 Ave de la Médecine, bureau 4463, Québec, QC G1V 0A6, (laura.monetta@rea.ulaval.ca)
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Abstract

Sentence repetition is part of the assessment tasks used to better characterise aphasic patients’ oral production. Moreover, impaired sentence and phrase repetition is a core feature of the logopenic variant of primary progressive aphasia. The aim of this study is to present the TEFREP (TEst Français de RÉpétition de Phrases), a French sentence repetition task that manipulates psycholinguistic variables known to affect the performance of aphasic patients. The final version of the TEFREP consists of 24 sentences in which length, semantic reversibility and type of sentence have been manipulated. The task shows good psychometric properties (validity and reliability). Norms according to age and education level have been developed from a sample of 80 healthy adults and older adults. In conclusion, the TEFREP fulfills the current need for a reliable assessment tool of sentence repetition in Canadian French-speaking populations and contributes to the differential diagnosis of language impairment.

Résumé

Évaluer la capacité à répéter des phrases fait partie des tâches d'évaluation utilisées pour bien comprendre la production orale des patients aphasiques. De plus, l'incapacité à répéter des phrases est un des symptômes distinctifs de l'aphasie progressive primaire logopénique. L'objectif de cet article est de présenter un outil pour évaluer la répétition de phrases, en tenant compte des paramètres psycholinguistiques pouvant influencer la performance des patients. La version finale de l'outil, nommé TEFREP (Test Français de Répétition de Phrases) comprend 24 phrases, manipulées selon la longueur, la réversibilité sémantique et le type de phrase. L’instrument a démontré des bonnes propriétés psychométriques (validité et fiabilité) et a été normé auprès de 80 participants adultes et ainés francophones, regroupés selon l'âge et le niveau d'éducation. En somme, le TEFREP comble un besoin d’outils d'évaluation au niveau des capacités de répétition et facilite ainsi le diagnostic différentiel des troubles du langage.

Type
Canadian Institutes of Health Research–Institute of Aging: Profile/Instituts de recherche en santé du Canada–Institut du vieillissement : Profil
Copyright
Copyright © Canadian Association on Gerontology 2015 

Introduction

Diverses tâches sont utilisées lors de l’évaluation de la production orale du langage chez les patients présentant un trouble acquis du langage (suite à une démence, un accident cérébrovasculaire, un traumatisme crânien, etc.). Inclure l'évaluation de la capacité à répéter des phrases permet de recueillir des informations supplémentaires, notamment sur la production syntaxique, la phonologie ou la mémoire phonologique à court terme du patient. De plus, l’incapacité à répéter des phrases caractérise le profil linguistique de certains troubles, notamment dans le cas des aphasies progressives primaires (APP). L'APP est une maladie neurodégénérative, caractérisée initialement par une détérioration du langage sans autres déficits cognitifs ou comportementaux. Les déficits langagiers sont à l'origine des difficultés quotidiennes vécues et, donc, l'aphasie est présente dans les phases initiales de la maladie (Melusam, Reference Melusam2001). Selon une classification récente, trois variantes de l'APP sont différenciées: la démence sémantique (ou variante sémantique de l’APP), l'APP non-fluente ou agrammatique, ainsi que l'APP logopénique (Gorno-Tempini et al., Reference Gorno-Tempini, Hillis, Weintraub, Kertesz, Mendez and Cappa2011). La présence d'un trouble important de répétition des phrases est une caractéristique principale de la variante logopénique, avec l'anomie en discours spontané et en dénomination. Un effet de longueur et de plausibilité lors de la répétition de phrases est observé (Gorno-Tempini et al., Reference Gorno-Tempini, Brambati, Ginex, Ogar, Dronkers and Marcone2008). Les patients produiraient des erreurs de substitution, et utiliseraient davantage une stratégie sémantique plutôt que phonologique pour tenter de répéter. Par exemple, lors de la répétition d’une phrase comme « Les étudiants apprécient tous les professeurs », un patient pourrait produire « Les étudiants aiment tous les professeurs ». Le fait d’avoir utilisé un mot sémantiquement proche suggère que le traitement a été, au moins en partie, sémantique (Campoy & Baddeley, Reference Campoy and Baddeley2008; Jefferies, Lambon, & Baddeley, Reference Jefferies, Lambon and Baddeley2004). Objectiver la présence de difficultés de répétition de phrases contribue au diagnostic différentiel de cette variante d’APP.

Il est cependant difficile de nos jours d’évaluer l'habileté de répétition de phrases chez les patients franco-québécois en raison de l’absence d’outils d’évaluation clinique validés et normés. En effet, parmi les tests disponibles au Québec, le Protocole Montréal-Toulouse d’Examen Linguistique de l’Aphasie (MT-86) (Nespoulous et al., Reference Nespoulous, Lecours, Lafond, Lemay, Puel and Joanette1992), normé pour la population franco-québécoise (Béland & Lecours, Reference Béland and Lecours1990), est le seul à être couramment utilisé. Il contient un sous-test de répétition, incluant 25 mots, cinq non-mots ainsi que trois phrases. Ces trois phrases sont choisies en fonction de leur longueur et de leur complexité syntaxique. Néanmoins, le sous-test de répétition de phrases n'a pas fait partie du processus de normalisation (Béland & Lecours, Reference Béland and Lecours1990). Les orthophonistes franco-québécois ne sont donc pas suffisamment outillés pour évaluer la capacité à répéter des phrases chez les patients aphasiques. Ainsi, l’objectif principal de cet article est de présenter le développement, la validation et la normalisation d’un test permettant l’évaluation de la capacité à répéter des phrases en franco-québécois, en tenant compte des paramètres psycholinguistiques pouvant influencer la performance des patients. D’abord, nous présenterons (1) le développement de l'outil, incluant les mesures de validité et de fidélité, puis (2) les étapes ayant mené à la normalisation de l'outil et les résultats.

Étude 1: Développement de l’outil

Méthodes d’analyse et résultats

Développement de l'outil

Le TEst Français de REpétition de Phrases (TEFREP) comporte deux items de pratique et 24 items-test. Les stimuli ont été créés en tenant compte des paramètres psycholinguistiques qui pourraient avoir une influence sur la performance en répétition de phrases, soit la longueur (Caplan & Waters, Reference Caplan and Waters1999), la réversibilité sémantique (Berndt, Mitchum, & Haendiges, Reference Berndt, Mitchum and Haendiges2004) et le type de phrase (Rigalleau, Baudiffier, & Caplan, Reference Rigalleau, Baudiffier and Caplan2004). Les phrases ont été conçues de façon à ce que tous les paramètres manipulés soient représentés de façon équivalente. La version définitive du test comprend donc 12 phrases courtes (sept à huit syllabes, ex. Le rat est chassé par le chat) et 12 phrases longues (13 à 14 syllabes, ex. La grand-maman aime plus cuisiner que faire la vaisselle), 12 phrases sémantiquement réversibles (ex. L'homme embrasse la fille) et 12 phrases sémantiquement irréversibles (ex. La fleur est arrosée par l'homme), huit phrases en voix active (ex. Les enfants mangent des bonbons), huit phrases en voix passive (ex. Il est suivi par le soldat) et huit phrases comparatives (ex. L'homme a moins de temps libre).

Les stimuli ont été distribués dans un ordre aléatoire pour leur passation. Afin de limiter les biais d’administration, tous les stimuli ont ensuite été enregistrés par un orthophoniste de sexe masculin ayant une voix grave et utilisant une prosodie « neutre ». Une feuille de consignes et une feuille de cotation ont été préliminairement conçues, de façon à présenter l’outil et son administration, donner des exemples de réponses correctes ou incorrectes et fournir une grille pour noter les résultats. Les résultats de chaque participant sont notés dans deux sections différentes, soit « nombre de phrases réussies (/24) » et « occurrence des types d’erreurs (omission/répétition/ajout/déplacement/ paraphasie/SAP Footnote 1 ) ». La première version de l’outil a été soumise au jugement des experts du domaine (voir la section validité de surface) et modifiée suite aux commentaires recueillis. La procédure d’administration, incluant la consigne à donner au participant, est décrite clairement sur la feuille de consignes du TEFREP (voir Annexe 1, Matériel Supplémentaire). Les réponses des participants doivent également être enregistrées, afin de faciliter la cotation et permettre à l’administrateur de réécouter la performance au besoin.

Validité de l’outil

Validité de surface.

La première version du TEFREP a été mise à la disposition d’experts du domaine, soit trois orthophonistes franco-québécoises travaillant avec des patients adultes et susceptibles d’utiliser l’outil, pour une période d’essai. Un questionnaire électronique leur a ensuite été acheminé, afin d’évaluer la fonctionnalité de l’outil, son applicabilité et la pertinence de son utilisation auprès de patients ayant des difficultés de répétition de phrases. Le questionnaire comprenait 17 questions, soit: (1) sur l’outil en général (capacité évaluée, pertinence des paramètres manipulés); (2) sur la feuille de consignes (clarté et suffisance de la feuille, clarté de la consigne, pertinence des items de pratique); (3) sur la feuille de cotation (fonctionnalité de la grille de cotation, pertinence des exemples, pertinence des types d’analyse, capacité à couvrir l’ensemble des comportements attendus); (4) ainsi que sur la possible réaction des patients (compréhension, intérêt, durée de la tâche). Les questions étaient majoritairement sous forme d’une échelle Likert à quatre niveaux (Pas adéquat/Peu adéquat/Assez adéquat/Très adéquat), excepté la première et la deuxième question.

Les réponses à la question un (Selon vous, qu’est-ce que cet outil nous permet d’évaluer?) sont congruentes : juge 1 : capacité à répéter des phrases; juge 2 : mémoire de travail et mémoire tampon phonologique, observer les transformations phonologiques et phonétiques, capacité à reproduire des phrases complètes sans omettre les mots fonctions; juge 3: mémoire verbale et mémoire tampon phonologique. À la question deux (Sur une échelle de 0 (pas du tout) à 5 (tout-à-fait) jusqu’à quel point l’outil évalue-t-il la capacité d’un participant à répéter les phrases?), le score moyen est de 4,66, ce qui montre que l'outil est considéré adéquat pour évaluer la capacité d'un participant à répéter des phrases. Les questions concernant la feuille de consigne, la feuille de cotation et la réaction possible des patients étaient cotées sous forme d’une échelle Likert et des espaces pour émettre des commentaires ou des suggestions étaient prévus. Les réponses au questionnaire révèlent que l’outil en général (1) est « Assez » ou « Très adéquat » (80% des réponses). La qualité des items de pratique a été le seul élément jugé « Peu adéquat » par les trois juges (100%). La feuille de consignes (3) est jugée « Assez » ou Très adéquate » (100%). La feuille de cotation (3) est jugée « Assez » ou « Très adéquate » (92%). Seule la grosseur des cases de la feuille de cotation a été jugée « Peu adéquate » par un des experts (8%). Finalement, deux des juges ont utilisé l’outils auprès de patients, et ont noté que la réaction des patients (4) révèle que l’outil est « Assez » ou « Très adéquate » (100%). En somme la majorité des réponses obtenues (36/40; 90 %) rapportaient que l’outil était considéré « Assez adéquat » ou « Très adéquat ». Dans le cas où une question était cotée différemment (« Peu adéquat » ou « Pas adéquat »), les modifications nécessaires ont été apportées à l’outil, en tenant compte également des commentaires recueillis : nouvel enregistrement des items de pratique, ajout d’exemples de cotation, ajout de types d’erreurs possibles (déplacement et paraphasie) afin de remplacer substitution, réorganisation de la grille de cotation, et augmentation de l’espace prévu pour transcrire les réponses du participant. La deuxième section de la feuille de cotation (nombre de mots réussis) a également été supprimée. En effet, cette section n'a pas été jugée pertinente à analyser d'un point de vue clinique, et augmentait considérablement le temps de correction du test. La version finale du TEFREP a ensuite été créée avant les prochaines étapes de validation, fiabilité et normalisation.

Validité convergente.

Nous avons ensuite voulu nous assurer de la capacité du TEFREP à évaluer adéquatement le construit mesuré, soit la capacité à répéter des phrases. Nous avons donc utilisé un critère de référence externe au TEFREP qui évalue le même construit, c’est-à-dire le sous-test de répétition de phrases du Protocole Montréal-Toulouse d’Examen Linguistique de l’Aphasie (Nespoulous et al., Reference Nespoulous, Lecours, Lafond, Lemay, Puel and Joanette1992). Cinquante-six participants contrôles rencontrés pour la normalisation du TEFREP (voir section Normalisation) ont aussi été évalués avec la tâche du MT-86. La moyenne des participants au TEFREP était de 21,43 (/24) et de 2,46 (/3) au sous-test de répétition de phrases du MT-86. Les résultats montrent une forte corrélation positive et significative entre les scores du TEFREP et du MT-86, r (56) = 0,77, p < 0,001, ce qui indique que le TEFREP évalue adéquatement la capacité de répétition.

Fidélité de l’outil

Fidélité par test-retest.

Pour évaluer la stabilité des ponctuations dans le temps, le TEFREP a été administré deux fois à dix participants contrôles dans un intervalle de six mois. Ces dix participants ont été sélectionnés pour le retest de façon à représenter adéquatement les sous-groupes selon l’âge et le niveau d’éducation. Ainsi, cinq participants appartiennent aux groupes “40-65 ans” (moyenne d'âge: 54,8 ans) et cinq participants appartiennent aux groupes “65 ans et plus” (moyenne d'âge: 72 ans). La moitié des participants a entre 0-12 ans d’éducation (moyenne: 6,6 ans), et l'autre moitié a 12 ans et plus d’éducation (moyenne: 16 ans). Aucun des dix participants ne présentait de changement notable de leur condition (ex. accident, dépression). La même personne ayant administré le TEFREP la première fois (soit la première auteure, JBM) a effectué le retest et a analysé les résultats. La moyenne des participants au Temps 1 est de 21,5 (/24) et de 21,7 (/24) au Temps 2. La corrélation positive et significative entre les scores obtenus à chacune des deux passations, r (10) = 0,83, p < 0,01, indique une forte stabilité des ponctuations entre les deux mesures. Le TEFREP démontre donc une bonne fidélité test-retest au six mois.

Fidélité par accord inter-juges.

Le TEFREP a été administré auprès de sept patients de la Clinique d’enseignement en orthophonie de l’Université Laval (CEUO) présentant des difficultés de répétition suite à des pathologies variées (moyenne d'âge : 68 ans, écart-type : huit ans ; moyenne d’éducation : 13 ans, écart-type : six ans ; cinq femmes ; moyenne des résultats : 10/24, étendue : deux à 16/24). Tous les patients ont été évalués entre juillet 2013 et juin 2014. La conclusion orthophonique pour quatre des patients était compatible avec l’APP logopénique. Pour l’un des patients, l’hypothèse diagnostique d'APP logopénique a aussi été émise (mais un trouble cognitif vasculaire ou mixte avec maladie d'Alzheimer atypique étaient également probables). Une autre patiente présentait une APP non-fluente. Enfin, la conclusion orthophonique pour l’un des patients faisait état d'une pathologie dégénérative cortico-sous-corticale. Les enregistrements de leur performance ont ensuite été présentés de façon anonyme à trois juges connaisseurs du domaine, soit trois orthophonistes pratiquant en troubles acquis du langage. Les juges ont corrigé les productions des patients à l’aide de la feuille de consignes et de la feuille de cotation.

L’accord entre les trois examinateurs a ensuite été calculé par l'entremise de l'alpha de Krippendorff (Hayes & Krippendorff, Reference Hayes and Krippendorff2007), pour chaque patient séparément. L'alpha de Krippendorff prend une valeur entre zéro (absence d'accord) et un (accord parfait). Ainsi, plus la valeur se rapproche de un, plus l'accord entre les examinateurs est élevé, comme dans le calcul de l'alpha de Cronbach. Le coefficient alpha de Krippendorff obtenu ici montre un très fort accord entre les corrections des trois juges (α de Krippendorff : 0,98).

Fidélité par consistance interne.

La consistance interne des items du TEFREP a été testée par le biais du test d’alpha de Cronbach auprès de 48 participants contrôles. Les stimuli neuf, 13 et 18 ont été enlevés de l’analyse, puisqu’ils possédaient une variance nulle. La valeur du coefficient alpha de Cronbach est de 0,84, ce qui indique une très bonne consistance interne des items du TEFREP.

Étude 2: Normalisation de l’outil

Une fois que la version finale du TEFREP a été prête, le processus de normalisation auprès de la population franco-québécoise a débuté, dans un souci de représenter le mieux possible la population susceptible de présenter des troubles acquis du langage, incluant évidemment des difficultés à répéter des phrases.

Participants

Quatre-vingt personnes, 30 hommes et 50 femmes (moyenne d’âge : 62,6 ans) d’origine québécoise et ayant le franco-québécois comme langue maternelle, ont été évaluées. Quatre groupes de 20 participants ont été créés selon l’âge et le niveau d’éducation formelle: Groupe 1 (40-64 ans, 0-11 ans d’éducation), Groupe 2 (40-64 ans, 12 ans + d’éducation), Groupe 3 (65 ans +, 0-11 ans d’éducation) et Groupe 4 (65 ans +, 12 ans + d’éducation). Le tableau 1 présente les statistiques descriptives des participants par rapport à leur groupe d’âge et de niveau d’éducation (tableau 1).

Tableau 1 : Moyenne (et écart-type) des caractéristiques des participants à la normalisation du TEFREP, selon le groupe d'âge et niveau d'éducation.

Matériel et procédure

Tous les participants ont été testés par la même administratrice, selon les procédures d’administration de la feuille d’instruction (voir Annexe 1, Matériel Supplémentaire). La durée de passation du test est d’environ 15 minutes. La cotation a été effectuée par la même administratrice.

Analyses statistiques

Des analyses de variance ANOVA avec l’âge (40-64 ans vs 65 ans +) et le niveau d’éducation (0-11 ans vs 12 ans +) comme facteurs inter-sujets et leur score au TEFREP comme variable dépendante ont été calculées.

Résultats

La Figure 1 présente les résultats (score moyen) au TEFREP selon l’âge et le niveau d’éducation des participants. L’analyse de variance ANOVA montre un effet principal de l’âge (F (1, 76) = 8,29, p < 0,01, ή2 = 0,10), ainsi qu’un effet principal du niveau d’éducation (F (1, 76) = 31,44, p < 0,01, ή2 = 0,29). L’interaction âge x niveau d’éducation a aussi atteint la signification statistique (F (1, 76) = 14,35, p < 0,01, ή2 = 0,15). Les effets simples de l’interaction âge x niveau d’éducation montrent que l’effet du niveau d’éducation est significatif seulement chez les groupes de participants âgés de 65 ans et plus (F (1, 38) = 27,87, p < 0,01, ή2 = 0,42), alors qu’aucun effet du niveau d’éducation n’est trouvé chez les groupes de 40-64 ans (F (1, 38) = 3,97, p > 0,05).

Figure 1 : Score moyen et écart-type au TEFREP, selon l'âge (40-64 ans et 65+ ans) et le niveau d’éducation (0-11 ans et 12+ ans).

Le score moyen obtenu par chacun des groupes ainsi que l’écart-type ont été calculés et rajoutés à la feuille de cotation de l’outil. Le score moyen et l’écart-type pour chaque groupe ont aussi été calculés selon les stimuli et les paramètres manipulés (longueur, réversibilité sémantique, type de phrase). Ces données ont aussi été rajoutées à la feuille de cotation de l’outil (voir Annexe 2, Matériel Supplémentaire).

Discussion et conclusion

L’objectif principal de cet article était de présenter le développement, la validation et la normalisation d’un test permettant l’évaluation de la capacité à répéter des phrases en franco-québécois, en tenant compte des paramètres psycholinguistiques pouvant influencer la performance des patients. Évaluer les habiletés de répétition de phrases permet aux orthophonistes de dresser un portrait plus complet des caractéristiques de la production orale des patients. Néanmoins, les orthophonistes franco-québécois manquent d’outils pour évaluer cette habileté. En effet, jusqu’à présent, seule la tâche du MT-86 –qui ne contient que trois phrases- existe en franco-québécois comme test standardisé mesurant la capacité à répéter des phrases.

Le TEFREP est donc un nouvel outil qui permet aux orthophonistes franco-québécois d’évaluer la capacité des individus à répéter des phrases. Lors de la normalisation, les résultats ont montré que la performance dans la répétition de phrases du TEFREP est affectée par l’âge et le niveau d’éducation. Les participants adultes jeunes ont une meilleure performance que celle des aînés. Aussi, les participants avec un niveau d’éducation plus élevé ont mieux performé que ceux avec moins d’années d’éducation formelle. Cet effet du niveau d’éducation semble affecter davantage la performance des participants plus âgés.

Le souci du détail dans les instructions de passation et de cotation et leur simplicité fait du TEFREP un outil facile à administrer. De plus, l’outil a démontré de bonnes qualités psychométriques de validité et fiabilité. Pour ce qui est de sa validité, les modifications effectuées suite aux commentaires d’experts permettent d’assurer que l’outil est fonctionnel et qu’il peut être utilisé auprès d’adultes présentant des troubles de répétition. L’outil est considéré adéquat en ce qui concerne la facilité de son utilisation auprès de patients ayant des difficultés de répétition, le temps de passation et le temps de cotation, ainsi que la qualité des enregistrements. Les feuilles de consignes et de cotation sont aussi considérées adéquates. Plusieurs types d’erreurs peuvent être observés puis notés lors de la passation du test (omission, répétition, ajout, déplacement, paraphasie, SAP). L’intelligibilité, qui se définit comme étant le degré auquel l’énoncé acoustique est compris par l’interlocuteur, en dehors de toute information contextuelle, et qui repose principalement sur les paramètres de la parole, n’est pas mesurée par le TEFREP. L’intelligibilité est souvent diminuée en cas de troubles neuromoteurs de la parole (ex. dysarthrie) (Damico, Muller & Ball, Reference Damico, Muller and Ball2012). Lors de l’élaboration du TEFREP, nous n’avons pas inclus de mesure évaluant le degré d’intelligibilité, en raison du but premier de l’outil. En effet, le TEFREP a d’abord été conçu dans l’optique de faciliter le diagnostic différentiel de l’APP de type logopénique, dont une des principales caractéristiques est la présence de trouble de répétition de phrases. Ces patients peuvent présenter un langage spontané plutôt ralenti en raison de l’anomie et des paraphasies phonologiques, mais les habiletés motrices de la parole demeurent préservées, sans apraxie verbale ou dysarthrie, à l’inverse de la variante non fluente de l’APP (Gorno-Tempini et al., Reference Gorno-Tempini, Hillis, Weintraub, Kertesz, Mendez and Cappa2011; Gorno-Tempini et al., Reference Gorno-Tempini, Brambati, Ginex, Ogar, Dronkers and Marcone2008). Par ailleurs, les patients testés avec le TEFREP (dont quatre présentaient une hypothèse d’APP de type logopénique) avaient une bonne intelligibilité. Ainsi, nous n’avons pas jugé essentiel d’inclure l’évaluation de l’intelligibilité de la parole. Cependant, les autres observations pertinents (ex. paraphasies phonétiques) peuvent être notées dans l’espace prévu à cet effet sur la feuille de cotation. Finalement, les mesures de validité convergente montrent que le TEFREP évalue adéquatement le construit mesuré, soit la capacité à répéter des phrases.

Par rapport à l’étude de la fidélité, les résultats montrent que le TEFREP possèede de bonnes propriétés. Bien qu’il serait intéressant et pertinent de mesurer la fidélité test-retest auprès de patients présentant des troubles de répétition, cette étape effectuée auprès de participants contrôles montre que leurs résultats au TEFREP demeurent stables dans le temps, sans différence significative, et ce, six mois après avoir été testés une première fois. La fidélité par consistance interne des items et par accord inter-juges sont aussi très bonnes.

En ce qui concerne l’utilisation clinique de ce test, le TEFREP pourrait être utilisé par les orthophonistes franco-québécois pour évaluer la présence d’un déficit dans la répétition de phrases, tel qu’il peut être observé dans des pathologies comme les aphasies de conduction et les aphasies progressives primaires de type logopénique. Le TEFREP pourrait se révéler également utile pour d’autres professionnels de soins de la santé qui sont impliqués dans l'évaluation des troubles du langage des patients atteints de troubles neurologiques.

En somme, le TEFREP constitue un outil important pour les orthophonistes franco-québécois. En effet, cet outil standardisé, validé et normé permet d'évaluer les habiletés de répétition de phrases des patients selon plusieurs paramètres psycholinguistiques. Le TEFREP comble ainsi le besoin des cliniciens concernant l'accès à des outils d'évaluation des capacités de répétition.

Matériel Supplémentaire

Pour visualiser le contenu supplémentaire pour cet article, s’il vous plaît visitez http://dx.doi.org/10.1017/S0714980815000173.

Footnotes

1 SAP = Séquence d'approximations phonémiques ou conduites d'approche ex. comité → /komy, kome, komite/.

References

Références

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Gorno-Tempini, M. L., Hillis, A. E., Weintraub, S., Kertesz, A., Mendez, M., & Cappa, S. F. (2011). Classification of primary progressive aphasia and its variants. Neurology, 76, 10061014.Google Scholar
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Figure 0

Tableau 1 : Moyenne (et écart-type) des caractéristiques des participants à la normalisation du TEFREP, selon le groupe d'âge et niveau d'éducation.

Figure 1

Figure 1 : Score moyen et écart-type au TEFREP, selon l'âge (40-64 ans et 65+ ans) et le niveau d’éducation (0-11 ans et 12+ ans).

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