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L’oralité mise en scène dans la bande dessinée: marques phonologiques et morphosyntaxiques dans Astérix et Titeuf

Published online by Cambridge University Press:  01 September 2021

Anke Grutschus*
Affiliation:
Université de Siegen
Beate Kern
Affiliation:
Université de Rostock
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Résumé

La mise en scène du langage parlé est un élément central de la bande dessinée: les discours directs des protagonistes sont non seulement visuellement représentés par des bulles, mais leur langage se caractérise souvent aussi par les marques phonologiques et morpho-syntaxiques typiques de l’oral afin d’évoquer l’immédiat communicatif. Cet article se propose ainsi d’étudier, sur le plan phonologique, des phénomènes tels que les élisions, les aphérèses et même certaines marques prosodiques ainsi que, sur le plan morphosyntaxique, entre autres l’omission du ne de négation, les dislocations et l’absence du il impersonnel. On s’interrogera notamment sur les convergences entre l’oralité fictive des bandes dessinées et les résultats des études de l’oralité basées sur des corpus authentiques. L’analyse s’appuie sur un corpus de deux bandes dessinées francophones, comprenant un tome respectivement des séries Astérix et Titeuf. L’étude est basée sur une grille inspirée, entre autres, par la catégorisation des phénomènes de l’immédiat communicatif par Koch et Oesterreicher (2011) et complétée de manière inductive (corpus-driven). L’article montre que les deux sous-corpus révèlent des stratégies d’oralisation divergentes: alors que dans Astérix, on trouve un grand nombre de phénomènes phonologiques suprasegmentaux représentés, notamment au niveau de la typographie, Titeuf privilégie l’utilisation de marques morphosyntaxiques ainsi que de certains phénomènes phonologiques segmentaux.

Type
Article
Copyright
© The Author(s), 2021. Published by Cambridge University Press

1. Introduction

Partant du constat que la bande dessinée (BD) a souvent recours à la mise en scène du langage parlé, l’article s’articule autour de deux questions: Quelles sont les marques de l’oralité choisies par les auteurs des BD étudiées et quelle est la fréquence de leur emploi ? Et, deuxièmement: L’oralité mise en scène prétend-elle se rapprocher le plus possible de l’oral spontané « authentique » ou laisse-t-elle volontairement transparaître son caractère factice, notamment en exagérant certains traits « oraux », qui se révèlent alors être des stratégies servant p. ex. à caractériser certains groupes de locuteurs ou à produire des effets comiques? Cette dernière question est d’autant plus pertinente que l’avis sur le rôle des marques de l’oralité dans la BD semble partagé: tandis que certains auteurs supposent que la popularité de la BD relève entre autres de « la recherche d’authenticité des auteurs qui réalisent un langage proche de l’oralité ‹vraie› ou tout au moins vraisemblable » (Bastian Reference Bastian, Goudaillier and Lavric2014: 240), d’autres qualifient la reproduction de l’oralité authentique de « fantasme » et constatent au contraire « des origines culturelles d’un style oralisé et d’un cadre énonciatif propres à la bande dessinée » (Glaude Reference Glaude2019: 39).

L’analyse s’appuie sur un corpus de deux bandes dessinées francophones, un album de la série d’Astérix et de Titeuf. La grille d’analyse s’inspire de la catégorisation des phénomènes de l’immédiat communicatif élaborée par Koch et Oesterreicher (Reference Koch and Oesterreicher2011) complétée par des aspects phonographiques (cf. Mahrer Reference Mahrer2017) ainsi que des phénomènes relevés dans le corpus de manière inductive (corpus-driven).

Après un bref état de la recherche (cf. section 2) et la présentation du corpus, du cadre théorique et de la méthodologie (cf. section 3), nous analyserons les marques de l’oralité relevant du plan morphosyntaxique, phonologique segmental ainsi que phonologique suprasegmental (cf. section 4). Dans trois études de cas, concernant l’omission du ne de négation, l’omission des liquides post-consonantiques et les dislocations à droite, ces résultats seront ensuite comparés avec plusieurs études basées sur des corpus oraux authentiques (cf. section 5).

Fig. 1. Astérix, p. 6.

Fig. 2. Titeuf, p. 21.

2. Oralité et bande dessinée

Les bulles, élément emblématique de la BD, contiennent les échanges des protagonistes en discours direct. Elles se trouvent sur la majorité des planches de la plupart des BD et comportent la majeure partie du matériau linguistique d’un ouvrage. Les images des vignettes fournissent un contexte situationnel assez riche au discours direct, qui y dispose, grâce à cet ancrage situationnel et à l’« interaction […] le plus souvent dialogale » (cf. Glaude Reference Glaude2019: 19), de circonstances de production comparables à celles de l’immédiat communicatif (cf. section 3) du discours oral authentique. Cette imbrication du visuel et du verbal au sein de la BD moderne – Smolderen (Reference Smolderen2014: 145) parle d’un « audiovisual stage on paper » – évoque par ailleurs une « impression de sonorisation » (Glaude Reference Glaude2019: 26) qui est caractéristique pour la lecture des bandes dessinées.

La bande dessinée a fait l’objet d’approches scientifiques très diversifiées. Dans le cadre du présent travail, nous nous intéressons surtout aux études linguistiques de la BD francophone mainstream (excluant p. ex. les mangas ou les romans graphiques). Ces études adoptent des points de vue divers: Si la réflexion du côté de la didactique des langues s’établit dès les années 1940 (cf. Glaude Reference Glaude2019: 30–35, 45–49), les premières études sémio-linguistiques (cf. entre autres le travail pionnier de Fresnault-Deruelle Reference Fresnault-Deruelle1977) ont attendu les années 1970 (cf. Glaude Reference Glaude2019: 45, 49–53). Elles se focalisent souvent (cf. Saraceni (Reference Saraceni2003) et Miodrag (Reference Miodrag2013) pour l’anglais) sur la relation image-texte, la typographie ou les onomatopées (cf. Nöth Reference Nöth2000). Les études visant plus strictement le langage verbal de la BD sont plutôt récentes et encore rares, aussi bien pour le français que pour d’autres langues (cf. Pietrini (Reference Pietrini2009) pour l’italien ou les recueils de Bramlett (Reference Bramlett2012) et de Pietrini (Reference Pietrini and Pietrini2012a) pour des langues diverses).

Le retard observé de la recherche linguistique pour l’étude des BD en français et en langues romanes (cf. Pietrini Reference Pietrini and Pietrini2012a: 7–8) vaut en particulier pour la question spécifique de la représentation de l’oralité. C’est d’autant plus surprenant que le rôle fondamental du discours direct dans la BD rend cette question incontournable. Goetsch (Reference Goetsch1985: 202, 210) souligne lors de son analyse de l’oralité mise en scène (« fingierte Mündlichkeit ») dans plusieurs romans anglais que la réalisation des marques de l’oralité relève surtout d’un choix stratégique de l’auteur et que l’effet se situe entre le mimétique et le stylistique, dichotomie qui nous semble également valable pour la BD.

Jusqu’à maintenant, peu d’analyses ont adressé la question de l’oralité dans la BD française. La plupart, dont quelques-unes portant sur Astérix et Titeuf, ne prennent en compte que des phénomènes isolés et relevant du domaine lexical. Ainsi, Pietrini (Reference Pietrini and Pietrini2012b ; Reference Pietrini and Weidenbusch2014) étudie l’emploi d’éléments lexicaux comme les marqueurs discursifs ou les déictiques dans un large corpus de BD humoristiques.

Un certain nombre de travaux a été consacré aux onomatopées: Bierbach (Reference Bierbach, Leinen and Rings2007) les étudie d’un point de vue sémiotique alors que chez Krieger (Reference Krieger2003), leur analyse fait partie de la description des expressions paraverbales dans Astérix. Delesse (Reference Delesse and Ballard2001) regroupe l’étude des onomatopées avec celle des spécificités typographiques, des jeux de mots et des effets phonétiques jouant sur les noms propres (p. ex. Sanzot (‘sans os’), le nom du boucher dans Tintin). Merger (Reference Merger and Podeur2012), dans son analyse de la série Titeuf, prend en compte les onomatopées et les interjections d’un point de vue traductologique, tout comme les travaux de Kaindl (p. ex. Kaindl (Reference Kaindl2008: 131), se référant entre autres à Astérix), qui évoquent également les onomatopées ainsi que les jeux de mots basés sur des similarités phonétiques. Enfin, Naro (Reference Naro and Brumme2008) étudie la traduction des onomatopées et des jeux de mots de la série Iznogoud.

La perspective traductologique est par ailleurs adoptée dans l’étude de Bastian (Reference Bastian, Goudaillier and Lavric2014) portant sur des aspects lexicaux du langage des jeunes entre autres dans Titeuf ou dans l’article de Hafner et Postlep (Reference Hafner, Postlep, Hafner, Postlep and Pustka2020), qui se penche sur la dimension variationnelle du langage dans deux bandes dessinées des années 1930, ainsi que dans la monographie de Delesse et Richet (Reference Delesse and Richet2009) traitant les noms propres, les jeux de mots, les allusions culturelles ou l’imitation des dialectes et des langues étrangères dans Astérix. Les deux derniers aspects sont également analysés par Marxgut (Reference Marxgut1990).

L’imitation des dialectes et des langues étrangères dans la série Astérix fait partie, si l’on suit la catégorisation de Koch et Oesterreicher (Reference Koch and Oesterreicher2011), du champ de l’immédiat communicatif et de l’oralité au sens large (cf. chap. 3.1). Les langues étrangères peuvent entre autres être représentées grâce à des moyens typographiques qui évoquent des effets de sonorisation (cf. Khordoc (Reference Khordoc, Varnum and Gibbons2001) pour la série Astérix).

Seulement deux travaux ont été consacrés à l’oralité au sens strict: Merger (Reference Merger2015) fournit un bref aperçu du langage parlé dans Titeuf alors que Quinquis (Reference Quinquis2004) pose un regard plus approfondi sur les marques de l’oralité dans les Frustrés de Bretécher. Les deux études de cas dressent des inventaires assez détaillés: Merger constate divers types de réductions phonétiques et la prononciation relâchée, des phénomènes de liaison, l’omission du ne, l’emploi de langage enfantin et adolescent, l’emploi de préfixes intensifs et des jeux de mots. L’étude de Quinquis discute une ample liste de structures orales sur tous les niveaux (phonétique et prosodie, morphosyntaxe, lexique). Tandis que Merger se contente de dresser l’inventaire des marques de l’oralité relevées dans Titeuf, Quinquis compare une partie de ses résultats à des études de l’oral authentique. Cependant, les deux analyses se concentrent sur une seule série de bande dessinée, sans pour autant mettre en avant le caractère individuel de chaque style d’auteur. Ce serait pourtant précisément la comparaison entre plusieurs bandes dessinées différentes qui ferait apparaître plus clairement l’emploi des marques de l’oralité comme relevant d’une sélection stratégique de certaines caractéristiques « orales » parmi un vaste éventail de traits linguistiques possibles. Concernant la mise en scène de l’oralité dans la BD, au moins deux aspects restent donc à approfondir: d’abord, font défaut les analyses des domaines de la morphosyntaxe et de la phonologie pour compléter les études existantes qui se réfèrent très souvent plutôt au lexique et/ou aux aspects traductologiques, surtout dans le cas d’Astérix. Ensuite, il faudrait adopter une perspective doublement comparative jusqu’alors inexploitée: la comparaison de différentes BD et de leur emploi des marques de l’oralité entre elles ainsi qu’avec l’oralité authentique permettrait d’élucider le caractère construit de l’oralité mise en scène et à révéler des stratégies de stylisation, c’est-à-dire l’emploi délibéré des marques de l’oralité afin de, p. ex., caractériser des personnages ou des groupes sociaux, d’obtenir des effets comiques ou même la création de griffes linguistiques pour toute une série.

3. Cadre théorique, corpus et méthodologie

3.1 Cadre théorique: oralité conceptionnelle et phonographie

Nous nous appuyons sur une définition conceptionnelle de l’oralité telle qu’elle a été élaborée dans le modèle de Koch et Oesterreicher (Reference Koch, Oesterreicher, Holtus, Metzeltin and Schmitt2001; Reference Koch and Oesterreicher2011), qui présente l’avantage d’être indépendante de la réalisation médiale (phonique ou graphique) d’un énoncé. Koch et Oesterreicher considèrent que la conception d’un énoncé, qui en « concerne les modalités de constitution fonctionnelle et communicative » (Gadet Reference Gadet2007: 47), se situe sur un continuum entre un pôle de l’immédiat communicatif et un pôle de distance communicative. L’immédiat communicatif, dont relève l’« oralité » que nous allons analyser par la suite, se caractérise par un certain nombre de déterminants situationnels (communication privée, interlocuteur(s) connu(s), coprésence spatio-temporelle, spontanéité, dialogue, etc.) et contextuels (p. ex. possibilité de recourir aux contextes situationnel, paraverbal et nonverbal, etc.).

Le modèle de Koch et Oesterreicher présente par ailleurs l’avantage de proposer une catégorisation exhaustive des phénomènes linguistiques relevant de l’immédiat communicatif, dont nous allons dresser l’inventaire (limité aux domaines morpho-syntaxique et phonique) dans le tableau (1). Leur catégorisation distingue trois niveaux: tout d’abord, le niveau universel comprend entre autres des phénomènes syntaxiques résultant notamment de l’absence de planification. Sur le plan phonique, la spontanéité typique de l’immédiat communicatif et un débit éventuellement accéléré peuvent entraîner une certaine négligence articulatoire, qui se traduit par la réalisation moins nette ou la troncation de certains segments.

Tableau 1. Inventaire des phénomènes morphosyntaxiques et phoniques relevant de l’immédiat communicatif. Sauf indication contraire, les exemples proviennent de Koch et Oesterreicher (Reference Koch and Oesterreicher2011) qui s’appuient sur des corpus du français parlé

Ensuite, le niveau historique regroupe des phénomènes « oraux » spécifiques au français. Les éléments d’oralité relevant des niveaux universel et historique font partie de l’immédiat communicatif « au sens étroit ».

En revanche, le troisième niveau de la catégorisation, qui comprend des phénomènes présentant une variation régionale (diatopique), sociale (diastratique), situationnelle ou stylistique (diaphasique), correspond à l’immédiat « au sens large ». Cette structure interne montre qu’à la différence d’autres modèles (cf. Berruto Reference Berruto and Sobrero1993), qui considèrent les phénomènes « oraux » comme un sous-ensemble du niveau diaphasique, dans le modèle de Koch et Oesterreicher (Reference Koch, Oesterreicher, Holtus, Metzeltin and Schmitt2001: 605), « le continuum conceptionnel [entre immédiat et distance communicatives] détermine l’organisation de l’espace variationnel tout entier ».

La mise en scène de l’oralité dans les bandes dessinées présuppose un passage (simulé) du médium phonique au médium graphique que le modèle de Koch et Oesterreicher ne permet pas de systématiser car la problématique du transcodage n’y est pas abordée. Pour cette raison, nous nous servons de l’approche de Mahrer (Reference Mahrer2017), qui décrit différents procédés de « conversion intersémiotique » (Mahrer Reference Mahrer2017: 129) sous le terme de phonographie. Les spécificités phonologiques de l’oralité conceptionnelle sont évoquées au moyen de « phonogrammes », caractérisés comme « porteurs d’effet d’écoute, car l’interprétation des unités phonographiques suppose de s’entendre lire l’écrit de sa propre voix, intérieure ou extériorisée » (Mahrer Reference Mahrer2017: 134). Les auteurs des bandes dessinées tout comme les écrivains emploient surtout trois stratégies pour transcoder des spécificités de prononciation au niveau segmental: ils peuvent premièrement substituer une ou plusieurs lettres (Mahrer Reference Mahrer2017: 133 parle ici d’alphagrammes) par d’autres qui leur paraissent plus proches de la réalisation phonique (ex.: chais au lieu de je sais). Deuxièmement, ils peuvent répéter un alphagramme pour simuler l’allongement d’un segment (ex.: j’adooore). Enfin, troisièmement, ils peuvent insérer différents types de topogrammes, que ce soient des apostrophes pour signaler une élision (ex.: t’es pas capab’), des traits d’union pour souligner l’accentuation emphatique (ex.: il est a-do-ra-ble !) ou des majuscules pour signaler un volume sonore plus important (ex.: il est ÉNORME !). Dans les bandes dessinées, les auteurs ont par ailleurs la possibilité de modifier la substance graphique en elle-même, en jouant par exemple sur la taille ou l’épaisseur des caractères.

Il convient cependant de souligner que la grille de Mahrer (Reference Mahrer2017) n’a pas été conçue pour décrire le transcodage spécifique à la bande dessinée et que par conséquent, elle ne permet pas d’en appréhender les spécificités liées au code médiatique. Ainsi, elle ne prend par exemple pas en compte le fait que la répartition des tours de parole est représentée au moyen de bulles, ce qui impose certaines limites quant au transcodage des coupages de parole ou des séquences de co-construction d’un tour de parole. Cependant, les grilles de Koch et Oesterreicher et Mahrer nous paraissent suffisamment exhaustives pour prendre en compte les phénomènes sur lesquelles la présente étude est focalisée.

3.2 Corpus

Notre étude se base sur un corpus de deux bandes dessinées: la série Astérix, créée en 1959 par René Goscinny et Albert Uderzo, compte parmi les classiques du genre et jouit d’une renommée internationale. L’intention parodique étant un élément central de la série (cf. Kauffmann Reference Kauffmann1998), on peut s’attendre à ce que la stéréotypisation des différents personnages passe également par une stylisation au niveau linguistique. Avec la série Titeuf, créée par le dessinateur suisse Philippe Chappuis (‘Zep’) en 1993 et qui a depuis également accédé au statut de « classique » (cf. Pietrini Reference Pietrini and Weidenbusch2014: 90), notre choix s’est par ailleurs porté sur une bande dessinée qui met en scène la vie quotidienne d’un garçon d’environ huit ans et qui présente, par la présence d’éléments du langage enfantin, un ancrage diastratique, qu’il nous a paru intéressant de contraster avec la diasystématicité moins apparente de l’album de la série Astérix.

Les deux sous-corpus sont comparables en taille: l’analyse mettra en regard l’album Astérix aux Jeux Olympiques (1968), qui comprend 615 bulles, et une partie de l’album Titeuf: C’est pô juste… (1995), correspondant à 630 bulles. Notre choix s’est porté sur ces deux albums représentatifs des deux séries dans le sens où ils ne mettent pas en scène des apparitions exceptionnelles de protagonistes « externes » caractérisés par un sociolecte spécifique supplémentaire, comme par exemple celui de l’adolescente Adrénaline dans l’album Astérix La fille de Vercingétorix (2019) ou la langue des jeunes dans Titeuf : Bienvenue en adolescence ! (2015).

Un tel biais des résultats au niveau diasystématique – et par là de l’immédiat « au sens large » – serait moins acceptable que l’écart chronologique des deux albums, qui ne nous semble pas limiter la comparabilité des deux albums: Une brève vérification d’albums contemporains des deux séries a dans l’ensemble permis de confirmer la stabilité des stratégies de mise en scène de l’oralité. Les différences entre les deux albums que révèlera l’analyse ne seront donc pas imputables à leur écart chronologique. Sans vouloir préjuger d’une analyse à charactère diachronique (cf. Meesters Reference Meesters and Bramlett2012), il faudra également prendre en compte le fait que, comme l’ont notamment montré des analyses des éléments oraux dans Le petit Nicolas (cf. Goldschmitt Reference Goldschmitt, Christl, Ellena and Landvogt2005), René Goscinny a été en avance sur son temps en ce qui concerne l’intégration des phénomènes de l’immédiat communicatif dans la littérature de jeunesse. Nous pouvons donc assumer que les différences mises à jour dans l’analyse reflèteront avant tout les choix stylistiques des deux auteurs étudiés.

3.3 Méthodologie

La comparaison des deux albums s’effectue à l’aide d’une grille d’analyse basée sur la catégorisation des caractéristiques morphosyntaxiques et phonologiques de l’immédiat communicatif présentée ci-dessus (cf. tableau (1)). La grille a été complétée par des phénomènes d’oralité spécifiques aux BD décrits dans des études précédentes (cf. notamment Marxgut Reference Marxgut1990, Nöth Reference Nöth2000, Delesse Reference Delesse and Ballard2001, Naro Reference Naro and Brumme2008 et Merger Reference Merger2015) ainsi que par des caractéristiques attestées uniquement dans les deux sous-corpus, combinant ainsi procédés déductif et inductif.

La grille d’analyse prend également en compte des phénomènes liés à la réalisation médiale (cf. Mahrer Reference Mahrer2017). Elle comprend des phénomènes comme la substitution d’alphagrammes (ex.: chais pô, Titeuf, p. 3), la représentation explicite des liaisons (ex.: Y z’étaient comme ça à l’époque!, Titeuf, p. 26), l’ajout de topogrammes pour indiquer des élisions (ex.: c’est horrib’ !, Titeuf, p. 25) ou les jeux de mots sur la base d’homonymes ou de réanalyses (ex.: la grande graine ‘la gangrène’, Titeuf, p. 8). Enfin, nous avons relevé un certain nombre de phénomènes qui évoquent des caractéristiques paraverbales, notamment la « transcription » typographique d’accents ou de variétés diatopiques (cf. infra, figures 3 et 4), l’indication graphique de l’intonation, du volume sonore, des accents d’insistance et du timbre vocal (cf. infra, figures 5 à 8) ainsi que la transcription d’allongements vocaliques (cf. Oouuuaaaiiiis !, Astérix, p. 38).

Fig. 3. Astérix, p. 41.

Fig. 4. Astérix, p. 35.

Fig. 5. Astérix, p. 30.

Nous avons décidé de ne pas prendre en compte la ponctuation, étant donné que, d’un côté, son rôle dans le transcodage de certains aspects prosodiques est peu spécifique à la BD (p. ex.: points de suspension indiquant une pause ou une hésitation sous forme d’allongement vocalique, point d’interrogation suggérant un intonème montant, etc.), et que de l’autre côté, la corrélation de son emploi à des paramètres prosodiques comme l’intensité ne nous a pas paru suffisamment biunivoque dans les contextes où elle a surtout des effets « expressifs » (p. ex.: les points d’exclamation soulignant l’indignation de Titeuf dans « C’est un pull en poils de cul de mouton !!? », Titeuf, p. 4).

Pour l’analyse des phénomènes syntaxiques, l’unité de base a été l’énoncé délimité par les signes de ponctuation. Celle-ci paraît préférable par rapport à l’unité de la bulle étant donné qu’une bulle peut contenir plusieurs énoncés et par conséquent plusieurs occurrences de marques syntaxiques. Pour les phénomènes ponctuels et plus facilement délimitables aux niveaux morphosyntaxique et phonologique, toutes les occurrences d’un phénomène ont été comptées individuellement, même si elles se trouvaient dans le même énoncé.

Afin de détecter si les auteurs mettent également en scène les contrastes entre des éléments « oraux » d’un côté et des éléments « écrits » de l’autre, nous avons, dans un deuxième temps, relevé tous les phénomènes caractéristiques de la distance communicative, comme par exemple une complexité syntaxique élevée, l’emploi du passé simple ou du futur simple ainsi que la réalisation du ne de négation.

Cet état des lieux servira de base à partir de laquelle nous allons, dans des études de cas, comparer l’emploi de trois phénomènes exemplaires, à savoir la (non-)réalisation du ne de négation, l’élision des liquides post-consonantiques et les dislocations à droite, dans les BD avec leur utilisation telle que des études précédentes l’ont documentée pour l’oral authentique.

4. Éléments d’oralité dans Astérix et Titeuf

4.1 Analyse des éléments morphosyntaxiques

La première étape de l’analyse consiste à repérer les éléments langagiers évoquant l’immédiat communicatif pour ensuite comparer les résultats relevés dans les deux bandes dessinées. Le tableau 2 donnera un bref aperçu des éléments morphosyntaxiques.

Tableau 2. Fréquences absolues des éléments d’oralité au niveau morphosyntaxique réalisés dans Astérix et Titeuf (tableau limité aux catégories comprenant au moins trois occurrences)

Constatons d’abord que les deux albums réalisent une grande diversité de procédés évoquant l’immédiat communicatif. À l’exception des anacoluthes, tous les phénomènes du niveau universel décrits par Koch et Oesterreicher (Reference Koch and Oesterreicher2011: 80–104) sont attestés dans notre corpus. Au niveau de la langue historique, nous avons trouvé à peu près la moitié des phénomènes mentionnés par Koch et Oesterreicher (Reference Koch and Oesterreicher2011: 164–181). Aucune ou moins de trois occurrences ont été relevées pour les catégories suivantes : indicatif au lieu du subjonctif, accord manquant, omission de prépositions, il y a qui/que. Enfin, les marques de l’oralité au niveau diastratique/diaphasique (cf. Koch et Oesterreicher Reference Koch and Oesterreicher2011: 159–164, p. ex. y au lieu de lui, décumul du relatif, que passe-partout, a(l) au lieu de elle) sont plus rares, voire quasi inexistantes pour Astérix.

En comparant le nombre total des occurrences, c’est Astérix qui l’emporte avec 257 marques contre Titeuf avec 225. Il faut cependant noter que les marques dans Astérix sont moins variées que dans Titeuf. Cette différence dans la répartition des phénomènes est un premier indice du caractère construit de l’oralité, c’est-à-dire qu’elle démontre déjà le choix de traits stéréotypés au lieu d’une représentation fidèle de tous les traits de l’oral.

Par la suite, nous allons brièvement discuter quelques-uns des procédés les plus fréquents ou pour lesquels les disparités entre les BD sont les plus flagrantes (relevés en gras dans le tableau 2). Pour Astérix, la catégorie la plus importante est celle des phrases incomplètes (structures elliptiques, réalisations du thème ou du rhème seuls, phrases suspendues). On trouve par exemple couramment des énoncés holophrastiques comme dans l’exemple suivant :

  1. (1) Tiens ? Un romain. (Astérix, p. 10) (‘Il y a un romain.’)

Pour les phrases incomplètes, de même que pour les interrogations par intonation (cf. ex. 2), la deuxième catégorie en termes de fréquence dans Astérix et dans Titeuf, on peut se demander si leur emploi ne serait pas favorisé par les restrictions du médium de la BD même, à savoir l’espace limité dans les bulles.

En troisième place dans Astérix, on trouve un nombre considérable de dislocations à droite (cf. ex. 2). De par sa fréquence importante, l’emploi de cette construction dégage un caractère artificiel, qui sera analysé plus en détail dans le cadre d’une étude de cas (cf. section 4.3):

  1. (2) Alors, on va les chasser, ces sangliers ? (Astérix, p. 9)

Ce caractère artificiel se fait également ressentir dans les répétitions, qui sont nettement plus fréquentes dans Astérix que dans Titeuf. La plupart des répétitions observées dans Astérix ne reproduisent pas un balbutiement ou une hésitation dans l’élaboration d’un énoncé (cf. ex. 3) comme on pourrait l’attendre dans le contexte de l’oralité. Au contraire, la plupart du temps, elles créent un effet théâtral et affecté (cf. ex. 4):

  1. (3) Notre… notre langue va rester bleue ? (Astérix, p. 48)

  2. (4) Admirez ! Admirez mes amis ! (Astérix, p. 25)

Dans le corpus de Titeuf, les marques morphosyntaxiques les plus fréquentes sont l’omission de ne (cf. ex. 5 et 7), la dislocation à gauche (cf. ex. 6), l’emploi de on au lieu de nous (cf. ex. 7) et l’absence du il impersonnel (d’ailleurs marquée systématiquement par une apostrophe dans Titeuf, cf. ex. 5), le dernier n’ayant pas été observé dans Astérix du tout :

  1. (5) ‘Faut pô te laisser faire, Corinne ! (Titeuf, p. 7)

  2. (6) Ta maman, elle va se remarier avec le juge ? (Titeuf, p. 21)

  3. (7) On se verra pas ce week-end. (Titeuf, p. 23)

En outre, il faut mentionner les phénomènes relevant des niveaux diastratique et diaphasique. Même si les occurrences de cette catégorie ne sont pas les plus fréquentes, elles sont particulièrement intéressantes parce qu’elles se manifestent surtout dans Titeuf et sont évitées dans Astérix, ce qui révèle la réticence de l’auteur d’Astérix à employer des variantes de marquage bas. Dans Titeuf, par contre, nous trouvons p. ex. la construction possessive avec à et d’autres usages prépositionnels déviants:

  1. (8) ‘faut faire gaffe aux plantes à mon père… (Titeuf, p. 14)

Certains éléments diastratiques (cf. infra) peuvent se lire comme relevant du langage enfantin, qui est employé pour caractériser Titeuf et ses amis, des enfants entre huit et dix ans. L’utilisation de ces éléments crée des effets comiques (cf. Goldschmitt (Reference Goldschmitt, Christl, Ellena and Landvogt2005) et Doquet (Reference Doquet2008) pour l’imitation du langage enfantin dans la littérature de jeunesse, Pustka (Reference Pustka2017: 202–203) pour la liaison dans les livres audio comme Le Petit Nicolas et Bedijs (Reference Bedijs, Hafner, Postlep and Pustka2020) pour le langage enfantin simulé dans le film La Guerre des Boutons et ses remakes). Ainsi, les jeunes locuteurs trébuchent sur des constructions complexes qu’ils ne maîtrisent pas encore, comme le montrent l’altération de l’ordre des mots due à la contamination des constructions je vais tout manger et je vais le manger en entier (ex. 9) ou la confusion créée par la tournure n’avoir qu’à en relation avec la négation (ex. 10):

  1. (9) J’vais tout le manger maintenant ! (Titeuf, p. 10)

  2. (10) Ton père, il a qu’avait pô être au chômage… (Titeuf, p. 37)

Enfin, en guise de contre-épreuve, nous avons, dans le tableau 3, également pris en considération l’expression de la distance communicative.

Tableau 3. Fréquences absolues (suivies des fréquences relatives entre parenthèses) des éléments de scripturalité (vs. éléments d’oralité) au niveau morphosyntaxique dans Astérix et Titeuf

Les chiffres du tableau 3 montrent une tendance à la scripturalité dans Astérix, dont les marques réalisées sont illustrées dans les exemples suivants selon l’ordre proposé par le tableau:

  1. (11) Oui, ce sont les escales qui sont fatigantes ! (Astérix, p. 19)

  2. (12) Il faut se méfier de ces gens-là (Astérix, p. 14)

  3. (13) Ce n’est pas le moment de nous déranger ! (Astérix, p. 45)

  4. (14) N’avez-vous pas honte, les romains ? (Astérix, p. 33)

  5. (15) Oui, oui, nous allons envoyer un champion à Olympie ! (Astérix, p. 12)

La tendance à la scripturalité est très claire avec les 76 réalisations du ne contre seulement quatre omissions (cf. ex. 13) et avec l’emploi préférentiel de nous au lieu de on (cf. ex. 15). Même le grand nombre d’interrogations par intonation (56) est au moins en partie contrebalancé par 14 occurrences d’interrogations par inversion (cf. ex. 14).

La situation de Titeuf est nettement différente: parmi les marques relevées dans le tableau 3, il n’y a que quelques rares cas de réalisation du il impersonnel et du ne:

  1. (16) En plus, il fait froid … (Titeuf, p. 4)

  2. (17) Ton père ne va pas tarder. (Titeuf, p. 22)

En général, les éléments d’oralité n’y sont guère contrebalancés par des éléments de scripturalité. Ceci renforce l’impression qui s’est déjà imposée lors de l’interprétation du tableau 2: Titeuf rassemble une multitude de différents phénomènes « oraux » tout en renonçant aux formes relevant de la distance communicative. Astérix, par contre, se distingue par un choix ciblé de moyens langagiers appartenant au champ de l’oralité – parfois employés de manière peu naturelle et stéréotypée – tout en privilégiant par ailleurs des formes scripturales. Le contraste entre cet emploi délibérément stylistique et artificiel des quelques éléments de l’oralité et le fond scriptural fait ressortir les effets comiques de cette stratégie encore plus nettement et s’allie bien avec l’intention parodique de la série (cf. section 3.2).

4.2. Analyse des éléments phonologiques segmentaux

La mise en scène de l’oralité dans les bandes dessinées analysées passe également par l’évocation d’un certain nombre de particularités de prononciation, qui sont pour la plupart transcrites au moyen de phonogrammes (cf. section 3.1) au niveau segmental (cf. tableau 4).

Le tableau 4 démontre très clairement les différences entre Astérix et Titeuf: Celui-ci contient des marques segmentales de l’oralité aussi variées que nombreuses, notamment un nombre important de réductions du type i pour il, t’ pour tu et d’élisions du e caduc comme dans l’exemple suivant.

  1. (18) T’as pô l’droit de regarder ! (Titeuf, p. 17)

Tableau 4. Fréquences absolues des éléments d’oralité au niveau phonologique segmental dans Astérix et Titeuf (tableau limité aux catégories comprenant au moins trois occurrences)

La distinctivité réduite de la prononciation (ex. 19), qui peut aller jusqu’aux apocopes ou aphérèses (ex. 20), représentées par des topogrammes, est également assez fréquente dans Titeuf:

  1. (19) On est chinois, m’sieur (Titeuf, p. 12)

  2. (20) ‘PA ! MAMAN ! ON DÉJEUNE ?! (Titeuf, p. 36)

Tandis que l’ouverture des voyelles nasales concerne toujours le même mot, à savoir nan au lieu de non, l’élision des liquides post-consonantiques (également représentée par des topogrammes) se manifeste de manière plus variée comme dans les exemples suivants (cf. aussi 5.2).

  1. (21) Pôv’ type ! (Titeuf, p. 4)

  2. (22) A vot’ tour ! (Titeuf, p. 8)

Dans Astérix, par contre, les occurrences se font rares et ne concernent que les élisions ainsi que les imitations des défauts de prononciation ou des variantes régionales. Ainsi, l’exemple (23) illustre la manière de représenter la prononciation de Baba, un pirate dont l’origine antillaise est suggérée par son omission du phonème /r/, correspondant à un trait identifié comme caractéristique du français antillais (cf. Pustka Reference Pustka and Thibault2012: 272). Dans les énoncés de Baba, les r sont systématiquement remplacés par des apostrophes. Ceci vaut également pour les consonnes redoublées dans terribles et guerriers, bien que ces dernières ne soient pas géminées lors de la réalisation phonique.

  1. (23) C’est ’empli à ’as b’od [sic] d’une t’ipotée de te’’ibles gue’’ie’s gaulois ! (Astérix, p. 20)

Le statut de phonogramme nous paraît moins avéré pour ce type de transcodage, étant donné que les apostrophes ne correspondent pas à un élément dans la réalisation phonique, mais qu’elles indiquent le manque d’un graphème et servent donc surtout à faciliter la compréhension du lecteur. L’imitation de défauts de prononciation (cf. le zézaiement en 25) ou d’accents étrangers (cf. l’accent suédois en 24) se trouve également dans Titeuf:

  1. (24) Au refoir, Robeurt. (Titeuf, p. 5)

  2. (25) Fa fait fher. (Titeuf, p. 30)

La catégorie la plus importante dans Titeuf, l’écriture phonétique, comprend, quant à elle, des occurrences faisant effectivement référence au changement médial et pouvant par là prétendre au statut de phonogrammes.

  1. (26) chais pô (Titeuf, p. 3)

Ainsi, les éléments chais (ex. 26) et (ex. 18 et 26) ainsi que la liaison explicitée par l’ajout d’un z en plus de la prononciation non-standard de ils (cf. Y z’étaient comme ça à l’époque !, Titeuf, p. 26) essaient d’évoquer la réalisation phonique par une sorte de transcription. Comme la plus grande partie des occurrences (42 sur 45) correspond à la particule de négation , nous nous trouvons ici devant une représentation probablement assez stéréotypée de l’oralité. Comparable aux dislocations à droite dans Astérix, semble être une sorte de griffe de Titeuf qui figure même dans le titre du tome analysé (C’est pô juste). Il ne s’agit pourtant pas d’un élément idiolectal caractérisant le personnage de Titeuf étant donné qu’il est aussi fréquemment utilisé par son ami Manu, entre autres.

De même, les jeux de mots répertoriés dans Titeuf ne sont accessibles que par la lecture à haute voix (cf. ex. 27). Ils sont basés sur des réanalyses de mots complexes ou étrangers telles qu’elles sont souvent effectuées par les enfants.

  1. (27) Ça s’appelle la pomme « des dents » (Titeuf, p. 6) (‘pomme d’Adam’)

4.3. Analyse des éléments phonologiques suprasegmentaux

Comme la BD dispose de moyens graphiques et typographiques plus variés en comparaison avec des genres littéraires édités de manière traditionnelle, beaucoup d’auteurs choisissent de les mettre au service de la mise en scène de l’oralité, surtout pour faire passer des informations phonologiques suprasegmentales au lieu de passer par une description verbale explicite. Le tableau 5 résume l’emploi des moyens (typo)graphique.

Tableau 5. Fréquences absolues des éléments d’oralité au niveau phonologique suprasegmental dans Astérix et Titeuf

Les résultats montrent une prépondérance très claire, mais cette fois-ci en faveur d’Astérix, c’est-à-dire complémentaire par rapport à la dimension phonologique segmentale. Tandis que dans Titeuf, on ne trouve que quelques cas d’allongements par répétition de lettres et quelques cas de représentation d’un volume élevé par des caractères plus grands ou gras, l’emploi de la typographie dans Astérix est plus varié et beaucoup plus fréquent. Cette prédilection d’Astérix pour l’utilisation de tels « visual sound effects » est confirmée par Khordoc (Reference Khordoc, Varnum and Gibbons2001: 157).

La taille des caractères, les caractères en gras ou les petites capitales symbolisent typiquement un volume important ou une insistance particulière (cf. Khordoc Reference Khordoc, Varnum and Gibbons2001: 164–165), comme dans les deux exemples suivants (cf. fig. 1 et fig. 2). Ce procédé est l’un des plus courants dans la BD et représente la catégorie la plus fréquente dans Astérix:

La forme des caractères peut également varier pour suggérer un accent ou une variation diatopique. Dans Astérix, le dessinateur emploie même différents types de symboles graphiques pour obtenir cet effet. Ainsi, des caractères évoquant l’alphabet grec servent à souligner l’origine du locuteur de la fig. 3. En revanche, les pseudo-hiéroglyphes utilisés pour rendre l’énoncé dans la fig. 4 semblent indiquer que le locuteur s’exprime en égyptien (cf. aussi Khordoc Reference Khordoc, Varnum and Gibbons2001: 165–168).

La répétition des lettres représente l’allongement vocalique de manière iconique (cf. fig. 5), alors que la disposition verticale des lettres évoque une intonation spécifique (cf. les courbes montantes dans la fig. 6).

Fig. 6. Astérix, p. 16.

Enfin, la forme des caractères et certains éléments graphiques présents dans les bulles ou la forme même des bulles servent à évoquer des qualités vocaliques (cf. le chant représenté par les notes dans la fig. 7 et la colère du locuteur soulignée par la bulle dentelée dans fig. 8).

Fig. 7. Astérix, p. 31.

Fig. 8. Astérix, p. 34.

Tout comme nous l’avions déjà constaté pour la dimension morphosyntaxique, les auteurs des deux BD choisissent des éléments phonologiques segmentaux et suprasegmentaux clairement distincts les uns des autres pour évoquer l’immédiat communicatif. La disparité des éléments sélectionnés contribue à façonner le style particulier des BD et souligne clairement le caractère construit de l’oralité fictive.

5. Oralité mise en scène vs. oralité authentique

Suite à notre état des lieux des marques de l’oralité, nous contrasterons la réalisation de trois phénomènes exemplaires dans les BD étudiées avec leur réalisation dans le français parlé authentique (fréquence et facteurs (extra)linguistiques décisifs quant à la (non)-réalisation des phénomènes étudiés).

Notre choix s’est porté sur la (non-)réalisation du ne de négation (cf. section 5.1), sur l’élision des liquides post-consonantiques (cf. section 5.2) ainsi que sur les dislocations à droite (cf. section 5.3). Le niveau suprasegmental doit rester en dehors de cette comparaison, la simulation des phénomènes prosodiques n’ayant qu’un caractère approximatif et étant limitée par les restrictions que comporte le changement médial.

5.1. L’omission du ne de négation

Lors de l’analyse de l’emploi du ne de négation, nous avons uniquement pu prendre en considération Titeuf, étant donné qu’Astérix fournit seulement quatre cas d’omission contre 70 réalisations, ce qui correspond à un taux de réalisation du ne de 95%. En revanche, dans Titeuf, la particule n’est réalisée que dans 15% des cas, rapprochant ainsi l’oralité fictive de la BD de l’oralité authentique: l’analyse de différents corpus du français parlé (cf. Armstrong et Smith Reference Armstrong and Smith2002: 28) a montré un taux de réalisation variant entre 65% et 0,5%, l’omission étant clairement majoritaire pour les corpus plus récents.

Notre analyse se focalise par ailleurs sur les facteurs linguistiques qui favorisent l’omission du ne, afin de déceler des convergences entre l’oralité fictive et celle des corpus authentiques. De nombreuses analyses du français parlé (cf. Armstrong et Smith Reference Armstrong and Smith2002, Coveney Reference Coveney2002, Stark et Dufter Reference Stark, Dufter, Combettes and Marchello-Nizia2007, Meisner et Pomino Reference Meisner and Pomino2014, etc.) ont pu montrer que l’omission du ne est favorisée par l’emploi de sujets clitiques. En outre, l’omission du ne semble plus fréquente en contexte de dislocation (cf. Hansen et Malderez Reference Hansen and Malderez2004). L’omission du ne est également favorisée au sein de séquences préformées du type je sais pas ou, plus généralement, en amont de verbes fréquents comme avoir ou être (cf. Moreau Reference Moreau1986). De plus, la présence d’autres clitiques comme y ou en semble contribuer à l’omission de ne (cf. Armstrong et Smith Reference Armstrong and Smith2002). Enfin, la nature du deuxième élément de négation joue également un rôle (cf. Armstrong et Smith Reference Armstrong and Smith2002, Coveney Reference Coveney2002, Hansen et Malderez Reference Hansen and Malderez2004), avec des taux d’omission plus élevés pour (ne)… pas comparé à (ne)… que.

Mis à part la présence d’autres clitiques, les facteurs susmentionnés ont une incidence très claire sur le taux d’omission du ne dans Titeuf (cf. le tableau 6), qui augmente sensiblement pour les sujets clitiques (cf. ex. 28), les contextes disloqués (cf. ex. 29), les séquences préformées (cf. ex. 30) ainsi qu’en amont de pas.

  1. (28) C’est pô juste ! (Titeuf, p. 10)

  2. (29) Les filles, elles ont pô d’imagination… (Titeuf, p. 27)

  3. (30) Beuh… chais pô. (Titeuf, p. 3)

Tableau 6. Facteurs linguistiques favorisant l’omission du ne

À côté de ces facteurs linguistiques identifiés de manière très précise par l’auteur de Titeuf, un facteur de nature extralinguistique semble également jouer un rôle important: en prenant en compte l’âge des locuteurs, l’on constate que ne est systématiquement omis par les enfants, alors que la particule est réalisée de manière systématique par les locuteurs adultes comme par exemple la maîtresse de Titeuf dans l’exemple (31).

  1. (31) Tu crois que je ne voyais pas ta calculette ? (Titeuf, p. 31)

Ainsi, l’auteur se sert de ce trait caractéristique de l’oralité pour caractériser les différents groupes de protagonistes.

5.2. L’omission des liquides post-consonantiques

Avec l’élision des liquides en contexte post-consonantique final du type quat’ ou tab’, notre deuxième étude de cas est consacrée à un phénomène phonologique. Ce type d’élision est uniquement documenté dans le sous-corpus Titeuf, où huit occurrences d’omission s’opposent à 38 cas de réalisation de ces mêmes liquides. Le taux global d’élision (17%) se situe donc bien en-deçà du pourcentage d’omission constaté par exemple pour un groupe de locuteurs parisiens du corpus PFC (48%, cf. Pustka Reference Pustka2011: 26). Dans la mesure où le nombre très faible d’exemples le permet, nous souhaitons vérifier si certaines tendances dans l’omission des liquides, constatées dans différents corpus du français parlé, s’avèrent également valables pour l’oralité fictive dans Titeuf.

Les études de corpus authentiques ont tout d’abord souligné l’influence de l’environnement des liquides. Ainsi, les élisions ont lieu en amont de mots commençant par une consonne plutôt que devant une voyelle ou une frontière (cf. Pustka Reference Pustka2011: 28). Cette tendance n’est pas confirmée dans notre corpus, où le taux d’omission est le plus élevé (30%) devant une frontière forte telle qu’elle se trouve illustrée dans l’exemple suivant:

  1. (32) La contre-attaque va être terrib’ ! (Titeuf, p. 9)

Un autre facteur phonotactique, à savoir la nature du groupe obstruante-liquide, est souvent considéré comme une « variable parasite » (Pustka Reference Pustka2011: 28), étant donné qu’elle est avant tout le symptôme d’une variation lexicale ou diatopique. Dans Titeuf, l’étude de cette variable révèle tout de même une observation intéressante: les groupes comprenant le plus grand nombre d’occurrences de liquides post-consonantiques, qu’elles soient élidées ou non, sont /tr/ (au sein de lexèmes tels que peut-être, votre, ministre, etc.) et /bl/ (surtout au sein de horrible et terrible), qui présente avec 57% le taux d’élision le plus élevé. À l’intérieur de ce dernier groupe, on retrouve une tendance déjà constatée pour la négation: alors que l’élision est quasiment systématique pour les enfants, les locuteurs adultes réalisent la totalité des liquides. Ainsi, contrairement aux adultes, les enfants omettent régulièrement la liquide du suffixe -(i)ble (ex.: terrib’, cf. ex. 21 ou horrib’). Mis à part ce patron d’omission, le corpus ne révèle aucune systématicité au niveau de la variation lexicale.

Enfin, l’importance du facteur extralinguistique de l’âge du locuteur ressort très clairement lorsque l’on compare la réalisation des liquides au sein des mêmes lexèmes par différents locuteurs. Ainsi, l’adjectif possessif votre est systématiquement élidé par les enfants (cf. ex. 33), alors que les liquides y sont réalisées par les locuteurs adultes (cf. ex. 34).

  1. (33) Si vous êtes conservateur, vous pourriez mieux faire vot’ boulot ! (Titeuf, p. 34)

  2. (34) Vous pourriez la tenir, votre sale bête ! (Titeuf, p. 25)

Ces résultats ne permettent pourtant pas de conclure que, dans Titeuf, la représentation du langage enfantin correspond à l’oral « authentique » des corpus, alors que le langage adulte est surtout caractérisé par des éléments de scripturalité: même si l’on prend en compte uniquement les énoncés enfantins, le taux d’omission des liquides post-consonantiques s’élève seulement à 22% et reste donc bien en-deçà des taux documentés dans les corpus du français parlé.

5.3. Les dislocations à droite

Pour notre dernière étude de cas, nous nous sommes concentrées sur les dislocations à droite réalisées dans Astérix, étant donné que le phénomène y est particulièrement fréquent. Cette fréquence est d’autant plus significative que le nombre de dislocations à droite y excède de loin (46 occurrences, correspondant à 72% des cas de dislocation) celui des dislocations à gauche (18 occurrences, équivalant à 28%). Si l’on compare cette observation avec les résultats de l’étude empirique de Horváth (Reference Horváth2018), qui est basée sur les entretiens guidés et les conversations libres de 28 locuteurs du corpus PFC, l’on constate que l’oralité fictive est diamétralement opposée à l’oralité authentique: dans le corpus de Horváth (Reference Horváth2018), la dislocation à gauche représente 71% des cas de dislocation, contre 18,4% pour la dislocation à droite et 10,7% pour d’autres constructions disloquées (cf. Horváth Reference Horváth2018: 98; cf. également Söll Reference Söll1985: 151, qui confirme que la fréquence plus élevée de la dislocation à gauche est également attestée dans des corpus du français parlé des années 1960 et donc contemporains à la parution de l’album Astérix aux Jeux Olympiques). Cette préférence pour la dislocation à droite dans l’oralité mise en scène dans Astérix semble donc relever d’un choix stylistique. Comme le montrent les exemples (35) à (39), dans beaucoup de cas, la dislocation caractérise la manière de s’exprimer des protagonistes comme étant (exagérément) emphatique. L’exemple (39) souligne tout particulièrement l’artificialité de l’emploi des dislocations déjà signalée plus haut (cf. section 3.1): la dislocation à droite en tant que phénomène évoquant l’immédiat communicatif s’oppose ici à la forme non-élidée du clitique tu, produisant ainsi un contraste stylistique.

  1. (35) [Tullius Mordicus:] Ils sont fous, ces Romains ! (Astérix, p. 14)

  2. (36) [Obélix:] Ils sont fous, ces Hellènes ! (Astérix, p. 44)

  3. (37) [Tullius Mordicus:] Je vais les aller voir, moi, les Gaulois ! (Astérix, p. 10)

  4. (38) [Abraracourcix:] Alors, nous avons décidé de participer aux Jeux Olympiques, nous aussi ! (Astérix, p. 12)

  5. (39) [Obélix:] Mais, tu es têtu, toi ! (Astérix, p. 45)

Si l’on considère les fonctions pragmatico-discursives des dislocations à droite (indication d’une nouvelle relation topicale, demande de clarification ou expressivité, cf. Horváth Reference Horváth2018: 167), on constate que la fonction expressive est plus présente dans Astérix (env. 38% des syntagmes lexicaux disloqués) que dans le corpus analysé par Horváth (Reference Horváth2018: 167) (env. 12% des syntagmes lexicaux disloqués). Ainsi, un manque de naturel se fait sentir surtout par rapport à la phrase stéréotypée Ils sont fous, ces romains ! (Astérix, p. 14) qui est reprise sous différentes variations (Ils sont forts, ces Spartiates […] !; […] ils sont fous, eux aussi !; Ils sont fous, ces héllènes !, Astérix, pp. 29, 42, 44) et dans les autres albums de la série. Sa valeur emblématique a même été conservée dans différentes traductions. Les versions allemande (ex. 40), italienne (ex. 41) et espagnole (ex. 42) reproduisent la dislocation à droite à l’identique, tandis que dans la version anglaise (ex. 43), l’ordre des mots conserve au moins une trace de la dislocation originale (cf. Rivelin Constantin Reference Rivelin Constantin1992: 78).

  1. (40) Die spinnen, die Römer !

  2. (41) Sono pazzi questi Romani !

  3. (42) ¡Están locos estos romanos!

  4. (43) These Romans really are crazy!

6. Conclusion et perspectives

Un des objectifs de cet article était d’établir l’inventaire ainsi que la fréquence des marques de l’oralité employées par les auteurs des deux albums analysés. À côté d’un état des lieux exhaustif, la prise en compte de la fréquence des éléments oraux a permis de révéler différentes stratégies globales dans la mise en scène de l’oralité: dans Astérix, nous avons relevé une sélection relativement restreinte d’éléments oraux. La BD met en scène prioritairement des phénomènes morphosyntaxiques ainsi que des éléments relevant du niveau phonologique suprasegmental. Titeuf, en revanche, reproduit une large gamme de phénomènes oraux situés aux niveaux morphosyntaxique et phonologique segmental, tandis que les éléments phonologiques du niveau suprasegmental se font rares.

Le deuxième objectif consistait à établir le degré d’authenticité de la reproduction de l’oral mis en scène et de déceler des stratégies de stylisation. Par la mise en regard de l’oralité fictive et de l’oralité authentique telle qu’elle est documentée dans différents corpus du français parlé, nous avons, dans le cadre de trois études de cas, réussi à identifier différents mécanismes de stylisation: tout d’abord, la fréquence des trois phénomènes analysés (l’omission du ne de négation, l’élision des liquides post-consonantiques et la dislocation à droite) diffère considérablement de celle documentée dans les corpus du français parlé. D’un côté, les taux d’omission du ne de négation ainsi que des liquides en contexte post-consonantique final sont beaucoup moins élevés, laissant supposer qu’une « dose » réduite d’éléments considérés comme « typiquement oraux » pourrait être suffisante pour évoquer l’immédiat communicatif. De l’autre côté, la fréquence des dislocations à droite est beaucoup plus élevée dans Astérix que dans les corpus du français parlé, ce qui contribue au statut de leitmotiv de la construction servant de « marque de fabrique » de la série Astérix.

De plus, la distribution des marques de l’oralité dans les albums ne correspond pas forcément à celle de l’oral authentique: alors que l’auteur de Titeuf réussit à identifier la majorité des facteurs linguistiques entraînant l’omission du ne de négation, les tendances dans l’omission des liquides post-consonantiques ne correspondent pas à celles documentées pour l’oralité authentique. La même chose vaut pour l’emploi des dislocations à droite dans Astérix.

Ensuite, dans Titeuf, les éléments de l’immédiat communicatif sont mis au service de la caractérisation de différents (groupes de) personnages. Ainsi, l’auteur oppose habilement les adultes, qui se distinguent par l’emploi systématique du ne de négation et la réalisation de la totalité des liquides en contexte post-consonantique final, aux enfants, qui se caractérisent par l’omission plus ou moins fréquente des deux éléments.

Trois aspects mériteraient tout particulièrement de faire l’objet de futurs travaux: premièrement, les analyses de la traduction de l’oralité fictive gagneraient également à prendre en compte l’oralité « authentique » de la langue cible. Deuxièmement, l’étude des mécanismes de stylisation, qui s’était appuyée ici sur des BD humoristiques, se verrait complétée par la prise en compte de BD adoptant un ton plus sérieux. Il faudrait vérifier si, le cas échéant, ce genre d’ouvrages fait preuve d’une autre approche de l’oralité, soit en recherchant encore plus d’effets d’authenticité, soit en se détournant entièrement de ces moyens éventuellement perçus comme trop caricaturaux. Enfin, troisièmement, il faudrait intégrer des approches linguistiques multimodales (cf. Forceville et al. Reference Forceville, Refaie, Meesters and Burke2014) dans l’analyse de la BD, ce qui permettrait de prendre en compte le contenu visuel, dont nous avons ici négligé l’étude au profit du contenu textuel.

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Figure 0

Fig. 1. Astérix, p. 6.

Figure 1

Fig. 2. Titeuf, p. 21.

Figure 2

Tableau 1. Inventaire des phénomènes morphosyntaxiques et phoniques relevant de l’immédiat communicatif. Sauf indication contraire, les exemples proviennent de Koch et Oesterreicher (2011) qui s’appuient sur des corpus du français parlé

Figure 3

Fig. 3. Astérix, p. 41.

Figure 4

Fig. 4. Astérix, p. 35.

Figure 5

Fig. 5. Astérix, p. 30.

Figure 6

Tableau 2. Fréquences absolues des éléments d’oralité au niveau morphosyntaxique réalisés dans Astérix et Titeuf (tableau limité aux catégories comprenant au moins trois occurrences)

Figure 7

Tableau 3. Fréquences absolues (suivies des fréquences relatives entre parenthèses) des éléments de scripturalité (vs. éléments d’oralité) au niveau morphosyntaxique dans Astérix et Titeuf

Figure 8

Tableau 4. Fréquences absolues des éléments d’oralité au niveau phonologique segmental dans Astérix et Titeuf (tableau limité aux catégories comprenant au moins trois occurrences)

Figure 9

Tableau 5. Fréquences absolues des éléments d’oralité au niveau phonologique suprasegmental dans Astérix et Titeuf

Figure 10

Fig. 6. Astérix, p. 16.

Figure 11

Fig. 7. Astérix, p. 31.

Figure 12

Fig. 8. Astérix, p. 34.

Figure 13

Tableau 6. Facteurs linguistiques favorisant l’omission du ne