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Les quatre temps de l'interculturalisme au Québec

Published online by Cambridge University Press:  24 February 2021

Guillaume Lamy*
Affiliation:
Département de science politique, Université du Québec à Montréal, 3-2315, Desjardins, Montréal, Québec, H1V 2H6.
Félix Mathieu
Affiliation:
Département de science politique, Université du Québec à Montréal, 7809, Saint-Denis, Montréal, Québec, H2R 2E9.
*
*Auteur correspondant. Courriel : lamy.guillaume@courrier.uqam.ca
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Résumé

Cet article propose de montrer la transformation de l'idée d'interculturalisme au Québec de sa genèse dans les groupes communautaires montréalais des années 1960 jusqu’à son intégration dans la politique des partis au début du XXIe siècle à l'Assemblée nationale du Québec. Cette sociologie historique insiste sur la course à relais entre divers acteurs qui sont entrés en concurrence afin d'en définir le sens et les principes. L'histoire de l'idée d'interculturalisme montre en relief quatre périodes distinctes : la genèse du vocabulaire de « l'interculturel » (1963–1977), sa diffusion hors des groupes communautaires (1978–1988), la transition sémantique vers « l'interculturalisme » (1988–2006) et la polarisation politique à son sujet alors que se lèvent au Québec les controverses identitaires (2007–2018).

Abstract

Abstract

This article proposes an in-depth analysis of the transformation of the idea of interculturalism in Quebec from its genesis in Montreal community groups in the 1960s to its integration into party politics in the beginning of the 21st century at the National Assembly of Quebec. This historical sociology insists on the relay race between various actors who have competed in order to define its meaning and principles. The history of the idea of interculturalism highlights four distinct periods: the genesis of the vocabulary of “intercultural” (1963–1977), its diffusion outside of the community groups (1978–1988), the semantic transition to “interculturalism” (1988–2006) and its political polarization over contemporary Quebec's identity controversies (2007–2018).

Type
Étude originale/Research Article
Copyright
Copyright © The Author(s), 2021. Published by Cambridge University Press on behalf of the Canadian Political Science Association (l'Association canadienne de science politique) and/et la Société québécoise de science politique

La littérature universitaire concernant l'interculturalisme comme modèle théorique et normatif d'aménagement de la diversité apparaît désormais saturée. La synergie générée par la commission Bouchard-Taylor en 2007 a enclenché une production littéraire impressionnante au sujet de cette matrice identitaire (Labelle, Reference Labelle2008; Seymour, Reference Seymour2009; Gagnon, Reference Gagnon2010; Bouchard, Reference Bouchard2012; Thériault, Reference Thériault, Labelle, Antonius and Toussaint2013; Emongo et White, Reference Emongo and White2014; Laforest, Reference Laforest2014; Rocher et White, Reference Rocher and White2014; Labelle, Reference Labelle2015; Lefebvre et St-Laurent, Reference Lefebvre and St-Laurent2018). Personne n’étant propriétaire du concept, les désaccords entre auteurs sont toujours plus nombreux et il semble bien que davantage d'argumentation nous éloignerait encore plus d'un consensus. Les clivages d'interprétation se sont établis : l'interculturalisme se révèle plus polysémique aujourd'hui qu'il ne l'a jamais été. On ne compte plus les textes qui ont cherché à établir des distinctions ou des rapprochements entre l'interculturalisme et le multiculturalisme et rien ne permet d'imaginer un quelconque raccordement de ceux qui ont investi ce débat jusqu'ici. Néanmoins, il ressort de cette littérature que l'interculturalisme qui est débattu au Québec est différent de celui qui occupe les intellectuels en Europe. C'est notamment la conclusion à laquelle on en arrive à la lecture du collectif Multiculturalism and Interculturalism: Debating the Dividing Lines, dirigé par Nasar, Modood et Zapata-Barrero (Reference Nasar, Modood and Zapata-Barrero2016). En effet, les chapitres de cet ouvrage qui sont rédigés par des Québécois abordent l'interculturalisme en tant que modèle institutionnalisé d'aménagement de la diversité ethnoculturelle s'appliquant à l’échelle nationale. Quant aux perspectives européennes, l'interculturalisme se présente plutôt comme une pratique relevant d'un modus vivendi qui doit être entretenue à l’échelle locale par les acteurs et groupes présents au sein des grandes villes cosmopolites.

Bien qu'elles soient stimulantes, cet article cherche à échapper à ces réflexions sur la nature de l'interculturalisme ou sur ce qu'il devrait être. Ce texte a plutôt pour objectif d’élaborer une sociologie historique de l'idée d'interculturalisme au Québec, en proposant une interprétation de la manière dont cette idée a émergé dans les milieux communautaires montréalais des années 1960, pour atterrir un demi-siècle plus tard au cœur des débats de la classe politique de l'Assemblée nationale du Québec.

Pour accomplir cet objectif, la démarche de cet article relève de la nouvelle sociologie des idées que Camic et Gross (Reference Camic, Gross and Blau2008) distinguent de la « vieille sociologie des idées ». Cette désignation ferait référence aux premiers auteurs qui se sont intéressés au rôle que jouent les idées dans l’évolution des sociétés. Reprenant les classiques biens installés dans le corpus des sciences sociales–que sont Comte, Marx et Engels, Durkheim et Weber –, ces pionniers, qu'on retrouvait essentiellement dans le champ de la sociologie de la connaissance du milieu du XXe siècle, étaient composés, entre autres, de Mannheim, Merton et Parsons. Bien que les travaux de ces premiers auteurs attestent d'un caractère réellement hétéroclite, cette « vieille sociologie des idées » montrait plusieurs recoupements. Les idées y étaient en effet présentées comme des moyens plutôt que comme des fins pour ceux qui les incarnent. On observait aussi peu d'intérêt pour l'enracinement des idées dans le temps et l'espace, dépouillant ainsi les analyses des conditions ayant mené à leur genèse. Aussi, cette première génération de sociologues ne s'attardait pas suffisamment au caractère processuel de la vie des idées et, entre autres, au fait que leur sens fait l'objet d'une concurrence entre les acteurs pour les définir.

La « nouvelle sociologie des idées » qui a émergé surtout à partir des années 1980 a conduit à une intéressante réorientation de ce sous-champ de la sociologie en cherchant à éviter ces écueils épistémologiques. Parmi d'autres, Bourdieu (Reference Bourdieu1984), Collins (Reference Collins1998) et Dufour (Reference Dufour2015) ont convaincu leurs contemporains depuis lors de l'importance 1) de reconnaître que les idées peuvent constituer des fins en elles-mêmes, 2) d'ancrer les idées dans leur contexte historique et géographique et 3) de souligner, surtout à l'aide de la notion de « champs », que les porteurs d'idées sont en concurrence pour en définir le sens ainsi que pour leur position sociale. Les enjeux relevant du prestige dans l'histoire d'une société comme ceux de la postérité ou de la paternité idéelle doivent faire l'objet d'une attention de première importance.

En sociologie, Milot (Reference Milot2002) s'est adonnée à une démarche semblable pour traiter de la laïcité au Québec et, en science politique, Dupuis-Déri (Reference Dupuis-Déri2013) a procédé d'une manière similaire pour présenter une histoire politique du mot démocratie. Des auteurs comme Mann (Reference Mann2016), Haque (Reference Haque2012) et Igartua (Reference Igartua2011) ont produit des études semblables pour retracer le contexte et la manière dont le multiculturalisme s'est développé au Canada. À ce jour, aucune étude de ce genre n'a été réalisée au sujet de l'interculturalisme au Québec.

Pourtant, depuis la tenue de la Commission Bouchard-Taylor (2007–2008), deux partis ont annoncé avoir l'intention d'officialiser l'interculturalisme sous la forme d'une loi ou d'un énoncé politique. Dans la Politique d'affirmation du Québec et de relations canadiennes, le Parti libéral soulignait qu'il était devenu « essentiel aujourd'hui que l'interculturalisme, comme mode d'intégration favorisant le vivre-ensemble, soit formellement reconnu. C'est pourquoi, » poursuivait-il, « le Québec entend présenter une politique officielle sur l'interculturalisme » (Québec, 2017 : 72). Bien que le Parti libéral du Québec ait perdu le pouvoir en 2018 au profit de la Coalition Avenir Québec, le premier ministre François Legault et son ministre de l'Immigration, Simon Jolin-Barrette, ont déjà indiqué qu'ils étaient également en faveur de l'interculturalisme. À l'occasion d'une conférence de presse à l'Assemblée nationale du Québec, le 16 mars 2015, François Legault présentait un « plan [qui] vise à doter le Québec d'une loi sur l'interculturalisme québécois » (Legault, Reference Legault2015). Dans ce contexte, comment interpréter l’émergence et l’évolution de l'idée d'interculturalisme au Québec? Plus précisément, en remontant à sa genèse, à quoi ressemble cette course à relais qui a permis à cette idée de franchir différents seuils, passant d'un vocabulaire propre au milieu communautaire pour se rendre aux portes du pouvoir? Au fond, quand cette idée est-elle apparue? Comment s'est-elle diffusée? Surtout, par quels processus s'est-elle hissée à l'Assemblée nationale au point d’être portée et promue par plusieurs gouvernements trois décennies après son apparition dans le langage d'une société?

En proposant des éléments de réponses à ces questions, cet article cherche à combler une importante carence dans la littérature en proposant une interprétation de la trajectoire sociale et politique de l'idée d'interculturalisme au Québec. L'approche de ce texte vise en conséquence à faire de l'idée d'interculturalisme un objet autour duquel ont gravité différents acteurs à travers le temps. En plus de la sociologie historique à laquelle souscrit cet article, il faut ajouter une posture inspirée de l'analyse des controverses scientifiques : un agnosticisme assumé (Pestre, Reference Pestre2006) qui consiste à ne pas donner raison ou tort aux acteurs et groupes qui ont écrit le roman du débat québécois sur l'interculturalisme en un demi-siècle. En mobilisant une telle posture, cet article ne cherche donc pas à nourrir une énième proposition normative ou d'en promouvoir une déclinaison existante. Cette approche vise essentiellement à montrer comment différents groupes–fussent-ils pédagogues, groupes communautaires, intellectuels, universitaires ou politiques–ont développé leur vision de l'interculturalisme; et de dégager ce sur quoi ils ont insisté en termes de principes, de valeurs et même d'espoir. Surtout, les débats entourant les enjeux de définition sur ce qu'est ou devrait être l'interculturalisme permettent de mettre en lumière les tensions entre différents auteurs et familles de pensée qui sont entrées en concurrence pour définir le modèle d'intégration de la diversité au Québec. Enfin, cette sociologie historique permet aussi d'identifier la conception de l'interculturalisme qui a été retenue par le Parti libéral de Philippe Couillard lors de la 41e législature (2014–2018). Cette démarche est d'autant plus pertinente qu'elle consiste, par une étude de cas ciblant l'idée d'interculturalisme, à mesurer la perméabilité entre les débats intellectuels et universitaires et ceux de la classe politique.

Précisions sur la méthode et les bases de données : pour une intégration de l'approche sociale et élitiste des idées

Afin de nourrir cette sociologie historique, deux bases de données complémentaires ont été utilisées. Pour avoir accès au discours des représentants élus et des partis politiques, ce sont les journaux de l'Assemblée nationale qui ont été consultés. Ils rassemblent l'intégralité des interventions en chambre et en commissions parlementaires depuis la fin des années 1960. La confection de ces archives est le fruit d'une méthode uniformisée de transcription–par des professionnels du verbatim–des propos tenus dans un cadre officiel à l'Assemblée nationale. Cette première base de données rassemble le discours de l’élite politique québécoise et permet d'illustrer, comme aucun autre matériau, l'apparition et l’évolution de l'idée d'interculturalisme sur cinq décennies.

Dans le but de ne pas se limiter au discours de l’élite politique et d'ajouter une approche sociale à cette sociologie des idées, le patrimoine textuel québécois numérisé par Bibliothèque et Archives nationales du Québec (BAnQ) correspond à la ressource documentaire la plus riche et la mieux construite qui soit à la disposition des chercheurs québécois. Contenant la presque totalité des périodiques québécois depuis plus de deux siècles, cette base de données a été l'objet d'une stratégie uniformisée de numérisation effectuée par des professionnels de la documentation afin de faciliter la recherche transversale entre les périodes historiques et les types de publications. On y trouve les périodiques de toutes les régions québécoises, incluant ceux des groupes culturels, communautaires ou religieux qui accusent souvent un déficit de capital symbolique aux yeux des chercheurs et des historiens des idées politiques.

Cela fait de ces deux bases de données une somme d'informations de valeur indépassable autant pour des raisons qualitatives qui relèvent des méthodes de conversion numérique, que pour des raisons quantitatives qui renvoient à l'abondance de documents (750 000 documents numérisés en date du 10 juin 2019) et à leur étalement dans la durée telle que le requiert une démarche en sociologie historique des idées. Également, la recherche par mots-clés dans des bases de données aussi volumineuses permet d’éclairer les angles morts qui peuvent être négligés même par les chercheurs les plus érudits, car la numérisation professionnalisée par BAnQ a pour mandat d'inclure toutes les archives textuelles du territoire québécois dans son intégralité, ce qu'aucune autre organisation n'aurait été en mesure d'accomplir.

Enfin, cette approche intégrée qui demeure sous-utilisée au Québec (surtout en ce qui a trait au recours au patrimoine québécois numérisé par BAnQ) permet de dépasser l'antagonisme en sciences sociales entre l'histoire et la sociologie des élites (qui insistent sur les acteurs de la classe politique, les intellectuels publiés dans les journaux prestigieux et les universitaires); et l'approche sociale des idées qui insiste sur la culture et les acteurs locaux que sont les mouvements sociaux et les groupes communautaires.

Brève présentation des quatre temps de l'interculturalisme au Québec

En 2008, le rapport de la Commission Bouchard-Taylor avouait ne pas avoir réussi à trouver l'origine de l'idée d'interculturalisme (Bouchard et Taylor, Reference Bouchard and Taylor2008: 118). Or, un examen des imprimés québécois maintenant numérisés par BAnQ, la numérisation des verbatim archivés des débats et des commissions parlementaires à l'Assemblée nationale, permet désormais d'illustrer les linéaments de l'histoire et de la préhistoire de l'interculturalisme au Québec comme le présente la graphique 1.

Graphique 1. Illustration des quatre temps de l'interculturalisme au Québec sur une ligne du temps.

Ces informations plus facilement accessibles permettent de dégager quatre temps dans l'histoire de l'idée d'interculturalisme au Québec, bien que ceux-ci se chevauchent par moment. Un premier temps (1963–1977) s'observe d'abord avec l'apparition du qualificatif « interculturel » dans les milieux communautaires montréalais. Ce terme, propre au milieu pluriethnique et cosmopolite émergeant de la métropole, a rapidement été intégré par les travailleurs sociaux, pédagogues et psychologues de cette région durant les années 1970.

Un deuxième temps (1978–1988) se démarque du premier alors que ce vocabulaire se popularise dans toutes les couches de la société, en particulier dans les domaines culturels, politiques et administratifs. Lors de cette période, « l'interculturel » insémine visiblement les documents ministériels et donne une teinte à l'architecture institutionnelle comme le montre le nom de diverses entités publiques et parapubliques qui voient le jour durant cette décennie, tel le Comité sur les affaires interculturelles créé par le Conseil supérieur de l’éducation en 1983.

Avec la sanction de la loi fédérale sur le multiculturalisme en 1988, un troisième temps (1988–2006) peut être identifié alors que se développe un glissement sémantique notable entre ce qui était jusqu'alors essentiellement un qualificatif, « l'interculturel », vers un nouveau terme, « l'interculturalisme », qui sera discuté de plus en plus par les intellectuels et les universitaires comme une réponse au multiculturalisme canadien. Lors de cette période, les sources documentaires examinées permettent de constater un consensus relatif autour de cette idée sans qu'elle ait été officialisée au Québec et sans qu'une définition précise de ses principes ait réussie à éclipser les autres dans le discours social. Ce troisième temps dans l'histoire de l'interculturalisme montre que ce terme n'est plus utilisé exclusivement comme un synonyme de diversité et devient de plus en plus, dans l'usage, un modèle d'intégration qu'on souhaite implanter pour aménager la diversité québécoise.

Un quatrième temps (2007–2018) vient briser ce consensus autour de l'interculturalisme avec la polarisation observable au Québec autour des débats identitaires. On pense évidemment à la controverse sur les accommodements raisonnables en 2006 et aux élections provinciales de 2007 où l'Action démocratique du Québec a quitté la marge où il se situait jusqu'alors en tant que tiers parti pour devenir le premier parti d'opposition. Ce dernier temps se caractérise par une mutation historique du système partisan au Québec–un phénomène que l'on peut relier en bonne partie à l'essor d'une demande populaire pour des politiques identitaires (Lamy, Reference Lamy2019)–comme en témoignent le rapport Bouchard-Taylor (Reference Bouchard and Taylor2008), la Charte des valeurs (2013–2014), la loi 62 sur la prestation et l'obtention de service à visage découvert (2017) ou la loi 21 sur la laïcité de l’État de la Coalition avenir Québec (2019).

À cette étape, il est important de souligner que l'ambition de cet article n'est pas d'expliquer ce qui cause le passage d'un temps à l'autre, mais de dégager des segments distincts dans l'histoire de l'interculturalisme au Québec; en insistant, entre autres, sur l'apparition de nouveaux acteurs dans la conversation collective et sur le sens qu'ils accordent à cette idée.

Prélude, avant l'interculturel : l'interreligieux

La chose est bien connue des historiens : les premiers ne sont jamais vraiment les premiers. L'idée des rapprochements interculturels au Québec ne saurait se dérober à cette logique. En remontant la ficelle de l'histoire des idées, le qualificatif interculturel, qui apparaît dans l'usage des groupes communautaires de Montréal à partir de la fin des années 1960, doit beaucoup à un autre terme qui le précède de quelques années : l'interreligieux.

Il n'est plus nécessaire de démontrer à quel point Vatican II (1962–1965) a bouleversé les mœurs et les institutions québécoises. En particulier, Meunier et Warren (Reference Meunier and Warren2002) ont bien montré la transformation profonde du rapport collectif de la société avec les institutions catholiques. On voit ainsi apparaître, dans les archives du patrimoine québécois, les toutes premières occurrences des mots « interreligieux » et « interreligieuse » à partir des années 1960. Ce langage en plein essor laisse voir que divers pans de la société civile se sont alignés dans l'axe des réorientations qui avait été mis à l'ordre du jour par le Saint-Siège; c'est-à-dire, la volonté de promouvoir les rapprochements œcuméniques avec les chrétiens non catholiques tout en engageant le dialogue avec les religions non chrétiennes.

Le contenu des périodiques de l’époque illustre bien l'installation de ce nouveau paradigme conciliaire. Dans les imprimés québécois, on couvre les activités juives célébrant la « fraternité interreligieuse » (La Presse, 1963), on traite des initiatives de rapprochement entre anglicans, orthodoxes, protestants et catholiques par l'entremise d’« échanges interreligieux » (L'Avenir du Nord, 1964). Ces projets de dialogue interreligieux sont même rapportés comme une façon de respecter la nouvelle volonté pontificale (Le Devoir, 1967). La société civile participe pleinement à ce mouvement comme en témoigne la formation d'une Conférence canadienne interreligieuse (Le Soleil, 1965).

Au Québec, l'interreligieux prend, entre autres, la forme d'un rapprochement judéo-chrétien. En 1967, le B'nai Brith souhaite « promouvoir la compréhension interreligieuse » (Racine, Reference Racine1967) et cela semble bien être au diapason avec les Jésuites de la revue Relations qui publicisent la conférence internationale de Chrétiens et de Juifs dans leurs pages (Marie-Noëlle, Reference Marie-Noëlle1968).

C'est dans ce contexte qu'est fondé le Centre Monchanin à Montréal en 1963 par le frère Jacques Langlais de la Congrégation de Sainte-Croix, en l'honneur de Jules Monchanin que l'on peut présenter comme un des précurseurs importants du dialogue interreligieux, actif trois décennies avant Vatican II. C'est aussi dans ce centre que se côtoient pour les premières fois les termes interreligieux et interculturel tel qu'on peut le lire dans leur revue Monchanin (devenue la revue InterCulture en 1981) qui sera en activité jusqu'en 2010. En plus de ces termes, l'idée d'inculturation, qui repose sur l'interpénétration des cultures, sera au cœur de la pensée du fondateur. C’était explicitement ce que souhaitent les directeurs du Centre Monchanin, surtout entre l'Islam, l'hindouisme et le christianisme; ce à quoi s'ajouteront durant les années 1970 les cultures autochtones. Comme l'ont souligné Lévy (Reference Lévy, Emongo and White2014) et Gratton (Reference Gratton, Lomomba and White2014), il faut effectivement insister sur le rôle historique qu'a joué ce centre dans la diffusion du vocabulaire et d'une philosophie de l'interculturel au Québec.

L'interculturel du Centre Monchanin

L'idée d'interculturel du Centre Monchanin se caractérise par le refus de faire reposer l'interculturel sur un centre de gravité ethnocentrée qui serait celui de la majorité « historique » québécoise de tradition catholique (Gauthier, Reference Gauthier2003: 15). Cette conception est bien résumée par l'esprit qui habitait les activités du Centre tel que rapporté par Jacques Langlais dans son autobiographie. Au Centre Monchanin, écrivait-il,

Les Québécois, aussi bien que les étrangers et les immigrants, s'y retrouvaient, dans une certaine mesure, en situation d’égalité, parce que tous « dépaysés » par rapport à leur langue, leurs habitudes alimentaires, et jusqu’à l'environnement et l'esthétique architecturale de leur lieu d'origine. Il n'y avait plus ni hôtes qui accueillent, ni étrangers qui sont accueillis. (Langlais, Reference Langlais2000: 238)

L'interculturel du Centre Monchanin se résume comme une éthique de la rencontre qui voit en la diversité une ressource capable de transformer tous les individus indépendamment de leur identité–qu'ils soient natifs ou immigrés; croyants, agnostiques ou athées. L’épistémologie interculturelle de cet organisme ressemble à un processus où les composantes sont en perpétuelle transformation au contact de l'altérité, comme en témoigne l'apostrophe de leur revue, InterCulture, qui résume bien la philosophie sociale de cet organisme : « vers une fécondation mutuelle des cultures ». Comme le rapporte Danielle Gratton, dans une ambition de faire une pédagogie de l'interculturel, ce centre a offert des formations, séminaires, colloques, conférences et ateliers à 500 professionnels, 2000 citoyens et plus d'une vingtaine d’écoles par année pendant 35 ans (Gratton, Reference Gratton, Lomomba and White2014: 180).

Premier temps : genèse de l'interculturel dans le milieu communautaire, chez les pédagogues, psychologues et travailleurs sociaux (1963–1977)

L'examen du patrimoine textuel québécois numérisé par BAnQ montre un usage restreint du qualificatif « interculturel » entre les années 1960 et 1977. Ce vocabulaire se limitait d'abord essentiellement aux groupes communautaires et religieux et a rejoint ensuite l'univers des travailleurs sociaux, des enseignants, psychologues et spécialistes de la communication. Plus spécifiquement, on peut interpréter cette diffusion initiale de l'interculturel par la nécessité qui s'est imposée à ces milieux de développer un vocabulaire pour traiter adéquatement de la réalité montréalaise qui gagnait en diversité. À partir de la Révolution tranquille, on note une diversification accrue de l'origine géographique des immigrants et l'arrivée massive d'immigrants liée à des événements politiques : Haïtiens et Juifs séfarades dès les années 1960; Vietnamiens, Chiliens et Argentins durant les années 1970.

Ce besoin de répondre à la réalité pluriculturelle s'observe facilement dans un premier temps dans la publicisation des activités des groupes communautaires ainsi que par l'affichage d'offres d'emplois exigeant des « compétences interculturelles ». C'est le cas, parmi d'autres, de Jeunesse Canada Monde qui publie moult offres d'emploi visant à recruter sur une base annuelle, par exemple, « un psychologue et un diplômé en sciences de l’éducation ou en communication interculturelle » ainsi que plusieurs recherchistes en psychologie et en pédagogie; et des animateurs permanents spécialisés en relations interculturelles (Le Devoir, 1974).

En 1975, en collaboration avec le Centre Monchanin, des cégeps, comme celui de Saint-Hyacinthe, organisent des « rencontres interculturelles » (Le Nouveau Clairon, 1975: 2) et en 1976, divers YMCA de Montréal développent aussi ce programme sous la forme de camps d’été composés « d'activités interculturelles » (La Presse, 1976b: D4).

À diverses reprises, le thème des mariages interculturels fait son apparition dans les journaux du Québec et par l'entremise d'activités du Centre Monchanin (La Presse, 1977: H4) qui continue, par ailleurs, d’étendre ce vocabulaire à de plus en plus de domaines, comme en témoigne l'annonce d'une série de rencontres thématiques intitulée « Le sport dans une perspective interculturelle » (La Presse, 1976a: 7).

Ce besoin d'adapter la pédagogie à la diversité prend de l'ampleur tout au long des années 1960 et 1970. De nombreux organismes voués à l’éducation populaire et communautaire s'ancrent dans ce paradigme. Dès 1961, l'Institut canadien d’éducation des adultes (ICEA) offre des ateliers d’éducation interculturelle au public (Le Devoir, 1961: 3). Analogue dans sa mission pédagogique, le Centre d'apprentissage interculturel à Montréal, actif en 1969, évoque le fondement de son existence qui « est de sortir du schéma classique d'enseignement » (Trudel, Reference Trudel1972). Ces initiatives de la société civile ne concernent pas que les Québécois d'ascendance canadienne-française, mais aussi les jeunes issus de la diversité, comme l'illustre la création dans le quartier Côte-des-Neiges à Montréal du Centre interculturel de la jeunesse, qui publicise ses activités dans des quotidiens (Le Devoir, 1977: 12). Pensons aussi à la mise sur pied de la fraternité interculturelle, une association dont la mission consiste à rapprocher « Indiens, Métis et Québécois » (Commanda, Plourde et Bourgeois, Reference Commanda, Plourde and Bourgeois1973).

Les compétences interculturelles deviennent même une exigence à l'embauche au ministère des Affaires indiennes et du Nord à partir de 1972, tel que l'annonce le ministre Jean Chrétien dans une lettre au journal Le Soleil (Chrétien, Reference Chrétien1972). Ce dernier exige dorénavant que tous les nouveaux enseignants reçoivent le cours « Introduction à l’éducation interculturelle » crédité par l'Université du Québec à Chicoutimi. Cette volonté de développer des compétences et des sensibilités interculturelles va même être promue dans le rapport de la commission Gendron sur l'avenir de la langue française qui proposait que l’État lui-même en vienne à développer davantage le milieu communautaire dans l'axe de l'interculturalité. Au troisième livre sur les groupes ethniques, on pouvait lire la 65e proposition qui suggérait :

Que le ministère de l'Immigration en collaboration avec le ministère des Affaires culturelles prenne l'initiative de créer un Centre interculturel où pourront se dérouler diverses activités culturelles intéressant [les gens de] culture française et [ceux] de divers groupes ethniques, favorisant ainsi le contact entre les communautés québécoises. (Gendron, Reference Gendron1972 : 464)

La pénétration de ce vocabulaire s'observe dans les recherches pédagogiques durant la même période. La tenue d'un colloque international sur l’éducation interculturelle qui se déroule à l'Université de Montréal en août 1969 montre que le sujet était pris au sérieux par les universitaires et que des besoins se faisaient sentir par les chercheurs de ce domaine (La Presse, 1969). En 1975, parmi les vingt volumes de la Psychologie du développement des adolescents, aux Presses de l'Université Laval, se trouvait désormais un ouvrage complet consacré aux comparaisons interculturelles (Cloutier, Renaud et Parent, Reference Cloutier, Renaud and Parent1975). Durant cette même période, les méthodes de comparaisons interculturelles se sont développées et affinées pour répondre aux besoins des intervenants en contact avec une population plus hétérogène, comme l'indique le titre de l'ouvrage La comparaison interculturelle (Miguelez, Reference Miguelez1977).

À partir de l'année 1978, le nombre de documents contenant le terme « interculturel » s'accroît visiblement. Comme le montre la graphique 2 ci-dessus, on peut constater le début du débordement de l'usage du terme « interculturel » en dehors des frontières des groupes qui ont contribué à sa genèse. On observe, en effet, la multiplication par douze du nombre de documents qui y font référence, passant de 10 documents en moyenne par année entre 1960 et 1977 (temps 1) à 126 entre 1978 et 1988 (temps 2).

Graphique 2. Nombre de documents contenant au moins une référence aux mots « interculturel », « interculturels », « interculturelle » ou « « interculturelles » de 1960 à 1989 inclusivement dans 16 périodiques tirés du patrimoine québécois numérisé par banq en date du 10 juin 2019.

Note : Durant la période allant du 1er janvier 1960 au 31 décembre 1989, 16 périodiques québécois comptent plus de dix documents ayant au moins une référence aux variantes orthographiques (féminin et pluriel) du mot interculturel. Pour un total de 1785 documents, ces périodiques sont les suivants, suivit du nombre de documents en parenthèses : La Presse (684), Le Devoir (598), Le Soleil (153), La Tribune (89), Le Nouvelliste (58), Le nouveau clairon (35), L’œil régional (31), Le Courrier de St-Hyacinthe (23), La Seigneurie (20), L'artisan de Repentigny-l'Assomption (17), L'Action : quotidien catholique (16), La voix séfarade (13), Courrier Sud (12), L'action nationale (12), Vie ouvrière (12), Le régional (12).

Deuxième temps : diffusion du vocabulaire et intégration de l'interculturel dans la culture et les publications gouvernementales (1978–1988)

À partir de la fin des années 1970, l'utilisation du terme « interculturel » accuse un changement de dynamique qui se caractérise par deux phénomènes interdépendants qui sont : 1) la pénétration de ce terme dans l'espace culturel, et 2) l'intégration de ce concept dans les documents ministériels.

Dans les rubriques des activités culturelles, les activités interculturelles des groupes communautaires sont de plus en plus publicisées. Outre le Centre Monchanin, devenu le Centre interculturel Monchanin en 1978 qui organise désormais des forums interculturels hebdomadaires, les activités d'un autre centre–le Forum interculturel d'expression française, un « organisme constitué essentiellement de Québécois d'origine haïtienne » (Le Devoir, 1979: 5) et incorporé en 1977–sont communiquées au grand public.

La lecture des quotidiens québécois au début des années 1980 montre que, en matière de relations interculturelles, les ministères de l’Éducation et de l'Immigration endossent, à partir de cette décennie, la responsabilité de favoriser les contacts entre les groupes. C'est effectivement cette ambition qui anime l'initiative du ministre Gérald Godin en 1981 lorsqu'il lance la campagne « mes amis de partout » pour sensibiliser tous les élèves de la maternelle et du primaire « à la réalité multi-ethnique et interculturelle de la société québécoise » (Le Soleil, 1981: 11). C'est en effet à ce moment que le ministre Godin s'engage dans le « pari du pluralisme » en politiques publiques.

Les années 1980 montrent qu'en littérature, la thématique de l'interculturel est investie par les auteurs de l’époque. Des publications qui participent de ce courant font leur apparition : c'est le cas de la revue Dérives, qui se décrit comme une revue interculturelle axée sur l’écriture migrante et la diversité. À cela s'ajoute la revue Humanitas, active de 1983 à 1991, qui se présente comme la « seule revue périodique interculturelle d'analyse et de réflexion » (Le Devoir, 1984: 5).

Le souci de connecter les groupes culturels entre eux à l'aide de la littérature connaît une évolution accélérée avec « la semaine de l'interculturel » du 16 au 19 mars 1982; une initiative menée conjointement par la Bibliothèque nationale du Québec et l'Union des écrivains du Québec avec l'aide du ministère des Communautés culturelles et de l'Immigration (Martel, Reference Martel1982). Enfin, en arts, la création d'un festival de musique interculturelle en 1983 atteste que ce qualificatif est désormais dans l'usage courant et qu'il est même devenu indispensable pour nommer la réalité montréalaise (La Presse, 1983b).

L'interculturel emménage dans les documents ministériels

L'intégration rapide de l'interculturel dans la littérature ministérielle atteste d'un changement de sensibilité notable chez les élaborateurs de politiques publiques. Durant l'année 1976–1977, le Conseil supérieur de l’éducation crée le Comité des affaires interconfessionnelles et interculturelles dont le mandat est de « considérer les moyens d'assurer, dans les écoles, l'insertion des divers groupes ethniques dans le respect de leurs valeurs culturelles » (Le Nouvelliste, 1978: 5).

En 1978, dans La politique québécoise de développement culturel, bien qu'on ne retrouve pas l'utilisation du qualificatif interculturel, on y stipule qu'il faut désormais sensibiliser les enfants sur ce que peut apporter la « collaboration interethnique » (82). Cela est annonciateur de ce qu'on retrouvera en 1981, dans Autant de façons d’être Québécois, où l'on explique que la « convergence des cultures ne peut se réaliser que s'il s'opère un rapprochement entre la majorité francophone et les diverses communautés »; et cela porte un nom : « le dialogue interculturel » (Québec, 1981: 35–36).

Constatant qu'il y a jusqu’à 26 groupes ethniques dans une même école à Montréal et que certaines classes comptent 70% d'enfants n'ayant ni le français ni l'anglais comme langue maternelle, le Conseil supérieur de l’éducation incite le ministre Camille Laurin à développer une éducation interculturelle (La Presse, 1983a: 10).

L'imbrication du milieu communautaire dans l'univers ministériel est bel et bien scellée en 1985 alors que le Conseil des communautés culturelles et de l'immigration souligne une de ses règles internes évoquant que 6 de ses 15 membres « sont nommés après avoir sollicité l'avis des organismes, associations et groupes interculturels » (Le Devoir, 1985: 3) pour répondre à ce genre d'enjeux.

En plus de tout ce qui a été décrit, rien ne montre mieux l'installation de l'idée d'interculturel au Québec que le Rapport du comité sur l’école et les communautés culturelles en 1985, dans lequel seront définis le concept, les finalités et les enjeux de l’éducation interculturelle (Québec, 1985: 142–164). À partir de ce temps, la prise en compte des enjeux interculturels s'ajoute aux poutres du paradigme scolaire québécois et il ne sera plus possible d'en faire fi pour les gouvernements successifs.

Comme l'illustre la graphique 3, un des phénomènes les plus pertinents à mentionner concernant l'usage de ce nouveau vocabulaire est qu'il participe structurellement à la recomposition du récit identitaire collectif des Québécois sur cinq décennies. Alors que la communauté politique et bon nombre d'intellectuels s’étaient rangés durant les années 1960 autour d'une conception binationale du Canada telle qu'avancée par la Commission Laurendeau-Dunton (1963–1971), l’échec de ce projet a poussé les élites politiques et intellectuelles à inventer un contre-récit face au triomphe du multiculturalisme canadien institutionnalisé en 1971, 1982 et 1988. En l'espace de trois décennies (de 1960 à 1990), la dialectique identitaire des élites québécoises qui reposait alors sur une dyade Québec-Canada (le biculturalisme) a été remplacée par la dyade des visions de l'aménagement de la diversité : la société interculturelle du Québec se définissait de plus en plus en opposition à la société multiculturelle du Canada anglophone.

Graphique 3. Évolution comparée du nombre de documents contenant au moins une fois les variantes en genre et en nombre des mots « biculturel » et « interculturel » de 1960 à 1994 inclusivement dans 16 périodiques tirés du patrimoine québécois numérisé par banq en date du 10 juin 2019.

Note : En reprenant les mêmes périodiques retenus que pour la graphique 1, durant la période allant du 1er janvier 1960 au 31 décembre 1994, on compte 3016 documents faisant référence aux variantes en genre et en nombre du mot « biculturel » et 4221 pour « interculturel ».

L'installation du vocabulaire de « l'interculturel » dans l'usage collectif a, en effet, permis de préparer le terrain pour un glissement sémantique majeur vers « l'interculturalisme » qui surviendra en 1988, grosso modo au même moment où Ottawa adopte la nouvelle loi fédérale sur le multiculturalisme.

Troisième temps : l'interculturalisme émerge dans le sillage de l'interculturel, le relais des intellectuels et des universitaires (1988–2006)

Dans l'histoire de l'idée de l'interculturalisme au Québec, un troisième temps se dégage vers la fin des années 1980, alors qu'apparaît progressivement un nouveau mot dans le vocabulaire des Québécois. L’« interculturalisme » émerge comme un synonyme de rencontre de la diversité. Bien que la toute première occurrence de ce terme apparaisse à la fin des années 1970 (Le Devoir, 1978: 3), c'est au cours des années 1980 qu'il se popularise de manière irréversible autant dans les périodiques que dans le langage de l'élite politique, comme l'illustre la graphique 4.

Graphique 4. Nombre de documents contenant le terme « interculturalisme » dans 16 périodiques tirés du patrimoine québécois numérisé par banq et dans les journaux de l'assemblée nationale (1978–2013).

Note : Les périodiques retenus sont les mêmes que pour les graphiques 2 et 3.

Le premier sens accordé à l'idée d'interculturalisme s'observe juste après le referendum de 1980, à la suite d'une initiative du Forum interculturel d'expression française de Montréal qui achète plusieurs affichages dans Le Devoir pour promouvoir une « société interculturelle » dans laquelle tous les Québécois de toutes origines doivent « s'impliquer quotidiennement [pour] l'interculturalisme du devenir québécois » (F.I.E.F., 1980: 13). Un projet secondé en 1982 par le Centre multiculturel afro-québécois vise aussi à « promouvoir un interculturalisme universel » rassemblant « blancs et non-blancs » (Le Devoir, 1982: 7).

Ce sens initial accordé à « l'interculturalisme » qui se dessine dans l'usage collectif apparaît à l'Assemblée nationale du Québec pour les premières fois en 1987 à travers les interventions d'André Boulerice et de Louise Harel du Parti québécois. Lors d'une commission parlementaire sur les institutions, en discutant de la concentration de l'immigration dans la région de Montréal, Louise Harel jugeait, par exemple, « qu'il n'est pas sain pour l'ensemble de la société québécoise que l'interculturalisme ne se vive qu’à Montréal » (Harel, Reference Harel1987).

Or, au milieu des années 1980, un deuxième sens plus intellectualisé fait son apparition et s'ajoute au précédent. L'interculturalisme est débattu, aux côtés des autres notions comme le bilinguisme et le multiculturalisme, dans un numéro thématique sur l’éducation interculturelle dans la revue Humanistas (Tasso, Reference Tasso1985). Mais c'est en 1986, à travers les mots du dominicain Bernard Lacroix, qu'on peut lire pour la première fois une définition de l'interculturalisme présentée comme un modèle de gestion de la diversité distinct du multiculturalisme : « L'avenir du Québec français passera moins par le multiculturalisme, ou le pluriculturalisme, que par l'interculturalisme qui suppose justement un point de référence unique. Il nous faut absolument et vite connaître les ‘autres’, c'est-à-dire les diverses communautés ethnoculturelles du ‘pays’ » (Lacroix, Reference Lacroix1986: 4).

À travers cette citation, on constate aussi que le sens accordé à la notion d'interculturalisme par les nouveaux acteurs se détache de l'idée d’interculturel du Centre Monchanin, pour lequel il était important de ne pas instituer de hiérarchie entre la culture de la majorité francophone et les cultures minoritaires présentes au Québec.

C'est surtout à partir de 1988 que ce nouvel usage d’« interculturalisme » trouve un élan inédit jusque-là. Visiblement, l'adoption de la nouvelle loi sur le multiculturalisme par Ottawa a engendré une réaction au Québec chez les intellectuels et les universitaires qui ont investi la discussion sur l'interculturalisme afin de le théoriser et de le conceptualiser davantage. L’« interculturalisme » allait devenir, pendant deux décennies, un consensus québécois anti-multiculturaliste.

Le relais des intellectuels et un consensus bipartisan

Parmi les premiers auteurs qui ont tenté de conceptualiser l'interculturalisme au Québec en tant que cadre général d'aménagement de la diversité (D'Amours, Reference D'Amours1988; Laperrière, Reference Laperrière1989; Salmador Louis, Reference Salmador Louis1990), un même dénominateur commun se dessine progressivement au sujet de ce qui devrait constituer le cœur de cette philosophie sociale du vivre-ensemble. Explicitement formulé par Martine D'Amours dans les pages de la Vie ouvrière, l'interculturalisme, selon elle, devait viser l'harmonisation des intérêts de la majorité et des minorités :

À une extrémité du continuum, certains pays ont opté pour l'assimilation […]. À l'autre extrémité, certains ont choisi la voie du multiculturalisme, où les cultures des minorités ethniques sont valorisées et coexistent les unes à côté des autres […]. Entre les deux, se trouvent les tenants de l'intégration et de l'interculturalisme, partisans du respect envers les cultures des minorités mais insistant sur la nécessité d'un dialogue entre elles, histoire d’éviter la formation de ghettos. C'est de ce côté que cherche le Québec, et le véritable défi de l'interculturalisme en cette société minoritaire consiste à faire converger les différents apports vers la construction d'une société et d'une culture communes (D'Amours, Reference D'Amours1988: 27–28).

On voit ainsi que se dessine une volonté de proposer un modèle d'intégration qui composerait une somme équilibrée évitant les failles des modèles rejetés (assimilation et communautarisme), tout en conciliant la diversité avec l'entretien d'une culture commune. En l'espace de deux décennies, de nombreux intellectuels nationalistes, surtout actifs dans le monde universitaire, vont chercher à formaliser davantage l'interculturalisme à partir de cette tension (Bouchard, Reference Bouchard1994; Latouche, Reference Latouche1995; Gagnon, Reference Gagnon2000; Seymour, Reference Seymour2009).

Les élus de l'Assemblée nationale du Québec qui ont siégé durant le troisième temps (1988–2006) montrent qu'ils n'ont pas été imperméables à l’évolution sémantique du sens d’« interculturalisme ». Par exemple, en 1994, le ministre de l'Immigration et des Communautés culturelles du Parti québécois, Bernard Landry, en entrevue avec un journaliste, rejetait le multiculturalisme tout en insistant que les Québécois devaient institutionnaliser le caractère multiethnique de leur société et cela devrait prendre la forme du « devoir de construire un tronc culturel commun à travers l'interculturalisme » (Le Soleil, 1994: A6). Cette position sera réitérée le 9 mai 1996 en commission parlementaire par le député libéral Christophe Sirros qui rejettera alors derechef le multiculturalisme en lui préférant l'interculturalisme (Sirros, Reference Sirros1996). Ce consensus parlementaire anti-multiculturaliste entre les deux formations demeurera observable jusqu'au début du XXIe siècle.

Ce consensus repose principalement sur la convergence de deux facteurs. Le premier se résume par la conception encore floue durant cette période du sens de l'interculturalisme qui se manifeste par l'absence de principes opératoires capables de modeler les politiques publiques. Le second facteur renvoie au fait que ces discussions se sont déroulées avant l'essor de la controverse entourant la laïcité québécoise qui a fait se lever les demandes électorales pour des politiques identitaires concernant, entre autres, une citoyenneté québécoise et une constitution québécoise (2007), l'interdiction du voile intégral et du burkini (2016–2018), la prestation de services publics reçus et offerts à visage découvert (2010 et 2017) ou la réduction du nombre des immigrants accueillis (2018).

Comme le montre le tableau 1 ci-dessous, en utilisant les verbatim des élus québécois à l'Assemblée nationale lors des débats en chambre ou lors des commissions parlementaires, on peut noter une transformation du sens accordé à l'interculturalisme à partir de la montée des débats identitaires en 2007. Les résultats affichés dans le tableau 1 ont été produits au moyen d'une lecture attentive du sens accordé par les parlementaires à l’« interculturalisme ». Une grille d'analyse comptant deux catégories a permis de classer 132 occurrences du mot interculturalisme de 1987 à 2018 chez les élus québécois à l'Assemblée nationale. Lorsque l'interculturalisme était mobilisé en faisant référence à des principes de politiques publiques ou des énoncés ministériels, l'occurrence était classée dans la catégorie « modèle d'intégration »; autrement, lorsque ce même mot était utilisé pour faire référence à la diversité ethnoculturelle, cette occurrence était classée dans la catégorie à cet effet. Ainsi, de 1987 à 2006 à l'Assemblée nationale, 14 des 18 références à l'interculturalisme renvoient à un synonyme de diversité, alors que les proportions s'inversent entièrement par la suite. En effet, les élus québécois qui se sont prononcés sur le sujet après 2007 se sont référés au même terme pour parler essentiellement de modèle d'intégration.

Tableau 1. Comparaison de la signification d’« interculturalisme » chez les élus à l'assemblée nationale de 1987 à 2018.

L'année 2007 peut en effet servir de point de rupture sur la ligne du temps politique québécois, car elle coïncide avec l’élection de 41 députés de l'Action démocratique du Québec à l'Assemblée, qui avaient fait campagne notamment en critiquant le principe des accommodements raisonnables, et avec la mise sur pied de la commission Bouchard-Taylor, qui a proposé d'aller au-delà des débats identitaires à l'aide d'une reconnaissance officielle de l'interculturalisme. On peut affirmer, comme cela a été identifié antérieurement (Lamy, Reference Lamy2015; Mathieu et Laforest, Reference Mathieu and Laforest2016), que la controverse sur la laïcité a accéléré le réalignement du clivage politique des partis et des groupes de la société civile autour des enjeux identitaires. C'est bien à partir de ce moment que le consensus, observable jusqu'en 2007 (Rocher et coll., Reference Rocher, Labelle, Field and Icart2007), autour de cette idée éclate au Québec et que l'interculturalisme entre dans un quatrième temps.

Quatrième temps : politisation et polarisation (2007–2018)

Bien qu'un début de polarisation soit observable dans les tribunes médiatiques dès le dépôt du rapport Bouchard-Taylor en 2008, la polémique concernant ce modèle d'intégration a atteint un sommet en 2011 alors que Gérard Bouchard organisait un symposium international sur l'interculturalisme (Bouchard et coll., Reference Bouchard, Battaini-Dragoni, Saint-Pierre, Nootens and Fournier2011) et qu'il publiait l'année suivante le premier livre exclusivement consacré au sujet (Bouchard, Reference Bouchard2012). Devenu le centre de gravité, l'interculturalisme de Gérard Bouchard a été pris entre deux feux. Un examen de débats montre l'ampleur de la concurrence qui a eu lieu à partir de 2011 pour défendre ou disqualifier cette version de l'interculturalisme.

Un ensemble de critiques nationalistes et conservatrices s'est d'abord fait entendre. Selon ces détracteurs, l'interculturalisme du rapport Bouchard-Taylor s'inscrirait dans une dynamique de « trudeauisation des esprits » (Bédard, Reference Bédard2011) et serait « hostile aux appartenances nouées dans l'histoire et dans la culture, de même que réfractaire à l'affirmation de la majorité soupçonnée de vouloir contrevenir aux droits des minorités et de se fermer à l'expression de leur différence » (Beauchemin, Reference Beauchemin2010). En résumé, l'interculturalisme du rapport Bouchard-Taylor ne serait qu'un camouflage artificiel du multiculturalisme ou tout simplement : un multiculturalisme à la québécoise (Bock-Côté, Reference Bock-Côté2012).

Édifiant une sorte d'image renversée, un autre ensemble de critiques–très partagé chez les intellectuels actifs dans les milieux anglophones–a attaqué l'interculturalisme de Gérard Bouchard pour des raisons contraires aux précédentes. Parmi ces critiques, qu'on peut rattacher à la pensée décoloniale, Frozzini a affirmé que « l'interculturalisme selon G. Bouchard […] contribue au maintien d'une relation de pouvoir propre à la gestion de l'espace national, où il y a ceux qui ont la légitimité [et] ceux qui sont considérés comme n'appartenant pas de facto à ce premier groupe » (Frozzini, Reference Frozzini2014: 92). Ainsi, cette conception de l'aménagement de la diversité viserait selon lui à « assurer le contrôle de l'immigration par les ‘Québécois de souche’ essentiellement francophones » (Frozzini, Reference Frozzini2014: 103). Cette interprétation rejoignait celle de Daniel Salée selon qui l'idée de reconnaître une culture fondatrice ou majoritaire dans l'interculturalisme « perpétue l'hégémonie de la majorité eurodescendante et reste en deçà de ce qui serait nécessaire pour renouveler la démocratie et poser les bases d'une citoyenneté large et ouverte » (Salée, Reference Salée2010). Enfin, pour Jack Jedwab (Reference Jedwab2016), l'ethnocentrisme de l'interculturalisme de Gérard Bouchard servirait même de socle à la dichotomie « nous-eux » défendue au Québec par Jacques Beauchemin (Robitaille, Reference Robitaille2007) et Jean-François Lisée (Reference Lisée2007).

Les critiques adressées à Gérard Bouchard et au rapport de 2008 permettent de faire ressortir en relief les deux conceptions distinctes de l'interculturalisme qui sont entrées en collision durant le quatrième temps, tel que le synthétise le tableau 2 ci-dessous. L'une est symétrique et place toutes les cultures (récentes ou historique, majoritaire ou minoritaires, autochtones) sur un même plan. L'autre est asymétrique et cherche à ce que la culture de la majorité francophone serve de point de référence au modèle d'intégration québécois.

Tableau 2. Synthèse des deux conceptions rivales de l'interculturalisme au Québec.

Lors du quatrième temps, l’éclatement du consensus québécois concernant l'interculturalisme ne s'est pas limité aux intellectuels et a aussi rejoint la classe politique. Comme l'illustre la graphique 5, en compilant les mentions favorables et défavorables concernant l'interculturalisme à l'Assemblée nationale, on ne constate rien de moins que la consommation du divorce du Parti québécois (PQ) et du Parti libéral du Québec (PLQ) au sujet de cette idée d'intégration. À partir de 2010, toutes les interventions défavorables traitant de l'interculturalisme proviennent du PQ. Pour arriver à ces résultats, une méthode simple a été appliquée : une mention était considérée favorable lorsqu'un élu présentait l'interculturalisme comme souhaitable ou bénéfique pour le Québec; qu'il soit question de modèle d'intégration ou de synonyme de diversité; et lorsqu'un élu montrait des réserves à l’égard de l'interculturalisme, où lorsqu'il s'y opposait, cette mention était considérée comme défavorable.

Graphique 5. Compilation des interventions traitant de l'interculturalisme chez les élus du parti québécois (pq) et du parti libéral du québec (plq) de 1987 à 2017 lors des débats en chambre et en commissions parlementaires à l'assemblée nationale du Québec. Au nord des abscisses se trouvent les mentions favorables à l'interculturalisme et, au sud, les mentions qui y sont défavorables.

Quelques extraits des échanges parlementaires suffisent pour montrer l’évolution de la position du PQ de Pauline Marois (chef du parti de 2007 à 2014) au sujet de l'interculturalisme. Lors d'une séance en commission parlementaire le 15 novembre 2010, Louise Beaudoin (PQ) résumait de manière explicite son opinion à l’égard de ce modèle d'intégration : « dans le fond, je l'ai dit souvent […] le multiculturalisme et l'interculturalisme c'est la même chose » (Beaudoin, Reference Beaudoin2010). Cela a mené plusieurs élus de cette formation politique à souhaiter un modèle identitaire plus affirmé quant à sa distinction avec le multiculturalisme. Ce fut le cas entre autres du député péquiste Yves-François Blanchet qui affirmait à l'Assemblée nationale le 29 mars 2011 préférer à l'interculturalisme « une vision un peu plus nationale du traitement culturel » (Blanchet, Reference Blanchet2011).

C'est bien dans ce contexte de concurrence autour des politiques identitaires que fermente progressivement l'idée d'imposer un code vestimentaire aux agents de l’État. L'initiative du ministre péquiste Bernard Drainville d'interdire les signes religieux aux représentants de l'État a en effet servi d'accélérateur à la polarisation des partis à l’égard de l'interculturalisme.

Contre la charte des valeurs du Parti québécois : l'interculturalisme du Parti libéral du Québec

L'idée d'instaurer officiellement une politique d'interculturalisme fait son entrée en 2013 au Parti libéral du Québec dans un document traitant de l'identité québécoise. On pouvait y lire que l'interculturalisme proposé équivaudrait en quelque sorte à un anti-modèle de la charte des valeurs qui « cherche à concilier la protection des droits individuels et le respect de la diversité » (Parti libéral du Québec, 2013: 4), une position réitérée par Philippe Couillard lors de son investiture en tant que chef du PLQ en décembre 2013 (Descôteaux, Reference Descôteaux2013).

Cet engagement à officialiser l'interculturalisme sera plus tard confirmé par le PLQ dans Ensemble nous sommes le Québec (Québec, 2015) qui se présente comme une mise à jour de l’Énoncé en matière d'immigration et d'intégration (Québec, 1990) qui orientait les politiques d'immigration jusqu'alors. Enfin, l'essor des enjeux identitaires et la polarisation sociale croissante au sujet de la diversité et de l'immigration permettent de comprendre pourquoi, en 2017, le premier ministre a intégré l'interculturalisme dans sa politique d'affirmation nationale, Québécois : notre façon d’être canadiens (Québec, 2017: 72), qui n'est rien de moins qu'un ensemble de positions servant d'appui à un renouveau de la discussion constitutionnelle avec Ottawa.

L'examen de ces documents officiels permet de voir que l'interculturalisme du PLQ a pris une forme hybride où étaient rassemblés des éléments de la conception asymétrique de l'interculturalisme qui demande à reconnaître « la promotion d'une culture commune forte », tout en refusant d'employer le vocabulaire utilisé par Gérard Bouchard et d'autres auteurs nationalistes faisant référence à un groupe majoritaire, à une majorité historique ou culturelle.

Du côté du PQ, l'abandon de l'interculturalisme s'est fait au profit d'une actualisation de la « convergence culturelle » autrefois proposée par Fernand Dumont. C'est ce à quoi appelaient Guillaume Rousseau et François Côté (Reference Rousseau and Côté2016); ainsi que Jean-François Lisée, lors de la course à la chefferie du PQ en 2016, bien qu'il eut préféré le vocable de la « concordance culturelle », un modèle disait-il « plus affirmé que l'interculturalisme » (Lisée, Reference Lisée2016).

Ce réalignement a été bien visible chez les élus de cette formation. Par exemple, Maka Kotto, lors de diverses interventions à l'Assemblée nationale, soulignait qu’ « il est fondamental de ramener la notion de majorité accueillante. On parle de tout, » disait-il, « sauf des Québécois, ceux qui accueillent » (Kotto, Reference Kotto2016). Cela permet de comprendre pourquoi il insistait pour introduire dans les politiques identitaires « la notion de reconnaissance de la spécificité de la société d'accueil et son aspiration à une convergence culturelle » (Kotto, Reference Kotto2016). Une déclaration qui s'inscrivait en faux avec les propos de Kathleen Weil du PLQ émis quelque temps plus tôt, aussi à l'Assemblée nationale, et précisant que « [l]a convergence culturelle, c'est une théorie, là, qui n'est pas la même que l'interculturalisme » (Weil, Reference Weil2016). Attestant une autrefois de la rupture du PQ d'avec l'interculturalisme, le clivage qui vient d’être illustré est d'autant plus notable qu'il fut porté par Maka Kotto qui s'exprimait en tant que membre d'une minorité et comme immigrant au sein de ce parti.

Conclusion

Du point de vue de la sociologie des idées, les quatre temps de l'interculturalisme québécois sont riches d'enseignements. En plus d'avoir illustré toute la pertinence d'intégrer le discours des élites avec celui des groupes de la société civile, le feuilleton qui a été détaillé ici au sujet de cette matrice identitaire montre de nombreux parallèles avec le rythme et les dynamiques des mouvements sociaux.

Premièrement, comme l'a bien démontré Joan W. Scott (Reference Scott2005), plusieurs décennies peuvent s’égrainer entre l'apparition d'une idée et son intégration dans l'agenda d'un parti–comme ce fut le cas par exemple avec l'idée de parité sexuelle des élus apparue à la fin des années 1970 et implantée en France au début du XXIe siècle. Deuxièmement, personne, ni les initiateurs, ni les vedettes intellectuelles, n'est en mesure de rester « propriétaire » d'une idée qui se propage en société. Le processus de diffusion d'un vocabulaire enclenche une sorte de course à relais où de plus en plus d'acteurs entrent en scène et contribuent à une évolution parfois imprévisible du sens d'une idée. Troisièmement, une longue période de fermentation est nécessaire pour qu'une idée, découlant d'un nouveau terme, rejoigne la classe politique. Entre les débuts de l’interculturel du Centre Monchanin durant les années 1960 et l'engagement du Parti libéral en faveur de l'interculturalisme en 2013, cinq décennies se sont déroulées. Quatrièmement, dans la longue métamorphose de l'interculturalisme québécois, le relais élitiste que forment les intellectuels publics et les universitaires est essentiel pour qu'une idée soit conceptualisée, débattue et portée sur le parvis de l'Assemblée nationale. Enfin, les controverses politiques majeures (dans ce cas-ci : accommodements raisonnables, chartes des valeurs, quotas d'immigration, signe religieux) servent d'accélérateur dans l'histoire des idées politiques, car ces moments de réalignement des clivages idéologiques poussent les acteurs à s'emparer du capital symbolique d'une idée, ou à l'abandonner, afin d'améliorer leur situation dans la concurrence pour le vote des électeurs.

Surtout, l'analyse de l'histoire de l'idée d'interculturalisme confirme que le sens des mots demeure un enjeu politique de première importance pour les groupes qui luttent afin de réorienter le sens commun en promouvant l'adoption de leur récit collectif. En 1960, un terme tel que l'interculturalisme ne figurait même pas dans le lexique de notre société. Un demi-siècle plus tard, une véritable tour de Babel toute québécoise pourrait bien en porter le nom. Tant de textes, de conférences, de perspectives logent à cette même adresse sans qu'une forme d'unification soit aujourd'hui imaginable. L'interculturalisme est-il une façon d'affirmer la distinction de la société québécoise dans le contexte nord-américain ou un multiculturalisme québécois propre à une société « post-nationale » similaire à ce qui s'observe dans le reste du Canada ? C'est bien sur cette question qu'il faut laisser fermenter à nouveau l'histoire de l'interculturalisme québécois, car le ministre Simon Jolin-Barrette de la Coalition avenir Québec après avoir promis d'adopter une loi sur l'interculturalisme en 2018 a manifesté depuis lors plusieurs signes d’éloignement à l’égard de ce modèle. Tout cela au même moment où Québec solidaire s'engageait publiquement à faire de l'interculturalisme un modèle québécois d'intégration opposé à toute forme de discrimination. Ces déroulements ajoutent désormais deux autres partis au feuilleté que constitue le demi-siècle de vie de cette idée. De cette façon, l'interculturalisme entre en effet dans un cinquième temps et peut-être que celui-ci ne sera pas le dernier.

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Figure 0

Graphique 1. Illustration des quatre temps de l'interculturalisme au Québec sur une ligne du temps.

Figure 1

Graphique 2. Nombre de documents contenant au moins une référence aux mots « interculturel », « interculturels », « interculturelle » ou « « interculturelles » de 1960 à 1989 inclusivement dans 16 périodiques tirés du patrimoine québécois numérisé par banq en date du 10 juin 2019.Note : Durant la période allant du 1er janvier 1960 au 31 décembre 1989, 16 périodiques québécois comptent plus de dix documents ayant au moins une référence aux variantes orthographiques (féminin et pluriel) du mot interculturel. Pour un total de 1785 documents, ces périodiques sont les suivants, suivit du nombre de documents en parenthèses : La Presse (684), Le Devoir (598), Le Soleil (153), La Tribune (89), Le Nouvelliste (58), Le nouveau clairon (35), L’œil régional (31), Le Courrier de St-Hyacinthe (23), La Seigneurie (20), L'artisan de Repentigny-l'Assomption (17), L'Action : quotidien catholique (16), La voix séfarade (13), Courrier Sud (12), L'action nationale (12), Vie ouvrière (12), Le régional (12).

Figure 2

Graphique 3. Évolution comparée du nombre de documents contenant au moins une fois les variantes en genre et en nombre des mots « biculturel » et « interculturel » de 1960 à 1994 inclusivement dans 16 périodiques tirés du patrimoine québécois numérisé par banq en date du 10 juin 2019.Note : En reprenant les mêmes périodiques retenus que pour la graphique 1, durant la période allant du 1er janvier 1960 au 31 décembre 1994, on compte 3016 documents faisant référence aux variantes en genre et en nombre du mot « biculturel » et 4221 pour « interculturel ».

Figure 3

Graphique 4. Nombre de documents contenant le terme « interculturalisme » dans 16 périodiques tirés du patrimoine québécois numérisé par banq et dans les journaux de l'assemblée nationale (1978–2013).Note : Les périodiques retenus sont les mêmes que pour les graphiques 2 et 3.

Figure 4

Tableau 1. Comparaison de la signification d’« interculturalisme » chez les élus à l'assemblée nationale de 1987 à 2018.

Figure 5

Tableau 2. Synthèse des deux conceptions rivales de l'interculturalisme au Québec.

Figure 6

Graphique 5. Compilation des interventions traitant de l'interculturalisme chez les élus du parti québécois (pq) et du parti libéral du québec (plq) de 1987 à 2017 lors des débats en chambre et en commissions parlementaires à l'assemblée nationale du Québec. Au nord des abscisses se trouvent les mentions favorables à l'interculturalisme et, au sud, les mentions qui y sont défavorables.