1. Introduction
Le Programme des travailleurs agricoles saisonniers du Canada (ci-après PTAS) offre la possibilité aux producteurs agricoles canadiens d’embaucher pour une période temporaire des travailleurs en provenance du Mexique ou de l’un des pays des Antilles participants lorsque des Canadiens et des résidents permanents ne sont pas disponibles pour occuper ces emplois (Gouvernement du Canada 2017). Ce programme vise à répondre à un besoin de main-d’œuvre précis, mais de courte durée, en fournissant un canal légal d’entrée à des travailleurs étrangers qui s’accommodent plus aisément des conditions de travail difficiles du milieu agricole. Les travailleurs étrangers sont embauchés avec un contrat de travail pour une période maximale de huit mois, mis en œuvre entre le 1er janvier et le 15 décembre de l’année visée par le contrat de travail. Depuis sa mise en place par le gouvernement fédéral canadien, le PTAS est demeuré pratiquement inchangé : un régime d’admission temporaire subordonné aux conditions définies dans les contrats-types de travail. Créé comme un programme distinct, le PTAS est de nos jours rassemblé avec d’autres programmes d’immigration sous un seul, le Programme des travailleurs étrangers temporaires (ci-après PTET).
Les modalités du PTAS reposent essentiellement sur des ententes bilatérales conclues entre le gouvernement fédéral canadien et les pays participants. Ce programme est né en 1966 d’un projet-pilote entre le Canada et la Jamaïque. En 1967, il a été élargi à la Barbade et à Trinité-et-Tobago et ensuite au Mexique en 1974. En 1976, des ententes interviennent pour y inclure d’autres pays des Antilles : l’Anguilla, l’Antigua-et-Barbuda, la Dominique, la Grenade, Montserrat, Saint-Kitts-et-Nevis, Sainte-Lucie et Saint-Vincent et les Grenadines. Les pays participants sont divisés en deux entités, chacune étant liée à l’usage obligatoire d’un contrat-type de travail : d’une part, les Antilles et, de l’autre, le Mexique. Seuls les citoyens des pays participants sont admissibles au PTAS (Gouvernement du Canada 2017). Les exigences sont établies conformément à la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés et au Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés.
Chaque année, plus de 25 000 travailleurs étrangers migrent au Canada par l’intermédiaire du PTAS (Gouvernement du Canada 2014). Le nombre croissant de participants met en lumière sa forte attractivité pour les ressortissants de pays moins développés, mais sans pour autant faire foi d’une réussite irréprochable. Comment expliquer les conditions affligeantes dans lesquelles vivent de nombreux travailleurs migrants agricoles? Selon une littérature abondante, ces travailleurs vivraient sous un rapport de force inéquitable, sans protection formelle et dans une situation de précarité. On y fait état de logements insalubres, mal équipés ou à proximité de produits dangereux dans lesquels les travailleurs sont obligés d’habiter (Satzewich Reference Satzewich2007; Smart Reference Smart1997); de restrictions dans leurs communications ainsi que de la confiscation de documents personnels (Bronsard Reference Bronsard2007); d’horaires trop exigeants et de salaires minimes par rapport à la valeur réelle du travail effectué (Knowles Reference Knowles1997; Basok Reference Basok2002; Bronsard Reference Bronsard2007); de pratiques de rapatriement prématuré des travailleurs migrants agricoles (Depatie-Pelletier et Dumont Robillard Reference Depatie-Pelletier and Dumont Robillard2013); de difficultés à se syndiquer (TUAC Canada et Alliance des travailleurs agricoles 2015). Enfin, des travailleurs estiment être victimes de mauvais traitements physiques et de harcèlement psychologique de la part de leur employeur (Duchaine Reference Duchaine2016).
Malgré le grand nombre d’ouvrages et de publications scientifiques qui documentent l’état de vulnérabilité des travailleurs migrants agricoles au Canada, les travaux existants approfondissent rarement les sources qui génèrent leur vulnérabilisation. Dans quelle mesure le PTAS, en tant qu’institution, exerce-t-il une incidence sur la vulnérabilisation des travailleurs migrants agricoles? Notre hypothèse de recherche est que le PTAS exerce un rôle majeur dans la vulnérabilisation des travailleurs migrants agricoles puisqu’il a créé et perpétue un contexte dans lequel il est difficile pour ces travailleurs d’avoir un pouvoir d’agir sur leurs conditions de travail. Pour la valider, nous nous pencherons sur les facteurs sociohistoriques et économiques relatifs à l’instauration du PTAS ainsi que sur ceux concernant sa mise en œuvre. La section suivante présente le cadre théorique utilisé, soit la théorie néo-institutionnaliste, qui servira de cadre général d’analyse afin d’obtenir une interprétation originale du mode opératoire qui prévaut au sein du PTAS depuis 1966. La troisième section porte sur l’historique du PTAS, permettant notamment de mieux comprendre la division entre les Antilles, d’un côté, et le Mexique, de l’autre. La quatrième section examine la vulnérabilisation administrative des travailleurs agricoles saisonniers admis sous le PTAS.
2. Le néo-institutionnalisme comme cadre théorique
Le cadre théorique circonscrit les postulats théoriques sur lesquels nous nous appuierons pour interpréter l’ensemble des faits répertoriés, à partir des pistes d’explications qui ont été prouvées dans d’autres contextes. Deux raisons justifient l’utilisation de la théorie néo-institutionnaliste. D’une part, son usage est bien établi dans la littérature spécialisée dans l’analyse de politiques parce que le néo-institutionnalisme se concentre sur trois éléments-clés en cause dans l’évolution des grands programmes de l’État: les trois « i », c’est-à-dire les intérêts, les idées et les institutions (Muller Reference Muller2000; Palier et Surel Reference Palier and Surel2005; Scott Reference Scott2013). D’autre part, les trois branches du néo-institutionnalisme généralement admises (du choix rationnel, sociologique et historique) offrent des cadres d’analyse partiellement différents qui permettent de rendre compte de la pluralité des facteurs qui sous-tendent un processus d’institutionnalisation (Hall et Taylor Reference Hall and Taylor1997). Conséquemment, la théorie néo-institutionnaliste contribue à révéler une structure potentielle d’explications pour comprendre les facteurs économiques et sociohistoriques du PTAS ayant une influence dans la vulnérabilisation des travailleurs migrants agricoles.
D’abord, la branche rationnelle dépeint les institutions ainsi que les individus comme agissant rationnellement et de manière à favoriser leurs propres intérêts, tels des homo economicus (Ostrom Reference Ostrom1998). Les intérêts sont centraux dans l’explication d’une politique ou d’un programme puisque les individus (et, conséquemment, les institutions qu’ils composent) répondent aux incitatifs auxquels ils font face (North Reference North1990). Dès lors, les institutions sont vues comme un choix effectué par les acteurs dans le but de rendre leurs opérations et leurs relations plus efficaces suivant leurs propres intérêts. Les institutions changent, passant d’un équilibre à un autre, grâce à des forces endogènes ou exogènes. Les intérêts sont instantanément modifiés pour l’ensemble des individus (Shepsle Reference Shepsle1989).
Ensuite, la branche historique présume que les institutions se trouvent sur un sentier de sorte que les décisions passées balisent fortement les décisions des acteurs politiques. Les règles et les décisions institutionnelles seraient ainsi amenées le plus souvent à emprunter des sentiers déjà parcourus et à ne pas trop s’en éloigner, à moins que quelque chose de majeur ne fasse dévier cette dépendance au sentier (Pierson Reference Pierson2000). Pierson explicite cette notion comme le fait qu’une fois établis, les modèles de mobilisation politique, les règles du jeu institutionnel et même les façons de voir le monde politique vont souvent générer des dynamiques auto-renforçantes (Pierson Reference Pierson2000). La dépendance au sentier met donc en lumière une séquence d’évènements historiques qui conduit à un résultat qui ne peut être expliqué sans cette séquence (Mahoney Reference Mahoney2000). Thelen (Reference Thelen2003) argue que les institutions changent aussi par la sédimentation et la conversion institutionnelles. Pour cette auteure, les changements institutionnels ne sont pas uniquement engendrés par des mouvements externes, mais ils résultent aussi de changements internes, propres aux institutions (Thelen Reference Thelen2003). Des changements majeurs peuvent survenir. Néanmoins, ils sont rares, car ils impliqueraient un coût ou un effort trop élevé à un moment donné (Baumgartner et Jones Reference Baumgartner and Jones2002). Des trois « i », les institutions sont les plus importantes pour le néo-institutionnalisme historique (Smyrl Reference Smyrl2002).
Quant à la branche sociologique, elle soutient que la culture et les normes à l’intérieur des institutions sont très importantes et influencent l’évolution des institutions (Peters Reference Peters2005). Les idées occupent une place centrale dans l’explication de l’évolution d’une politique parce que cette dernière reproduit les croyances de la société, ce qui forme son capital social (Nee Reference Nee, Brinton and Nee1998). Dans les mots de Lecours : « Le néo-institutionnalisme sociologique conceptualise les institutions comme la formalisation de pratiques socioculturelles » (2002, 13). Pour lui, « les institutions sont le reflet de perceptions collectives communes et leur création correspond à la “routinisation” des relations sociales » (Lecours Reference Lecours2002, 13). Le néo-institutionnalisme sociologique défend que les politiques gouvernementales représentent les idées des organisations bureaucratiques, lesquelles « objectivent » leurs propres pratiques (Hasselbladh et Kallinikos Reference Hasselbladh and Kallinikos2000).
Les distinctions entre les trois branches du néo-institutionnalisme sont remises en question par certains auteurs (Alford et Friedland Reference Alford and Friedland1985; Hall et Taylor Reference Hall and Taylor1997; Peters Reference Peters2005). Pour Peters (Reference Peters2005), les trois « i » (intérêts, institutions et idées) sont des variables à combiner pour saisir les changements. Il rappelle que, dans la littérature scientifique, les institutions sont parfois définies telles des organisations et parfois comme de simples ensembles de normes sociales (Peters Reference Peters2005). Hall et Taylor (Hall et Taylor Reference Hall and Taylor1997) proposent un rapprochement entre les trois branches et conviennent de mettre en lumière les aspects sur lesquels elles concordent. Ces auteurs attribuent également un rôle central aux institutions qui conditionnent le comportement des individus (Hall et Taylor Reference Hall and Taylor1997). Dans ce texte, nous suivons l’expérimentation proposée par Peters (Reference Peters2005) et envisageons les trois néo-institutionnalismes en parallèle. Nous définissons le PTAS comme l’institution à l’étude.
Dans ce qui suit, les facteurs économiques et socio-historiques à l’œuvre dans la vulnérabilisation des travailleurs migrants agricoles du PTAS sont successivement étayés par l’éclairage des trois branches du néo-institutionnalisme. D’abord, la branche rationnelle explique comment le programme a été mis en place en réponse à des incitatifs économiques, mais également comment la vulnérabilisation administrative des travailleurs est générée par une dépendance économique aux fonds générés par le programme. Ensuite, la branche sociologique du néo-institutionnalisme montre comment le besoin de travailleurs agricoles à bas salaire a mené à la création du PTAS et comment la perception des travailleurs antillais a conduit à leur intégration à un programme dédié au recrutement de main-d’œuvre agricole. Finalement, la branche historique présente l’ajout du Mexique au PTAS comme une couche de sédimentation du programme, de sorte que cet ajout n’a pas entraîné de modifications substantielles en dépit du changement.
3. L’histoire de l’embauche d’une main-d’œuvre bon marché comme condition de la prospérité de l’industrie agricole canadienne
Le PTAS a été introduit en 1966 en raison des défis uniques auxquels faisaient face les agriculteurs pour trouver des gens pouvant travailler dans leurs fermes. Dans cette section, nous verrons pourquoi ce programme a été constitué comme un programme favorisant une immigration temporaire de travailleurs agricoles provenant des Antilles. Nous examinerons ensuite le contexte entourant son élargissement aux travailleurs du Mexique.
3.1 Le besoin de travailleurs étrangers pour remédier à la pénurie de main-d’œuvre agricole
Au cours du XXe siècle, les exploitations agricoles canadiennes subissent de grandes transformations alors qu’elles s’industrialisent : la mécanisation des instruments agricoles et des équipements de ferme crée une révolution dans le monde agricole. La part de l’agriculture dans l’économie nationale, tout comme la proportion d’agriculteurs dans la population active, est en déclin. Le nombre de fermes diminue de manière significative. En parallèle, les fermes restantes se spécialisent et sont en quête de territoire pour maximiser les productions. La taille moyenne des propriétés agricoles augmente, passant des fermes auto-subsistantes à des entreprises productives (Roy-Cregheur Reference Roy-Cregheur2011, 105). La pénurie de main-d’œuvre se fait sentir.
En général, le travail agricole est « perçu comme étant un travail difficile, salissant et dangereux » (Ferguson Reference Ferguson2007, 208). Dès lors, les Canadiens sont peu attirés par ce type de travail qui impose des conditions de travail particulièrement difficiles en contrepartie d’une rémunération modeste (Ferguson Reference Ferguson2007, 208). De plus, les avantages sociaux et les possibilités d’avancement sont quasi inexistants dans le secteur agricole. Ces circonstances amènent les Canadiens à « se [détourner] de l’agriculture pour des tâches moins ingrates et mieux rémunérées » (Gayet Reference Gayet2010, 11).
Dans les années quarante et cinquante, les mesures gouvernementales mises en place auprès de la population nationale et immigrante (composée principalement d’Européens) sont insatisfaisantes pour répondre aux besoins de main-d’œuvre du secteur agricole. Dès le milieu des années cinquante, d’importantes difficultés de recrutement et de rétention de la main-d’œuvre sont rapportées dans le secteur agricole en général, mais plus particulièrement dans le sous-secteur maraîcher (Smart Reference Smart1997, 146). De façon à attirer davantage de salariés potentiels, mais surtout à les retenir, le gouvernement fédéral incite les producteurs agricoles à revoir à la hausse leurs conditions de travail et de salaire (Gayet Reference Gayet2010, 11). Or, les producteurs refusent cette façon de faire en soutenant qu’ils ne pourraient demeurer concurrentiels financièrement alors qu’ils sont eux-mêmes contraints de fournir des produits à des prix compétitifs sur le marché déjà bien garni par les produits importés.
La libéralisation de l’économie mondiale et de l’accès aux transports ouvre la porte à ce que des personnes provenant des pays en développement soient embauchées dans les pays industrialisés (Gayet Reference Gayet2010, 16). À l’ère de la mondialisation de la production agroalimentaire, les petits producteurs agricoles de la plupart des pays en développement sont parallèlement confrontés au fait qu’ils sont incapables de gagner leur vie adéquatement par les revenus tirés de leurs terres. Sujets à la pauvreté, les travailleurs de ces pays recherchent de nouvelles possibilités pour obtenir une meilleure rétribution.
Confrontés à une pénurie de main-d’œuvre, les employeurs agricoles voient des bénéfices à employer la main-d’œuvre des Antilles britanniques reconnue pour sa fiabilité et réputée pour son acharnement (Knowles Reference Knowles1997, 5). Au sein des États membres du Commonwealth, dont le Canada fait partie, la politique économique des Antilles britanniques est perçue favorablement. Il s’agit d’un système capitaliste développé grâce aux plantations sucrières bénéficiant de l’importation d’esclaves (souvent d’origine africaine) (André Reference André1990, 249). C’est dans ce contexte social que les producteurs agricoles canadiens, en particulier des employeurs de l’Ontario, envisagent l’embauche des personnes provenant des pays des Antilles, membres du Commonwealth.
Cette double norme sociale, selon laquelle les producteurs agricoles ont besoin de main-d’œuvre bon marché et selon laquelle il est acceptable que les travailleurs de pays pauvres travaillent au Canada à des conditions inférieures à celle de la population générale, ouvre la voie à la création du PTAS. Toutefois, la compétence en matière d’immigration étant partagée entre les gouvernements provinciaux et le gouvernement fédéral, les travailleurs antillais ne peuvent légalement travailler sur le territoire canadien sans leur autorisation.
3.2 Les efforts de lobbying pour l’embauche de travailleurs agricoles antillais
À compter de 1947, les producteurs maraîchers canadiens, concentrés surtout dans le sud de l’Ontario, se mobilisent avec leurs associations syndicales ainsi que des représentants des gouvernements des Antilles britanniques. Ensemble, ils font pression sur le gouvernement du Canada afin que celui-ci mette en place un programme accordant la possibilité d’embaucher des travailleurs en provenance des Antilles (Satzewich Reference Satzewich2007, 263). Leurs démarches de lobbying visent à convaincre les Canadiens et les membres du Parlement que les cultures pourrissent dans les champs à cause de la pénurie de main-d’œuvre que les mesures gouvernementales entreprises ne parviennent pas à pallier (Satzewich Reference Satzewich2007, 265). Les employeurs agricoles cherchent donc à positionner leur besoin de main-d’œuvre comme un problème politique national. Entre 1947 et 1965, le gouvernement canadien avance trois raisons pour justifier son refus de donner suite aux efforts de lobbying.
D’abord, dans les premières années d’après-guerre, le ministère du Travail estime qu’il y a suffisamment de personnes disponibles au Canada pour répondre aux difficultés de recrutement et de rétention des producteurs agricoles (Satzewich Reference Satzewich2007, 263). Différents programmes sont alors mis sur pied visant à favoriser l’embauche sur les fermes maraîchères ontariennes de catégories de Canadiens spécifiquement ciblés : des enfants de milieu rural, des individus hébergés dans des hôpitaux psychiatriques, des prisonniers, des autochtones et des chômeurs (Satzewich Reference Satzewich2007, 263). Or, les producteurs agricoles ontariens jugent que cette main-d’œuvre n’est pas suffisamment fiable pour effectuer le travail exigé (Satzewich Reference Satzewich2007, 263).
Comme deuxième raison, le gouvernement canadien soutient qu’il est en mesure de canaliser les immigrants blancs venus d’Europe vers les emplois dans le secteur maraîcher et qu’il n’est pas nécessaire de faire appel aux travailleurs des Antilles (Satzewich Reference Satzewich2007, 264). Il faut dès lors souligner que jusqu’au milieu des années soixante, la politique d’immigration canadienne est teintée de considérations racistes et ethniques (Citoyenneté et Immigration Canada 2000; Satzewich Reference Satzewich1989). Les candidats à la résidence permanente doivent répondre aux standards canadiens servant l’édification de la nation : race blanche et eurocentrisme (Stasiulis Reference Stasiulis, Gabriel and Pellerin2008, 104). Le Canada privilégie alors des immigrants provenant principalement de l’Europe de l’Ouest puisqu’ils répondent à ces exigences racistes. Suivant cette mentalité, l’arrivée massive de nombreux travailleurs noirs provenant des Antilles risque de faire changer la composition démographique du pays sur le plan racial, ce qui est perçu comme étant contraire aux intérêts de la nation canadienne.
La troisième raison repose également sur des considérations raciales. Les personnes d’origine antillaise, à titre de population majoritairement noire et vivant dans des pays sous-développés, sont considérées par les autorités canadiennes de l’immigration comme des candidats généralement inappropriés à l’immigration permanente, mais également aux travaux temporaires dans les fermes situées sur son territoire (Satzewich Reference Satzewich2007, 264). Satzewich rapporte un texte émis en 1958 par la Direction générale de l’immigration, division du ministère de la Citoyenneté et de l’Immigration, qui explique de manière éloquente l’idéologie qui prédomine à l’époque : « It is not by accident that coloured British Subjects other than negligible numbers from the United Kingdom are excluded from Canada.… They do not assimilate readily and pretty much vegetate to a low standard of living. Despite what has been said to the contrary, many cannot adapt themselves to our climatic conditions » (Satzewich Reference Satzewich1989, 77).
Il y a donc des inquiétudes racistes voulant que les personnes à la peau noire n’aient pas la capacité de s’adapter aux conditions climatiques, tout particulièrement aux hivers du Canada. Ces obstacles ethniques et raciaux à l’immigration finissent par tomber à mesure que les Canadiens appuient les efforts pour mettre fin au racisme et à la discrimination dans le droit canadien. Au cours des années soixante et soixante-dix, le gouvernement du Canada entame une réforme structurelle de la politique d’immigration. Cette réforme permet d’abord une immigration non européenne, pour ensuite délaisser totalement les critères de discrimination raciale (Citoyenneté et Immigration Canada 2000).
En 1966, le gouvernement fédéral du Canada concède finalement à l’embauche de travailleurs antillais en signant un premier protocole d’entente avec la Jamaïque, ce qui instaure le Programme des travailleurs agricoles saisonniers caribéensFootnote 1. Cette décision vise, entre autres, à mettre fin à la publicité négative rattachée à une politique d’immigration raciste (Satzewich Reference Satzewich2007, 265). En acceptant les personnes des Antilles sur une base saisonnière pour venir travailler au Canada, les autorités canadiennes de l’immigration sont en mesure d’offrir une preuve supplémentaire voulant que le Canada soit ouvert à modifier ses politiques d’immigration pour mettre fin au racisme (Satzewich Reference Satzewich2007, 265). Néanmoins, dans les faits, on peut déduire que l’établissement du PTAS repose sur une forme de racisme plus subtile que celle prévalant avant la libéralisation de la Loi sur l’immigration, moins consciente et moins facile à identifier, puisqu’elle témoigne tout de même d’une attitude de discrimination et de ségrégation basée sur l’origine nationale des travailleurs (Depatie-Pelletier Reference Depatie-Pelletier2016, 756). En effet, les restrictions imposées aux travailleurs participant au PTAS diffèrent du cadre d’immigration utilisé pour les générations précédentes de travailleurs blancs européens. Pour légaliser l’entrée de travailleurs antillais, le gouvernement canadien privilégie un régime d’immigration à statut temporaire, et ce, sans possibilité d’immigrer de façon permanente au Canada (Gouvernement du Canada 2017; Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, art. 70 a contrario). En outre, les travailleurs sont assignés à un employeur unique par la signature obligatoire d’un contrat-type de travail, avec la possibilité offerte à l’employeur de rappeler ou non ceux-ci d’une année à l’autre.
Par ailleurs, le PTAS entretient l’idée que seuls les travailleurs provenant de pays économiques défavorisés parviennent à se contenter des emplois difficiles et salissants du milieu agricole délaissés par les Canadiens (Cruz-Lopez Reference Cruz-Lopez2013, 23). Il y a donc une connotation d’infériorité attachée aux travailleurs du PTAS par rapport à un travailleur canadien ordinaire (Cruz-Lopez Reference Cruz-Lopez2013, 23).
En dépit de ce cadre, la popularité de ce programme est indéniable. En 1966, 264 Jamaïcains participent au PTAS (Knowles Reference Knowles1997, 16). En 1967, des protocoles d’entente sont aussi conclus avec la République de Trinité-et-Tobago et la Barbade pour les inclure au PTAS. D’autres partenariats avec des pays des Antilles suivront quelques années plus tard. En 1974, les travailleurs migrants au Canada par l’intermédiaire du PTAS sont douze fois plus nombreux qu’en 1967 (Satzewich Reference Satzewich2007, 265). Cette année-là, le programme est élargi au Mexique.
3.3 L’ajout du Mexique au PTAS en tant que processus d’évolution institutionnelle par sédimentation
Dès les premières années de la mise sur pied du PTAS, les producteurs agricoles qui y ont recours manifestent de façon générale une préférence pour des travailleurs qui ne se plaignent pas des conditions de travail, ceux-ci étant considérés comme plus faciles à contrôler (Satzewich Reference Satzewich2007, 267). À cette époque, il revient au gouvernement canadien et à celui des pays fournisseurs de main-d’œuvre de négocier chaque année les termes du contrat-type de travail.
Certains producteurs agricoles choisissent d’employer des travailleurs sans-papiers, plutôt que de chercher à convaincre les autorités canadiennes de l’immigration de privilégier les conditions qu’ils jugent être acceptables pour l’embauche des travailleurs agricoles (Satzewich Reference Satzewich2007, 267). Conséquemment, en sus des travailleurs étrangers recrutés par l’intermédiaire du PTAS, il s’avère qu’au début des années soixante-dix deux groupes de migrants sont employés illégalement dans les fermes maraîchères canadiennes, majoritairement dans celles situées dans le sud de l’Ontario : des Mexicains et des Portugais. Ces migrants sont recrutés de façon générale par l’intermédiaire de courtiers qui perçoivent des commissions. Dans plusieurs cas, ils viennent avec leur famille entière composée de quelque douze à quinze membres, lesquels se retrouvent tous à travailler dans les champs, incluant les jeunes enfants. Or, seuls les pères, et parfois les mères, perçoivent une rémunération pour le travail effectué (Basok Reference Basok2002, 32).
Informé de cette situation irrégulière, le ministère de la Main-d’œuvre et de l’Immigration donne mandat à un groupe spécial de lui préparer un rapport faisant état des conditions de vie auxquelles sont assujettis ces travailleurs agricoles sans-papiers (Basok Reference Basok2002, 32). Ses constats sont alarmants (Satzewich Reference Satzewich2007, 269). Le rapport fait état que les deux groupes sont surexploités et vivent dans des conditions déplorables, souvent dans des granges sales (Basok Reference Basok2002, 32). Estimant qu’un cadre légal assurerait une meilleure protection de ces groupes vulnérables, il est alors recommandé au gouvernement fédéral de conclure avec le Mexique et le Portugal des accords semblables à ceux qui existent déjà avec les pays des Antilles (Satzewich Reference Satzewich2007, 269). Cette séquence d’événements est propice à l’ajout d’une nouvelle couche au programme existant. En 1974, un protocole d’entente intervient avec le Mexique, par lequel ce dernier devient un pays participant au PTAS. Toutefois, les documents d’archives ne permettraient pas de circonscrire les raisons pour lesquelles aucun accord n’a été conclu avec le Portugal (Satzewich Reference Satzewich2007, 266).
Contrairement aux pays partenaires des Antilles qui disposent d’un seul et même contrat-type de travail obligatoire pour leurs ressortissants, le Mexique négocie individuellement les modalités de son contrat-type de travail. Tout comme pour les Antilles, cette négociation a lieu, chaque année, de gré à gré entre des représentants du pays fournisseur de main-d’œuvre, du gouvernement canadien et des employeurs. Toutefois, bien qu’il existe quelques différences, les clauses essentielles des deux contrats-types de travail sont similaires entre les Antilles et le Mexique. Ainsi, malgré l’ajout d’un nouveau partenaire majeur, le PTAS continue d’exister sous la même structure depuis 1966. On observe donc que les changements apportés au fil des ans ne sont véritablement que des changements mineurs. Finalement, il ne s’agissait que d’inclure un pays additionnel à un programme existant et ayant fait ses preuves.
En se fondant sur ces observations, il convient d’affirmer que l’ajout du Mexique au programme est un exemple typique de sédimentation institutionnelle, au sens où il s’agit d’une couche additionnelle à l’institution déjà établie, le PTAS (Thelen Reference Thelen2003). Comme le mentionne Thelen, « les innovateurs institutionnels se sont accommodés et adaptés à la logique du système préexistant, en contournant les éléments qu’ils ne pouvaient pas changer » (2003, 30). Les changements étant mineurs, cela abonde dans la logique de la dépendance au sentier (Pierson Reference Pierson2000). En effet, le passé du PTAS explique en partie comment la vulnérabilisation des travailleurs a perduré après l’ajout du Mexique jusqu’à nos jours. Puisque le programme a été établi en rendant les travailleurs vulnérables et qu’aucun vecteur majeur ne l’a fait dévier de sa trajectoire initiale, comment la vulnérabilisation originelle aurait-elle pu cesser, alors que le programme n’avait subi aucune modification substantielle dans sa base structurelle? Examinons maintenant en quoi le cadre administratif établi par les contrats-types de travail propres au PTAS contribue à la vulnérabilisation des travailleurs migrants agricoles.
4. Les facteurs de la vulnérabilisation des travailleurs agricoles saisonniers venant de l’étranger
La vulnérabilisation des travailleurs agricoles saisonniers admis au Canada grâce au PTAS se décline essentiellement sous trois aspects. D’abord, leur vulnérabilisation peut découler des risques d’exploitation générés par une restriction de leur droit à la mobilité imposée par leur contrat de travail. Ensuite, la dépendance économique liée aux sources de revenus est propice à l’instauration d’une attitude plus docile. Enfin, la vulnérabilisation peut s’expliquer par un déséquilibre entre le pouvoir de négociation des travailleurs par rapport à celui des employeurs.
4.1 Les risques d’exploitation générés par une restriction au droit à la mobilité
Dans le cadre du PTAS, l’usage des contrats de travail est obligatoire (Gouvernement du Canada 2018a, 2018b). Il est signé par le travailleur temporaire étranger, l’employeur et le représentant du gouvernement du pays étranger. Il en existe deux modèles pour les pays participants au PTAS : un pour les Antilles et l’autre pour le Mexique. Le contrat-type de travail des Antilles diffère de celui du Mexique, bien que la majorité des clauses essentielles soient similaires.
L’objectif du contrat de travail est de « préciser les droits et les obligations de chaque partie, de même que de s’assurer que toutes les parties comprennent et approuvent les conditions de travail et leurs responsabilités respectives » (Gouvernement du Canada 2018f). Les conditions d’emploi telles que le salaire, les retenues sur celui-ci, les modalités pour le transport et l’hébergement ainsi que les motifs de résiliation sont précisées d’avance dans le contrat-type de travail. Malheureusement, deux éléments majeurs intégrés à ces contrats créent une restriction au droit à la mobilité générant des risques d’exploitation : l’interdiction de changer d’employeur cumulée avec l’obligation de demeurer à l’endroit désigné par cet employeur.
Officiellement, les travailleurs admis sous le PTAS se voient accorder un permis de travail quasi sectoriel lié à plusieurs employeurs spécifiques, c’est-à-dire qu’ils sont autorisés par Immigration et Citoyenneté à travailler pour n’importe quel employeur du PTAS (Gouvernement du Canada 2018c). Par contre, le travailleur agricole n’a pas la possibilité de changer d’employeur comme il le veut. En fait, ce type de permis offre la possibilité d’être transféré à un nouvel employeur participant au PTAS sans avoir besoin de demander un nouveau permis (Gouvernement du Canada 2018a, sect. XV, art. 2a, 2018b, sect. XI, art. 1a). Toutefois, dans les faits, un travailleur qui souhaite être transféré à un autre employeur demeure soumis à la discrétion de nombreux intervenants, incluant celle de l’employeur désigné au contrat de travail initial (sauf dans certaines circonstances où la rupture du contrat découle d’un manquement de cet employeur aux engagements contractés).
En réalité, le travailleur est lié par une clause d’interdiction de changer d’employeur en cours de saison qui a été intégrée à son contrat de travail : « Le travailleur convient […] « [de] ne pas travailler pour aucune autre personne [que l’employeur nommément désigné] sans l’approbation de edsc/service canada, du représentant du gouvernement, et de l’employeur » (Gouvernement du Canada 2018a, sect. XI, art. 5, 2018b, sect. IX, art. 3). Un transfert en cours d’année est possible chez un autre employeur participant au PTAS, mais la demande de changement est assujettie à un processus administratif rigoureux. Le contrat de travail prévoit, entre autres, que « [toutes] les parties, y compris le travailleur, l’employeur qui le transfère, l’employeur qui le reçoit et le représentant du gouvernement au Canada doivent approuver le transfert » (Gouvernement du Canada 2018a, sect. XV, art. 2c, 2018b, sect. XI, art. 2c). Ainsi, le travailleur agricole n’est pas libre de quitter son emploi et d’en trouver un autre de son propre chef : il peut être transféré à un autre employeur durant la validité de son permis de travail, à condition que son employeur le veuille.
Nous ne pouvons que déplorer la situation où un travailleur, victime d’une relation malsaine avec l’employeur désigné au contrat de travail, serait contraint de demeurer sous les ordres de ce dernier, ne sachant comment demander son transfert, mais surtout sans pouvoir être transféré sans avoir obtenu sa nécessaire approbation. Les démarches administratives et juridiques peuvent être d’autant plus compliquées pour une personne qui ne parlerait ni l’anglais ni le français. En outre, Binford a documenté qu’il existe également une règle non écrite du PTAS qui interdirait aux travailleurs de faire une demande de transfert d’employeur pendant les trois premières saisons (Binford Reference Binford2009, 508). Quant à cette faculté de demander un transfert, Depatie-Pelletier constate qu’il s’agit d’une option hautement importante dans les circonstances où l’employeur initial est en mesure de transférer les coûts du transport aller-retour au deuxième employeur (Depatie-Pelletier Reference Depatie-Pelletier2016, 204). Selon Gayet, « [elle] constitue davantage une flexibilité à l’avantage des employeurs plutôt que la reconnaissance d’une autonomie plus grande pour les travailleurs » (Gayet Reference Gayet2010, 41). La possibilité de transfert favoriserait donc d’abord l’employeur nommément désigné au contrat de travail et non le travailleur. Ainsi, dans les faits, l’interdiction de changer d’employeur a pour conséquence de priver les travailleurs de leur mobilité sur le marché du travail, mais surtout pour effet de produire un sérieux déséquilibre des pouvoirs entre l’employeur et le travailleur.
Ensuite, les contrats-types de travail incluent également une clause obligeant le travailleur « [à] travailler et [à] habiter au lieu de travail ou à tout autre endroit fixé par l’employeur et approuvé par le représentant du gouvernement » (Gouvernement du Canada 2018b, sect. IX, art. 6, 2018a, sect. XI, art. 2). Puisque ces travailleurs sont tenus de loger à l’endroit désigné par leur employeur (souvent sur le lieu du travail), il est possible que ceux-ci, par crainte de représailles ou par souci de minimiser les conflits, se montrent plus tolérants à de mauvaises conditions de vie ou encore cèdent à des demandes excessives, voire abusives, de la part de leur employeur (Basok Reference Basok2002, 4). Pour les mêmes raisons, certains travailleurs peuvent également être hésitants à faire valoir leurs droits et libertés, comme demander d’être libérés pour consulter un médecin ou réclamer une indemnisation en cas de blessure au travail (Basok Reference Basok2007; Amar Reference Amar2009). Le cadre légal du PTAS est donc susceptible d’exposer les travailleurs migrants agricoles à des abus de pouvoir de l’employeur et augmente les risques d’exploitation (Depatie-Pelletier et Dumont Robillard Reference Depatie-Pelletier and Dumont Robillard2013, 186).
Par ailleurs, la crainte de ne pas être rappelé l’année suivante ou encore d’être congédié prématurément, peut également placer le travailleur dans une « situation de dépendance qui rend difficile l’abandon d’un emploi aux conditions insatisfaisantes » (Elgersma Reference Elgersma2007, 7). Qui plus est, en cas de cessation prématurée du contrat de travail, le travailleur s’expose, dans certaines circonstances prévues au contrat, à la possibilité de devoir assumer le coût du billet d’avion (Gouvernement du Canada 2018a, sect. XII, art. 1, 2018b, sect. X, art. 3). Cet élément peut ajouter un poids supplémentaire pour une personne en situation précaire.
Les risques d’exploitation sont d’autant plus présents dans le contexte où les travailleurs étrangers agricoles ne bénéficient pas de procédures institutionnalisées leur permettant de transmettre de manière simple et sécuritaire leurs récriminations. En effet, le programme ne prévoit officiellement aucun recours, ni accès à une personne-ressource en cas de problèmes, si ce n’est l’employeur lui-même, le représentant de leur gouvernement ou le consulat de leur pays d’origine. L’absence d’un processus d’appel formel aux décisions de l’employeur ou du représentant du gouvernement, fréquemment jumelée à une barrière de langue, empêche alors le travailleur lésé de se prévaloir autrement des mesures de protection existantes dans la législation nationale qui seraient applicables à sa situation. Toutefois, depuis 2018, le contrat-type de travail pour les travailleurs provenant des Antilles prévoit des obligations contractées à l’égard du représentant du gouvernement. Celui-ci est dorénavant tenu de signaler à Emploi et Développement social Canada (EDSC) toutes les allégations laissant soupçonner des cas de violence ou de maltraitance au travail (Gouvernement du Canada 2018a, sect. X, art. 1). Il est également tenu de garantir au travailleur que sa participation future au PTAS « ne [sera] pas pénalisée en raison de ces allégations » (Gouvernement du Canada 2018a, sect. X, art. 3). Cela témoigne d’un progrès pour la défense des droits des travailleurs migrants agricoles. Par contre, le contrat-type pour le Mexique ne prévoit pas de clauses similaires.
Cette mesure de protection en cas d’allégation de maltraitance et de violence est très légitime. En effet, en cas de problèmes avec l’employeur, le travailleur s’expose effectivement au risque d’être inscrit sur une liste noire par celui-ci ou par un agent de liaison nommé par le gouvernement du pays d’origine (Vosko Reference Vosko2015; Basok Reference Basok2007). Cela signifie que le travailleur peut être mis à l’écart du PTAS pour une période déterminée ou indéterminée, avec les conséquences que cela implique à court et à moyen termes. Dans ces circonstances, les travailleurs se sentent parfois obligés d’acquiescer aux ordres de leur employeur et d’être à leur entière disposition par crainte de perdre leur emploi ou d’être exclu du PTAS.
Conséquemment, l’interdiction de changer d’employeur, cumulée avec une obligation d’habiter à l’endroit fixé par l’employeur, crée un lien de subordination à teneur singulière qui vulnérabilise les travailleurs agricoles saisonniers du Mexique et des Antilles pendant leur séjour au Canada. L’une des critiques les plus virulentes à l’égard de ce type de mobilité est qu’il encourage une « forme moderne de travail “non libre” » (Basok Reference Basok2002, 4; Gallié, Galerand et Bourbeau Reference Gallié, Galerand and Bourbeau2015), renforçant l’image que les travailleurs étrangers ne constituent ni plus ni moins que de la « migration-marchandise » (Vermette Reference Vermette2005, 71). Depatie-Pelletier et Dumont Robillard assimilent d’ailleurs la nature de la relation de travail créée par le PTAS à une forme contemporaine d’esclavage (Depatie-Pelletier et Dumont Robillard Reference Depatie-Pelletier and Dumont Robillard2013, 200). Pour ces auteures, les travailleurs migrants sont positionnés « en tant que “personne[s] de condition servile” constituant par le fait même une violation des obligations internationales du Canada en vertu de la Convention supplémentaire relative à l’abolition de l’esclavage, de la traite des esclaves et des institutions et pratiques analogues à l’esclavage » (Depatie-Pelletier et Dumont Robillard Reference Depatie-Pelletier and Dumont Robillard2013, 200).
4.2 La dépendance économique liée aux sources de revenus
Le PTAS permet aux pays envoyant de la main-d’œuvre d’offrir des possibilités d’emploi temporaire à de nombreux citoyens qui auraient peu de chances d’obtenir un emploi à salaire comparable dans leur pays. Ces éléments constituent des incitatifs majeurs pour les travailleurs qui désirent migrer au Canada dans le cadre du PTAS, mais également pour les pays participants dont l’économie nationale profite des retombées. Dans cette optique, il convient de rappeler que le Mexique et les pays des Antilles sont considérés comme des pays économiquement défavorisés connaissant des niveaux élevés de chômage et de pauvreté.
À première vue, la plupart des personnes qui postulent pour le PTAS sont motivées par l’attrait d’améliorer leurs conditions de vie et celles de leur famille par l’obtention d’un salaire supérieur à celui qu’elles estiment être en mesure de gagner dans leur pays d’origine (Smart Reference Smart1997, 153). Grâce au PTAS, elles occupent un emploi qu’elles n’auraient pas autrement. Par ailleurs, les travailleurs sont payés en devises canadiennes, ce qui constitue un avantage certain avec le taux de change vers leur devise nationale (Knowles Reference Knowles1997, 5). Certains travailleurs profitent aussi du séjour au Canada pour acquérir des biens qui sont plus difficiles ou plus dispendieux à acquérir dans leur pays d’origine (Knowles Reference Knowles1997, 5). Pour d’autres, leur expérience par l’intermédiaire du PTAS leur offre la possibilité de voyager, ce qu’ils ne pourraient pas faire autrement.
Ensuite, pour l’économie du pays d’origine des travailleurs, les avantages sont également indéniables. D’abord, une partie du salaire du travailleur revient directement au gouvernement d’origine. Par exemple, le contrat-type de travail pour l’embauche de travailleurs agricoles saisonniers des Antilles (États membres du Commonwealth) au Canada, pour l’année 2018, prévoit des retenues sur le salaire. Elles sont liées, entre autres, aux coûts du transport aérien et terrestre, mais également aux contributions au régime national d’assurance et aux frais administratifs du gouvernement pour la prestation de services comme la préparation de documents, les séances d’orientation, l’aide juridique et l’examen du logement désigné (Gouvernement du Canada 2018a, sect. V). Les sommes retenues sont remises directement au représentant du gouvernement d’origine (Gouvernement du Canada 2018a, sect. V, art. 2).
Par ailleurs, avec l’augmentation du nombre de travailleurs depuis la mise en place du programme, les envois d’argent effectués par les travailleurs migrants vers leur pays d’origine sont devenus une source de revenus de plus en plus importante pour ces pays. La plupart des travailleurs migrants envoient une partie de leurs revenus aux membres de leur famille demeurés dans leur pays d’origine (Smart Reference Smart1997, 153; Depatie-Pelletier et Dumont Robillard Reference Depatie-Pelletier and Dumont Robillard2013, 198). Sans l’aide des revenus d’emploi obtenus au Canada, ils ne peuvent subvenir à leurs besoins et à ceux de leurs proches. L’argent envoyé aux familles est ensuite dépensé au sein de l’économie nationale.
Toutefois, ce contexte place les travailleurs, mais également les pays d’origine, dans une situation de dépendance économique par rapport aux revenus obtenus dans le cadre du PTAS. Cette dépendance économique constitue un facteur de vulnérabilité supplémentaire pour les travailleurs qui ne disposent d’aucune alternative équivalente. Inversement, ce contexte augmente l’ascendant qu’ont l’employeur et les responsables du programme sur les travailleurs, car ces derniers ne peuvent prendre le risque de leur déplaire par crainte de perdre les revenus tirés de l’emploi. La dépendance économique des travailleurs migrants agricoles vis-à-vis de leur emploi au Canada permet en partie d’expliquer leur passivité ainsi que leur docilité, mais aussi leur soumission et leur acceptation de conditions de travail difficiles.
4.3 Le déséquilibre entre le pouvoir de négociation des travailleurs et celui de leur employeur
Les producteurs agricoles se tournent vers le PTAS à titre de source de travailleurs fiables et qualifiés pour le travail agricole. Chaque année, les employeurs intéressés à embaucher des travailleurs agricoles étrangers doivent demander une autorisation à EDSC. Pour accéder aux bénéfices de ce programme, les employeurs doivent notamment faire la preuve de la nécessité d’embaucher des travailleurs étrangers et de la non-disponibilité de travailleurs canadiens pour pourvoir les postes vacants. Ils recherchent des individus qui seront productifs au Canada et qui ne leur causeront pas de problèmes (McLaughlin Reference McLaughlin2009, 145).
Le PTAS est administré dans le cadre de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés et de son règlement d’application. EDSC gère conjointement le PTAS avec Citoyenneté et Immigration Canada (CIC), en partenariat avec d’autres ministères fédéraux et les gouvernements provinciaux. Certaines provinces canadiennes participent au processus d’embauche des travailleurs accueillis dans le cadre du PTAS. Toutefois, le gouvernement fédéral fixe les règles de base pour l’ensemble du pays (Gouvernement du Canada 2018f).
La responsabilité de recruter et de sélectionner les travailleurs agricoles revient aux gouvernements du Mexique et des pays participants des Antilles (Gouvernement du Canada 2018d). Ceux-ci doivent « s’assurer de maintenir un bassin de travailleurs qualifiés » (Gouvernement du Canada 2017). Les postulants au PTAS sont tenus de passer un examen médical pour démontrer qu’ils sont en bonne santé et qu’ils sont capables de fournir un effort physique vigoureux (Gallié, Ollivier-Gobeil et Brodeur Reference Gallié, Ollivier-Gobeil and Brodeur2017, 69). En outre, les postulants ont de meilleures chances d’être retenus s’ils font la preuve qu’ils n’ont pas de revenus stables, qu’ils ont une famille à leur charge et qu’ils n’ont pas terminé leur éducation secondaire (Basok Reference Basok2003, 9; Bronsard Reference Bronsard2007, 70; Preibish et Grez Reference Preibish and Grez2010, 297). Les personnes sélectionnées sont presque exclusivement des hommes (Preibish et Grez Reference Preibish and Grez2010, 297). Une fois qu’une demande par un employeur canadien est faite, les fonctionnaires mexicains ou antillais, selon le cas, choisissent les travailleurs à envoyer et ils sont chargés de leur fournir les documents nécessaires pour leur séjour au Canada.
Comme pour la plupart des travailleurs temporaires étrangers, l’embauche d’un travailleur agricole étranger se fait essentiellement de l’extérieur du Canada. La demande de permis requiert comme condition que EDSC ait approuvé l’offre d’emploi ainsi que ses conditions et doit être faite dans le pays d’origine du travailleur (Gouvernement du Canada 2018c). Ainsi, le travailleur temporaire doit avoir déjà obtenu la confirmation d’un emploi, à défaut de quoi il ne peut pas être autorisé à venir au Canada pour y travailler. Le contrat de travail étant une condition nécessaire pour la délivrance du permis de travail, il est signé avant le séjour au Canada (Immigration, Diversité et Inclusion Québec 2016). Ce contrat de travail reprend strictement l’entièreté des modalités du contrat-type de l’entité dont le travailleur fait partie (des Antilles ou du Mexique), sans possibilité d’y déroger (Gouvernement du Canada 2018e). En matière d’immigration, plusieurs permis de travail requièrent un contrat préalable à leur délivrance. Par contre, le contrat-type du PTAS, tel que mentionné plus tôt, rend les travailleurs particulièrement vulnérables. Par ailleurs, les travailleurs recrutés n’ont pas nécessairement les connaissances nécessaires pour bien comprendre la teneur des clauses contractuelles avant d’apposer leur signature. Qui plus est, les travailleurs sont exclus du processus de négociation des clauses des deux contrats-types de travail, tant d’un point de vue collectif qu’individuel.
Contrairement aux travailleurs agricoles qui ont un rôle principalement passif dans leur recrutement, les employeurs sont impliqués activement dans le processus. D’abord, les employeurs possèdent le droit de choisir le pays d’origine d’où ils désirent puiser leur main-d’œuvre. Ils ont également le pouvoir de demander à reprendre des travailleurs spécifiques, de façon à ce que ceux-ci retournent à leur ferme lors de la saison de travail suivante. Advenant cette éventualité, le travailleur devra retourner dans son pays avant de présenter une nouvelle demande de permis de travail. En effet, il est prévu dans les contrats-types de travail que la période d’emploi ne peut pas dépasser huit mois et que chaque travailleur doit retourner dans son pays d’origine au plus tard le 15 décembre de chaque année (Gouvernement du Canada 2018a, sect. I, art. 2, 2018b, sect. I, art. 2a). L’absence de garantie de retour l’année suivante est un autre élément de nature à contribuer à l’insécurité des travailleurs concernés et à leur dépendance envers leur employeur.
Actuellement, le nombre de travailleurs disposés à participer au PTAS est supérieur au nombre de salariés demandés par les producteurs agricoles canadiens (Binford Reference Binford2009, 514). Puisque les places dans le PTAS garantissent à l’État des revenus substantiels, la priorité du Mexique et des pays des Antilles est de maintenir, sinon d’accroître, leur position dans le PTAS. Ceci étant, les autorités gouvernementales des pays fournisseurs de main-d’œuvre et leurs représentants ont donc un intérêt certain à maintenir de bonnes relations avec les producteurs agricoles canadiens, et ce, afin que leurs ressortissants soient privilégiés par rapport à ceux des autres pays fournisseurs avec lesquels ils sont en concurrence pour les places (Binford Reference Binford2009, 510).
En parallèle, les autorités gouvernementales sont continuellement exposées au risque que les employeurs optent à l’avenir pour des travailleurs qu’ils considèrent comme provenant d’un pays « plus docile » ou « moins regardant » (Gayet Reference Gayet2010, 36). Le danger paraît d’autant plus préoccupant qu’une défense vigoureuse des droits de ses ressortissants pourrait amener un gouvernement à être perçu par les producteurs agricoles comme trop revendicateur ou contestataire concernant les conditions de travail de ses ressortissants. Conséquemment, une attitude des autorités gouvernementales des pays fournisseurs de main-d’œuvre ainsi que de leurs représentants, jugée comme étant trop exigeante par les employeurs, risquerait vraisemblablement d’aliéner les producteurs agricoles qui se détourneraient de leur main-d’œuvre. Cela pourrait expliquer l’impression de certains travailleurs qui ont constaté que leurs représentants consulaires adoptent un parti pris en faveur de leur employeur en cas de litige (Binford Reference Binford2009, 510). En outre, plusieurs textes témoignent de situations où les travailleurs migrants agricoles sont privés de la protection et de l’exercice de leurs droits, mais également du soutien qu’ils seraient fondés à recevoir des représentants de leur pays d’origine pour faire valoir ces droits (Basok Reference Basok2007; Bronsard Reference Bronsard2007; Depatie-Pelletier et Dumont Robillard Reference Depatie-Pelletier and Dumont Robillard2013; Duchaine Reference Duchaine2016; Flecker Reference Flecker2011; Satzewich Reference Satzewich2007; Smart Reference Smart1997; TUAC Canada et Alliance des travailleurs agricoles 2009).
Ce déséquilibre entre le pouvoir d’agir et de négociation des travailleurs migrants agricoles saisonniers et celui de leur employeur s’amplifie par l’intervention d’un tiers dans la relation « offreur/demandeur ». Dans la situation qui nous occupe, les travailleurs étrangers sont demandeurs d’emploi. En parallèle, les producteurs agricoles sont offreurs d’emplois. Dans un marché avec compétition et information parfaites, les lois de l’offre et de la demande prédisent que les intérêts apparemment contradictoires des offreurs et des demandeurs trouveraient normalement un équilibre. Cet équilibre est qualifié d’optimal parce qu’il minimise les inconvénients et maximise les avantages, pour une partie comme pour l’autre. Le mécanisme naturel de rééquilibre est malheureusement court-circuité lorsque le marché n’est pas libre, comme lorsqu’un gouvernement institue des restrictions empêchant les demandeurs d’emploi de changer d’offreur d’emploi. Ainsi, comme nous l’avons vu, l’une des parties est lésée : les travailleurs agricoles migrants saisonniers qui sont placés en situation de vulnérabilité dès la signature du contrat de travail.
5. Discussion et conclusion
Les caractéristiques propres au PTAS placent les travailleurs agricoles migrants dans une situation de grande inégalité en regard de leurs employeurs et génèrent un contexte dans lequel il est difficile pour les travailleurs d’avoir un pouvoir sur leurs conditions de travail. Ce contexte puise ses origines dans le mode opératoire qui prévaut depuis 1966 et qui s’est perpétué ainsi jusqu’à maintenant. Étudier le PTAS à l’aide des trois branches du néo-institutionnalisme a permis de relever des facteurs économiques et socio-historiques qui jouent un rôle significatif dans la vulnérabilisation des travailleurs participant au programme.
D’abord, la branche rationnelle explique la mise en place du programme. Les difficultés de recrutement et de rétention de main-d’œuvre dans le secteur agricole ont fait coïncider les incitatifs économiques du gouvernement fédéral canadien, des producteurs agricoles canadiens, des gouvernements étrangers et des travailleurs. Le PTAS met à la disposition des employeurs agricoles canadiens une source fiable de travailleurs étrangers, désireux d’améliorer leur situation financière. Il permet ainsi au Mexique et aux pays participants des Antilles d’offrir à leurs citoyens un emploi avec un salaire plus élevé que celui qu’ils obtiendraient en demeurant au pays. Quant au gouvernement fédéral canadien, le PTAS a constitué un élément de preuve supplémentaire à ses démarches en vue d’éliminer les discriminations raciales évidentes dans la politique d’immigration canadienne.
La branche rationnelle renvoie aussi aux incitatifs monétaires : les travailleurs des pays pauvres permettent une production à bas prix. La production agricole s’effectue avec des frais de salaire moins élevés que si tous les travailleurs étaient canadiens, permettant de faire des profits plus élevés et de vendre des denrées moins chères. Avec l’augmentation du nombre de travailleurs depuis la mise en place du programme, les envois d’argent effectués par les ouvriers migrants vers leur pays d’origine sont devenus une source de revenus de plus en plus importante pour ces pays. En revanche, les travailleurs et les autorités des pays fournisseurs de main-d’œuvre sont placés en situation de vulnérabilité en raison de la dépendance économique liée à cette source de revenus.
Ensuite, la branche sociologique laisse entrevoir comment une double norme sociale (celle qui tolère une main-d’œuvre bon marché dans le milieu agricole et celle selon laquelle il est acceptable que des personnes de pays pauvres travaillent au Canada à des conditions inférieures à celles de la population générale) a ouvert la voie à un programme créant un canal d’entrée à des travailleurs agricoles étrangers. Au Canada, les employeurs agricoles sont aux prises avec des difficultés considérables en ce qui a trait au recrutement et à la rétention de travailleurs (Conseil canadien pour les ressources humaines en agriculture 2009, 34). Le PTAS met donc à la disponibilité des employeurs de nombreux travailleurs disposés à accepter les conditions de travail difficiles de ce secteur, délaissées par la population canadienne. Sans cette double norme sociale, on peut vraisemblablement croire que le PTAS n’aurait pas obtenu l’acceptation de la population canadienne et que cela aurait affecté les modalités du programme.
Ensuite, le PTAS a bénéficié d’une sédimentation institutionnelle (au sens du néo-institutionnalisme historique) par l’ajout du Mexique en 1974. Malgré l’ajout d’un nouveau partenaire majeur au programme, la structure du programme ainsi que ses modalités sont pratiquement demeurées inchangées par rapport au projet-pilote de 1966. Ainsi, même si un changement est officiellement survenu sur le plan interne par l’ajout du Mexique, cela n’a pas pour autant modifié le sentier sur lequel cette institution était engagée. La notion de dépendance au sentier (qui est un concept central pour la branche du néo-institutionnalisme historique) explique que l’évolution de l’institution est verrouillée par les choix initiaux. Elle souligne le poids des choix effectués dans le passé et celui des institutions politiques sur les décisions présentes : les coûts d’un changement majeur étant très élevés, un pays qui s’est engagé dans une voie aura de la difficulté à dévier du sentier choisi.
L’idée ici est que des décisions passées prises en raison de conditions socio-historiques et économiques particulières (mais qui ont cessé depuis ou qui ne sont plus pertinentes) peuvent perdurer simplement parce qu’en changer demanderait trop d’efforts ou un investissement trop important, et ce, alors même qu’un changement significatif donnerait plus d’avantages à l’ensemble des partenaires. La dépendance au sentier explique donc l’inertie qui caractérise le PTAS, car une fois établies et stabilisées, les dispositions institutionnelles deviennent ancrées chez les acteurs impliqués. Le poids de l’habitude, diront certains. Il est possible de convenir que c’est ce qui se produit au sein du gouvernement fédéral canadien avec le PTAS, mais aussi au sein des autorités gouvernementales des pays fournisseurs de main-d’œuvre. Les choix réalisés dans le passé, possiblement justifiés et rationnels à l’époque de leur instauration, ont perdu de leur pertinence avec les années. En restant dans le même cadre que celui adopté dans les années soixante, le PTAS est plutôt perçu comme encourageant une certaine forme de « migration-marchandise » et de « travail non libre ».
À l’heure actuelle, d’autres programmes d’immigration canadiens attirent l’attention du public sur la vulnérabilité des migrants et font l’objet de changements importants. La théorie néo-institutionnaliste prévoit des changements majeurs de politique notamment lors de crises, en raison de la haute attention du public qu’elles suscitent. Le PTAS nous semble mûr pour de tels événements : les travailleurs y sont vulnérables et, pourtant, on semble bien peu se préoccuper de leur sort.