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Code(s) et tabous sur l'internet: Étude contrastive de quelques énoncés malédictifs en français et en anglais

Published online by Cambridge University Press:  26 January 2010

GEORGETA CISLARU*
Affiliation:
SYLED-Cediscor, Université Paris 3 Sorbonne nouvelle
*
Adresse pour correspondance: Georgeta Cislaru, Centre de Linguistique française, Université Paris 3 Sorbonne nouvelle, 13 rue Santeuil, 75005 Paris, France e-mail: gcislaru@univ-paris3.fr
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Abstract

Cet article propose une analyse de quelques énoncés malédictifs en tant que marqueurs de croyances et de valeurs culturelles. L'étude est menée sur des corpus en français et en anglais issus de l'internet autour de ‘maudire’, ‘damn’ et ‘curse’. En interrogeant les particularités lexico-grammaticales de ces énoncés, en observant tour à tour leur valeur expressive, leur potentiel insultant, leur validation/invalidation interlocutive et les effets pragmatiques qu'ils préconisent, on finit par dégager une distinction au niveau de l'acte de langage lui-même: instrumental en français, où il vise l'intersubjectivation des émotions, vs. hostile en anglais, où le destinataire est directement interpellé et risque de perdre la face. Cette différence renvoie à des causalités socio-culturelles plus profondes (interdits, croyances, rapport aux émotions), mais aussi à des contraintes structurelles liées aux propriétés des lexèmes susmentionnés.

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Copyright © Cambridge University Press 2010

1 INTRODUCTION

L'énoncé Je te maudis! et ses équivalents lexicographiques et pragmatiques anglais – (I) damn you! et I curse you! – relèvent de ce qu'on appelle la violence verbale (Jay, Reference Jay2000; Moïse, Reference Moïse2006; Rosier, Reference Rosier2006). Ce genre de production linguistique (insultes, obscénités, tabous. . .) est hautement codé du point de vue pragmatique et socio-culturel (cf. Butler, Reference Butler2004; Shai, Reference Shai1978) et rend compte de croyances et de valeurs culturelles comme l'axiologie ou la représentation du pouvoir des mots. Par ailleurs, les trois énoncés sont ancrés dans une anthropologie religieuseFootnote 1 qui fait dire à Kerbrat-Orecchioni que, dans nos sociétés laïques, les actes de bénédiction/malédiction ont quasiment disparu, à la différence des sociétés fortement marquées par la religion, comme les sociétés musulmanes, où ils seraient nettement plus fréquents (Reference Kerbrat-Orecchioni2005: 168). Or ces énoncés à priori marginauxFootnote 2 mais qui sont en réalité pragmatiquement liés à des situations précises (Fonagy, Reference Fonagy1982), et qui acquièrent des sens bien définis – bien que parfois très divers – dans une série de contextes (cf. aussi Béal, Reference Béal2002: 17), sont relativement fréquents dans les nouveaux espaces de communication comme l'internet. Sans aller jusqu'à se proposer de vérifier la portée de la phrase attribuée à André Malraux selon laquelle ‘le 21ème siècle sera religieux ou ne sera pas’ en formulant l'hypothèse d'un retour en force du religieux, on s'interrogera dans cet article sur les croyances et valeurs culturelles telles qu'elles sont dévoilées par l'emploi des trois énoncés précités dans le cadre des échanges en ligne, caractérisés à la fois par la netiquette (cf. Marcoccia, Reference Marcoccia, Guéguen and Taubin1998), système normatif susceptible d'endiguer la violence verbale, et par une certaine désinhibition communicationnelle due notamment au caractère virtuel du contact (Suller, Reference Suller2004). Nous limitons notre étude aux énoncés comprenant les lexèmes maudire, curse, damn, désignants directs de l'acte de malédiction qui font l'objet d'euphémisation (et de tabous?) en langue (voir section 1). C'est en effet l'euphémisation, en tant que marque linguistico-discursive de tabous, qui est susceptible de révéler les traces de croyances et de valeurs culturelles.

L'étude se construit en articulant deux questionnements. D'une part, dans un cadre linguistique, on a affaire à une dissymétrie de formes entre le français (un énoncé) et l'anglais (deux énoncés). Dans quelle mesure les emplois et les valeurs pragmatiques sont-ils tributaires des formes disponibles en langue? D'autre part, dans un cadre socio-anthropologique, alors que le français s'inscrit sur un territoire assez large dans un cadre laïque de jure (France) ou de facto, par la séparation de l'église et de l'état (Canada, Belgique et une partie de la Suisse), l'anglais s'inscrit, lui, plus ouvertement dans une tradition religieuse chrétienne (Angleterre, États-Unis). Ces facteurs auraient-ils une incidence sur les croyances et les valeurs culturelles? Bien évidemment, il convient de ne pas perdre de vue d'autres déterminations socio-culturelles qui émergeraient du corpus. L'articulation des deux dimensions, linguistique et socio-culturelle, sera pour nous l'occasion de questionner les interférences entre conditionnements linguistiques et conditionnements contextuels.

Compte tenu de la nature de notre objet, nous partirons d'une petite grammaire de la malédiction, où nous rendrons compte des particularités lexico-grammaticales et pragmatiques des énoncés étudiés. Nous analyserons ensuite les emplois de ces derniers d'un point de vue pragmatique et d'un point de vue texto-discursif.

2 PETITE GRAMMAIRE DE LA ‘MALÉDICTION’

Le premier niveau de distinction interculturelle concerne le lexique: en effet, on voit que le découpage n'est pas le même en français et en anglais. Peut-on de là affirmer que les valeurs et les emplois ne seront pas les mêmes?

2.1 Lexique et usage

Si l'acte de malédiction est questionné dans une série de travaux pragmatiques portant aussi bien sur l'anglais que sur le français (Austin, Reference Austin1979; Jay, Reference Jay1992; Kerbrat-Orecchioni, Reference Kerbrat-Orecchioni2005; Wierzbicka, Reference Wierzbicka1991, etc.), le traitement qu'on propose des verbes eux-mêmes varie d'une langue à l'autre. Ainsi, nous n'avons trouvé aucune étude s'intéressant directement au verbe français maudire, ni aux autres lexèmes appartenant à la même famille de mots. En revanche, les verbes damn et curse bénéficient de descriptions détaillées en anglais (voir Hughes, Jay, Rawson et ci-dessous).Footnote 3

Selon Hughes (Reference Hughes1991, Reference Hughes2006), curse est l'équivalent de damn en Old English; il signifie ‘excommunicate’ (excommunier) ou ‘anathematize’ (anathématiser) en Middle English avant de perdre son intensité en anglais contemporain. Damn, qui signifiait ‘infernal’ en Old English, est également considéré comme diminué; il signifie actuellement la désapprobation et l'exaspération, et fait partie des 2000 mots les plus utilisés en anglais (Hughes, Reference Hughes2006).

Les différentes études portant sur l'anglais mentionnent des listes plus ou moins longues de formes euphémiques: damn peut être remplacé par darned, durned, tarnation, dang (anglais américain), ou par deuced, dash, dashit (anglais britannique); curse quant à lui devient cuss(ed). L'euphémisation dont font l'objet ces lexèmes conduit à s'interroger sur les tabous qui y président: en effet, sans qu'il y ait blasphémie à proprement parler (cf. Benveniste, Reference Benveniste1974), l'euphémisme accompagne la confirmation de ces lexèmes en tant que jurons ou insultes tout en maintenant des liens avec l'interdit (cf. Lagorgette, Reference Lagorgette and Santi2005).

Du point de vue de l'usage, on peut parler d'un passage de ‘goddams’ à ‘fuckoffs’ (cf. Hughes, Reference Hughes1991: 1) en anglais. Jay (Reference Jay1992: 75) note que le langage obscène se substitue, dès la seconde guerre mondiale, au langage blasphématoire issu de la religion (comme damn you, hell). Il explique ce phénomène par la perte du pouvoir expressif de ce dernier.

En observant le langage de l'internet, on peut cependant se demander s'il n'y a pas une réactualisation de ce ‘langage religieux’, par un jeu de récupération du pouvoir expressif.

2.2 Structures grammaticales

On considère que plus un terme insultant ou un juron est généralisé, plus il bénéficie d'une flexibilité morphologique: on enregistre ainsi damned, damnable, damnably, de même que damfool ou encore a dam incur-dam-able dam coward (Hughes, Reference Hughes2006: 117). Lorsqu'il précède un adjectif, damn joue le rôle d'un adverbe intensifieur, comme dans it's damn good!; il peut ainsi être rapproché de very (Rawson, Reference Rawson1991: 115).

Le lexème curse (cursed, accursed, curst. . .) dispose d'une flexibilité grammaticale plus réduite, ce qui pourrait être l'indice d'un sémantisme plus résistant à la généralisation des emplois. Ce même type de flexibilité est peu attesté en français, même si certains fonctionnements de l'adjectif maudit assument indirectement un rôle d'intensifieur, comme dans l'expression québécoise ces maudits Français.

Du point de vue syntaxique, on notera que seul le mot damn peut constituer de façon autonome un énoncé exclamatif: Damn!, ce qui lui permet d'assumer une valeur générale. Maudire et curse sont, quant à eux, explicitement transitifs et demandent, respectivement, que le sujet et l'objet, ou juste l'objet, soient exprimés: Je te maudis! (I) curse you!.Footnote 4 Cette particularité inscrit plus directement les deux verbes dans un cadre interactionnel; elle déterminera ainsi le choix que nous faisons de travailler sur des énoncés complets.

2.3 Spécificités de l'acte de langage

Austin décrivait déjà la malédiction comme un acte de langage, et plus particulièrement comme un acte de langage comportatif, qui consiste à réagir aux actes d'autrui. De par l'emploi de verbes performatifs au présent et à la première personne du singulier, les énoncés Je te maudis!, I curse you! et Damn you! peuvent être considérés comme performatifs. Mais, là encore, ces critères sémantiques et grammaticaux ne sont ni nécessaires, ni suffisants. Le seul critère fiable serait de pouvoir identifier et mesurer l'effet performatif de ces énoncés. D'après l'interprétation que propose Wierzbicka (Reference Wierzbicka1991) pour l'anglais et le yiddish, la malédiction se traduit par ‘je souhaite que quelque chose de mal, de mauvais t'arrive’. Le français semble aller dans le même sens.

La malédiction implique donc un résultat qui est souvent mentionné comme pour confirmer l'effectivité de l'acte de langage:

I curse you with my name. You shall be – Blacula!” (Extrait du film Blacula cité par J. Beifuss dans The Commercial Appeal Memphis, TN, 09/04/99)

Si un acte de langage peut être défini comme une tentative d'agir sur son interlocuteur, voire sur le monde environnant, la malédiction est une tentative de faire agir le monde environnant sur son interlocuteur. En ce sens, la malédiction est un acte véritablement performatif, car elle se réalise par le fait même de dire: elle se commet par le langage.

En tant qu'acte ‘automatique’ (self-fulfilling, qui s'autoréalise), la malédiction est parfois considérée dans la littérature comme l'arme du faible (Shai, Reference Shai1978: 44), qui s'accorde un pouvoir par la parole. Le dialogue ci-dessous remet cependant en cause cette hypothèse:

CELIE

I curse you, Mister.

MISTER

Curse me? You can't curse nobody. You poor, you black, you ugly, you a woman.

(Chanson I Curse You, Mister, www.angelrecords.com/colorpurple/lyrics.pdf)

La question du positionnement du sujet prenant en charge l'énoncé de malédiction reste ouverte: s'agit-il d'un rapport de supériorité, d'infériorité ou d'égalité? Car la dissymétrie de la relation interactionnelle a un impact direct sur la portée du propos et sur son interprétation.

3 CONSTITUTION ET DESCRIPTION DU CORPUS

L'étude s'appuie sur un corpus de base, fermé, et sur un corpus ouvert. Le corpus de base est constitué à partir des 100 premières occurrences de trois énoncés (Je te maudis!, (I) damn you! et I curse you!), recensées par Google comme étant les plus fréquentées. Le choix des énoncés est déterminé par plusieurs critères, qui s'appuient entre autres sur les remarques lexico-pragmatiques formulées dans la première section: i) la présence d'un lexème ouvertement marqué comme relevant du registre des malédictions; ii) l'expression linguistique des deux acteurs, l'auteur et le destinataire de l'acte de malédiction; iii) la présence de la dimension interactionnelle, garantie par un sujet qui dit je en s'adressant à tu; ce dernier choix vise à récupérer des relations interactionnelles symétriques.Footnote 5

Nous avons sélectionné pour l'analyse les occurrences qui relèvent exclusivement des productions destinées à une publication en ligne: textes et commentaires sur les blogs, messages sur les forums. Cela correspond à une quarantaine d'occurrences pour chacun des trois énoncés. Il n'est pas toujours possible d'avoir des données sociologiques sur l'internet. Cependant, pour ce qui est des auteurs des blogs, qui proposent une petite biographie personnelle, nous avons pu constater qu'ils appartiennent aux deux sexes, et qu'ils ont généralement moins de 30 ans.

Le corpus ouvert est constitué d'observables comprenant l'ensemble des occurrences recensées par Google, et s'appuie également sur des recherches croisées concernant le lexème seul (‘damn’, ‘curse’, ‘maudi(t)(s)’) ou différentes formes de l'énoncé (‘Je vous maudis’, ‘I curse’, etc.). Nous y avons fait appel pour confirmer ou nuancer les résultats issus de l'analyse du corpus fermé.

4 ASPECTS PRAGMATIQUES DES EMPLOIS SUR L'INTERNET

On adopte, en s'inspirant de Laforest et Vincent (Reference Laforest and Vincent2004: 62), une approche semi-interactionnelle, qui prend en compte, en amont, le déclencheur potentiel de l'énoncé et, en aval, la réaction éventuelle du destinataire ou d'une tierce personne. En suivant les recommandations de Searle (Reference Searle1972), on observera plusieurs aspects de la réalisation de l'acte de langage: le but de l'acte, l'état psychologique exprimé, l'orientation de l'acte selon qu'il se rapporte aux intérêts personnels du locuteur ou de l'interlocuteur, le rapport avec le reste du discours. Il est à noter toutefois qu'il est quasiment impossible de dresser des frontières nettes entre ces aspects, qui empiètent les uns sur les autres dans l'usage.

4.1 Polarité de l'expression émotionnelle

L'emploi des énoncés de ‘malédiction’ sur la toile assume avant tout une fonction expressive, et non une fonction conative. Les définitions lexicographiques des verbes concernés prévoient d'ailleurs une équivalence émotive, maudire renvoyant à ‘haine’, tandis que curse est associé à ‘anger’. Dans les deux langues, il s'agit d'émotions à polarité négative.

Mais en discours les énoncés de ‘malédiction’ sont utilisés pour exprimer des émotions variées, comme le montrent les isotopies (Rastier, Reference Rastier1996) et les réactions des internautes sur les forums. Parfois, les énoncés sont intégrés à une structure coordonnée qui explicite les différentes attitudes: Je te chéris et je te maudis; Je te maudis et je te conchie; I curse you and I blight you.

En français, au-delà de sentiments stéréotypés comme l'amour et la haine, les itérations sémiquesFootnote 6 autour du verbe maudire dans les forums et sur les blogs permettent de relever des émotions et des sentiments comme le dépit, la tristesse (le spleen, la mélancolie), la révolte, la colère, le désespoir, la jalousie, les regrets, l'admiration et l'amitié (voir le tableau 1). Une partie de ces émotions est clairement désignée dans le contexte de l'énoncé de ‘malédiction’; on relève ainsi les termes haïr, aimer, chagrin, peur, amertume, rage, triste, énerve, angoisse, colère, vénérer. Des émoticônes viennent expliciter ou corriger l'expression émotionnelle (cf. Atifi et al., Reference Atifi, Gauducheau and Marcoccia2005): .

Tableau 1. Itérations sémiques autour de ‘maudire’

Damn et curse rendent compte d'émotions et de sentiments comme le dépit, la tristesse, la colère, l'admiration et, pour le dernier, la haine, la révolte et le dégoût (voir les tableaux 2 et 3). Dans le contexte, on associe au premier des termes d'émotion comme hate, shame, love, et au second anger, love, fury, passion. Les émoticônes ou leurs équivalents (comme lol [‘laugh out loud’]) accompagnent surtout damn:

Tableau 2. Itérations sémiques autour de ‘damn

Tableau 3. Itérations sémiques autour de ‘curse

Là encore, la polarité négative est dominante dans l'environnement lexical, mais l'écart est moins sensible qu'en français.

Dans le contexte, la proportion de lexèmes à polarité négative (et le nombre de messages les contenant) est nettement plus élevée que celle des lexèmes à polarité positive, ces derniers étant cantonnés à trois messages dans le corpus français.

Les réactions et les commentaires des internautes confirment une partie des interprétations proposées ici. Ainsi, au message intitulé ‘Je maudi tout’ (Je maudis le jour où je t'es rencontrée, Je maudis le destin qui nous a rapprochés. . .) un internaute réplique par: cé tro triste mé tré bo. Un autre internaute réagit à un poème en soulignant: une grande colère se ressens dans ton poème.

En revanche, les réactions et les commentaires des internautes sur les sites en anglais ne permettent pas de valider les interprétations appuyées sur l'isotopie, le seul commentaire à valeur interprétative étant de fait disqualifiant:

rms: [. . .] i damn you for your hypocrisy. i know the free software community will find a way to make you pay for this fake rankings site.

fake rms: rms you are just jealous

(http://www.distrorankings.com/project/view/id/64)

En dehors des blogs sur le thème de l'amour, l'expression émotionnelle est souvent raillée ou minimisée:

Firebird: People like you are the reason we have a moron like Bush in office with the quagmire losing effort losing lives in Iraq, record deficit ever growing, record high oil prices, complete loss of world respect, war crimes, the list goes on and on.

Damn you and all like you.

Anonyme: You really are quite emotional aren't you? (Blog ‘What we are doing over there is wrong (Iraq)’ http://www.e-thepeople.org/article/53234/view?viewtype=best&skip=10)

A la lumière de ces données on constate que les différences entre les deux langues relèvent davantage de nuances proportionnelles que de contrastes marqués. Ainsi, à peu près les mêmes émotions et sentiments sont exprimés par les énoncés de ‘malédiction’, les polarités positive et négative étant présentes dans les deux contextes. Cependant, l'expression émotionnelle semble plus nuancée et plus explicite en français, tandis que la polarité négative s'y trouve renforcée. Cette dernière observation rejoint en partie les hypothèses de Béal (Reference Béal and Charnet2001) concernant le ‘tabou’ émotionnel chez les anglophones.

4.2 Dimension interactionnelle: de l'insulte à l'empathie en passant par l'affectif

L'orientation pragmatique des énoncés de ‘malédiction’ n'est pas facile à définir. On peut d'ailleurs s'interroger sur la validité de ce critère, car toute production linguistique caractérise nécessairement le locuteur avant (ou au moment même) de revêtir une valeur conative:

Message blog: Mais à quoi penses-tu, je te maudis de tout ce mal que tu peux engendrer Je te tordrais bien le cou pour toute la souffrance que tu peux provoquer

Réaction: jte kiff on dirais une suicide girls (http://gugu74.skyrock.com/)

Tout d'abord, l'expression émotionnelle est orientée vers l'intersubjectivation: le locuteur peut rechercher l'empathie de l'interlocuteur.Footnote 7 Cet aspect est bien représenté dans les interactions sur les forums, où des internautes manifestent leur adhésion à l'évaluation axiologique du locuteur: I feel your pain; T'as raison; C'est horrible. . .

Message blog: I curse you as long as I live. [. . .] Rot in hell MLB. [Major League Baseball]

Réaction: I agree that Major League Baseball is evil.

(http://groups.google.com.tj/group/rec.sport.baseball/browse_thread/thread/c3aa27a5d163648)

On notera que ce genre de réaction ne concerne jamais, dans le corpus, l'énoncé I damn you!

Il n'est pas rare que l'emploi des énoncés de ‘malédiction’ soit perçu comme hypocoristique et donne lieu à une véritable connivence dans l'échange, où des émoticônes sont cependant régulièrement convoqués, comme pour signaler le second degré de l'énoncé:

Message forum: Tout réinstallé, tout beau, tout propre. . . Même dépoussiéré les circuits! Passé mon week-end dessus (à supporter les inquiétudes de ma mère. . .Je te maudis Helger!! )

Réponse de Helger: Moi aussi je t'adore.

(http://www.trucsastuces.com/Forums/index.php?showtopic=7822&st=15&start=15)

The CDK: Damn you to hell Shyamalan

(http://www.boxofficemojo.com/forums/viewtopic.htm?t=70568&sid=fea3166debc93bf7d1e59bbd6ba93f6a)

Ce type d'occurrences marque alors la solidarité dans une communauté d'internautes (cf. Lagorgette et Larrivée, Reference Lagorgette and Larrivée2004).

Il existe sur la toile des normes d'acceptabilité reconnues par la communauté: en ‘face-à-face’ et lorsque c'est le destinataire qui est visé, l'emploi des énoncés malédictifs est considéré comme acceptable lorsqu'il relève de l'ironie, de la blague, etc. Sur les blogs et les forums anglophones, les réactions aux messages contenant ce type d'énoncés se résument souvent à des ha ha, voire carrément à des Wahahahahaha!. . .

Là où l'énoncé de ‘malédiction’ est pris au pied de la lettre, les réactions, en français, sont catégoriques:

Thorghisl (invité): [. . .] PS: Faut vraiment etre le fils a personne pour faire ça, usurpateur d'identité, je te maudit, je vomi sur ton âme et sur tous les tiens. La MORT pour tes parents, la TORTURE et le VIOL pour tes enfants. Je te hais, tu es la putain des faiblesses humaines, tiède et obscène, aveuglé par ce désir suintant de vanité, sans valeur, INNOMMABLE LARVE ECOEURANTE DE LACHETE, JE TE POURSUIVRAIS, ET JE TE CREVERAI!!!

Eutrope (commère) [l'unique réaction au message]: Ouh la!!! un fou dangereux. Eclipsons nous.

(http://forums.levillage.org/viewtopic.php?p=3484&sid=9dcad58a520afa2d53075d60dd4362d4)

Car l'énoncé malédictif conserve sa face agressive et violente, comme le montre la place occupée par la polarité négative dans le discours. Sa portée est même intensifiée grâce aux majuscules. Mais la réaction signale aussi la reconnaissance – et, donc, la validation interactionnelle – d'une visée explicite d'agressivité verbale.

Cette charge agressive n'est pas anodine. On relève des séries assez riches de termes injurieux et d'insultes dans le contexte du verbe maudire:

Pute, baise[r], fichu trou, je t'insulte;

Je pense à toi quand je recrache mon dentifrice dans le lavabo. Et puis tiens, d'ailleurs je pisse dans le lavabo;

Je te conchie, sales gueules, sales porcs, connard de commissaire, immonde freluquet;

Je te cacate ta gueule.

On notera que je t'insulte pourrait constituer ici le liant entre l'acte de malédiction (‘je te maudis’) et l'insulte.

Les énoncés anglais ne sont pas en reste d'ailleurs, même si le contexte de curse reste relativement pauvre sur ce chapitre:

Damn: goddam, you fool, to hell, holy crap, what the hell, freaking dictator; lazy, worthless, irredeemably and determinedly stupid, piece of shit bastards, fucking clue, dude, screw Apple and Microsoft, Bush lover, fucking, dumb-ass thief, pig fucking parents, you piece of human dog shit

Curse: dammit, damn streets/blogs, fucking, shit, cock, bloody hell

Les énoncés malédictifs restent donc marqués par une polarité négative dominante qui réactive, par le biais de la valeur injurieuse, des tabous révélateurs de croyances culturelles. C'est en observant les objets/destinataires de la ‘malédiction’ ainsi que les souhaits formulés qu'on tentera de rendre compte de ces croyances.

4.3 Causes, objets et souhaits de ‘malédiction’

Les objets de la malédiction sont omniprésents dans le corpus. Les énoncés malédictifs s'utilisent rarement de manière totalement autonome, le destinataire de la malédiction étant précisé: Je te maudis, X/X, je te maudis; I curse you, X.

Les objets varient cependant d'une langue à l'autre, comme on peut le voir dans le tableau 4, où l'ordre d'apparition rend compte de la fréquence de chaque catégorie dans la langue concernée.

Tableau 4. Objets de la malédiction en français et en anglais

Footnote 8

Ainsi, si dans les deux langues le domaine informatique/nouvelles technologies (PC, clavier, Word, etc.) occupe une place importante, on remarque qu'en français, en dehors des blogs lyriques, il est rare d'adresser un énoncé malédictif à une personne pour exprimer des émotions négatives. Le tabou de la malédiction semble être plus fort en français, où l'énoncé reste au plus près de sa valeur initiale,Footnote 9 à la différence de l'anglais où il a été investi en tant qu'insulte ou juron. Cependant, il est assez surprenant de constater que, d'une part, l'énoncé français a une polarité négative dominante et, d'autre part, il est interdit d'usage littéral. La visée pragmatique pourrait en être l'explication: de fait, en français, l'usage de l'énoncé malédictif a avant tout une fonction expressive, en centrant l'émotion sur le locuteur en quête d'empathie sur le Net.

Dans les deux langues, la cause de la malédiction peut être explicitée immédiatement après le verbe: je te maudis de m'avoir épargné; I damn you for teasing me, ou plus largement dans le contexte. La raison principale qui déclenche l'énoncé malédictif, qu'il soit employé au premier ou au second degré, c'est une souffrance, un mal causé par l'objet de la ‘malédiction’. Cette perte de face appelle à souhaiter du mal en retour, en guise de réparation.

Le mal qu'on souhaite est, lui, révélateur de valeurs et d'interdits socio-culturels. En anglais, les développements des énoncés précisent l'état et le mal souhaité: I curse you with poverty, I curse you to die after you spend my money. À la différence du français, les énoncés en anglais sont donc orientés davantage vers l'interlocuteur. Ce genre de développement est rare en français – je te maudis à subir les pires sévices du Mokona blanc; je te maudis à néant sont les seules occurrences repérées dans le corpus ouvert, la préposition à introduisant généralement la durée (je te maudis à tout jamais). En revanche, on conserve en français les chiffres ‘magiques’ 7 ou 13 qui insistent sur la durée: je te maudis sur 7 générations.

Au-delà des frontières de l'énoncé, les souhaits produits en anglais relèvent de la joute verbale, que l'énoncé malédictif encadre souvent en tant que titre (23% des occurrences de I curse you en position de titre, par exemple), comme pour le message suivant:

Thief, may your stolen bicycle deliver you late, wet, and sweaty to wherever it is you want to go. May you suffer from regular daily pinch flat, and may you forever have forgotten your repair kit. [. . .] May the truck in front of you always be a garbage truck fresh from a pickup run, and may its load have come straight from the local non-halal butcher. . . . (http://stoush.net/liam/294/thus-i-curse-thee-bike-thief?PHPSESSID=21200114cde3400681a3d124e34c06b4)

Très peu de développements textuels précisent les souhaits (une occurrence donne je te souhaite de vivre malheureux) en français. L'intensité des souhaits se reflète dans la durée, et c'est sur l'élément déclencheur de l'énoncé malédictif que se concentre le discours:

Je te maudis jusqu'à la cent-soixante-neuvième génération, parce que mon pauvre doigt n'étant ni plus long ni plus gras qu'autrefois, je ne parviens toujours pas à bien boucher ce fichu trou.

Je te maudis jusqu'à la deux mille cent-quatre-vingt-dix-septième génération, parce que cette fichue partition est pleine de ré dièze et de mi bémol, notes qui nécessitent, comme tu le sais fort bien, l'obturation de ce trou-là. . . (http://amazone2005.free.fr/etc/index.php?Le-fabuleux-destin-d-aglae-poussin)

En français, l'énoncé de ‘malédiction’ est donc crédité d'un pouvoir à la fois illocutoire et perlocutoire. Il s'accomplit de par lui-même et la caractéristique d'être ‘maudit’ semble suffire comme vengeance ou punition. Ce n'est pas le cas en anglais, où on laisse libre cours à l'imagination pour inventer les punitions que l'acte malédictif devra infliger. On pourrait ainsi dire que c'est l'acte performatif qui compte en français, alors que l'anglais privilégie les suites (l'effet) de l'acte. De là à soutenir que le contexte anglophone privilégie l'efficacité au geste lui-même, à l'inverse du contexte francophone, il n'y a qu'un pas. . . que l'on ne franchira cependant pas.

5 CONCLUSION

Les résultats obtenus au terme de cette étude sont à rapporter au cadre, somme toute assez restreint, de notre objet et du corpus. Cependant, quelques conclusions générales peuvent d'ores et déjà être formulées.

Le point commun entre les deux langues réside dans l'impact que l'espace virtuel de communication a sur l'usage linguistique, en réinvestissant de sens des expressions sémantiquement euphémisées destinées désormais à marquer des connivences communautaires.Footnote 10 L'espace commun de communication qu'est l'internet ne nivelle toutefois pas les différences linguistico-culturelles.

Ainsi, lorsqu'ils conservent leur sens originel, les énoncés de ‘malédiction’ relèvent de deux régimes de violence verbale différents (cf. Jay, Reference Jay2000: 57): en français, on a affaire à une violence verbale davantage instrumentale qui, en plus de viser l'intersubjectivation émotionnelle, est déclencheur d'échanges en ligne; en anglais, on est plutôt en présence d'une violence verbale hostile qui cherche à faire perdre la face au destinataire en l'interpellant directement. Cette distinction est liée aux manières respectives d'appréhender les émotions: ouvertement mises en exergue et reconnues par les interlocuteurs en français, atténuées et passées sous silence dans l'interaction en anglais, où l'accent est mis sur l'effet de l'acte performatif.

Il n'est toutefois pas aisé de déterminer la causalité des différences relevées entre le français et l'anglais en l'imputant clairement aux contraintes grammaticales, communicationnelles ou socio-culturelles. Ainsi, d'une part, en français, maudit est assimilé à un état, tandis que les verbes anglais curse et damn semblent peu enclin à assumer une valeur résultative, ce qui expliquerait la nécessité, pour ces derniers, de mettre l'accent sur les effets de l'acte de langage. D'autre part, le caractère auto-suffisant de l'énoncé Je te maudis pourrait être dû à une garantie de l'institution sociale (religieuse?) plus forte en français. En effet, alors qu'au niveau lexical, ce sont les verbes anglais qui donnent lieu à une euphémisation (2.1) – signe de la vitalité des interdits et des tabous –, sur l'internet, c'est l'usage de l'énoncé français qui signale la présence de tabous avec, notamment, une forte réticence à prendre pour objet de ‘malédiction’ une personne tout en maintenant la polarité négative. C'est en français que le discours est plus nuancé et tabouisé, ce qui conduit à interroger le rapport au religieux: d'où vient cet interdit qui donne lieu à l'euphémisation sémantique? On peut se demander si l'on a affaire à une mutation sociologique dont ces emplois constituent le reflet, ou si la réactivation discursive d'une formule ‘oubliée’ ne fait que reprendre le fonds performatif qui lui était propre, à la différence de l'anglais, qui a opéré en diachronie un transfert du religieux vers l'injurieux. Il apparaît ainsi que cadres socio-culturels et contraintes linguistiques ne sont pas nécessairement discernables et peuvent déterminer conjointement les valeurs pragmatiques.

Footnotes

1 Jay (Reference Jay1992: 75) souligne: ‘Curses indicate that the speaker wishes to invoke the power of the gods to do harm to the wrongdoer. In this sense a true curse is an act of retaliation in itself’.

2 Par exemple, en interrogeant la banque de données Factiva (presse écrite), qui contient quelques 7000 titres en anglais et 113 titres en français, nous avons pu repérer un nombre relativement réduit d'occurrences: 4 occurrences de Je te maudis, 88 occurrences de I curse you et plus de 2400 occurrences de (I) Damn you; ces occurrences apparaissent principalement dans des séquences de discours rapporté littéraire ou biographique. Dans le même ordre d'idées, une dizaine de locuteurs des deux langues interrogés autour de nous perçoivent Je te maudis, pour le français, et I curse you, pour l'anglais, comme rares; I damn you est considéré comme courant et familier.

3 Cette différence de traitement est déjà intéressante à noter; elle semble cependant être déterminée par le fait que, en français, le lexème n'a pas développé d'usage autonome ou décalé par rapport à l'acte malédictif original.

4 Selon Wierzbicka (Reference Wierzbicka1991: 249), la structure transitive ‘Verbe You’ sert à exprimer – entre autres émotions et souhaits, cf. Bless you! – la colère en anglais. Nous y reviendrons.

5 Bien que n'excluant pas un positionnement hiérarchique supérieur de je.

6 Les lexèmes relevés dans ce cadre et mentionnés dans les tableaux 1, 2, et 3 caractérisent généralement la situation, le destinataire de l'acte, voire l'auteur lui-même, ex.: It's driving me fucking nuts. I curse the person who left and made my life hell. ou encore Coucou, je te maudis pour ce jeux de dingue mdrrrr greeee [. . .] Sans ca ! génial me suis bien amusée. Bonne journée à toi et gros bisous.

7 Nous renvoyons aux travaux de psychologie sociale (cf. Rimé, Reference Rimé2005) pour une discussion sur le rôle social rempli par le partage émotionnel.

8 L'application de la formule à des objets inanimés ou à des êtres absents prend ‘à témoins’ les internautes, ce qui renvoie à la recherche d'empathie dont il est fait mention ci-dessus.

9 On notera qu'il s'agit d'un tabou pragmasémantique, car on conserve la forme tout en la vidant de sa portée. C'est l'acte même qui est euphémisé.

10 On aurait pu se demander si l'essor de ces énoncés en ligne s'apparente à un jeu de langage libre de tout interdit, lié ou non aux croyances religieuses; or, force est de constater que les contraintes d'usage restent prégnantes, comme on a pu le voir dans la section 4 en ce qui concerne le français notamment.

References

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Figure 0

Tableau 1. Itérations sémiques autour de ‘maudire’

Figure 1

Tableau 2. Itérations sémiques autour de ‘damn

Figure 2

Tableau 3. Itérations sémiques autour de ‘curse

Figure 3

Tableau 4. Objets de la malédiction en français et en anglais