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Barack Obama et le printemps arabe. Le repositionnement de la politique américaine au Moyen-Orient Gilles Vandal et Sami Aoun Outremont, Athéna Éditions, 2013, 369 pages.

Published online by Cambridge University Press:  16 December 2015

Hiba Zerrougui*
Affiliation:
Université McGill
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Abstract

Type
Reviews/Recensions
Copyright
Copyright © Canadian Political Science Association (l'Association canadienne de science politique) and/et la Société québécoise de science politique 2015 

Gilles Vandal et Sami Aoun, dans leur plus récent ouvrage, proposent de faire l'examen de la réaction américaine face au printemps arabe. Les auteurs affirment non seulement que l'administration Obama a anticipé le mouvement contestataire (37), mais aussi qu'elle a su développer une politique étrangère lui permettant de positionner les États-Unis au moment des révolutions arabes de sorte à protéger à long terme leurs intérêts stratégiques (10–11). Cet ouvrage expose ainsi une situation opposée à celle de la réaction américaine à la révolution iranienne de 1979, où la CIA, à quelques mois de la révolution, considérait comme inconcevable que le Shah d'Iran puisse être renversé. Est-ce que ce changement serait le produit de l'adoption d'une stratégie plus appropriée en matière de politique étrangère par l'administration Obama, ou sommes-nous plutôt en présence d'une analyse rétroactive excessivement optimiste? Ainsi, cet ouvrage vient questionner la littérature sur le caractère imprévisible des mouvements révolutionnaires sans pour autant présenter une alternative convaincante.

L'ouvrage est organisé en trois parties. La première, introductive, comprend (a) un historique de la politique étrangère américaine au Moyen-Orient qui établit un contraste entre l’ère de Barack Obama face à celle de George W. Bush; (b) une courte analyse des influences de la vision du président Obama en matière de politique étrangère; et (c) une description des grands jalons de celle-ci au Moyen-Orient, notamment le concept du smart power et l'approche pays par pays. La seconde partie de l'ouvrage consiste en neuf études de cas : l'Irak, la Turquie, l’Égypte, l'Arabie Saoudite, le Yémen, l'Iran, la Syrie, Israël, et la Palestine. Pour chacun d'entre eux, les auteurs proposent un historique des dynamiques locales et de la politique étrangère américaine suivi de l'examen de cette dernière sous le leadership d'Obama. L'ouvrage conclut avec un épilogue qui offre (a) une appréciation de l'application du smart power par l'administration Obama; (b) dix leçons tirées de son premier mandat; (c) une description des personnes clés du second mandat; et (d) une réflexion sur des défis futurs.

Faire l'examen de la réaction américaine au printemps arabe est sans doute un projet ambitieux, cependant l'ouvrage recensé ne satisfait pas les objectifs que les auteurs lui ont fixés. D'abord, il y a une incohérence fondamentale entre le choix des études de cas et l’énoncé de la thématique traitée dans l'ouvrage. Le titre et la thèse de l'ouvrage réfèrent au printemps arabe comme étant un phénomène clé dans l'analyse de la politique étrangère américaine par rapport à la région, mais le choix des cas ne reflète pas cet angle d'analyse. Plutôt qu'une sélection qui repose sur la pertinence du soulèvement populaire, le choix s'est effectué dans les limites d'une définition restrictive du Moyen-Orient, qui exclut la Tunisie et la Libye, soit respectivement le pays dans lequel le mouvement a débuté et le seul pays où les États-Unis ont participé à une intervention militaire. Exclure la Lybie est d'autant plus surprenant étant donné que d'autres études de cas, tels que ceux de l'Irak, de la Turquie, de l'Arabie Saoudite, de l'Iran et de la Syrie, témoignent que l'impact de l'intervention militaire de l'OTAN va au-delà des frontières libyennes. Malheureusement, les auteurs n'expliquent pas dans leur justification de la sélection des cas pourquoi le critère géographique — l'appartenance à une conception limitée du Moyen-Orient—prime par rapport au critère sociopolitique, que le printemps arabe ait eu un impact direct ou indirect dans la relation de ce pays avec les États-Unis. De plus, il n'est pas clair pourquoi d'autres pays qui s'insèrent dans cette définition restrictive du Moyen-Orient n'ont pas été inclus dans l’étude de cas alors qu'ils ont effectivement expérimenté le printemps arabe, tels que le Bahreïn, la Jordanie, le Liban et le Koweït. Une seconde omission de l'ouvrage est l’étude de l'impact plus général du printemps arabe dans les relations américaines avec les acteurs clés de la région. En conséquence, dans la majorité des études de cas, le printemps arabe est un phénomène accessoire dont l'impact sur les relations américaines est au mieux analysé de manière superficielle sinon occultée. Par exemple, dans le chapitre sur l'Irak, le printemps arabe n'est mentionné qu'une seule fois, dans l'avant-dernière page du chapitre (71).

Cette inconsistance entre le choix des cas et l’énoncé de la problématique est symptomatique de deux autres problèmes dans l'ouvrage. Le premier est celui de la définition de l'objet de recherche. L'ouvrage semble être le résultat de la fusion de deux problèmes de recherche, soit: (a) l'impact du printemps arabe sur la politique étrangère américaine; et, (b) le repositionnement de la politique étrangère américaine au Moyen-Orient sous le leadership d'Obama. Si ces thématiques ne sont pas mutuellement exclusives, elles mènent les auteurs à vouloir expliquer trop de phénomènes sans toutefois assouvir la soif de leurs lecteurs. De plus, les liens entre la première, seconde et troisième partie de l'ouvrage sont élusifs. Il n'est pas clair comment l’étude de cas supporte la thèse des auteurs, ni comment la conclusion s'inspire des données recueillies dans la seconde partie. Le second problème se situe au niveau méthodologique. L'analyse des cas ne se fait pas sur la base d'un cadre théorique clair. L'information n'est donc pas organisée ni analysée de manière systématique. La seconde partie est en conséquence décousue et les conclusions de chaque chapitre sont plutôt vagues et insatisfaisantes.

Cet ouvrage ne semble pas avoir de lectorat particulier. D'ailleurs, le suremploi de l'exclamatif et de l'ironie témoignent d'un ton peu adapté au lectorat novice en matière de politique du Moyen-Orient. Il n'en demeure pas moins qu'il satisfera la curiosité d'un public général intéressé aux questions internationales.