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Milcent-Lawson Sophie , Lecolle Michelle et Michel Raymond (dir.), Liste et effet liste en littérature. (Rencontres, 59.) Paris: Classiques Garnier, 2013, 628 pp. 978 2 8124 0993 6 (broché)

Published online by Cambridge University Press:  25 June 2015

Gaëlle Labarta*
Affiliation:
PLEIADE, Université Paris 13, Sorbonne Paris Cité 99, avenue Jean Baptiste Clément, 93430 VilletaneuseFrancelabarta@univ-paris13.fr
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Copyright © Cambridge University Press 2015 

Liste et effet liste en littérature offre une vision proprement kaléidoscopique de la liste comme objet textuel, tant est grande la variété des approches adoptées dans les 34 contributions à ce volume, auquel les éditeurs ont toutefois donné une certaine homogénéité en proposant une division en trois parties intitulées respectivement ‘La liste à l’œuvre’ (31–145), ‘Poétique de la liste’ (147–377) et ‘Esthétique de la liste’ (379–562). Si la préoccupation du recueil est plutôt littéraire – il traite, pour une multitude d’époques distinctes (allant du Moyen Âge à l’ultra-contemporain), d’auteurs adeptes de la liste (Rabelais, Hugo, Perec, par exemple) et de genres aussi différents que le roman, la poésie, la chanson et le théâtre –, des questions d’ordre esthétique et linguistique se trouvent également abordées. Au risque de ne pas rendre justice au volume dans son ensemble, le présent compte rendu n’évoquera que les contributions dont l’orientation est plus particulièrement linguistique.

Il y en a deux dans la première partie. L’article de Marion Colas-Blaise (33–44) aborde, à partir d’un cadre sémio-linguistique et énonciatif, le statut de l’assertion dans les listes et son lien avec la prédication. La prise en compte de listes aussi bien ‘re-productives’ (qui réactivent un modèle sémantique ou discursif) que ‘pro-positionnelles’ (qui restent ouvertes) apporte un éclairage intéressant sur la construction du sens et du ‘dire véridictoire’ (le dire qui transmet un contenu véridique). Pierre-Henri Kleiber (57–70), quant à lui, présente une réflexion tout à fait stimulante sur les listes surréalistes, notamment dans leur dimension linguistique. Ces listes, grâce à leur hétérotopie, font passer de ‘l’air entre les mots’ (59). En effet, elles contrecarrent l’usage figé de la langue, qui est portée en dehors de ses usages coutumiers et sclérosants. L’hétérogène qui préside à la constitution des listes amène à proposer un sens nouveau aux mots ainsi associés.

Dans la deuxième partie, Marc Bonhomme (195–208) fournit une remarquable analyse de la liste parodique rabelaisienne. L’auteur explique le lien étroit qui existe entre la liste et les productions langagières antérieures sur laquelle elle s’appuie, c’est-à-dire ses ‘hypodiscours’ (196), dont le décalage et le détournement profitent à la parodie. Il en extrait alors les trois principaux effets pragmatiques que sont l’effet poético-ludique, l’effet narratif et la critique, tout en mettant en évidence le caractère contextuel d’une possible interprétation de ces listes. Madeleine Frédéric (359–377), pour sa part, propose une étude convaincante en deux temps, l’un consacré à la poésie et l’autre au roman québécois. Le premier lui permet de prolonger ses travaux sur la répétition mais aussi ceux consacrés aux catégories de Louis Hjelmslev. L’auteure conclut que l’approche hjelmslevienne, grâce à la prise en compte du ‘plan du contenu’, permet une étude des listes à la fois plus juste et plus profonde.

La troisième partie inclut quatre contributions susceptibles d’intéresser le linguiste. Alain Rabatel (381–394) s’attarde à une problématique énonciative: il traite des romans historiques dont les listes intègrent un discours représenté. C’est ainsi la figure d’un ‘sur-énonciateur/listeur’ qu’il convoque. Celui-ci est à la source du sens de la liste, à la fois par la structure qu’il y prête mais aussi par le point de vue que cet ‘énonciateur surplombant’ manifeste. Marie-Albane Watine (395–409) s’appuie elle aussi, en partie, sur une réflexion énonciative. Elle cherche à déterminer en quoi, dans la littérature contemporaine, la liste se rapproche d’un modèle oral qui mime la communication en face à face. Son étude, toute en nuance, met en lumière des éléments contradictoires rapprochant les listes de ce modèle alors qualifié d’hybride. L’article de Françoise Rullier-Theuret (459–471) traite des listes paillardes chez San-Antonio. Elle y découvre un fonctionnement discursif qui les éloigne du récit et de la description pour en faire des objets comiques dont l’irréalisme tend vers le paillard plutôt que vers la pornographie. Anne-Marie Paillet (473–487), enfin, prend les listes littéraires en tant qu’objet d’étude en elles-mêmes. Elle étudie les effets de rupture produits par les décalages (dits ‘internes’) qui existent au sein d’une liste et ceux (dits ‘externes’) qui se situent au sein du texte encadrant. Chemin faisant, l’auteure apporte un éclairage nouveau sur la distinction langagière qui peut exister entre l’humour et l’ironie.

Présentation panoramique, l’ouvrage est encadré par les contributions de Philippe Hamon (21–29) et du regretté Georges Molinié (563–570), décédé en 2014. Accentuant encore la sensation de foisonnement que l’on éprouve à la lecture (c’est à la fois un attrait majeur du volume et, par certains aspects, un travers), l’un et l’autre formulent des questions stimulantes, dont certaines trouvent des pistes de réponse ailleurs dans le recueil alors que d’autres restent à explorer. On lira avec une attention toute particulière l’ouverture finale de Molinié; il s’agit d’une de ses dernières contributions, dont la teneur programmatique invite à de nouvelles recherches prolongeant ses travaux.