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Crise d'identité professionnelle et professionnalisme, Georges A. Legault, dir., Les Presses de l'Université Laval, Collection Éthique, 2003, 226 pages.

Published online by Cambridge University Press:  30 June 2008

Nathalie Houlfort
Affiliation:
École nationale d'administration publique
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Abstract

Type
RECENSIONS / REVIEWS
Copyright
Copyright © Canadian Political Science Association 2008

Cet ouvrage collectif est le fruit d'un vaste programme de recherche visant à diagnostiquer, modéliser et identifier les sources et les enjeux de la crise d'identité professionnelle qui semble sévir au Québec. Neuf auteures et auteurs, professeurs d'éthique professionnelle, contribuent à cet ouvrage en présentant les résultats de leurs études sur le sujet. C'est un livre qui vient à point, puisque les manifestations d'un certain malaise quant au sens que revêt le travail et l'engagement envers celui-ci, se font de plus en plus fréquentes et sérieuses parmi les travailleurs québécois. Tout au long de la lecture des huit chapitres, le lecteur viendra à mieux saisir comment se développe l'identité professionnelle et la crise d'identité professionnelle. Au-delà des facteurs individuels, cet ouvrage met entre autres l'accent sur le rôle du développement de l'économie du service et le rôle du système de régulation sociale en tant que déclencheurs de la crise. Cet ouvrage expose l'ampleur et les tenants de l'identité et de la crise d'identité professionnelle au sein de diverses professions et il présente certaines pistes de solution pour remédier à la situation.

Tout d'abord, le lecteur se familiarisera avec les diverses approches sociologiques de l'identité et des professions à la lecture du premier chapitre. On y présente les positions de Parsons, Luhmann, Habermas, Beauchemin, Freitag et Dubar concernant le développement de l'identité professionnelle et l'émergence de la crise d'identité. S'appuyant principalement sur la position de Dubar, le modèle de construction de l'identité professionnelle qui a guidé le programme de recherche des auteurs y est également détaillé.

Le deuxième chapitre décrit la crise d'identité professionnelle telle qu'elle apparaît dans le système professionnel québécois et il expose sommairement la méthodologie utilisée pour ce programme de recherche. Qu'est-ce qu'une profession? Quelle est la différence entre profession et professionnalisme? Qu'est-ce que la crise d'identité professionnelle? Quels en sont les sources et les enjeux? Ce chapitre présente les éléments nécessaires pour effectuer une analyse d'ensemble de la problématique. Georges A. Legault met en relief les diverses façons de concevoir la nature de la relation professionnelle et l'importance respective de chacune pour définir ce qu'est un professionnel ou ce qu'il n'est pas. Dans cette optique, on distingue les notions de jugement professionnel versus jugement technique, et de geste versus acte. L'auteur ajoute une section fort intéressante sur le sens légal de la profession et sur l'importance croissante que revêt ce modèle pour caractériser la profession. À la lecture de cette partie de l'ouvrage, nous saisissons davantage le rôle de l'éthique, de la déontologie et du droit dans le mouvement grandissant de professionnalisation au Québec. Le sens de la «profession» serait-il réduit à l'éthique professionnelle et au professionnalisme? Le désir de protéger le public avec des systèmes de contrôle, de réglementation et de sanctions en créant l'Office des professions, et surtout en professionnalisant plusieurs types d'emploi, aurait-il, avec le temps, dénué de sens le terme «profession»? En fait, l'auteur propose que c'est la pluralité des sens donnés au terme qui est à l'origine, du moins en partie, de la crise d'identité professionnelle.

Les cinq chapitres suivants lèvent le voile sur la nature et l'ampleur de la crise d'identité professionnelle dans cinq professions : trois d'entre elles sont des professions reconnues depuis un certain nombre d'années, l'une représente un ordre professionnel récent et la dernière comprend un groupe de travailleurs en voie de professionnalisation. Johanne Patenaude et Marianne Xhigenesse nous présentent leur étude auprès de la profession médicale, puis Pierre Fortin auprès des travailleurs sociaux et Pierre-Paul Parent auprès des psychologues. Marie-Paule Desaulniers nous relate l'historique et les enjeux du mouvement de professionnalisation des sages-femmes, alors que France Jutras, Marie-Paule Desaulniers et Georges A. Legault nous décrivent le cas des enseignants et enseignantes du primaire et du secondaire, une population de travailleurs aux prises avec des enjeux majeurs d'identité professionnelle. Les auteurs parviennent à bien camper les éléments entourant la crise d'identité au sein de ces diverses professions et à illustrer de façon claire les répercussions sur le professionnalisme et les visées éthiques de ces groupes. Ces constats sont issus d'une analyse de la revue de littérature et d'entrevues semi-dirigées auprès de personnes désignées par les ordres professionnels (sauf pour le cas des enseignants et enseignantes). Bien que les données recueillies grâce à cette méthodologie permettent de brosser un portrait intéressant de la problématique à l'étude, des données obtenues sur le terrain, particulièrement en ce qui à trait au cas des enseignants et enseignantes du primaire et du secondaire, auraient, enrichi et nuancé le discours de certains auteurs. L'étude de l'identité et de la crise d'identité de ce groupe de travailleurs est basée uniquement sur une analyse documentaire, soit de documents provenant principalement du gouvernement du Québec. Puisque ce groupe de travailleurs n'est pas professionnalisé (du moins pas encore), leurs opinions et leurs positions sont absentes de l'analyse que nous soumettent les auteurs. Un examen plus approfondi des positions souvent différentes des enseignants et enseignantes du primaire et du secondaire donnerait un aperçu plus nuancé des avantages et désavantages perçus de la professionnalisation de cette catégorie d'emploi, ainsi qu'une analyse plus complète de leur identité et de la crise d'identité vécue par ces travailleurs.

L'ouvrage offre finalement des pistes de solution pour faire de la crise d'identité professionnelle une «occasion de changement». Il propose une reconstruction de l'identité professionnelle, basée sur l'appropriation des valeurs aussi bien professionnelles qu'éthiques. Enfin, les auteurs présentent clairement, et de façon accessible, les enjeux multiples que revêt la crise d'identité professionnelle au Québec. Ils mettent habilement en lumière la pluralité de sens du terme «profession» et ses conséquences sur l'engagement, sur les valeurs professionnelles et sur les valeurs éthiques.