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Anscombre Jean-Claude, Oppermann-Marsaux Évelyne et Rodríguez Somolinos Amalia (dir.), Médiativité, polyphonie et modalité en français: études synchroniques et diachroniques. Paris: Presses Sorbonne Nouvelle, 2014, 266 pp. 978 2 87854 609 5 (broché).

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Anscombre Jean-Claude, Oppermann-Marsaux Évelyne et Rodríguez Somolinos Amalia (dir.), Médiativité, polyphonie et modalité en français: études synchroniques et diachroniques. Paris: Presses Sorbonne Nouvelle, 2014, 266 pp. 978 2 87854 609 5 (broché).

Published online by Cambridge University Press:  25 June 2015

Fidèle Kanyugu*
Affiliation:
Centre de Recherche en Linguistique LaDisco, Université Libre de Bruxelles, 26, rue de Parme, 1060 Bruxelles, Belgiquefkanyugu@ulb.ac.be
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Abstract

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Book Review
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Copyright © Cambridge University Press 2015 

L’objectif des travaux réunis dans ce volume (sept d’ordre synchronique suivis de six d’ordre diachronique) est d’expliciter les notions de ‘médiativité’, de ‘polyphonie’ et de ‘modalité’, et de les illustrer à l’aide de leurs marqueurs en discours.

Le volet synchronique débute par une étude de Jacques Bres (19–34) où sont développées les notions de ‘dialogisme/polyphonie’ et de ‘médiativité’. L’auteur fait valoir que ces notions renvoient à des faits linguistiques différents dont les champs d’application s’entrecroisent, ce qu’il cherche à illustrer en mobilisant les temps du futur et du conditionnel. Les deux temps peuvent avoir la valeur médiative de conjecture par un raisonnement abductif, mais seul le conditionnel possède la valeur médiative de l’ouï-dire.

Zlatka Guentchéva (35–50) cherche à clarifier la terminologie et à définir la catégorie des médiatifs. Illustrée par le conditionnel épistémique, celle-ci se caractériserait par ‘des faits rapportés dont l’énonciateur a eu connaissance par un tiers non identifié ou un ouï-dire (le discours indirect est exclu) et des faits inférés à partir d’indices’ (40).

Aux yeux de Pierre Patrick Haillet (51–66), modalisation et médiativité sont des stratégies discursives permettant la mise en relation de points de vue distincts. La modalisation consiste à mettre en relation un point de vue explicite, à savoir l’attitude du locuteur, et un point de vue sous-jacent qui, lui, représente l’objet de discours. La médiativité attribue le point de vue sous-jacent à une instance distincte de celle qui assume le point de vue explicite.

Agnès Steuckardt (67–84) s’intéresse à la séquence on va dire; selon l’auteure, elle permet de placer une assertion dans le futur, en en décalant la prise en charge indépendamment de sa valeur de vérité, ou bien de négocier un consensus auprès de l’audience en vue d’éviter les désaccords. C’est dire qu’il s’agit d’un marqueur de modalisation situé dans une démarche collaborative.

Pour Laurence Rouanne (85–99), le pronom on dans si on peut dire est un ON-locuteur, qui diffère du je dans si je puis dire. Il permettrait à l’énonciateur de prendre sa distance par rapport à un point de vue qu’il annonce. Le marqueur si on peut dire serait un marqueur modalisateur d’un métadiscours à deux emplois, l’un prototypique et l’autre pragmatique.

Sonia Gómez-Jordana Ferary (101–118) part de l’expression qui dit argent dit dépenses pour étudier les locutions du type qui dit X dit Y, où Y est vu comme une caractéristique prototypique de X. Nous retrouvons la notion de ‘ON-locuteur’, le but poursuivi étant de prouver que, pour éviter la polémique, l’énonciateur attribue son dire à un ON-locuteur représentatif d’une communauté linguistique entière, ce qui conférerait aux locutions du type qui dit X dit Y le statut de marqueurs médiatifs.

Selon Christiane Marque-Pucheu (119–135), les gens disent que (P) est un marqueur médiatif spécifique puisque, à la différence du marqueur on dit que (P), le syntagme les gens exclut d’emblée l’énonciateur de la communauté des ON-locuteurs et partant ne peut introduire des phrases génériques de type analytique.

Jean-Claude Anscombre (139–158) ouvre le volet diachronique par une analyse de l’évolution historique du marqueur médiatif générique comme on dit, placé avant ou après des formules sentencieuses. Un certain nombre de variantes dudit marqueur (comme le dit le proverbe, dit-on chez nous, etc.) sont incluses dans l’analyse.

Amalia Rodríguez-Somolinos (159–178) étudie le marqueur de modalité épistémique il m’est avis que. En ancien français, celui-ci aurait eu pour fonction sémantique de marquer la responsabilité personnelle du locuteur par rapport à son assertion, puisqu’il assume en être la source et en même temps le garant de sa vérité.

Évelyne Oppermann-Marsaux (179–196) analyse le marqueur discursif dea, employé depuis la période du moyen français jusqu’en français classique. Marqueur épistémique traduisant l’assurance du locuteur que son assertion est vraie, tout au moins à ses yeux, dea se spécialise au 17e siècle pour marquer l’acquiescement ou l’accord du locuteur par rapport à une assertion quelconque (la sienne ou celle d’un autre).

María Luisa Donaire (197–221) propose une nouvelle analyse sémantique de puis que en français médiéval. Son cheminement conduit à une typologie de quatre emplois. L’auteure montre qu’au cours de son évolution ultérieure l’adverbe puis, utilisé tout seul, garde sa valeur temporelle, alors que puis que/puisque est polyphonique et non temporel.

Juliette Delahaie (223–241) établit une distinction sémantique entre heureusement (P) et heureusement que (P). La différence tiendrait à la distance que prend le locuteur par rapport à l’assertion P et son contraire non-P. L’étude diachronique des emplois des adverbes heureusement, apparemment et certes permettent de démontrer que la structure ADV que P n’est pas une variante de ADV P.

Patrick Dendale (243–259) revient sur le conditionnel de reprise, un procédé qui selon lui remonterait au début du 16e siècle mais pourrait être plus ancien. Ce conditionnel ferait partie d’un groupe d’emplois modaux qui, à la différence notamment du conditionnel de conjecture, sont caractérisés autant par une reprise de l’information à autrui que par l’incertitude de l’information ou du locuteur.

Dans sa présentation du volume, Jean-Claude Anscombre (7–16) postule qu’il existe une intersection non vide entre médiativité, polyphonie et modalité, ce qui justifie l’inclusion de travaux sur ces trois thèmes dans un même volume. La réalité de cette intersection ressort avec clarté à la lecture; on a toutefois l’impression que sa définition précise est une affaire à suivre.