Ce livre collectif se veut un hommage à Louis Mercier, linguiste éminent dans le domaine de la lexicographie au Québec. Sous la direction de Wim Remysen et de Nadine Vincent, de nombreux contributeurs ont été invités à donner un nouvel élan aux initiatives de recherche déjà entamées par Mercier dans ce domaine. L'ouvrage, dont la préface est signée par Michel Francard, s'est voulu à l'image du principal intéressé. Trois parties principales suivies d'un épilogue structurent l'ensemble des quatorze textes recueillis et reflètent adéquatement les différents pans de la carrière académique de Mercier.
La première partie aborde la mise en valeur du patrimoine linguistique. Cristina Brancaglion (19–40) et Wim Remysen (41–70) signent les deux premiers textes et mettent de l'avant le rôle tenu par la Société du parler français au Canada dans la valorisation des paradigmes linguistiques et culturels au Québec, dès sa création en 1902. Brancaglion illustre comment la réappropriation du terme patois était jadis justifiée par un souci d'objectivisation scientifique à l'abri de la stigmatisation sociale. Remysen, de son côté, propose de revitaliser un ensemble de relevés géolinguistiques recueillis par la Société au début du 20e siècle, et ce, par un classement détaillé des données selon leur aire linguistique respective. Pour sa part, Karine Gauvin (71–90) s'occupe du vocabulaire maritime appliqué à des réalités terrestres. Un examen de plus de 500 emplois tirés d'ouvrages lexicographiques divers lui permet d'avancer que ce type d'enrichissement sémantique, bien qu'attesté en sol canadien, tire ses racines de la France. S'appuyant sur un corpus épistolaire issu de la Première Guerre mondiale, Pierre Rézeau (91–126) esquisse un glossaire illustrant les mots utilisés par les soldats de cette époque. Cette documentation est d'autant plus intéressante qu'elle met en exergue la richesse de l'usage familier des combattants. Josée Vincent (127–166) traite de la confection du Dictionnaire général de la langue française au Canada, paru en 1957. Elle se penche particulièrement sur le contexte de sa publication et le type de données recueillies pour le créer, tout en rappelant l'importance de sa parution pour les francophones canadiens. Le texte d'Esther Poisson (167–176) clôt cette première partie et offre un regard rétrospectif et personnel sur l'activité lexicographique des dernières décennies. Poisson encourage en outre la mise sur pied d'un institut de recherche qui relancerait l'engouement voué aux études sur la langue au Québec.
La deuxième partie aborde le lien intrinsèque entre langue et socioculture. Nadine Vincent (179–198) analyse les sens figurés de quelques mots se rapportant à l'ornithologie. Son article démontre qu'un grand écart persiste entre l'emploi contemporain de ces mots, tributaire d'une dimension symbolique et culturelle propre au Québec, et le traitement prescriptif leur étant réservé dans les dictionnaires. De son côté, Chiara Molinari (199–226) dresse un bilan des représentations linguistiques véhiculées dans le dictionnaire en ligne Usito. C'est par l'examen des articles thématiques se rapportant au Québec, situés en annexe, qu'elle atteste d'un intérêt à reconnaître les spécificités sociales de cette nation au sein du grand prisme de la francophonie. Le dernier texte de cette partie, signé par Daniella Coderre Porras (227–264), se penche sur les procédés iconographiques des millésimes 2005 à 2016 du Petit Larousse illustré. L'auteure se voue avant tout à l’étude de la composition des vignettes capitulaires, avec référence particulière aux dimensions socioculturelles et historiques du dictionnaire.
La troisième partie aborde les questions relatives aux modèles de référence linguistique. Caroline Dubois (267–304) présente une série d’échanges virtuels tenus entre une enseignante et ses étudiants dans un cours universitaire de révision langagière. Son article démontre de façon convaincante comment l'intervention du savoir développé en linguistique peut être bénéfique dans un contexte d'enseignement du français. Pour sa part, André Thibault (305–322) s'intéresse au nivellement dialectal résultant du recours par certains Québécois à des formes archaïques. L'effet comique produit par l'utilisation de ces formes est similaire au processus de standardisation en ce qu'il manifeste un ensemble de valeurs sociales conditionnant leur trajectoire. Finalement, Sophie Piron et Hélène Cajolet-Laganière (323–348) s'interrogent sur le traitement lexicographique des appositions. En dépit du flou associé à leurs recommandations, elles envisagent de mettre au point un classement susceptible de bonifier leur présentation au sein du dictionnaire Usito.
L'ouvrage se clôt par un épilogue comprenant deux textes. Le premier, signé par Amélie-Hélène Rheault (351–372), dresse un portrait de la carrière de Mercier à la fois comme linguiste et comme enseignant. Patrick Nicol (373–378), sur une note plus personnelle, rend hommage à Mercier tout en s'interrogeant sur ce que réserve l'avenir au type de recherche qu'il a toujours affectionné.
En somme, chacun des auteurs ayant contribué à ce volume témoigne à sa façon de l'héritage laissé par Mercier. La rigueur intellectuelle de ce chercheur pionnier et son dévouement à la lexicographie se voient très bien reflétés dans les textes rassemblés. Le recueil est superbement édité et comporte également de nombreuses illustrations qui viennent enrichir le propos. Bien que l'accent soit mis sur la situation linguistique au Québec, cet ouvrage possède plusieurs atouts susceptibles d'intéresser un lectorat très large. Le lien étroit entre la lexicographie et la sociolinguistique est largement abordé et la diversité des pratiques et des approches atteste de la vitalité des recherches menées dans ce domaine.