INTRODUCTION
Dans leur étude sur la distribution des auxiliaires être et avoir avec les verbes intransitifs en français, Legendre et Sorace (2003) ont observé qu'il est possible d'opérer une distinction sémantique à l'intérieur de la classe des verbes intransitifs de changement d'état selon le type d'auxiliaire sélectionné. Plus précisément, les auteures ont observé que les verbes intransitifs de changement d'état sélectionnant l'auxiliaire être dénotent un changement de condition (mourir, naître, etc.), tandis que les verbes intransitifs de changement d'état sélectionnant l'auxiliaire avoir dénotent une modification orientée non bornée (faner, empirer, rougir, etc.).
Or, il s'avère que certains verbes appartenant à la classe des verbes de changement d'état admettent aussi bien l'auxiliaire avoir que l'auxiliaire être. Il s'agit, notamment, des verbes dénotant une modification orientée non bornée tels que monter et descendre et d'un certain nombre de verbes d'apparition tels qu’apparaître, disparaître et paraître (pour plus de détails voir Legendre et Sorace, Reference Legendre, Sorace and Godard2003: 195–196).
Plusieurs auteurs parmi lesquels Perlmutter, Reference Perlmutter1978; Burzio, Reference Burzio1986; Hoekstra et Mulder, Reference Hoekstra and Mulder1990; Sorace, Reference Sorace2000 et Legendre et Sorace, Reference Legendre, Sorace and Godard2003 ont observé qu'avec les verbes intransitifs qui sélectionnent aussi bien l'auxiliaire ‘être’ que l'auxiliaire ‘avoir’, la variation dans le choix de l'auxiliaire est attribuable à l'information aspectuelle donnée par le contexte. Plus précisément, ces auteurs observent que l'emploi de l'auxiliaire ‘être’ est corrélé à un aspect télique ou perfectif, c'est-à-dire à une éventualité délimitée par un point terminal (ou culmination), tandis que l'emploi de l'auxiliaire ‘avoir’ est corrélé à un aspect atélique ou imperfectif, c'est-à-dire à une éventualité non bornée par un point final.Footnote 2
La notion d'aspect veut rendre compte donc du fait que les événements ont une structure temporelle interne. On utilise couramment les adverbiaux ‘en x temps’ et ‘pendant x temps’ comme tests diagnostiques distinguant les procès téliques des procès atéliques. Suivant Smith (Reference Smith1991), ‘en x temps’, en tant qu'adverbial d'accomplissement, implique le caractère ponctuel de l'événement, tandis que ‘pendant x temps’ implique son caractère continu.
Dans cet article j'analyserai la variation dans le choix de l'auxiliaire avec les verbes de changement d'état monter et descendre. Les faits à la source de ma recherche ont été récoltés auprès de quatre locuteurs natifs originaires de la France et de la Belgique ayant un âge compris entre cinquante et soixante ans et avec un niveau de scolarisation correspondant à un doctorat.Footnote 3
Comme le montrent les phrases en (1), les verbes de changement d'état monter et descendre sont compatibles aussi bien avec un contexte télique qu'avec un contexte atélique:
- (1)
a. La température est montée/est descendue en deux minutes
b. La température est montée/est descendue pendant deux minutes
c. ?*La température a monté/a descendu en une heure
d. La température a monté/?a descendu pendant deux joursFootnote 4
Plus précisément, les locuteurs natifs auxquels j'ai demandé d'indiquer leurs préférences dans le choix de l'auxiliaire dans les phrases en (1) ont remarqué qu'avec les verbes de changement d'état monter et descendre l'auxiliaire être est compatible avec les deux lectures aspectuelles (1a,b), tandis que l'auxiliaire avoir est corrélé plutôt à un effet atélique (1d) bien que son emploi dans un contexte télique ne soit pas complètement exclu (1c). Les données reportées en (1) ne confirment pas, donc, la généralisation aspectuelle formulée par Perlmutter, Reference Perlmutter1978; Burzio, Reference Burzio1986; Hoekstra et Mulder, Reference Hoekstra and Mulder1990; Sorace, Reference Sorace2000 et Legendre et Sorace, Reference Legendre, Sorace and Godard2003 (cf. supra).
Afin de rendre compte de la variation dans le choix des auxiliaires être et avoir avec les verbes de changement d'état monter et descendre, je préciserai, d'abord, le statut aspectuel de ces verbes. Ensuite, je présenterai l'échelle de sélection de l'auxiliaire élaborée par Legendre et Sorace (Reference Legendre, Sorace and Godard2003) concernant le changement d'être à avoir avec les verbes intransitifs en français.
Cette échelle ne tient pas compte, toutefois, de l'occurrence d'avoir avec les verbes de changement de lieu en français populaire et dans certaines variétés de français parlé en Amérique. Afin de rendre compte de ce fait, je décrirai l'hypothèse formulée par certains auteurs concernant l'intervention d'un effet d'analogie sur l'emploi d'avoir avec les verbes intransitifs de changement de lieu. Ensuite, en exploitant cette analyse, je formulerai l'hypothèse que l'occurrence d'avoir avec les verbes de changement d'état monter et descendre est le résultat de l'intervention d'un effet analogique à partir des emplois intransitifs de leurs synonymes augmenter et baisser avec lesquels ils peuvent être remplacés. Finalement, une dernière section récapitulera mes réflexions et mes conclusions.
Monter et descendre verbes scalaires de changement d'état
La compatibilité des verbes de changement d'état monter et descendre avec les deux lectures aspectuelles (cf. (1)) porte, à première vue, à admettre qu'ils sont doués d'une composante sémantique à la fois télique et atélique. Toutefois, cette conclusion entraîne un problème car on est conduit aussi à admettre l'appartenance de ces verbes à deux classes événementielles différentes selon l'information aspectuelle donnée par le contexte. Or, la compatibilité de monter et descendre avec les deux lectures aspectuelles est à ramener au type d'Aktionsart (aspect lexical) particulier associé à ces verbes.
La notion d'Aktionsart veut rendre compte du fait que les prédicats verbaux par leur sens lexical propre réfèrent à différents types de situations. En d'autres termes, l'aspect lexical est imposé par le sens du verbe et indique de quelle façon se déroule le procès qu'il exprime.
Les verbes de changement d'état monter et descendre appartiennent à une classe importante de verbes qui dénotent des achèvements comportant une gradation et dont le sens de base est télique. Ces verbes sont appelés aussi verbes scalaires par Legendre et Sorace (Reference Legendre, Sorace and Godard2003).Footnote 5
Selon le contexte, les verbes scalaires peuvent référer au processus de changement dans sa totalité mais aussi à chacune des étapes du processus. Dans le premier cas, le changement qui affecte l'argument aboutit à un état fermé [non gradué], tandis que dans le deuxième cas il aboutit à un état ouvert [gradué].
Or, les verbes de changement d'état monter et descendre présentent les caractéristiques typiques des verbes scalaires. En effet, bien qu'ils aient un sens de base télique, ils sont compatibles avec l'adverbial atélique ‘pendant x temps’ dont la fonction est de mesurer la durée d'une étape intermédiaire du processus de changement graduel (cf. aussi Bertinetto et Squartini, Reference Bertinetto, Squartini, Bertinetto, Bianchi, Higginbotham and Squartini1995: 23, à ce propos):
- (2)
a. La température a monté/?a descendu pendant deux jours
b. La température est montée/est descendue pendant deux minutes
En outre, ces verbes sont compatibles avec l'adverbe comparatif de beaucoup (3a) et avec des compléments de mesure comme de deux mètres/de deux degrés (3b) qui permettent d'évaluer l'état d'avancement du changement par rapport à une étape précédente (cf. aussi Kennedy et Levin, Reference Kennedy, Levin, McNally and Kennedy2007, à ce propos):
- (3)
a. L'eau est montée/descendue de beaucoup
b. L'eau est montée de deux mètres/La température est descendue de deux degrés
Dans les pages qui suivent, je présenterai l'échelle de sélection de l'auxiliaire élaborée par Legendre et Sorace (Reference Legendre, Sorace and Godard2003) concernant le changement d'être à avoir avec les verbes intransitifs en français.
l'échelle de sélection de l'auxiliaire (Legendre et Sorace, Reference Legendre, Sorace and Godard2003)
Sorace (Reference Sorace2000) observe que dans un certain nombre de langues romanes et germaniques de l'Europe de l'Ouest, certains verbes intransitifs tendent à avoir un comportement cohérent concernant la sélection de l'auxiliaire aussi bien de langue à langue qu'à l'intérieur des langues, alors que d'autres admettent de la variation dans le choix de l'auxiliaire. Elle observe aussi que du point de vue de l'histoire des langues, le processus de changement de ‘être’ à ‘avoir’ s'est produit à partir des verbes scalaires dénotant un processus de changement d'état et s'est étendu, ensuite, à la classe des verbes intrinsèquement téliques dénotant un changement de lieu et non l'inverse. Comme l'observe l'auteure (2000: 188), parmi les langues romanes, l'espagnol et le roumain sont parvenus à une généralisation totale de l'auxiliaire ‘avoir’, tandis que l'italien montre encore beaucoup de variation dans le choix de l'auxiliaire avec les verbes de changement d'état et avec certains verbes de mouvement tels que correre ‘courir’, volare ‘voler’ et saltare ‘sauter’.
Sorace (Reference Sorace2000) parvient ainsi à l'élaboration d'une échelle de sélection de l'auxiliaire ‘Auxiliary selection Hierarchy’ (ASH) qui vise à classer les verbes intransitifs des langues analysées en groupes sémantiques homogènes selon leur degré de cohérence dans la sélection de l'auxiliaire.
Or, en ce qui concerne le français, Legendre et Sorace (Reference Legendre, Sorace and Godard2003) montrent que cette langue apparaît comme relativement proche d'une élimination totale d'être comme auxiliaire en alternance avec avoir dans les emplois intransitifs des verbes de changement d'état: En observant l'échelle de sélection de l'auxiliaire reportée ci-dessus, on voit qu'en français les verbes de changement de lieu et les verbes dénotant un processus contrôlé sans mouvement présentent le degré de cohésion le plus élevé quant à la sélection de l'auxiliaire. Les premiers sélectionnent être et ils sont associés au plus haut degré de télicité, tandis que les seconds sélectionnent avoir et ils sont associés au plus haut degré d'agentivité. Au fur et à mesure qu'on s'éloigne des verbes placés aux deux extrémités de l'échelle, le degré de télicité et d'agentivité diminue jusqu'à s'annuler au centre de l'échelle. La variation dans la distribution des auxiliaires être et avoir se trouve en dehors des groupes de verbes placés aux extrémités de la hiérarchie et, plus précisément, à l'intérieur du groupe des verbes de changement d'état.Footnote 7
Or, parmi les verbes scalaires de changement d'état, monter et descendre sont les seuls à admettre aussi bien l'auxiliaire être que l'auxiliaire avoir. Plus précisément, le Tableau 1 montre que la variation dans le choix de l'auxiliaire avec monter et descendre relève de la télicité graduelle associée à ces verbes.
Tableau 1. (d'après Legendre et Sorace, Reference Legendre, Sorace and Godard2003)Footnote 6
Dans l'introduction j'ai observé aussi que l'emploi de l'auxiliaire avoir avec ces verbes est nettement corrélé à un effet atélique (1d), bien que son emploi ne soit pas complètement exclu dans un contexte télique (1c). Je répète les phrases (1d) et (1c) ci-dessous, respectivement, en (4a) et (4b):
- (4)
a. La température a monté/?a descendu pendant deux jours
b. ?*La température a monté/a descendu en une heure
Le degré différent d'acceptabilité de l'auxiliaire avoir selon l'information aspectuelle donnée par le contexte (comparer (4a) avec (4b)) peut être expliqué en supposant une échelle implicationnelle de type aspectuel de l'emploi d'avoir de sorte que les occurrences d'avoir se manifestent, d'abord, dans des contextes atéliques et s'étendent, ensuite, dans des contextes téliques et non l'inverse.
Or, certains auteurs supposent l'intervention d'un effet d'analogie sur l'occurrence d'avoir avec les verbes intransitifs sélectionnant l'auxiliaire être.
Dans les pages qui suivent, j'introduirai la notion d'analogie et je montrerai que les facteurs analogiques supposés par certains auteurs pour expliquer l'occurrence d'avoir avec les verbes intransitifs de changement de lieu sélectionnant l'auxiliaire être ne rendent pas compte de l'occurrence d'avoir avec les verbes intransitifs de changement d'état monter et descendre analysés dans cet article.
L'influence du facteur analogique dans l'occurrence d'avoir avec les verbes intransitifs sélectionnant être
En linguistique la notion d'analogie veut rendre compte du fait qu'il existe un certain nombre de régularités de la langue qui sont perçues comme non fortuites entre deux éléments. L'analogie sert souvent à expliquer le changement linguistique. Comme l'observent Dubois et alii (2001), on appelle ‘changement analogique’ toute évolution de la langue que l'on peut expliquer par un phénomène d'analogie.
Or, l'occurrence d'avoir dans les emplois intransitifs de certains verbes de changement de lieu sélectionnant l'auxiliaire être tels que, par exemple, partir, (r)entrer et sortir, est souvent expliquée par un phénomène d'analogie à partir des emplois transitifs de ces verbes (cf. Sankoff et Thibault, 1977, pour le français québécois; Canale et al., Reference Canale, Belanger, Mougeon and Suner1978, pour le français de l'Ontario; Esch, Reference Esch, Jones and Esch2002, pour le français populaire parlé en France)Footnote 8. Dans leur étude sur le français parlé à Montréal, Sankoff et Thibault (1977), (cf. aussi Esch, Reference Esch, Jones and Esch2002), observent, toutefois, que la transitivité ne constitue pas en soi une explication satisfaisante pour justifier l'occurrence d'avoir avec d'autres verbes intransitifs à auxiliaire être tels que, par exemple, arriver et venir. À la différence des verbes partir, (r)entrer et sortir, ces verbes n'ont pas, en effet, d'emploi transitif.
À la lumière de ces observations, Sankoff et Thibault (1977) préfèrent donc s'en tenir à l'hypothèse, soutenue aussi par Blanche-Benveniste (Reference Blanche-Benveniste1977) pour le français populaire en France, selon laquelle l'emploi de l'auxiliaire avoir avec les verbes partir, (r)entrer, sortir et arriver relève de l'ambiguïté aspectuelle de la forme en être+participe passé de ces verbes. Plus précisément, ces auteurs observent que la forme en être+participe passé de ces verbes est ambiguë entre une interprétation perfective et une interprétation d'état résultant et que l'occurrence d'avoir permettrait donc de distinguer l'interprétation perfective de celle d'état résultant:
- (5)
a. Marie est sortie (= est dehors) (état résultant)
aʹ. Marie est sortie à huit heures (aspect perfectif)
b. Marie est partie (= est absente) (état résultant)
bʹ. Marie est partie à huit heures (aspect perfectif)
c. Marie est arrivée (= est là) (état résultant)
cʹ. Marie est arrivée à huit heures (aspect perfectif)
d. Marie est (r)entrée (= est dedans) (état résultant)
dʹ. Marie est (r)entrée à huit heures (aspect perfectif)
Toutefois, cette analyse se révèle elle aussi peu satisfaisante car elle n'arrive pas à expliquer les occurrences d'avoir avec les verbes aller, venir et tomber dont le participe passé est exclu de l'emploi adjectival exprimant un état (voir aussi Manente, Reference Manente2009).
Or, en ce qui concerne l'occurrence d'avoir avec les verbes de changement d'état monter et descendre, il s'avère qu'elle ne peut pas être expliquée par l'entremise d'un effet analogique à partir des emplois transitifs de ces verbes. Les verbes de changement d'état monter et descendre ne sont pas en effet compatibles avec un emploi transitifFootnote 9. L'occurrence d'avoir ne peut pas être expliquée non plus en supposant une ambiguïté aspectuelle de la forme en être+participe passé de ces verbes. En effet, il s'avère que leur participe passé ne peut pas être employé comme un adjectif pour exprimer un état:
- (6)
a. La température est plus haute par rapport à hier (état résultant)
aʹ. La température est montée par rapport à hier (aspect perfectif)
b. La température est plus basse par rapport à hier (état résultant)
bʹ. La température est descendue par rapport à hier (aspect perfectif)
Dans les pages qui suivent, j'avancerai l'hypothèse que la présence des synonymes augmenter et baisser peut être considérée comme un facteur qui influence, par l'entremise d'un effet d'analogie, l'occurrence d'avoir avec les verbes de changement d'état monter et descendre dans leurs emplois intransitifs.
L'effet analogique des synonymes augmenter et baisser sur l'occurrence d'avoir avec les verbes monter et descendre
Rey (Reference Rey2000) observe que l'interprétation des verbes monter et descendre en tant que verbes de changement d'état est une extension d'emploi qui s'est modelée, respectivement, sur le verbe augmenter au sens de ‘atteindre un degré supérieur’ à propos d'une chose mesurable et sur le verbe baisser au sens de ‘atteindre un degré inferieur’.
En français, les verbes monter et descendre peuvent donc remplacer, respectivement, les verbes augmenter et baisser dans leurs emplois intransitifs:Footnote 10
- (7)
a. Les prix ont augmenté
aʹ. Les prix ont monté/sont montés
b. La température/La fièvre a augmenté
bʹ. La température/La fièvre a monté/est montée
c. Les prix ont baissé
cʹ. Les prix ?ont descendu/sont descendusFootnote 11
d. La température/La fièvre a baissé
dʹ. La température/La fièvre ?a descendu/est descendue
Les locuteurs auxquels j'ai soumis les phrases en (7) ont observé, toutefois, qu'avec certains champs sémantiques tels que marée, (niveau de) l'eau et ton seulement l'emploi du verbe monter est possible, tandis que celui du verbe augmenter est exclu:
- (8)
a. *La marée a augmenté
aʹ. Depuis tout à l'heure, la marée a monté/est montée
b. *Le niveau de l'eau a augmenté depuis dimanche
bʹ. Le niveau de l'eau a monté/est monté depuis dimanche
c. *Personne ne semblait d'accord, le ton a augmenté, et ça s'est fini en bagarre
cʹ. Personne ne semblait d'accord, le ton a monté/est monté, et ça s'est fini en bagarre
Les mêmes locuteurs ont observé que les verbes de changement d'état descendre et baisser sont, en revanche, toujours interchangeables et également compatibles avec ces champs sémantiques:
- (9)
a. La marée a baissé depuis tout à l'heure
aʹ. La marée ?a descendu/est descendue depuis tout à l'heure
b. Le niveau de l'eau a baissé pendant la canicule
bʹ. Le niveau de l'eau ?a descendu/est descendu pendant la canicule
c. Finalement le ton a baissé et l'atmosphère s'est détendue
cʹ. Finalement le ton ?a descendu/est descendu et l'atmosphère s'est détendue
Comme le montrent les exemples ci-dessus, à la différence des verbes monter et descendre, les verbes augmenter et baisser ne sélectionnent que l'auxiliaire avoir. Étant donné l'alternance des verbes de changement d'état monter et descendre avec leurs synonymes augmenter et baisser, j'envisage l'hypothèse de l'intervention d'un effet analogique sur les occurrences d'avoir avec monter et descendre à partir des emplois intransitifs d'augmenter et baisser. Or, comme je l'ai déjà observé dessus, l'analyse élaborée par Legendre et Sorace (2003) permet de décrire l'occurrence d'avoir indépendamment de la possibilité de l'intervention d'un effet analogique sur les emplois intransitifs des verbes monter et descendre. Les auteures supposent, en effet, que l'occurrence d'avoir avec les verbes intransitifs sélectionnant être est due à un processus diachronique de changement de l'auxiliaire à partir des verbes avec un degré de télicité faible (verbes de changement d'état) pour aboutir, ensuite, aux verbes intrinsèquement téliques (verbes de changement de lieu) (cf. le Tableau 1). Or, une analyse de type diachronique n'est pas en conflit avec l'hypothèse de l'intervention d'un effet analogique sur l'occurrence d'avoir. En effet, comme je l'ai déjà observé (cf. supra), l'analogie est souvent employée pour expliquer le changement linguistique et, donc, l'évolution de la langue.
CONCLUSION
Legendre et Sorace (2003) supposent que l'occurrence de l'auxiliaire avoir avec les verbes intransitifs sélectionnant être est due à un processus diachronique de changement de l'auxiliaire à partir des verbes avec un degré de télicité faible pour aboutir, ensuite, aux verbes intrinsèquement téliques.
Or, parmi les verbes de changement d'état, monter et descendre sont les seuls à admettre aussi bien l'auxiliaire être que l'auxiliaire avoir. Ces verbes ont un sens de base télique et ils présentent les caractéristiques typiques des verbes scalaires. Ils peuvent en effet référer au processus de changement dans sa totalité mais aussi à chacune des étapes du processus. L'analyse des corrélations entre la variation dans le choix de l'auxiliaire et l'information aspectuelle donnée par le contexte a montré qu'avec ces verbes il n'est pas possible d'établir des inacceptabilités aspectuelles tranchées selon le type d'auxiliaire sélectionné car aussi bien l'auxiliaire être que l'auxiliaire avoir sont compatibles avec les deux lectures télique et atélique.
En outre, en exploitant les analyses élaborées par Sankoff et Thibault (1977), Canale et alii (1978) et Esch (Reference Esch, Jones and Esch2002), j'ai essayé de montrer que la variation dans le choix de l'auxiliaire avec les verbes intransitifs de changement d'état monter et descendre est attribuable, entre autre, à un effet d'analogie. Plus précisément, l'hypothèse que j'ai défendue ici établit que la présence des synonymes augmenter et baisser peut être considérée comme un facteur qui influence les occurrences d'avoir avec les verbes de changement d'état monter et descendre dans leurs emplois intransitifs.