En plus d'une introduction (9–18) qui annonce la variété des thèmes abordés et leur lien avec l’œuvre de Françoise Gadet, ce volume d'hommages comporte 14 articles regroupés en six parties se rapportant toutes à la variation au sein de la langue française.
Dans la première (« Aborder la variation »), Nigel Armstrong et Kymmene Dawson (19–39) interrogent la motivation extralinguistique des changements phonétiques, en particulier les circonstances d'apparition du schwa pré-pausal. Considéré par les auteurs comme une variable à l’état embryonnaire (embryonic variable), ce son aurait une fonction pragmatique : plutôt qu'une identité sociale, comme le suggéraient les travaux du courant sociolinguistique labovien des années 1960–1970, il exprimerait une intention communicative personnelle. Philippe Hambye (41–56) remet en cause la thèse généralement partagée du caractère inconscient des variantes sociales, objet de la sociolinguistique, versus le statut supposé volontaire de la variation de sens sémantique ou pragmatique, objet de l'analyse du discours. Il met la variation à l'intersection des deux disciplines qui, sans être tout à fait les mêmes, se complètent mutuellement car, selon l'auteur, elles ont affaire au même objet, la recherche du sens. Emmanuelle Guerin (57–73), quant à elle, prône une approche communicationnelle de la variation. Celle-ci implique une situation de communication qui prend en compte à la fois le contexte objectif de communication, constitué de ressources et de contraintes relevant du fonctionnement social de la communauté, et les identités des interactants, subjectives celles-là, dont celle qui renvoie aux capacités individuelles d'adaptation à la situation mais également celle que l'on veut construire de soi, de même que la perception de l'identité de l'autre. D'où la difficulté de modéliser la variation dans toutes ses dimensions.
Dans la deuxième partie (« Sociolinguistique historique »), Francine Mazière (77–91) aborde le statut de la variation dans le contexte de la standardisation de la langue entre 1647 et 1694. À l'aide des exemples lexicaux naviguer et féliciter, l'auteure illustre deux phénomènes qui vont en contre-courant de la volonté politique de fixation de la langue française à l’époque, à savoir l'instabilité et la variabilité. Dans la même foulée, R. Anthony Lodge (93–107) part de l’évolution du lexème français bourgeois depuis le 11e siècle pour montrer que la transformation du vocabulaire et celle de la société sont liées et que, malgré les difficultés que pose l'analyse quantitative de la variation lexicale, celle-ci est tout aussi importante en sociolinguistique que la variation phonétique.
Dans la troisième partie (« Contact des langues »), Mari C. Jones (111–134) tente de démontrer que des variables de type diaphasique telles les normes stylistiques à l'oral sont transférables entre langues en contact. Son étude porte sur des variables phonologiques (rétention du schwa et réalisation de liaisons) et morphosyntaxiques (rétention du ne de la négation et usage du pronom on) qui s'avèrent transférables du français vers le normand chez des sujet normands bilingues.
Dans la quatrième partie (« Études du français parlé »), Françoise Mougeon et Raymond Mougeon (137–156) mesurent l'influence de divers facteurs extralinguistiques (âge, appartenance socioéconomique, sexe, niveau de scolarité et niveau de restriction de l'emploi du français) sur l'accord des noms collectifs sujets avec le verbe dans le français parlé de l'Ontario. Kate Beeching (157–179) insiste sur les difficultés que pose l'approche variationniste labovienne pour l'analyse de marqueurs pragmatiques tels que si tu veux/si vous voulez et quoi, qui, dans le français parlé de l'Hexagone, relèvent du métacommentaire ; même s'ils ne sont pas sémantiquement équivalents, les deux marqueurs seraient des variantes en distribution complémentaire puisque, dans certains contextes, ils jouent un rôle comparable. Aidan Coveney et Laurie Dekhissi (181–208), enfin, s'intéressent aux changements syntaxiques dans les variantes non standard du français parisien et de l'anglais londonien. En comparant les usages respectifs de qu'est-ce que pour dire ‘pourquoi’ et why-for pour dire ‘why’, les auteurs concluent à une forme d'innovation syntaxique parallèle, suggérant qu'on a affaire à des variantes servant à des fonctions syntaxiques et pragmatiques similaires.
Les deux articles de la cinquième partie explorent la complexité de la relation oral/écrit. Dans le premier, qui analyse les stratégies orthographiques de soldats franco-canadiens peu lettrés de la Grande Guerre, France Martineau (211–235) constate une constante dans le marquage graphique du pluriel et du son [e] (-er, -ée, -ez, -é, -ai) : un écart par rapport au vernaculaire, un acte communicatif réfléchi plutôt qu'un reflet de l'oral vernaculaire. Sandrine Wachs (237–254) propose une exploitation des écrits numériques en cours de français langue étrangère et dans l'enseignement des langues étrangères en général. En effet, grâce à leur caractère spontané, ces écrits permettraient de sensibiliser les apprenants à l'existence de la variante normée, mais également à celle d'autres variantes.
La dernière partie du volume (« Acquisition et enseignement ») comprend trois articles. Inge Bartning et Fanny Forsberg Lundell (257–277) évaluent le niveau d'acquisition de la compétence sociolinguistique chez des apprenants suédois ayant atteint un niveau très avancé en français L2. Les auteures ne constatent pas de différence significative avec les natifs dans l'emploi des variations stylistiques à l'oral, notamment la rétention du ne de la négation, l'alternance de on et de nous, et l'opposition tu/vous. Évaluant la pertinence de l'enseignement de la variation, puisque l'enseignement est d'office associé à une forme d'idéologie du standard, Roberto Paternostro (279–290) finit par recommander que la variation soit enseignée aussi bien aux apprenants du français L2 qu'aux natifs mais également aux futurs professeurs. Enfin, Enrica Galazzi (291–300) s'inquiète des effets d'opacification des emprunts (surtout ceux d'origine anglo-américaine) sur le français standard, un phénomène qui, selon l'auteure, serait amplifié par les médias et les modes de communication rapides.