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Perspectives diglossique et variationnelle – Complémentarité ou incompatibilité? Quelques éclairages sociolinguistiques

Published online by Cambridge University Press:  30 January 2013

JACQUELINE BILLIEZ*
Affiliation:
Lidilem, Université de Grenoble
LAURENCE BUSON*
Affiliation:
Lidilem, Université de Grenoble
*
Adresse pour correspondance: Jacqueline Billiez, Laurence Buson, Laboratoire de linguistique et didactique des langues étrangères et maternelles, Université Stendhal de Grenoble, BP 25, F-38040 Grenoble Cedex 9France e-mail: jacquelinebilliez@gmail.com, laurence.buson@mailoo.org
Adresse pour correspondance: Jacqueline Billiez, Laurence Buson, Laboratoire de linguistique et didactique des langues étrangères et maternelles, Université Stendhal de Grenoble, BP 25, F-38040 Grenoble Cedex 9France e-mail: jacquelinebilliez@gmail.com, laurence.buson@mailoo.org
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Résumé

L'hypothèse d'une diglossie française est-elle une voie opérante pour analyser et développer les compétences linguistiques de locuteurs, enfants ou adultes, francophones? Cet article se propose d'apporter des éclairages sociolinguistiques sur cette question aujourd'hui largement discutée, en linguistique comme en didactique du français.

Notre contribution articule plusieurs arguments pouvant appuyer, nuancer, voire contredire le bien-fondé de cette approche, dans une perspective à la fois sociolinguistique, psycholinguistique, et didactique.

En confrontant la perspective diglossique à la réalité des pratiques stylistiques d'enfants et d'adultes sur la base d'un corpus de données recueillies en situations formelles et informelles, nous montrons combien il est délicat d'aborder la variation en termes dichotomiques si l'on envisage l'ensemble des niveaux linguistiques engagés dans la communication et pas seulement quelques variables isolées caractéristiques de deux extrêmes du continuum stylistique.

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Articles
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Copyright © Cambridge University Press 2013

INTRODUCTION

Dans cette contribution, nous discuterons la thèse diglossique qui, dans une perspective linguistique et d'enseignement du français, est avancée par des chercheurs postulant l'existence de deux variétés de français distinctes, dont la prise en compte à l'école servirait les apprentissages de la langue française orale et écrite. Tout en adoptant un point de vue sociolinguistique sur cette question, nous envisagerons les implications didactiques inhérentes à cette problématique. Ce double éclairage nécessite le recours à des données d'enquêtes diverses, intégrant discours et pratiques langagières, recueillies auprès d'enfants essentiellement, mais aussi d'adultes (lycéens, étudiants, jeunes adultes). Ces données, issues de travaux portant sur la variation en français, seront ici exploitées à titre illustratif de notre réflexion.

Après avoir envisagé le modèle diglossique sous l'angle des représentations que certains jeunes locuteurs se sont forgées sur le français oral, sous l'influence de l'école mais pas uniquement, nous mettrons en regard les perspectives diglossiques et variationnelles, pour nous interroger en fin de parcours sur les avantages et les limites d'une approche diglossique dans le cadre de l'enseignement du français.

1 LE MODÈLE DIGLOSSIQUE EST-IL APPLICABLE AU FRANÇAIS ORAL? CE QU'EN DISENT LES LOCUTEURS

Les points de convergence entre glissements stylistiques (style-shifting) et alternances codiques (code-switching) ont été établis par de nombreux auteursFootnote 1. Entre autres dimensions comparables, des logiques de convergence/divergence ainsi que les dynamiques d'inclusion/exclusion ont pu être observées dans des corpus de discours sur le style comme dans ceux portant sur les parlers plurilingues. En allant plus loin, on peut se demander si l'approche diglossique ne serait pas opérante pour une analyse des représentations sur le style. Les locuteurs du français se représentent-ils le style en termes de variétés étanches et fonctionnellement distinctes? Dévalorisent-ils une variété dite basse (« Low ») pour valoriser une variété dite haute (« High ») selon l'opposition proposée par Ferguson (Reference Ferguson1959) ? Perçoivent-ils deux systèmes ou un seul système abritant de la variation?

Chez les enfants, nous avons recueilli, dans nos corpus, un grand nombre de discours allant dans le sens de cette dichotomie, à tel point que les styles sont parfois nommés « langages », ce que l'on pourrait interpréter dans le sens de « langues », comme dans les extraits suivants, issus d'une recherche menée auprès de jeunes locuteurs de 9 à 11 ans (Buson, Reference Buson2009):

  1. (1) nous on n'a pas l'habitude, c'est pas notre langage, c'est le langage de elle (désigne alors une camarade d'un mouvement de tête)

  2. (2) avec les maîtres et les maîtresses tu mets le langage de l'école

Certains enfants opposent même les variétés en diachronie, comme s'il y avait une manière de parler académique plus ancienne et chargée d'histoire et une autre plus actuelle, quotidienne:

  1. (3) il y a des formules de politesse de la haute société: puis-je m'en aller s'il vous plaît? mais c'est plutôt dans l'ancien français

La perception du style semble donc bien s'actualiser en termes de variétés séparées, convoquées alternativement et, le plus souvent, les enfants invoquent la situation de communication pour expliquer cette alternance (Buson et Billiez, à paraître), ce qui serait à rapprocher de la séparation fonctionnelle en contexte diglossique.

Dans ces mêmes discours, les enfants font aussi état d'un certain nombre de traits linguistiques qu'ils semblent associer à une variété spécifique, comme si ces traits ne pouvaient appartenir à la fois à un style et à un autre:

  1. (4) un chef d'entreprise il dirait pas bah, il est distingué, il dirait je pratique le tennis

Plusieurs types de marques sont concernées par cette logique de séparation, y compris les « ne » de négation:

  1. (5) c'est un répondeur, c'est un monsieur qui parle, il utilise plusieurs moyens de langage, il parle à ses copains c'est le langage familier, le 1er c'était quand il dit “vous pouvez me laisser un message car je ne suis pas là” apposé je crois, et le dernier c'est le langage je me rappelle plus. il parle pas aux mêmes personnes, parce que il peut parler avec son patron, il peut parler avec ses copains, et il parle avec sa famille. dans la 1ère il parle avec son patron, la 2ème je sais plus avec qui il parle, et la 3ème il parle avec ses copains

Notons que le document déclencheur de ce commentaire est un support audio comportant trois extraits. Le premier, qui représente l'énoncé le plus formel, est formulé ainsi:

« bonjour - je suis désolé je suis momentanémenT absent - mais si vous le souhaitez vous pouvez m(e) laisseR un message avec vos coordonnées et j(e) vous recontacterai ultérieurement - je vous remercie et à bientôt ».

Il est (en 5) remarquable de voir une reprise, à l'esprit mais pas à la lettre, de l'énoncé initial par cette informatrice, qui s'appuie sur une connaissance implicite de marques perçues a priori comme appartenant à une variété « haute », à savoir le « car » et le « ne » de négation, pour rendre l'effet de surveillance perçu à l'écoute de l'enregistrementFootnote 2. Cet extrait indique aussi une volonté de recourir à une terminologie scolaire qui se trouve être fortement marquée par une logique de catégorisation du style en variétés discrètes, qui s'opposerait au continuum variationnel décrit par les sociolinguistes (entre autres, Gadet, Reference Gadet1998, Reference Gadet2007).

D'une manière encore plus prégnante et systématique que chez ces enquêtés enfants, cette même approche se retrouve chez le locuteur adulte. Une enquête (Buson, Reference Buson2009) menée auprès d'étudiants de première année de Sciences du Langage a en effet montré l'omniprésence de la terminologie scolaire dans les discours sur la variation (langage soutenu, courant, familier), ainsi que des jugements de valeur qui ne sont pas sans rappeler les évaluations des locuteurs en situation de diglossie (langage correct, respectueux, courtois, bon usage, bon français, langage précis vs vocabulaire populaire, patois, fautes, vocabulaire vulgaire, langage des jeunes). Dans ce corpus, comme dans le corpus précédent, les informateurs relèvent des traits apparemment jugés comme spécifiques d'une variété à l'exclusion d'une autre, comme les « ne » de négation comme indice de formalité du discours ou les marqueurs discursifs comme indices de relâchementFootnote 3.

Néanmoins, cette catégorisation au niveau des discours pose la question de sa validité au plan linguistique. En effet, par exemple et pour reprendre les remarques précédentes, qu'en est-il de la présence/absence réelle des marqueurs discursifs dans les pratiques des locuteurs? Certains traits sont-ils effectivement typiques d'une variété « haute » ou « basse » ou s'agit-il plutôt de la conséquence d'une saillance perceptive de certaines marques? Il s'avère que les extraits de corpus soumis aux étudiantsFootnote 4 pour cette enquête comportaient sensiblement le même nombre de marqueurs discursifs dans chacune des variétés (respectivement 1 hein et 3 euh vs 2 hein et 2 euh), contrairement à ce que l'une des enquêtées a semblé percevoir:

  1. (6) dans le premier extrait, on ne trouve pas tous les deux mots des hein et des euh comme dans le second

Cette question d'un décalage possible entre des représentations du style à rapprocher du modèle diglossique hérité de Ferguson et des pratiques davantage interprétables en termes de continuum nous amène donc à interroger plus avant l'applicabilité de ce modèle diglossique au français oral.

2 L'HYPOTHÈSE DE LA DIGLOSSIE FRANÇAISE: DES CRITÈRES SOCIOLINGUISTIQUES QUI NE S'APPLIQUENT PAS

L'hypothèse que le concept de diglossie puisse s'appliquer à la situation du français dans l'hexagone impose qu'on s'assure que tous les critères fergusoniens y correspondent. S'agissant de l'un des rares concepts de la sociolinguistiqueFootnote 5, et comportant donc deux dimensions, l'une linguistique et l'autre sociolinguistique, il convient de les examiner au plan de la description linguistiqueFootnote 6 sans toutefois négliger les critères sociolinguistiques, qui pourraient tout aussi bien rendre l'hypothèse vaine. Si Zribi-Hertz (Reference Zribi-Hertz2011) les considère en premier lieu, Massot (Reference Massot2010) semble ne retenir qu'un seul des aspects, celui de l'éducation, certes primordial, à la fois pour ses implications au plan théorique et didactique. C'est la raison pour laquelle nous insisterons plus particulièrement sur ce dernier critère sociolinguistique qui est souvent oublié.

Coveney (Reference Coveney, Martineau and Nadasdi2011) se livre à un examen rigoureux et pertinent de l'ensemble des critères en démontrant qu'ils ne permettent pas de caractériser la situation du français comme diglossique. Ainsi montre-t-il, entre autres, que les formes de la variété dite basse (L) ne sont pas utilisées de manière catégorique par l'ensemble des locuteurs du français alors que, selon le modèle diglossique de Ferguson, elle devrait être la seule utilisée par tous pour une conversation ordinaire, et ce, quel que soit leur niveau d'éducation. Au contraire, comme il le note à juste titre: « Many people, especially those with higher levels of education and those accustomed to public speaking, frequently use a high proportion of standard variants in some of their spontaneous speech » (Coveney, Reference Coveney, Martineau and Nadasdi2011).

Cette incursion de la variété dite haute (H) dans les domaines des usages « informels » ou « paritaires » (Massot Reference Massot2010) remet en cause le fait qu'elle ne devrait être apprise que par le biais de l'école et n'être utilisée, que par ceux qui le peuvent, dans des activités où elle est attendue, c'est-à-dire écrites ou passant généralement par l'écriture, comme celles citées par Zribi-Hertz (Reference Zribi-Hertz2011: 238): « lettres professionnelles, articles et ouvrages scientifiques, techniques ou journalistiques, sermons, discours politiques, conférences, scripts d'émissions radiophoniques ou télévisuelles à caractère politique, culturel ou documentaire, etc., toutes situations couramment qualifiées de formelles ». Ces types d'activités ne devraient forcément concerner que des personnes ayant accédé à des études longues et, comme elles concerneraient essentiellement l'écrit ou des écrits oralisés, il n'y aurait que peu d'exposition de type oral à cette variété. Ce type d'exposition permettrait au mieux de développer, chez le jeune enfant ou l'adulte, une compétence « passive »Footnote 7 de la variété « haute » (Zribi-Hertz Reference Zribi-Hertz2011: 239). Prenant appui sur l'argumentation de Coveney et sur d'autres travaux que ceux qu'il cite, nous constatons que de nombreux enfants, dès leur plus jeune âge, entrent avec leurs parents dans des interactions quotidiennes qui impliquent l'usage de traits, identifiés par les tenants du modèle diglossique, comme ceux de la grammaire standard, non seulement dans les histoires et contes lus mais aussi dans des interactions orales très spontanées. Et ces jeunes enfants d'âge préscolaire peuvent utiliser, entre eux, dans leurs jeux de rôles traditionnels (papa/maman, docteur/patient, maîtresse/élève), certains de ces traits. La négation complète en fait partie, pour marquer, de façon appuyée, un interdit maintes fois réitéré (par exemple: « je te l'ai dit mille fois, tu ne fais plus jamais ça »). On trouve un autre exemple chez Canut et Vertalier (Reference Canut and Vertalier2008: 308) d'un échange où la négation complète est utilisée par la mère (A8) même si dans cet échange elle n'est pas reprise par l'enfantFootnote 8:

  1. (7) E8- i(l) dit à maman que+euh ma mes piles i(ls) sont i(ls) marchent pas du tout

    A8- oui il dit que les piles ne marchent pas

    E9- i(l) dit à maman que les piles i(ls) marchent pas

    A9- très bien

    E10- e(lle) dit que voilà! J(e) vais je vais appuyer trop fort

Si les interactions du quotidien entremêlent des traits de chacune des polarités supposées, il en est de même de celles des médias ou des situations étiquetées comme formelles qui font alterner elles aussi des traits censés les marquer. Comme il est d'ailleurs illusoire de penser que les professeurs des écoles primaires de l'hexagone s'adresseraient constamment à leurs élèves en utilisant les traits de la grammaire standard.

Pour étayer sa démonstration, Zribi-Hertz (Reference Zribi-Hertz2011) se livre à plusieurs reprises à une comparaison de la situation du français avec celle des pays arabophones. Elle emprunte notamment le qualificatif de « dialectal » pour la « variété basse », opposé à « standard » pour « la variété haute ». Outre le fait d'être ambigu (français régionaux à l'échelle hexagonale et/ou français spécifiques à l'échelle internationale), ce qualificatif est choisi pour référer à « un ancrage spatio-temporel » (Zribi-Hertz, Reference Zribi-Hertz2011: 235 note 6). Or, plus qu'à un ancrage spatio-temporel, les traits font référence à des clivages assez hétéroclites qui entremêlent oral/écrit d'une part et oral dit familier/oral « des dimanches »Footnote 9 d'autre part. L'idée développée est aussi que cette hypothèse diglossique serait compatible avec celle de variation, avec toutefois un espace de variation très large dans « la variété basse » alors que celle-ci serait très étroite dans « la variété haute ». Or, ce phénomène ne se vérifie même pas lorsqu'on observe les pratiques censées être les plus normées à l'écrit, à savoir celle de l'orthographe du français, comme l'ont montré les travaux coordonnés par Lucci et Millet (1994) pour peu que l'on prenne en compte toutes sortes d'écrits et pas seulement ceux les plus légitimes.

Considérer alors qu'on pourrait opposer de manière fixe et figée une grammaire ordinaire à une grammaire standard contrôlée ne peut pas rendre compte de toute la complexité des usages et des valeurs sociales et symboliques qui y sont attachées. La répartition fonctionnelle des deux variétés est d'ailleurs remise en cause dans des pays arabophones, ceux-la même qui servent de base à la comparaison avec le français. A titre d'exemple, l'étude de Abouzaïd (Reference Abouzaïd2011) sur la situation marocaine fournit la preuve de chevauchements ou d'entrecroisements entre les deux variétés y compris dans le domaine de l'écrit. L'étanchéité des domaines d'usage et des fonctions attachées aux langues est remise en cause, alors qu'elle était garante de la stabilité de ces situations diglossiques. Cette perméabilité représente donc l'un des facteurs primordiaux de l'évolution de ces situations. Et concernant la diglossie arabe, nombreux sont les arabisants qui, de nos jours, la déclinent en « triglossie » (arabe médian entre classique et dialectal), « quadriglossie » avec l'ajout d'une variété supplémentaire — Educated Spoken Arabic (ESA), « qui serait utilisée quotidiennement, à l'oral uniquement, et au sein d'une population instruite » (Abouzaïd, Reference Abouzaïd2011: 81). Découpant les variétés à l'excès, ces approches stratifiées conduisent elles-mêmes à des critiques qui aboutissent à catégoriser la situation comme étant celle d'un « continuum », notion fortement inspirée par la sociolinguistique labovienne. Dans son article Diglossia revisited (Reference Ferguson1991: 218), Ferguson s'attache à lever certains malentendus et explique:

It is also clear that diglossia differs from a creole continuum such as Jamaica, where many people control and use the acrolect in ordinary conversation and where the extreme ‘basilectal’ varieties, as they are called, are clearly the outcome of a pidginization process at some earlier time. Also, the boundary between the High variety and the vernacular (‘low’ variety) in diglossia is behaviorally and attitudinally sharper than creole continua, although intermediate varieties always do occur in diglossia situations, as noted in the original article.

Selon Abouzaïd (Reference Abouzaïd2011: 82), si Ferguson tient à distinguer la diglossie d'un continuum c'est parce qu'il considère que les locuteurs conçoivent dans leurs représentations et attitudes un décalage entre les variétés H et L comme étant « net, drastique (« sharp ») et non souple/dilué/progressif comme dans un continuum ».

Le critère du prestige a, en outre, déjà fait couler beaucoup d'encre chez les chercheurs qui ont fait valoir que la variété dite basse avait aussi du prestige aux yeux de certains locuteurs. Pour ce qui est du français, on peut faire remarquer que des variantes de la variété basse (cf le parler des cités) peut être créditée de prestige sur ce que Bourdieu a nommé des marchés-francs (Bourdieu, Reference Bourdieu1982). Etre virtuose dans le maniement de ce qui constitue une contre-norme est une manière de se construire un rôle de leader au sein du groupe de pairs. Ceci n'exclut nullement l'existence en France d'une « idéologie du standard » (Milroy & Milroy, Reference Milroy and Milroy1999 [1985]) fortement prégnante, dévalorisant d'un même mouvement tout écart, sans considérer les situations de communication.

Il existe donc un grand décalage entre des représentations simplificatrices des situations linguistiques concernées, y compris française hexagonale comme on a pu en donner des exemples en introduction, et la diversité des usages attestés chez les locuteurs de tous âges et toutes conditions.

Si le modèle diglossique appliqué au français a montré ses limites au plan socio- et psycho-linguistique (prestige, stabilité, modalités d'acquisition), reste à explorer plus avant les usages des locuteurs afin de déterminer si une description linguistique du français scindé en deux ensembles en majeure partie distincts est pertinente, voire acceptable, pour la compréhension des phénomènes stylistiques.

3 LA DESCRIPTION LINGUISTIQUE DE LA VARIATION STYLISTIQUE DU FRANÇAIS EST-ELLE SOLUBLE DANS LA DIGLOSSIE?

Tout d'abord, nos analyses de corpus montrent que les représentations que les locuteurs se font des traits caractéristiques des variétés formelles ou informelles ne correspondent pas nécessairement à la réalité des usages. Par exemple, comme on peut l'observer dans les extraits (4) et (6), les marqueurs discursifs, entre autres bah et euh, semblent posséder une certaine saillance au plan perceptif et constituer un bon appui pour la catégorisation (cf. entre autres Slosberg Andersen, Brizuela et al., Reference Slosberg Andersen, Brizuela, Dupuy and Gonnerman1999), en l'occurrence pour une catégorisation dans le non standard et la conversation ordinaire « familière ». Or, si l'on regarde les usages des locuteurs tant enfants qu'adultes en contexte de communication a priori formel, on constate, pour ne citer que ces deux marqueurs, une présence forte dans des situations pourtant surveillées. Ainsi, un relevé auprès de 6 enfants d'une dizaine d'années lors d'une présentation officielle et préparée d'un spectacle à une autre classe a permis de comptabiliser davantage de bah que dans des contextes de discussions informelles entre pairs (échanges dans les chambrées durant une classe verte)Footnote 10. L'extrait suivant, enregistré auprès d'une locutrice adulte au cours d'une conversation téléphonique, illustre cette même combinaison de traits plutôt surveillés et de marqueurs discursifs considérés dans les représentations courantes comme des traits familiers:

  1. (8) oui: bonjour euh j(e) téléphone parc(e) que j'ai un: sinistre: chez moi un dégât des eaux dont j(e) suis la victime< et: l'appartement euh: qui esT à l'origine de ce sinistre est loué par vos soins<

Il nous semble donc, dans un premier temps, que se fonder sur la conscience épilinguistique des locuteurs natifs ne soit pas nécessairement suffisamment robuste pour déterminer une liste de traits linguistiques pouvant appartenir de manière claire à une variété de français plutôt qu'à une autre. Quant aux variables sociolinguistiques « classiques », telles que la liaison facultative, le maintien des liquides dans les pronoms clitiques ou des /R/ post-consonantiques finaux, des recherches de type variationniste ont montré que leurs usages variaient en fonction du style, mais pas que ces variantes étaient absentes à 100% dans les conversations ordinaires.

Globalement, faire un choix, effectué a priori sur la base d'une sorte de « connaissance partagée », de traits linguistiques considérés comme appartenant à une variété haute (par exemple « ne » de négation, sujets lexicaux, première personne du pluriel), et se fonder sur ce choix pour explorer l'idée d'une discontinuité grammaticale (Massot, Reference Massot2010) de type diglossique, pose des problèmes de méthode, en plus de la nécessaire mise à l'épreuve de ce genre d'hypothèses à l'échelle de grands corpus (Coveney, Reference Coveney, Martineau and Nadasdi2011). En effet, il faudrait à notre sens privilégier une démarche inductive et synthétique pour identifier des traits éventuellement caractéristiques d'une variété et d'une seule, si tant est qu'on puisse identifier en premier lieu des contextes de communication suffisamment univoques et stables (à l'écrit comme à l'oral plusieurs genres présentent des différences notables, cf Bilger, Reference Bilger2008) pour servir de base à ce type d'approche. L'analyse des pratiques des locuteurs révèle en effet une extrême hétérogénéité stylistique au sein des énoncés, et la dépasser pour construire des catégories robustes ne peut pas s'affranchir d'une prise en compte de cette complexité. L'extrait suivant, issu d'un échange en situation professionnelle chez un locuteur adulte d'une trentaine d'années, illustre l'impossible raccourci méthodologique du choix de quelques traits en co-occurrence, alors que les usages stylistiques entremêlent constamment des traits catégorisés a priori comme standard et non standard:

  1. (9) bon ça - c'est la page d'accueil - hein donc là je n(e) peux rien faire si c(e) n'est - ça - d'accord< - donc à partir de la première connexion - c'est valable deux mois - c'est-à-dire - tous ces tickets - on vous les vole< vous nous app(e)lez - nous - on enlève tout d(e) la base de données - et on n’/Ø en- on n’/Ø enlève pas ce/ceux qu(e) vous avez vendu - avant l(e) vol> - évidemment> - et nous quandT on vous envoie la facture< on vous envoie le numéro d(e) carnet le numéro d(e) ticket le login< donc vous gardez toujours - le coupon et euh la date et l'heure de la première connexion qui correspond pas à la minute près - mais - à l'heure de vente> - pour conclure:< vraiment nous on est euh on est- on connaît bien l'activité d'accès public à l'internet< et euh surtout dans les débuts< n'hésitez pas à nous app(e)ler>

Chez ce locuteur et dans cette situation de communication formelle, l'élocution est précise et posée, on note des intonations descendantes signes d'une volonté de sérieux (avant le vol>, évidemment>), des marques syntaxiques de surveillance comme les ‘ne’ de négation, des marques phonétiques comme les liaisons facultatives, des marques lexicales liées au choix de termes plus ou moins surveillés, ou encore des marques pragmatiques comme le vouvoiement. Néanmoins, des phénomènes que l'on pourrait considérer comme concurrents coexistent avec les traits précédemment énoncés: des marqueurs discursifs comme bon, hein, des élisions de voyelles, des marques de l'oral « ordinaire » (nous on, qui correspond pas à la minute près, mais).

Des exemples comparables se retrouvent dans les discours enfantins, comme c'est le cas dans cette mise en situation de type jeux de rôles recueillie en contexte scolaire chez une enfant de 10/11 ans:

  1. (10) bonjour mesdameS et messieurs - aujourd'hui nous sommes sur la chaîne France un - il y a eu une- un très grave accident< - une géante vague a atteint tout- tout le village< dans- en Afrique - il a fait plusieurs dégâts< il y a eu plusieurs morts - une dame avec une grande famille a perdu tous ses enfants dans la vague – (rires) - vous pou- nous pouvons vous montrer ces images - tintintintin (imite une musique de journal télévisé, rires) - j'espère que ce- ce moment vous a pas très choqués - nous vous remercions d'avoir regardé cette chaîne - au revoir

Lorsque, de façon encore plus complexe, on s'intéresse à l'étude des choix langagiers dans la dynamique interactionnelle, selon des approches qualitatives plutôt que quantitatives, on commence à percevoir que ces choix langagiers sont en partie orientés par des normes ou contre-normes et des habitudes socioculturelles (donc prédéterminés) mais aussi en partie construits dans l'interaction même, à partir des ressources langagières des locuteurs. L'observation de la manière dont ils exploitent leurs ressources montre une « certaine fluidité, fluctuabilité, une constante reconfigurabilité dans les façons de parler des locuteurs. La fluctuation langagière est un constituant fondamental de l'usage du langage, et la représentation de la langue en tant que système clos apparaît bien loin de représenter quelque chose du locuteur » (Gadet, Reference Gadet, Gasquet-Cyrus, Giacomi, Touchard and Véronique2010: 198). Gadet rend compte de ces phénomènes de fluctuation langagière par la notion de variabilité langagière.

Cette variabilité, qui se manifeste par des combinaisons de traits ou de formes linguistiques pouvant relever d'une même langue ou de langues diverses, permet de saisir les effets de sens dans l'interaction. Ces combinaisons de traits ou de formes étant instables et leurs configurations imprévisibles, elles ne peuvent donc pas constituer des variétés homogènes en soi.

Cette variabilité des usages apparaît simplifiée, comme on l'a vu supra, dans les représentations des locuteurs sous des dénominations qui tendent à la réifier (langage soutenu vs courant/normal). Et cette réification est également à l'œuvre à travers les termes de registre ou de niveau, utilisés par les descripteurs de la langue et par les experts qui l'enseignent. Mais peut-on échapper à ces tentatives de simplification de type binaire ou quaternaire ? Et quel serait l'intérêt pédagogique dans l'enseignement du français d'une présentation en termes diglossiques ?

4 INTÉRÊT ET LIMITES D'UNE APPROCHE DIGLOSSIQUE DANS L'ENSEIGNEMENT DU FRANÇAIS

Si l'approche diglossique nous semble peu adaptée pour modéliser la situation linguistique française, reste à voir si elle n'aurait pas un intérêt pour l'enseignement du français à l'école. Force est de constater que le dilemme éducatif des modalités d'un enseignement efficace du français scolaire normé sans dévalorisation des usages linguistiques ordinaires des enfants n'est pas encore résolu, malgré plusieurs dizaines d'années de réflexions sociolinguistiques et didactiques sur ce thème. Comme l'est encore moins un enseignement pertinent et explicite des faits de variation en intégrant les paramètres des situations de communication.

La violence symbolique inhérente à la dévalorisation des pratiques vernaculaires, comme prolongement naturel à la dévalorisation des pratiques orales et non standard, est à la fois humainement douloureuse et pédagogiquement inefficace. Les défenseurs de la perspective diglossique se fondent sur l'idée de deux grammaires séparées pour valoriser l'enseignabilité de la grammaire standard – préalablement décrite linguistiquement –, distincte mais surtout non supérieure à la grammaire vernaculaire des enfants, comme on devrait enseigner l'arabe littéraire à des enfants n'ayant parlé jusque-là que l'arabe dialectalFootnote 11. La logique de cet enseignement serait à rapprocher d'une grammaire contrastive permettant de comparer les fonctionnements linguistiques d'un système connu à ceux d'un système encore largement inconnu des élèves, dans l'objectif de les aider à matriser les deux variétés. L'objectivation des traits linguistiques des deux grammaires éviterait ainsi que les usages enfantins ne soient stigmatisés et perçus comme une « sous-langue », et l'enseignement de cette deuxième grammaire, celle du français oral académique, s'en verrait facilitée.

Cette volonté nous apparaît bien sûr louable, voire incontournable et parfaitement en accord avec l'ensemble des recherches des sociolinguistes s'intéressant à la didactique dans une perspective variationnelle et plurinormaliste depuis les années 80 (Romian, Marcellesi et al., Reference Romian, Marcellesi and Treignier1985). La question est alors de savoir si l'entrée par la diglossie pourrait être plus opérante que l'entrée par la variation. Dans une logique variationnelle, l'accès à la norme scolaire s'appuie largement sur le développement d'une conscience métalinguistique. La dimension réflexive prime donc sur la dimension descriptive et, malheureusement, – c'est peut-être sa faiblesse pour la diffusion de son exploitation dans les classes – ce travail nécessairement métapragmatique est encore peu outillé au plan théorique et pratique. La compréhension de la complexité des phénomènes linguistiques est encore un chantier en cours pour les chercheurs. Et l'éveil aux styles Footnote 12 n'a pas encore de réalité ni dans les classes ni dans les formations d'enseignants, la didactique plurinormaliste proposant des directions, essentielles, pour l'enseignement du français, mais pas suffisamment d'outils aux enseignants pour opérationnaliser les apprentissages. Le style est en conséquence toujours largement enseigné comme un supplément d'âme du message communicationnel (Gadet, Reference Gadet1998), et l'approche réductrice par les registres de langue ne permet en rien de faire avancer l'enfant dans sa compréhension des normes, de la Norme ou des usages ordinaires vs légitimes (Buson, Reference Buson2009).

Malgré ce flou persistant dans la mise en œuvre pédagogique, cette approche réflexive sur la base de la réalité des pratiques communicationnelles nous apparaît comme étant plus prometteuse que la perspective diglossique. Il nous semble, en effet, à la fois discutable et dangereux de postuler que les enfants en entrant à l'école ne parlent qu'une variété « basse », et de cristalliser, voire creuser les clivages entre pratiques familiales et pratiques scolaires. Les enfants sont loin d'être de complets néophytes du français « académique » attendu en communication ordinaire scolaire (entre matres et élèves notamment), sachant qu'il convient aussi de rappeler que les enseignants eux-mêmes ne sont pas non plus les pratiquants dévoués d'une grammaire standard (celle qui prend l'écrit comme point de référence) qui serait utilisée dans l'ensemble de leurs échanges avec les enfants.

Il est certes indéniable que certains enfants arrivent à l'école en n'ayant qu'une familiarité minimale avec cette variété de français oral clonée sur l'écrit (c'est-à-dire par exemple le français des histoires lues à voix haute lors de lectures partagées). La maîtrise de cette variété orale jumelle d'un écrit institutionnel facilite pourtant l'entrée dans la lecture/écriture. Comment espérer par exemple que les enfants réussissent à produire des récits au passé simple et en respectant les normes syntaxiques de l'écrit formel s'ils n'ont pas les compétences langagières leur permettant de raconter ce même type de récit à l'oral et si cette compétence n'est que peu ou pas travaillée de manière explicite et systématique à l'école?

Néanmoins, enseigner une variété de français « haute » en considérant que l'enfant serait une table rase au regard de cette même variété va à l'encontre de l'évidence pédagogique selon laquelle le point de départ à la construction de nouvelles connaissances langagières doit être l'expérience linguistique et communicative des enfants (Dannequin, Reference Dannequin1977). Interroger les représentations des élèves et prendre en compte leurs usages quotidiens réels sont donc deux incontournables pour une didactique contextualisée (Blanchet, Moore et al., Reference Blanchet and Moore2008).

5 CONCLUSION

A l'issue de ce parcours, force est de constater qu'appliqués au français les critères, tels que définis par Ferguson, ne sont pas remplis pour soutenir l'hypothèse diglossique. Et pourtant les représentations de bon nombre d'enfants et d'adultes accréditent cette vision dichotomique, sans doute largement héritée de l'enseignement à l'école, qui dès les premiers apprentissages a tendance à opposer une langue légitime, incarnée par un modèle écrit simplifié, aux variétés parlées. Ces dernières donnent souvent lieu à des jugements dévalorisants pouvant faire référence à l'incorrection linguistique mais aussi parfois à des facteurs externes de nature sociale (langue de la rue/argot/langage grossier). Aller dans le sens d'une pédagogie du français moins stigmatisante et « plus scientifique » constitue alors un argument de poids pour l'adoption d'un enseignement fondé sur une description diglossique (Barra-Jover, ce volume).

Toutefois, de notre point de vue, cela supposerait que dans la formation des enseignants on puisse l'étayer de manière rigoureuse, en faisant référence aux critères scientifiques de Ferguson. Or, nous pensons l'avoir montré, ceux-ci ne s'appliquent pas à la situation du français pour décrire la réalité des usages, qui laissent voir une plus grande complexité. Ce serait aussi se retrouver face à des questions de locuteurs (apprenants et enseignants) vivant l'expérience bien concrète de situations diglossiques comme celles par exemple de l'arabe. Les données recueillies au sein d'un lycée professionnel et analysées par Lambert (Reference Lambert2005) montrent que des élèves, descendantes de migrants maghrébins, établissent des comparaisons pertinentes entre le français et l'arabe qu'elles pratiquent. A titre illustratif, nous pouvons citer ces échanges entre une élève et son enseignant de français (de la même origine algérienne qu'elle) à propos de la comparaison de ses compétences en français et en arabe, où elle met en avant, à juste titre, une différence fondamentale entre les registres de ces deux langues, à savoir sa compréhension du registre « soutenu » du français face à sa non-compréhension de l'arabe littéraire:

  1. (11) Lamia: y a l(e) littéraire et celui de la rue

    Ens: non le littéraire c'est celui qu'on étudie qui est dans les journaux

    Lamia: oui c'est c(el)ui qui s(e) parle quand on regarde la télé ben moi je (. . .) moi quand j(e) vais en Algérie j(e) parle c(el)ui d(e) la rue avec les aut(r)es/j(e) comprends pas l(e) littéraire j(e) comprends (. . .) celui de la rue

    Ens: comme en français y a le langage c'est le registre familier le registre euh courant

    Lamia: mais c'est quand même en français j(e) comprends aussi le soutenu et le courant (Billiez et Lambert, Reference Billiez and Lambert2008: 87–88).

Outre les hésitations de l'enseignant sur la qualification de la variété L en termes de registre, qui montre encore une fois tout le flou existant entre les catégories, cet extrait pointe un critère (peu explicité chez Ferguson) celui de la non-compréhension orale entre les variétés arabes pour les locuteurs n'ayant pas du tout, ou pas suffisamment longtemps (ce qui est le cas de cette jeune-fille), étudié la variété H à l'école. Et l'un comme l'autre butent sur l'appréhension de ces faits de variation, éminemment complexes.

Former les enseignants à appréhender cette complexité dans toutes ses dimensions — sociolinguistiques et linguistiques (et ce en intégrant tous les niveaux de l'analyse) et les outiller pour améliorer l'enseignement/apprentissage du français et du style demeure notre objectif et représente un véritable défi. Ils n'échappent en effet pas à l'idéologie du standard et faire évoluer les représentations est une entreprise longue et semée de réticences (Lambert et Trimaille, à paraître). De plus, comme pour d'autres champs de la didactique de l'oral, les difficultés de mise en œuvre et questionnements toujours en suspens (doit-on en faire un objet d'apprentissage, comment l'évaluer, etc. Voir Garcia-Debanc, Reference Garcia-Debanc1999; Nonnon, Reference Nonnon and Larruy2001) entravent la détermination des enseignants souvent davantage enclins à travailler l'écrit. Prendre appui sur cette réalité des pratiques d'enseignement pourrait constituer l'une des pistes pour la diffusion effective d'une réflexion métastylistique dans les classes (travail sur les variations à partir d'écrits littéraires, par exemple, cf. Buson, Reference Buson2009).

Le débat scientifique, (socio)linguistique et didactique, reste ouvert et poser la question de la diglossie française tout en la confrontant aux perspectives variationnelles constitue une des voies sans doute productive pour continuer à explorer le champ encore en friche de l'enseignement/enseignabilité du français sous toutes ses formes.

Footnotes

1 Voir Buson (Reference Buson2009) et Buson & Billiez (Reference Buson and Billiez2010) pour une revue de littérature sur cette question.

2 Voir Buson et Billiez (à paraître) pour une analyse détaillée de ce phénomène de restauration stylistique.

3 A titre d'anecdote, nous retiendrons aussi des propos d'étudiants dans le cadre d'un cours traitant de la diglossie, qui s'interrogent régulièrement sur la possibilité de parler de diglossie oral/écrit en français.

4 Nous reviendrons sur ces corpus en infra.

5 A condition de s'en tenir à la définition restrictive de Ferguson (Reference Ferguson1959 et Reference Ferguson1991) en refusant les extensions qui, sans limite, ne se préoccupaient plus du tout de s'assurer que l'ensemble des critères se voyaient confirmés.

6 A cet égard les tenants du modèle diglossique appliqué au français ne s'attardent guère sur les critères phonologique et lexical.

7 « Passive » entre guillemets parce que les connotations sont trop négatives pour désigner une compétence de compréhension qui mérite d'être considérée comme une réelle compétence. S'agissant des phénomènes de bi/plurilinguisme cela nous paraît particulièrement pertinent.

8 Voir aussi Blanche-Benveniste (Reference Blanche-Benveniste2003) ou encore, pour des exemples en langue anglaise, Slosberg Andersen (Reference Slosberg Andersen1990) et Snell (Reference Snell2010).

9 Cette caractéristique est à la fois un clin d'œil à Claire Blanche-Benveniste (Reference Blanche-Benveniste1991) concernant « la langue des dimanches » opposée à celle « de tous les jours », expression sur laquelle nous avions calquée celle d'’orthographe de tous les jours (Lucci et Millet, coord.1994: 106) et une référence à la situation de communication emblématique de la formalité pour Zribi-Hertz (2010: 3, note 4) qui est celle d'un dîner protocolaire « dont les participants sont en représentation et portent des vêtements ‘habillés’ ».

10 Voir Buson (Reference Buson2009) pour plus de précisions sur cette enquête.

11 En supposant qu'il n'y ait pas de dévalorisation de la variété parlée, ce qui est loin de se vérifier si l'on s'en tient aux propos d'élèves qui en ont fait l'expérience ici en France. La comparaison avec un enseignement de l'arabe standard comme langue étrangère serait sans doute plus pertinente.

12 Dans les expérimentations de l'Eveil aux langues (Candelier, Reference Candelier and Dir2003), cet aspect a été peu travaillé dans les supports pédagogiques alors qu'il était prévu. Lambert/Trimaille (à paraître) abordent cette question.

References

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