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Ouattara Aboubakar (dir.), Les fonctions grammaticales: histoire, théories, pratiques. (GRAMM-R, Études de linguistique française, 18.) Bruxelles: Peter Lang, 2013, 300 pp. 978 2 87574 075 5 (broché), 978 3 0352 6330 5 (numérique)

Published online by Cambridge University Press:  25 June 2015

Badreddine Hamma*
Affiliation:
LLL, UMR 7270, Université d’Orléans, Sciences du Langage BP 46527, 45072 Orléans Cedex 2Francebadreddine.hamma@univ-orleans.fr
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Abstract

Type
Book Review
Copyright
Copyright © Cambridge University Press 2015 

Cet ouvrage, actes d’un colloque international de linguistique française tenu à l’Université de Tromsø (Norvège) du 26 au 29 octobre 2005, réunit 17 articles offrant des réflexions et des discussions critiques issues de divers horizons sur l’une des facettes métalinguistiques les plus controversées, à savoir les fonctions grammaticales (désormais FG). À travers des cas précis, les différentes contributions exposent et expliquent, globalement, en quoi les FG usuelles en français sont problématiques et aboutissent à des tentatives de réformation et à des esquisses de solution et des perfectionnements dans différents champs d’application en sciences du langage.

La première partie de l’ouvrage pose les fondements de la question en faisant un état des lieux critique sur les FG. André Rousseau (23–43), Marc Wilmet (45–62), Poul Søren Kjærsgaard (63–74) et Hans Petter Helland (75–87) passent en revue les tenants et aboutissants des problèmes observables aujourd’hui, fournissant des inventaires raisonnés des FG les plus significatives, accompagnés d’un ancrage historique érudit sur leurs origines et leur évolution depuis Platon, Aristote et Denys de Thrace et passant par les grammairiens du 17e siècle. De ce riche panorama historique, qui néglige toutefois l’apport de grammairiens pionniers non européens, se dégagent, d’une part, l’éclatement terminologique lié aux FG et, de l’autre, l’existence de nombreuses contradictions et zones d’ombre dans leur traitement. Les auteurs finissent par appeler à la nécessité de repenser l’identité et les frontières entre ces artefacts à partir de critères d’identification clairs, formels et objectifs.

La deuxième partie du volume est dévolue entièrement à la conception pottiérienne des fonctions ‘casuelles/grammaticales’. Le premier article (91–96), signé par Bernard Pottier lui-même, instaure une interface tripartite entre un premier niveau de type conceptuel, un deuxième niveau dit de ‘sémiotisation’ et un troisième niveau qui fait intervenir les phénomènes de modalisation et de variation qu’impose l’énonciateur. Ce dernier décide, en définitive, de l’organisation et de la hiérarchie à donner aux différentes composantes de la phrase de surface. À la lecture de l’article de Pottier, on ne peut s’empêcher de faire un rapprochement, ne serait-ce que pour les deux premiers niveaux de l’interface, avec la conception mentaliste américaine représentée notamment par Ray Jackendoff, qui stipule également que les constituants immédiats d’une phrase donnée sont corrélés à des représentations mentales décrivant des événements, des états de choses, des entités du monde, des chemins de passage, etc.; de même, ce que Pottier appelle ‘sémiotisation’ trouve un écho dans les fameuses règles de réécriture du programme minimaliste chomskyen. De telles convergences témoignent sans doute de l’intérêt et de la validation de la démarche de part et d’autre de l’Atlantique. Une démonstration empirique des principes théoriques pottiériens, précédée d’une explication éloquente et éclairée de la grammaire casuelle de l’auteur, figure dans un deuxième article (97–131), dû à Aboubakar Ouattara, ancien élève de Pottier.

La troisième partie du volume est dédiée à la place qu’occupent les FG dans les formalismes logiques, le traitement automatique des langues (TAL) et la grammaire valencielle héritée de Lucien Tesnière. Grâce à l’article de Jean-Pierre Desclés (135–164), on y découvre la place qui revient aux FG dans la Grammaire applicative et cognitive (GAC) développée par l’auteur et son équipe; en gros, elles y tiennent le rôle d’opérateur et sont en étroit rapport avec la notion de schème sémantico-cognitif adoptée dans la GAC. Dans le domaine du TAL, plus précisément dans les Grammaires d’arbres polychromes développées par Cori & Marandin (Reference Cori and Marandin1993), Marcel Cori (165–183) considère que les FG trouvent également leur place au niveau de l’interface entre les formes de surface et les représentations sous-jacentes. L’article de Marianne Hobæk Haff (185–199) constitue un débat autour des notions de ‘sujet’, ‘objet’ et ‘adjet’; l’auteur y confronte sa conception de ces FG à celles de Gilbert Lazard et de Michael Herslund.

La quatrième et dernière partie inclut huit investigations portant pour la plupart sur des études de cas, aussi bien au niveau de la phrase que de l’énoncé. Il y est globalement question des problèmes que posent certaines FG, ainsi que de quelques substituts et pistes d’amélioration possibles. Dans une approche pragmatique, Ingvald Sivertsen (199–208) associe l’analyse des FG dans la phrase comme dans l’énoncé aux intentions discursives et aux actes de langage, et plus précisément à l’effet perlocutoire visé, compte tenu du contenu de la phrase comme acte illocutoire. Dans une perspective guillaumienne, Dan Van Raemdonck (209–221) montre que l’approche des énoncés renfermant une prédication seconde gagnerait d’une analyse en termes de structures binominales, peu souvent proposée dans la tradition. À travers une étude des segments détachés, Franck Neveu (223–239) fait remarquer l’éclatement terminologique et la défaillance des critères classiques destinés à leur reconnaissance, voyant dans les développements récents des recherches en macrosyntaxe (Alain Berrendonner) des pistes fécondes à exploiter. Juhani Härmä (241–250) fait un état des lieux sur les constructions disloquées depuis Charles Bally et montre les multiples divergences entre la dislocation en français et en finnois. Face à la complexité et la diversité des segments pouvant occuper la fonction d’attribut du sujet, Peter Lauwers et Ludo Melis (251–262) se proposent de clarifier les choses en distinguant différents types et degrés d’attributivité; leurs thèses s’appuient sur les tests de pronominalisation et de pro-forme. Sylvianne Rémi-Giraud (263–274) s’interroge sur la nature de la relation entre l’adjectif qualificatif et les différentes FG qu’il peut occuper en français; l’auteur conclut que, dans tous les cas de figure observables, l’adjectif garde son sens essentiel en rapport avec la description d’une certaine ‘propriété’ du support qualifié. À partir d’un corpus journalistique, romanesque et de langue de spécialité, Odile Halmøy (275–283) scrute les différentes fonctions du participe présent et aboutit à une classification de ses emplois, surtout du point de vue de leur fréquence. L’une des conclusions de l’auteur consiste à dire qu’il est impossible qu’un participe présent remplisse la fonction d’attribut du sujet; cette idée nous paraît contestable ou ambigüe, vu que les contre-exemples sont très nombreux. Enfin, à travers un compte rendu du livre de François Cavanna, Mignonne, allons voir si la rose. . ., Anne-Rosine Delbart (285–296) identifie une série de problèmes au niveau de la définition de certaines FG issues des méthodes scolastiques que l’on utilise habituellement dans la grammaire française.

Le 18e volume de la série GRAMM-R constitue un grand pas dans le domaine de la description métalinguistique et deviendra sans aucun doute une référence incontournable à mettre dans les bibliothèques universitaires, voire dans les bibliothèques personnelles. Il offre des pistes de réformation courageuses et nécessaires, qui pourraient fournir un intéressant point d’appui pour une réflexion et une application élargies et plus approfondies sur les FG. L’élargissement se conçoit aussi bien dans l’étude de nouveaux cas qui posent problème que dans l’ouverture sur les recherches contrastives et, pourquoi pas, sur des études de type intralinguistique d’autres langues, voisines et exotiques.

References

RÉFÉRENCE

Cori, M. et Marandin, J.-M. (1993). Grammaires d’arbres polychromes. Traitement automatique des langues, 34: 101132.Google Scholar