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Laenzlinger Christopher et Péters Hugues, Des savoirs linguistiques aux savoirs scolaires: l'accès à la grammaire par le lexique. Limoges: Lambert-Lucas, 2016, 134 pp. 978 2 35935 174 3 (broché)

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Laenzlinger Christopher et Péters Hugues, Des savoirs linguistiques aux savoirs scolaires: l'accès à la grammaire par le lexique. Limoges: Lambert-Lucas, 2016, 134 pp. 978 2 35935 174 3 (broché)

Published online by Cambridge University Press:  20 July 2017

Jean-Claude Beacco*
Affiliation:
Université Paris 3, Département DFLE, 46 rue Saint-Jacques, 75005 Paris, Francejean-claude.beacco@univ-paris3.fr
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Abstract

Type
Book Review
Copyright
Copyright © Cambridge University Press 2017 

S'inscrivant dans une tradition qui est à la fois une préoccupation majeure, à savoir celle de faire accéder les apprenants à une forme de réflexivité grammaticale allant au-delà de leurs intuitions épilinguistiques, cet ouvrage présente un dispositif appelé LexiGrammAIRE (Lexique, Grammaire, Interprétation, Ressources linguistiques pour l'enseignement du français). Il concerne surtout l'enseignement du français langue première dans le cadre du Plan d’études romand (https://www.plandetudes.ch/francais), et c'est donc aux enseignants de français de la Suisse romande qu'il s'adresse en premier lieu.

Le projet que décrivent les auteurs vise la constitution d'une plate-forme de ressources où figure évidemment une grammaire de référence, mais dont la caractéristique principale est un ensemble d'entrées lexicales où sont fournies, pour chacun des mots retenus, des informations relatives à la phonétique, à la morphologie et, surtout (en ce qui nous concerne), à la combinatoire. Dans le cas d'un verbe, par exemple, on y mentionne les compléments qu'il sélectionne, les constructions qu'il admet, etc. La perspective adoptée est ainsi celle d'une linguistique distributionnelle de surface du type inauguré dans le domaine francophone par Lucien Tesnière (qui, curieusement, n'est pas cité dans les références, encore qu'il soit bien présent). Les diverses entrées lexicales comportent aussi des informations sémantiques/notionnelles, par exemple ‘+ GN liquide’ (après le verbe boire), nom ‘comptable’/‘concret’/‘animé’/‘humain’, verbe exprimant un ‘procès’, un ‘achèvement’, etc. Ces ‘notions générales’, termes courants dans les grammaires ‘savantes’ et dans les référentiels, sont censées permettre aux apprenants ‘de donner une représentation sémantique de la phrase, un niveau d'analyse [. . .] qui permet d’établir des dépendances non locales dans la phrase’ (44).

L'exposé des caractéristiques du projet (chap. 2) constitue le noyau de l'ouvrage. Il est précédé d'une présentation du contexte institutionnel et épistémologique qui l'a vu naître (chap. 1) et suivi (chap. 3) d'une description relativement classique de la phrase, ‘renouvelée’ toutefois sur la base d'une schématisation arborescente (schématisation qui, certes, a eu son heure de gloire dans le système éducatif français). C'est dans la même perspective qu'est abordée, au chap. 5, une description contrastive de trois des quatre langues officielles de la Confédération (allemand, français, italien) et de l'anglais; cette description illustre visuellement les différences de fonctionnement, renouant ainsi avec la ‘manière’ de Lado (Reference Lado1957), père didactique du comparatisme.

La mise en œuvre didactique est exemplifiée au chap. 4, où sont décrites les activités proposées aux apprenants sous forme de démarche active d'orientation inductive, par exemple identifier, à partir des données d'un texte, les phrases subordonnées. On ne précise pas si cette démarche a fait l'objet d'expérimentations, ce qui permettrait de comprendre si un énoncé comme ‘En se servant de ces manipulations, l’élève est amené à observer que. . .’ (82) est une consigne ou une constatation. Il semble délicat de présumer a priori de l'efficacité de cette démarche, même si établir celle-ci sur des bases expérimentales n'est pas aisé. Les auteurs insistent sur ‘le fondement lexical (par ex. analyse du subordonnant, sélection du verbe régime) de l'enseignement grammatical’ (84), mais on regrettera que les exemples retenus ne permettent pas d'en saisir tous les aspects, ceci en grande partie parce que la plate-forme LexiGrammAIRE n'existe encore que dans l'esprit de ses auteurs.

Le genre de perspective lexicaliste de la grammaire présenté ici n'est pas une inconnue en didactique de FLE, il s'en faut de loin. On n'a peut-être pas complètement oublié la transposition des travaux de Gaston Gross et du Laboratoire d'automatique documentaire et linguistique (LADL) réalisée en son temps par Debyser (Reference Debyser1972), ni les propositions de Robert Vivès, membre du LADL et didacticien du FLE (voir par ex. Vivès, Reference Vivès1988). Le présent ouvrage reprend ces hypothèses et les systématise, et l'on en escompte une transposition plus aisée des savoirs métalinguistiques savants vers les apprenants. Mais il a ses limites: cette énième tentative de renouveler les démarches d'enseignement de la grammaire et sa terminologie à partir des acquis de la linguistique du français ne peut guère sortir du cadre dans lequel elle aspire à se voir utilisée, qui est celui de la conception que se font les décideurs éducatifs de la grammaire comme ensemble de savoirs d'application tendus vers l'analyse. Cependant, d'autres voies ont été explorées ou mériteraient de l’être davantage dans l'enseignement du FLE. On pense au recours à des activités de conceptualisation telles que les préconise, par exemple, Besse (Reference Besse1974); ou encore la prise en compte du français auquel les apprenants sont exposés (l'oralité). Et, pour aller au bout de la logique comparatiste, il serait peut-être utile de partir des fautes récurrentes des apprenants (dans le cas des anglophones: l'emploi des auxiliaires être et avoir, des déterminants possessifs, la place des adjectifs. . .) pour comprendre comment les enseignants, là où ils se trouvent, ont imaginé pour leurs apprenants des réponses en termes de descriptions du français. Et si la grammaire venait aussi d'en bas?

References

RÉFÉRENCES

Besse, H. (1974). Les exercices de conceptualisation ou la réflexion grammaticale au niveau 2. Voix et images du CREDIF, 2: 3944.Google Scholar
Debyser, F. (1972). Le lexique des constructions verbales: présentation pour les professeurs de français et indications sur les applications pédagogiques. Paris: BELC.Google Scholar
Lado, R. (1957). Linguistics Across Cultures: Applied Linguistics for Language Teachers. Ann Arbor: University of Michigan Press.Google Scholar
Vivès, R. (1988). Quand la didactique fait ses emplettes chez les linguistes. Études de linguistique appliquée, 72: 2538.Google Scholar