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Hrubaru Florica, Moline Estelle et Velicu Anca-Marina (dir.), Nouveaux regards sur le sens et la référence : hommages à Georges Kleiber. Cluj : Editura Echinox, 2017, 401 pp. Broché ; ISBN non précisé

Published online by Cambridge University Press:  06 February 2019

Francine Gerhard-Krait*
Affiliation:
Faculté des LettresUniversité de Strasbourg14 rue René Descartes 67084 Strasbourg CedexFrancegerhard@unistra.fr
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Abstract

Type
Book Review
Copyright
© Cambridge University Press 2019 

Dix-sept contributions orientées vers des questions chères à Georges Kleiber, à qui elles sont dédiées, constituent le corps de cet ouvrage qui comporte en avant-propos un condensé bio- et bibliographique de la carrière du récipiendaire et une transcription intégrale du savoureux discours qu’il a prononcé à l’occasion du doctorat honoris causa que lui a décerné la Faculté des Lettres de l’Université Ovidius de Constanta. Les trois parties qui composent l’ouvrage sont des regards sémantiques, référentiels et pragmatiques sur les dimensions croisées du sens et de la référence.

« Regards sur le sens : mots et particules » compte six études. Gaston Gross traite de la synonymie lexicale ou grammaticale. Que la recherche soit manuelle ou informatique, la circonscrire, souligne-t-il, est difficile en raison du nombre de paramètres intervenant dans la saisie d’un emploi. Alexandra Cuniţă s’intéresse au nom polysémique terre, à ses particularités sémantico-référentielles, morphologiques et syntaxiques, variables selon le domaine courant vs spécialisé de ses emplois. Elle montre que des stratégies discursives sont toujours nécessaires pour la compréhension des concepts et l’identification des référents scientifiques par les locuteurs profanes. Estelle Moline propose une étude de corpus des noms mode, manière et façon pour établir leurs différents emplois et les spécificités de chacun d’eux. Une relation de synonymie étroite entre manière et façon et un comportement spécifique pour mode, le moins fréquent des trois, sont alors dessinés. Céline Benninger poursuit son exploration du syntagme binominal quantificateur N1 de N2 dans une configuration rare où N1 est instancié par un nom temporel et N2 par un nom de matière. Ainsi, si une semaine de viande / de tabac quantifie de la matière, dix ans d’amiante quantifie par métonymie une activité. Ion Guţu aborde la polysémie sous l’angle de mot-symbole et des connotations symboliques qui y sont culturellement associées, lesquelles autorisent le phénomène d’énantiosémie lisible, par exemple, pour la couleur jaune susceptible de véhiculer des valeurs axiologiquement positives (la clarté) et négatives (la maladie). Jesús Vasquez-Molina clôt la première partie en s’interrogeant sur la valeur de la négation explétive dans les exclamatives rhétoriques en espagnol, qui jouissent d’une belle vitalité notamment à l’oral, quand pour le français l’emploi est rare et cantonné à l’écrit. Cette structure à valeur intensive renforcée par le futur ou le conditionnel instaure une polyphonie visant à rejeter une doxa.

« Regards sur la référence : noms et verbes » comporte cinq études dont deux sur des noms. Nelly Flaux traque les noms qui comme dans dire/faire des sottises changent de nature selon qu’ils dénotent des paroles qualifiées (nom d’idéalité) introduits par des verbes de dire ou des actes qualifiés (nom d’événement) introduits par des verbes de faire. Mathilde Salles s’attaque aux opérations anaphoriques spécifiques aux noms dénotant des relations de collection à membres. Leurs propriétés référentielles leur offrent une grande latitude de mode de reprise anaphorique comparativement aux noms de partie et de tout, par exemple. Le domaine verbal se trouve illustré par trois contributions, dont deux portent sur l’imparfait et une dernière sur le gérondif. Patrick Caudal reconsidère l’imparfait d’atténuation dans un article volumineux (88 pages), faisant valoir que cette valeur portée par une construction à interprétation locale conventionnalisée, mais non figée, est conditionnée par la combinaison de deux paramètres, l’un d’ordre sémantique, l’autre d’ordre pragmatique. Bert Peeters revisite l’imparfait dit de rupture et montre tout l’intérêt qu’il y a à considérer les procès dans un contexte qui ne soit pas trop restreint si l’on veut saisir que la défocalisation opérée sur un verbe par l’imparfait prépare la focalisation sur un autre événement. Maria Tenchea étudie le gérondif négatif roumain, une forme synthétique affixée, qui ne trouve pas d’équivalence gérondive systématique en français. Toutefois, à une valeur gérondivale donnée correspond parfois un type structurel particulier en français. Marcel Vuillaume, pour sa part, se lance en quête du sens de l’adjectif fortuit, indûment employé pour caractériser une catégorie de noms d’événement du fait que le trait fortuit semble inapte à constituer une propriété nominale intrinsèque et donc classifiante.

« Regards pragmatiques : énoncés, interactions et analyse du discours » rassemble quatre études. Philippe Gréa ouvre cette dernière partie en s’interrogeant sur ce qui autorise qu’un proverbe soit transposable d’un domaine à un autre et sur ce qui freine le même phénomène pour une phrase générique ; il montre qu’il existe un continuum entre ces pôles. Olga Galatanu discute la possibilité et le bien-fondé de proposer une approche sémantique de la notion d’inter-action verbale à partir d’une ontologie des noms et des verbes qui servent à réaliser les actes de langage. Puis, partant de ce qui les rapproche et de ce qui conditionne l’emploi de chacun, Anne Theissen confronte les emplois de un jour et une fois, abusivement signalés comme équivalents. Elle constate et explique pourquoi un jour se substitue plus facilement à une fois que l’inverse. Liana Pop boucle le volume par un examen des stratégies discursives, propres à un type de journalisme électronique, qui consistent en une rétention d’informations dont la vocation est de retarder l’identification du référent pour tenir le lecteur en haleine.

L’exercice du compte rendu ruine bien sûr la possibilité d’une revue de détail des contributions. Les questions de sens et de référence autorisent une grande variété de sujets et un foisonnement de points de vue qui rendent l’exercice bien ardu mais qui témoignent de la richesse du domaine que Georges Kleiber explore depuis longtemps et duquel il a extrait tant de pépites.