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Galatanu Olga , Bellachhab Abdelhadi et Cozma Ana-Maria (dir.), Sens et signification dans les espaces francophones: La (re-)construction discursive des significations. (GRAMM-R: Études de linguistique française, 32.) Bruxelles: Peter Lang, 2016, 205 pp. 978 2 87574 333 6 (broché), 978 3 0352 6610 8 (numérique)

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Galatanu Olga , Bellachhab Abdelhadi et Cozma Ana-Maria (dir.), Sens et signification dans les espaces francophones: La (re-)construction discursive des significations. (GRAMM-R: Études de linguistique française, 32.) Bruxelles: Peter Lang, 2016, 205 pp. 978 2 87574 333 6 (broché), 978 3 0352 6610 8 (numérique)

Published online by Cambridge University Press:  05 April 2017

Ingse Skattum*
Affiliation:
Department of Cultural Studies and Oriental Languages, University of Oslo, P.B. 1010 Blindern, 0315 Oslo, Norway. ingse.skattum@ikos.uio.no
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Abstract

Type
Book Review
Copyright
Copyright © Cambridge University Press 2017 

Ce recueil constitue le second volume issu du colloque Sens et signification dans les espaces francophones, organisé en 2012 par le laboratoire CoDiRe de l'Université de Nantes.

Dans l'article introductif (15–31), Michel Francard réfléchit sur les critères d'inclusion ou d'exclusion des diatopismes dans les dictionnaires de référence. Ceux-ci reflètent avant tout la norme de l'Hexagone, alors que les dictionnaires différentiels attestent les différences lexicales avec cette norme hors de France. L'inclusion (limitée) de diatopismes dans les dictionnaires de référence concerne surtout les québécismes, les romandismes et les belgicismes. Un dictionnaire général des usages francophones, ou du moins ʻune vision plus égalitaire des variétés de françaisʼ (25), serait souhaitable, mais les moyens financiers et techniques font défaut.

Les autres articles sont regroupés en trois parties dont les titres manquent de précision. Deux d'entre eux (ʻLe français en francophonieʼ, 33–79, et ʻContact des langues dans l'espace francophoneʼ, 129–205) conviennent à l'ensemble des contributions. Le troisième (ʻLe français et les identités francophones, le français langue d'expression littéraireʼ, 81–128) laisse présager des articles sur l'identité et/ou sur des corpus littéraires, ce qui n'est pas faux – mais les corpus littéraires sont également à l'ordre du jour dans la première partie.

En effet, c'est la production littéraire subsaharienne qu’étudient Rodolphine Sylvie Wamba et Gérard Marie Noumssi (35–47), Claude Éric Owono Zambo (49–65) et Aminata Aïdara (67–79), avec référence particulière aux glissements sémantiques vis-à-vis le français de France et aux emprunts aux langues africaines. Les deux premiers articles, ‘Le français sous les tropiques’ et ‘Pour un espace francophone polycentré’, ne quittent pas les sentiers battus, mais leurs titres aspirent à des interprétations générales que les contenus ne défendent pas. Les exemples cités sont soit caractérisés comme ‘ewondismes’, ‘camerounismes’ ou ‘congolismes’, soit décrits comme ‘régionaux’ ou ‘africains’, sans qu'aucun dictionnaire différentiel ne soit cité à l'appui. L'extension de sens de frères, mères et pères, qualifiée de camerounaise par Wamba et Noumssi (39), est en réalité un phénomène panafricain bien connu. Si les exemples de ces derniers sont bien choisis, ceux de Zambo, parfois incorrectement décrits, le sont moins. Aïdara cite certains emprunts et mentionne ‘la langue maternelle’ de Sony Labou Tansi sans la nommer. La classification de ses exemples souffre d'incohérences, mais ses commentaires sur les particularités sémantiques de Tansi sont intéressants.

À travers un corpus de paroles authentiques, Laurence Arrighi (83–99) explore le vécu socio-langagier de témoins francophones minoritaires (un quart environ de la population des provinces maritimes du Canada), décrivant la manière dont les Acadiens vivent leur identité plutôt que leur façon de la dire. Les exemples illustrent que nombre d'Acadiens acceptent l'hégémonie de l'anglais, tout en voyant leur bilinguisme comme une ‘valeur ajoutée’ sur le marché du travail. Ils ont tendance à se dévaloriser par rapport au français standard, mais l'arrivée d'immigrants apporte une certaine diversification culturelle.

Blandine Valfort (101–112) examine deux cas de francophonie entrant en concurrence avec l'arabité. En Algérie, le français est d'abord associé à la colonisation, mais de plus en plus accepté. Au Liban, le conflit linguistique a toujours été moins douloureux. Les discours des écrivains étudiés révèlent que la plupart éprouvent le besoin de justifier leur choix d’écrire en français, tout en ‘saupoudrant’ leurs textes d'arabismes. Une vision essentialiste du français (liberté, modernité. . .), opposée aux qualités de l'arabe (émotion, amour. . .), se fait parfois ressentir.

Cécilia Condei (113–130) observe comment l'identité francophone ‘agit dans le sens d'une liaison entre la vie de l’écrivain et son œuvreʼ (115). Si le titre de la conclusion, ‘L'identité francophone comme phénomène de métissage’ (126), se justifie, le corpus est mal équilibré: cinq écrivains de l'Europe orientale et un seul d'Algérie, qui partageraient la position ‘périphérique’ de leurs patries d'origine (115). Or, la situation du français – et, partant, des écrivains – n'est pas la même en Europe et en Algérie. La présentation des écrivains et des exemples souffre, de plus, d'incohérences qui gênent la lecture.

Les éditeurs, Olga Galatanu, Abdelhadi Bellachhab et Ana-Maria Cozma (131–177), analysent l'acte rassurant de remercier dans l'espace francophone. La Sémantique des Possibles Argumentatifs, dont Galatanu est le chef de file, sert de modèle théorique. L'approche, un croisement des théories des actes de langage et des interactions verbales dans différents espaces francophones (Côte d'Ivoire, France, Madagascar, Maroc, Nouvelle-Calédonie et Québec), donne des résultats prévisibles quant aux aspects sémantiques de l'acte mais ne nous éclaire pas sur sa dimension culturelle. Ainsi, l'existence d'une ‘menace illocutionnaire généralisée’ s'avère absente dans trois des espaces examinés et extrêmement faible dans les autres (169). L'hypothèse de liens entre les représentations sémantiques du verbe et les représentations de l'acte illocutionnaire est elle aussi vérifiée sans surprise. Par contre, la comparaison des représentations se limite à des tableaux de pourcentages, sans description des contextes culturels. Comme le reconnaissent les auteurs (163), de tels liens nécessiteraient un travail sur le terrain. Ajoutons que l'enquête porte sur les déclarations d'informateurs et non sur des discours authentiques (étape prévue ultérieurement), et que l’échantillon est peu représentatif des ‘protocoles culturels’ des espaces étudiés (des jeunes entre 19 et 25 ans suivant des formations universitaires). Le style est alourdi par de nombreuses références bibliographiques: jusqu’à 22 références dans un seul paragraphe de 21 lignes (133), et 209 en tout, dont 80 renvoyant à Galatanu seule ou avec co-auteurs. On s’étonne aussi que les éditeurs s'attribuent 46 pages, comparé à une quinzaine pour les autres auteurs.

Marion Pescheux (179–191) adopte le protocole CoDiRe dans son enquête sur la didactisation des études lexicales et sémantiques en formation FLE. Exposant de manière brève et claire sa démarche, elle montre, à travers deux exemples de préparations didactiques apportant un riche matériel lexical, comment le locuteur-enseignant peut faire assimiler aux apprenants la valeur ‘standard’ du mot (sa signification) et sa valeur ponctuelle dans des documents authentiques (son sens). Elle réfléchit pour finir sur l'intérêt didactique de la définition naturelle (‘celle des mots du langage ordinaire’) (185).

Au Maroc, où la réintroduction en 2002 du texte littéraire intégral comme objet d’étude en FLE avait suscité des polémiques, Khouloud El Masrar (193–205) a mené une enquête sur les perceptions des enseignants ‘aujourd'hui’ (sans indiquer l'année). La majorité estime la réforme intéressante, permettant aux élèves de s'ouvrir à d'autres cultures. Cependant, le niveau des apprenants est généralement insuffisant pour qu'ils puissent comprendre les textes. En outre, la formation des enseignants s'adapte mal aux exigences du nouveau programme, qui leur laisse une grande liberté, alors qu'ils sont ‘formés à suivre scrupuleusement un manuel scolaire’ (202). Enfin, la place de la culture varie, occupant environ 50% du temps pour les enseignants qui ont une formation littéraire, alors que, pour les autres, le français est plutôt instrumental.

L'objectif du volume était de montrer ʻles mécanismes sémantico-discursifs de la régénération des significations des expressions linguistiquesʼ (10) tout en développant des méthodologies qui en rendent compte. Les contributions étant de qualité inégale, on regrette que les éditeurs n'aient pas fourni plus d'efforts pour remédier aux points faibles.