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Farina Annick et Zotti Valeria (dir.), La variation lexicale des français: dictionnaires, bases de données, corpus. Hommage à Claude Poirier. (Lexica: Mots et dictionnaires, 28.) Paris: Honoré Champion, 2014, 368 pp. 978 2 7453 2876 2 (broché)

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Farina Annick et Zotti Valeria (dir.), La variation lexicale des français: dictionnaires, bases de données, corpus. Hommage à Claude Poirier. (Lexica: Mots et dictionnaires, 28.) Paris: Honoré Champion, 2014, 368 pp. 978 2 7453 2876 2 (broché)

Published online by Cambridge University Press:  12 August 2015

Steeve Mercier*
Affiliation:
Département de langues, linguistique et traduction, Université Laval, Québec G1V 0A6, Canadasteeve.mercier@lli.ulaval.ca
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Abstract

Type
Book Review
Copyright
Copyright © Cambridge University Press 2015 

Pionnier de la lexicographie québécoise moderne, Claude Poirier est également l’un des premiers promoteurs de l’étude de la variation linguistique dans l’ensemble de la francophonie. Les dix-sept contributions à ce recueil d’articles rédigés sous la direction d’Annick Farina et Valeria Zotti permettent de découvrir les nombreuses facettes de la variation lexicale dans l’espace francophone; elles ont été rédigées par des linguistes voulant rendre hommage à Claude Poirier en raison de l’importante influence qu’il a eue sur leurs travaux.

C’est notamment grâce aux contributions riches et dynamiques de Poirier que le Québec pèse de plus en plus lourd dans l’univers de la lexicographie moderne en langue française. Présentant quelques importants jalons d’une longue feuille de route, Robert Vézina (17–25) souligne l’héritage que Poirier lègue à la recherche scientifique en lexicologie et lexicographie ainsi que sa contribution à la vulgarisation des résultats de cette recherche auprès du grand public.

Claude Poirier lui-même (27–42) donne un aperçu des perceptions européennes du français québécois, telles qu’il les a observées à travers ses recherches. Il rapporte que les francophones ont pu être surpris et dérangés notamment par les avancées québécoises sur le terrain de la néologie, de la féminisation et de la lexicographie, alors que les italophones reconnaissent sans réticence la variété québécoise.

Mettant en relief le cadre sociolinguistique et socioculturel pluriel et dynamique de l’espace francophone, Chiara Molinari (43–55) explique pourquoi la Base de données lexicographiques panfrancophone, par son caractère différentiel et sa structure, est désormais un outil lexicographique incontournable dans la réalité actuelle du français.

Annick Farina (57–82) souligne le fait que, même si les auteurs des dictionnaires généraux de France montrent de plus en plus d’ouverture envers les différentes communautés francophones, les cultures de la francophonie et les mots français qui les expriment restent marginalisés; le français de référence continue à être essentiellement parisien.

Dorothée Aquino-Weber et collègues (83–100) présentent le parcours de William Pierrehumbert, qui a innové en matière de technique lexicographique au début du 20e siècle en exploitant de façon systématique des corpus et en ouvrant la voie à une utilisation moderne des marques d’usage.

À la fin du 19e siècle, avec Sylva Clapin, Raoul Rinfret a orienté la lexicographie canadienne-française vers une ère de plus grande rigueur et d’analyse attentive de la variation. Gabrielle Saint-Yves (101–121) montre comment Rinfret a effectivement rompu avec l’amateurisme et les explications approximatives de ses prédécesseurs auteurs de manuels correctifs canadiens-français.

À partir d’un survol des collections les plus significatives de belgicismes parues en Belgique entre 1970 et 2010, Hugues Sheeren (123–142) souligne que, progressivement, l’invitation à l’autocensure a cédé la place à une forme de légitimation des régionalismes belges, ce qui a contribué à atténuer quelque peu le sentiment d’insécurité linguistique du Belge francophone.

Jean-François Plamondon (143–166) fait découvrir les textes fondamentaux qui ont mené à la naissance de la conscience collective des Québécois autour de la langue française et qui ont participé à son évolution sur plus d’un siècle (1830–1940).

Karine Gauvin (167–188) s’intéresse à l’application du vocabulaire de la marine au domaine terrestre dans les français du Canada. À partir de l’étude des sens terrestres du verbe gréyer, elle découvre qu’il y a bel et bien eu création d’emplois innovateurs, mais qu’il y a eu en outre, dans une proportion similaire, maintien d’usages qui avaient déjà cours dans les régions de France.

À partir d’un corpus de lettres de combattants de la Première Guerre mondiale, Pierre Rézeau (189–213) met en lumière des aspects de la phraséologie du français de France qui n’avaient jamais donné lieu à une description lexicographique.

Cristina Brancaglion (215–228) étudie les connotations dépréciatives à l’endroit des femmes suisses du 19e siècle véhiculées par le recours à des mots à référent animal. Elle conclut que le déclin de la vie rurale à partir du 20e siècle a donné lieu à la disparition de tout un champ sémantique.

Anna Giaufret (229–248) cherche à déterminer les ressources lexicographiques internet les plus utiles pour faire comprendre les bandes dessinées québécoises contemporaines à un lectorat moins familier avec ces écrits, qui tentent de représenter la langue parlée spontanée. Elle arrive à la conclusion que le lecteur doit interroger plusieurs répertoires, mais que le Dictionnaire québécois d’aujourd’hui, une ressource papier, fournit la description la plus complète.

Analysant les variations linguistiques dans la presse africaine, qui s’adresse à des dizaines d’ethnies différentes avec autant de langues, Nataša Raschi (249–262) souligne en particulier que les créations lexicales, les emprunts à l’oralité et les calques sur les langues locales prouvent la vitalité du français dans des terres très diversifiées.

S’appuyant sur la traduction anglaise du célèbre essai Éloge de la créolité, André Thibault (263–292) s’interroge sur la traduisibilité de l’antillanité. Il s’avère malheureusement que l’identité antillaise dans cet essai ne survit qu’à travers les xénismes dans le texte d’arrivée.

Gerardo Acerenza (293–310) compare les traductions italienne, espagnole, roumaine et allemande d’une sélection de passages du roman québécois Maria Chapdelaine et constate que beaucoup reste à faire dans le domaine de la traduction des régionalismes.

Valeria Zotti (311–331) attire l’attention sur l’intérêt qu’il y a à créer des outils conçus spécialement pour faciliter le travail du traducteur, qui ne peut se contenter des dictionnaires bilingues actuellement disponibles. Elle propose l’utilisation de la base de données lexicales QU.IT (Québec-Italie).

Rachele Raus (333–344) montre que seule une approche discursive permet de relever la vraie cause de la variation terminologique dans le vocabulaire des institutions européennes relié à la gender equality. Ladite variation serait due à la présence d’un positionnement ‘colingue’ spécifique de la part des acteurs transnationaux concernés.

Au travers de ces différentes contributions, que précède une préface de Jean Pruvost (7–10) et une introduction des éditrices (11–15), où est mis en évidence le rapport entre les sujets traités et la carrière de Claude Poirier, le lecteur découvrira non seulement l’impressionnant héritage laissé par Poirier à travers le monde, mais également la richesse, les problématiques et les préoccupations que peut apporter l’étude de la variation lexicale des français.