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Di Cristo Albert François , Les musiques du français parlé: Essais sur l'accentuation, la métrique, le rythme, le phrasé prosodique et l'intonation du français contemporain. (Études de linguistique française, 1.) Berlin: de Gruyter, 2016, viii + 513 pp. 978 3 11 047105 2 (relié), 978 3 11 047964 5 (PDF), 978 3 11 047739 9 (EPUB)

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Di Cristo Albert François , Les musiques du français parlé: Essais sur l'accentuation, la métrique, le rythme, le phrasé prosodique et l'intonation du français contemporain. (Études de linguistique française, 1.) Berlin: de Gruyter, 2016, viii + 513 pp. 978 3 11 047105 2 (relié), 978 3 11 047964 5 (PDF), 978 3 11 047739 9 (EPUB)

Published online by Cambridge University Press:  23 May 2017

Mathieu Avanzi*
Affiliation:
Institut Langage et Communication, Université catholique de Louvain, Collège Érasme, Place Blaise Pascal, 1 B-1348 Louvain-la-Neuve, Mathieu.Avanzi@uclouvain.be
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Abstract

Type
Book Review
Copyright
Copyright © Cambridge University Press 2017 

Dans cette nouvelle monographie, Albert Di Cristo propose une synthèse de nos connaissances actuelles des différents domaines de la prosodie (c'est-à-dire des faits qui relèvent de l'accentuation, du rythme, du phrasé et de l'intonation), ainsi qu'un panorama des problèmes que soulève leur analyse et les solutions que l'auteur propose d'y apporter. L'ouvrage est imposant: il compte plus de 500 pages et est assorti d'une bibliographie de plus de 700 entrées et d'index qui en facilitent grandement la consultation. Les 150 premières pages de l'ouvrage sont consacrées à l'accentuation, à la métrique, au rythme et au phrasé du français, alors que les 300 pages qui suivent sont dédiées à l'intonation. La conclusion est brève (une seule page), mais chacun des chapitres précédents est appuyé par son propre résumé synthétique.

Après avoir rappelé que le domaine de l'accentuation traite des facteurs qui permettent de prédire la position des syllabes proéminentes dans la chaîne parlée, l'auteur explicite en quoi consistent les faits qui relèvent de l'accentuation primaire ou finale d'une part, les faits qui relèvent de l'accentuation secondaire ou initiale d'autre part (première partie, chap. 1 et 2). Il décrit dans la deuxième partie (chapitres 3 et 4) comment l'alternance entre les syllabes accentuées et les syllabes non accentuées contribue à la perception du rythme et de la métrique de la langue. Ces deux notions, souvent confondues, relèvent selon l'auteur de deux niveaux de représentation différents: ‘la métrique renvoie au dispositif structurel sous-jacent (ou abstrait) et le rythme, comme les manifestations concrètes de ce dispositif, au niveau des structures de surface qui encodent la prononciation effective’ (55).

Avec le chapitre 5 commence la troisième partie, consacrée à l’étude du phrasé prosodique, c'est-à-dire aux unités de différents rangs que les accents de différents degrés permettent de délimiter. L'auteur rappelle dans un premier temps quels sont les postulats sur lesquels reposent les modèles actuellement dominants, dans lesquels les constituants prosodiques sont définis par référence à des critères morphosyntaxiques (voir Selkirk, Reference Selkirk, Goldsmith, Riggle and Yu2011). Dans le chapitre 6, il définit les principes de base du modèle qu'il a développé dans de nombreuses publications antérieures, égratignant au passage (147–150) certaines thèses proposées par ses successeurs à l'Université d'Aix-en-Provence (notamment D'Imperio et Michelas, Reference D'Imperio and Michelas2009).

La quatrième et dernière partie comporte huit chapitres. Le premier pose quelques jalons terminologiques et méthodologiques (définition du terme intonation, description des symboles utilisés pour la transcription intonative, procédure de codage des patrons, etc.). Le second retrace l'histoire des théories et des modèles de l'intonation du français, du travail princeps de Klingardt et Fourmestraux (Reference Klingardt and Formestraux1911) à l'article de Delais et al. (Reference Delais-Roussarie, Frota and Prieto2015), qui présente le dernier état du modèle ToBi pour le français, en passant bien sûr par le célèbre article de Delattre (Reference Delattre1966). Les deux chapitres suivants sont consacrés aux patrons intonatifs qu'on a coutume de catégoriser comme continuatifs, et qu'on oppose aux patrons intonatifs conclusifs, opposition qui correspond grosso modo à la distinction entre la virgule et le point à l’écrit (247). Vient ensuite un chapitre consacré aux patrons mélodiques des phrases interrogatives, qui, on le sait, sont fondamentalement polymorphes, les uns prenant la forme de contours montants, les autres celle de contours descendants, selon le matériel morphosyntaxique impliqué dans la construction de la phrase (inversion du sujet, introducteurs en est-ce que, etc.) et/ou leur visée interactionnelle (demande de confirmation, question à polarité binaire, etc.). Les patrons intonatifs des expressions parenthétiques, au sens large (parenthèses, incises, dislocations à droite, etc.), sont abordés dans le chapitre qui suit. Au chapitre 13, on trouve un exposé portant sur les configurations intonatives associées aux différentes expressions vocatives, injonctives et exclamatives. Le dernier chapitre fait écho aux travaux récents de Portes et al. (Reference Portes2014): il traite des contraintes dialogiques qui agissent sur le choix des contours de base du français, en fonction des croyances que les locuteurs ‘estiment être compatibles ou conflictuelles avec celles de leur interlocuteur’ (442).

La force de l'ouvrage réside principalement dans les références qu'il renferme: beaucoup de travaux portant sur la prosodie ont été rédigés en anglais et sont souvent difficiles d'accès pour le néophyte francophone. Il existe également de nombreux travaux antérieurs aux années 80, et ceux-ci sont peu connus. La lecture de Musiques du français parlé en facilitera grandement l'accès et la réception. Quelques regrets toutefois: l'auteur ne dit rien des nombreux travaux récents, qui portent sur l’étude du rythme à travers le calcul de taux de variance consonantique et vocalique (voir notamment Dellwo, Reference Dellwo, Karnowski and Szigeti2006). Dommage également que l'auteur reprenne, sans vraiment la problématiser, l'opposition entre patrons intonatifs continuatifs et patrons intonatifs conclusifs. On regrettera aussi que la source des exemples (tirés de lectures, de dialogues, d'exposés, d'entretiens ou de conversations) ne soit pas systématiquement indiquée, et que rien ne soit dit sur la représentativité de certains patrons intonatifs observés (c'est-à-dire sur la proportion d'exemples qui épousent la forme standard).

Au-delà de ces quelques petits détails, on ne peut qu'encourager la consultation de l'ouvrage d'Albert Di Cristo (et regretter son coût élevé, près de 100 euros, ce qui risque d’être rédhibitoire pour les étudiants). Il propose un bilan historique et épistémologique exhaustif des travaux sur la prosodie du français, tout en apportant son lot de propositions nouvelles, illustrées par de nombreux exemples inédits. Gageons qu'il constituera un ouvrage de référence pour les prochaines générations de chercheurs en prosodie.

References

RÉFÉRENCES

Delais-Roussarie, E. et al. (2015). Intonational phonology of French: developing a ToBI system for French. In Frota, S. et Prieto, P. (dir.), Intonation in Romance. Oxford: OUP, pp. 63100.Google Scholar
Delattre, P. (1966). Les dix intonations de base du français. French Review, 40.1: 114.Google Scholar
Dellwo, V. (2006). Rhythm and speech rate: a variation coefficient for deltaC. In Karnowski, P. et Szigeti, I. (dir.), Language and Language Processing. Frankfurt: Peter Lang, pp. 231241.Google Scholar
D'Imperio, M.-P. et Michelas, A. (2009). Interfaces entre structure syntaxique et structure prosodique: le syntagme intermédiaire en français. Actes de la Conférence Interface Discours & Prosodie (IDP) 2009 (http://makino.linguist.jussieu.fr/idp09/actes_fr.html), 145156.Google Scholar
Klingardt, H. et Formestraux, M. (1911). Französische Intonationsübungen (für Lehrer und Studierende). Cöthen: Otto Schulze.Google Scholar
Portes, C. et al. (2014). The dialogical dimension of intonational meaning: evidence from French. Journal of Pragmatics, 74: 1529.Google Scholar
Selkirk, E. (2011). The syntax–phonology interface. In Goldsmith, J., Riggle, J. et Yu, A. C. L. (dir.), The Handbook of Phonological Theory, Second Edition. Oxford: Wiley-Blackwell, pp. 435484.Google Scholar