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Banks David et Ormrod Janet (dir.), Nouvelles études sur la transitivité en français: une perspective systémique fonctionnelle. Paris: L'Harmattan, 2016, 140 pp. 978 2 343 07120 6 (broché), 978 2 140 01465 9 (numérique)

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Banks David et Ormrod Janet (dir.), Nouvelles études sur la transitivité en français: une perspective systémique fonctionnelle. Paris: L'Harmattan, 2016, 140 pp. 978 2 343 07120 6 (broché), 978 2 140 01465 9 (numérique)

Published online by Cambridge University Press:  21 November 2016

Jacques François*
Affiliation:
Université de Caen-Normandie, Sciences du langage, Esplanade de la Paix, 14032 Caen, Francejfrançois@interlingua.fr
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Abstract

Type
Book Review
Copyright
Copyright © Cambridge University Press 2016 

Second volume de la collection de l'Association française de la linguistique systémique fonctionnelle, après La linguistique systémique fonctionnelle et la langue française (Banks, Reference Banks2009), cet ouvrage assez mince est destiné aux étudiants en linguistique intéressés par la LSF. C'est en ce sens qu'il s'agit ici de ‘nouvelles’ études. Bien que la LSF ait fait l'objet depuis les années 1960 d'innombrables publications en anglais, dont Halliday's Introduction to Functional Grammar (quatre éditions progressivement remaniées en 1985, 1994, 2004 et 2014, les deux dernières en collaboration avec Christian Matthiessen; cf. Halliday et Matthiesen, 2014), il n'existe pratiquement pas d'ouvrages pertinents rédigés en français.

Le recueil se compose de quatre contributions en anglais et deux en français. Les deux premières sont dues à David Banks: il s'agit d'une introduction générale à la question de la transitivité en français à partir de l'analyse d'un texte authentique et d'une application à l’étude syntactico-sémantique d'une publication renommée du 17e siècle. Les trois études suivantes sont consacrées à la transitivité dans trois types de discours. Alice Caffarel-Cayron s'intéresse aux types de procès privilégiés dans l’œuvre de Simone de Beauvoir, Mohamed Saki aux contradictions du discours politique, et Janet Ormrod à un débat sur les minarets et la peur de l'islam diffusé en 2009 dans l’émision C dans l'air de la chaîne France 5. Shirley Carter-Thomas et Laure Sarda, quant à elles, se distancient du cadre théorique de la LSF pour étudier la discontinuité entre les actants et les circonstants.

Dans la première contribution (9-28), David Banks pose le cadre théorique global: selon la LSF, la transitivité est une propriété relevant de l'une des trois métafonctions articulant le modèle, à savoir la métafonction idéationnelle, que complètent les métafonctions interpersonnelle et textuelle. Elle inclut ‘l'agencement du procès (encodé par le verbe), des participants (encodés par le sujet et les compléments), et des circonstances (encodées par des adverbiaux)’ (5) et se décline au long de six types de procès (matériels, mentaux, relationnels, verbaux, existentiels et modaux). Au vu des illustrations fournies par Banks, Caffarel et Carter-Thomas & Sarda, cette théorie semble cependant peiner à résoudre les difficultés liées à la discontinuité entre participants et adjoints et à la fonction prédicative des verbes et occasionnellement des noms. L'analyse d'un fragment authentique est bienvenue et illustre la possibilité de descriptions multiples et mutuellement compatibles.

Dans sa seconde contribution (29-56), Banks applique le cadre ainsi établi à un type de discours très particulier, celui de l'article académique en émergence (dû à la perte progressive de l'usage académique du latin), plus exactement celui du compte rendu d'ouvrage de science dans la seconde moitié du 17e siècle. Son étude empirique porte sur deux numéros du Journal des Sçavans (9 et 16 mars 1665). Il y trouve 554 propositions qui se répartissent par ordre de fréquence décroissante en 31% de procès relationnels, 26% de procès verbaux, 19% de procès mentaux, 18% de procès matériels et 6% de procès existentiels. Banks interprète ces fréquences comparées comme ‘une partie des bases sur lesquelles l’écriture savante française allait se construire à partir de cette fin du 17e et au cours du 18e siècle’ (53). C'est certainement le cas, mais en elles-mêmes les fréquences ne sont probatoires que par comparaison avec d'autres types de discours, et là se pose une question embarrassante: peut-on considérer un type particulier de discours (écrit), p.ex. la correspondance privée, l’écriture romanesque, etc., comme un repère à partir duquel les autres types de discours pourraient être étalonnés?

L'argumentation d'Alice Caffarel (57-80) tient en trois thèses: (a) Simone de Beauvoir a eu une influence remarquable sur de nombreux hommes et surtout de nombreuses femmes en appliquant la philosophie existentielle au statut des femmes et plus particulièrement à la prise de responsabilité par la parole; (b) cette philosophie se reflète dans sa langue, laquelle dispose fréquemment la parole en position de sujet grammatical; (c) le linguiste peut étendre la catégorie de l'agentivité (agency), ce qui lui permet de voir la parole (spécifiquement dans sa fonction libératrice) comme un Agent. Mais les mots ne sont eux-mêmes que des produits d’êtres humains dotés d'une puissance d'action que Beauvoir veut mettre en évidence, même si ces êtres n'en ont pas encore conscience: ils ne sont que l'Instrument de ce pouvoir. Pourquoi Caffarel ne s'est-elle donc pas contentée du rôle d'Instrument? À moins bien entendu de supposer que les mots (de libération) ont un pouvoir supérieur à celui de leurs énonciateurs?

Alors que Caffarel entend montrer la cohérence entre le projet existentiel de Beauvoir et l'organisation de ses phrases, inversement Mohamed Saki (81-94) entend montrer l'incohérence entre le message politique affiché du discours de Nicolas Sarkozy à l'université de Dakar en 2007 et sa formulation. Sarkozy prétend considérer les Africains comme des partenaires à part entière, mais ses formulations les présentent comme des rêveurs velléitaires et incapables de se prendre en charge. Saki a enregistré les 181 propositions qui impliquent l'Afrique et les Africains (spécialement les jeunes auxquels Sarkozy s'adresse) et les a classées par type de discours afin d’évaluer quelle est la proportion de mises en scène agentives ou passives. Son constat le plus frappant est que, dans les énoncés de type verbal, ils figurent presque exclusivement comme Destinataires de la bonne parole française. Il en conclut que ‘l'Afrique et les hommes africains [y] sont représentés le plus souvent comme une entité passive affectée par les actions et les décisions d'autrui’ (93).

Avec son étude d'un débat diffusé en 2009 dans l’émision C dans l'Air de la chaîne France 5 sur la peur de l'islam, symbolisée par l'interdiction des minarets à la suite d'une ‘votation’ dans plusieurs cantons de Suisse, Janet Ormrod (95-112) complète avantageusement l’éventail des types de discours abordés dans ce volume. Le débat met en présence trois universitaires et un homme politique. L'objectif est de dégager un profil des traits distinctifs des quatre débattants à partir de leurs ‘schémas de transitivité’. Son tableau de synthèse (103), qui établit la proportion des divers types de procès dans leurs interventions respectives, révèle certes des disparités flagrantes mais, contrairement aux trois contributions précédentes, Ormrod n'attribue pas de profil distinctif aux interventions des quatre débattants en termes de transitivité ou d'agentivité. Cet article donne donc une impression d'inachèvement.

L'article final de Shirley Carter-Thomas et Laure Sarda (113-138) sur la discontinuité entre les participants et les adjoints se distingue du reste du volume d'un double point de vue: son regard relativement externe à l’égard de la LSF, mais aussi l'absence de visée discursive. Les auteures montrent notamment que la variante élaborée par Robin Fawcett à Cardiff est empiriquement mieux argumentée sur ce plan. Cette contribution finale apporte donc un changement de point de vue qui contribue à ouvrir le débat.

Dans l'ensemble, l'ouvrage a le mérite de présenter, appliquée au français et conformément à l'esprit même de Halliday, une vision de la LSF orientée vers l'articulation entre la grammaire et trois types de discours: académique, autobiographique et politique. Cela en fait un outil pédagogique efficace.

References

RÉFÉRENCES

Banks, D. (dir.) (2009). La linguistique systémique fonctionnelle et la langue française. Paris: L'Harmattan.Google Scholar
Halliday, M.A.K. et Matthiesen, C. (2014). Halliday's Introduction to Functional Grammar. Quatrième edition revue par C. Matthiesen. London: Routledge.Google Scholar