Hostname: page-component-745bb68f8f-l4dxg Total loading time: 0 Render date: 2025-02-11T07:24:06.173Z Has data issue: false hasContentIssue false

Abdelhadi Bellachhab & Virginie Marie (dir.), Sens et représentation en conflit: conceptualisation, signification et construction discursive. (GRAMM-R, 12.) Bruxelles: Peter Lang, 2013, 233 pp., 978 90 5201 782 2 (broché), 978 3 0352 6310 7 (numérique)

Published online by Cambridge University Press:  04 June 2014

Julien Longhi*
Affiliation:
Université de Cergy-Pontoise, Centre de Recherche Textes et Francophonies (EA 1392), Pôle Langage Société Communication Didactique (Lascod), 95000 Cergy-Pontoise, Francejulien.longhi@u-cergy.fr
Rights & Permissions [Opens in a new window]

Abstract

Type
Book Review
Copyright
Copyright © Cambridge University Press 2014 

Sciences du langage, études littéraires, histoire des civilisations: dans sa présentation de cet ouvrage, issu d’un colloque international Jeunes Chercheurs qui s’est tenu à Nantes du 3 au 5 décembre 2009, Olga Galatanu souligne la pluralité des approches présentées. Elle précise qu’ « il fallait un point de rencontre comme celui du sens […] et des conflits dans son interprétation, pour que la rencontre soit cohérente et fructueuse » (9). On note en effet qu’à travers l’élaboration de trois parties distinctes – Représentation et construction discursive (15–108), Conceptualisation et construction du sens (109–170) et Sens et représentation dans le discours didactique (171–233) – un véritable effort d’agencement a été entrepris par les coordinateurs. L’efficacité de cette classification ne laisse aucun doute, et on ressent à la lecture l’enthousiasme que mentionne Galatanu dans sa présentation, ainsi qu’une certaine ouverture à l’innovation et au débat d’idées. Un écueil de l’agencement adopté est la difficulté de maintenir une cohérence théorique entre les contributions, puisque celles-ci relèvent de paradigmes souvent distincts et traitent parfois de manière inégale les problématiques envisagées. Cette nuance, qui n’enlève rien à la qualité générale de l’ouvrage, fait plutôt ressortir par contraste la cohérence interne (mais dispersée dans différents chapitres) d’un ensemble d’articles provenant du cercle des étudiants de Galatanu, qui mettent diversement à profit la Sémantique des Possibles Argumentatifs (SPA) pour répondre à la problématique générale. C’est le cas des contributions de Maria Chaillou et Ana-Maria Cozma (« Signification lexicale et sens discursif en conflit: l’axiologisation polyphonique du mot harmonisation dans la presse écrite », 15–28), d’Honoré Gbaka et Virginie Marie (« Visions stéréotypées de l’Afrique », 81–92), d’Abdelhadi Bellachhab (« Dissymétrie de saillance comme génératrice de conflits », 143–158), de Victoriya Nikolenko (« La représentation de la recherche dans le discours didactique: le cas des manuels Le Nouveau sans frontières et Campus », 173–188), de Juan Pablo Pietro Guzman (« Construction discursive de représentations et de stéréotypes de la langue française », 189–198) et de Tracy Heranic et Leslie Redmond (« ‘Que fait-on des cours inutiles?’ Quelle représentation discursive des cours d’anglais dans les filières scientifiques? », 199–210). Ces six articles (distribués dans les trois grandes parties) constituent l’ossature du volume et répondent concrètement aux interrogations soulevées par le titre de l’ouvrage, tout en donnant parfois, par contraste, une impression d’hétérogénéité aux autres contributions. Par exemple, bien que très intéressant sur le plan de l’étude du corpus (lié à l’homophobie et l’homophilie), la contribution de Florimond Rakotonoelia (« Surenchère homophobe et homophilie défensive: contorsions sémantiques et interprétations pragmatiques », 29–48) utilise un cadre théorique qui intègre certaines analyses du discours (Maingueneau), et articule des aspects théoriques d’auteurs aussi différents que Culioli, Grize et Sperber. Arnaud Fleury (« Interprétation des formes d’humour », 49–62) s’attache très longuement à discuter des dichotomies telles que langue/parole ou phrase/énoncé mais, concrètement, s’intéresse très peu aux formes d’humour; en dernière analyse, il ne répond donc pas directement à la problématique générale de l’ouvrage. Par ailleurs, d’autres contributions paraissent relativement éloignées de la perspective globale de l’ouvrage pour s’y intégrer harmonieusement. C’est le cas, par exemple, des deux derniers articles, qui contrastent par la dimension très « explicative » qu’adopte Delphine Leroy (« Mises en tensions des passages à l’écrit: le cas d’apprenantes en alphabétisation dans un centre social à Paris », 211–222) et celle très formalisante de Fumitake Ashino (« Syntagme prépositionnel entre + N: altérité et construction d’un effet de sens ‘contrastif’ », 223–233). D’autres contributions résonnent davantage avec la problématique générale et apportent de stimulantes interactions avec les développements de la SPA. Il faut à cet égard signaler les contributions de Romain Vanoudheusden (« Le stéréotype comme structure du discours journalistique sportif », 63–80), d’Héloïse Rougemont (« Approche interculturelle et analyse des conflits: une perspective critique illustrée par l’exemple du processus de décolonisation en Nouvelle-Calédonie », 93–107) et de Gwénolé Fortin (« Une sociolinguistique de l’Action: construction du sens et interprétation en contexte », 159–170).

Faute de place, il nous est impossible de nous attarder davantage au traitement du sujet. Il ressort néanmoins à la lecture que le cadre théorique le mieux représenté, la SPA, parvient à articuler différentes dimensions du sens et de la représentation et se dote d’outils d’analyse (dits « déploiements argumentatifs ») voire de mesure (enquêtes) pour répondre à des questionnements précis. L’ouverture aux aspects cognitifs (comme, par exemple, le recours à la linguistique cognitive de Lakoff dans l’article de Bellachhab) prolonge aussi les travaux de Galatanu sur l’articulation entre sémantique, pragmatique et cognition (à travers les représentations). Le croisement, dans quelques-uns des articles mentionnés plus haut, avec certains concepts forts (phraséologie chez Vanoudheusden, interculturel chez Rougemont ou constructivisme chez Fortin) propose au lecteur d’heureuses réflexions. Les réserves mentionnées plus haut n’enlèvent rien au plaisir que l’on pourra prendre à la lecture de cet ouvrage, qui témoigne de la vitalité et de l’esprit d’initiative intellectuelle des jeunes chercheurs réunis à Nantes pour ce colloque.