Une collection d’anthologies tirées des dictionnaires de l’Encyclopédie méthodique a été lancée en 2012 par les Presses de l’Université de Laval : à la première parution, relative au dictionnaire de Jurisprudence (dirigée par Luigi Delia et Éthel Groffier), ont fait suite, en 2013, les volumes consacrés respectivement à l’Assemblée constituante (dirigé par J. Boulad-Ayoub) et à l’Économie politique (dirigé par Paule-Monique Vernes, avec la collaboration de J. Boulad-Ayoub).
Conçue avec l’ambition d’améliorer et d’intégrer l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert, la Méthodique constitue à la fois une énorme machine éditoriale et un pont lancé entre la pensée des Lumières et celle du positivisme du début du XIXe siècle. Son éditeur, Charles-Joseph Panckoucke (1736-1798), qui avait été impliqué, entre autres, dans la publication des Suppléments de l’Encyclopédie, organisa la Méthodique selon l’ordre des matières à la place du simple ordre alphabétique : à chaque matière fut consacré un dictionnaire encyclopédique dont la rédaction fut confiée à des spécialistes du domaine concerné. Commencée en 1782 et restée inachevée à la mort de Panckoucke, la publication des volumes de la Méthodique fut accomplie d’abord par le beau-fils et ensuite par la fille de l’éditeur, qui fit paraître en 1832 les derniers tomes ou, pour mieux dire, demi-tomes, vu que le système de vente par souscription adopté par l’éditeur prévoyait une série de livraisons, chacune incluant un ensemble de demi-tomes. Le Vocabulaire universel, qui selon les intentions de Panckoucke aurait dû orienter le lecteur dans la foule des dictionnaires et en même temps rendre compte du projet philosophique sous-jacent à l’entreprise, n’a en revanche jamais été réalisé.
Si les études de Suzanne Tucoo-Chala Footnote 1 et Robert Darnton Footnote 2 , au cours des années soixante-dix, soulignent respectivement le rôle de Panckoucke dans l’histoire de l’édition et les enjeux liés à cette encyclopédie que son éditeur considérait comme «un superbe ouvrage» Footnote 3 , l’historiographie fait preuve d’un intérêt assez tiède envers l’Encyclopédie méthodique jusqu’au début de ce siècle au moins. Comme en témoigne la bibliographie incluse dans le troisième volume de la présente publication (vol. III, p. 546-547), la première étude monographique est un ouvrage collectif publié à Genève en 2006 Footnote 4 ; avant cette date, seuls des articles étaient disponibles, lesquels étaient significatifs, mais très peu nombreux.
Cette collection d’anthologies, dirigée par Josiane Boulad-Ayoub, s’inscrit dans une série d’études et d’initiatives récentes qui ont contribué à rendre accessible aux lecteurs le contenu de l’Encyclopédie méthodique, certains aspects de son histoire éditoriale et des clefs interprétatives qui en favorisent une lecture critique. Comme indiqué dans l’un des volumes parus, les dictionnaires ici présentés sous forme anthologique seront disponibles dans leur intégralité dans la section destinée à l’Encyclopédie méthodique du site web du projet «American and French Research on the Treasury of the French Language» (ARTFL) de l’Université de Chicago, section actuellement en cours de réalisation sous la direction de Martine Groult (CNRS, France). C’est sous l’égide du même CNRS que Martine Groult et Luigi Delia organisent un atelier consacré à Panckoucke et à l’Encyclopédie méthodique (APEM), en collaboration avec Josiane Boulad-Ayoub de l’Université du Québec à Montréal (UQAM) et Robert Morrissey, directeur du projet ARTFL. À côté de ces initiatives se trouvent des publications sur l’ensemble de la Méthodique Footnote 5 et l’édition de documents relatifs à cet ouvrage publiés à l’époque par Panckoucke Footnote 6 .
Chaque anthologie est organisée sur la base d’une même structure qui subit quelques adaptations en relation aux spécificités du dictionnaire traité. L’introduction générale rédigée par la directrice de la collection est suivie par une introduction particulière de la part du (ou des) directeur(s) du volume en question; nous trouvons ensuite le choix d’articles, parfois annotés, et une riche bibliographie.
Le titre général de la série, La vision nouvelle de la société dans l’Encyclopédie méthodique, annonce la perspective critique choisie comme point d’observation, dont une explication est donnée aux lecteurs dans l’introduction de Josiane Boulad-Ayoub avec laquelle s’ouvre chaque volume (vols. I, II et III, p. 7-26). Si la première partie de l’introduction fournit succinctement les points permettant de situer Panckoucke et l’Encyclopédie méthodique entre l’histoire éditoriale et l’histoire des idées, c’est dans la deuxième partie que le lecteur peut trouver une présentation des lignes éditoriales directrices de cette collection d’anthologies. Comme le titre l’exprime, il s’agit de montrer le rôle de l’encyclopédisme, notamment de l’Encyclopédie méthodique, comme véhicule d’une pensée qui se propose de changer la société à travers la réforme, sinon la révolution. Certains dictionnaires, tels que ceux consacrés à l’Histoire, au Commerce et aux Finances, étant moins significatifs de ce point de vue, ont été exclus de la collection, ainsi que, dans les dictionnaires choisis, les articles moins novateurs ou moins originaux par rapport à leurs sources. Selon la perspective historique qui semble être prédominante, la sélection d’entrées offerte dans chaque anthologie se propose de conjuguer les enjeux du débat actuel dans les domaines investigués avec celui qui était le débat de l’époque sur les mêmes sujets, dans une sorte de lecture à la fois comparatiste et relativiste. L’enracinement de la Méthodique dans l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert, d’un côté, permet de lire à travers les volumes de Panckoucke le passage entre «l’épistème des Lumières et celle dont la Méthodique contribue elle-même à façonner les contours au début du XIXe siècle», et, de l’autre côté, montre «le contraste, sur le plan culturel et politique, entre l’élitisme des Encyclopédies et des Dictionnaires nés sous un régime monarchique et l’accessibilité et les ambitions démocratiques des Encyclopédies et des Dictionnaires postrévolutionnaires» Footnote 7 .
Pour conclure, il n’est pas sans importance de rappeler que cette collection s’appuie sur une série d’études, dont nous avons cité les principales, en même temps qu’elle ouvre vers des travaux qui seront publiés probablement entre 2017 et 2018 : nous nous référons aux anthologies des dictionnaires de Philosophie ancienne et moderne, de Chimie, pharmacie et métallurgie et d’Architecture. Est en outre attendu, pour l’année prochaine, un ouvrage collectif dirigé par Martine Groult, Luigi Delia et Claire Fauvergue qui réunira des articles proposant des lectures transversales des dictionnaires de l’Encyclopédie méthodique.
