Introduction
Au fil des ans, l’Union européenne (UE) a développé une politique commune dans le secteur du transport aérien. Footnote 1 Le résultat de cette politique a conduit l’UE à s’approprier une part importante de la compétence de ses États membres dans ce domaine. Footnote 2 Le Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne Footnote 3 prévoit à son article 4(2) g) que les transports constituent une compétence partagée entre l’UE et ses États membres. Cependant, en développant un acquis législatif au cours des 25 dernières années, l’UE dispose désormais d’une part importante de la compétence qui était autrefois dévolue à ses États membres dans le secteur de l’aviation. Footnote 4 Par exemple, l’UE a instauré le projet de “ciel unique européen,” Footnote 5 applicable à l’ensemble de ses États membres. De plus, elle a développé un corpus règlementaire couvrant un spectre très large dans le domaine de l’aviation, notamment la navigation aérienne, l’environnement, la sécurité, la sûreté, la protection des passagers ou encore la concurrence. Footnote 6 Toutefois, la matérialisation de cette compétence n’est pas parfaitement reflétée dans l’instance décisionnelle internationale la plus importante dans le domaine du transport aérien soit l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI) où elle dispose officiellement d’un statut d’observateur ad hoc.
À cet effet, il faut mentionner que la Convention relative à l’aviation civile internationale (Convention de Chicago) Footnote 7 permet seulement aux États souverains d’y adhérer. Footnote 8 Par conséquent, malgré sa compétence dans le secteur de l’aviation ainsi que sa capacité juridique à adhérer à une organisation internationale, l’UE ne possède pas à l’OACI un statut correspondant à son niveau de compétence. Pour certains, un amendement à la Convention de Chicago permettant aux organisations régionales d’intégration économique (ORIEs) d’adhérer à ladite convention constituerait sans aucun doute la meilleure méthode afin que l’UE puisse bénéficier d’un statut amélioré. Néanmoins, la procédure d’amendement à cet instrument multilatéral est à la fois complexe et très longue. Ainsi, un auteur a même déjà évoqué qu’un éventuel amendement à la Convention de Chicago afin de permettre à l’UE d’obtenir un statut de membre pourrait prendre jusqu’à 20 ans avant d’entrer en vigueur. Footnote 9
Par ailleurs, il n’existe pas non plus à l’OACI de statut d’observateur permanent. En effet, chaque instance, comité ou groupe de travail décide par le biais de son règlement intérieur si elle autorise ou non les observateurs à participer à une de leurs réunions. À titre d’exemple, mentionnons que les règlements intérieurs de l’Assemblée, Footnote 10 du Conseil Footnote 11 et de la Commission de la Navigation aérienne (CNA) Footnote 12 prévoient chacun le statut d’observateur. Dans ces trois cas, les dispositions sur ledit statut sont relativement similaires. En effet, les organisations ou les États non contractants doivent se faire inviter et n’ont ni le droit de vote, ni la possibilité de présenter ou d’appuyer des motions. Ils peuvent cependant généralement intervenir dans les séances plénières et participer à des groupes de travail. Footnote 13 Pour pouvoir être invitées à titre d’observateur, les organisations internationales doivent préalablement être inscrites à une liste établie par le Conseil de l’OACI. Footnote 14
La difficulté que pose la représentation de l’UE n’est pas unique à l’OACI. Plusieurs autres organisations internationales possèdent un cadre institutionnel ne permettant pas à l’UE d’avoir un statut en adéquation avec son niveau de compétence dans un secteur donné. Néanmoins, pour pallier cette difficulté, certaines organisations ont apporté des amendements à leur document constitutif permettant du même coup à l’UE de se joindre à leur organisation.
Ainsi, considérant l’importance de l’UE à l’OACI, notamment en raison de positions ou de projets communs qu’elle y présente, Footnote 15 il semble important de traiter de la question de la représentation de l’UE dans cette agence des Nations Unies. Le présent article vise donc à déterminer quel mode de représentation de l’UE à l’OACI pourrait être le plus convenable et équitable tant du point de vue des intérêts européens que de ceux de l’ensemble des États membres de l’Organisation. Par conséquent, une approche comparative apparaît comme étant la solution la plus efficace afin de déterminer si un modèle de représentation ou un autre peut s’avérer plus approprié.
Cette étude débutera par une analyse du statut de l’UE à l’OACI pour ensuite analyser comment certaines autres agences spécialisées des Nations Unies ont traité de cette question. Ensuite, les cas d’organisations où l’UE possède un statut de membre, que ce soit partagé avec ses États membres ou encore unique, feront l’objet d’un examen. De plus, une recension des différentes propositions ayant été formulées par certains auteurs relativement au statut de l’UE à l’OACI sera effectuée. Enfin, parmi les modèles de représentation de l’UE étudiés, un bref examen de chacun d’entre eux sera proposé de manière à déterminer s’il y en a un plutôt qu’un autre qui pourrait être transposé à l’OACI.
le statut de l’ue à l’oaci et dans certaines autres agences des nations unies
La présente partie vise à analyser le statut actuel de l’UE à l’OACI, ainsi que celui qu’elle possède dans certaines autres agences spécialisées des Nations Unies. De plus, il sera examiné en quoi pour un auteur, le statut d’observateur de l’UE au sein d’agences onusiennes peut s’apparenter à celui d’un membre à part entière.
le statut de l’ue à l’oaci
La reconnaissance de l’UE à l’OACI a évolué de manière graduelle au fil des dernières décennies. Ainsi, suite à une demande de la Commission européenne, l’UE apparaît depuis 1989 Footnote 16 sur la Liste des organisations internationales pouvant être invitées afin de participer à des réunions de l’OACI. Footnote 17 La présence de la Commission sur cette liste lui permet d’assister aux diverses réunions des organes de l’OACI, ainsi qu’à certaines réunions de groupes d’experts. Cependant, avec ce statut, l’UE ne dispose toujours pas du droit de vote ou encore de la possibilité de négocier des accords. Footnote 18 Par conséquent, en étant inscrite sur ladite liste, l’UE dispose à l’OACI d’un statut d’observateur dans les réunions et conférences pouvant la concerner. Footnote 19 Pour que l’UE puisse assister à une réunion d’une instance ou d’un groupe de travail en particulier, le Règlement intérieur de cettedite instance ou cedit groupe de travail doit autoriser expressément le statut d’observateur. Par conséquent, le statut d’observateur de l’UE à l’OACI n’est pas permanent et ne tire pas son origine de la Convention de Chicago. Ainsi, l’UE peut être soit invitée ou encore doit faire la demande auprès de l’OACI à chaque fois qu’elle souhaite assister aux réunions pour lesquelles elle possède un intérêt. Cette manière de procéder permet à l’OACI de conserver une grande souplesse ainsi qu’un caractère non officiel dans ses relations avec d’autres organisations internationales. Footnote 20
Bien que l’UE ait déjà manifesté son intérêt à ce que la Convention de Chicago soit amendée afin de permettre l’adhésion des ORIEs, il semble qu’il y ait pour l’instant une absence d’appétit pour cette question de la part des États membres de l’OACI. Footnote 21 Par conséquent, afin de régulariser autant que possible son statut, l’UE et l’OACI ont établi entre elles au fil des ans divers protocoles de coopération. Le plus récent d’entre eux a été signé en 2011. Footnote 22 Ce Protocole UE-OACI en complète un autre signé en 2008 et permet le renforcement de la collaboration entre les deux parties notamment dans les domaines de la sécurité, de la sûreté, du contrôle du trafic aérien ainsi que de la protection de l’environnement. Footnote 23 Enfin, les dispositions générales du Protocole UE-OACI précisent que cette entente ne porte pas préjudice aux droits et obligations des États membres de l’UE en vertu de la Convention de Chicago, ainsi que de la relation entre l’OACI et les États membres de l’UE. Footnote 24 Pour Loïc Grard, ledit protocole ne laisse présager en rien l’adhésion de l’UE à l’OACI. Footnote 25 En effet, selon cet auteur, les accords de coopération entre l’UE et l’OACI “[f]orment l’aveu d’une coopération durable sur la base de solutions juridiques hybrides.” Footnote 26
Considérant les difficultés que poserait la négociation d’un amendement à la Convention de Chicago, ainsi que ses faibles possibilités de succès à court terme, l’UE a tout de même souhaité affirmer davantage sa présence à l’OACI. Pour y parvenir, elle a misé sur une représentation institutionnelle permanente. À cet effet, en septembre 2005, la Commission européenne a ouvert un bureau à Montréal afin de coordonner ses relations avec l’OACI. Footnote 27 Ledit bureau fait partie intégrante de la structure organisationnelle de la délégation de l’UE à Ottawa. Footnote 28 Il est composé d’un chef de bureau qui est un diplomate de la Commission européenne ainsi que d’un représentant de l’Agence européenne de la sécurité aérienne. Le rôle principal de ce bureau est d’assurer une coordination effective des positions européennes à l’OACI. Pour y parvenir, des réunions de coordination précèdent les réunions présentant un intérêt pour l’UE. Lors de cette coordination, les discussions peuvent porter sur la stratégie à adopter relativement à la présentation de Notes de travail par les États membres, ou encore l’État qui s’exprimera sur un sujet particulier lors d’une session d’une instance quelconque de l’OACI. Par ailleurs, ces réunions de coordination peuvent permettre la concertation entre les États membres de l’UE sur des questions de nature politique pouvant avoir un lien avec l’OACI. En outre, puisque l’UE détient un statut d’observateur ponctuel dans les réunions qui la concernent, l’État membre qui intervient en son nom est l’État détenant la présidence de l’UE durant l’année en cours et occupant un siège au Conseil de l’OACI. Footnote 29 Par conséquent, cedit État est donc appelé à représenter l’UE sur des questions précises. Dans l’hypothèse où un dossier sensible pourrait affecter l’UE, le Président du Conseil de l’OACI s’adresserait directement à cet État tout en invitant le représentant permanent de la Commission européenne à l’OACI.
le statut d’observateur de l’UE dans certaines autres agences des nations unies
Certaines agences spécialisées des Nations Unies ont développé de manière similaire à l’OACI un protocole permettant à l’UE ou à la Commission européenne d’assister à titre d’observateur aux réunions qui la concerne. À cet effet, un auteur est d’avis que ce statut d’observateur de l’UE dans certaines agences onusiennes équivaudrait à un statut de “pleine participation.” Par conséquent, il serait pertinent de déterminer s’il est possible d’appliquer cette théorie au statut actuel de l’UE à l’OACI. Cependant, avant d’entreprendre cette analyse, il s’avère nécessaire d’étudier brièvement la représentation de l’UE dans certaines autres agences spécialisées des Nations Unies, soit l’Organisation internationale du Travail (OIT), l’Organisation maritime internationale (OMI), l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) ainsi que l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO). Ces quatre agences spécialisées ont été retenues pour la présente section à la fois en raison de leur importance, ainsi que du niveau de représentation de l’UE. Enfin, signalons que l’OMI a été retenue en raison de la proximité de son mandat avec celui de l’OACI.
L’OIT
La coopération entre l’UE et l’OIT a débuté officiellement en 1958. Footnote 30 Cependant, ce n’est que depuis 1989 que l’UE bénéficie d’un réel statut d’observateur dans cette organisation. Footnote 31 À cet effet, l’article 12 de la constitution de l’OIT prévoit que celle-ci peut entretenir des relations avec d’autres organisations internationales pour autant qu’elles aient un lien avec son mandat. Footnote 32 Bien que la constitution de cette organisation ne prévoie pas de disposition visant le statut d’observateur permanent, l’UE est tout de même reconnue à titre d’observateur sans droit de vote Footnote 33 par cette agence spécialisée des Nations Unies. Footnote 34 Le statut dont bénéficie l’UE à l’OIT est relativement semblable à son statut actuel à l’OACI. En effet, il est permis à l’UE, par l’entremise de la Commission européenne, de pouvoir intervenir et participer dans les conférences de l’OIT. Footnote 35 Il est en outre permis à l’UE d’assister aux réunions à la fois des instances exécutives et plénières de l’OIT. Footnote 36 Un auteur a même souligné que le statut actuel conféré à l’UE fait en sorte que celle-ci peut s’exprimer dans les réunions de l’instance exécutive de l’OIT plus facilement qu’un État qui serait membre à part entière de cette organisation, mais ne siégeant par sur ladite instance. Footnote 37
Le statut dont bénéficie l’UE à l’OIT a déjà fait l’objet de certains différends avec les États membres de l’UE relativement au partage des compétences. En effet, la Cour de justice de l’Union Européenne (CJUE) avait dû se prononcer afin de déterminer si l’UE était compétente pour ratifier la Convention n° 170 portant sur les produits chimiques. Footnote 38 Ladite convention relevait d’une compétence partagée entre l’UE et ses États membres. Footnote 39 À cet effet, la CJUE avait déterminé que la compétence externe de l’UE pouvait “[ê]tre exercée par l’intermédiaire des États membres agissant solidairement dans l’intérêt de la Communauté.” Footnote 40 De plus, l’opinion stipulait que s’il n’était pas possible pour l’UE, en vertu de l’état du droit international, de pouvoir contracter elle-même une convention de l’OIT, ses États membres devaient contracter eux-mêmes ladite convention en leur qualité d’agents de l’UE. Footnote 41 Par conséquent, bien que l’UE ne puisse obtenir la qualité de membre à l’OIT, ses États membres sont dans l’obligation de la représenter afin qu’elle soit en mesure de faire valoir sa compétence externe dans ce domaine. Footnote 42 Cependant, malgré l’opinion de la CJUE, les États membres de l’UE n’ont finalement jamais ratifié ladite convention et le processus de ratification a donc été bloqué. Footnote 43 Ce dernier exemple permet sans aucun doute d’apprécier les limites du statut d’observateur de l’UE dans une organisation.
L’OMI
Tout comme dans le secteur de l’aviation, l’UE a développé un cadre règlementaire très étendu dans le domaine maritime et a une compétence dans ce secteur. Footnote 44 L’UE a établi des relations avec l’OMI depuis 1983. Footnote 45 La Commission européenne est reconnue dans cette organisation à titre d’observateur sans droit de vote. Footnote 46 À cet égard, elle y a même un représentant en poste. Footnote 47 La Commission a déjà évoqué la possibilité que l’UE puisse y accéder à titre de membre de cette organisation. Footnote 48 Cependant, il semble qu’elle rencontre dans cette organisation le même type de difficultés institutionnelles qu’à l’OACI, notamment en raison de la rigidité de la procédure d’amendement au document constitutif de l’OMI. Footnote 49 En outre, le statut de l’UE semble un peu moins avancé que celui qu’elle détient à l’OACI. En effet, seulment une convention permet à l’UE de pouvoir en être partie soit la Convention relative au transport par mer de passager et de leurs bagages de 1974. Footnote 50
L’OMS
La constitution de l’OMS permet la qualité de membres seulement aux États Footnote 51 et ne prévoit pas non plus de dispositions spécifiques relativement au statut d’observateur. Footnote 52 Néanmoins, il existe dans les règlements intérieurs de certaines instances de cette organisation, des dispositions permettant le statut d’observateur. Footnote 53 À cet effet, l’UE a obtenu, à la suite d’un échange de lettres, le statut d’observateur à l’OMS en 1982. Footnote 54 Ainsi, l’UE est généralement invitée à participer aux réunions des instances plénière et exécutive de l’OMS, ainsi qu’à celles de divers comités régionaux. Footnote 55 Cependant, cette participation active de l’UE à l’OMS est relativement récente, notamment en raison de certains problèmes de coordination entre l’UE et ses États membres, mais également parce que la matérialisation de la compétence de l’UE dans ce domaine n’était pas aussi affirmée qu’aujourd’hui. Footnote 56 Néanmoins, l’UE a joué un rôle important lors des négociations de la Convention-cadre pour la lutte antitabac (1999–2003) Footnote 57 et du Règlement sanitaire international (2003–05). Footnote 58 En effet, l’Assemblée de l’OMS avait à l’époque invité l’UE à participer aux travaux en vue de la conclusion de cesdits instruments. Footnote 59 L’UE est même devenue partie à la Convention-cadre pour la lutte antitabac. Footnote 60
L’UNESCO
La constitution de l’UNESCO prévoit certaines dispositions relatives au statut d’observateur. Footnote 61 Il y est spécifié que sous réserve d’un vote des deux tiers de la Conférence générale, et sur recommandation du Conseil exécutif, des représentants d’organisations internationales peuvent être invités. Footnote 62 Ainsi, à la suite d’un échange de lettres, l’UE possède depuis 1964 un statut d’observateur sans droit de vote à l’UNESCO. Footnote 63 L’UE participe aux réunions pouvant relever de sa compétence tant dans les instances plénière et exécutive de cette organisation. Footnote 64
En raison de sa compétence dans les activités relevant du mandat de l’UNESCO, l’UE est sans contredit un observateur très actif dans cette organisation. Néanmoins, son statut a fait l’objet de quelques débats depuis 1964. En effet, lors d’une réunion en 1976 d’un groupe d’experts gouvernementaux portant sur la rédaction du Protocole additionnel à l’Accord pour l’importation d’objets de caractère éducatif, scientifique ou culturel de 1950, la Commission ainsi que les États membres présents souhaitaient que l’UE puisse proposer des amendements de sa propre initiative. Footnote 65 Cette proposition a cependant été rejetée puisqu’elle était incompatible avec le statut d’observateur octroyé à l’UE. Footnote 66 Ainsi, les amendements proposés par l’UE lors de cette conférence ont été dès lors présentés par l’État occupant la présidence de l’UE. Footnote 67 Néanmoins, en 2005, en vue des négociations ayant conduit à la Convention sur la diversité culturelle, le statut que s’est fait octroyer l’UE était cependant bien différent. En effet, l’instance exécutive de l’UNESCO avait alors décidé que l’UE serait invitée à participer activement lorsqu’approprié aux négociations de ladite convention. Footnote 68 Ce statut ne conférait pas le droit de vote, mais permettait cependant à l’UE de soulever des points de procédure. Footnote 69 Enfin, mentionnons qu’une auteure souligne qu’en raison du mandat de l’UNESCO, le statut d’observateur conféré à l’UE ne lui porterait pas préjudice dans la sauvegarde de ses intérêts au sein de cette organisation. Footnote 70
au-delà du statut d’observateur
La notion de “pleine participation”
Tout comme à l’OACI, l’UE ne semble pas être un observateur au sens classique du terme dans les agences des Nations Unies étudiées dans la section précédente. En effet, l’UE est active, que ce soit par sa participation dans les différentes instances ou encore lors de l’élaboration de conventions internationales. À cet effet, Frank Hoffmeister est même d’avis qu’à l’OACI, l’UE détiendrait un statut similaire aux membres de cette organisation, à l’exception du droit de vote. Footnote 71 En outre, cet auteur est d’avis qu’un statut de “pleine participation” Footnote 72 est également dévolu à l’UE dans d’autres agences des Nations Unies, soit l’UNESCO, l’OMS et, dans une certaine mesure, à l’OIT lors de négociation de conventions internationales. Footnote 73 Cette notion de “pleine participation” a été utilisée pour la première fois en 1992 lorsque l’UE s’était fait octroyer un tel statut lors des négociations à la Conférence des Nations Unies sur l’environnement et le développement ayant eu lieu à Rio de Janeiro. Footnote 74 Afin d’illustrer cette notion de “pleine participation” de l’UE, on réfère souvent à la déclaration prononcée par le délégué de la Grande-Bretagne à la suite de la décision prise par l’instance exécutive de l’UNESCO d’inviter l’UE à participer au processus d’élaboration de la Convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles de 2005:
[T]he decision just adopted refers to active participation of the European Community as fully as appropriate. The European Union considers that this active participation shall consist within the negotiation of the convention of the ability to speak as other participants. Such active participation shall also consist of the ability to reply, to put forward proposals and amendments on issues for which it has competence at the formal meetings. It shall also include the ability to take part in the discussion of procedural issues within the context of the draft cultural diversity convention and the ability to take part in the committees, working groups, formal or informal meetings set up in the course of the work relating to negotiation of this convention. The European Community shall have its own nameplate. The European Community may not chair committees or subcommittees or serve as Rapporteur unless there is full consensus. The European Community shall not have the right to vote nor break or block consensus. Furthermore, European Community participation does not mean an additional voice. Indeed, the European Community decides in internal coordination whether the Presidency of the Council will speak on an issue on behalf of the Member States or whether the Commission will speak in matters of its competence on behalf of the Community and its Member States. During this process we have been open to providing further explanations concerning competences of the Community as regards the draft convention whenever it speaks. We will continue to do so. Footnote 75
Au point de vue du droit international, il n’est pas tout à fait clair quelle instance dans une organisation internationale peut légitimement être autorisée à conférer un tel statut à l’UE. Footnote 76 Néanmoins, cette déclaration permet de mieux saisir la portée du pouvoir d’observateur pouvant être conféré à l’UE dans le cas de certaines réunions ou conférences. Dans tous les cas, il serait juste d’affirmer que la théorie mise de l’avant par Frank Hoffmeister semble effectivement près de la réalité à l’OACI ainsi que dans certaines autres agences spécialisées des Nations Unies, étudiées précédemment. Footnote 77
La “pleine participation” de l’UE à l’OACI
Ainsi, Frank Hoffmeister est d’avis que le statut dont dispose actuellement l’UE à l’OACI est assimilable à celui conféré aux membres à part entière de l’organisation, sous réserve du droit de vote. Footnote 78 À cette fin, cet auteur fait référence à la notion de “pleine participation” de l’UE à l’OACI. En effet, sans être reconnue officiellement à titre de membre ou même d’observateur par la Convention de Chicago, l’UE est en mesure de participer aux différentes réunions et groupes de travail pouvant relever de sa compétence, par le biais des règles de procédures internes des principales instances. De plus, l’UE a renforcé sur une base bilatérale sa coopération avec l’OACI à plusieurs égards notamment par l’entremise d’un protocole de coopération. Également, l’UE a par le passé été en mesure d’adhérer à des conventions multilatérales spécifiques de droit aérien. Par conséquent, dans la mesure où la coordination orchestrée par la Commission européenne avec les États membres de l’UE est préalablement effectuée de manière adéquate, il serait possible d’affirmer que l’UE bénéficie indirectement d’un statut pouvant même se situer au-delà de la “pleine participation.” En effet, en raison du nombre important d’États qui la compose, l’influence de l’UE dans chacune des principales instances de l’OACI est théoriquement plus importante que celle des autres membres de cette organisation. Footnote 79 Ainsi, l’UE n’a peut-être pas un droit de vote direct, mais elle dispose cependant de la totalité des votes de ses États membres dans chacune des instances.
conclusion
Dans la présente partie, un bref examen du statut d’observateur de l’UE dans certaines autres agences spécialisées des Nations Unies a été effectué. Il a été possible de constater que l’UE est un “observateur très actif” Footnote 80 dans plusieurs de ces organisations. L’UE peut même dans certains cas être appelée à jouer un rôle assimilable, à l’exception du droit de vote, à celui conféré aux membres d’une organisation comme ce fut le cas notamment lors des négociations entourant l’adoption de la Convention sur la diversité culturelle de 2005, faite sous l’égide de l’UNESCO. En outre, une analyse de la notion de “pleine participation” telle qu’évoquée par Frank Hoffmeister a été effectuée. Sans pour autant se prononcer sur le statut de l’UE dans d’autres organisations, l’hypothèse que l’UE bénéficierait à l’OACI d’un statut pouvant aller, dans une certaine mesure, au-delà de la “pleine participation” a été avancée.
Enfin, certains pourraient affirmer qu’il est assez particulier que l’UE puisse se faire octroyer autant de reconnaissance avec un statut d’observateur ad hoc. Néanmoins, d’autres pourront certainement répondre à cette affirmation que l’UE n’est pas un observateur ordinaire en ce sens qu’elle ne défend pas les intérêts d’un lobby privé comme l’Association internationale du transport aérien par exemple.
L’adhésion de l’UE aux organisations internationales
La présente partie vise à étudier certaines organisations internationales au sein desquelles l’UE possède un statut de membre. Ainsi, deux organisations auxquelles l’UE a adhéré de manière partagée avec ses États membres feront l’objet d’un examen. De plus, une analyse du modèle de représentation d’une organisation où l’UE possède la qualité de membre unique, c’est-à-dire où elle occupe le statut de membre, sans pour autant que ses États membres y soient également représentés sur une base individuelle sera effectué. Cependant, avant d’aborder cette étude de cas où l’UE détient un statut de membre de jure, il apparaît opportun d’étudier le cas d’une organisation où l’UE détenait un statut de membre de facto, c’est-à-dire où elle agissait comme si elle était membre sans pour autant en être un.
l’adhésion de facto de l’ue
Principes
L’adhésion de facto ne constitue pas une véritable adhésion au sens strict puisque l’UE n’est pas signataire d’une quelconque convention. Footnote 81 Il s’agit plutôt d’un statut intermédiaire qui pourrait se situer à mi-chemin entre l’adhésion et le statut d’observateur détenant une “pleine participation.” Par conséquent, même si ce statut n’est pas par définition une adhésion au sens classique du terme, certains éléments correspondant à l’adhésion s’y retrouvent et c’est la raison pour laquelle il semblait opportun de retenir ce modèle. À cet effet, le modèle de représentation que l’UE détenait dans le cadre des travaux du défunt General Agreement on Tariffs and Trade (GATT) sera étudié. Footnote 82
GATT
L’UE disposait d’une présence importante au sein du GATT notamment en raison de sa compétence en matière commerciale. Footnote 83 Ainsi, elle avait succédé à ses États membres dans le cadre des travaux de cette organisation. Footnote 84 À cet effet, l’UE exerçait le droit de vote au nom de ses États membres et disposait d’un nombre de voix équivalent à celui de ses États membres ayant adhéré au GATT. Footnote 85 En outre, l’UE pouvait elle-même négocier et être partie à certains accords préparés sous l’égide du GATT. Footnote 86 Par ailleurs, la coordination des positions européennes était relativement simple. En effet, le Conseil donnait ses directives à la Commission qui ensuite négociait avec un groupe dénommé le “Comité 113,” Footnote 87 composé principalement d’experts provenant des différents États membres de l’UE. Footnote 88 Afin que l’UE puisse être liée aux résultats de ces négociations, ceux-ci devaient être approuvés par le Conseil. Footnote 89
L’UE détenait donc dans le GATT un rôle de membre de facto et non de jure comme c’est le cas à l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) ou à l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Footnote 90 Cependant, les accords adoptés par l’UE dans le cadre des travaux du GATT étaient juridiquement contraignants pour les États membres, à la suite d’une décision de la CJUE remontant à 1972. Footnote 91 Néanmoins, l’UE n’était pas liée directement au GATT comme pouvaient l’être ses États membres. Footnote 92 Enfin, suite à la mise en place du cycle de l’Uruguay, la Commission européenne a été autorisée à négocier, au nom de ses États membres, l’accord ayant conduit à la mise en place l’OMC. Footnote 93
l’adhésion partagée de l’ue et de ses états membres
Il existe plusieurs organisations internationales au sein desquelles l’UE détient un statut de membre qui s’exerce de manière partagée avec ses États membres. Ainsi, l’UE dispose d’un statut de membre à la Conférence de droit international privé de La Haye, à la Banque européenne pour la reconstruction et le développement, à la Commission CODEX Alimentarius pour les Normes alimentaires internationales, à la FAO ainsi qu’à l’OMC. Footnote 94 Cependant, aux fins de cette étude, seule la présence de l’UE dans les deux dernières organisations mentionnées fera l’objet d’un examen. Ainsi, la FAO a été retenue, car il s’agit de la seule agence des Nations Unies dans laquelle l’UE a la qualité de membre. Par ailleurs, bien que l’OMC n’appartienne pas au système onusien, l’UE est un membre important de cette organisation et son adhésion est souvent perçue comme un modèle de réussite.
La FAO
L’adhésion de l’UE
L’UE est devenue membre de la FAO le 26 novembre 1991, à la suite d’un amendement à l’Acte constitutif de cette organisation. Footnote 95 En effet, quelques jours auparavant, soit le 18 novembre 1991, la Conférence ministérielle de cette organisation s’était réunie afin d’adopter un amendement permettant l’adhésion des ORIEs à la FAO. Footnote 96 Des procédures permettant à l’UE de devenir partie à la FAO avaient été initiées dès 1978, cependant ce n’est qu’en 1989 que les véritables négociations ont débuté. Footnote 97 Auparavant, l’UE disposait à la FAO d’un statut d’observateur élargi de manière semblable à celui dont elle dispose dans les organisations ayant fait l’objet d’une étude dans le précédent titre de ce mémoire. Footnote 98 Cette participation à titre d’observateur sans droit de vote avait initialement été prévue par un échange de lettres remontant à 1962. Footnote 99
Le fonctionnement
L’amendement adopté en novembre 1991 permet aux ORIEs d’accéder à la FAO, Footnote 100 sous réserve de l’approbation du deux tiers des suffrages exprimés par une majorité de membres de ladite organisation. Footnote 101 Lors du dépôt de ses instruments de ratification, une ORIE doit également faire la preuve qu’elle possède une déclaration de compétence provenant de ses États membres précisant les questions pour lesquelles une compétence a été transférée à l’ORIE. Footnote 102 En outre, l’amendement prévoit une présomption selon laquelle les États membres d’une ORIE sont réputés conserver leur compétence concernant toutes les matières n’ayant pas été mentionnées spécifiquement dans la déclaration. Footnote 103 L’exercice des droits entre une ORIE et ses États membres à la FAO s’effectue en alternance, en fonction de la compétence de l’une ou de l’autre lors des réunions ou conférences. Footnote 104 Ainsi, lorsqu’un vote est tenu, l’ORIE dispose d’un nombre de voix équivalent à celui de ses États membres habiletés à voter lors de la réunion en question. Footnote 105 Il va sans dire que lorsqu’une ORIE est habile à voter, ses États membres ne sont pas autorisés à exercer ce droit. Footnote 106
En pratique, une seconde déclaration de compétence est établie avant chacune des réunions de la FAO afin de déterminer pour chaque item de l’ordre du jour qui, entre l’UE ou les États membres, dispose de la compétence nécessaire et par la même occasion qui exercera le droit de vote. Footnote 107 Ainsi, dans le cas d’une compétence partagée entre l’UE et ses États membres, l’exercice du droit de vote dépendra de l’adoption ou non d’une position commune. Dans le cas où une telle position n’est pas adoptée, les États membres demeurent libres de voter comme ils le souhaitent. Footnote 108 Cependant, dans l’hypothèse où une position commune est adoptée, il doit être établi exactement où loge le fond de la question en jeu, dépendant de s’il s’agit d’une compétence de l’UE ou encore de celle de ses États membres. Footnote 109 La problématique du partage des compétences à la FAO a conduit l’UE et ses États membres à certains différends, dont un ayant dû être tranché par la CJUE. Footnote 110
En ce qui a trait à la contribution financière de l’UE à la FAO, mentionnons que l’UE n’est pas tenue de contribuer au budget régulier de cette organisation. Celle-ci paie un montant forfaitaire déterminé par la Conférence de la FAO, qui permet de couvrir les différents coûts liés à sa qualité de membre. Footnote 111 Cependant, l’UE contribue à environ dix pour cent du budget total des programmes extérieurs de la FAO. Footnote 112
Enfin, le statut de membre de l’UE à la FAO comporte certaines limitations notamment qu’elle n’est pas autorisée à participer à certains comités restreints de cette organisation, soit le comité financier, le comité du programme, ainsi que le comité des questions constitutionnelles et juridiques. Footnote 113
Un test concluant?
La FAO avait initialement été ciblée un peu à titre de laboratoire, afin d’expérimenter ce à quoi pourrait ressembler l’adhésion de l’UE dans une agence spécialisée des Nations Unies. Footnote 114 Cependant, près de 25 ans après l’adhésion de l’UE, il semble que son statut de membre-organisation “[n’]est pas sans poser quelques problèmes.” Footnote 115 Par exemple, la présence de l’UE a créé une lourdeur administrative supplémentaire en raison des nombreuses déclarations de compétences que l’UE doit compléter avant chaque réunion pouvant la concerner. Footnote 116 À cet effet, la Commission mentionnait dans une communication en 2013 que les déclarations de compétence à la FAO “[d]onnent constamment lieu à de longues discussions sur la répartition des compétences.” Footnote 117 En outre, la plupart des États membres de l’UE maintiennent des délégations avec un personnel diplomatique, ce qui entraîne un dédoublement de fonctions avec le personnel de la délégation de l’UE. Footnote 118 Ainsi, seulement quelques années après l’adhésion de l’UE à la FAO, un auteur concluait qu’il n’y avait pas forcément d’avantages pour l’UE à adhérer à une organisation à moins que cela ne se produise sous une base juridique différente ou encore dans un cas où l’UE aurait une compétence exclusive dans un domaine. Footnote 119 Enfin, considérant les limitations du statut de membre-organisation de l’UE à la FAO et considérant la participation financière de l’UE et de son importance dans la gouvernance de cette organisation, la Commission était d’avis que lesdites limitations entravaient sa capacité à participer pleinement aux travaux de l’organisation. Footnote 120
L’OMC
L’adhésion de l’UE
Le premier paragraphe de l’article XI de l’Accord de Marrakech instituant l’OMC prévoit que les parties contractantes au GATT de 1947, ainsi que les Communautés européennes, sous réserve de certaines conditions, constituent les Membres originels de l’OMC. Footnote 121 Ainsi, contrairement à la FAO, il n’y a pas de clause spécifique portant sur l’adhésion des ORIEs. Une procédure d’adhésion pour tout “[t]erritoire douanier distinct jouissant d’une entière autonomie dans la conduite de ses relations commerciales extérieures” est cependant prévue dans ledit accord. Footnote 122 Par conséquent, à l’OMC les états et les territoires douaniers semblent être sur le même pied d’égalité. Footnote 123
Le fonctionnement
La prise de décision à l’OMC se fait généralement sous la forme d’un consensus. Cependant, dans l’hypothèse où un vote doit être tenu, de manière similaire à la FAO, l’UE dispose d’un nombre de votes ne pouvant dépasser celui de ses États membres. Footnote 124 En pratique, dans les différentes réunions à l’OMC, la délégation de l’UE prend presque tout le temps la parole et non pas ses différents États membres. Footnote 125 Cependant, les États membres de l’UE peuvent s’exprimer notamment lorsqu’il est question de la loi d’un état en particulier, de questions liées à la propriété intellectuelle ou encore lors de certains comités comme celui du budget. Footnote 126 Ainsi, contrairement à la situation pouvant prévaloir à la FAO, il ne semble pas y avoir à l’OMC de lourdeur administrative avant chaque réunion afin de déterminer qui de l’UE ou des États membres est compétent dans une matière donnée. L’UE est également habile à pouvoir participer aux négociations ainsi qu’à adhérer à certains accords préparés par l’OMC. Footnote 127 À cet effet, l’UE est même membre de certains de ces accords de manière unique c’est-à-dire sans que ses États membres n’y soient également partis. Footnote 128 Enfin, malgré certaines difficultés pratiques ayant pu survenir entre l’UE et ses États membres depuis la création de l’OMC, Footnote 129 l’adhésion à cette organisation est généralement perçue comme une réussite, Footnote 130 d’autant plus que l’UE y est considérée comme un membre important. Footnote 131
l’adhésion unique de l’ue dans les organisations internationales
Le critère de la compétence exclusive
À l’exception de la FAO, l’UE n’est membre d’aucune autre agence spécialisée des Nations Unies. Footnote 132 Par conséquent, il n’y a donc pas de précédent dans le système onusien où l’UE bénéficierait d’un statut de membre unique. Footnote 133 Cependant, l’UE dispose d’un tel statut dans certaines organisations internationales dont les activités sont en lien avec l’une de ses compétences exclusives. À titre d’exemple, l’UE possède une compétence exclusive dans le domaine des pêcheries Footnote 134 et par conséquent est membre unique de plusieurs organisations œuvrant dans ce secteur. Footnote 135 Ainsi, dans la prochaine sous-section un bref examen du statut de l’UE au sein de l’une des principales organisations œuvrant dans le domaine de la pêche, soit l’Organisation des pêches de l’Atlantique nord-ouest (OPANO), sera effectué.
L’Organisation des pêches de l’Atlantique nord-ouest
À la suite de l’extension des limites de pêche à 200 milles par l’ensemble des États côtiers du nord-ouest de l’océan Atlantique au début de l’année 1977, il a été décidé de créer une nouvelle organisation devant remplacer la Commission internationale des pêches de l’Atlantique Nord-Ouest. Footnote 136 Ainsi, la Convention sur la future coopération multilatérale dans les pêches de l’Atlantique nord-ouest signée à Ottawa en 1978 institue l’OPANO. Footnote 137 Cette organisation est composée de treize membres, dont l’UE. À la différence de la FAO ou de l’OMC, l’UE est membre unique de cette organisation, à l’exception de la France qui représente les îles St-Pierre et Miquelon ainsi que du Danemark qui représente le Groenland et les îles Féroé. Footnote 138
Au sein de l’OPANO, l’UE dispose de la pleine reconnaissance à titre de membre, ce qui se traduit notamment par le droit de vote Footnote 139 et la possibilité de présider des comités. Footnote 140 Les États membres de l’UE ayant un intérêt pour diverses réunions ou divers groupes de travail de cette organisation peuvent être présents lors de ces travaux. Cependant, ils agissent en qualité de conseillers à la délégation de l’UE et ne sont pas autorisés à prendre la parole, représenter l’UE ou encore leur État respectif. Footnote 141 Même si l’UE est membre unique de cette organisation, elle procède à une coordination avec ses États membres avant les réunions de l’OPANO. Footnote 142 Afin qu’une résolution de l’OPANO puisse entrer en vigueur, une décision du Conseil adoptée à la majorité des États membres de l’UE est requise. Footnote 143 Par conséquent, la coordination préalable se doit d’être efficace sinon les décisions prises à l’OPANO ne seront pas respectées par les États membres. L’UE participe au financement de l’OPANO de la même manière que les autres membres de cette organisation. Footnote 144 Enfin, la représentation de l’UE à l’OPANO est généralement considérée comme étant un succès. Footnote 145
conclusion
Cette seconde partie a permis d’analyser la présence de l’UE dans certaines organisations internationales, que ce soit à titre de membre partagé avec ses États membres de l’UE ou encore à titre de membre unique. Il est donc possible d’observer que le modèle de la FAO semble faire l’objet de certaines critiques. À l’opposé, le modèle de représentation établi à l’OMC apparaît plus efficace. En outre, il a été question de la représentation unique de l’UE dans une organisation ayant un mandat portant sur l’une de ses compétences exclusives. Ainsi, le modèle de représentation mis en place à l’OPANO est efficace dans la mesure où une coordination structurée est assurée entre l’UE et ses États membres préalablement à chacune des réunions de cette organisation.
Vers une nouvelle représentation de l’ue à l’oaci?
Avec le développement de la politique commune des transports en Europe, certains auteurs de doctrine ont soulevé, au fil des ans, l’hypothèse qu’il pourrait être opportun pour l’UE de bénéficier d’un statut renouvelé à l’OACI. Par conséquent, il semblait approprié de présenter dans cette section une revue de la doctrine provenant de différents auteurs s’étant prononcés relativement à la reconnaissance de l’UE à l’OACI. Enfin, une analyse de chaque modèle de représentation étudié dans les deux précédents titres sera effectuée de manière à déterminer leur possible applicabilité à l’OACI.
propositions d’auteurs
Le Besoin D’un Nouveau Modèle
En 1990, Ludwig Weber écrivait que dans l’éventualité où l’UE deviendrait compétente dans les domaines de la Convention de Chicago, il serait envisageable qu’elle doive être associée aux travaux de l’OACI par le biais de la double représentation. Footnote 146 Essentiellement, cet auteur suggérait qu’un représentant de la Commission européenne puisse être invité à assister aux sessions de l’Assemblée et de ses diverses commissions, ainsi qu’aux différents comités et autres instances de l’OACI. Footnote 147 En outre, sur le même sujet, cet auteur mentionnait plus récemment qu’il serait souhaitable pour l’OACI de parvenir à un consensus sur la participation de l’UE, car dans le futur d’autres groupes régionaux pourraient atteindre un niveau élevé d’intégration dans le domaine du transport aérien et seraient alors à la recherche d’un statut renouvelé au sein de l’organisation. Footnote 148
Toujours en 1990, P.P.C. Haanappel était d’avis que plusieurs modèles de représentation de l’UE dans les organisations internationales ayant comme objet l’aviation pourraient être envisagés et que ceux-ci seraient évolutifs. Footnote 149 Sans mentionner spécifiquement l’OACI, l’auteur concluait que l’UE pourrait passer d’un statut à l’autre allant de la pleine participation, à l’adhésion commune ou unique en fonction du développement de sa politique commune du transport aérien ainsi que de sa compétence dans ce secteur. Footnote 150 Cet auteur concluait donc qu’il n’y avait pas comme tel un modèle de représentation mieux qu’un autre, il était donc préférable d’appliquer celui qui, selon les circonstances, semblait le plus adapté. Footnote 151
En 1991, Andreas Loewenstein était d’avis qu’un amendement à la Convention de Chicago permettant à l’UE d’adhérer à l’OACI ne devrait pas être formellement exclu. Footnote 152 En outre, cet auteur était d’avis que considérant le développement de la politique commune des transports aériens dans l’UE, il se pourrait que l’UE en vienne à développer un statut de membre de facto à l’OACI. Footnote 153 L’année du cinquantième anniversaire de la Convention de Chicago, Michael Milde évoquait la possibilité d’amender la Convention de Chicago afin de permettre aux ORIEs d’y adhérer. Footnote 154
La même année, Jacques Ducrest écrivait que dans l’éventualité où l’UE en viendrait à obtenir de ses États membres l’ensemble des compétences relevant des matières appartenant au mandat de l’OACI, un amendement à la Convention de Chicago serait alors selon lui nécessaire afin de prévoir l’adhésion des organisations internationales. En outre, cet auteur était d’avis que, considérant les difficultés d’amender ladite convention, la meilleure solution pour l’UE en attendant la pleine reconnaissance serait de participer à titre de membre de facto de l’OACI, de manière semblable à la participation de l’UE dans le défunt GATT. Footnote 155 Ainsi, pour cet auteur, cette méthode permettrait à l’UE d’exprimer les voix de ses États membres et serait en mesure de faire la promotion d’une politique européenne commune tout en essayant de tenir un rôle unificateur au sein de l’OACI, sans pour autant être membre de l’organisation. Footnote 156 Néanmoins, cet auteur était d’avis que cette solution ne serait que transitoire considérant l’importance toujours grandissante de la participation de l’UE dans le domaine de l’aviation civile internationale. Footnote 157
L’année du soixantième anniversaire de la Convention de Chicago, Loïc Grard publiait un article dans lequel il semblait privilégier le modèle de représentation de la FAO. En effet, pour cet auteur un amendement à la Convention de Chicago permettant aux ORIEs d’être parties à l’OACI semblait être la solution à privilégier. Footnote 158 Cette adhésion serait accompagnée d’un protocole fixant notamment les conditions de vote permettant d’assurer à l’UE, lorsqu’elle est compétente, un poids équivalent à celui de ses États membres. En outre, un tel protocole permettrait notamment de déterminer les questions budgétaires liées au statut de membre de l’UE à l’OACI. Footnote 159
En 2005, Armand de Mestral et Harold Bashor écrivaient qu’il semblait y avoir un consensus à l’OACI sur la difficulté et la complexité d’amender la Convention de Chicago afin de permettre aux ORIEs d’accéder à l’organisation. Footnote 160 En outre, ces auteurs mentionnaient qu’un statut d’observateur octroyé à l’UE au Conseil de l’OACI serait fort probablement l’option à privilégier puisque celle-ci ne nécessiterait pas d’amendement à ladite convention. Footnote 161
Enfin, dans le cadre d’une thèse de doctorat soutenue en décembre 2012 portant sur l’UE et le droit de l’aviation civile, Vincent Correia était d’avis qu’une modification à la Convention de Chicago afin de permettre l’adhésion des ORIEs était “in abstracto, envisageable, voire souhaitée.” Footnote 162 Cependant, l’auteur mentionnait également qu’une telle hypothèse apparaissait “difficilement envisageable” tant pour des questions de nature juridique que politique. Footnote 163
Conclusion
Suite à cette brève revue, il semblerait que pour chacun de ces auteurs, l’UE mériterait un statut renouvelé à l’OACI. Néanmoins, il ne semble pas y avoir un consensus sur le modèle de représentation qui serait le plus approprié. Dans tous les cas, il ne faut pas perdre de vue que ces opinions ont souvent été exprimées avant que la Commission européenne n’établisse son bureau de coordination à Montréal faisant face à la Maison de l’OACI et établisse un mécanisme de coordination plus efficace. Par conséquent, avant de conclure cette étude, il s’avère opportun d’essayer de déterminer quel serait aujourd’hui le statut le plus approprié pour l’UE à l’OACI.
quel statut pour l’ue à l’oaci?
Observateur permanent
En 2002, le scénario privilégié par la Commission consistait à obtenir pour l’UE un statut d’observateur permanent à l’OACI de manière transitoire, afin d’obtenir ultérieurement le statut de membre sur un pied d’égalité avec les États membres de l’UE. Footnote 164 Un amendement à la Convention de Chicago permettant la création d’un statut d’observateur permanent pourrait être une solution permettant de sécuriser le statut juridique de l’UE à l’OACI. Néanmoins, cette solution apparaît comme n’étant que temporaire. Par conséquent, dans l’hypothèse où la Convention de Chicago serait amendée pour permettre un statut d’observateur permanent, il est à penser que le statut de l’UE à l’OACI serait alors figé pour plusieurs années, de telle sorte qu’il serait difficile pour la Commission de proposer subséquemment un second amendement, permettant aux ORIEs d’obtenir la qualité de membre.
Bien que l’UE ne soit pas un observateur permanent à l’OACI, son statut actuel d’observateur ad hoc ne semble pas lui causer trop de limitations dans les travaux de l’Organisation puisque dans les faits son statut correspondrait à celui d’un observateur détenant la “pleine participation.” Comme mentionné précédemment, les principales instances à l’OACI prévoient dans leurs règles de procédure interne une disposition relativement au statut d’observateur. Par conséquent, si une instance ne prévoit pas cette possibilité, il serait beaucoup plus simple de procéder à un amendement de l’un de ces règlements plutôt que de procéder à un amendement de la Convention de Chicago.
Membre de facto
Le statut de membre de facto de l’UE, comme celui détenu dans le défunt GATT, pourrait difficilement trouver application à l’OACI. En effet, l’UE ne dispose pas pour l’instant d’une compétence exclusive dans le domaine de l’aviation comme c’était le cas dans les domaines sous la juridiction du GATT. Footnote 165 Néanmoins, bien que peu probable, l’auteur Jacques Ducrest avance qu’en théorie, un tel scénario pourrait être possible dans les paramètres actuels de la Convention de Chicago. Footnote 166 Ainsi, cet auteur est d’avis qu’advenant le statut de membre de facto, les décisions prises par l’UE à l’OACI pourraient être juridiquement contraignantes, en se basant par analogie sur la jurisprudence de la CJUE à l’égard de la participation de l’UE dans les travaux du GATT. Footnote 167 Enfin, suivant cette logique, l’UE pourrait également exercer le droit de vote de ses États membres et serait donc en mesure de détenir 28 voix à l’Assemblée. Footnote 168
Membre partagé
La reconnaissance de l’UE à titre de membre d’une organisation internationale a certainement comme avantage de procurer à celle-ci une certaine sécurité juridique relativement à son statut. Si un amendement à la Convention de Chicago permettait un jour à l’UE d’en devenir membre de manière partagée avec ses États membres, un modèle semblable à celui de l’OMC pourrait sans doute être privilégié, notamment en raison de l’absence des multiples déclarations de compétences qui alourdissent les débats entre l’UE et ses États membres. En effet, bien que l’OMC ne dispose pas d’une structure semblable à celle de l’OACI, notamment en raison de l’absence d’instance exécutive, ce modèle pourrait être adapté au cadre institutionnel de l’OACI. Du point de vue de l’UE, une représentation partagée pourrait lui être avantageuse, car elle serait en mesure de conserver la totalité des sièges déférés à ses États membres dans chacune des instances de l’OACI. Footnote 169
Dans tous les cas, il est à penser qu’un tel amendement à la Convention de Chicago serait très difficile à faire adopter pour les raisons institutionnelles évoquées précédemment. Bien que l’UE puisse détenir une part importante de compétences face à ses États membres dans un domaine comme l’aviation, ceux-ci sont généralement réticents à se faire représenter intégralement par l’UE dans des organisations internationales. Footnote 170 Par conséquent, il est à penser que dans un secteur aussi sensible que l’aviation, les États membres de l’UE ne seraient certainement pas prêts à concéder une part importante de leur souveraineté. Footnote 171
Membre unique
Un amendement à la Convention de Chicago octroyant le statut de membre unique à l’UE serait difficilement envisageable considérant l’état actuel de la compétence de l’UE dans le secteur de l’aviation. Footnote 172 En effet, en plus des problèmes institutionnels reliés à l’adoption d’un tel amendement, l’UE ne dispose pas actuellement d’une compétence exclusive dans le domaine de l’aviation comme c’est le cas dans le domaine des pêcheries. Néanmoins, dans l’hypothèse où l’UE bénéficierait un jour d’une compétence exclusive dans le secteur de l’aviation, certains parallèles avec le modèle de l’OPANO pourraient certainement être faits. Si un tel amendement devait un jour être adopté, il est à penser que l’UE perdrait une part importante de son influence dans la prise de décisions au sein de l’OACI. En effet, elle ne pourrait plus bénéficier de ses 28 sièges à l’Assemblée, de ses huit sièges au Conseil. L’UE n’aurait donc vraisemblablement qu’un seul siège dans chacune de ces instances. À cet effet, peut-être que ce scénario trouverait certains appuis parmi les États tiers à l’UE qui auraient accès plus facilement à un siège au Conseil. Pour l’auteur Jacques Ducrest, cette possibilité de voir l’UE réduite à une seule voix à l’OACI ne semble pas poser de problèmes puisque cette Organisation prend généralement ses décisions par consensus. Footnote 173
Par ailleurs, Jacques Ducrest évoque la possibilité pour les États membres de l’UE d’un jour transférer à celle-ci de “[m]anière générale et irrévocable” l’ensemble de leur souveraineté. Footnote 174 Dans cette éventualité, l’UE serait désormais souveraine sur son espace aérien, conformément à l’article 1 de la Convention de Chicago. Footnote 175 Il ne serait donc pas nécessaire d’amender la Convention de Chicago, il suffirait à l’UE de devenir membre de l’ONU. Footnote 176
En outre, d’un point de vue budgétaire, si l’UE devenait membre unique de l’OACI, cette dernière pourrait perdre près de cinq pour cent de son budget régulier puisque la contribution maximum d’un État membre est de 25 pour cent. Une solution pratique à ce problème consisterait cependant à élever le seuil minimum à 30 pour cent par le biais d’une résolution de l’Assemblée. Footnote 177
Conclusion
Au cours de cette étude, il a été démontré que malgré sa compétence dans le secteur de l’aviation, l’UE occupe un statut qui n’est pas en parfaite adéquation avec son véritable rôle. À cet effet, la Commission européenne a essayé de mettre en place, depuis 1989, un mécanisme permettant à l’UE d’être représentée de manière indirecte à l’OACI. Au fil des ans, force est de constater que le statut de l’UE à l’OACI est de plus en plus important. À cet effet, l’UE a ouvert un bureau de représentation à Montréal où elle effectue une coordination préalable avec ses États membres avant certaines réunions de l’OACI. De plus, elle est devenue partie à quelques accords multilatéraux spécifiques de droit aérien et a signé en 2011 un accord renouvelé de coopération avec l’OACI qui lui a notamment permis de régler certains problèmes de nature administrative. Cependant, comme il a été évoqué à plusieurs reprises, l’UE n’est pas en mesure d’obtenir un statut de membre à l’OACI en raison notamment des critères d’adhésion à la Convention de Chicago.
Il a également été analysé différents modèles de représentations utilisées par l’UE dans certaines agences spécialisées des Nations Unies et autres organisations internationales. Ainsi, en fonction du niveau de compétence de l’UE dans un secteur donné, son statut est susceptible d’être plus ou moins important dans une organisation. De plus, il ne semble pas que les modèles de représentation puissent être transposés à une autre organisation de manière identique. En effet, chaque organisation possède un contexte qui lui est propre. Par conséquent, si l’UE souhaitait au cours des prochaines années modifier son modèle de représentation à l’OACI, elle ne devrait pas le calquer sur une autre organisation. Il faudrait qu’elle développe un modèle original pouvant s’adapter au contexte et à la nature technique de son mandat.
À la suite de cette étude, il semblerait que chacune des méthodes de représentation, que ce soit celle d’observateur détenant une “pleine participation,” membre de facto, membre partagé ou encore membre unique, pourrait s’avérer efficace. Cependant, afin que l’un ou l’autre de ces modèles fonctionnent, il faudrait s’assurer que celui mis en place soit juridiquement bien structuré. De plus, il faudrait que l’UE possède le niveau de compétence approprié face à ses États membres dans le secteur de l’aviation. Dans tous les cas, si l’UE en venait à détenir une compétence exclusive dans le secteur de l’aviation, le modèle actuel de représentation pourrait être inadapté.
La question de la représentation de l’UE à l’OACI, comme dans les autres organisations internationales, est délicate, car elle comporte à la fois des aspects juridiques et politiques. Par conséquent, il peut être hasardeux d’essayer de recommander une solution, car si en théorie celle-ci pouvait sembler applicable, elle pourrait en pratique se heurter à des contraintes de nature diverses. Par conséquent, compte tenu de la compétence actuelle de l’UE dans le secteur de l’aviation ainsi que des dispositions de la Convention de Chicago, le statu quo paraît être pour l’instant une solution convenable. À cet effet, si l’UE souhaite modifier son statut dans l’Organisation, elle pourrait signer d’autres accords de coopération avec l’OACI qui lui permettraient de régler des difficultés administratives pouvant survenir ou encore définir de manière plus précise les modalités de sa participation dans chacune des instances de l’Organisation.