Introduction
En dépit de l’importance indéniable de l’éducation dans le développement de l’être humain, très peu d’études ont été consacrées au besoin d’une formation continue pour les personnes âgées. Pourtant, la majorité des personnes à la retraite demeurent très actives dans leur communauté et peuvent s’inscrire à des cours ou à des ateliers sur divers sujets. La formation continue leur offre ainsi la possibilité de s’épanouir, de socialiser et de pratiquer des exercices mentaux puisque plusieurs craignent que leurs fonctions cognitives se détériorent avec l’âge. La formation continue leur permet aussi de répondre à leur désir d’apporter leur contribution à la société.
Les Principes des Nations Unies pour les personnes âgées ont été établis en vue d’assurer l’équité, notamment en mettant en évidence les droits des aînés, dont le droit à l’épanouissement personnel dans le cadre de l’éducation continue (Nations Unies, 1998). L’éducation constitue aussi un élément essentiel des déterminants sociaux de la santé : elle exerce une influence considérable sur les comportements liés à la santé – au niveau de littératie – et à l’intérêt pour le bénévolat (Turcotte & Schellenberg, Reference Turcotte and Schellenberg2006). De plus, l’apprentissage dans un contexte de promotion de la santé représente une composante intégrale du modèle de promotion de la santé de la population (Agence de la santé publique du Canada, 1995).
L’éducation constitue indéniablement un outil précieux qui permet aux retraités de conserver leur autonomie et leur santé le plus longtemps possible. C’est pour cette raison qu’en 1975 a émergé, en France, le concept d’un modèle éducatif pour les personnes aînées, soit celui des universités du troisième âge. Il s’agissait alors d’offrir aux retraités « des possibilités de formation permanente et d’élargissement de leur horizon culturel avec pour objectif de retarder le vieillissement, de faciliter un art de vivre au 3e âge et de laisser naître la créativité qui est en chacun » (Université de Genève, 2013). D’après la Charte des universités du troisième âge adoptée par l’Association internationale des universités du troisième âge (AIUTA), il est impératif de favoriser l’apprentissage, la santé, la culture et l’éthique (AIUTA, 2015). Depuis quelques années maintenant, l’Association des universités du troisième âge du Nouveau-Brunswick (AUTANB) cherche à mieux comprendre les intérêts que nourrissent à l’égard de l’éducation continue des personnes âgées francophones de la province. Au Nouveau-Brunswick, le programme d’exercices physiques appelé Grouille ou rouille existe depuis plus de 25 ans dans le Sud-Est, alors que d’autres régions de la province offrent des séances d’information sur des sujets variés. Malgré le succès de ces programmes, les gestionnaires constatent une diminution de l’intérêt des personnes âgées pour ces séances de même qu’une baisse d’inscriptions à certaines activités.
Avec l’arrivée des baby-boomers qui atteignent un âge avancé, les organismes communautaires craignent que les intérêts des personnes âgées se modifient. Déjà en 2003, Ballard et Morris (Reference Ballard and Morris2003) remarquent que les jeunes aînés sont plus aptes à vouloir participer à des formations sur des sujets tels que la nutrition, l’exercice physique, la maladie d’Alzheimer et les soins de longue durée. La littérature consacrée aux besoins en formation continue chez la population aînée paraît nettement insuffisante, d’où la nécessité de notre étude.
Dans ce contexte, l’AUTANB, en collaboration avec la première auteure, a entrepris au printemps 2013 un sondage auprès de personnes âgées francophones dans la province du Nouveau-Brunswick dont les objectifs sont : 1) mieux connaître leurs intérêts et leurs besoins à l’égard de la formation continue et 2) dégager les perceptions des répondants quant aux bienfaits, aux défis et aux préférences reliés à la formation continue. Le présent article a pour objet de présenter les intérêts, les besoins et les préférences des personnes âgées à l’égard de la formation continue.
Contexte de l’étude
Le concept des universités du troisième âge
Outre l’AUTANB, le concept des universités du troisième âge tire son origine d’une démarche plus globale. À la suite de la création de ce concept en France au début des années 1970, l’Université de Sherbrooke, au Québec, devient en 1976 la première université du troisième âge (UTA) en Amérique du Nord (Université de Sherbrooke, 2014). En 2003 naît l’Association des universités du troisième âge francophones en Amérique, fruit d’un travail de collaboration entre les UTA du Nouveau-Brunswick, du Québec et de l’Ontario.
Le système international des UTA s’inspire de deux modèles distincts, à savoir le modèle français et le modèle britannique. D’abord établies en France avec comme mission la transmission des connaissances et de la culture aux personnes âgées, les universités du troisième âge se trouvent majoritairement rattachées à des centres universitaires et la formation offerte aux personnes âgées est fournie dans un contexte magistral auprès d’étudiants réguliers de l’université (Swindell & Thompson, Reference Swindell and Thompson1995). Au fil des ans, la structure se transforme sous l’influence du modèle britannique : les UTA sont, certes, liées à des universités, mais elles se rattachent à des organismes communautaires qui adoptent les valeurs communes que sont l’importance de la formation continue, le mieux-être des aînés et leur inclusion dans la société (AUTANB, 2013), mais sans qu’on puisse leur attribuer une définition particulière. L’influence historique de l’AIUTA permet de trouver aujourd’hui une riche panoplie d’activités offertes aux membres tant bien des présentations formelles, des discussions en groupe, des voyages éducatifs que des activités de mieux-être comme les marches en plein air et les exercices de conditionnement physique. Ces multiples conceptualisations témoignent de la diversité et de la capacité d’adaptation du concept de l’UTA en fonction de la particularité des besoins, des ressources, du pays et de la culture en cause (AUTANB).
Réticents devant le mouvement populaire favorable à la formation aux adultes dans les années 1970 et la création des UTA, le Canada et d’autres pays reconnaissent maintenant d’emblée le bien-fondé et les bienfaits que procure l’application du principe de la formation continue dispensée aux personnes âgées. Souvent reliée aux besoins du marché du travail, la formation continue a rarement considéré l’apprentissage comme constituant une activité exercée tout au long de sa vie (AUTANB, 2013). Les avantages de l’éducation continue des adultes sont rattachés à l’acquisition et à la mise en pratique de compétences propres aux besoins du marché du travail tout en rehaussant les effets positifs qu’elle produit sur l’image de soi et sur le développement de relations sociales (Voyer, Potvin, & Bourdon, Reference Voyer, Potvin and Bourdon2014). Malheureusement, certains continuent de douter des véritables avantages que la formation continue procure aux personnes âgées. Aussi les UTA doivent-elles encore s’efforcer de promouvoir les bienfaits de leurs activités afin de recevoir le financement nécessaire à leur survie. Au Nouveau-Brunswick, leurs sources de financement proviennent exclusivement des cotisations des membres, des frais afférents aux inscriptions aux cours, des dons reçus et des subventions accordées pour des projets spéciaux. D’ailleurs, cette situation est l’une des raisons qui ont justifié la réalisation de notre étude.
L’apprentissage continu et les personnes âgées
Peu d’études ont été consacrées à la thématique de l’apprentissage ou de la formation continue chez la personne âgée (Voyer et al., Reference Voyer, Potvin and Bourdon2014). Dans une étude qualitative, Escolar Chua et de Guzman (Reference Escolar Chua and de Guzman2014) décrivent les bienfaits d’un programme de formation pour les personnes âgées mis sur pied aux Philippines. Dans des groupes de discussions, les participants aînés ont affirmé que la formation continue représente une expérience éducative enrichissante qui procure un sentiment d’accomplissement. Les aînés ont reconnu éprouver beaucoup plus de confiance en soi et d’estime de soi, un fort sentiment d’indépendance, une sensation réconfortante de bien-être et une motivation nouvelle d’entretenir des relations sociales enrichissantes.
Les besoins en apprentissage ont été analysés en Australie dans une étude fondée sur une méthodologie mixte. Les aînés y ont souligné leurs besoins en apprentissage touchant les technologies de l’informatique et les distributeurs automatiques de billets (DAB), la gestion des maladies, le jardinage et les questions financières (Purdie & Boulton-Lewis, Reference Purdie and Boulton-Lewis2003). Cette étude appelle aussi l’attention sur des barrières possibles à l’apprentissage, à savoir, notamment des difficultés de mobilité, des maladies, des problèmes d’ouïe ou d’acuité visuelle, sans oublier des problèmes de mémoire et de concentration. Sept ans plus tard, Sloane-Seale et Kops (Reference Sloane-Seale and Kops2010), dans leur étude quantitative réalisée au Manitoba, ont examiné la question des besoins en formation dans le secteur des loisirs (réparation, voyage), de la santé, de la religion, des technologies, des arts et des langues. Les barrières signalées sont, pour les répondants âgés, le manque de temps, les programmes trop dispendieux, le manque d’information et le manque de motivation.
La théorie de Knowles
La théorie de l’apprentissage de Knowles relève de l’andragogie, laquelle a pour objet, entre autres, de différencier les différents modes d’apprentissage pour l’adulte par rapport à ceux de l’enfant (Knowles, Reference Knowles1990). Elle prend appui sur certaines hypothèses, dont les suivantes du point de vue de l’adulte : (1) il apprend lorsque le besoin d’apprendre naît du souci d’améliorer sa vie; (2) ce sont des impulsions internes plutôt qu’externes qui le motivent à apprendre; (3) sa vaste expérience devient une ressource féconde pour son apprentissage; (4) il est indépendant dans son apprentissage et beaucoup plus autodirigé que l’enfant; (5) il est centré sur le problème à résoudre et tient compte de l’ici-maintenant (Knowles, Reference Knowles1990). La théorie de Knowles est tout à fait pertinente pour notre étude puisque les personnes âgées doivent participer à la détermination de leurs besoins en apprentissage pour que se révèle utile la formation qui leur est offerte. À ce stade de la vie, la formation devient une activité agréable qui répond à des besoins précis de socialisation, de stimulation intellectuelle et d’épanouissement personnel (Cusack, Reference Cusack1995) plutôt qu’à des besoins purement éducatifs tels que l’obtention de crédits universitaires ou d’une note de passage.
Méthodologie
La procédure retenue
Dans la présente étude descriptive quantitative, en vue de recruter des personnes âgées francophones citoyennes du Nouveau-Brunswick, le bureau administratif de l’AUTANB a envoyé 600 questionnaires aux huit constituantes provinciales de l’UTA et à la Société des enseignantes et des enseignants retraités francophones du Nouveau-Brunswick (SEERFNB), lesquelles ont été chargées de les distribuer à leurs membres. Une lettre explicative indiquait aux répondants potentiels le but de l’étude et leur offrait la possibilité de répondre au questionnaire en ligne ou sur papier et, dans ce dernier cas, de le retourner dans l’enveloppe préaffranchie. Les questionnaires remplis sous format papier ont été retournés directement à la première auteure afin d’assurer l’anonymat des réponses. Tous les questionnaires ont été entrés et analysés dans la version 21 du programme SPSS. Les résultats de notre étude descriptive quantitative font suite à une analyse descriptive des données brutes (fréquence et pourcentage) et à une analyse comparative (test du chi carré).
Matériel
Le questionnaire administré aux répondants a été élaboré par l’AUTANB au regard des deux objectifs suivants : 1) déterminer les besoins et les intérêts des personnes âgées relatifs à la formation continue dans les catégories des arts et de la culture, de la gestion et des affaires, des sciences et de la nature, de l’actualité et du monde contemporain, de la santé et du mieux-être ainsi que du sport et du conditionnement physique; 2) dégager les perceptions des répondants quant aux bienfaits, aux défis et aux préférences reliés à la formation continue. Le questionnaire de 15 pages renferme 19 questions à choix multiples et sept questions sociodémographiques.
Résultats
Répondants
En tout, 418 personnes ont répondu au questionnaire, le taux de réponse étant de 70 pour cent. Les dix questionnaires reçus qui comprenaient des données manquantes ont été exclus de l’étude. Ainsi, l’échantillon final se compose de 408 répondants âgés, soit 294 femmes (74 %) et 104 hommes (26 %). La plupart étaient âgés de 55 à 74 ans, étaient mariés et recevaient un revenu annuel variant entre 31 000 $ et 50 000 $ (tableau 1).
Remarque : Les données manquantes ne sont pas indiquées dans le tableau.
Intérêts des répondants à l’égard de la formation continue
À partir de la liste de cours proposée, les choix préférentiels des répondants au questionnaire sont les cours d’informatique, de jardinage, de gestion du stress, de nutrition et de santé, de médecines douces, d’activités physiques et d’exercices de conditionnement physique (tableau 2).
Différences entre les caractéristiques sociodémographiques et les cours choisis
Sexe. Les résultats obtenus font apparaître des différences significatives entre les hommes et les femmes pour les cours choisis (tableau 3). En grande majorité, les femmes plus que les hommes se disent plus intéressées par l’ensemble des cours énumérés dans le questionnaire. Les cours pour lesquels les hommes manifestent un intérêt supérieur à ceux des femmes sont les cours de mécanique, X2 (1, n = 398) = 10,96, p <0,01, d’ébénisterie, X2 (1, n = 398) = 14,55, p < 0,01, de charpenterie/menuiserie, X2 (1, n = 398) = 21,61, p <0,01, et d’économie, X2 (1, n = 398) = 4,11, p = 0,04.
Remarque : Les données manquantes ne sont pas indiquées dans le tableau.
Âge. Les plus jeunes répondants au questionnaire montrent un intérêt significatif pour les cours d’espagnol, de tricot/crochet, de peinture et (ou) de dessin, de photographie, de cuisine, de jardinage, d’aqua-aérobique et de yoga. Au contraire, les répondants les plus âgés s’intéressent davantage aux cours de poésie, de littérature, de religion, d’initiation à l’ordinateur et de pharmacologie (tableau 4).
Remarque : Les données manquantes ne sont pas indiquées dans le tableau.
Niveau de scolarisation. Parmi les résultats significatifs, les répondants à faible niveau de scolarisation expriment un intérêt supérieur pour les cours d’anglais, X2 (2, n = 399) = 6,90, p = 0,03, de gestion du stress, X2 (2, n = 399) = 12,80, p < 0,01, de nutrition et de santé, X2 (2, n = 399) = 6,06, p < 0,05, alors que les répondants à haut niveau de scolarisation manifestent un intérêt pour le cours d’espagnol, X2 (2, n = 399) = 10,85, p < 0,01.
Revenu annuel. Les répondants à faible revenu signalent un intérêt particulier pour les cours d’anglais, X2 (3, n = 353) = 11,33, p = 0,01, de tricot/crochet, X2 (3, n = 353) = 8,27, p = 0,04, d’initiation à l’ordinateur, X2 (3, n = 353) = 9,56, p = 0,02, d’astrologie, X2 (3, n = 353) = 9,94, p = 0,02, de gestion du stress, X2 (3, n = 353) = 11,50, p < 0,01, de santé mentale, X2 (3, n = 353) = 8,01, p < 0,05, et de pharmacologie, X2 (3, n = 353) = 9,17, p = 0,03. Les répondants à revenu élevé s’avèrent significativement plus intéressés par le cours d’espagnol, X2 (3, n = 353) = 12,84, p < 0,01 (tableau 5).
Remarque : Les données manquantes ne sont pas indiquées dans le tableau.
État matrimonial. Les répondants célibataires ou veufs ont montré un intérêt significatif pour les nouvelles et les actualités, X2 (4, n = 401) = 11,56, p = 0,02, alors que les répondants vivant avec une autre personne se disent plus intéressés par les cours sur le jardinage, X2 (4, n = 401) = 10,32, p = 0,04, et les exercices de conditionnement physique, X2 (4, n = 401) = 12.20, p < 0,02.
Préférences des répondants
Aux questions ayant trait aux préférences, les répondants ont manifesté de l’intérêt pour une formation offerte une fois la semaine pendant un nombre limité de semaines, du lundi au vendredi, en matinée ou en après-midi. En ce qui concerne le coût de la formation, la majorité des répondants sont prêts à payer une somme maximale de 25 $ pour une formation continue, peu importe sa durée.
Bienfaits de la formation continue
Relativement à la question se rapportant aux bienfaits de la formation continue destinée aux personnes âgées, la plupart ont indiqué tous les choix de réponses. Au nombre de ses bienfaits, les répondants comptent la prévention de la solitude, l’amélioration de la mémoire et de la concentration, la prévention de la dépression, la création ou le maintien de réseaux d’amitiés, la confiance en soi, l’estime de soi et la conservation de la capacité physique et mentale.
Discussion
Selon les résultats de notre étude, les intérêts principaux des répondants au questionnaire sont la formation à l’informatique, au jardinage et à la santé, plus précisément à la gestion du stress, à la nutrition, aux médecines douces et à l’activité physique. Il s’avère que les personnes âgées souhaitent demeurer actives et maintenir ou rehausser leur intégration à leur communauté au moyen de la formation continue. De plus, ces activités de formation s’écartent largement des stéréotypes communs selon lesquels les personnes âgées préfèrent le bingo et les jeux de cartes. Notre étude fait apparaître que ces deux activités ont été les moins choisies.
L’intérêt manifesté par les personnes âgées à l’égard des nouvelles technologies et de la santé n’est pas nouveau (Purdie & Boulton-Lewis, Reference Purdie and Boulton-Lewis2003; Sloane-Seale & Kops, Reference Sloane-Seale and Kops2010). En revanche, les personnes plus avancées en âge et à faible revenu disent s’intéresser davantage aux nouvelles technologies. Pour ces personnes, il se peut qu’elles n’aient pas eu l’occasion d’être exposées à ces technologies comme les aînés à revenu plus élevé et à ceux qui ont occupé des emplois qui les obligeaient à se familiariser avec les ordinateurs et autres technologies de l’information.
Le jardinage a par ailleurs suscité l’intérêt des répondants, surtout des personnes plus jeunes et de celles qui vivent avec une autre personne. Ce type d’activité favorise la socialisation et l’activité physique (Brown, Allen, Dwozan, Mercer, & Warren, Reference Brown, Allen, Dwozan, Mercer and Warren2004) et, dans le contexte de notre étude, le Nouveau-Brunswick formant une province semi-rurale, il n’est pas surprenant de trouver, parmi les résultats principaux, un intérêt significatif pour le jardinage.
Les intérêts pour la formation continue selon le sexe demeurent tout de même stéréotypiques. Les hommes ont choisi la mécanique, l’ébénisterie, la charpenterie et l’économie comme constituant leurs domaines d’intérêt, alors que les femmes préfèrent surtout les arts et la culture ainsi que le domaine touchant les questions de santé. Typiquement, les femmes s’intéressent plus que les hommes à ce dernier domaine, étant celles qui, généralement, coordonnent les soins de santé pour les membres de leur famille (Center for Disease Control, 2013).
Les résultats concernant l’âge des répondants demeurent malgré tout révélateurs. Les répondants plus jeunes s’intéressent davantage aux arts et à la culture, plus précisément aux cours de tricot, de peinture, de dessin, de photographie, de cuisine et d’exercices de conditionnement physique, tandis que les personnes plus âgées préfèrent des cours liés à des activités plus sédentaires, comme les cours de poésie, de littérature, de religion et de pharmacologie (prise de médicaments). Puisque l’avancée en âge oblige souvent les personnes à consommer des médicaments (Kwan & Farrell, Reference Kwan and Farrell2014) et à réfléchir à leur vie et à la religion (Coleman & Spreadbury, Reference Coleman and Spreadbury2013), les intérêts des personnes plus âgées apparaissent tout à fait constants.
Des liens intéressants peuvent être établis entre les résultats de notre étude et les déterminants sociaux de la santé, plus particulièrement le revenu et le niveau de scolarisation. Les personnes âgées qui touchent un revenu plus élevé s’intéressent davantage aux cours de langues, tel l’espagnol, alors que les répondants à faible revenu disent s’intéresser surtout aux cours de langue anglaise, de religion, de tricot, de nouvelles technologies, de gestion du stress, de santé mentale et de pharmacologie. L’Agence de santé publique du Canada (2013) rappelle le lien indéniable qui unit la santé, le revenu et le niveau de scolarisation. Un revenu plus élevé permet de meilleures conditions de vie, alors qu’un revenu moindre crée des conditions de vie génératrices de stress. Notre étude nous permet d’affirmer que les répondants qui gagnent un revenu plus élevé et qui déclarent un plus haut niveau de scolarisation s’intéressent à l’espagnol en raison des voyages qu’ils font, tandis que les personnes âgées à faible revenu et à niveau de scolarisation moins élevé s’intéressent plutôt à des cours qui se rapportent à des besoins essentiels à la survie. En fait, la pyramide de Maslow sur les besoins humains nous autorise à croire que les répondants qui disposent d’un meilleur revenu et qui indiquent un niveau de scolarisation plus élevé se situent dans le haut de la pyramide, tandis que les autres se trouvent occupés davantage à satisfaire des besoins plus fondamentaux (Parent & Cloutier, Reference Parent and Cloutier2009).
On aurait tort de négliger le rôle déterminant qu’exerce l’éducation sur le développement des sociétés. Bien que les résultats de notre étude relèvent surtout de domaines sociaux et culturels, des liens significatifs doivent être établis entre la formation continue des personnes âgées et leur contribution potentielle à la société. Parce qu’elle souhaite acquérir des connaissances nouvelles, la personne âgée manifeste un sens de productivité susceptible de profiter dans une mesure appréciable à la société, soit par le bénévolat, le travail à temps partiel ou le mentorat. Retenons que le domaine de l’éducation s’est généralement occupé jusqu’à présent à créer des programmes de formation continue au lieu de consacrer une partie de ses énergies à élaborer le contenu de ces programmes en fonction des personnes âgées (Voyer et al., Reference Voyer, Potvin and Bourdon2014).
Même si notre étude s’est limitée à une seule province, il y a lieu de croire que nos résultats contribueront à l’avancement des connaissances dans le domaine de la formation continue chez les personnes âgées puisque très peu d’études ont été réalisées à la lumière de cette thématique. Les bienfaits de l’éducation continue outrepassent de beaucoup les seules séances de formation pour y inclure un volet de socialisation essentiel au vieillissement positif, actif et épanoui des personnes âgées. La notion du vieillissement actif valorise le phénomène du vieillissement de la population; un de ses objectif est que tous puissent vivre dans des communautés qui soutiennent les personnes âgées par l’offre d’occasions nécessaires de croissance personnelle et d’apprentissage continu (Conseil national des aînés, 2010). De plus, la formation continue destinée aux personnes âgées représente une composante déterminante du modèle des municipalités amies des aînés qu’a élaboré l’Organisation mondiale de la Santé (2007).
Il importe de noter que les répondants préfèrent que les activités de formation se tiennent du lundi au vendredi et qu’elles aient lieu le matin ou l’après-midi, ce qui paraît tout à fait refléter la préférence des personnes âgées à se déplacer le jour et à vaquer à leurs activités durant la semaine. Puisque le revenu moyen des personnes âgées francophones au Nouveau-Brunswick se révèle inférieur à celui des aînés anglophones (Lepage, Bouchard-Coulombe, & Chavez, Reference Lepage, Bouchard-Coulombe and Chavez2011), il n’est pas surprenant de constater qu’elles disent ne pouvoir s’inscrire qu’à des séances de formation continue à coût modique.
Limites et recherches futures
Malgré le taux de réponses élevé au questionnaire, il importe de reconnaître d’emblée les limites de notre étude. D’abord, notre échantillon provient de deux organismes provinciaux, nommément les UTA et la SEERFNB, et qu’il impose des limites normales puisque les participants non membres de l’un de ces organismes n’ont pas eu l’occasion d’être comprit dans l’étude. Ensuite, la structure du sondage a limité le choix d’analyses possible. Le type de questions et la longueur du questionnaire ont pu présenter des problèmes pour certains répondants. Enfin, il se peut que les choix de réponses à certaines questions aient pu favoriser certaines activités que préfèrent les femmes plutôt que les hommes en dépit de l’attention particulière qui a été portée à ce phénomène au moment de l’élaboration du questionnaire.
Il devient nécessaire de réaliser d’autres études de ce genre dans le domaine de la formation continue destinée aux personnes âgées. Un sondage subséquent ferait bien de mesurer le désir des répondants de vouloir contribuer à la société, ce qui permettrait de recueillir un bassin de renseignements et d’orienter l’essor de la formation continue. Il serait aussi enrichissant d’approfondir le champ entier des avantages que présente la formation continue pour les personnes âgées. Notre étude fait apparaître clairement l’insuffisance de la recherche en la matière et nos résultats pourraient fort bien alimenter des recherches consacrées à différentes caractéristiques telles que l’âge, le sexe, la région (rurale ou urbaine) ainsi que le niveau de scolarisation et de revenu. De plus, puisque notre étude se limite aux personnes âgées francophones, il conviendrait de comparer nos résultats au regard de différents groupes linguistiques et culturels de personnes âgées. Afin de planifier minutieusement des activités pertinentes pour l’avenir, il apparaît logiquement utile de connaître à fond les intérêts des personnes parvenues au seuil de la retraite.
Conclusion
Notre étude centrée sur les personnes âgées francophones au Nouveau-Brunswick conduit à constater l’insuffisance de la recherche dans le domaine de la formation continue destinée aux aînés. Nos résultats permettront à l’AUTANB de planifier sous cet éclairage, en collaboration avec l’Éducation permanente de l’Université de Moncton et les collèges communautaires du Nouveau-Brunswick, des séances de formation d’intérêt pour les personnes âgées. La question des ressources humaines et financières nécessaires pour doter de pareilles initiatives de formation continue demeure, certes, épineuse. Il reste, toutefois, que nous sommes maintenant mieux en mesure, tant sur le plan de l’organisation que sur celui de la mise en œuvre, d’offrir des programmes de formation pour lesquels les personnes âgées manifesteront un intérêt certain.