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Sens et pratiques de la grand-maternité : une étude par théorisation ancrée auprès de femmes aînées québécoises*

Published online by Cambridge University Press:  21 February 2013

Michèle Charpentier*
Affiliation:
Université du Québec à Montréal
Anne Quéniart
Affiliation:
Université du Québec à Montréal
*
La correspondance et les demandes de tirés-à-part doivent être adressées à : Correspondence and requests for offprints should be sent to: Michèle Charpentier, Ph.D. Professeure titulaire École de travail social Université du Québec à Montréal CP 8888, Succ centre-Ville Montréal, QC H3C 3P8 (charpentier.michele@uqam.ca)
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Abstract

This article sets out to analyze how older women understand grandmotherhood. In-depth interviews were conducted with 25 elderly women from Quebec with diverse lives (widowed, married, single, with or without children) drawn from three generations (65–74 years, 75–84 years, 85 years and over) according to principles of qualitative analysis using grounded theory. Based on a constructivist approach, results highlight the evolution of images of grandmotherhood offering the benefit of emotional, playful and comforting roles. This analysis also reveals multiple ways of being a grandmother and commitments that vary according to three principal factors: (1) the personality and life trajectory of the grandmothers; (2) the family situation and role of crisis in the family; and (3) the degree of intimacy with grandchildren. There follows a discussion on the place and role of the family in the lives of older women today.

Résumé

Cet article se propose d’analyser comment des femmes aînées conçoivent la grand-maternité. Des entrevues en profondeur ont été menées auprès de 25 femmes aînées québécoises aux parcours de vie variés (veuve, mariée, célibataire, avec ou sans enfant) et issues de trois générations (65–74 ans, 75–84 ans, 85 ans et plus) selon les principes de l’analyse qualitative par théorisation ancrée. Basés sur une approche constructiviste, les résultats mettent en évidence l’évolution des représentations de la grand-maternité au profit des dimensions affective, ludique et réconfortante de ce rôle. Les analyses révèlent aussi des pratiques plurielles de la grand-maternité et des engagements qui varient selon trois principaux facteurs : 1) la personnalité et le parcours de vie des grands-mères, 2) la conjoncture familiale ou présence d’une crise au sein de la famille et enfin 3) le niveau d’affinité avec les petits-enfants. S’ensuit une discussion sur la place et le rôle de la famille dans la vie des femmes aînées d’aujourd’hui.

Type
Articles
Copyright
Copyright © Canadian Association on Gerontology 2013

Introduction

La famille constitue un pilier de notre société. Malgré les transformations qu’elle a subies dans la seconde moitié du 20è siècle, qui l’ont passablement ébranlée (diminution du nombre d’enfants, augmentation des séparations et des monoparentalités, mouvement d’émancipation des femmes, etc.), elle revêt toujours un caractère primordial dans nos vies et se situe parmi les valeurs les plus importantes selon toutes les enquêtes réalisées au Québec et au Canada (Bibby et Posterski, Reference Bibby and Posterski1992), comme ailleurs dans le monde (Houseaux, Reference Houseaux2003; Inglehart, Basanez et Moreno, 1998). Et qui dit famille pense femmes, puisque ces dernières y jouent un rôle de premier plan. Encore aujourd’hui, s’intéresser à la famille implique inévitablement de porter une attention à la place et au rôle déterminant des femmes, surtout de la mère (Segalen, Reference Segalen2010). Mais qu’en est-il de la grand-mère, la « supermère » ou « mère au carré » pour reprendre les expressions de Cohen (Reference Cohen2005)? Alors que la famille rétrécit, s’internationalise, se sépare, se recompose, quelle place la grand-mère contemporaine occupe-t-elle? Est-elle toujours une figure familiale de notre temps? Qu’en pensent les femmes aînées d’aujourd’hui, elles-mêmes probablement grands-mères voire arrière-grand-mères ? C’est à cette question que veut répondre le présent article.

Les données canadiennes révèlent qu’environ 75 % des personnes âgées de 65 ans et plus sont grands-parents, chacun ayant en moyenne 4,7 petits-enfants. (Schillenberg et Turcotte, Reference Schillenberg and Turcotte2006; Rosenthal et Gladstone, Reference Rosenthal and Gladstone2000). En général, elles le deviennent tôt dans la cinquantaine. Ainsi, compte tenu de l’espérance de vie plus élevée pour les femmesFootnote 2 et de l’importance de la famille pour elles, nous pourrions être porté à croire que la grand-maternité occupe une place déterminante dans leur trajectoire de vie et de vieillissement. Or, peu d’études récentes se sont intéressées à la perception des principales intéressées (Attias-Dunfut, 2009; Kempeneers et Dandurand, Reference Kempeneers, Dandurand, Quéniart and Hurtubise2009; Roberto, Allen et Blieszner, Reference Roberto, Allen and Blieszner1999). Les travaux portant sur les représentations sociales dominantes nous renvoient à deux modèles très stéréotypés et dichotomiques (Cohen, Reference Cohen2005; Gestin, Reference Gestin2002; Hummel, Reference Hummel1998). D’une part, il y a l’image de la « supermamie», femme moderne à l’agenda chargé; active, jeune, en jeans et faisant du sport, elle ne vieillit pas ou presque (Gestin, Reference Gestin2002). D’autre part et presqu’à l’opposé, on retrouve l’archétype de la « grand-maman gâteau », la bonne vieille grand-mère aux cheveux gris; plutôt oisive et dépendante, elle prépare des petits plats en attendant la visite de ses petits-enfants. Pourtant, les images des grands-mères autour de nous apparaissent beaucoup plus nuancées et plurielles. Les femmes ont d’ailleurs de multiples façons de se faire appeler par leurs petits-enfants. Mamie, mémé, Jeanne, grand-maman, nanny, mamouche, mamie Louise, ou simplement grand-mère, sont autant d’appellations qui semblent correspondre à des conceptions et des pratiques diversifiées de la grand-maternité, parfois même à son rejet (Segalen, Reference Segalen, Attias-Donfut and Segalen2001). Nous intéressant à la place et aux rôles des femmes aînées dans la société, nous avons mené une étude auprès de québécoises aînées de 65 ans et plus ayant des caractéristiques sociodémographiques et des trajectoires familiales variées, pour savoir ce que signifie pour elles aujourd’hui être une femme âgée ou aînée et une grand-mère.

Notre étude est originale à plus d’un titre. Elle l’est tout d’abord par l’approche théorique favorisée, soit une perspective féministe constructiviste et intersectionnelle du vieillissement. En effet, en plus de considérer le vieillissement comme un phénomène construit socialement, cette approche reconnaît que la conception et l’expérience du vieillissement sont conditionnées par le genre et les rapports sociaux de sexe (Russell, Reference Russell2007; Langevin, Reference Langevin2002; Attias-Donfut, Reference Attias-Donfut and Bloss2001), certes, mais aussi par d’autres facteurs tels le milieu socio-économique, l’appartenance ethnoculturelle, l’orientation sexuelle, etc. Ces divers facteurs n’agissent pas de façon séparée, mais au contraire, ils s’additionnent, ils sont interactifs dans leurs processus comme dans leurs effets (Poiret 2005). Le concept d’intersectionnalité (Crenshaw, Reference Crenshaw, Fineman and Mykitiuk1994; Krekula, Reference Krekula2007) a justement été créé pour souligner les effets croisés et les multiples oppressions liés au genre, à l’âge et aux contextes de vie. C’est dans cette perspective intersectionnelle que nous avons appréhendé la grand-maternité chez les femmes aînées, dans sa globalité et sa complexité et prenant en compte les diversités des expériences et des conditionnements sociaux.

Notre étude est également originale en regard de la littérature sur les personnes âgées et la famille. En effet, les études se sont surtout intéressées au «fardeau» de la prise en charge des proches dépendants et au rôle d’«aidante naturelle» qu’occupent les femmes aînées auprès de leurs conjoints malades et dépendants. Plus rares sont les recherches qui, comme la nôtre, s’intéressent aux femmes aînées dans les multiples rôles qu’elles jouent dans la famille, notamment avec leurs descendants, c’est-à-dire leurs enfants mais aussi leurs petits-enfants. À cet égard, les recherches récentes portant sur les grands-parents (Attias-Donfut, Reference Attias-Donfut, Charpentier and Quéniart2009, Attias-Donfut et Segalen, Reference Segalen, Attias-Donfut and Segalen2001; Olazabal et Desplanques, Reference Olazabal and Desplanques2008; Kempeneers et Dandurand, Reference Kempeneers, Dandurand, Quéniart and Hurtubise2009; Hummel et Perrenoud, Reference Hummel and Perrenoud2009) ont permis de mettre en lumière la dynamique bilatérale des échanges intergénérationnels, particulièrement ceux entre les grand-mères et leurs petits-enfants. L’intérêt particulier des travaux de Attias-Dunfut et Ségalen sur la dynamique des générations au sein des familles européennes et leur influence réciproque est d’avoir tenu compte des rapports de sexe et de classe. Leurs résultats mettent en évidence les liens plus solidaires qui se tissent entre les femmes, soit dans les lignées féminines. Dans le même ordre d’idée, l’étude de Bengtson (Reference Bengtson2001) montre une influence plus prononcée des grands-mères sur les filles. Roberto et al. (Reference Roberto, Allen and Blieszner1999), pour leur part, font ressortir la diversité du degré d’engagement des femmes aînées envers leurs enfants et petits-enfants, de même que son caractère évolutif.

Le présent article présente les résultats de notre recherche en ce qui a trait aux rapports qu’entretiennent les femmes aînées québécoises à la grand-maternité. Après avoir exposé notre démarche méthodologique, nous présenterons les résultats des entrevues menées auprès des femmes aînées en mettant en évidence 1) l’évolution des représentations de la grand-maternité selon les générations de femmes, 2) les dimensions affective, ludique et réconfortante de ce rôle et 3) la diversification des pratiques des femmes aînées afin de trouver leur place. Une discussion s’ensuivra, dans laquelle seront remises en question les conceptions traditionnelles de la grand-maternité, notamment leurs relations avec la distance géographique et l’âge, celui des petits-enfants et des femmes aînées. Enfin, pour conclure, nous reviendrons sur la place de la famille dans la vie des femmes aînées.

Méthodologie

Compte tenu de nos objectifs et de la nature même de notre objet, nous nous sommes tournées vers une méthodologie qualitative inductive, celle de la théorisation ancrée (Paillé et Mucchielli, Reference Paillé and Mucchielli2003; Glaser et Strauss 1967)Footnote 3 qui s’avère des plus pertinentes pour la cueillette, puis l’analyse des perceptions, dans la mesure où elle permet la saisie de discours sociaux liés à des expériences de vie en mouvance et échelonnées dans le temps, en l’occurrence celles de femmes aînées de plus de 65 ans.

Critères de constitution de l’échantillon

Conformément aux principes de la théorisation ancrée, le principal critère de sélection de l’échantillon a été la diversification des répondantes sur le plan sociologique, afin de recueillir les perceptions les plus variées possible et d’assurer ainsi une richesse de contenu et de points de vue. À cet égard, la littérature sur les aînées montre des différences dans les expériences vécues selon le milieu socio-économique, la position sociale des femmes, et surtout selon l’âge qui renvoie en fait à des différences de générations (Attias-Donfut, Reference Attias-Donfut, Charpentier and Quéniart2009; Attias-Donfut et Segalen, Reference Segalen, Attias-Donfut and Segalen2001; Mauger, Reference Mauger, Quéniart and Hurtubise2009). Compte tenu de ces constats et des résultats de nos recherches précédentes (Charpentier et Quéniart, Attias-Donfut, etc.), nous avons diversifié l’échantillon de départ selon trois variables, soit 1) l’âge : nous avons repris les trois générations d’aînées auxquels plusieurs chercheurs (Lalive d’Épinay et Spini, Reference Lalive D’Épinay and Spini2008; Caradec, Reference Caradec2001) font couramment appel soit : les 65–74 ans, les 75–84 et les 85 et plus; 2) le niveau/bagage socio-économique (femmes de différents niveaux de scolarité, avec expérience du marché de travail ou non, ayant occupé divers types d’emploi, etc. et 3) la situation conjugale/familiale (veuve, mariée, célibataire, avec ou sans enfant).

Méthodes de recueil et d’analyse des données

Privilégiant le point de vue des principales concernées et voulant laisser les femmes aînées s’exprimer le plus librement possible sur leur expérience, nous avons opté pour des entrevues semi structurées comme méthode de recueil des données. Les entrevues, d’une durée variant de 50 à 90 minutes, ont eu lieu au domicile des répondantesFootnote 4. Nous commencions l’entrevue en laissant les femmes répondre à une première question ouverte, «Pour commencer de façon un peu générale, pourriez-vous me parler de vous?». Cette question ouverte leur permettait d’aborder dans leurs mots et avec leurs propres univers de référence, leurs expériences et leurs perceptions. Par la suite, nous abordions, pour fins de comparaison systématique, les deux thèmes généraux de notre guide d’entrevue, thèmes que nous jugions fondamentaux à la compréhension de la place et du rôle des aînées dans la famille, soit : leurs représentations des femmes aînées et des grands-mères (perceptions et images de soi et des femmes aînées en général, place et rôles des aînées dans la société) d’une part, et la dynamique des relations et de la transmission intergénérationnelles (nature, type, valeurs et savoirs transmis, modes de transmission, etc.), d’autre partFootnote 5. À la fin de l’entrevue, les femmes étaient invitées à remplir un bref questionnaire visant à recueillir des informations de type sociodémographique (âge, revenu, statut matrimonial etc.).

Toutes les entrevues ont été retranscrites et codées au fur et à mesure de leur réalisation. L’analyse visait tout d’abord à dégager, pour chaque entrevue, l’ensemble des thèmes abordés (prévus et émergents). Par la suite, selon les principes de l’analyse par théorisation ancrée (Paillé, Reference Paillé1994; Paillé et Mucchelli, Reference Paillé and Mucchielli2003), qui vise l’élaboration d’une théorie enracinée dans la réalité empirique des faits sociaux peu étudiés, nous avons regroupé ces thèmes sous des catégories conceptuelles dont les principales sont : «la revendication du plaisir», «le rejet du devoir», «l’affirmation de la personnification des liens intrafamiliaux», «la dissociation de l’âge et du rôle grand-maternel». Enfin, nous avons réalisé une analyse transversale de l’ensemble des entrevues, tant sur le plan thématique que sur le plan des catégories conceptuelles, afin d’établir la récurrence ou non des contenus des discours, en lien avec les diverses variables (âge, milieu économique, milieu familial).

Fiabilité et limites de la recherche

Tout au long du processus d’analyses, afin d’assurer la fiabilité de nos résultats, nous avons procédé à un type de triangulation des données, celle que Denzin (1978) nomme la triangulation du chercheur : chaque entrevue a été analysée par une agente de recherche et par les deux chercheures responsables, et les résultats ont fait l’objet de discussion avant d’être validés par le groupe. Cette recherche a permis d’atteindre une saturation des données (Bertaux,1996) pour la plupart des dimensions d’analyse, autant sur le plan empirique (données répétitives après une vingtaine de récits environ) que théorique (pertinence et solidité des catégories conceptuelles créés). Cependant, le nombre de femmes interrogées par catégorie d’âge ne nous permet pas de généraliser nos conclusions à toutes les aînées, notamment aux femmes issues de l’immigration.

Portrait des répondantes

L’échantillon final sur lequel se base cette analyse exploratoire des perceptions de la grand-maternité contemporaine des femmes aînées se compose de 25 québécoises francophones: issues des trois générations : 9 répondantes ont entre 65–74 ans, 10 entre 75–84 et, finalement 6 femmes sont âgées de 85 et plus. Sur le plan socioéconomique, 8 femmes disposent de revenus familiaux modestes ou faibles, 14 se situent dans la classe moyenne et 3 vivent au sein de milieux sociaux plus nantis. La majorité des femmes sont soient mariées (9) ou veuves (9), les autres étant célibataires (3) et séparées/divorcées (4). Hormis les trois femmes célibataires, les 22 autres ont des enfants adultes (15 répondantes ont entre 1 et 3 enfants et les 7 autres, plus de 4 enfants chacune); 20 ont des petits-enfants d’âges variés (9 répondantes ont entre 1 et 3 petits-enfants, 10 répondantes en ont entre 4 et 9, la dernière a 13 petits-enfants); enfin 3 femmes sont arrières-grands-mères deux et trois fois. Sur le plan des trajectoires et de la formation scolaire, des différences ressortent selon la génération. Ainsi, 6 des 9 femmes la première génération (65–74 ans) détiennent un diplôme universitaire (3 un baccalauréat, 2 une maîtrise, 1 un doctorat). Toutes les femmes de cette génération sauf une ont occupé des emplois rémunérés à la fois traditionnellement féminins (enseignante, infirmière) et non traditionnels (journaliste, conseillère financière, intervenante en psychiatrie). Enfin, en plus d’avoir mené de front le travail et la famille, elles ont été, et le sont encore, socialement engagées, que ce soit au sein de leur communauté ou dans leur activité professionnelle sous forme de bénévolat, sans parler du rôle qu’elles jouent auprès de leur famille. Pour leur part, les 16 femmes appartenant aux catégories des 75–84 ans et des 85 ans et plus possèdent une trajectoire typique des femmes nées dans les premières décennies du 20è siècle, avant l’accès des femmes aux études et au marché du travail : 7 ont une 9è année ou moins, 4 une 12è année et les 5 autres ont fait des études postsecondaires. Dix d’entre elles ont été des femmes au foyer toute leur vie (dont 5 sur 6 des femmes de 85 ans et plus), et celles qui ont été sur le marché du travail ont occupé un emploi traditionnellement féminin (secrétaire, aide familiale et ouvrière en usine) et ce, avant de se marier seulement. Ainsi, tel que dicté par les normes sociales de l’époque, devenues femmes au foyer, elles se sont consacrées à leur famille et à leurs proches. Seules deux femmes sont restées célibataires sans descendance et ont œuvré comme aide familiale pour gagner leur vie.

Résultats

Cette section présente les principaux résultats issus de nos analyses des entrevues. Conformément au processus itératif de la théorisation ancrée, nous avons procédé à un va-et-vient constant avec la littérature. C’est pour cette raison que des références scientifiques sont intégrées au texte. Bien entendu, les noms des sujets sont fictifs.

Des changements dans les représentations de la grand-maternité

Il importe d’abord de préciser que la très grande majorité des femmes de 65 ans et plus ayant participé à cette étude ne se perçoivent pas et ne se définissent pas comme des femmes aînées ou âgées. Elles refusent ces étiquettes et surtout les stigmates qui les accompagnent. Cela ne signifie pas qu’elles nient le passage du temps, mais plutôt qu’elles tentent de subvertir la vieillesse en restant actives, en forme physiquement, éveillées intellectuellement et ouvertes sur le monde qui les entoure (Quéniart et Charpentier, Reference Quéniart and Charpentier2011). Ainsi, on comprend mieux qu’à la question « qu’est-ce que cela signifie pour vous être grand-mère », plusieurs répondantes aient d’abord parlé de leurs propres grands-mères, avant de parler d’elles-mêmes ou de leurs contemporaines. Les souvenirs évoqués ont mis en évidence les énormes changements survenus au Québec dans les représentations de la grand-maternité, sinon de la vieillesse féminine en général:

« J’étais dans la paroisse Saint‑Jean Baptiste à Montréal, […] il y avait un hospice qu’on appelait [comme cela] à 65 ans. […] J’étais une petite fille et puis on les voyait assis [les personnes âgées] sur le grand balcon et puis ça se berçait et puis, dans ce temps‑là, ce n’est pas comme aujourd’hui, ça ne dansait pas. […] On a beaucoup plus évolué, les mères aussi, le rôle de mère. Et avec la vie qu’on mène aujourd’hui, là, premièrement, je ne me souviens pas d’avoir vu ma grand‑mère habillée autrement qu’en noir. À 50 ans, c’était des vieilles personnes. » (Marie, 81 ans).

En écho à ces représentations des « vieilles personnes » d’avant la Révolution tranquille, le terme grand-mère évoque pour Pierrette (73 ans) une femme âgée de sa parenté, coiffée d’une toque sur la tête, une image traditionnelle et stéréotypée, souvent illustrée dans la littérature pour enfants (Bécassine, etc.). Les témoignages font état aussi du courage dont ont fait preuve ces aïeules. Par exemple, Thérèse (86 ans) prend acte de la période austère (crises, guerres, famines, etc.) dans laquelle ont vécu les femmes qui l’ont précédée. Pour elle, l’allégorie de la grand-mère réfère à des femmes fortes et altruistes, des ménagères qui ont pris soin de leurs proches et de leur communauté dans des contextes de vie ardus.

« Je trouve que ces femmes-là, elles ont fait beaucoup, elles ont donné du temps pour la patrie quand les hommes allaient en guerre. Je trouve que c’est des femmes qui ont été exceptionnelles; quand même d’élever des enfants dans des temps très durs, en guerre et [aussi], des femmes qui font quelque chose pour la société pour aider les uns les autres. » (Thérèse, 86 ans)

Enfin, d’autres notent les transformations apparues dans les modes de génération (Mauger, Reference Mauger, Quéniart and Hurtubise2009) et les impacts engendrés au sein des dynamiques familiales et intergénérationnelles. Elles observent que les pratiques grand-maternage se sont modifiées au profit de relations plus intimes et d’un engagement plus soutenu auprès des petits-enfants. Une proximité accrue qu’elle explique notamment par la diminution du nombre d’enfants par famille.

« Je pense qu’on est beaucoup plus vivant avec nos petits-enfants que nos parents. Ma mère avait 9 enfants, je ne peux pas lui en vouloir [de ne pas avoir été très présente auprès de mes enfants], mais ça nous garde en vie les petits. […]. Mes enfants s’entendaient bien avec elle, mais il n’y avait pas d’autres échanges. […] elle n’a jamais fait tout ce que j’ai fait (Denise, 85 ans). »

Bien que Barbara (67 ans) soit plus jeune que Marie, Thérèse et Denise, ses propos corroborent également ce décalage relationnel qui semblait exister. En se remémorant son enfance, elle dépeint les grands-mères comme étant des femmes plus distantes avec leurs petits-enfants et constate que celles d’aujourd’hui s’impliquent activement auprès d’eux.

Si les représentations concernant les femmes âgées suscitent plutôt un rejet en bloc, celles de la grand-maternité apparaissent beaucoup plus positives, en raison notamment de la prise de conscience des changements survenus. Ces transformations majeures dans la famille et la vie quotidienne des femmes (baisse des natalités, famille moins nombreuse, amélioration des conditions de vie, rapports intergénérationnels plus chaleureux et plus égalitaires) ont modifié les représentations et conséquemment les pratiques des grands-mères. Il devient dès lors possible pour les femmes aînées de jouir de ce rôle.

Le beau rôle : plaisir et affection d’abord !

Au regard des femmes aînées interrogées dans cette étude, les grands-mères du XXIe siècle arborent leur rôle en rupture avec le passé, en misant sur le plaisir et sur une présence affectueuse. Cette notion de plaisir dans les rapports avec les petits enfants, à l’antithèse du devoir d’éducation et des obligations parentales, demeure récurrente dans toutes les entrevues et les expressions utilisées pour l’illustrer sont éloquentes : « cajoler», « gâter », « profiter» « savourer » ses petits-enfants.

« Moi, j’aime ça être grand‑mère. C’est important d’être grand‑mère. […]. C’est important, moi, je trouve, on a besoin de grands‑mères. C’est l’amour qu’on peut leur donner.» (Pauline, 65 ans)

« Je pense qu’elle [la grand-mère] a plus de temps en profondeur pour savourer les petits-enfants. Elle a plus de temps la grand-mère que quand on est mère peut-être. […] Tu prends plus le temps de les apprécier. Gâter, ça je dirais, je pense qu’une grand-mère va gâter » (Laure, 65 ans)

« Une grand-mère qui cajole ses petits-enfants, qui les aime, dépendamment de l’âge là. […] Une grand-mère, c’est ça. Ce n’est pas d’élever les enfants, c’est des les cajoler puis de les gâter un petit peu [rire] ». (Bernadette, 76 ans)

« Être grand-mère, c’est pouvoir profiter des enfants sans avoir besoin de les élever » (Thérèse, 86 ans)

D’autres dimensions s’ajoutent aux plaisirs de la grand-maternité, comme partager des intérêts communs et des activités agréables voire même rigolotes avec leurs petits-enfants. Chantal (80 ans) se rappelle avoir fréquemment amené sa petite-fille à la librairie et au restaurant. Même dynamique pour Laure (65 ans) qui varie les loisirs avec ses petites-filles, leur proposant des escapades à Montréal et des activités physiques, telles que des randonnées pédestres ou du vélo. En l’occurrence, ces pratiques correspondent au modèle de la supermamie occidentale décrite par divers auteurs (Olazabal et Desplanques, Reference Olazabal and Desplanques2008; Cohen, Reference Cohen2005; Gestin, Reference Gestin2002; Hummel, Reference Hummel1998) - des loisirs s’inscrivant dans des habitus de classe sociale plus nantie et scolarisée, et ce, peu importe la génération.

C’est avec conviction que les répondantes ont évoqué aussi la stabilité affective et la présence réconfortante qu’assurent les grands-mères dans ce monde en perpétuelle transformation. Constatant que tout va très vite, mais sans jamais adopter une attitude ou un discours passéiste, celles-ci jouent un rôle important en termes d’écoute et de réconfort visant à encourager les petits-enfants sur différents plans de leur vie.

«Je trouve qu’avec les enfants d’aujourd’hui, il y a le mot présence. C’est comme si les parents sont souvent, leurs heures de travail sont très longues. On a l’ordinateur, on a la télévision. Ils n’ont plus cette chance d’avoir quelqu’un qui les écoute, puis qui les écoute jusqu’au bout. A mon avis, les grands-parents de notre siècle, c’est vraiment de l’ordre de la présence » (Aline, 77 ans)

Femme de milieu modeste et à la trajectoire de vie très traditionnelle, Arlette (98 ans), la doyenne de notre échantillon, va dans le même sens et juge que ce n’est pas utile de « radoter les vieilles histoires ». Selon elle, le passé est « révolu », une grand-mère doit s’intéresser à ce que les enfants aiment et vivent présentement.

« Une grand-mère doit toujours être là ou accessible aux jeunes s’ils veulent venir se réconforter. Au fond c’est ça les grands-mères. […] C’est s’intéresser à ce qu’ils aiment, dans le sport, dans leurs études, de les encourager, ça c’est très important.» (Arlette, 98 ans)

Pour plusieurs, celles qui ont les moyens de le faire, le rôle d’encouragement prend aussi la forme d’un soutien financier. Mona (80 ans) lègue la maison de famille à son fils et participe financièrement aux projets de ses petits-enfants. De même, Aline (77 ans) et Monique (79 ans) aident leurs petits-enfants à payer leur logement et leurs études. Ces apports financiers sont rendus possible pour une nouvelle génération de femme qui ont eu accès au salariat, comme l’ont souligné Attias-Dunfut (2009) et Langevin (Reference Langevin2002).

Enfin, comme plusieurs auteures l’ont évoqué, les grands-mères remplissent fréquemment les fonctions de « pivot », « piliers » et « gardiennes » de la famille (Quéniart et Charpentier, Reference Quéniart and Charpentier2008; Brannen, Reference Brannen2006; Gestin, Reference Gestin2002). Elles sont en charge de maintenir les rituels familiaux, le lien à la base duquel s’organise le noyau familial.

« Je pense que c’est comme coordonnatrice [une grand-mère], […] pour mettre tout le monde ensemble. […] Je téléphone, je dis à tout le monde ce que les autres font. J’aime ça les prévenir pour les anniversaires de chacun. J’aime ça que ce soit chez moi» (Denise, 85 ans)

Agir pour éviter ou aplanir les tensions ou les conflits est à cet égard un comportement que plusieurs femmes aînées estiment essentiel pour préserver l’harmonie au sein du réseau familial. Soulignons que dans notre corpus, les femmes assumant ce rôle de rassembleuse sont âgées de 80 ans et plus, autonomes et habitent chez elles. Comme le souligne Marie (80 ans), devenue doyenne de la famille : « Je suis la maison paternelle, maternelle, c’est toujours chez moi qu’ils viennent. ». D’ailleurs, Thérèse (86 ans) mentionne que depuis qu’elle habite en centre d’hébergement, elle n’a plus la possibilité d’organiser les rassemblements et autres événements familiaux. Dans ce cas de figure la santé devient une condition déterminante qui influence l’amplitude et la teneur des rôles que les femmes occupent auprès de leurs petits-enfants et au sein des fratries.

En somme, pour l’ensemble des répondantes, les fonctions de la grand-maternité sont caractérisées par l’affection et le plaisir d’une part et, d’autre part, par la présence, l’attention et le réconfort qu’elles offrent à leurs petits-enfants. Le souci de préserver des relations familiales harmonieuses, sinon proxémiques, s’inscrit aussi dans le rôle grand-maternel pour plusieurs. Cette tendance est encore plus manifeste chez les femmes qui sont restées dans la sphère privée, endossant les rôles d’épouse, mère et ménagère. En outre, l’analyse des discours des femmes âgées quant à la grand-maternité dévoile que la majorité conçoit leur rôle dans le prolongement de leur fonction maternelle. Signe des changements sociaux et générationnels, les activités partagées et leurs relations avec leurs petits-enfants apparaissent néanmoins plus libres, consenties, sélectives et individualisées aujourd’hui qu’il y a soixante ans. Par ailleurs, la question de leur responsabilité en tant que grand-mère se pose pour plusieurs et appelle des réponses qui varient selon les conjonctures familiales et les épisodes de vie. Jusqu’où doit aller leur implication dans l’éducation et le bien-être de leurs descendants ?

De la distance à la substitution parentale, quelle place occuper ?

Alors que la conception du rôle des grands-mères fait plutôt consensus parmi les répondantes et se définit autour de quelques fonctions essentielles, la question de la place qu’elles occupent dans la famille aujourd’hui s’avère beaucoup complexe. Nonobstant l’importance accordée à la famille et l’amour porté à leurs descendants, plusieurs répondantes valorisent l’indépendance et l’autonomie dans leurs rapports familiaux. Conséquemment, elles font preuve d’une certaine réserve et se montrent soucieuses de trouver la bonne distance et la juste fréquence pour elles-mêmes et pour leurs enfants. « Je ne les vois pas souvent, mais je ne m’accroche pas après » résume Jeannine (70 ans). Certaines, comme Claire (72 ans), qui se sont investies dans une carrière ou des activités hors de la sphère familiale, jugent important d’être présentes et disponibles « tout en gardant un territoire », un espace pour soi. La plupart invoquent aussi le principe de non-ingérence dans la vie de leurs enfants; elles ne veulent pas s’immiscer dans l’éducation des petits-enfants.

« Bien, je ne me sens pas responsable de leur éducation. Je veux dire, ça ne m’appartient pas. Puis, ils font leurs expériences les parents.[…] Ça ne m’appartient pas ça, ce n’est pas à moi d’intervenir… » (Laure 65 ans)

« S’ils veulent que je leur donne des conseils concernant quoi que ce soit, ils m’en demanderont. Je pense que c’est ça, qu’il faut s’occuper de ses affaires, surtout. » (Marie, 80 ans)

« Non [je n’interviens dans l’éducation de mes petits-enfants] même que, des fois, cela peut être pénible pour les familles, les grands-mères voudraient mais ça ne les regarde pas.» (Arlette, 98 ans)

En revanche, pour quelques aînées rencontrées, appartenant à diverses générations, les dynamiques intergénérationnelles familiales sont marquées par une promiscuité notable et des relations « tissées serrées » : visites et appels journaliers, confidences très intimes, entraide quotidienne, etc. Quelques répondantes reconnaissent avoir franchi un seuil de proximité avec leur fille, notamment lors de la naissance du premier petit-enfant : « Pour E., j’ai été tellement présente que des fois j’ai volé la place de ma fille » (Adèle, 73 ans).

Bien que la majorité des répondantes conviennent qu’elles n’ont pas à intervenir directement dans l’éducation des petits-enfants, certaines l’ont fait et plusieurs le feraient dans des situations de crise ou de difficultés majeures vécues par les parents. Les grands-mères agissent alors comme un dernier rempart, une sorte de garde-fou. Par exemple, Pierrette (73 ans) a démontré beaucoup d’engagement envers son petit-fils qu’elle a pris sous son aile pour le soustraire à une intervention imminente de la direction de la protection de la jeunesse. Dans ce cas de figure, la répondante a accepté un rôle de tutelle et a suppléé momentanément à l’autorité parentale de sa fille, qui était complètement dépassée par les événements. Témoignage similaire du côté de Thérèse (86 ans) qui est intervenue abruptement dans le conflit mère-fils lorsque ce dernier a menacé de fuguer à l’adolescence. Rita (81 ans) a aussi eu à jouer un rôle de substitut; elle a même vécu quelques années sous le même toit que sa fille et ses petits-enfants en raison de la dépendance du père à l’héroïne. Cette expérience contribue à entretenir la proximité de l’aïeule avec les trois générations familiales successives puisqu’elle est aussi arrière-arrière grand-mère, mais elle insiste pour dire : « La responsabilité, je ne la veux plus. Je la veux [hésitation] aux endroits que j’aime vraiment, tu sais (…) »

Si une crise ou une conjoncture familiale difficile amène parfois les grands-mères à prendre plus de place, nos entretiens révèlent aussi que la proximité fluctue selon les petits-enfants. Autrement dit, tous les petits enfants n’ont pas la même place dans le cœur des grands-mères. Cécile (80 ans) aime beaucoup ses deux petites-filles, mais mentionne ne pas tant apprécier la personnalité de la deuxième. De même, Paulette (79 ans) entretient un rapport privilégié avec sa première petite-fille (enfant unique de sa fille défunte), mais observe une dissemblance dans ses rapports avec les enfants de son fils. En fait, pour ces femmes, c’est l’affinité et non pas la filiation qui définit la place qu’elles accordent à leurs relations avec leurs petits-enfants.

« Pour moi là, Luce, France, c’est des amies. C’est ma petite-fille, surtout Luce, l’autre, je n’y va pas souvent [la voir]. Disons que je ne l’haï pas […] parce que c’est la fille de ma fille. Mais je n’aime pas son caractère. C’est simple. » (Cécile, 80 ans)

« Le fait que je les ai gardés moins souvent que j’ai gardé ma première, Gabrielle, le contact n’est pas tout à fait le même. C’est leur caractère aussi, tandis que ma plus vieille, c’est des câlins et des câlins (Paulette, 79 ans).»

Définir sa place au sein de la famille, trouver la bonne distance entre pas ou trop d’engagement dans la vie de leurs enfants et petits-enfants préoccupe beaucoup les femmes aînées qui ont participé à notre étude. Leurs témoignages révèlent des pratiques plurielles et des engagements qui varient selon trois principaux facteurs : 1) la personnalité et le parcours de vie de la grand-mère, 2) la conjoncture familiale dans laquelle évolue le ou les petits-enfants et enfin 3) le niveau d’affinité avec les petits-enfants. Bien qu’attachées aux valeurs d’autonomie et au principe de non-ingérence dans la vie de leur descendance, en cas de crise, les grands-mères d’aujourd’hui feront tout en leur possible pour soutenir leur famille.

Discussion

L’individualisation et la personnalisation des rapports intergénérationnels

Alors que les études menées sur le sens de la grand-parentalité mettaient en évidence que ce rôle familial était central dans la vie des personnes âgées (Rosenthal et Gladstone, Reference Rosenthal and Gladstone2000), nos résultats s’avèrent plus nuancés. En fait, pour plusieurs répondantes pour ne pas dire la majorité, les rapports intergénérationnels qu’elles développent s’inscrivent dans le courant actuel « post-moderne » marqué par l’individualisation et la personnalisation des rapports sociaux (Taylor) et auquel la famille n’échappe pas. Leurs relations familiales semblent davantage libres, consenties, basées sur le plaisir et l’affinité, bref en rupture avec le portrait des grands-mères de jadis qu’elles ont brossé.

Les récits de ces femmes aînées permettent ainsi de constater que le rapport à la famille et aux enfants s’est modifié à la mesure des nouvelles générations sociales et des transformations dans les « modes de génération » (Mauger, Reference Mauger, Quéniart and Hurtubise2009: 8). En l’occurrence, ces femmes, surtout celles de 65–74 ans, ont vécu leur jeunesse dans la foulée de la Révolution tranquille et du mouvement féministe, période d’émancipation ayant non seulement bouleversé les rapports sociaux de sexe, mais aussi l’ensemble de la société québécoise. Ces répondantes ont ainsi eu la possibilité de faire des études postsecondaires et de mener une vie professionnelle ou publique. Refusant – c’est le cas de plusieurs – de se cantonner exclusivement dans les pratiques de maternage, leurs parcours de vie sont donc marqués par plus d’individualisation et de mobilité sociale (Attias-Donfut, Reference Attias-Donfut, Charpentier and Quéniart2009). C’est pourquoi, comme l’explique Tassé (Reference Tassé2002), les rapports intergénérationnels vécus par ces femmes en tête de la génération pivot se situent davantage dans une logique de discontinuité que dans une perspective d’obligation mutuelle inter ou intragénérationnelle. Pour Laure (65 ans), qui a toujours été entourée d’enfants, le fait de devenir grand-mère n’a pas été quelque chose de marquant. Elle ne se sent pas comme les autres mères pour qui devenir grand-mère a été intense et nouveau, le «bonheur total». De même, Claire (72 ans) a tenu à préciser que ses petits-enfants sont importants, mais ne sont pas tout dans sa vie. Tel que soulevé précédemment, Claire se garde un espace pour elle, en l’occurrence, du temps pour la vie conjugale et ses loisirs. Dans leur étude menée à la fin des années ’90, Roberto et al. avaient identifié cet affranchissement des femmes aînées en dehors de la sphère familiale et de la grand-maternité :

« Les enfants c’est important, mais…: 16 des 34 femmes ont affirmé avec ferveur l’importance de leurs enfants, mais diffèrent du premier groupe de femmes car leur vie ne tourne pas uniquement autour de leurs enfants. La relation mère-enfant est présente, mais constitue une relation parmi plusieurs autres qui sont significatives dans leurs vies. […] Les femmes étaient très satisfaites de leurs vies et de leurs contributions en tant qu’aînés et membres de la communauté. C’est avec beaucoup d’enthousiasme qu’elles parlaient de leurs activités sociales, religieuses, et de leurs intérêts personnels. » (Roberto et al. Reference Roberto, Allen and Blieszner1999: 75. Traduction libre).

Par contre, pour certaines répondantes, souvent âgées de 75 ans et plus mais pas uniquement, qui ont des trajectoires de vie plus traditionnelles et centrées sur les pratiques de maternage, la majeure partie de leur temps reste focalisée sur les besoins, l’attention et les soins à la famille. Leur conception de leur rôle de grand-mère s’inscrit dans le continuum des représentations et pratiques maternelles qui leur confère une reconnaissance, une légitimité sociale et plus encore une identité (Roberto et al. Reference Roberto, Allen and Blieszner1999), comme nous l’avons vu pour Bernadette (76 ans). Appartenant à une culture familiale de mutualité (Brannen, Reference Brannen2006), elle a assisté ses belles-sœurs en gardant leurs enfants, investit beaucoup ses relations avec ses descendants et éprouve de la difficulté à se définir en dehors du rôle d’aidante. Sa place dans la famille passe par son rôle maternel et grand-maternel, mais, une fois les enfants partis, c’est une partie de son identité qui s’envole : « Mon rôle dans la famille, qu’est-ce que tu veux que je fasse, j’en ai plus de rôle à tenir moi dans la famille. Je n’ai plus d’enfants, je n’ai plus de petits-enfants.»

Il y a donc lieu de parler d’une diversité de pratiques et de modèles de grand-maternité, cette dernière, tout comme la maternité, pouvant être refusée et modulée selon les enfants et les petits-enfants, selon sa personnalité ; son rapport à soi, aux autres et ses formes d’engagements sociaux rémunérés et bénévoles (Charpentier et Quéniart, Reference Charpentier and Queniart2009, Pennec, Reference Pennec and Pitaud2007). Si les grands-mères d’aujourd’hui jouent toujours un rôle important dans la famille (un rôle d’affection, d’encouragement, de soutien émotif et instrumental), elles arbitrent la place donnée aux autres avec le temps consacré à elles-mêmes (Quéniart et Charpentier, Reference Quéniart and Charpentier2011). Cette conciliation prend diverses configurations, évolue, et vient en quelque sorte désamorcer les modèles stéréotypés de la grand-mère nord-américaine : supermamie ou bonne mémère (Gestin, Reference Gestin2002). Ainsi, à l’instar de Bengtson (Reference Bengtson2001) nous convenons qu’il faille plutôt parler de dynamiques des relations intergénérationnelles puisque ces dernières sont appelées à se redéfinir constamment, selon les trajectoires de vie et de vieillissement des aînées et des membres de leurs familles. Il serait intéressant dans des travaux ultérieurs de voir si ces résultats s’appliquent aussi aux hommes aînés dans leurs modèles et pratiques de la grand-paternité. Cette vision plurielle, dynamique, interactive et évolutive des pratiques contemporaines de la grand-maternité, à l’image de la complexité et la mouvance des familles d’aujourd’hui, nous invite à mettre des bémols sur certaines associations un peu rapides et simplistes.

Une remise en question de nos constructions sociales de la grand-maternité

Plusieurs aspects ou facteurs fréquemment associés dans la littérature à la nature, à la fréquence et à la qualité des relations entre les grands-parents et petits-enfants n’ont pas été mentionnés dans cette étude, les femmes aînées interrogées n’y ayant pas ou peu fait allusion. Nous pensons entre autre à la question de la filiation par le fils ou la fille, à l’éloignement géographique des descendants, ou à l’âge des petits-enfants ou des grands-parents (Dench et Ogg, Reference Dench, Ogg, Attias-Donfut and Segalen2001; Rosenthal et Gladstone, Reference Rosenthal and Gladstone2000; McDaniel, Reference McDaniel and Strike1994).

D’abord, en ce qui a trait à l’association « âge et grand-maternité », nos analyses ne nous permettent pas de conclure à une telle relation, ni d’en déterminer le sens. Si les femmes de 75 ans et plus appartiennent à une génération qui adhère traditionnellement à des valeurs plus familialistes, centrées sur des relations d’entraide et de proximité (Brannen, Reference Brannen2006), l’âge ne dit pas tout. Par exemple, Cécile (80 ans) et Paulette (79 ans) s’avèrent sélectives dans leurs relations familiales et valorisent celles qui sont significatives. Pour elles, comme pour plusieurs autres répondantes et en dépit de leur âge, l’affinité personnelle apparaît plus importante pour nouer un rapport intergénérationnel, que la filiation en tant que telle. Il semble en être de même pour l’âge de leurs petits-enfants, quoique les grands-mères fournissent une aide particulière lors des naissances. Des entretiens exploratoires menés auprès de femmes aînées Inuit et immigrantes d’Afrique viennent aussi ébranler le lien traditionnellement établi entre l’âge et le rôle exercé par les grands-parents, au profit d’une lecture plus sensible aux parcours et contextes de vie. En vertu de l’adoption coutumière, et compte tenu des grossesses adolescentes et des ravages du SIDA (décès des parents), plusieurs grands-mères innu et africaines prennent en charge leurs petits-enfants alors qu’elles sont dans la jeune quarantaine et ce, souvent jusqu’à la fin de leur vie (Noubicier, 2011; Sigouin, Charpentier, et Quéniart, Reference Sigouin, Charpentier and Quéniart2010). Mais là encore, au sein d’une même communauté, les expériences de la grand-maternité s’avèrent diversifiées comme l’a démontré une étude menée auprès de 542 grands-mères Afro-américaines (Lee, Ensminger, et LaVeist, Reference Lee, Ensminger and LaVeist2005).

La question de l’éloignement géographique s’avère aussi un facteur qui, sans être passé sous silence dans les propos recueillis, n’est pas apparu comme significatif dans les relations avec les petits-enfants. Les grands-mères ont plutôt évoqué les exigences du travail, les études et le rythme de vie comme facteurs influençant leurs rapports avec les petits-enfants. Si plusieurs recherches ont mis en évidence l’impact négatif de la distance géographique sur les liens intergénérationnels, du moins sur la fréquence des contacts (Rosenthal et Gladstone, Reference Rosenthal and Gladstone2000; McDaniel, Reference McDaniel and Strike1994), il nous apparait évident que cette relation s’est considérablement transformée et atténuée avec l’accessibilité plus grande à l’internet et l’internationalisation des communications. Les grands-mères d’aujourd’hui, surtout celles qui ont été davantage sur le marché du travail et appartiennent à la génération des 65–74 ans, sont branchées, en ligne. Certaines, toujours très actives, deviennent des « mamies transnationales » qui conjuguent voyage et visite aux petits-enfants (Olazabal et Desplanques, Reference Olazabal and Desplanques2008).

Ainsi, en montrant la diversité des visages de la grand-maternité eu égard aux différences dans les trajectoires de vie des femmes, dans les contextes familiaux et dans les affinités interpersonnelles, notre étude vient remettre en question les conceptions traditionnelles de la grand-maternité, quant aux modèles stéréotypés qu’elles véhiculent et aux relations avec l’âge et la distance géographique qu’elles suggèrent. Nos travaux montrent aussi l’intérêt et la pertinence de recourir à la théorisation ancrée et aux approches féministes de l’intersectionnalité pour appréhender la complexité des conceptions et des expériences du vieillissement. Ces perspectives méthodologiques et théoriques pourraient être appliquées à d’autres groupes sous-étudiés de la population âgée, et auxquels on a peu donné la parole, en outre les hommes, les gaies et lesbiennes, les personnes aînées issues des communautés culturelles.

Conclusion

Le vieillissement renvoie les femmes à la féminité normative, qui exige à la fois jeunesse, beauté et « care » ou présence/soin aux proches. Pour plusieurs auteures féministes, les représentations omniprésentes de cet idéal féminin limitent la possibilité pour les aînées de maintenir une perception positive d’elles-mêmes et de s’affirmer (Calasanti, Reference Calasanti2005; Hurd, Reference Hurd2000; Clarke, 2000; 2002). Les propos des femmes interrogées par Clarke (2000, 2002) rendent compte de l’intériorisation de ces normes, mais suggèrent aussi que certaines s’en distancient. Ces résultats vont dans le même sens que les nôtres, indiquant que les aînées résistent et défient les idéaux culturels sexistes de ce qui constitue la désirabilité des femmes, leur rôle social, notamment en leur substituant des définitions et des pratiques plurielles et alternatives. Les entrevues que nous avons menées auprès des femmes aînées appartenant à diverses générations et milieux socioéconomiques mettent en évidence l’évolution des représentations de la grand-maternité et la préséance des dimensions affective, ludique et réconfortante de ce «beau» rôle. En cela, les aînées d’aujourd’hui marquent une certaine rupture avec les normes de sollicitude et tendent à se distancer des obligations de rôle qui pèsent sur les femmes depuis des décennies. Plus encore, elles inventent diverses activités et pratiques comme grand-mères afin de trouver leur «juste» place, entre les valeurs d’autonomie et de solidarité familiale. Évidemment, comme nous l’avons indiqué, cette démarche d’affranchissement est liée aux ressources, aux trajectoires familiales et professionnelles, aux conditions sociales de vie de chacune, de même qu’aux épreuves que traversent leur famille et leurs descendants.

Tout au long de la vie et du vieillissement, et dans tous ses états, la famille est toujours dans le cœur des femmes. Toutefois, en affirmant mettre le plaisir à l’avant scène, en préservant du temps pour elles et en se questionnant à savoir jusqu’où leur rôle de matriarche doit aller, les femmes aînées d’aujourd’hui inventent et définissent une grand-maternité autrement.

Footnotes

*

Cet article présente les résultats d’une recherche intitulée « Les femmes aînées dans l’espace privé et public : quels héritages, legs, transmissions?» subventionnée par le CRSH- Conseil de recherche en sciences humaines du Canada. No 410-2008-1789.

2. Au Québec, les femmes peuvent espérer vivre jusqu’à 82 ans comparativement à 78 pour les hommes. Ainsi, on dénombre 58 % de femmes chez les 65 ans et plus; un ratio femmes/hommes qui s’accentue avec l’âge à raison de 2 femmes pour 1 homme chez les 80 ans et plus, et de 5 pour 1 chez les centenaires. Réf. : Un portrait des aînés au Canada, Statistique Canada, 2007.

3. La théorisation ancrée, systématisée dans les années 60 à Chicago par Glaser et Strauss, vise à construire inductivement une théorie enracinée dans les données. Sur le plan épistémologique, cette approche trouve ses sources dans l’interactionnisme symbolique et dans la phénoménologie, en reprenant la posture selon laquelle la réalité est un construit et affirmant une place centrale à la façon dont les acteurs sociaux définissent leur expérience, construisent le sens de leur action.

4. Les entrevues ont été réalisées par trois agentes de recherche qui ont reçu une formation en méthodologie qualitative et qui avaient une longue expérience d’entrevues semi-directives. Notons que conformément aux règles éthiques de la recherche, toutes les participantes ont rempli un formulaire de consentement.

5. Les questions formulées étaient simples et ouvertes, par exemple : Comment voyez-vous la place et le rôle des femmes de votre génération ?, avec des sous-questions : dans la société, dans la famille ?

References

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