Hostname: page-component-745bb68f8f-v2bm5 Total loading time: 0 Render date: 2025-02-11T08:47:46.492Z Has data issue: false hasContentIssue false

À mots couverts: le regard des aînés et des soignants sur la communication quotidienne et ses manifestations d’âgisme implicite

Published online by Cambridge University Press:  25 May 2011

Martine Lagacé*
Affiliation:
Université d’Ottawa Observatoire vieillissement et société, Montréal Institut universitaire de gériatrie de Montréal
Fouad Medouar
Affiliation:
Observatoire vieillissement et société, Montréal
Joséphine Loock
Affiliation:
Observatoire vieillissement et société, Montréal
André Davignon
Affiliation:
Observatoire vieillissement et société, Montréal
*
*La correspondance et les demandes de tirés-à-part doivent être adressées à: Correspondence and requests for offprints should be sent to : Martine Lagacé, Ph.D. Département de communication de l’Université d’Ottawa 558 King Edward, pièce 203 Ottawa, ON K1N 6N5 (mmlagace@uottawa.ca)
Rights & Permissions [Opens in a new window]

Abstract

The aim of this exploratory study was to better understand interpersonal communication between frail elders and caregivers in the context of long-term care giving. In addition, in light of the Communication Accommodation Theory, the goal was to determine the extent to which communication can be a transmitter of ageism, particularly of implicit ageism. A total of 26 semi-structured interviews were conducted among elders and caregivers of a Quebec long-term care facility. Results suggest a close convergence between the perception of seniors and caregivers in regards to a quasi total absence of daily communication and moreover, in regards to the highly instrumental nature of this same communication. Finally, results of the content analysis also suggest that implicit ageism is indeed reflected in interpersonal communication between frail elders and caregivers.

Résumé

Cette étude exploratoire avait pour but l’étude de la communication interpersonnelle entre aînés en perte d’autonomie physique et soignants, dans un contexte d’hébergement de longue durée. En outre, il s’agissait de déterminer jusqu’à quel point la communication peut constituer un vecteur d’âgisme, particulièrement d’âgisme implicite et ce, sur la base des postulats de la théorie de l’accommodation de la communication. Pour ce faire, 26 entretiens semi-dirigés ont été menés auprès d’aînés et de soignants d’un centre québécois d’hébergement de longue durée. Les résultats suggèrent une étroite convergence entre les propos des aînés et des soignants quant à la quasi-absence de communication quotidienne et surtout quant à la nature fortement instrumentale de cette dernière. En outre, les analyses de contenu des entretiens semi-dirigées suggèrent également que l’âgisme implicite semble bel et bien teinter la communication interpersonnelle dans un contexte de soins quotidiens.

Type
Articles
Copyright
Copyright © Canadian Association on Gerontology 2011

Introduction

Les facteurs qui influencent le processus du vieillissement et, par extension, la qualité de vie des aînés (objective comme subjective) sont multiples. Ce faisant, il n’existe pas de parcours unique du vieillir non plus que de portrait typique d’un aîné et cela, en dépit des dérapages sournois résultant des stéréotypes négatifs sur la base de l’âge (Lagacé, Reference Lagacé2010; Lagacé, Tougas, Laplante, & Neveu, Reference Lagacé, Tougas, Laplante and Neveu2008; Laplante, Tougas, Lagacé, & Lortie-Lussier, Reference Laplante, Tougas, Lagacé and Lortie-Lussier2009). Plutôt, les parcours sont multiples et les aînés, tout aussi hétérogènes à travers ces parcours.

Le milieu de vie et l’environnement social dans lequel évoluent les aînés sont sans contredit des facteurs de grande importance s’agissant de bien-être, notamment sur le plan psychologique. Ainsi, il est plausible de penser que le vieillir à domicile, dans la communauté, et le vieillir en milieu d’hébergement orientent des parcours substantiellement différents. Et ces différences s’imprègnent encore davantage entre l’aîné en perte d’autonomie vivant en centre d’hébergement et requérant des soins de longue durée et celui vivant à domicile, de manière relativement autonome. Deshotels (Reference Deshotels2004, viii) souligne d’ailleurs l’importance de saisir le contexte spécifique du vieillissement en milieu d’hébergement où des soins continus sont prodigués par rapport à celui dans la communauté: « the nursing home is a unique setting and it is important to test the relationship between variables of interest rather than assume that it is the same as in the community. » Cependant, les études portant précisément sur le vieillir en centre d’hébergement de même que l’aîné en perte d’autonomie demeurent timides par comparaison à celles orientées vers les aînés vivant à domicile. En outre, parmi les premières, il est rarement question d’obtenir le point de vue, la perspective des aînés hébergés sur des éléments qui, paradoxalement, les concernent au premier chef.

Le passage d’un milieu de vie à domicile vers celui d’une institution comme un centre d’hébergement constitue une transition majeure dans le parcours de vie d’une personne âgée (Brandburg, Reference Brandburg2007; Charpentier & Soulières, Reference Charpentier and Soulières2007; Rioux, Reference Rioux2008). C’est particulièrement le cas pour l’aîné fragilisé, dont ce même passage n’a pas été initialement choisi, décidé, souhaité. Dans un tel contexte, la transition risque de déstabiliser l’aîné et ce, à plus d’un niveau (psychologique et social notamment). À cet égard, Blondeau (Reference Blondeau2008) soutient que la vie en institution où des soins de longue durée sont prodigués sous-tend qu’un aîné perd, dans une certaine mesure, le contrôle de son environnement: il est contraint à des horaires établis, ses choix de vie au quotidien sont limités et son intimité, restreinte. Ce faisant, pour Blondeau, c’est alors toute la dignité de l’aîné qui est mise en péril. Plus encore, Kart, Metress, et Metress (1988) suggèrent qu’il existe une étroite corrélation entre l’impossibilité, pour un aîné institutionnalisé, de prendre des décisions concernant des aspects de sa vie quotidienne et l’aggravation de désordres cognitifs, le retrait (ou le désengagement graduel) de la vie sociale ainsi que l’apparition de symptômes dépressifs. Forcément, ce ne sont pas tous les aînés résidant en centre de soins de longue durée qui éprouvent de telles difficultés mais il n’en reste pas moins que le milieu de vie institutionnel mobilise chez l’aîné de solides mécanismes d’adaptation qui lui permettront de maintenir sa santé psychologique et d’éviter ainsi une forme de fracture identitaire.

Parmi ces mécanismes d’adaptation, il est plausible de penser que la qualité de la communication interpersonnelle entre aîné et soignantsFootnote 1 joue un rôle central (Renzenbrink, Reference Renzenbrink2004; Williams & Nussbaum, Reference Williams and Nussbaum2000). En effet, la communication, lorsqu’elle est basée sur l’échange, la réciprocité et la symétrie permet, pour l’aîné résidant en institution, de maintenir un certain niveau de socialisation, essentiel à son bien être. L’hypothèse semble d’autant plus pertinente tenant compte du fait que les opportunités de relations sociales et interpersonnelles déclinent avec l’âge (particulièrement pour l’aîné institutionnalisé) et que conséquemment, celles qui sont maintenues ou qui se développent exercent un rôle très significatif (Cartensen, Reference Cartensen1992; Ryff, Reference Ryff1991). Dans un contexte de milieu de vie en hébergement, Dreher et al. (Reference Dreher, Eckert, Rubinstein, Keimig, Clark and Frankowski2008) suggère d’ailleurs que le soignant constitue une source première de communication et donc de soutien social pour l’aîné et ce, en complément (et parfois en remplacement) du système de soutien informel que constituent la famille et les amis. Dans le même esprit, Renzenbrink (Reference Renzenbrink2004, 68) attribue à la façon saine et surtout symétrique de communiquer du soignant, un effet de plus grande autonomisation, de pouvoir d’agir (empowerment) sur l’aîné: « the empowering professional will act as a facilitator and enabler, working in partnership with the older person rather than as an expert who knows best.».

Dans la continuité de ces réflexions, la présente étude vise à circonscrire la nature de la communication quotidienne entre soignants et aînés résidant en institutions de soins de longue durée. Précisément, à partir de la perspective de chacun de ces groupes, nous tenterons de déterminer si et comment cette communication est teintée de stéréotypes négatifs sur la base de l’âge. Cet objectif de recherche s’inscrit à la lumière des postulats de la théorie de l’accommodation de la communication (Giles, Coupland, & Coupland, Reference Giles, Coupland and Coupland1991), du concept d’âgisme implicite (Levy & Banaji, Reference Levy, Banaji and Nelson2002), ainsi que des quatre catégories communicationnelles entre soignants et soignés, identifiées dans l’étude de Woolhead et al. (Reference Woolhead, Tadd, Boix-Ferrer, Krajcik, Schmid-Pfahler and Spjuth2006). Chacun de ces éléments est précisé dans la section suivante.

Cadre conceptuel et recension des écrits

Dans un contexte de soins, la communication interpersonnelle réfère le plus souvent à des interactions centrées sur la personne, lesquelles vont bien au-delà d’un simple transfert d’information, comme le soulignent Richard et Lussier (Reference Richard, Lussier, Richard and Lussier2005, 12): « c’est, d’une part, un processus créatif de construction de croyances partagées entre deux ou plusieurs personnes et, d’autre part, le moyen pratique pour entrer en relation avec l’autre ». Cette façon de définir la communication laisse entrevoir un processus d’échange symétrique et réciproque et ce, bien que les identités sociales des interlocuteurs sous-tendent un réel rapport d’autorité. C’est en fait précisément parce que l’interaction professionnelle (notamment entre soignant et soigné) sous-tend un rapport inégal de pouvoir (St-Arnaud, Reference St-Arnaud2003) que l’effort pour égaliser, niveler ce même rapport devient crucial pour le bien être psychologique du soigné, lequel est déjà dans un état de dépendance. Autrement, l’interaction ne peut être qualifiée de « communication », au sens étymologique du terme « communicare », de « mise en commun » (Bonneville, Grosjean, & Lagacé, Reference Bonneville, Grosjean and Lagacé2007). Giles et al. (Reference Giles, Coupland and Coupland1991) ont développé la théorie de l’accommodation de la communication laquelle sous-tend que le langage (verbal comme non verbal) auquel ont recours des individus est d’abord et avant tout orienté, voire guidé par les croyances et les attitudes que ces mêmes individus entretiennent l’un par rapport à l’autre. Lorsque ces croyances et attitudes sont dépouillées de stéréotypes et de préjugés, la communication prend alors la forme d’un véritable échange, symétrique, sans modification ou adaptation du langage. En revanche, ces mêmes auteurs suggèrent que lorsque les croyances et attitudes sont teintées de stéréotypes négatifs, il en résulte une communication asymétrique, en ce que le langage est modifié précisément sur la base de tels stéréotypes. Ainsi, un individu souscrivant aux stéréotypes de la vieillesse « lente », « fragile », « malade », « confuse », « incompétente », « dépendante », « sage », « bonne », etc. (Hummert, Garstka, Ryan, & Bonnesen, Reference Hummert, Garstka, Ryan, Bonnesen, Nussbaum and Coupland2004; Palmore, Reference Palmore2004), interagirait avec un aîné en modifiant son langage verbal comme non verbal, notamment de manière « sur-accomodante ». Ses propos seraient alors exagérément simplifiés, directifs (voire contrôlants), son débit ralentit, son volume de voix amplifié, etc. Le « langage des aînés » (elderspeak; Balsis & Carpenter, Reference Balsis and Carpenter2005; Ruscher, Reference Ruscher2001) ou « le langage de bébé secondaire » (Caporael, Reference Caporael1981; Caporael, Lukaszewski, & Culbertson, Reference Caporael, Lukaszewski and Culbertson1983; Ryan, Giles, Bartolucci, & Henwood,Reference Ryan, Giles, Bartolucci and Henwood1986; Ryan, Kennaley, Pratt & Shumovich, Reference Ryan, Kennaley, Pratt and Shumovich2000; Williams, Giles, Coupland, Dalby, & Manasse, Reference Williams, Giles, Coupland, Dalby and Manasse1990; Williams & Giles, Reference Williams, Giles and Hecht1998; Williams, Reference Williams2004; Williams, Reference Williams2006) est un exemple de propos sur-accommodants et de ce fait, infantilisantsFootnote 2. Dans un tel contexte, selon Giles et ses collègues, la communication ne constitue plus un processus d’échange, de réciprocité symétrique mais bien d’émissions unidirectionnelles de messages, modelés sur des croyances négatives quant au vieillissement.

Les conséquences de la communication sur-accommodante sur l’aîné ont été documentées: ainsi, elle génère une baisse d’estime de soi en ce qu’elle nourrit des sentiments d’incompétence (Balsis & Carpenter, Reference Balsis and Carpenter2005; O’Connor & Rigby, Reference O’Connor and Rigby1996). En outre, il est plausible de penser que cette forme de communication infantilisante renforce l’émergence d’un cercle vicieux où les stéréotypes négatifs sur la base de l’âge sont intériorisés par l’aîné (particulièrement celui ou celle en perte d’autonomie) et les comportements de dépendance, tolérés, voire même encouragés par le soignant (Ryan, Meredith, MacLean, & Orange, Reference Ryan, Meredith, MacLean and Orange1995).

Ceci étant, il est important de noter que bien souvent, du point de vue de l’émetteur, la communication sur-accommodante avec l’aîné a pour but explicite de faciliter la compréhension et de mieux converger avec cet aîné. Cependant que l’émetteur mesure mal les conséquences pernicieuses de cette forme de communication, voire même, n’en est pas conscient. D’où l’hypothèse plausible que la communication sur-accommodante est de l’ordre de l’inconscient et s’apparente de ce fait au phénomène de l’âgisme implicite. Robert Butler (Reference Butler1969) est à la source de la conceptualisation de l’âgisme: il réfère ainsi à un processus de discriminations sociétales à l’égard des personnes aînées, lequel s’appuie sur des stéréotypes négatifs sur la base de l’âge (1969). Á partir de cette définition, Levy et Banaji (Reference Levy, Banaji and Nelson2002) ont développé quant à elles, le concept d’âgisme implicite. Ce dernier réfère aux stéréotypes, préjugés et comportements âgistes auxquels un individu souscrit mais de manière inconsciente, involontaire, non intentionnelle (Levy & Banaji, Reference Levy, Banaji and Nelson2002). Ainsi, selon ces auteurs, l’âgisme se manifesterait plus souvent qu’autrement de manière subtile, sournoise et non explicite. L’âgisme implicite se refléterait, par exemple, dans les subtilités des interactions quotidiennes (verbales comme non verbales) avec les aînés. Levy et Banaji (Reference Levy, Banaji and Nelson2002) expliquent le phénomène de l’âgisme implicite par le fait qu’il n’y a pas de groupe ni de propos manifestement haineux envers les aînés. En d’autres termes, la majorité des individus afficheraient peu d’attitudes et de comportements qui soient ouvertement et explicitement « anti-aînés ». Cependant, l’effet sournois d’un tel constat se traduit, toujours selon ces auteurs, par un certain niveau de tolérance sociale, de laxisme, voire de laisser-faire à l’égard de l’âgisme (ce qui serait moins le cas pour le racisme et le sexisme). D’où l’importance de cerner les manifestations inconscientes, involontaires d’âgisme (notamment dans le processus communicationnel) pour favoriser une prise de conscience et minimiser ainsi ses répercussions négatives sur l’aîné. Pour leur part, Woolhead et al. (Reference Woolhead, Tadd, Boix-Ferrer, Krajcik, Schmid-Pfahler and Spjuth2006) ont mené une étude visant à qualifier la communication entre professionnels de la santé et personnes aînées en centres d’hébergement. Les résultats, particulièrement pertinents pour la présente étude, suggèrent que a) les façons dont les soignants s’adressent aux résidents aînés; b) la politesse et le respect dont ils font preuve à leur égard; c) la capacité à reconnaître leur valeur (personnelle comme sociale), d) tout autant qu’à inclure ces mêmes résidents dans les processus décisionnels, constitueraient des facteurs exerçant une influence sur le sentiment de dignité qu’éprouve la personne aînée. Notons que dans cette étude, la dignité réfère au sentiment de respect qu’une personne éprouve à l’égard de soi même; au regard qu’elle porte sur soi, à la valeur qu’elle s’attribue (Woolhead et al., Reference Woolhead, Tadd, Boix-Ferrer, Krajcik, Schmid-Pfahler and Spjuth2006).

Des parallèles intéressants peuvent être tirés entre les études de Giles et al. (Reference Giles, Coupland and Coupland1991), Levy et Banaji (Reference Levy, Banaji and Nelson2002) ainsi que Woolhead et al. (Reference Woolhead, Tadd, Boix-Ferrer, Krajcik, Schmid-Pfahler and Spjuth2006) en ce que toutes attribuent à la communication (verbale comme non verbale), un pouvoir de transmission de stéréotypes, en l’occurrence de stéréotypes âgistes. Ainsi, sur la base des postulats de la théorie de l’accommodation de la communication (Giles et al., Reference Giles, Coupland and Coupland1991), des résultats de l’étude de Woolhead et al. (Reference Woolhead, Tadd, Boix-Ferrer, Krajcik, Schmid-Pfahler and Spjuth2006) et du concept d’âgisme implicite (Levy & Banaji, Reference Levy, Banaji and Nelson2002), nous soulevons les questions de recherche suivantes:

  1. 1. Comment les aînés résidant en centres d’hébergement et de soins de longue durée perçoivent-ils et qualifient-ils la communication quotidienne avec les soignants?

  2. 1a. Identifient-ils des manifestations d’âgisme implicite dans la communication?

  3. 2. Comment les soignants perçoivent-ils et qualifient-ils la communication quotidienne avec les aînés?

  4. 2a.Identifient-ils des manifestations d’âgisme implicite dans la communication?

  5. 2b. Dans quelle mesure souscrivent-ils à des croyances et attitudes explicitement âgistes?

Dans le cadre de cette étude, il nous est apparu essentiel de saisir à la fois la perspective des aînés tout autant que celle des soignants, en ce qui a trait à la communication et à l’âgisme. La plupart des études antérieures se sont en effet centrées sur l’un ou l’autre de ces groupes mais peu l’ont fait de manière concomitante. Il en va de même pour les concepts à l’étude: à ce jour, peu d’études empiriques ont permis de circonscrire l’âgisme implicite dans le contexte de la communication quotidienne entre aînés et soignants (Williams & Nussbaum, Reference Williams and Nussbaum2000).

Méthodologie

Description du terrain et recrutement des participants

Les participants de cette étude ont été recrutés dans un centre canadien (québécois) d’hébergement et de soins de longue durée (CHSLD). Après avoir obtenu l’approbation du Comité d’éthique de l’établissement quant à la réalisation de l’étude, les chercheurs ont effectué un recrutement volontaire de participants selon la procédure suivante: 1) pour les résidents: s’appuyant sur une évaluation clinique de l’aptitude (mémoire, capacité à comprendre les informations, etc.), une infirmière de l’établissement a d’abord été chargée d’identifier les résidents répondant à ces critères de sélection. Ces derniers ont ensuite été informés de l’étude à venir (un feuillet d’information leur a été remis). Par la suite, un horaire a été établi avec les résidents intéressés par l’étude et sur la base de ce dernier, les chercheurs se sont rendus à l’établissement afin d’y effectuer des entrevues individuelles; 2) pour les soignants: avec l’appui des dirigeants de l’établissement, les chercheurs ont d’abord présenté les objectifs de l’étude aux soignants, et ce, par le biais de brèves rencontres en face à face, lesquelles ont ensuite permis d’établir un horaire quant au déroulement ultérieures des entrevuesFootnote 3. La taille de l’échantillon, soit un total de douze résidents et de treize soignants, a été déterminée par principe de saturation empirique (Bonneville et al., Reference Bonneville, Grosjean and Lagacé2007).

Profil des participants

Résidents

Sur les douze résidents de l’établissement qui ont participé à cette étude, 7 sont des femmes et 5 sont des hommes. La moyenne d’âge des participants est de 82,8 ans (ET: 10,96). La valeur élevée de l’écart-type s’explique par le fait qu’un résident est âgé de 60 ans. Au total, 7 résidents vivent au centre depuis un an ou moins, les autres y habitent depuis deux ans ou plus (valeur de l’étendue: 7 ans). En ce qui a trait à l’état civil, 5 résidents sont mariés, 4 sont veufs et 3 sont célibataires. Enfin, la langue maternelle est le français pour plus de la moitié des participants.

Soignants

Sur un total de treize soignants participants, deux n’ont pas répondu aux questions d’ordre démographique. Le profil qui suit est donc basé sur un échantillon de onze personnes, dont 9 femmes et 2 hommes. La moyenne d’âge de 41,18 ans (âge minimal: 25 ans; âge maximal: 54 ans). De ce nombre, 7 occupent un poste de préposés aux bénéficiaires alors que les quatre autres se répartissent dans les catégories de postes « infirmier auxiliaire » ou « infirmier ». À la question: « depuis combien de temps travaillez-vous à cette résidence? », plus de 80% d’entre eux ont indiqué y travailler depuis au moins 5 ans; précisément, 5 soignants y travaillent depuis dix ans et plus. Il s’agit donc de personnel très expérimenté. Pour la majorité des soignants, la langue maternelle est le français et enfin, en termes de statut civil, l’échantillon se divise à peu près également entre ceux et celles qui sont mariés, vivent en union libre ou sont célibataires.

Procédures et outils méthodologiques

L’entretien semi-dirigé (composé entièrement de questions ouvertes) a été privilégié afin de répondre aux objectifs de recherche. Cet outil méthodologique s’est en effet avéré pertinent, compte tenu de la nature essentiellement exploratoire de l’étude (à savoir, comprendre le phénomène de la communication âgiste) mais également du contexte de vie des participants (particulièrement les résidents pour lesquels la passation de questionnaires avec questions fermées aurait été fastidieuse). Chaque entrevue, d’une durée d’environ quarante-cinq minutes, s’est déroulée dans un endroit calme et privé de l’établissement. Les entrevues avec les résidents ont eu lieu en juillet 2009 alors que les entrevues avec les soignants se sont déroulées en octobre 2009. Avant le début de chacune de ces entrevues, un formulaire de consentement a été signé par le participant et une copie lui a été remise. Ce faisant, avec ce consentement, le contenu des entrevues a été enregistré, pour fin de transcription seulement. Par ailleurs, afin de déterminer dans quelle mesure les soignants souscrivent à des stéréotypes âgistes (question de recherche 2b), un court questionnaire comportant quatorze questions fermées a été distribué suivant immédiatement l’entretien en face à face. Dans ce qui suit, nous décrivons en détails le contenu des outils méthodologiques utilisés.

Entretien semi-dirigé (résidents)

Les questions de l’entretien semi-dirigé avec les résidents visaient à évaluer la communication quotidienne avec les soignants. Ces questions étaient de type ouvert et ce faisant, cette approche a permis à chacun des participants de développer et de préciser sa pensée en parallèle aux concepts de communication et d’âgisme (implicite comme explicite).

Communication avec les soignants

Au total, 14 questions ont permis de circonscrire la perception (par les personnes âgées) de la communication avec les soignants, et ce tant au plan cognitif qu’affectif. Ces questions ont été inspirées des travaux de Laplante et al. (Reference Laplante, Tougas, Lagacé and Lortie-Lussier2009); Lagacé et al. (Reference Lagacé, Tougas, Laplante and Neveu2008) ainsi que McCann et Giles (Reference McCann and Giles2002), lesquels portaient sur la communication âgiste, notamment l’expression de cette dernière, à travers un langage contrôlant et infantilisant. Ainsi, dans un premier temps, les résidents étaient invités à préciser s’il y a communication au quotidien avec les soignants; dans l’affirmative, quels types de sujets sont évoqués et quels sentiments le résident éprouve-il eu égard à ces conversations (par exemples: en est-il satisfait? Qu’est-ce qui lui plaît le plus- le moins? A-t-il l’impression d’être respecté?). La seconde série de questions visait à détecter des indices de stéréotypes et d’attitudes âgistes dans le cadre des échanges communicationnels avec les soignants (blagues blessantes par rapport à l’âge, langage sur-accommodant, etc.). Voici quelques exemples de questions: « Est-ce que l’on vous raconte des blagues blessantes par rapport aux personnes âgées? »; « Est-ce que vous avez l’impression d’être ignoré(e) en raison de votre âge? »; « S’adresse-t-on à vous en utilisant des petits noms sans votre consentement? ».

Entretien semi-dirigé (soignants)

Les questions de l’entretien semi-dirigé avec les soignants étaient en quelque sorte une variation sur les mêmes thèmes de l’entretien auprès des résidents. Une telle décision méthodologique avait pour but de déterminer jusqu’à quel point les perceptions des soignants et celles des aînés convergent ou divergent quant à la communication quotidienne et quant à la présence (ou non) d’âgisme dans cette même communication. Cependant, cet entretien (tel que précisé plus haut), était complété par un questionnaire visant à déterminer dans quelle mesure les soignants souscrivent à l’âgisme, mais dans sa forme explicite. Comme dans le cas des résidents, les questions de l’entretien semi-dirigé des soignants ont été inspirées des travaux de Laplante et al. (Reference Laplante, Tougas, Lagacé and Lortie-Lussier2009); Lagacé et al. (Reference Lagacé, Tougas, Laplante and Neveu2008) ainsi que McCann et Giles (Reference McCann and Giles2002) sur la communication âgiste. Les questions fermées ont été tirées de l’échelle de Fraboni Scale of Ageism-Revisited (FAS-14), validée par Boudjemad et Gana (Reference Boudjemad and Gana2009). Les questions ouvertes et fermées sont décrites en détail dans les paragraphes suivants.

Communication avec les résidents

Comme dans le cas de l’entretien semi-dirigé avec les aînés résidents, un total de quatorze questions ont permis de circonscrire la perception (cette fois par les soignants) de la communication quotidienne et ce, tant au plan cognitif qu’affectif. Ainsi, dans un premier temps, le soignant était invité à préciser si et dans quelle mesure il y a conversation avec les résidents au quotidien; dans l’affirmative, quels types de sujets sont évoqués et quels sentiments le soignant éprouve-il eu égard à ces conversations (par exemples: en est-il satisfait? A-t-il l’impression d’écouter, de respecter la personne âgée? Etc.). En outre, a-t-il déjà été témoin de conversations ou de façons de communiquer qu’il considère comme blessantes, choquantes ou infantilisantes pour la personne âgée?

Croyances, attitudes et comportements explicitement âgistes des soignants

Les questions fermées avaient pour but, rappelons-le, de mesurer la dimension explicite de l’âgisme (voir question de recherche 2b). Pour ce faire, nous avons utilisé la version française de l’échelle Fraboni Scale of Ageism-Revisited (FAS-14), validée par Boudjemad et Gana (Reference Boudjemad and Gana2009), comportant un total de quatorze items. Cette échelle, mesurant tout autant la dimension cognitive qu’affective de l’âgisme, permet de déterminer jusqu’à quel point une personne souscrit à des propos manifestement antipathiques à l’égard des personnes âgées et, en outre, adopte des comportements d’évitement envers elles. Notons que cette mesure a été intégrée à la lumière des postulats de Levy et Banaji (Reference Levy, Banaji and Nelson2002) selon lesquels l’âgisme se manifesterait surtout de manière implicite et inversement, très peu de manière explicite. Dans ce qui suit, des exemples d’items de cette échelle: « Beaucoup de personnes âgées sont avares et amassent leur argent et leurs biens »; « Il est préférable que les personnes âgées vivent là où elles ne gênent personne ». Ces items sont accompagnés d’une échelle de type Likert où 1 signifie « très en désaccord » avec l’énoncé » et 5 « très en accord ». Un score global élevé est donc indicateur d’âgisme.

Analyse des données

Les données des entrevues ont été analysées en plusieurs étapes. Dans un premier temps, le contenu de celles-ci a été retranscrit dans sa totalité. Dans un deuxième temps, les chercheurs ont procédé à une analyse essentiellement qualitative du verbatim des entrevues. Cette approche méthodologique a été justifiée par la très petite taille de l’échantillon ainsi que la nature exploratoire de l’étude. Ainsi, dans le cas des questions ouvertes, les chercheurs ont utilisé principalement la technique des « thèmes émergents » (Miles & Huberman, Reference Miles and Huberman2003) permettant de faire ressortir certaines tendances. Afin de minimiser l’infiltration potentielle d’un biais des chercheurs (Berg, Reference Berg2004), deux codeurs (indépendants à l’étude) ont été formés pour l’analyse qualitative de contenu des verbatim d’entrevues. Enfin, les données de l’échelle de (FAS-14), ont été analysées à l’aide du logiciel statistique SPSS (version 18.0). Dans ce qui suit, les détails de la procédure d’analyse pour chacun des concepts à l’étude sont présentés.

Communication avec le soignant ∕ communication avec le résident

Rappelons que l’analyse du concept « communication » (soit du point de vue du soignant ou du point de vue du résident âgé), visait à déterminer quel type de conversation (lorsque conversation il y a) semble privilégié et jusqu’à quel point le soignant et le résident en sont satisfaits (ou insatisfaits). À partir de l’analyse de contenu des transcriptions d’entrevues, une grille catégorielle a été construite, laquelle comportait une dimension à la fois exploratoire et confirmatoire. La première, ayant pour but de créer des catégories en fonction des thèmes émergents alors que la seconde visait à valider les quatre catégories confirmées dans le cadre de l’étude de Woolhead et al. (Reference Woolhead, Tadd, Boix-Ferrer, Krajcik, Schmid-Pfahler and Spjuth2006) sur la perception de la communication entre professionnels de la santé et personnes âgées. Ces catégories, rappelons-le, sont les suivantes: façons de s’adresser à la personne âgée; politesse et respect de l’intimité/vie privée; reconnaissance de la valeur de l’autre ∕ reconnaissance sociale; inclusion et choix.

Il est important de noter que les résultats de l’étude de Woolhead et al. (Reference Woolhead, Tadd, Boix-Ferrer, Krajcik, Schmid-Pfahler and Spjuth2006) suggèrent qu’il existe un lien significatif entre ces quatre catégories et le sentiment de dignité qu’éprouve le résident (la dignité étant conceptualisée par ces auteurs comme le sentiment d’un respect de soi mais également du respect des autres à l’égard du soi). Par exemple, moins l’aîné résidant en centre de soins de longue durée a l’impression d’être inclus dans des processus de décisions qui le concernent, moins il éprouve un sentiment de dignité. En outre, moins cet aîné se sent reconnu comme personne, moins il éprouve un sentiment de dignité.

Croyances, attitudes et comportements explicitement âgistes des soignants

Les données de l’échelle Fraboni Scale of Ageism-Revisited (FAS-14) ont été analysées à l’aide du logiciel statistique SPSS (version 18.0). Dans un premier temps, l’analyse de fiabilité de l’échelle (Alpha de Cronbach) a imposé le retrait de trois items (« Beaucoup de personnes âgées ne font que vivre dans le passé. »; « La plupart des personnes âgées sont intéressantes car chacune possède sa propre identité Footnote 4. »; « On ne devrait pas faire confiance à la plupart des personnes âgées pour s’occuper d’enfants. »), lesquels affichaient une faible corrélation avec l’ensemble des onze autres items. Au plan conceptuel, en examinant ces trois items, on peut en effet questionner leur valeur indicative d’âgisme explicite (notamment la référence à l’identité) ou encore leur formulation trop directe. Une fois ces 3 items retirés, l’échelle affichait un indice de fiabilité interne acceptable (� = 0,66), compte tenu de la petite taille de l’échantillon. Dans un deuxième temps, des analyses descriptives ont été effectuées afin de déterminer les tendances centrales, de dispersion et de normalité des données.

Résultats: résidents

Catégories émergentes: communication avec les soignants

L’analyse des données quant à la communication quotidienne avec les soignants révèle une certaine déception, voire même une insatisfaction des résidents aînés. Celle-ci découle principalement du manque de temps que les soignants peuvent consacrer aux échanges communicationnels. Ainsi, tous les aînés interviewés (n =12) ont indiqué qu’au quotidien, il n’y pas suffisamment de temps consacré à la communication (certains évoquent même une absence totale de communication), comme en témoigne ce participant: « Ouais, le matin on a dix minutes. »; « On ne parle pas les gens sont pressés, c’est attendre »; et il faut comprendre ici, sur la base des propos des résidents, le terme « communication » dans le sens d’un échange, d’une réciprocité où chacun des interlocuteurs est partie prenante de cet échange. En outre, bien que plusieurs sujets de conversation aient été évoqués (dont en priorité ceux de la famille – des enfants notamment - ainsi que de la profession ou du métier antérieur du résident), il n’en demeure pas moins qu’une majorité d’interviewés a souligné l’omniprésence d’une communication fortement instrumentalisée, fonctionnelle, axée sur les tâches: « On parle très peu, excepté de maladie…ou bien quel est le médicament. J’ai pas d’entretien spécifique. Nos relations se résument à ça. Non, y’a pas de relations, on va dire de rencontres. »; « Personne n’a le temps de discuter autre chose que: voulez-vous manger, voulez-vous vous laver…? »; « Aucun n’est venu me voir… ce que je veux, ce que je pense, quelque chose qui dépasse leur travail. » À cet effet cependant, il est intéressant de souligner que les aînés ne semblent aucunement tenir les soignants comme responsables d’une telle situation: de fait, plusieurs d’entre eux énoncent que la plupart de ces soignants font preuve de professionnalisme (quant à la qualité clinique des soins) mais que leur charge de travail ne leur permet pas d’intégrer dans ces soins, une dimension humaine: « Je suis convaincu qu’ils ont du travail, ils n’ont pas le temps de discuter de choses…libres, personnelles ». Cependant, et il est tout aussi important de le souligner, cette forme de justification du manque de temps des soignants (en ce que l’attitude individuelle des soignants n’est pas remise en question mais plutôt la structure de travail) génère un effet insidieux chez certains aînés: un tiers d’entre eux semble, en quelque sorte, avoir abdiqué, s’être « résigné » quant au peu de temps que les professionnels peuvent leur consacrer. Mais plus encore cela se traduit, chez ces mêmes aînés, par une modification de leurs comportements qui permet de légitimer en quelque sorte les situations de non communication: « Et puis on me dit: « vous êtes pas pénible vous »…« ben oui, je les appelle pas quand j’ai pas besoin…c’est moins d’ouvrage». Nous sommes ici dans la logique du cercle vicieux des prophéties auto-réalisatrices: constatant que peu de temps peut leur être consacré, les aînés se comportent de façon telle à être le plus discrets possible, voire invisibles.

Un dernier élément mérite d’être souligné quant à la perception des aînés de la communication avec les soignants : un tiers d’entre eux relève des gestes et propos infantilisants dans la communication avec les soignants à leur égard: «… finissent mes phrases pour moi….oh oui, oui…ça c’est encore une tendance que je trouve dommage, parce que si on a passé sa vie à être adulte, à s’occuper des choses ou même à être mère de famille qui avait une certaine autorité à la maison…et puis qu’elles viennent ici et qu’on lui dise : « tiens, mange, mange »…faut pas parler comme ça aux gens » mais également à l’égard des autres résidents, particulièrement ceux souffrant de désordres cognitifs « On est plus blessant avec les gens qui, par exemple, ont l’Alzheimer ». Il est également pertinent de souligner que ce sont les résidents dont le niveau d’éducation est le plus élevé et qui ont exercé des métiers et professions de grande responsabilité qui ont tenu de tels propos.

Catégories confirmatoires: communication avec les soignants

Sans surprise, les résultats des analyses quant aux catégories confirmatoires inspirées des travaux de Woolhead et al. (Reference Woolhead, Tadd, Boix-Ferrer, Krajcik, Schmid-Pfahler and Spjuth2006) révèlent une étroite convergence avec les résultats relatifs aux catégories émergentes quant à la communication soignant-soigné. Ainsi, une majorité d’aînés interviewés souligne le peu de temps accordé à la communication dans l’organisation et du coup, la nature instrumentale de cette communication: « Elle fait son ouvrage, elle s’occupe de son travail plutôt que du patient…il n’y a pas beaucoup de langage, c’est le service qui compte »; ce faisant, ces perceptions semblent se répercuter négativement sur les aînés en ce qu’ils ont l’impression de ne pas être écouté, comme en témoignent les propos de ces participants: « Être écouté? Non…puis je m’dis j’suis ici, du moment que je j’suis servie et qu’on m’demande ce qu’il me faut...je n’en demande pas plus. »; « Je ne peux pas dire. Je ne suis pas, je ne suis pas réellement ignorée mais je ne pense pas qu’ils tiennent à me parler non plus. Peut être. Vous savez on se rend compte si quelqu’un est intéressé à nous »; en outre, certains participants ne se sentent pas reconnus comme personne, en termes de valeur sociale: « J’ai l’impression que je n’suis pas un homme, je suis un objet »; « Je trouve que la personne âgée n’est pas toujours respectée; certains vous traitent comme si vous étiez quelqu’un de pas important ».

Résultats: soignants

Catégories émergentes: communication avec les résidents

Au premier abord, les résultats d’analyse de contenu des propos des soignants suggèrent, de manière générale, que ces derniers brossent un portrait relativement positif de la communication quotidienne par rapport à celui des aînés. Parfois même, leurs perspectives semblent à l’opposé de celles livrées par les aînés. Ainsi, la plupart d’entre eux soutient (dans leurs réponses initiales) être à l’écoute des résidents et les reconnaître comme personne, dans leur valeur sociale (ce qui s’inscrit pratiquement à l’opposé des propos des aînés). Devant de tels résultats, il est plausible d’invoquer l’effet d’un potentiel biais d’auto sélection (Fiske, Reference Fiske2008). Ainsi les soignants qui ont accepté de participer à l’étude sont peut être plus sensibilisés à l’importance de la communication que ceux qui ont refusé. Cependant, une analyse plus approfondie des propos des soignants laisse deviner des perspectives beaucoup plus nuancées; de fait, en y regardant de plus près, on remarque que les réponses des soignants rejoignent à plusieurs égards celles des aînés. Ainsi, si les aînés semblent éprouver une certaine insatisfaction, voire même une certaine frustration devant le manque de temps consacré à la communication quotidienne avec les soignants, ces derniers éprouvent un grand sentiment de culpabilité, voire même beaucoup de souffrance devant une telle situation: « Oh, c’est pas long, on n’a pas beaucoup de temps pour jaser avec eux. Ca c’est…j’dirais c’est le côté très négatif de notre travail. Parce que des fois ils veulent nous dire quelque chose puis là j’ai un patient qui m’attend, j’ai le dîner, j’ai le déjeuner… ». C’est particulièrement le cas pour les soignants qui ont une longue expérience de travail et qui ont développé, au fil du temps, une relation d’affinité, de proximité avec certains aînés: « …Je pense que la plupart des personnes ici prend des remèdes contre la dépression et tout ça mais finalement c’est pas la dépression qu’il faut guérir, c’est la solitude qu’elles vivent…je suis sûre qu’ils sont pas dépressifs, ils sont tristes tout simplement. C’est le manque de contact avec les gens qu’ils aiment…et je vais essayer d’avoir un moment, dix minutes par jour mais c’est rien dans une journée! »; « C’est comme…c’est très difficile de faire quelque chose en vitesse…Donner plus de temps d’ailleurs, c’est ça dont ils ont besoin, plus de temps. »

En outre, il importe de souligner deux phénomènes relevés par les chercheurs dans le déroulement des entrevues avec les soignants: 1) les problèmes ou difficultés évoqués dans la relation quotidienne avec les résidents l’ont rarement été par rapport au soignant lui-même (c’est-à-dire par rapport à son propre travail) mais bien en regard du travail des « collègues » (ce qui a été vu ou ce qui a été entendu et qui semble inacceptable). Ainsi, c’est par la voie des « autres » que le portrait initial « positif » est devenu beaucoup plus nuancé: « J’trouve que des fois il y a des propos ici, qui sont immatures par rapport au respect de la clientèle »; «…Bien j’ai déjà entendu » « Quand on a besoin des autres, on s’plaint pas! »…t’as envie de dire (à la collègue de travail), il a besoin de toi mais t’es pas obligé de lui dire là, t’sais il le sait là »; « Exactement. Comme numéro 1, on passe au numéro 2, on passe au numéro 3. C’est comme, ça les intéresse pas. T’sais, c’est des gens âgés pis ça finit là… ». Un tel phénomène surprend peu en ce qu’il traduit fort probablement une forme de désirabilité sociale: le travailleur souhaite préserver et projeter la meilleure image de lui-même cependant qu’il est tout à fait disposé à identifier des propos et comportements inacceptables auprès de ses collègues. En outre, il est également possible que l’impact d’un biais de sélection entre en jeu ici: les participants à l’étude sont peut être déjà sensibilisés aux propos âgistes et de ce fait, y ont moins recours que leurs collègues nonparticipants; 2) les attitudes manifestement négatives à l’égard des aînés (soit l’âgisme explicite), sont relativement peu présentes dans les propos de la plupart des soignants bien qu’une faible minorité y réfère, en rapport à leurs collègues particulièrement: « Oui, ça peut être des mots, ça peut être de l’impatience, euh…puis des fois même, ça peut aller jusqu’au niveau…physique là…que…l’intervenant puisse bousculer un p’tit peu la personne âgée. »; « Y’en a qui traitent les bénéficiaires comme des objets, comme si c’était pas des êtres humains…».

Cependant, une forme d’âgisme plus nuancé, plus subtil teinte les propos de la majorité des soignants: le recours à un langage infantilisant ou la comparaison de l’aîné à un enfant en sont des exemples: « Bon des fois, j’entends des gens qui appellent les bénéficiaires «Ma chérie » ou viens ici « Ma belle»…pis c’est « Ma belle » pour elle, c’est « Ma belle » pour l’autre… »; « C’est comme nos p’tits bébés »; « Oh, ça vient tout seul, puis j’ai pas d’arrière pensée…c’est plus maternel qu’autre chose ». Il s’agit bel et bien d’âgisme implicite en ce que l’intention de départ n’est certes pas mauvaise mais il n’en reste pas moins que les conséquences sont négatives pour l’aîné, en ce qu’il ancre des pratiques de prises en charge ne favorisant pas l’autonomisation de ce dernier (Levy & Banaji, Reference Levy, Banaji and Nelson2002).

Catégories confirmatoires: communication avec les résidents

Comme dans le cas des participants aînés, nous avons mené une analyse plus approfondie de la thématique communicationnelle, sur la base des quatre sous-catégories suivantes: « façons de s’adresser à la personne âgée »; « politesse et respect de l’intimité ⁄ vie privée »; « reconnaissance de la valeur de l’autre ⁄ valeur sociale »; « inclusion et choix » (Woolhead et al., Reference Woolhead, Tadd, Boix-Ferrer, Krajcik, Schmid-Pfahler and Spjuth2006). Certains éléments fort positifs émergent de l’analyse, notamment que la majorité des soignants (soit douze sur treize) reconnaissent la valeur de la personne âgée, sa valeur sociale précisément et, par conséquent, soulignent l’importance du rôle de la communication « Ben moi ce qui m’plaît, ben moi c’est tout leur vécu, ces personnes ils ont tellement d’histoires, ils ont tellement de vie derrière eux et c’est enrichissant…et c’est vraiment une relation, moi c’est la relation de confiance qui s’établit là. » En outre selon certains soignants, la communication s’avère essentielle car elle constitue un élément facilitateur dans les soins à prodiguer, elle permet de « faire de la diversion » et de nourrir un sentiment de confiance auprès de l’aîné. Pour autant, et dans la continuité des propos des soignants dans les questions globales sur la communication (voir section précédente), la vaste majorité d’entre eux souligne le manque de temps pour communiquer (« Pas assez longtemps, d’après moi. Parce que c’est toujours go, go, go, la course, euh….Des fois, veut, veut pas, parce que….quand y’en a un ou deux qui vont pas bien là, ils t’accaparent beaucoup plus donc à ce moment là, les autres, t’es obligé de les mettre de côté, puis de les négliger…façon de parler…t’as pas l’entregent avec eux. »), ainsi que la nature, plus souvent qu’autrement, asymétrique de la communication, laissant clairement présager un rapport d’autorité : « La façon de parler à la personne…par exemple, pour changer la culotte : Y’a pas que toi ici, j’ai d’autres patients, donc je travaille pas pour toi, je…des mots que j’peux pas dire. » En outre, en référence aux catégories inspirées de l’étude de Woolhead et al. (Reference Woolhead, Tadd, Boix-Ferrer, Krajcik, Schmid-Pfahler and Spjuth2006), notamment la reconnaissance de la valeur de l’autre ⁄ valeur sociale, certains soignants ont référé au contexte organisationnel pour expliquer leur difficulté, voire leur incapacité à tendre vers une telle reconnaissance : « Ben, c’est sûr que…avec la charge de travail qu’on a et tout…euh, ben pour moi la relation d’aide, la communication c’est un point qui est très important. Mais malheureusement c’est pas privilégié par un contexte organisationnel….donc c’est souvent entre les techniques de soins ou les choses plus…comme pratiques qu’on a à faire, qu’on a l’occasion d’échanger. »

Croyances, attitudes et comportements âgistes des soignants

Les résultats d’analyses descriptives des onze items mesurant les croyances, attitudes et comportements explicitement âgistes, suggèrent que de manière générale, les soignants manifestent très peu d’âgisme explicite. En effet, la moyenne générale pour l’ensemble des onze items est de 1,81 (ET = 0,35) sur une possibilité maximale de 5 points. Il est intéressant d’interpréter ces résultats à la lumière de ce qu’on suggéré Levy et Banaji (Reference Levy, Banaji and Nelson2002) quant aux manifestations plus fréquentes d’âgisme implicite qu’explicite. Ainsi, le faible score de l’ensemble des soignants à l’échelle de Fraboni (mesurant l’âgisme dans sa dimension explicite) combiné à l’expression de propos âgistes plus subtils et nuancés (le langage infantilisant qualifié par certains soignants de maternant), tendent à appuyer le postulat de ces auteurs. Forcément, la très petite taille de l’échantillon, la nature purement descriptive des analyses statistiques effectuées sur l’échelle (laquelle sous-tend également un biais de désirabilité sociale, Fiske, Reference Fiske2008) ne constituent aucunement une mise à l’épreuve du postulat de Levy et Banaji (Reference Levy, Banaji and Nelson2002); à cet effet, des études ultérieures auprès d’un échantillon de grande taille permettraient de véritablement tester l’hypothèse de l’omniprésence d’âgisme implicite plutôt qu’explicite.

Discussion

Un centre d’hébergement et de soins longre durée est bien davantage qu’un lieu physique où des soins sont prodigués et des gestes cliniques sont posés. C’est un lieu de vie où s’organisent l’espace, les relations sociales et dans lequel se positionnent ceux et celles qui y résident comme ceux et celles qui prennent soin de ces derniers. Ce faisant, il est essentiel de comprendre comment se développent et comment évoluent ces relations. Le but premier de la présente étude était précisément de développer une meilleure compréhension du lien communicationnel « résidents et soignants » et ce faisant, d’explorer les manifestations d’âgisme dans le contexte de ce lien.

À cet effet, les résultats de notre étude sont fort éclairants et ce, à plusieurs niveaux. Ils révèlent ainsi une étroite convergence entre les propos des aînés et des soignants en ce qui a trait à l’insuffisance (voire même l’absence) de temps pour communiquer au quotidien mais également quant à la nécessité et à la volonté de communiquer davantage. Pour plusieurs aînés, un échange, une conversation, de nature symétrique et réciproque (c’est-à-dire qui va au-delà d’une communication axée sur les tâches), marquerait une reconnaissance de leur identité et de leur dignité comme personne, bien au-delà de celle de « résident ∕ soigné ». Par ailleurs, pour plusieurs soignants, la communication (dans le sens d’une mise en commun) semble faciliter leurs tâches et ce faisant, elle constitue une voie d’accès vers de meilleurs soins. Certains ont souligné la grande valeur ajoutée des échanges plus personnalisés avec l’aîné : mieux connaître l’histoire de vie d’une personne qui a énormément d’expérience sur le plan humain s’avère en effet essentiel.

En outre, les résultats, quant à l’analyse des propos des aînés et des soignants, valident en partie les postulats de la théorie de l’accommodation de la communication (Giles et al., Reference Giles, Coupland and Coupland1991) ainsi que de l’âgisme implicite (Levy & Banaji, Reference Levy, Banaji and Nelson2002). En effet, parmi les deux groupes de participants, plusieurs soulignent la présence de langage infantilisant, de propos exagérément simplifiés, de recours à des « petits noms », révélant ainsi une communication asymétrique, modifiée et modelée sur la base de croyances décalées quant au vieillissement. La communication dans un contexte de soins pourrait donc bel et bien s’avérer être la courroie de transmission de l’âgisme mais surtout, de l’âgisme implicite. Car ce qui est fascinant dans les résultats, c’est que malgré la reconnaissance de propos abrutissants dans le cadre des interactions quotidiennes, certains soignants ne qualifient pas ces propos d’ « âgistes » à proprement parler; plus encore, ils ne les évaluent pas comme potentiellement dommageables pour le bien être des aînés. Nous sommes ici forcément dans une logique insidieuse d’âgisme implicite: le soignant n’a pas pleinement conscience de l’accommodation stéréotypée à laquelle il a recours dans son interaction avec l’aîné. De fait, lorsqu’elle est reconnue comme tel, c’est d’abord et avant tout par rapport à des « collègues » soignants et non par rapport à soi-même. Enfin, l’omniprésence de l’âgisme de nature implicite plutôt qu’explicite est aussi reflétée dans les résultats obtenus sur l’échelle de Fraboni (Fraboni Scale of Ageism-Revisited). Cette échelle, rappelons-le, permet de mesurer des attitudes et comportements « explicitement » âgistes, notamment par des comportements de distance et d’évitement. Or, les soignants ont obtenu des scores faibles sur cette échelle (moyenne de 1,81) ce qui permet de penser, tel que suggéré par Levy et Banaji (Reference Levy, Banaji and Nelson2002) que l’âgisme (contrairement au racisme et au sexisme) s’infiltre plutôt de manière insidieuse et sournoise dans la communication interpersonnelle.

Par ailleurs, les résultats de la présente étude doivent forcément être interprétés avec prudence en raison de certaines limites méthodologiques, telles que la petite taille de l’échantillon et la nature non probabiliste de ce dernier (Bonneville et al., Reference Bonneville, Grosjean and Lagacé2007). Il va sans dire que de telles limites ne permettent aucune généralisation des résultats obtenus à l’ensemble des soignants et des résidents de l’établissement ciblé. Néanmoins, de tels résultats constituent des pistes, des indicateurs pertinents à explorer plus en profondeur dans le cadre d’études ultérieures auprès d’échantillons probabilistes et forcément de plus grande taille. Ces études permettraient ainsi de valider le rôle de la communication comme potentiel véhicule d’âgisme et de ce fait, de mettre en place des stratégies visant à mettre fin à un tel type de communication. Bien sûr, compte tenu des énormes défis en termes économique et structurel dans les soins de santé (notamment auprès des personnes âgées), certains pourraient hâtivement (et faussement) conclure, à partir des constats ci-haut que la communication ne peut s’inscrire au centre des préoccupations des soignants et des aînés. Mais cela consisterait à ignorer les répercussions négatives découlant d’une absence (ou d’une insuffisance) de communication ainsi que du potentiel âgiste de cette même communication. Ainsi, en ce qui a trait à l’absence de communication, plusieurs soignants interviewés éprouvent une grande culpabilité, voire même une certaine angoisse face à cette situation. Plus encore, cette absence de communication est interprétée, par les aînés, comme une forme de confirmation du peu d’importance de leur statut; certains franchissent même le pas périlleux de se comporter de sorte à confirmer cette perception (traduisant ainsi les effets pernicieux d’une prophétie auto réalisatrice). Ce faisant, même dans une logique où les défis par rapport aux soins de santé ne seraient abordés qu’en termes économique et structurel, il est plausible de penser que les répercussions d’une absence (ou d’une quasi-absence) de communication (entre soignants et soignés), ne feront en fait qu’amplifier, à long terme, ces facteurs économique et structurel. En ce qui a trait à la nature âgiste de la communication, de ne pas tenir compte de ses retombées négatives sur la santé psychologique de l’aîné déjà fragilisé, consiste à produire et à re-produire un processus d’âgisme institutionnel. En revanche, mettre fin à des pratiques communicationnelles âgistes dans un contexte de soins, impose sans contredit, une forme de sensibilisation, dans un premier temps, et de formation, dans un deuxième temps, des soignants comme des soignés face à l’existence d’un tel phénomène.

Footnotes

1 Nous conceptualisons le terme « soignants » dans son sens le plus large, c’est-à-dire en référence à l’ensemble des individus veillant au bien être de l’aîné en institution, soit le préposé aux bénéficiaires, l’infirmier et le médecin. Cependant, dans la présente étude, nous mettons l’accent sur la relation entre l’aîné et les préposés aux bénéficiaires, ces derniers constituant la majorité de notre échantillon. En outre, le préposé aux bénéficiaires est celui qui est le plus fréquemment en contact avec l’aîné.

2 Dolinsky et Dolinsky (Reference Dolinsky and Dolinsky1984), ainsi que Lanceley (Reference Lanceley1985), soutiennent que la souscription à des stéréotypes négatifs sur la base de l’âge et la communication infantilisante qui s’en suit, caractériseraient particulièrement la relation entre aînés fragilisés et soignants et traduirait, du coup, le pouvoir différentiel de cette même relation.

3 Nous notons que mis à part l’évaluation clinique de l’aptitude des résidents, nous n’avons pas ciblé de critères de sélection pointus et ce, tout autant pour les résidents que pour les soignants. Cette façon de faire avait pour objectif de maximiser le recrutement volontaire dans un établissement de taille moyenne.

4 Item inversé

References

Bibliographie

Balsis, S., & Carpenter, B.D. (2005). Evaluations of elderspeak in a caregiving context. Clinical Gerontologist, 29, 7996.CrossRefGoogle Scholar
Berg, B.L. (2004). Qualitative research methods for the social sciences. Boston, MA: Pearson Education Inc.Google Scholar
Blondeau, D. (2008). La différence: Condition of exclusion or of reconnaissance? Nursing Philosophy, 10, 3441.CrossRefGoogle Scholar
Bonneville, L., Grosjean, S., & Lagacé, M. (2007). Introduction aux méthodes de recherche en communication. Montréal, Quebec, Canada: Gaëtan Morin éditeur, Chenelière Éducation.Google Scholar
Boudjemad, V., & Gana, K. (2009). L’âgisme: Adaptation française d’une mesure et test d’un modèle structural des effets de l’empathie, l’orientation à la dominance sociale et le dogmatisme sur l’âgisme. La Revue canadienne du vieillissement, 28(4), 371389.CrossRefGoogle Scholar
Brandburg, G.L. (2007). Making the transition to nursing home life: A framework to help older adults adapt to the long-term care environment. Journal of Gerontological Nursing, 33(6), 5056.Google Scholar
Butler, R.N. (1969). Age-ism; another Another form of bigotry. The Gerontologist, 9, 243246.CrossRefGoogle ScholarPubMed
Caporael, L.R. (1981). The paralanguage of caregiving: Baby talk to the institutionalized aged. Journal of Personality & Social Psychology, 40, 876884.CrossRefGoogle Scholar
Caporael, L.R., Lukaszewski, M.P., & Culbertson, G.H. (1983). Secondary baby talk: Judgments by institutionalized elderly and their caregivers. Journal of Personality & Social Psychology, 44, 746754.CrossRefGoogle ScholarPubMed
Cartensen, L.L. (1992). Motivation for social contact across the life span: A theory of socioemotional selectivity. Symposium on Motivation, 40, 209254.Google Scholar
Charpentier, M., & Soulières, M. (2007). Vieillir en milieu d’hébergement. Le regard des résidents. Québec, Canada: Presses de l’Université du Québec.Google Scholar
Crocker, J., Blaine, B., & Luhtanen, R. (1993). Prejudice, intergroup behaviour and self-esteem: Enhancement and protection motives. In Hogg, M.A., & Abrams, D. (Eds.), Group motivation: Social psychological perspective (pp. 5267). New York: Harvester-Wheat.Google Scholar
Deshotels, T.H. (2004). Engaging a debate: Exploration of depression, engagement, stress and gender in the nursing home. Ann Arbor, MI: UMI Dissertation Services, ProQuest Information and Learning.Google Scholar
Draper, P. (2005). Patronizing speech to older patients: A literature review. Reviews in Clinical Gerontology, 15(3–4), 273279.CrossRefGoogle Scholar
Dreher, D.D., Eckert, J.K., Rubinstein, B., Keimig, L., Clark, L., Frankowski, A.C., et al. . (2008). Ethnographic study of stigma and ageism in residential care or assisted living. The Gerontologist, 48(4), 517526.Google Scholar
Dolinsky, E.H., & Dolinsky, H.B. (1984). Infantilization of elderly patients by health care providers, Special Care in Dentistry, 4(4), 150153.CrossRefGoogle ScholarPubMed
Fiske, S.T. (2008). Psychologie sociale. Bruxelles, Belgium: De Boeck.Google Scholar
Giles, H., Coupland, N., & Coupland, J. (1991). Context of accommodation: Development of applied linguistics. Cambridge, UK: Cambridge University Press.CrossRefGoogle Scholar
Hummert, M.L., Garstka, T.A., Ryan, E.B., & Bonnesen, J.L. (2004). The role of age stereotypes in interpersonal communication. In Nussbaum, J.F., & Coupland, J. (Eds.), Handbook of communication and aging research (pp. 91114). Mahwah, NJ: Lawrence Erlbaum Associates Publishers.Google Scholar
Kart, C.S., Metress, E.K., & Metress, S.P. (1988). Aging, health, and society. Ohio: Jones & Bartlett Publishers.Google Scholar
Lagacé, M. (2010). Collectif: L’Âgisme Comprendre et changer le regard social sur le vieillissement. Québec, Canada: Presses de l’université Laval.Google Scholar
Lagacé, M., Tougas, F., Laplante, J., & Neveu, J.-F. (2008). Les répercussions de la communication âgiste sur le désengagement psychologique et l’estime de soi des infirmiers de 45 ans et plus. Revue canadienne du vieillissement, 27(3), 285299.CrossRefGoogle Scholar
Lanceley, A. (1985). Use of controlling language in the rehabilitation of the elderly, Journal of Advanced Nursing, 10(2), 125135.CrossRefGoogle ScholarPubMed
Laplante, J., Tougas, F., Lagacé, M., & Lortie-Lussier, M. (2009). Infantilisées et contrôlées: le sort des travailleuses d’expérience? Vie et vieillissement, 7(2), 1522.Google Scholar
Levy, B.R., & Banaji, M.R. (2002). Implicit ageism. Dans Nelson, T.D. (Ed.), Ageism stereotyping and prejudice against older persons (pp. 4975). Cambridge, MA: MIT Press.CrossRefGoogle Scholar
McCann, R., & Giles, H. (2002). Communication with people of different ages in the workplace: Thai and American data. Human Communication, 32, 74108.CrossRefGoogle Scholar
Miles, M.B., & Huberman, A.M. (2003). Analyse des données qualitatives (traduction de la 2ième édition américaine par Martine Rispal). Paris, France: De Boeck.Google Scholar
O’Connor, B.P., & Rigby, H. (1996). Perceptions of baby talk, frequency of receiving baby talk, and self-esteem among community and nursing home residents. Psychology & Aging, 11, 147154.CrossRefGoogle ScholarPubMed
Palmore, E.B. (2004). Research note: Ageism in Canada and the United States. Journal of Cross-Cultural Gerontology, 19, 4146.CrossRefGoogle Scholar
Renzenbrink, I. (2004). Home is where the heart is: Relocation in later years. Illness, Crisis & Loss, 12(1), 6374.CrossRefGoogle Scholar
Richard, C., & Lussier, M.-T. (2005). Une approche dialogique de la consultation. Dans Richard, C., & Lussier, M.-T. (Ed.), La communication professionnelle en santé (pp. 1234). Saint-Laurent, Québec, Canada: Éditions du Renouveau pédagogique inc.Google Scholar
Rioux, L. (2008). L’entrée en maison de retraite: Étude de l’adaptation spatio-territoriale des résidents. Pratiques psychologiques, 14(1), 8999.CrossRefGoogle Scholar
Ruscher, J.B. (2001). Prejudiced communication: A social psychological perspective. New York: Guilford Press.Google Scholar
Ryan, E.B., Giles, H., Bartolucci, G., & Henwood, K. (1986). Psycholinguistic and social psychological components of communication by and with the elderly. Language & Communication, 6, 124.CrossRefGoogle Scholar
Ryan, E.B., Kennaley, D.E., Pratt, M.W., & Shumovich, M.A. (2000). Evaluations by staff, residents, and community seniors of patronizing speech in the nursing home: Impact of passive, assertive, or humorous responses. Psychology & Aging, 15(2), 272285.CrossRefGoogle ScholarPubMed
Ryan, E.B., Meredith, S.D., MacLean, M.J., & Orange, J.B. (1995). Changing the way we talk with elders: Promoting health using the communication enhancement model. International Journal of Aging & Human Development, 41(2), 69107.CrossRefGoogle ScholarPubMed
Ryff, C.D. (1991). Possible selves in adulthood and old age: A tale of shifting horizons. Psychology & Aging, 6, 286295.CrossRefGoogle ScholarPubMed
St-Arnaud, Y. (2003). L’interaction professionnelle: Efficacité et coopération (2ième édition revue et augmentée ed.). Montréal: Les Presses de l’Université de Montréal.CrossRefGoogle Scholar
Williams, K.N. (2004). Elderspeak: Impact on geriatric care. Geriatrics & Aging, 7(1), 5760.Google Scholar
Williams, K.N. (2006). Improving outcomes of nursing home interactions. Research in Nursing & Health, 29(2), 121133.CrossRefGoogle ScholarPubMed
Williams, A., & Giles, H. (1998). Communication of ageism. Dans, Hecht, M.L. (Ed.), Communicating prejudice (pp. 136160). Thousand Oaks, CA: Sage.CrossRefGoogle Scholar
Williams, A., Giles, H., Coupland, N., Dalby, M., & Manasse, H. (1990). The communicative contexts of elderly social support and health: A theoretical model. Health Communication, 2, 123143.CrossRefGoogle Scholar
Williams, A., & Nussbaum, J.F. (2000). Intergenerational communication across the life span. Mahwah, NJ: Lawrence Erlbaum Associates.Google Scholar
Woolhead, G., Tadd, W., Boix-Ferrer, J.A., Krajcik, S., Schmid-Pfahler, B., Spjuth, B., et al. . (2006). «Tu» ou «Vous?» A European qualitative study of dignity and communication with older people in health and social care settings. Patient Education & Counseling, 61, 363371.CrossRefGoogle Scholar