IntroductionFootnote 1
Les communautés francophones en situation minoritaires au Canada, qui comprennent les francophones à l’extérieur du Québec, sont souvent confrontées à l’inexistence de services dans leur langue. C’est particulièrement le cas pour les services touchant à leur santé. Or, ce n’est qu’assez récemment, soit depuis la fin des années 1990, que l’accès aux services de santé en français fait l’objet d’une mobilisation des acteurs francophones et d’une attention plus soutenue des chercheurs. Notre revue de littérature de la recherche en santé en contexte francophone minoritaire le démontre (Forgues, Guignard Noël, Nkolo, & Boudreau, Reference Forgues, Guignard Noël, Nkolo and Boudreau2009). Cette problématique de l’accès aux services de santé en français se pose de façon particulière selon les provinces, qui exercent des responsabilités dans ce champ de compétence (voir Bourgeois, Denis, Dennie, & Johnson, Reference Bourgeois, Denis, Dennie and Johnson2006), selon les services et les groupes de la population. Ainsi, la problématique de l’accès aux services de santé en français se découpe en plusieurs sous-problématiques particulières. Nous nous intéressons dans cet article à l’accès des aînés francophones aux foyers de soins. La Fédération des aînées et aînés francophones du Canada (FAAFC) en a même fait une priorité de recherche (FAAFC, 2008) dans ses réflexions et discussion qui ont suivi le 2e Forum sur la santé organisé par le Consortium national de formation en santé (CNFS) en 2007 (CNFS, 2008). La FAAFC a défini cinq priorités de recherche (2008):
1. Le vieillissement à domicile
2. L’accès aux services de longue durée
3. L’état de santé et la qualité de vie des aînés
4. La promotion de la santé et la prévention de la maladie
5. La santé mentale chez les aînés francophones
Une préoccupation pour l’accès des aînés francophones a également été exprimée par l’Association acadienne et francophone des aînées et aînés du Nouveau-Brunswick (AAFANB) qui a constaté l’absence ou l’insuffisance de services de longue durée (foyers de soins) en français dans certaines régions du Nouveau-Brunswick.
La recherche dont nous présentons les résultats préliminaires dans le présent article s’inscrit dans la mise en œuvre de la deuxième priorité afin de comprendre l’enjeu de l’accès aux services de longue durée, particulièrement dans les foyers de soins. L’article qui suit introduit la problématique et l’enjeu de la langue d’accès des aînés francophones à des foyers de soins, en faisant état des travaux de recherche portant directement ou indirectement sur cette question. Nous présentons ensuite le contexte juridique et réglementaire des foyers de soins au Nouveau-Brunswick, eu égard notamment à la dimension linguistique. Nous présentons enfin une analyse géographique des foyers de soins disponibles dans la province en fonction de la langue de service et de la présence d’aînés francophones. Cette analyse permet de faire un premier portrait de la situation de la langue d’accès aux foyers de soins par les aînés francophones.
La problématique de l’accès des aînés francophones en situation minoritaire aux foyers de soins de longue durée
Pour cerner de plus près la problématique de la langue d’accès des aînés francophones du Nouveau-Brunswick aux foyers de soins, nous avons consulté les travaux de recherche qui ont été faits sur la problématique de l’accès des francophones en milieu minoritaire à des services de santé dans leur langue. Nous avons également colligé les travaux qui abordent le vieillissement de la population afin de voir si on aborde la question de leurs besoins en termes de services de santé et la façon qu’ils sont pris en compte dans l’aménagement des services de santé. Nous avons également considérer les travaux qui voient dans l’existence de services en santé un lien avec la vitalité des communautés en situation minoritaire. Si très peu de travaux abordent directement la problématique qui nous intéresse, les travaux recensés nous permettent néanmoins de mieux la saisir.
Notre problématique de recherche se définit au croisement de trois enjeux importants pour les francophones, soit 1) l’accès des francophones en contexte minoritaire à des services en français, 2) la vitalité des communautés francophones et 3) le vieillissement de la population. Chacun de ces enjeux a sa spécificité et contribue à éclairer notre problématique de recherche.
1) L’enjeu de l’accès aux services de santé en français par les francophones en situation minoritaire suscite la mobilisation des acteurs francophones depuis la fin des années 1990. Le déclencheur a été la volonté du gouvernement ontarien de fermer l’hôpital Montfort, puis de changer sa vocation (Vézina, Reference Vézina2007). Ce qui est devenu par la suite la cause Montfort a suscité une mobilisation des acteurs francophones qui a permis de prendre conscience de l’importance pour les communautés francophones de disposer de services et d’infrastructures de santé dans leur langue. Sont nés de cette mobilisation, et des revendications qu’elle est venue insuffler, la Société santé en français (SSF), ses réseaux affiliés, et le CNFS.
La problématique de l’accès aux services de santé renvoie à la question de la qualité des services de santé dans un contexte francophone minoritaire. Les recherches ont montré que la langue et la culture peuvent constituer une barrière dans l’accès aux services de santé (Bowen, Reference Bowen2001). En outre, les francophones en situation minoritaire ont un accès limité à des services de santé dans leur langue (Desjardins, Reference Desjardins2003). Cela est d’autant plus préoccupant que des recherches montrent l’importance de la langue dans la qualité des services offerts (Bowen, Reference Bowen2001; Robichaud, Reference Robichaud1987). Les travaux réalisés dans cette problématique viennent orienter une grande partie des efforts des intervenants francophones en santé, notamment la SSF et le CNFS.
2) Notre objet d’étude touche également à l’enjeu du vieillissement des populations. Il est presque devenu banal de parler des pressions que le vieillissement de la population exerce sur les services de longue durée. Jumelée au désengagement de l’État (Bernier, Reference Bernier2003) et aux transformations de la famille en général (Dagenais, Reference Dagenais2000; Godbout & Charbonneau, Reference Godbout and Charbonneau1994), qui se doit de compenser les écarts entre les besoins réels de cette population et l’offre de services, cette pression force les décideurs à organiser les services actuels selon une logique de rationalisation qui risque d’ignorer les spécificités culturelles ou linguistiques de la population.
L’arrivée des premières cohortes issues du Baby boom incite plusieurs communautés à se préparer pour mieux répondre aux besoins des aînés. Des chercheurs invitent les communautés à prendre en compte cette population dans leur planification urbaine ou rurale (Hodge, Reference Hodge2008). La dimension spatiale, notamment les différences entre les milieux urbains et ruraux, est aussi à considérer (Hodge, Reference Hodge2008; Keating, Reference Keating2008). Les caractéristiques spécifiques des générations influencent également les besoins des aînés. Hodge (Reference Hodge2008) constate que les aînés issus du baby-boom ont des valeurs différentes sur le plan de la sexualité, du statut/rôle de la femme et des minorités, l’utilisation des technologies de l’information et de la communication, les habitudes de vie. L’auteur observe notamment que la dé/recomposition de la famille fait en sorte que celle-ci offre une aide plus faible aux aînés. La transformation des liens familiaux exerce aussi des pressions sur les services de longue durée, en raison du desserrement considérable de « l’obligation de solidarité privée qui reposait jusqu’alors sur les familles » (Dandurand & Ouellette, Reference Dandurand and Ouellette1995, p. 109). De nouvelles formes de solidarité, plus formelles et plus organisées, telles que l’économie sociale ou les services publics, se mettent en place pour prendre en charge des besoins des aînés en santé et mieux-être (Forgues, Séguin, Chouinard, Poissant, & Robinson, Reference Forgues, Séguin, Chouinard, Poissant, Robinson and Vaillancourt2001). Or, la recomposition du rôle de l’État dans un contexte de mondialisation et d’idéologie néolibérale tend à remettre en question l’intervention de celui-ci (Bernier, Reference Bernier2003; Giroux, Reference Giroux2001).
Ainsi, plusieurs facteurs déterminent l’organisation des services de santé et des services sociaux. Dans ce contexte, comment est prise en compte la dimension linguistique dans l’organisation des services de longue durée ? À ce sujet, beaucoup reste à faire sur le plan de la recherche.
D’abord, il importe de reconnaître que le vieillissement touche de façon plus accentuée les communautés francophones en situation minoritaire CFSM. Les données dans le tableau 1 montrent que l’indice de vieillissement de la population est plus accentué chez les francophones dans toutes les provinces du Canada. Le phénomène du vieillissement de la population fait l’objet d’une attention accrue de la part des chercheurs. Cependant, notre revue de la littérature sur la problématique du vieillissement en milieu francophone minoritaire révèle le peu de recherches sur ce thème.
Tableau 1. Indice de vieillissement des francophones et des anglophones selon les provinces et territoires
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* Indice de vieillissement = population de 65 ans et plus/population de 0 à 15 ans
Source: Statistique Canada, Recensement de 2006
Les travaux recensés ont porté sur l’état de santé et la qualité de vie des personnes âgées. En Ontario, McKellar (Reference McKellar1999), montre certaines différences entre les aînés francophones et anglophones. Par exemple, les aînés francophones consultent plus souvent auprès des professionnels de la santé que les aînés anglophones. Dans la région de Toronto, Martel et Pinsonneault (Reference Martel and Pinsonneault1996) montrent une plus grande consommation de médicaments chez les aînés francophones, comparativement à l’ensemble des aînés. L’étude révèle par ailleurs des disparités sur l’état de santé et les comportements à risque en défaveur des aînés francophones.
L’étude de Bourbonnais (Reference Bourbonnais2007) en Ontario révèle un profil socioéconomique et un profil de santé plus précaires chez les aînés de la minorité francophone comparativement aux ainés de la majorité anglophone. Selon son analyse, les aînés sont insatisfaits de l’accessibilité, ainsi que de la qualité des services dans la province ontarienne.
L’analyse de Gravelle et Denis-Ménard (Reference Gravelle and Denis-Ménard1996) sur la qualité de vie des aînés francophones dans la région d’Ottawa-Carleton identifie certains facteurs qui y contribuent, tels que la scolarisation et le fait de vivre dans une maison familiale, la perception de leur état de santé et leur état civil. Cependant, cette étude ne mentionne pas si le fait que le client reçoit les services dans sa langue contribue à la qualité de vie.
Par ailleurs, l’analyse de Lévesque (Reference Levesque2005) montre que les aînés francophones ont un accès limité et qu’ils sous-utilisent les services de santé. Cela rejoint le constat posé par la FAAFC :
Il n’est pas facile pour des aînés qui se retrouvent en perte d’autonomie d’être obligés d’envisager l’institutionnalisation ou l’hébergement supervisé. Cela est d’autant plus traumatisant pour des aînés en situation minoritaire quand il faut également intégrer un milieu où des services et un milieu de vie en français sont souvent inexistants (FAAFC, 2008).
Des études montrent que les services de maintien à domicile répondraient au désir des aînés francophones (Ouellet, Reference Ouellet1996). En plus, pour certains, cela s’avère une piste de solution dans un contexte où les services en français sont déficients (Martel & Pinsonneault, Reference Martel and Pinsonneault1996). Pour ces derniers auteurs, il est urgent de prendre au sérieux la problématique des personnes âgées francophones de l’Ontario. Ces auteurs expliquent que la planification des soins de longue durée doit reconnaître et appuyer l’engagement d’offrir à la population francophone des services dans la langue de leur choix (Martel & Pinsonneault, Reference Martel and Pinsonneault1996). Lemonde et Pomerleau (Reference Lemonde and Pomerleau1996) s’interrogent sur l’impact des changements opérés à la fin des années 1990 par le gouvernement ontarien sur les personnes âgées. Dans un contexte de rationalisation, où il fallait réduire le déficit, les auteurs nous invitent à être sensibles à l’impact des compressions budgétaires sur les personnes âgées, car elles forment un groupe vulnérable. Qu’en est-il aujourd’hui dans un contexte où les gouvernements fédéral et provinciaux reviennent à des mesures de restrictions budgétaires? Quel impact cela peut-il avoir sur la vitalité des communautés en situation minoritaire?
3) De fait, l’accès à des services de santé en français contribue à la vitalité des CFSM. La vitalité d’un groupe linguistique se définit comme « ce qui rend un groupe susceptible de fonctionner en tant que collectivité distincte et active au sein d’un contexte intergroupe régional ou national » (Giles, Bourhis, & Taylor, Reference Giles, Bourhis, Taylor and Giles1977, p. 308). Selon l’insistance que les chercheurs mettent sur un ensemble ou un autre d’éléments contribuant à la vitalité, ce concept se définit différemment (Johnson & Doucet, Reference Johnson and Doucet2006). Cependant, ces définitions convergent vers les facteurs qui assurent la reproduction linguistique et culturelle des communautés.
L’accès à des services de santé en français détermine la vitalité d’une communauté d’au moins deux façons. Le secteur de la santé peut contribuer à la complétude institutionnelle des CFSM lorsque celles-ci exercent le contrôle de leurs institutions de santé (Vézina, Reference Vézina2007). Le concept de complétude institutionnelle désigne l’éventail des institutions d’une communauté qui favorisent sa vitalité et à son développement, tout en offrant un certain contrôle sur sa destinée (Breton, Reference Breton1964, Reference Breton1983; Denis, Reference Denis1993). Un des facteurs qui détermine la vitalité est la gouvernance (voir Forgues, Reference Forgues2010; Landry, Forgues, & Traisnel, Reference Landry, Forgues and Traisnel2010). Une communauté qui contrôle ses institutions est plus à même d’exercer un contrôle sur son développement. En devenant un espace où il est possible de vivre en français, de recevoir des services en français et de contrôler les institutions qui les offrent, le secteur de la santé contribue ainsi à la vitalité et au développement de la communauté. Le fait de pouvoir vivre en français de la naissance à la mort était un des objectifs énoncés au Sommet des communautés francophones et acadiennes (2007) qui a réuni près de 800 francophones pour établir une feuille de route pour les communautés francophones et acadiennes pour la prochaine décennie : « Aujourd’hui, les intervenants francophones et acadiens […] réclament de vivre en français, de la petite enfance jusqu’en fin de vie, avec des services et des ressources de qualité, à la hauteur de ce qu’offre la société canadienne » (FCFA, 2007, p. 45). Le fait d’avoir accès à des services de santé en français contribue non seulement à la vitalité des CFSM, mais cela suppose la reconnaissance d’un statut égale pour le français dans un autre secteur de la société (après les tribunaux, la fonction publique, et l’éducation notamment).
Comme nous pouvons le voir, peu d’études abordent de front l’enjeu de l’accès des aînés francophones à des services de longue durée et aux foyers de soins et celles qui le font se concentrent surtout sur le cas ontarien. Étant donné que le vieillissement de la population est un phénomène qui touche de façon plus importante les communautés francophones en contexte minoritaire, et que l’accès aux services de longue durée en français est un facteur qui contribue à la vitalité des communautés francophones et à la qualité de vie des aînés francophones, nous croyons nécessaire d’approfondir notre compréhension de l’accès des aînés francophones aux foyers de soins en tenant compte de la dimension linguistique.
Les résultats préliminaires de nos investigations
Nous avons examiné la question de la langue d’accès des aînés francophones aux foyers de soins à partir des règlements et textes légaux émanant du ministère du Développement social du gouvernement du Nouveau-Brunswick, d’une analyse documentaire encadrant les foyers de soins de la province et d’une analyse du contexte juridique entourant les foyers de soins dans la province. Ce qui suit vise à présenter les résultats de ces investigations.
Contexte juridique et réglementaire
La Loi sur les foyers de soins Footnote 2 sert de point de départ pour notre analyse juridique.Footnote 3 Cette loi définit un foyer de soins comme
un établissement résidentiel, à but lucratif ou non, exploité dans le but de fournir des soins de surveillance, des soins individuels ou infirmiers à sept personnes ou plus, non liées par le sang ou le mariage à la personne qui exploite le foyer, et qui, en raison de leur âge, d’une infirmité ou d’une incapacité physique ou mentale, ne peuvent prendre entièrement soin de leur personne, mais ne comprend pas un établissement exploité aux termes de la Loi sur la santé mentale, de la Loi sur les services hospitaliers, de la Loi hospitalière ou de la Loi sur les services à la famille.
Le fonctionnement de ces établissements est étroitement régi par la Loi. Ainsi, il est prévu que nul ne peut constituer une corporation dont les fins, ou l’un des objets, sont de mettre sur pied, exploiter ou opérer un foyer de soins, sans avoir obtenu au préalable l’approbation écrite du ministre du Développement socialFootnote 4. La Loi prévoit aussi que le ministre peut refuser de délivrer un permis pour exploiter ou opérer un foyer de soins « s’il n’est pas convaincu qu’il est de l’intérêt public » de le faire.Footnote 5 Le ministre peut également fixer les conditions et modalités qu’il estime appropriées lors de l’émission du permis et il peut modifier, annuler ou refuser de renouveler un permis.Footnote 6 De même, il est prévu que l’exploitant d’un foyer de soins ne puisse ajouter un bâtiment ou des installations à un foyer de soins, ni modifier en tout ou en partie les installations ou bâtiments avant d’avoir obtenu l’autorisation écrite du ministre.Footnote 7
La Loi comprend également des dispositions portant sur l’aide financière que la province peut accorder à un foyer de soins. On y prévoit, entre autres, que le ministre peut, avec l’approbation du Cabinet et conformément aux règlements, accorder une aide financière « en vue de faciliter et favoriser la mise sur pied, l’exploitation et l’opération de foyers de soins dans la province. »Footnote 8
Pour sa part, le Règlement du Nouveau-Brunswick 85-187, pris en vertu de la Loi, prévoit une série de dispositions portant sur l’exploitation d’un foyer de soins.
De la lecture de la Loi et de ses règlements, nous pouvons retenir un premier constat : aucune disposition n’impose d’obligations linguistiques aux exploitants des foyers de soins notamment en ce qui concerne les services qui sont offerts aux clients. Sur ce point, il est intéressant de noter que la Loi sur les foyers pour personnes âgées et les maisons de repos Footnote 9 de l’Ontario évoque cette possibilité contrairement à la Loi néo-brunswickoise. En effet, le par. 18 (8) de cette loi prévoit que le coordonnateur des placements qui aide les personnes à se trouver un foyer ou une maison de repos « tient compte des préférences qu’a celle-ci en ce qui concerne son admission qui sont fondées sur des considérations ethniques, spirituelles, linguistiques, familiales et culturelles. »
Notre survol de la Loi et de ses règlements nous permet de constater que le gouvernement provincial, par l’entremise du ministre du Développement social, exerce un contrôle important sur l’exploitation et la gestion des foyers de soins. Cela pourrait porter certains à conclure que ces établissements, bien qu’appartenant à des exploitants privés, sont des institutions du gouvernement du Nouveau-Brunswick, au même titre, par exemple, que les municipalités, et qu’ainsi les obligations linguistiques de la province s’appliquent aux activités des foyers de soins. Toutefois, nous ne sommes pas convaincus de cet argument et nous ne croyons pas qu’il soit nécessaire aux fins du présent article de faire une analyse plus détaillée de cette question.
Cependant, il ne faut pas oublier que la Charte canadienne des droits et libertés prévoit explicitement que c’est « [le] rôle de la législature et du gouvernement du Nouveau-Brunswick de protéger et de promouvoir » le statut, les droits et les privilèges égaux des deux communautés linguistiques officielles.
En outre, l’art. 3 de la Loi reconnaissant l’égalité des deux communautés linguistiques officielles au Nouveau-Brunswick,Footnote 10 dont les principes ont été enchâssés à l’art. 16.1 de la Charte, est plus explicite quant à l’engagement du gouvernement et énonce que le gouvernement « dans les mesures législatives qu’il propose, dans la répartition des ressources publiques et dans ses politiques et programme, encourage, par des mesures positives, le développement culturel, économique, éducationnel et social des communautés linguistiques officielles ».
Cette disposition confirme, sur le plan législatif, l’obligation d’agir pour le gouvernement provincial. Par ses engagements législatifs et constitutionnels, le Nouveau-Brunswick reconnait qu’il est de son devoir de prendre toutes les mesures favorables au maintien et au développement des communautés de langue officielle. Il reconnaît ainsi que les deux langues et les deux cultures de ces communautés constituent l’héritage commun de tous les Néo-Brunswickois et qu’elles doivent trouver un climat propice à leur développement.
Ainsi, il nous apparaît clair que s’il est impossible d’imposer directement des obligations linguistiques aux foyers de soins, le gouvernement provincial a, quant à lui, l’obligation de s’assurer que ces institutions, qui profitent autant à la communauté minoritaire qu’à la communauté majoritaire, respectent les obligations constitutionnelles, ainsi que les obligations législatives de la province en matière linguistique.
Le contexte réglementaire des foyers de soins au Nouveau-BrunswickFootnote 11
Outre le contexte juridique, il importe de situer les foyers de soins de la province dans le cadre qui réglemente leur fonctionnement. Premièrement, le programme de soins de longue durée gère les placements et les évaluations des personnes âgées en attente de placement au Nouveau-Brunswick et ceux qui sont déjà en foyer de soins. Le programme de soins de longue durée comprend les trois composantes les plus connues en matière de services pour personnes âgées : les services à domicile, les foyers de soins spéciaux et les services en foyer de soins. Les évaluations conduites par des travailleurs du ministère du Développement social et du programme de soins de longue durée déterminent le niveau de soins que requiert un aîné qui a présenté une demande de services.
Les services pour personnes âgées sont régis par les ministères du Développement social et de la Santé, tandis que les foyers des soins spéciaux et les foyers de soins sont des établissements privés. Les coûts et les règlements des foyers de soins sont régis soumis à la législation du ministère de la Santé.
Le système des soins de longue durée offre trois composantes :
• les services à domicile,
• les services en foyer de soins spéciaux (niveaux 1 et 2)
• les services en foyer de soins agréés (niveaux 3 et 4)
Les foyers de soins spéciaux sont des établissements privés à but lucratif qui offrent des services aux aînés qui requièrent des soins de niveau faible à modéré sur une base régulière.
• Niveau 1 : Les clients peuvent généralement se déplacer seuls, mais doivent pouvoir compter sur une surveillance 24 heures sur 24 pour vaquer à leurs soins personnels.
• Niveau 2 : Les clients peuvent avoir besoin d’un peu d’aide et de surveillance dans leurs déplacements. Ils ont besoin d’une aide et d’une surveillance plus individualisées 24 heures sur 24 pour leurs soins personnels et les activités de la vie quotidienne.
Les foyers de soins agréés sont des organismes privés sans but lucratif, dirigés par un conseil d’administration bénévole qui fournissent des services aux personnes ayant principalement besoin de soins infirmiers, c’est-à-dire les aînés évalués comme nécessitant des soins de niveau 3 ou 4.
• Niveau 3 : Les clients ont une affection physique ou mentale stable ou une limitation fonctionnelle. Ils ont besoin d’une aide et d’une surveillance 24 heures sur 24. Ces clients ont besoin de beaucoup d’aide pour leurs soins personnels et requièrent souvent des soins médicaux.
• Niveau 4 : Les clients ont des difficultés sur le plan cognitif ou comportemental et exigent une surveillance et des soins 24 heures sur 24. Ils peuvent faire montre d’agressivité envers eux-mêmes ou envers les autres. Le plus souvent, ils ont besoin d’un maximum d’aide pour leurs soins personnels et les activités de la vie quotidienne. Ils ont aussi souvent besoin de soins médicaux.
Le financement des foyers de soins
Le ministère de la Santé fixe les tarifs des foyers de soins. Les clients du système des soins de longue durée assument généralement le coût des services. Ces frais engagés ne sont pas couverts par le régime d’assurance maladie provincial. Toutefois, le gouvernement accorde une aide financière aux clients incapables d’assumer le plein coût des services.
Le montant de la contribution financière uniformisée des familles se détermine à partir
1. du revenu net du client ou du couple,
2. du type de services requis (soutien à domicile, foyer de soins spéciaux ou foyer de soins) et
3. de la présence d’un conjoint ou de personnes à charge vivant au domicile.
On ne tient pas compte des avoirs du client pour déterminer sa contribution, mais seulement de son revenu mensuel. Une évaluation des besoins financiers est effectuée par le personnel des services de longue durée en même temps que l’évaluation des besoins des personnes âgées.
Si la personne satisfait les conditions pour bénéficier d’une aide financière, celle-ci sera versée au foyer de soins, alors que des prélèvements à la caisse de retraite de l’aîné seront effectués. L’aîné qui en a les moyens doit contribuer au paiement des soins de longue durée et, dans certains cas, les prendre à sa charge en entier. L’aîné dont le revenu est égal ou inférieur au seuil d’aide au revenu n’est pas tenu de contribuer au paiement des soins.
Le choix d’un foyer de soins
Il est important de mentionner que les personnes âgées – de concert parfois avec la famille – choisissent d’aller dans un foyer qui leur convient. Après l’évaluation de la personne âgée effectuée par des travailleurs sociaux ou des infirmières des soins longues durées, elle pourra choisir trois foyers de soins. Les intervenants sociaux orientent les personnes âgées dans les foyers de soins, selon ses besoins et ses préférences linguistiques. Des critères de distance et de langue peuvent être des motifs légitimes pour refuser une place qui se libère dans un foyer de soins. Cependant, il peut être difficile de refuser pour un motif linguistique dans des régions où les foyers de soins francophones ou bilingues sont rares ou inexistants. S’il y a peu de foyers de soins dans une région, il devient difficile d’orienter des personnes âgées dans un foyer qui réponde à tous leurs besoins. Les listes d’attente pour les foyers francophones peuvent être plus longues, ce qui amène les aînés à faire parfois des choix qui ne leur conviennent pas toujours, par crainte de perdre leur place sur la liste d’attente.
La section suivante présente une analyse des ressources existantes pour les aînés francophones. Cela nous permettra de mieux saisir le contexte dans lequel s’effectuent les choix des aînés francophones.
Analyse géographique
L’analyse qui suit porte essentiellement sur l’accessibilité des foyers de soins au Nouveau-Brunswick en tenant compte de la dimension linguistique et géographique. Nous allons non seulement présenter des observations statistiques sous forme de tableaux, mais également illustrer la répartition géographique des foyers de soins dans la province sous forme de cartes thématiques. L’analyse géographique illustrant la répartition des foyers de soins a été faite à l’aide du logiciel MapInfo. Les données présentant le nombre de personnes âgés de 75 ans et plus par subdivision de recensement (SDR) provenaient du recensement de 2006 de Statistique Canada. Tandis que celles montrant la répartition des foyers de soins selon la langue de service provenaient du ministère du Développement social du Nouveau-Brunswick. Cette deuxième série de données a été transféré dans le logiciel MapInfo par un système de codage qui localise les codes postaux.
Des données sur le nombre de lits de soins de longue durée (foyers de soins agréés) par millier de personnes âgées de 75 ans et plus montrent qu’au Nouveau-Brunswick, le nombre de lits a diminué de 1,2 % entre 2001 et 2008, alors que pour l’ensemble du Canada cette proportion a augmenté de 11,0 % (voir tableau 2). Quatre provinces connaissent des diminutions de leur nombre de lits plus importantes que le Nouveau-Brunswick, mais le Nouveau-Brunswick est la province qui offre le moins, par millier d’habitants, de lits de soins de longue durée en 2008.
Tableau 2. Proportion de lits de soins de longue durée par millier de population âgée de 75 ans et plus, selon la province, 2001 et 2008
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Source: Cohen,Tate & Baumbusch (2009).
Les observations statistiques des foyers de soins spéciaux (niveaux 1 et 2), nous conduisent à faire les constats suivants. La proportion des foyers de soins étant désignés comme offrant des services uniquement en anglais (47,9 %) est plus élevée que celle des foyers de soins offrant des services uniquement en français (33,8 %) et celle des foyers de soins offrant des services bilingues (anglais et français) (18,3 %) (voir tableau 3). Ces proportions reflètent la proportion des anglophones et des francophones dans l’ensemble de la province.
Tableau 3. Portrait statistique et géographique des foyers de soins spéciaux (niveaux 1 et 2) et des foyers de soins agréés (niveaux 3 et 4)
![](https://static.cambridge.org/binary/version/id/urn:cambridge.org:id:binary-alt:20160626115404-71286-mediumThumb-S0714980811000407_tab3.jpg?pub-status=live)
Source: Ministère du Développement social du Nouveau-Brunswick, dernière mise à jour en octobre 2010.
Cependant, la répartition géographique des foyers de soins spéciaux selon la langue n’est pas homogène au Nouveau-Brunswick. En effet, les cartes 2 et 3 nous montrent une concentration assez importante de foyers de soins francophones ou bilingues dans les régions du Nord et du Sud-est de la province. Ceci s’explique principalement par le nombre élevé de francophones âgés de 75 ans et plus dans ces régions, variant de 1 000 à 3 800 aînés (Recensement de 2006, Statistique Canada). Toutefois, malgré la présence d’aînés francophones dans d’autres régions du Nouveau-Brunswick, on remarque l’absence de foyers de soins francophones ou bilingues dans les régions du Sud-ouest et du Centre (voir cartes 2 et 3) de la provinceFootnote 12.
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Carte 1: Division régionale – 8 régions
![](https://static.cambridge.org/binary/version/id/urn:cambridge.org:id:binary-alt:20160626115023-14693-mediumThumb-S0714980811000407_fig2g.jpg?pub-status=live)
Carte 2: Répartition géographique des foyers de soins spéciaux francophones selon la population francophone âgée de 75 ans et plus par subdivisions de recensement au Nouveau-Brunswick (Canada) en 2006
![](https://static.cambridge.org/binary/version/id/urn:cambridge.org:id:binary-alt:20160626115026-55170-mediumThumb-S0714980811000407_fig3g.jpg?pub-status=live)
Carte 3: Répartition géographique des foyers de soins spéciaux bilingues selon la population francophone âgée de 75 ans et plus par subdivisions de recensement au Nouveau-Brunswick (Canada) en 2006
Les observations statistiques des foyers de soins agréés (niveaux 3 et 4), nous conduisent à faire deux constats similaires aux observations statistiques faites pour les foyers de soins spéciaux. Premièrement, la proportion des foyers de soins agréés au Nouveau-Brunswick n’est pas la même selon la langue (voir tableau 3). De fait, la proportion des foyers de soins étant désignés comme offrant des services uniquement en anglais (66,2 %) est plus élevée que celle des foyers de soins offrant uniquement des services en français (27,7 %) et celle des foyers de soins offrant des services bilingues (anglais et français) (6,1 %).
Deuxièmement, la répartition géographique des foyers de soins agréés selon la langue n’est pas homogène au Nouveau-Brunswick. La carte 4 nous montre d’ailleurs, à l’instar des foyers de soins spéciaux, que les foyers de soins agréés sont répartis seulement au Nord et au Sud-est de la province. La carte 4 nous révèle aussi l’absence de foyers de soins francophones ou bilingues dans les régions du Sud-ouest et du Centre de la province, même s’il y a une présence de francophones âgés de 75 ans et plus.
On observe donc que, malgré la présence d’aînés francophones dans certaines régions du Nouveau-Brunswick, on ne retrouve pas nécessairement des foyers de soins spéciaux ou agréés désignés comme offrant des services uniquement en français ou bilingues. Les régions de Saint-Jean et de Fredericton sont de bons exemples du manque de foyers de soins francophones malgré la présence d’une population francophone âgée de 75 ans et plus.
Par ailleurs, on constate qu’il n’y a pas partout suffisamment de lits disponibles pour cette population. Les tableaux 4 et 5 nous montrent qu’il y a 142 lits dans les foyers de soins spéciaux francophones et 77 lits dans les foyers de soins agréés francophones pour mille francophones âgés de 75 ans et plus. Si on ajoute les foyers de soins qui offrent des lits bilingues, il y a 260 lits dans les foyers de soins spéciaux et 101 lits dans des foyers de soins agréés pour mille francophones âgés de 75 ans et plus. Bien entendu, les régions qui comptent le plus de francophones au sein de leur population ont des proportions de lits francophones ou bilingues plus élevées. Les régions indiquant une proportion nulle de lits francophones ou bilingues n’ont pas de foyers de soins francophones ou bilingues, mais cela ne veut pas dire qu’elles ne comprennent pas de francophones âgés de 75 ans et plus.Footnote 13
![](https://static.cambridge.org/binary/version/id/urn:cambridge.org:id:binary:30140:20160411105533883-0773:S0714980811000407_fig4g.jpeg?pub-status=live)
Carte 4: Répartition géographique des foyers de soins agréés en fonction de la langue de services parmi la population francophone âgée de 75 ans et plus par subdivisions de recensement au Nouveau-Brunswick (Canada) en 2006
Tableau 4. Proportion de lits dans les foyers de soins spéciaux (niveaux 1 et 2) par millier de population âgée de 75 ans et plus, selon les divisions de recensement au Nouveau-Brunswick, 2006
![](https://static.cambridge.org/binary/version/id/urn:cambridge.org:id:binary:86350:20160411105533883-0773:S0714980811000407_tab4.gif?pub-status=live)
Source: Recensement de 2006, Statistique Canada et Ministère du Développement social du Nouveau-Brunswick (octobre 2010).
Tableau 5. Proportion de lits dans les foyers de soins agréés (niveaux 3 et 4) par millier de population âgée de 75 ans et plus, selon les divisions de recensement au Nouveau-Brunswick, 2006
![](https://static.cambridge.org/binary/version/id/urn:cambridge.org:id:binary-alt:20160626115407-22164-mediumThumb-S0714980811000407_tab5.jpg?pub-status=live)
Source: Recensement de 2006, Statistique Canada et Ministère du Développement social du Nouveau-Brunswick (octobre 2010).
On remarque aussi une faible proportion de lits dans les foyers de soins spéciaux et dans les foyers de soins agréés pour mille anglophones âgés de 75 ans et plus (voir tableaux 4 et 5). En faisant une comparaison entre les deux groupes linguistiques pour le Nouveau-Brunswick, on observe que pour les foyers de soins spéciaux, la proportion de lits dans les foyers de soins francophones pour les personnes âgés de 75 ans et plus est plus élevée chez les francophones (142) que chez les anglophones (77). C’est-à-dire que pour l’ensemble de la province, il y a plus de lits disponibles dans les foyers de soins spéciaux pour les francophones que pour les anglophones. Toutefois, pour les foyers de soins agréés, la proportion de lits dans les foyers de soins pour les personnes âgés de 75 ans et plus (77) est moins élevée chez les francophones (77) que chez les anglophones (100). C’est-à-dire que pour l’ensemble de la province, il y a plus de lits disponibles dans les foyers de soins agréés pour les anglophones que pour les francophones.
S’ajoutent à ces observations, la liste d’attente dans les foyers de soins, de niveaux 3 et 4, au Nouveau-Brunswick (voir tableau 6) selon les régions et la langue.
Tableau 6. Liste d’attente pour les foyers de soins au Nouveau-Brunswick (niveaux 3 et 4) selon la langue de préférence*
![](https://static.cambridge.org/binary/version/id/urn:cambridge.org:id:binary-alt:20160626115406-25904-mediumThumb-S0714980811000407_tab6.jpg?pub-status=live)
Source: Ministère du Développement social du Nouveau-Brunswick, dernière mise à jour en octobre 2010.
* Langue de préférence : choix de l’aîné entre les deux langues officielles (français ou anglais).
** Communautés.
Cette liste nous révèle d’abord, que le nombre de clients en attente à l’hôpital (518 clients) est plus élevé que ceux en attente dans la communauté (270 clients), et ce, autant chez les anglophones que chez les francophones. Ensuite, pour l’ensemble de la province, on montre qu’il y a plus d’anglophones (536) que de francophones (243) en attente pour un foyer de soins. La majorité des francophones en attente proviennent des régions du Nord et du Sud-Est de la province. Cependant, on ne retrouve que cinq francophones dans cette liste d’attente pour les régions du Sud-Ouest et du Centre. Pourtant, les données statistiques nous indiquent la présence d’aînés francophones dans ces régions (voir note 12). Nous sommes donc à même de nous poser certaines questions. Quelle est la situation des aînés francophones de ces régions qui ont ou auront besoin de services de longue durée? Pourquoi y recense-t-on aussi peu de francophones sur les listes d’attente? Quelle est la situation des résidents francophones dans un foyer de soins anglophone? Est-ce que le personnel dans ces foyers de soins, qui sont désignés comme offrant des services uniquement en anglais, peut malgré tout offrir des services en français?
Des données reçues du ministère du Développement social du Nouveau-Brunswick en octobre 2010 nous informent qu’il aura, entre l’automne 2010 et l’automne 2015, plusieurs projets de construction ou de rénovation de foyers de soins à travers la province. Comme la liste d’attente nous l’a montré (voir tableau 6), il y a plusieurs francophones en attente pour un foyer de soins dans le Nord et le Sud-Est de la province.Footnote 14 Le gouvernement du Nouveau-Brunswick prévoit plusieurs nouveaux lits dans les foyers de soins francophones et dans les foyers de soins bilingues de ces régions. Selon ces données, on ne retrouve aucun projet de construction de foyers de soins francophones ou bilingues d’ici l’automne 2015 pour les régions du Sud-Ouest et du Centre du Nouveau-Brunswick, où nous avons pourtant observé la présence d’aînés francophones et l’absence de foyers de soins offrant des services dans leur langue maternelle.
Conclusion
L’accès des aînés francophones à des services de longue durée en foyers de soins est une problématique qui commence à attirer l’attention des acteurs communautaires francophones et des chercheurs. Cet accès est un processus qui est déterminé par plusieurs facteurs (liens familiaux, présence/proximité des services, ressources financières, etc.) et qui mobilise plusieurs acteurs, soit les aînés et leurs proches aidants, les propriétaires et les employés des foyers de soins, les établissements de santé, le gouvernement provincial et les associations des aînés notamment. Comme nous l’avons vu, beaucoup reste à faire sur le plan de la recherche.
Notre analyse est une modeste contribution à cette entreprise. L’analyse du contexte juridique au Nouveau-Brunswick montre que, même s’il s’agit d’organismes privés, le gouvernement est responsable d’assurer des services aux aînés francophones. Le gouvernement doit s’assurer que le critère tenant compte de la langue dans le choix des foyers de soins soit respecté. Il doit aussi s’assurer que des foyers de soins francophones soient construits dans les régions où il y a des besoins, et où il y a une population francophone vieillissante. L’analyse géographique des foyers de soins existants nous donne une première compréhension des ressources disponibles et des besoins non comblés.
Cependant, l’analyse devra être approfondie à l’aide de travaux de recherche qui nous permettront de mieux comprendre comment les acteurs prennent en compte, sur le terrain, la langue dans l’organisation des services de santé aux aînés. De même, nos futures recherches analyseront l’effet de la langue de services sur la qualité des services et le mieux-être des aînés. Nos analyses nous éclaireront enfin sur les avantages et les désavantages pour les aînés francophones des services offerts dans des foyers de soins bilingues ou anglophones.