Introduction
Problématique et mise en contexte
Depuis quelques années, les chutes chez les personnes âgées représentent un enjeu de santé publique majeur. Environ un tiers des personnes âgées de 65 ans tombent au moins une fois par année (Agrément Canada, ICIS et ICSP, 2014; Shier, Trieu, et Ganz, Reference Shier, Trieu and Ganz2016). De graves conséquences physiques et psychologiques peuvent découler de ces chutes, dont l’incapacité, la douleur chronique, la diminution de l’autonomie et de la qualité de vie ainsi que le décès (Agrément Canada, ICIS et ICSP, 2014). Les chutes représentent d’ailleurs la source d’hospitalisation la plus fréquente chez les aînés et entraînent des coûts importants, estimés à près de deux milliards de dollars par année au Canada (Agence de la santé publique du Canada [ASPC], 2014).
La prévention des chutes est importante, car, en plus des répercussions dévastatrices sur le plan personnel, les chutes ont une incidence sur la vie familiale d’une personne ainsi que sur les ressources communautaires et les services de santé d’une région (ASPC, 2014; Smith et al., 2012). En outre, on note une augmentation du taux d’hospitalisation ainsi qu’une utilisation accrue et prolongée des services et programmes de soins de santé chez les aînés (Smith et al., Reference Smith, Ahn, Sharkey, Horel, Mier and Ory2012). Ces conséquences se font davantage sentir en milieu rural, car les personnes âgées y sont proportionnellement plus nombreuses qu’en milieu urbain (Smith et al., Reference Smith, Ahn, Sharkey, Horel, Mier and Ory2012). De fait, on observe un taux plus élevé de blessures dues aux chutes et de morbidité connexe chez les personnes âgées vivant en milieu rural ou éloigné que chez celles vivant en milieu urbain (Coben, Tiesman, Bossarte, et Furbee, Reference Coben, Tiesman, Bossarte and Furbee2009). Ces personnes ne sont pas à l’abri de problématiques qui accentuent leur déclin fonctionnel et affectent leur niveau d’autonomie, comme les maladies chroniques, et elles ont plus difficilement accès à des services de soutien et à des ressources personnelles et communautaires, souvent limités en région (Auchincloss, Van Nostrand, et Ronsaville, Reference Auchincloss, Van Nostrand and Ronsaville2001). Cette situation est d’autant plus criante pour les francophones en situation minoritaireFootnote 1 chez qui s’ajoutent les barrières linguistiques. La pénurie de professionnels bilingues fait en sorte que l’accès à un service dans sa langue est moins probable (de Moissac et al., Reference de Moissac, Savard, Ba, Zellama, Benoit, Giasson and Drolet2014), alors qu’il a été démontré que l’absence de services dans sa langue influe sur la qualité des soins, entre autres, par une moins bonne compréhension et adhésion aux recommandations formulées par les professionnels (Bowen, Reference Bowen2015). De plus, les membres des communautés linguistiques en situation minoritaire sont moins portés à participer aux programmes de promotion de la santé et d’éducation à la santé (Bowen, Reference Bowen2015), accroissant ainsi leur vulnérabilité.
Plusieurs programmes de prévention des chutes ont été mis en place dans le but de réduire le taux de chutes au sein de la population âgée. Afin d’assurer la meilleure qualité possible de ce type d’interventions auprès des personnes âgées, l’ASPC (2014) préconise une approche multifactorielle qui permet de cibler plusieurs des facteurs de risque associés aux chutes. Le tableau 1 présente les caractéristiques générales de différents programmes de prévention des chutes offerts en groupe et en présentiel. Tous ces programmes ont démontré qu’il est possible d’agir positivement sur certains facteurs de risque, ainsi que sur la réduction du nombre de chutes. Les facteurs évalués varient selon les études, incluant la force, l’équilibre, les comportements à risque des personnes âgées et le nombre de chutes (voir tableau 1). L’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé (INPES, 2005) indique que les programmes de prévention des chutes amènent aussi une réduction du nombre d’hospitalisations et des limitations associées à la perte d’autonomie fonctionnelle.
Tableau 1 : Comparaison de divers programmes de prévention des chutes
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1 Env. = Environnement, Méd. = Médication, FSE. = Facteurs sociaux et économiques, Ex. = Exercices
Description de Marche vers le futur: un programme novateur
Le programme Marche vers le futur est le résultat d’un partenariat entre la Clinique interprofessionnelle de réadaptation de l’Université d’Ottawa et le CNFS-Volet Université d’Ottawa. Il vise à réduire les facteurs de risque de chute chez les personnes âgées vivant principalement en communauté francophone minoritaire, par l’utilisation de la vidéoconférence comme moyen de rejoindre les communautés isolées.
Marche vers le futur s’appuie sur les principes de la pratique exemplaire qui préconise une approche multifactorielle pour agir sur quatre types de facteurs ayant une influence sur les chutes : les facteurs biologiques, comportementaux, sociaux et économiques, et environnementaux (ASPC, 2014). Sa conception repose sur le modèle Precede-Proceed, un modèle de planification de programme de promotion de la santé (Green et Kreuter, Reference Green and Kreuter1999). En développant le programme Marche vers le futur, le CNFS-Volet Université d’Ottawa a adapté ce modèle pour tenir compte des différents besoins de la personne âgée vivant en situation linguistique minoritaire.
Le programme est décrit plus en détail à https://cnfs.ca/marche-vers-le-futur/ et un résumé de ses principales caractéristiques est présenté ici. Les objectifs spécifiques du programme sont d’augmenter la force musculaire des membres inférieurs, l’équilibre statique et dynamique, la connaissance des participants sur les facteurs de risque de chute; de sensibiliser les participants au fait que plusieurs de ces facteurs de risque sont modifiables et de créer une habitude de pratique régulière et à longue échéance de l’activité physique.
L’approche unique par vidéoconférence de Marche vers le futur le distingue fortement des autres programmes de prévention des chutes chez les personnes âgées. Marche vers le futur est conçu pour être offert à distance par un animateur (p. ex. physiothérapeute ou ergothérapeute) d’un centre urbain, à des personnes de milieu francophone minoritaire situées dans une autre localité (voir figure 1). Des surveillants de site, qui ne sont habituellement pas des professionnels de la santé, doivent être présents. Ils doivent être formés sur leur rôle au sein du programme. Une évaluation pour déterminer l’admissibilité au programme est nécessaire et peut se faire par les concepteurs du programme ou l’animateur qui se déplaceront pour les séances d’évaluation, ou par des professionnels de la santé du milieu où se déroule le programme qui recevront une formation sur les évaluations à administrer.
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Figure 1: Diffusion par vidéoconférence
Pendant sa phase expérimentale, Marche vers le futur a été offert gratuitement par le CNFS-Volet Université d’Ottawa à partir de ses bureaux.
Le nombre de participants maximum admis à une session en groupe est de 15. De plus, un surveillant de site par tranche de 10 participants est requis en salle d’exercices. L’enseignement par vidéoconférence impose cette limite, car il est plus difficile pour le professionnel enseignant les exercices de voir l’exécution des mouvements de chaque participant et de pouvoir intervenir si nécessaire auprès de ce dernier.
La clientèle ciblée par Marche vers le futur est constituée de personnes âgées, relativement autonomes, mais qui sont plutôt sédentaires et sentent le besoin d’augmenter leur niveau d’activité physique. Elles doivent avoir la capacité de faire des exercices debout, dans un contexte de groupe, sans risque pour la santé ou la sécurité. Pour des raisons de sécurité, les personnes présentant les caractéristiques suivantes ne sont pas admises au programme : avoir subi plus de deux chutes dans la dernière année, avoir obtenu un résultat inférieur à 48 au test de Berg (Berg, Wood-Dauphinee, Williams, et Gayton, Reference Berg, Wood-Dauphinee, Williams and Gayton1989), avoir obtenu un résultat supérieur à 15 secondes au test du « lever de chaise » (Buatois et al., Reference Buatois, Perret-Guillaume, Gueguen, Miget, Vançon, Perrin and Benetos2010), avoir des problèmes cognitifs qui limitent la compréhension des consignes, utiliser régulièrement une aide à la marche, avoir des douleurs musculaires ou articulaires importantes ou avoir une condition cardiaque instable. Les personnes refusées en raison des risques de chute sont dirigées vers des interventions individuelles en réadaptation.
Le déroulement de Marche vers le futur d’une durée de 12 semaines est décrit à la figure 2 et dans les paragraphes qui suivent.
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Figure 2: Déroulement de Marche vers le futur
Pré programme : Trois mois avant le début de Marche vers le futur, les sites procèdent au recrutement des participants et à la planification du programme qui comprend entre autres la formation des évaluateurs et des surveillants de site par vidéoconférence, par la conceptrice principale du programme (DC). La formation des évaluateurs est d’une durée de quatre heures, alors qu’une heure est prévue pour les surveillants de site.
On identifie aussi une salle permettant la diffusion du programme et on effectue des tests techniques des équipements audiovisuels. La technologie utilisée (Adobe Connect) demande simplement une salle avec un accès à internet par câble. Le CNFS-Volet Université d’Ottawa appuie les sites dans leurs démarches en leur prêtant au besoin le matériel audiovisuel (microphone, caméra, haut-parleur, projecteur), car les communautés disposent souvent de peu de ressources financières et humaines.
Semaine 1 et 12 : La première et la dernière semaine de Marche vers le futur sont réservées à l’évaluation des participants sur place dans le milieu où le programme se déroulera.
Semaine 2 à 11 : C’est à la deuxième semaine que débutent le programme d’exercices et la présentation des capsules d’information, et ce, pour une durée de 10 semaines, à raison d’une fois par semaine. Marche vers le futur fait appel à trois volets d’intervention (capsules d’information, exercices en groupe, exercices à domicile) qui permettent aux participants d’améliorer leur force, leur équilibre et d’acquérir des connaissances plus approfondies au sujet des facteurs de risque environnementaux et comportementaux associés aux chutes, afin d’être en mesure de modifier leurs comportements à risque.
1. Les capsules d’information durent environ vingt minutes et sont livrées en premier, par vidéoconférence. Des présentations PowerPoint sont incluses dans le manuel du participant. Elles contiennent l’information principale, agrémentées de jeux-questionnaires, d’aides visuelles et d’exemples concrets qui rendent la séance interactive. De plus, suivant une approche andragogique, à divers moments, les participants sont invités à discuter des connaissances qu’ils possèdent déjà sur le sujet. Une pause santé est planifiée entre les capsules d’information et la séance d’exercices pour permettre aux participants de socialiser, ce qui favorise la rétention au programme.
2. Le programme d’exercices est divisé en quatre périodes : la période d’échauffement, les exercices d’équilibre, les exercices de renforcement et les exercices d’assouplissement. Les exercices comprennent chacun trois niveaux de difficulté de sorte à pouvoir être adaptés au niveau des participants et à permettre une progression individuelle.
3. Les exercices à domicile, à faire de trois à sept fois par semaine, sont les mêmes que ceux enseignés durant la séance en groupe et sont décrits dans le manuel du participant. Pendant les séances de groupe, les participants reçoivent plusieurs indications concernant la fréquence et l’intensité des exercices à faire à domicile et sont encouragés à noter sur un calendrier les exercices effectués au cours de la semaine, puis à en discuter avec les animateurs lors de la prochaine session.
À la fin du programme : Chaque participant ayant terminé Marche vers le futur reçoit une attestation de participation pour souligner sa détermination. De plus, un suivi téléphonique est effectué auprès des participants six mois après la fin du programme pour s’enquérir du maintien des acquis.
Objectifs de l’étude
L’étude cherche à vérifier si Marche vers le futur atteint ses objectifs, à savoir :
• Réduire les facteurs de risque de chute liés aux capacités physiques des participants en augmentant leur force musculaire, ainsi que leur équilibre statique et dynamique.
• Augmenter les connaissances des participants sur les facteurs de risque liés à leur comportement, à leur environnement et à leurs conditions socioéconomiques et les sensibiliser au fait que plusieurs sont modifiables.
• Créer chez les participants une habitude de pratique régulière et à longue échéance de l’activité physique.
• Amener les participants à modifier leurs comportements et leur environnement pour réduire le risque de chute.
Elle vise aussi à identifier le nombre de participants qui ont atteint les objectifs physiques ciblés par Marche vers le futur et à connaître le degré de satisfaction des participants envers le programme.
Méthodologie
Cette étude se situe dans une perspective d’évaluation de programme et présente une analyse des effets de Marche vers le futur selon un devis avant-après sans groupe de comparaison, ainsi qu’une analyse de la satisfaction des participants visant à déterminer la convenance des activités pour les participants.
Participants
Les participants aux fins de la présente évaluation sont les personnes ayant participé aux quatre vagues de Marche vers le futur menées entre l’hiver 2014 et l’hiver 2016, en collaboration avec les organismes suivants : Les Sœurs Filles de la Sagesse d’Ottawa (Ottawa, Ontario), le programme Vieillir à domicile (Moonbeam, Ontario), le Club de l’amitié de Calgary en collaboration avec l’Association canadienne-française de l’Alberta (Calgary, Alberta) et la Fédération des aînés franco-albertains (Edmonton, Alberta). Le recrutement des participants a été fait par des organismes communautaires qui ont diffusé des annonces et distribué des dépliants au sein de la population cible.
Collecte de données
Trois périodes de collecte de données ont été réalisées auprès des participants de chacun des sites à l’étude, soit les données pré et post-programme, ainsi que les données de suivi. Les données pré-programme, recueillies à la semaine 1, comprennent un formulaire d’information générale sur le participant (âge, sexe et nombre de chutes subies dans la dernière année), un test de connaissances et trois tests physiques : test de Berg, test d’appui unipodal et test du « lever de chaise ». Les données post-programme, recueillies à la semaine 12, comprennent les mêmes tests de connaissances et tests physiques qu’à la semaine 1, le relevé des présences des participants ainsi qu’un questionnaire d’évaluation du programme. À ces deux moments, chaque participant est évalué individuellement dans le milieu où le programme est offert. La durée des tests est d’environ une heure par participant. Afin d’assurer une meilleure fidélité des résultats, les évaluateurs devaient être disponibles au début et à la fin du programme pour administrer les mêmes tests et avoir été formés aux évaluations utilisées. Dans les quatre sites visés par l’étude, les évaluateurs présents étaient des ergothérapeutes, des physiothérapeutes et des stagiaires de la Clinique interprofessionnelle de réadaptation de l’Université d’Ottawa ou du CNFS-Volet Université d’Ottawa (Ottawa et Moonbeam), une infirmière et un intervenant en milieu communautaire (Moonbeam), une ergothérapeute et une préposée aux soins du milieu communautaire (Calgary) et un médecin et un étudiant en activité physique (Edmonton).
Les données de suivi, recueillies par téléphone par le CNFS-Volet Université d’Ottawa six mois après la fin de Marche vers le futur, visaient à vérifier le maintien des comportements de prévention des chutes et les modifications apportées à l’environnement.
Mesures
Le test de connaissances sur les chutes consiste en 11 questions (score maximal sur 21) qui portent sur la fréquence et les causes des chutes, sur les facteurs de risque associés aux chutes ainsi que sur les incidences des chutes. Les objectifs de Marche vers le futur consistent à ce que le participant puisse discerner plus de facteurs de risque associés aux facteurs comportementaux et environnementaux en post-programme qu’en pré-programme.
Le test de Berg est l’un des tests fonctionnels qui permettent de mesurer les déficiences de l’équilibre et le risque de chute chez les personnes âgées (Neuls et al., Reference Neuls, Clark, Van Heuklon, Proctor, Kilker, Bieber, Donlan, Carr-Jules, Neidel and Newton2011). Selon les données de Donoghue et Stokes (Reference Donoghue and Stokes2009), le seuil de changement minimal détectable à ce test chez des personnes ayant un résultat initial de 45 à 56 est de 3,3 points. Ainsi, Marche vers le futur vise à ce qu’un participant ayant obtenu un résultat de 48 à 53 au test de Berg initial obtienne un résultat de 3 points de plus à l’évaluation finale, la cotation du test se faisant en nombres entiers.
Un test d’appui unipodal de 60 secondes calculant la moyenne de trois essais (Springer, Marin, Cyhan, Roberts, et Gill, 2007) a aussi été effectué parce qu’il est plus sensible au changement que le test de Berg. Selon Hurvitz, Richardson, Werner, Ruhl, et Dixon (2000), un minimum de 30 secondes pour le meilleur de trois essais permet de distinguer les personnes ayant fait une chute dans la dernière année de celles n’ayant pas chuté, avec une sensibilité de 95 % et une spécificité de 58 %. Par ailleurs, un seuil d’appui unipodal de 6,5 secondes à ce test a aussi été identifié comme indicateur de risque de chute (sensibilité 19 %, spécificité 90 %) dans la récente méta-analyse de Lusardi et al., (Reference Lusardi, Fritz, Middleton, Allison, Wingood, Phillips, Criss, Verma, Osborne and Chui2017), qui privilégiait la spécificité. De fait, ce seuil de 6,5 secondes se rapproche de la norme selon l’âge pour le groupe des 80 ans et plus (Springer et al., Reference Springer, Marin, Cyhan, Roberts and Gill2007)Footnote 2. Ainsi, pour déterminer l’atteinte des objectifs de Marche vers le futur, on vérifiera l’ampleur du changement, ainsi que le nombre de participants capables d’un appui unipodal minimal de 30 secondes à la fin du programme et le nombre ayant atteint la norme pour leur groupe d’âge (selon les données de Springer et al., Reference Springer, Marin, Cyhan, Roberts and Gill2007).
Le test du « lever de chaise » permet de mesurer la force fonctionnelle des membres inférieurs des participants et de prédire le risque de chute chez les personnes âgées (Trommelen, Buttone, Dicharry, Jacobs, et Karpinski, Reference Trommelen, Buttone, Dicharry, Jacobs and Karpinski2015; Zhang et al., Reference Zhang, Ferrucci, Culham, Metter, Guralnik and Deshpande2013). La variante retenue aux fins de Marche vers le futur est celle qui demande au participant de se lever cinq fois d’une chaise le plus rapidement possible. Buatois et al. (Reference Buatois, Perret-Guillaume, Gueguen, Miget, Vançon, Perrin and Benetos2010) considèrent que le risque de chuter augmente de façon importante pour les personnes qui prennent plus de 15 secondes à effectuer les cinq répétitions. Par ailleurs, selon la méta-analyse récente de Lusardi et al. (Reference Lusardi, Fritz, Middleton, Allison, Wingood, Phillips, Criss, Verma, Osborne and Chui2017), le risque de chute augmente considérablement pour les personnes ne réalisant pas le « lever de chaise » en 12 secondes ou moins. Bohannon (Reference Bohannon2006a) a présenté des données normatives pour les résultats obtenus à ce test par des aînés qui se situent aux environs de 12 secondesFootnote 3. Le changement minimal détectable est estimé à 2,2 secondes (Schaubert et Bohannon, Reference Schaubert and Bohannon2005). L’objectif de Marche vers le futur consiste à atteindre la cible d’un temps inférieur à 12 secondes. On vérifiera aussi si un participant sous la norme pour son âge (temps plus élevé) en pré-programme améliore son résultat de 2,2 secondes.
Enfin, à la semaine 12, les participants remplissent sur place, en format papier, le formulaire d’évaluation du programme de prévention des chutes Marche vers le futur qui consiste en 22 questions permettant d’établir le degré de satisfaction des participants envers le programme en général et des aspects plus spécifiques comme le lieu où il s’est déroulé, les capsules d’information présentées et les exercices pratiqués en groupe.
Le questionnaire de suivi comprenait trois questions sur les changements environnementaux et comportementaux apportés par les participants dans les six mois suivant la fin de Marche vers le futur.
Analyse des données quantitatives
Les analyses quantitatives des résultats aux tests physiques (test de Berg, test du « lever de chaise » et test d’appui unipodal) et au test de connaissances ont été réalisées à l’aide du logiciel SPSS. Les données insérées dans SPSS ont été vérifiées pour déceler les données manquantes ou aberrantes et apporter les correctifs nécessaires. Les participants pour lesquels il n’y avait aucune donnée post-programme ont été exclus de l’analyse.
Les variables à échelle de rapport sont présentées sous la forme de moyenne et d’écart-type ou d’erreur-type. Les variables à échelle nominale sont présentées sous la forme de fréquence et de pourcentage. Les comparaisons pré et post-programme utilisent le test t de Student avec échantillons appariés pour les variables à échelle de rapport et le test non paramétrique avec groupe dépendant de McNemar pour les variables à échelle nominale. Le seuil de signification est défini à p < 0,05 pour l’ensemble des statistiques inférentielles.
En plus des comparaisons précitées, une sous-analyse des résultats au test de Berg a été menée selon la possibilité d’une amélioration de trois points (score pré < 54) ou non (score pré ≥ 54). Les résultats obtenus aux tests physiques ont été comparés aux normes établies pour des personnes saines de la population âgée, aux objectifs du programme, ainsi qu’à des seuils de risque de chute repérés dans les écrits.
Analyse des données qualitatives
Les données qualitatives tirées du questionnaire d’évaluation du programme et du questionnaire de suivi ont été compilées dans des tableaux Microsoft Excel. Un système de code de couleurs a servi à catégoriser les réponses selon une liste de thèmes et de mots-clés. Dans les cas où la réponse ne correspondait pas à la question, celle-ci était classée sous le type « sans réponse ». Une fois les réponses triées, les résultats ont été transposés en fréquences afin de brosser un portrait global des réponses.
Éthique
Ce projet a reçu l’approbation du Bureau d’éthique et d’intégrité de la recherche de l’Université d’Ottawa. Pour s’assurer du consentement libre et éclairé des participants, ces derniers ont rempli un formulaire de consentement à participer à Marche vers le futur et à ce que les données d’évaluation du programme soient transmises aux chercheurs, avant de procéder à l’évaluation initiale.
Aucune blessure (chute ou autre) n’a été rapportée pendant la livraison du programme par vidéoconférence dans les trois sites qui ont utilisé cette modalité.
Résultats
Description de l’échantillon
De 2014 à 2016, 79 personnes francophones vivant en situation minoritaire ont été recrutées pour participer aux quatre vagues d’expérimentation de Marche vers le futur, 14 personnes ont été refusées en raison des critères d’inclusion/exclusion et 13 personnes admises ont abandonné le programme. Les résultats de 52 participants pour lesquels des données pré et post-programme ont été recueillies sont inclus dans l’étude. Parmi ces personnes, 18 ont participé au programme offert en salle à Ottawa (Ontario), 34 au programme offert en vidéoconférence (Moonbeam, Ontario, n=12; Calgary, Alberta, n=13; Edmonton, Alberta, n=9). Les principales caractéristiques démographiques des participants à l’étude sont présentées au tableau 2. L’âge moyen des participants est de 77,2 ± 7,7 ans et 87 % sont des femmes. Parmi les participants, 7 ont fait une chute dans la dernière année dont 5 dans le groupe le plus âgé. La moyenne du taux de présence des participants est de 8,9 ± 1,3 sur une possibilité de 10 (ce nombre n’inclut pas les deux séances d’évaluation). Des 52 participants, 87 % étaient présents à huit séances ou plus.
Tableau 2 : Caractéristiques des participants au programme XYZ
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1 L’âge est exprimé sous la forme moyenne ± écart-type (valeur minium – valeur maximum).
2 Donnée manquante pour un participant.
Effets sur les capacités physiques des participants
Les résultats aux tests physiques en pré et post-programme, présentés au tableau 3, indiquent le niveau d’amélioration des capacités physiques des participants à la suite de Marche vers le futur. Lorsqu’analysées de façon globale, les améliorations sont statistiquement significatives pour toutes les données des tests physiques. Plus précisément, les participants ont augmenté leur score au test de Berg de 2,1 ± 0,4 points (p < 0,001), ont augmenté leur temps de maintien au test d’appui unipodal de 6,8 ± 2,1 secondes (p < 0,01) et ont diminué leur temps d’exécution au test de « lever de chaise » de 3,5 ± 0,3 secondes (p < 0,001). Ceci suggère que la participation à Marche vers le futur est associée à une amélioration de l’équilibre et de la force fonctionnelle des membres inférieurs. Par contre, aucune amélioration (p = 0,869) n’a été observée au test de Berg pour les participants qui avaient un test pré-programme élevé (≥ 54).
Tableau 3 : Comparaison des résultats pré et post programme aux tests physiques 1
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1 Les données sont présentées sous forme de moyenne ± erreur-type.
2 Selon le test-t apparié pour groupe dépendant.
3 Les évaluations post programme du test de Berg n’ont pas été faites auprès des participants de Moonbeam (n = 12) en raison de conditions météorologiques qui ont empêché les évaluateurs de se déplacer.
Effets sur le niveau de connaissances des participants
Les résultats au test de connaissances pré et post-programme, présentés au tableau 4, indiquent le niveau d’amélioration des connaissances des participants à la suite de Marche vers le futur. Les résultats moyens au test de connaissances sont passés de 11,3 à 16,2 sur un maximum de 21 points, la différence moyenne étant de 4,9 ± 0,4. Près de 95 % des participants ont démontré une meilleure connaissance des facteurs de risque de chute. Plus précisément, 84 % des participants ont démontré une meilleure connaissance des facteurs comportementaux et 78 % ont maintenu un score parfait ou ont affiché une meilleure connaissance des facteurs environnementaux à la suite de leur participation à Marche vers le futur.
Tableau 4 : Comparaison des résultats pré et post programme au test de connaissances1
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1 Les données sont présentées sous forme de moyenne ± erreur-type.
2 Selon le test-t apparié pour groupe dépendant.
3 Cinq participants sont exclus de l’analyse en raison d’un manque de données.
Degré de satisfaction des participants
La totalité des participants qui ont rempli le formulaire d’évaluation du programme de prévention des chutes Marche vers le futur (n=51) se disent satisfaits de ce dernier. De plus, 84 % et 88 % des participants perçoivent que leur équilibre et leur force musculaire étaient meilleurs à la suite de Marche vers le futur. L’atmosphère dynamique et positive des séances de groupe, les exercices pratiqués et leur gradation en termes de difficulté ainsi que l’attention, les connaissances et le professionnalisme des animateurs sont les aspects du programme Marche vers le futur les plus appréciés des participants. De façon générale, la majorité des participants recommanderaient Marche vers le futur à un ami. Ils ont indiqué avoir aimé recevoir les capsules d’information ainsi que le manuel et ont estimé que les informations présentées lors des séances étaient faciles à comprendre.
Les participants rapportent certains défis : le niveau de difficulté et la durée de certains exercices, ainsi que les problèmes techniques de la vidéoconférence. Quelques participants ont suggéré l’ajout de thèmes : alimentation, bienfaits des exercices sur la santé, techniques pour améliorer la qualité des mouvements lors des exercices, divers équipements existants visant à prévenir les chutes.
Effets sur le mode de vie des participants
Les résultats du suivi téléphonique six mois après la fin du programme, présentés au tableau 5, démontrent que la majorité des participants ont apporté des changements à leur mode de vie afin de réduire la présence de facteurs de risque. En effet, 70,2 % des participants indiquent avoir modifié au moins un élément dans leur environnement pour réduire les risques de chutes. De plus, 80,9 % d’entre eux rapportent qu’ils ont continué la pratique d’exercices pour maintenir la forme et qu’ils ont modifié leur comportement pour réduire les risques de chutes. Il est à noter que certains participants n’ont pas répondu aux questions de suivi (n = 47).
Tableau 5 : Modification de facteurs de risque et adhérence aux exercices réguliers six mois après la participation au programme
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Atteinte des objectifs physiques ciblés par le programme
Les résultats obtenus aux tests physiques ont été évalués selon les objectifs établis pour Marche vers le futur. Les données quant à la proportion des participants qui ont atteint la cible pour le test de Berg sont présentées au tableau 6 et celles relatives aux cibles pour le test d’appui unipodal et le test du « lever de chaise » sont présentées au tableau 7. La majorité des participants (62 %) ayant une possibilité d’amélioration au test de Berg en pré-programme (Berg initial entre 48 et 53) ont atteint l’objectif après avoir suivi le programme Marche vers le futur. À la fin du programme, la majorité des participants (72,5 %) ont atteint la norme selon l’âge pour le test d’appui unipodal. Seuls 28,8 % des participants ont atteint la cible de 30 secondes pour la moyenne des trois essais à ce test. En ce qui concerne les cibles associées au test du « lever de chaise », 46 participants (88,5 %) ont atteint la norme selon l’âge (p < 0,001), le même nombre de participants a atteint le seuil de 12 secondes (p < 0,001) établi par Lusardi et al. (Reference Lusardi, Fritz, Middleton, Allison, Wingood, Phillips, Criss, Verma, Osborne and Chui2017) et 95,7 % des participants qui n’atteignaient pas la norme selon l’âge en début de programme ont atteint la cible d’amélioration de 2,2 secondes à la fin du programme.
Tableau 6 : Proportion des participants qui ont atteint la cible pour le test de Berg
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1 Une cible atteinte correspond à une amélioration de 3 points sur le test de Berg.
2 Une amélioration non cliniquement significative correspond à une amélioration de 1 ou 2 points.
Tableau 7 : Proportion des participants qui ont atteint les cibles pour le test d’appui unipodal et pour le test du « lever de chaise »
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1 Selon le test non paramétrique pour groupe dépendant de McNemar.
2 La cible est considérée comme atteinte si la moyenne de trois essais au test d’appui unipodal est supérieure à 30 secondes, seuil suggéré par Hurvitz et al., Reference Hurvitz, Richardson, Werner, Ruhl and Dixon2000.
3 La cible est considérée comme atteinte si la moyenne de trois essais au test d’appui unipodal est supérieure à la norme selon l’âge – un écart-type d’après les données de Springer et al., Reference Springer, Marin, Cyhan, Roberts and Gill2007.
4 La cible est considérée comme atteinte si le temps au test du « lever de chaise » est inférieur à 12 secondes, seuil suggéré dans la métaanalyse de Lusardi et al., Reference Lusardi, Fritz, Middleton, Allison, Wingood, Phillips, Criss, Verma, Osborne and Chui2017.
5 La cible est considérée comme atteinte si le temps au test du « lever de chaise » est inférieur à la moyenne de son groupe d’âge, d’après les données de la métaanalyse de Bohannon (Reference Bohannon2006a). Puisque ces données normatives vont jusqu’à 89 ans, il n’a pas été possible de situer une participante plus âgée.
6 Les scores pré programme des 37 participants qui ont atteint l’amélioration ciblée variaient entre 9,8 et 19,1 secondes. Les scores pré programme des 15 participants qui n’ont pas atteint l’amélioration ciblée variaient entre 6,5 et 13,6 secondes.
Discussion
Dans une perspective d’évaluation de programme, la présente étude analyse les effets de Marche vers le futur, un programme multifactoriel de prévention des chutes auprès des aînés, conçu pour être offert en vidéoconférence. Plus spécifiquement, elle permet de démontrer la faisabilité du programme et de vérifier s’il atteint ses objectifs, d’établir le nombre de participants qui ont atteint les objectifs physiques ciblés et de connaître le degré de satisfaction des participants envers Marche vers le futur.
Les analyses démontrent que les participants ont vu une amélioration statistiquement significative de leurs résultats à l’ensemble des tests physiques, dont des améliorations cliniquement significatives pour plusieurs de ces paramètres. Ainsi, nos observations suggèrent que Marche vers le futur contribue à atténuer les facteurs biologiques de risque de chute auprès de la population ciblée. Elles démontrent qu’un programme d’exercices d’intensité suffisante pour produire des effets sur l’équilibre et la force fonctionnelle des membres inférieurs peut être offert par vidéoconférence, sans qu’aucun incident négatif ne se produise.
Globalement, le programme a démontré la possibilité de réduire les facteurs de risque de chute de façon équivalente ou supérieure aux programmes offerts en présentiel rapportés dans les écrits sur la prévention des chutes auprès d’une population similaire.
Plus précisément, on note que l’équilibre d’une majorité de participants s’est amélioré. En effet, environ deux tiers des participants qui avaient un score pré-programme au Berg inférieur à 54 ont présenté une amélioration cliniquement significative de trois points ou plus à ce test. Ces résultats concordent avec ceux d’études antérieures qui montrent que les personnes âgées qui font des exercices de renforcement présentent des améliorations significatives au test de Berg (Latham et al., Reference Latham, Anderson, Lee, Bennett, Moseley and Cameron2003; Rosendahl et al., Reference Rosendahl, Lindelöf, Littbrand, Yiffer-Lindgren, Lundin-Olssonm, Haglin and Nyberg2006; Teixeira et al., Reference Teixeira, Silva, Imoto, Teixeira, Kayo, Montenegro-Rodrigues, Peccin and Trevisani2010; Timonen et al., Reference Timonen, Rantanen, Ryynänen, Taimela, Timonen and Sulkava2002). Nos résultats se rapprochent plus particulièrement de ceux obtenus par Teixeira et al. (Reference Teixeira, Silva, Imoto, Teixeira, Kayo, Montenegro-Rodrigues, Peccin and Trevisani2010) qui ont vu le score du Berg faire un bond de 3,05 points à la suite d’un programme d’exercices de renforcement et d’équilibre de 18 semaines avec une population similaire à celle de notre étude. Leurs résultats révèlent aussi que ce gain est présent dans le groupe expérimental et absent dans le groupe contrôle.
Par ailleurs, les participants de Marche vers le futur qui avaient un score initial supérieur à 54 ont vu leur résultat plafonner et n’ont obtenu que 0,1 point d’amélioration. Ceci confirme l’importance de considérer cet effet plafond du test de Berg dans l’interprétation des résultats des études visant une amélioration de l’équilibre des personnes âgées.
De plus, les participants ont amélioré la durée de leur appui unipodal de 6,8 secondes en moyenne, ce qui est similaire à l’amélioration moyenne de 5,3 secondes obtenue par le programme PIED (Robitaille et al. Reference Robitaille, Laforest, Fournier, Gauvin, Parisien, Corriveau, Trickey and Damestoy2005) ou à celle de 5,03 secondes observée dans une méta-analyse de neuf programmes d’exercices à composantes multiples offerts à des personnes de plus de 60 ans (Howe, Rochester, Neil, Skelton, et Ballinger, Reference Howe, Rochester, Neil, Skelton and Ballinger2011). On observe aussi une augmentation de 15,6 % des participants qui atteignent la norme de leur groupe d’âge (données de Springer et al., Reference Springer, Marin, Cyhan, Roberts and Gill2007), mais on n’observe que peu de changement après le programme (5,7 %; non statistiquement significatif) pour l’atteinte d’un appui unipodal supérieur à 30 secondes. Ce seuil serait associé à un très faible risque de chute (Hurvitz et al., Reference Hurvitz, Richardson, Werner, Ruhl and Dixon2000). Il semble cependant que peu d’aînés peuvent maintenir la position pendant cette durée selon les données normatives de différentes études (Bohannon, Reference Bohannon2006b; Springer et al., Reference Springer, Marin, Cyhan, Roberts and Gill2007)Footnote 4. Même après un programme d’exercices, dans des études où la moyenne d’âge des participants est similaire à la nôtre, la durée moyenne de l’appui unipodal demeure autour de 16 à 20 secondes (Robitaille et al., Reference Robitaille, Laforest, Fournier, Gauvin, Parisien, Corriveau, Trickey and Damestoy2005; Sales, Polman, Hill et Levinger, Reference Sales, Polman, Hill and Levinger2016).
En ce qui a trait à l’amélioration de la force fonctionnelle des membres inférieurs, on observe une diminution moyenne de 3,5 secondes du temps mis pour compléter le test du « lever de chaise » pour l’ensemble des participants. De plus, 71,2 % des participants ont vu une amélioration cliniquement significative d’au moins 2,2 secondes au test du « lever de chaise ». Cette amélioration est supérieure à celle de 1,2 seconde rapportée pour le programme PIED (Robitaille et al. Reference Robitaille, Laforest, Fournier, Gauvin, Parisien, Corriveau, Trickey and Damestoy2005) et à celles de 1,4 seconde chez les femmes et de 1,5 secondes chez les hommes notées par Leenders et al. (Reference Leenders, Verdikj, van der Hoeven, van Kranenburg, Nilwik and van Loon2012) à la suite de 24 semaines d’exercices de renforcement. De plus, après la participation au programme, on observe une augmentation de 52 % des participants qui atteignent la cible de 12 secondes associée à une réduction de risque de chute par Lusardi et al. (Reference Lusardi, Fritz, Middleton, Allison, Wingood, Phillips, Criss, Verma, Osborne and Chui2017).
Quant aux facteurs de risque comportementaux et environnementaux, nos données indiquent que les participants ont de meilleures connaissances de ces facteurs en post-programme, à l’instar de ce qui fut observé dans l’étude de Johansson et Jonsson (2013). Ils ont aussi modifié certains de ces facteurs de risque, comme il fut observé dans d’autres études (Albert et al., Reference Albert, King, Boudreau, Prasad, Lin and Newman2014; Robson et al., Reference Robson, Edwards, Gallagher and Baker2003). Entre autres, une majorité des participants a pris au moins une mesure pour réduire un facteur de risque environnemental et/ou un facteur comportemental et a maintenu l’habitude de faire de l’exercice après la fin du programme.
Enfin, en ce qui concerne la satisfaction des participants, la faisabilité et l’acceptabilité du programme, l’attitude positive et l’approche des animateurs soulevées par l’ensemble des participants de Marche vers le futur sont similaires aux commentaires recueillis lors de l‘évaluation du programme Equilibreizh (Faure, Reference Faure2012). De même, le degré de satisfaction globale des participants envers le programme est semblable à celui d’autres programmes de prévention des chutes (Faure, Reference Faure2012 ; Johansson et Jonsson, Reference Johansson and Jonsson2013) et le taux d’assiduité est légèrement supérieur à celui observé pour le programme PIED (Filiatrault et al., Reference Filiatrault, Parisien, Laforest, Genest, Gauvin, Fournier and Robitaille2007). Ces résultats soutiennent l’acceptabilité de la vidéoconférence comme moyen d’améliorer les capacités physiques des personnes âgées vivant en régions éloignées ou en contexte linguistique minoritaire. Il faut noter que Marche vers le futur apporte une grande attention à la préparation de l’animateur, pour assurer que la livraison de la formation par vidéoconférence demeure dynamique et que des interactions personnalisées aient lieu entre les participants et l’animateur.
Forces et limites de l’étude
Cette étude est à notre connaissance la première à documenter les effets d’un programme de prévention des chutes offert à distance, à l’aide de la vidéoconférence. Elle a utilisé un devis d’évaluation de programme rigoureux, faisant appel à des données provenant d’outils d’évaluation validés et récoltées de manière standardisée. Cette rigueur assure que les changements observés chez les participants sont bien réels. Toutefois, en l’absence d’un groupe de comparaison, l’étude ne permet pas de confirmer hors de tout doute que ces changements sont le résultat de la participation au programme. Un groupe de comparaison aurait permis de vérifier si des changements similaires sont observés sans intervention, par exemple par l’effet placebo qui peut résulter de l’attention fournie aux participants.
Cette étude n’a pas évalué les effets du programme sur le nombre de chutes dans la population cible. Puisque la population ciblée par le programme n’est pas une population de chuteurs fréquents, une telle évaluation aurait nécessité un suivi à long terme d’un grand nombre de participants. Cette démarche était hors de la portée de la présente étude. Toutefois, d’autres auteurs ont démontré que la réduction des facteurs de risque est associée à une réduction du nombre de chutes (Albert et al., Reference Albert, King, Boudreau, Prasad, Lin and Newman2014; Barnett et al., Reference Barnett, Smith, Lord, Williams and Baumand2003; Day et al., Reference Day, Fildes, Gordon, Fitzharris, Flamer and Lord2002; Fitzharris et al., Reference Fitzharris, Day, Lord, Gordon and Fildes2010; Robson et al., Reference Robson, Edwards, Gallagher and Baker2003). Ainsi, il est probable qu’avec les résultats obtenus quant à la réduction des facteurs de risque, Marche vers le futur contribue à réduire l’occurrence des chutes chez les aînés.
En dernier lieu, notre questionnaire d’évaluation ne comportait pas de questions portant spécifiquement sur l’accès à un programme de promotion de la santé en français, limitant notre capacité d’analyser la satisfaction des participants à cet égard. L’aspect de la langue dans laquelle le programme Marche vers le futur est offert n’a pas été directement soulevé par les participants dans la présente étude. Toutefois, dans le cadre d’une évaluation de l’implantation du programme, les responsables des organismes communautaires partenaires nous ont indiqué avoir reçu des commentaires positifs des participants à cet effet. Ces éléments entourant la mise en œuvre de Marche vers le futur, les enjeux et les défis font d’ailleurs l’objet d’une seconde publication.
Conclusion
Cette étude a mis en lumière les bienfaits de Marche vers le futur qui permet aux participants de réaliser des améliorations de leurs capacités physiques, l’acquisition de nouvelles connaissances, l’adoption de nouveaux comportements et de nouvelles habitudes de vie. De plus, la majorité des participants s’est dite satisfaite du programme offert à distance, ce qui démontre la faisabilité et soutient l’acceptabilité du format en vidéoconférence. Le programme a rendu possible l’offre de services en français aux communautés francophones dans des régions à faible densité de francophones (Edmonton, Calgary) et dans une région éloignée des centres urbains (Moonbeam), où les ressources professionnelles en français sont peu accessibles. De ce fait, sa diffusion à plus grande échelle favoriserait l’équité en matière d’accès aux services de santé.