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Cheminements et situations de vie des personnes âgées présentant des troubles mentaux graves : perspectives d’intervenants psychosociaux*

Published online by Cambridge University Press:  27 April 2010

Bernadette Dallaire*
Affiliation:
Professeure agrégée, École de Service social, Université Laval, Québec
Michael McCubbin
Affiliation:
Professeur associé, École de Service social, Université Laval, Québec
Mélanie Provost
Affiliation:
Agente de recherche, GRIOSE-SM, Centre de santé et de services sociaux de la Vieille-Capitale/Centre de recherche Université Laval - Robert-Giffard, Québec
Normand Carpentier
Affiliation:
Chercheur, Institut universitaire de gériatrie de Montréal, Université de Montréal
Michèle Clément
Affiliation:
Chercheure, GRIOSE-SM, Centre de santé et de services sociaux de la Vieille-Capitale/Centre de recherche Université Laval - Robert-Giffard, Québec
*
Adresse de correspondance: Bernadette Dallaire École de Service social Pav. Charles-De Koninck Université Laval Québec, Qc, G1V 0A6. Tel.: (418) 656-2131, poste 12899; télécopieur: (418) 656-3567 Courriel: (bernadette.dallaire@svs.ulaval.ca)
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Abstract

Services for elders with severe mental illness (SMI) have major deficiencies, among them a lack of adequate psychosocial services. Some analysts have attributed this situation to “double stigmatization” targeting both ageing and mental illness in our societies. Using qualitative methods (23 semi-directed interviews, theme-based content analysis), our exploratory research aims to understand better the perceptions of psychosocial practitioners working in community and institutional settings about the elderly with SMI and their living situations. Our informants evoke living situations marked by a lack of support (isolation), of resources (financial precariousness/poverty) and of power (learned passivity), traits that are related not only to mental illness per se, but also to long term psychiatric institutionalization. For them, the current situation of elders with SMI is the end product of biographies in which life-course, illness-course and life in services and/or institutions join and, sometimes, become indistinguishable. Implications for psychosocial practices are discussed.

Résumé

Les services offerts aux aînés aux prises avec des troubles mentaux graves (TMG) présentent des lacunes importantes, notamment le manque de services psychosociaux adéquats. Certains ont attribué cette situation à une « double stigmatisation » visant à la fois le vieillissement et la maladie mentale. À partir d’une démarche exploratoire fondée sur des méthodologies qualitatives (23 entrevues semi-dirigées, analyse de contenus thématique), notre recherche vise notamment à mieux connaître les perceptions des intervenants psychosociaux des milieux institutionnels et communautaires sur les personnes âgées atteintes de TMG et sur leurs situations de vie. Les intervenants font état de situations de vie marquées par le manque de soutien (isolement), le manque de ressources (précarité/pauvreté) et le manque de pouvoir (passivité acquise), des traits qui seraient liés non seulement à la maladie mentale elle-même, mais aussi à l’institutionnalisation psychiatrique à long terme. Pour eux, la situation actuelle des aînés avec TMG constitue l’aboutissement d’un parcours où histoire de vie, histoire de maladie et histoire dans les services et/ou les institutions se rejoignent et quelquefois se confondent. Les implications de ces résultats pour la pratique psychosociale sont discutées.

Type
Articles
Copyright
Copyright © Canadian Association on Gerontology 2010

Introduction

Dans les années récentes, l’Organisation mondiale de la santé (Mendonça Lima, Levav, Jacobsson, & Rutz, Reference Mendonça Lima, Levav, Jacobsson and Rutz2003), le Ministère de la Santé américain (United States Department of Health and Human Services—Substance Abuse and Mental Health Services Administration, 2004) et, au Canada, la Commission sur la santé mentale (Kirby & Keon, Reference Kirby and Keon2006) ont tour à tour dénoncé la « double stigmatisation » qui marque l’organisation et la prestation des services ainsi que les conditions de vie « imposées » aux personnes âgées souffrant de troubles mentaux graves (TMG). Celles-ci seraient disqualifiées d’une part en raison du stigmate associé à la maladie mentale (Clément, Reference Clément, Dorvil and Mayer2001) et, d’autre part, à cause d’attitudes âgistes dans la population et dans les milieux de services (Estes & Biney, Reference Estes, Biney, Minkler and Estes1991; Grant, Reference Grant1996; Ragan & Bowen, Reference Ragan and Bowen2002).

Pour certains analystes, les problèmes observés dans les services trouvent leur source dans une attitude fataliste de la part des professionnels (un « nihilisme thérapeutique », selon Butler, Reference Butler1975). Confrontés à des conditions et situations où les pronostics sont peu encourageants et même « sans espoir » (Goldlist, Reference Goldlist2000), ceux-ci se sentiraient peu outillés pour dispenser une aide efficace (Kindiak, Grieve, Randall, & Madsen, Reference Kindiak, Grieve, Randall, Madsen, Holosko and Feit2004; Lagana & Shanks, Reference Lagana and Shanks2002). On en sait de plus en plus sur les perceptions et leur impact sur l’intervention en ce qui concerne les professions médicales et paramédicales. Mais qu’en est-il des membres des professions psychosociales oeuvrant auprès de cette clientèle? En particulier, comment perçoivent-ils les caractéristiques et cheminements de vie/de soins des personnes âgées aux prises avec des TMG? On peut présumer que les enjeux évoqués plus haut s’y présentent de manière singulière, étant donné les préoccupations davantage systémiques qui orientent leurs pratiques. Ce sont ces questions que l’étude présentée ici aborde.

Une population « discrète », mais présentant des besoins importants

Les aînés souffrant de TMG (principalement la schizophrénie, les troubles psychotiques, les troubles bipolaires et les dépressions chroniques) constituent une population peu « visible », mais néanmoins importante — environ 2 pour cent des personnes de 55 ans et plusFootnote 1 — et, surtout, en croissance: en raison du vieillissement démographique, on prévoit que le nombre de ces personnes doublera dans les trente prochaines années (Bartels, Levine, & Shea, Reference Bartels, Levine and Shea1999; Cohen, Reference Cohen2000; Goldman & Manderscheid, Reference Goldman, Manderscheid, Menninger and Hannah1987). Il s’agit aussi d’une population particulièrement vulnérable. Le cumul des problèmes liés à la maladie mentale et à l’avancement en âge a des conséquences majeures sur les plans sanitaire, fonctionnel, économique et psychosocial: (a) habiletés sociales inadéquates et capacité d’adaptation et de résolution de problèmes limitées (Thompson, Reference Thompson1999); (b) somatisation et non-traitement de pathologies physiques (Bartels et al., Reference Bartels, Forester, Mueser, Miles, Dums and Pratt2004); (c) guérison plus ardue et mortalité plus élevée (National Institute for Mental Health in England, 2005; Social Care Institute for Excellence, 2006); (d) idéations ou actes suicidaires (Osgood, Reference Osgood1992); (e) isolement social et précarité économique (Meeks & Murrell, Reference Meeks and Murrell1997; Royal College of Psychiatrists, 2005). À ces conditions, on doit ajouter les effets iatrogéniques de l’usage prolongé de médications psychotropes, une vulnérabilité accrue aux abus de toutes sortes et des institutionnalisations prématurées ou autrement évitables (National Institute for Mental Health in England, 2005; Royal College of Psychiatrists, 2005). Évidemment, tous ces facteurs et vulnérabilités sont particulièrement prononcés en ce qui concerne les aînés ayant souffert de TMG pendant une grande partie de la période « adulte » (early onset).

Si les besoins des aînés aux prises avec un TMG sont importants, les services qui leur sont offerts présentent des lacunes importantes, tant au Canada et au Québec que dans plusieurs autres pays occidentaux. En plus des problèmes d’utilisation et d’accessibilité (Lagana & Shanks, Reference Lagana and Shanks2002), les problèmes d’identification et de réponse clinique aux troubles de santé mentale chez les aînés sont bien documentés: non-diagnostics ou diagnostics erronés, réponse limitée à la prescription de médication psychotrope, prescription inappropriée (Herrick, Pearcey, & Ross, Reference Herrick, Pearcey and Ross1997; Mackenzie, Gekoski, & Knox, Reference Mackenzie, Gekoski and Knox1999; Voyer, McCubbin, Préville, & Boyer, Reference Voyer, McCubbin, Préville and Boyer2003). Au niveau de l’organisation des services, certains analystes craignent que leurs besoins ne soient pas bien pris en compte, car les aînés souffrant de troubles mentaux sont, dans certaines juridictions (dont plusieurs régions du Québec), désignés soit comme usagers des services généraux de santé mentale, soit comme usagers de services gériatriques généraux et se trouvent alors confondus avec l’une ou l’autre de ces clientèles (Royal College of Psychiatrists, 2005; Tuokko, MacCourt, & Milliken, Reference Tuokko, MacCourt and Milliken2008).

En toile de fond, les différentes vagues de désinstitutionnalisation qui ont eu lieu à partir des années 1960 dans les systèmes de santé mentale ont fait en sorte que plusieurs personnes « ex-psychiatrisées » vieillissent maintenant dans la communauté ou se retrouvent dans des centres d’hébergement ou de soins de longue durée gériatrique (certains parlent alors de «transinstitutionnalisation»Footnote 2), ce qui pose des défis aux familles, aux communautés, aux gestionnaires d’institutions et aux intervenants (Cohen, Reference Cohen2000; Depla et al., Reference Depla, Pols, de Lange, Smits, de Graaf and Heeren2003; Larivière, Gélinas, Mazer, Tallant, & Paquette, Reference Larivière, Gélinas, Tallant and Paquette2006; Mosher-Ashley, Turner, & O’Neill, Reference Mosher-Ashley, Turner and O’Neill1991). Ces derniers, qui disposent souvent d’une formation limitée (ou même inexistante) en matière de santé mentale et n’ont pas accès à des ressources spécialisées (par exemple, un psychiatre ou psychologue consultant), voient leur capacité de répondre adéquatement aux problématiques de santé mentale/psychiatriques fortement réduite (Coalition canadienne pour la santé mentale des personnes âgées, 2006; Meeks & Murrell, Reference Meeks and Murrell1997). Trop souvent, le seul recours disponible est le traitement pharmacologique (Bartels, Reference Bartels2003; Holmes, Bentley, & Cameron, Reference Holmes, Bentley and Cameron2003).Footnote 3 Quant aux services gérontopsychiatriques, que ce soit dans la communauté ou en milieu institutionnel, ils manqueraient souvent d’intégration et mettraient l’accent sur les problèmes transitoires ou aigus (lesquels conduisent parfois à des hospitalisations), ce qui laisse peu de place à la réadaptation.

Dans le cas des aînés ayant souffert de TMG pendant une grande partie de la vie adulte, ces questions se posent avec acuité. Leur expérience du vieillissement est influencée non seulement par les configurations de services actuelles, mais aussi par celles qui ont prévalu dans le passé. Ainsi au Québec, dans une analyse comparant les conditions de vie et les représentations sociales des aînés avec TMG vivant en résidence d’accueil spécialisée à celles des aînés avec déficience intellectuelle (DI) vivant dans le même type d’établissement, Dorvil et Benoit (Reference Dorvil and Benoit1999)Footnote 4 ont mis en lumière le fait que des historiques de désinstitutionnalisation différents — emphase sur les soins pour la clientèle TMG versus emphase sur la réadaptation pour la DI — ont conduit à des conditions de vieillissement elles aussi différentes. Ainsi, pour les personnes présentant TMG, le vieillissement en résidence d’accueil se vivait comme une continuité de la « convalescence de santé » dans un environnement de cohabitation (modèle des soins), alors que pour les personnes avec DI, cette expérience signifiait plutôt la poursuite des activités telles que le travail et les loisirs individuels ou organisés et davantage d’accès au logement individuel (modèle de la réadaptation et du maintien de l’autonomie).

Ces considérations nous interpellent quant à la place de la réadaptation et, plus largement, celle des interventions de nature psychosociale dans les pratiques, services et programmes s’adressant aux personnes souffrant de TMG et qui sont vieillissantes. Au Canada et au Québec, les principes énoncés quant aux services dispensés aux aînés souffrant de TMG incluent: (a) le soutien dans le milieu de vie, (b) le développement et préservation de l’autonomie, (c) la prise en compte des besoins médicaux, fonctionnels et psychosociaux et (d) l’intégration dans la communauté (Coalition canadienne pour la santé mentale des personnes âgées, 2006; Dallaire, Miranda, Moscovitz, & Guérette, Reference Dallaire, Miranda, Moscovitz and Guérette2003; Ministère de la Famille et de l’Enfance, 2001). Dans les années récentes, à ces principes se sont ajoutés les concepts inter-reliés d’appropriation du pouvoir d’agir (empowerment), d’inclusion sociale et de rétablissement, d’abord développés en fonction d’autres groupes et problématiques (surtout la clientèle adulte en santé mentale). Les trois concepts font référence à une évolution du rapport entre l’individu et son environnement: (a) dans la capacité de prise de décision, de choix et d’action [appropriation du pouvoir d’agir], (b) dans l’exercice de rôles sociaux et d’activités valorisants à l’intérieur de réseaux sociaux/communautés [inclusion sociale] et (c) dans le dépassement des handicaps fonctionnels et sociaux à travers un renouvellement de la vision du soi et du sens de son existence [rétablissement] (Dallaire & McCubbin, Reference Dallaire, McCubbin, Gagnon, Pelchat and Édouard2008; Onken, Dumont, Ridgway, Dornan, & Ralph, Reference Onken, Dumont, Ridgway, Dornan and Ralph2002; Provencher, Reference Provencher2002). Leur application est aujourd’hui considérée comme un moyen d’optimiser la qualité de vie et de permettre aux personnes âgées atteintes de troubles mentaux de gérer au mieux leur quotidien. Cependant, ces orientations sont encore trop peu utilisées dans le cadre des services conventionnels de santé mentale offerts aux aînés (Bartels et al., Reference Bartels, Forester, Mueser, Miles, Dums and Pratt2004; Chiu, Yastrubetskaya, & Williams, Reference Chiu, Yastrubetskaya and Williams1999).

Une exploration empirique

Un des objectifs de notre recherche était d’examiner les perceptions des intervenants psychosociaux des milieux institutionnels et communautaires à propos des personnes âgées atteintes de TMG.Footnote 5 Le choix de nous tourner vers ces praticiens (plutôt que, par exemple, les personnes âgées avec TMG elles-mêmes) s’explique par la nécessité de mieux saisir les croyances, perspectives, expériences relatées, etc. qui se trouvent « en amont » des pratiques. Nous ne prétendons pas ici « expliquer » la situation actuelle au Québec en matière d’interventions et services psychosociaux offerts à cette population, mais voulons plutôt documenter la perspective de ceux qui s’y consacrent dans le quotidien.

Nous avons adopté une démarche de recherche exploratoire fondée sur des méthodologies qualitatives. La collecte de données a été réalisée dans des établissements et organisations de la région de Québec, en 2007 et 2008. Au centre de notre devis: 23 entrevues semi-dirigées avec des intervenants de disciplines susceptibles d’exercer en tout ou en partie des activités de nature psychosociale (fonctions d’accompagnement, de gestion de cas, d’animation, etc.) et oeuvrant en milieux institutionnels ou communautaires auprès des personnes âgées souffrant de TMG (expérience minimum: 6 mois). Étant donné que dans l’organisation des services au Québec, les aînés avec TMG sont désignés soit comme usagers des services généraux de santé mentale, soit comme usagers de services gériatriques généraux, les professionnels recrutés provenaient de ces deux secteurs (santé mentale-adultes et gériatrie). Nous visions une diversité en termes de (1) milieux de pratique (institutionnel v communautaire), (2) types de professionnels et (3) champs de pratique (gériatrie ou santé mentale). Le Tableau 1 qui suit résume les caractéristiques de notre échantillon.

Tableau 1: Composition de l’échantillon en fonction des domaines de pratique et des milieuxFootnote *

* Légende: travail social (TS), éducation spécialisée (ES), sciences infirmières (INF), ergothérapie (ERG), récréologie (REC), intervention sociale (IS). Dans le cas de IS, ceci correspond au titre/poste attribué dans les organisations plutôt qu’à une discipline particulière, une désignation que certain(e)s de nos répondant(e)s préféraient utiliser.

** Les RNI regroupent les ressources de type familial (familles et résidences d’accueil), intermédiaires (résidences de groupe, maisons de chambre, appartements supervisés, etc.) et apparentées (ex: appartements autonomes à loyer modique).

*** Une des entrevues impliquant un organisme communautaire a été réalisée en tandem par deux intervenantes d’une même organisation (à leur demande). C’est pourquoi le total des participants (24) est supérieur au total des entretiens (23).

En raison de facteurs contextuels et organisationnels (périodes de recrutement, disponibilités, etc.), les milieux communautaires sont légèrement plus représentés que les milieux institutionnels dans notre échantillon (14 répondants contre 10). À noter par ailleurs que notre échantillon était presque exclusivement féminin (23 femmes, 1 homme), reflétant en cela la forte représentation des femmes dans plusieurs professions d’aide (travail social et sciences infirmières, en particulier). En termes d’années d’expérience dans les domaines concernés, la dispersion était de 18 mois à 30 ans pour la santé mentale et de 6 mois à 32 ans pour la gériatrie.

Le guide d’entretien semi-structuré (préalablement prétestéFootnote 6) portait sur les croyances, perceptions et évaluations des intervenants sur: (1) la vieillesse et les troubles mentaux graves, (2) la situation de vie, les besoins et les problèmes des personnes âgées atteintes de TMG, (3) les interventions auprès de cette clientèle, incluant leur propre pratique et (4) le sens, la place et la pertinence des principes d’appropriation du pouvoir d’agir, de rétablissement et d’inclusion sociale dans leur pratique. Les entretiens ont été enregistrés sur cassette audio, puis transcrits dans leur intégralité. Ces transcriptions ont été soumises à une analyse thématique des contenus (Mayer, Ouellet, Saint-Jacques, & Turcotte, Reference Mayer, Ouellet, Saint-Jacques and Turcotte2000) soutenue par un traitement sous le logiciel NVivo. Le codage du matériel combinait l’utilisation d’un système de catégories prédéterminées, fondées sur les thèmes identifiés ci-haut, et l’inclusion de thèmes émergeant du matériel. Outre les variables de contenu déjà mentionnées, l’analyse tenait compte aussi du milieu de pratique du praticien (communautaire vs institutionnel), de sa profession (travail social, sciences infirmières, ergothérapie, etc.) et de son domaine de pratique (gériatrie ou santé mentale).

Résultats

Étant donné que nos analyses sont en cours, les résultats présentés ici ne couvrent pas l’ensemble des thèmes abordés dans notre matériel. Pour les fins du présent article, nous nous centrerons sur les descriptions touchant les clientèles et leurs situations de vie (voir thèmes 1 et 2 des entretiens). Ces données sont pertinentes car les caractéristiques des usagers rencontrés dans la pratique quotidienne sont susceptibles d’influencer les perceptions quant à la population générale des aînés avec TMG. Le Tableau 2 qui suit fait le sommaire des profils des clientèles tels que décrits par nos répondants.

Tableau 2: Sommaire des descriptions des clientèles selon les domaines de pratique et les milieux

Disons d’abord que le tableau 2 ne couvre pas la totalité des contenus descriptifs portant sur les usagers. Plutôt, il sert de toile de fond pour situer les éléments de contenu abordés plus loin. Il reste que certaines tendances qu’on y observe retiennent l’attention. On voit d’abord que plusieurs propos portent sur ce que certains participants appellent les « patients historiques », à savoir les personnes ayant non seulement des antécédents de maladie mais aussi des antécédents d’institutionnalisation psychiatrique, quelquefois de longue durée (il est question de décennies, dans certains cas). On réfère ici à l’ « ancienneté » de la personne en tant que « malade » dans le système de santé mentale, ainsi qu’à son « histoire » dans les services et les institutions. À la question Qui sont les clients âgés avec TMG?, on répond bien souvent en termes de provenance (D’où viennent-ils?) et de direction (Où vont-ils?). À cet égard, il est clair que les cloisons entre les différents milieux (institutions, ressources intermédiaires, communauté) et entre les domaines (santé mentale, gériatrie) ne sont pas étanches, et que les personnes dont il est question cheminent de l’un à l’autre.

De l’institution à la communauté … à l’institution

D’une part, les descriptions recueillies donnent à voir des « patients historiques » qui évoluent dans l’interface institution-communauté. (1) De l’institution à l’institution: après plusieurs années/décennies vécues en centre hospitalier psychiatrique, certains usagers (les cas les plus lourds sur les plans de la pathologie et du manque d’autonomie) sont directement transférés dans un centre d’hébergement et de soins de longue durée (CHSLD)Footnote 7, lorsqu’ils présentent des maladies ou des pertes d’autonomie physique ou cognitives trop importantes; on parle ici d’institutionnalisations (psychiatrique, puis gériatrique) à long terme et parfois « à vie »Footnote 8. (2) De l’institution à la ressource intermédiaire: dans une démarche de désinstitutionnalisation partielle, d’autres usagers sont passés de l’hôpital psychiatrique à une ressource non-institutionnelle; parmi eux, certains ont vécu dans une série de ressources intermédiaires (appartements supervisés, foyers de groupe, familles d’accueil, etc.), au fil de l’évolution de leur condition et de leur degré d’autonomie. (3) De l’institution à la communauté: suite aux différentes vagues de désinstitutionnalisation qui ont eu lieu depuis les années ’70, certaines personnes vivent dans la communauté depuis plusieurs années; elles font appel aux services Santé mentale adulte ou Soutien à domicile des Centres de santé et de services sociaux (CSSS) et, dans certains cas, aux organisations communautaires.

Il est important de noter ici que les deux derniers types de cheminement – institution → ressource intermédiaire et institution → communauté – n’impliquent pas nécessairement une sortie définitive de l’institution, car l’admission dans un CHSLD est un « aboutissement » possible en cas de maladie ou de perte d’autonomie importantes. On pourrait donc ajouter un quatrième type de parcours, à savoir institution → ressource intermédiaire ou communauté → institution. Il semblerait que ce cheminement est loin d’être rare, comme l’exprime cette praticienne: « C’est public. Alors là c’est un peu comme à l’école. On ne peut plus les refuser. C’est souvent des gens qui vont avoir fait plusieurs milieux, puis que (…) c’est comme l’aboutissement. » (Coord., CHSLD.) Selon les participants à notre étude, les aînés avec TMG seraient de plus en plus présents et « visibles » dans les milieux de type CHSLDFootnote 9, ce qui vient très probablement transformer les conditions d’intervention dans ces établissements et influencer les perceptions.

De la santé mentale à la gériatrie: vieillissement biologique et organisationnel

Les cheminements des « patients historiques » se situent aussi dans l’interface entre santé mentale et gériatrie, plus précisément le passage de la catégorisation « santé mentale adultes » au créneau « personnes âgées ». Pour des raisons d’ordres biologique, psychosocial ou organisationnel, ce passage peut être précoce, ou au contraire tardif. Du point de vue des intervenants, ceci signifie des transformations dans les clientèles rencontrées. Par exemple, dans les milieux communautaires, certains praticiens en santé mentale mentionnent un « vieillissement » de leur clientèle alors que d’autres, oeuvrant au soutien à domicile, évoquent quant à eux un « rajeunissement »:

On se rend compte que la clientèle en santé mentale [elle] vieillit, moi j’te dirais que des fois j’ai l’impression de faire du soutien domicile, que je joue le rôle de l’intervenante de soutien à domicile qui doit pallier à presque tout, c’était pas ça avant. Donc le visage de la clientèle en santé mentale tend à changer. (Intervenante sociale [IS], CSSS/Santé mentale [SM])

(…) j’ai une clientèle d’une moyenne d’âge de 85 ans, et ça tend à rajeunir, étant donné qu’on ouvre la porte aux problèmes de santé mentale, bien on peut les prendre à partir de 60 ans…nos critères s’élargissent dans le fond… Avant c’était l’équipe santé mentale qui gérait ça, mais maintenant nous autres on les prend rendu à un certain âge. (Travailleuse sociale [TS], CSSS/Soutien à domicile [SAD])

Soulignons toutefois que pour les aînés qui présentent un TMG sans autre maladie ou perte d’autonomie significative et qui vivent dans la communauté, l’admission aux services de soutien à domicile est plus ardue (« c’est des gens qui ne cotent pas assez, parce que le problème physique [n’]est pas assez important » – Éducatrice spécialisée [ES], Organisation communautaire [OC]). Leur entrée dans la clientèle « âgée » est alors retardée.

Du côté des milieux institutionnels, certains parmi les intervenants rencontrés estiment que la présence d’un TMG implique une entrée précoce dans le « vieil âge »: on parle ici surtout d’un vieillissement physique qui est en partie la conséquence du TMG – par exemple, des maladies physiques causées par les habitudes de vie ou par un manque de suivi médical. Ces conditions, lorsqu’elles s’aggravent, entraînent quelquefois des institutionnalisations gériatriques elles aussi précoces: « Sont beaucoup plus jeunes. On a souvent de cette clientèle-là, en santé mentale, qui entre ici à 50, 60 ans. Alors que notre clientèle va rentrer à 80, 90 ans en général. » (Coordonnatice, CHSLD)

Qu’il vienne tôt ou tard, le vieillissement physique, fonctionnel ou organisationnel (c.-à-d., le passage d’une clientèle à l’autre) des personnes atteintes de TMG implique des adaptations pour les milieux d’intervention et les intervenants eux-mêmes: « (…) avec la désinstitutionalisation qu’il y a eu il y a plusieurs années, ils se retrouvent désorganisés complètement, la médication n’est plus adéquate, ils n’ont plus de médecin, ça c’est des problématiques nouvelles qu’on a. » (TS, CSSS/SAD) Ainsi, dans les milieux de services destinés aux aînés, les clients souffrant de TMG seraient parfois accueillis avec appréhension, car ils sont perçus comme étant plus «lourds»:

Souvent il y a des références qui arrivent et c’est écrit « problème de santé mentale », le monde est découragé, mais c’est pas parce que t’as un problème de santé mentale que tu as nécessairement besoin de plus de soins. (TS, CSSS/SAD)

(…) parmi le personnel, c’est sûr que quand je leur présente des fois … une prochaine admission puis que je mentionne … troubles de personnalité, personnes très demandantes, … trouble obsessif-compulsif … souvent on va avoir des commentaires comme « ah! Seigneur! », « ah mon Dieu pas un autre! » (…) c’est la lourdeur de la tâche aussi. (…) dans l’ensemble la personne qui s’en vient, c’est … une personne supplémentaire, elle va demander du temps par rapport à l’ensemble de la tâche… (TS, CHSLD)

Notons cependant que selon certains participants, la « lourdeur » varierait en fonction de la nature du trouble. Ainsi, les clients présentant un trouble de personnalité limite constitueraient une catégorie d’usagers particulièrement problématique (« On a de plus en plus de troubles borderline. (…) Tu sais, les gens qu’ils ne veulent plus d’eux autres dans la société, qu’est-ce qui reste… ce sont des majeures. » – Coord., CHSLD). Par contre, le passage du temps aurait des effets positifs dans le cas des personnes schizophrènes ou présentant des psychoses (« … rendu à 80 ans, on connait mieux leur maladie qu’à 20 ans (…) les gens psychotiques finissent par plus se connaître, finissent par connaître leurs éléments déclencheurs aussi. » – Chef d’unité, CHSLD). On évoque alors une diminution ou une stabilisation des symptômes en raison de l’évolution naturelle de la maladie, grâce à la médication, ou grâce à un apprentissage de la « gestion de la maladie », avec le temps.

Manque de soutien, manque de ressources, manque de pouvoir: des conséquences de l’institutionnalisation psychiatrique

Lorsqu’il est question de décrire les situations de vie des usagers, certaines caractéristiques semblent faire consensus parmi les intervenants de l’ensemble des milieux visités dans le cadre de notre recherche (tant gériatriques que de santé mentale, tant communautaires qu’institutionnels).

C’est le cas de l’isolement social et de l’absence ou l’effritement des réseaux sociaux (en particulier familiaux), qui seraient le résultat du TMG (problèmes dans les habiletés sociales, comportements inappropriés, paranoïa, etc.), des stigmates et tensions entourant la maladie mentale, du passage du temps (les proches et les parents vieillissent eux-mêmes, ou bien décèdent) et du retrait physique imposé par les hospitalisations psychiatriques. Certains évoquent aussi l’opprobre autrefois associé à l’internement (« …si tu recules mettons soixante-dix ans en arrière, quand on disait tu étais à Saint Michel-Archange (…) c’était pas bien vu (…) la famille a probablement voulu se dissocier de ça. ». – Infirmière [Inf.], CSSS/Ressource non-institutionnelle [RNI]). On note aussi que la « distance » entre le réseau et la personne est quelquefois voulue par cette dernière (« C’est plus leur indépendance qu’ils veulent garder (…) plus je reste autonome, moins les gens vont écornifler ce que je fais, ou vont porter un jugement… » – Directrice, OC). Pour cette intervenante d’une RNI, l’isolement de plusieurs clients est une donnée déterminante quant à la nature et l’ampleur de ses tâches et responsabilités:

Il y a certaines personnes que je n’ai aucune personne à contacter en cas de mortalité par exemple, ou encore d’urgence. (…) et puis ceux qui en ont, on nous a avisés de les appeler seulement s’ils étaient morts. (…) Ils sont vraiment abandonnés. [Cela] fait que tout, tout, tout repose sur moi, qu’ils soient hospitalisés, il y a personne pour prendre de leurs nouvelles, c’est comme si je représentais leur seule et unique famille (…) (Inf., CSSS/RNI)

Le manque de ressources matérielles est également une situation de vie rapportée par une majorité de participants. Comme l’isolement social, la précarité financière et la pauvreté seraient la conséquence des longues périodes passées en institution autant que de la condition psychiatrique. Selon certains, la pauvreté est quelquefois extrême (« Une des pires choses, c’est ça. (…) les conditions matérielles sont épouvantables. » – TS, OC). L’incapacité de gagner un revenu de travail et d’accumuler des revenus de retraite dans la période adulte confine l’individu dans un statut d’« assisté » (aide sociale, puis pension de vieillesse). Elle limite les choix, notamment en matière de services (« (…) on a beaucoup de clients qui doivent diminuer leurs plans de services parce qu’ils ont des dettes à payer ou des problèmes financiers. » – TS, OC). Les choix sont aussi considérablement limités en ce qui concerne les milieux de vie:

C’est comme si cette clientèle-là était comme obligée de vivre dans des conditions primitives ou moins intéressantes que la clientèle des personnes âgées normales, là. (IS, CSSS/SM)

Il y a des gens qui sont condamnés à aller vivre, excuse l’expression, mais des fois c’est des trous. Excusez mais les chambres et pension c’est des trous la plupart du temps (…) C’est sûr que encore là, il fallait qu’ils sortent de [centre hospitalier psychiatrique] dans des milieux autour de [centre hospitalier psychiatrique], donc ils n’en sortent jamais de ce, ils tombent jamais dans un milieu normalisant. (TS, Centre hospitalier [CH])

En matière de logement, les deux praticiens cités ci-haut établissent également un lien direct entre la source des revenus (assistance sociale) et le fait d’être confiné à certains types de milieux de vie. Notamment, les « chambres et pensions » semblent constituer une des rares options disponibles et/ou « accueillantes » pour plusieurs aînés avec TMG vivant dans la communauté. Ces établissements privés, qui ont pour clientèle principalement des personnes à très faible revenu, sont connus comme étant aussi des lieux qui accueillent des personnes souffrant de troubles mentaux (presque par « tradition », pourrait-on dire). Plusieurs sont situés dans des secteurs adjacents aux centres hospitaliers psychiatriques et leurs résidents de longue date sont souvent des personnes désinstitutionnalisées depuis plusieurs annéesFootnote 10. Les tarifs demandés par les responsables de ces résidences privées seraient ajustés en fonction des montants accordés par l’aide sociale et par la pension de sécurité de la vieillesse (« tous les établissements qui les reçoivent dans le privé connaissent exactement le barème » - TS, CH). Or, étant donné que la deuxième est plus généreuse que la première, certains propriétaries « tendent à aller vers une clientèle de personnes âgées pour pouvoir augmenter leur revenu » (IS, CSSS/SM). Dans un cas comme dans l’autre, il en résulte que les dépenses consacrées au logement accaparent une part importante du revenu des « pensionnaires ». Ceci s’appliquerait également à certains milieux gérés par le secteur public. Ainsi, cette intervenante d’un organisme communautaire fait un constat similaire, cette fois à propos des résidences et familles d’accueil régies par le ministère de la Santé: « (…) à chaque fois qu’ils ont une indexation de leur aide sociale ou de leur pension, (…) le gouvernement, le ministère, augmente leurs cotisations pour habiter en famille d’accueil ou en résidence. » Dans la grande majorité des cas, le résultat est le même: une fois le loyer payé, il reste très peu pour les autres dépenses (vêtements, cigarettes, loisirs, etc.), ce qui engendre des « frustrations ».

À l’isolement et à la précarité/pauvreté, certains participants ajoutent une ultime séquelle de l’institutionnalisation psychiatrique: une passivité et des « comportements routiniers » qui peuvent parfois être assimilés à l’atténuation des symptômes positifs du TMG avec l’avancement en âge (en particulier chez les personnes schizophrènes), ou encore au vieillissement lui-même (« C’est un peu plus, en règle générale, plus laborieux de développer de nouvelles avenues, des nouvelles activités avec des personnes plus âgées (…) » ― TS, CH), mais que des répondants identifient clairement comme étant un trait appris/acquis dans la routine, la discipline et le non-pouvoir imposés par la vie en institution (une forme de sur-adaptation aux conditions asilaires, en somme):

(…) c’est des gens qui ont souvent marché au doigt et à l’œil, hein à [centre hospitalier psychiatrique], quand t’es quatre-vingts sur l’unité là, faut que ça roule, fallait que ça soit comme ça, les bains sont à telle heure, les repas c’est à telle heure. (Inf., CSSS/RNI)

(…) après avoir passé 20-25 ans à [centre hospitalier psychiatrique], on a à peu près niet autonomie, puis niet pouvoir. (…) Et plus… plus l’institutionnalisation est longue, et moins ils veulent prendre du pouvoir sur leur vie. Donc, on part, on part de loin. » (TS, OC)

Ainsi, paradoxalement, ces clients âgés peuvent être quelquefois « lourds » (notamment en raison des problèmes de comportement et de « désorganisations ») mais demander peu (« (…) ils [ne] sont pas habitués de demander beaucoup, le peu de chose qu’ils ont demandé, ils l’ont peut-être par eu. » — TS, OC) en raison de cette passivité induite et, on le devine, de leurs attentes réduites.

Discussion

Les résultats présentés ici sont partiels, car nos analyses se poursuivent. Ils doivent de surcroît être considérés en tenant compte des limites inhérentes au devis méthodologique utilisé dans notre étude (et qui excluent tout généralisation), notamment: (1) la petite taille de notre échantillon; (2) le fait que le recrutement a été réalisé dans une seule ville et ses environs; (3) le fait que nous n’avons pas inclus des milieux de services privés (par ex., des centres d’hébergement privés); (4) les biais possibles liés à l’auto-sélection des répondants (par exemple, la possibilité que ceux qui ont accepté de participer aient des expériences plus ardues et des perceptions « colorées » par ces expériences).

Néanmoins, ils font ressortir des dimensions jusqu’ici peu examinées. Ainsi, alors que la littérature existante porte surtout sur les perceptions et attitudes observées chez les professionnels médicaux et paramédicaux, notre étude revêt un caractère original en raison du type de professionnels et des domaines concernés, à savoir des intervenants psychosociaux des domaines de la gériatrie et de la santé mentale. Nos résultats suggèrent également des pistes pour tracer un portrait différent des aînés avec TMG: les témoignages desquels ils sont tirés portent non seulement sur les problèmes et vulnérabilités qui marquent la situation actuelle des aînés avec TMG (largement documentés dans la littérature – voir entre autres Bartels et al., Reference Bartels, Forester, Mueser, Miles, Dums and Pratt2004; Cohen, Reference Cohen2000; Meeks & Murell, Reference Meeks and Murrell1997), mais aussi sur la dimension diachronique, c’est-à-dire les cheminements de ces personnes, leurs parcours dans la communauté et/ou les institutions.

Les perceptions formulées par les intervenants psychosociaux que nous avons rencontrés soulèvent des constats et enjeux importants quant à la situation des aînés souffrant de TMG, particulièrement en ce qui concerne ceux qui ont dû composer avec la maladie durant une grande partie de leur vie adulte. Ainsi, les descriptions que nous avons analysées font état d’un manque de soutien (isolement), d’un manque de ressources (précarité/pauvreté et options de milieux de vie limitées ou inadéquates) et d’un manque de pouvoir (passivité induite/apprise): autant de situations de vie qui seraient les conséquences non seulement de la maladie mentale elle-même, mais aussi (selon certains, surtout) de l’institutionnalisation psychiatrique à long terme. Ces évaluations faites par les participants à l’étude apportent un éclairage nouveau sur les problèmes et vulnérabilités physiques, mentaux et psychosociaux déjà documentés dans la littérature. Ainsi, les propos recueillis évoquent non seulement le cumul vieillissement-maladie mentale et ses conséquences, mais aussi un autre cumul, qui concerne cette fois les répercussions psychosociales des « réponses » institutionnelles et professionnelles qui ont marqué les parcours de vie des personnes aux prises avec un TMG et qui sont maintenant vieillissantes. En cela, cette portion de nos résultats fait écho à l’analyse de Dorvil et Benoit (Reference Dorvil and Benoit1999) sur l’impact à long terme des modalités et contextes de prise en charge qui ont marqué les premières vagues de désinstitutionnalisation dans le secteur de la santé mentale.

Ces caractérisations doivent être mises en parallèle avec les descriptions des cheminements de ces clientèles. Comme nous l’avons vu plus haut, ces personnes, que l’on situe dans une « histoire » dont elles ne maîtrisent pas toujours (rarement, en fait) les tenants et les aboutissants, sont également définies à travers l’évolution de leur maladie/de leur autonomie et leur trajectoire dans les services et les institutions. Pour les intervenants rencontrés, la situation actuelle des aînés avec TMG constitue l’aboutissement d’un parcours où histoire de vie, histoire de maladie et histoire dans les services et/ou les institutions se rejoignent et quelquefois se confondent.

Ces constats se prolongent dans des enjeux qui touchent l’intervention et l’organisation des services. Ici, deux éléments de contexte semblent influencer à la fois les perceptions et les pratiques: d’une part, le vieillissement de la population désinstitutionnalisée et, d’autre part, le phénomène de la transinstitutionalisation.

En particulier, se posent des questions importantes entourant le soutien dans la communauté pour les personnes âgées souffrant de TMG. Les propos que nous avons recueillis font état de situations de vie dans la communauté qui sont au mieux précaires et, au pire, difficiles. Ils nous interpellent: comment faire en sorte que ces personnes puissent non seulement être « maintenues » dans la communauté, mais qu’aussi elles puissent y vieillir dans des conditions acceptables? Comment prévenir la perte d’autonomie précoce, ultime perte de pouvoir? Par extension, il faut s’interroger sur les facteurs qui interviennent dans les prises de décision, particulièrement en matière de placement en institution gériatrique de type CHSLD. La condition des personnes est-elle le principal facteur impliqué? Le manque de réseaux de soutien familial/social et le manque de ressources financières et de logements adaptés sont-ils également en cause? Il s’agit ici de prévenir des hospitalisations ou des institutionnalisations gériatriques prématurées et/ou autrement évitables.

En lien avec ce qui précède, les enjeux actuels concernent aussi la présence croissante des aînés avec TMG dans les milieux de vie substitut de type CHSLD. Aux États-Unis, la Substance Abuse and Mental Health Services Administration affirmait en 2004 que “nursing homes have become the new mental institutions for older adults affected by mental health problems”. Si cela est le cas également au Québec, les défis d’intervention sont également majeurs: ils touchent notamment l’accès à des ressources de santé mentale internes ou externes, l’accès à de la formation en santé mentale pour les intervenants et la gestion de la cohabitation entre différents types de clientèle (personnes avec TMG, personnes aux prises avec la démence, personnes présentant des pertes d’autonomie physique et des maladies chroniques).Footnote 11

Conclusion: S’affranchir du «nihilisme»?

« (…) c’est comme si ceux là, il y a des fois que la société ne savait pas quoi en faire. » Comme cette citation l’illustre, les perceptions et discours exprimés par les participants à notre étude sont indissociables de leurs expériences quotidiennes auprès de clientèles particulièrement atteintes ou vulnérables aux plans physique, mental et psychosocial. Cependant, elle témoigne aussi d’une conscience, chez les praticiens que nous avons rencontrés, du fait que les conditions de vie qui sont le lot de plusieurs personnes âgées souffrant de TMG, ainsi que l’état actuel des soutiens et services qui leur sont offerts, sont en bonne partie la résultante de dynamiques systémiques et macrosociales passées et actuelles. Elle fait écho également à la double stigmatisation dénoncée par plusieurs acteurs sociaux: « quoi faire », en effet, de ces personnes d’abord exclues en raison de leur maladie mentale, puis en raison de leur âge?

La réadaptation psychosociale représente un défi particulier en ce qui les concerne. Du point de vue des intervenants, une telle réadaptation est-elle faisable dans le contexte actuel? Et en amont: est-elle pensable? Ceci est particulièrement vrai à propos de la place attribuée aux approches «habilitantes» telles que le rétablissement, l’appropriation du pouvoir d’agir et l’inclusion sociale, qui sont actuellement au cœur de la réadaptation psychosociale en santé mentale.

Les constats rapportés par les participants à notre étude – en particulier ce qui concerne l’isolement social et le manque de soutien, la précarité et la pauvreté, ainsi que la passivité induite par l’institutionnalisation psychiatrique – peuvent à première vue être perçus comme des sources ou des signes de désespérance dans l’intervention. Cependant, on peut aussi les envisager comme des points d’appui, des leviers, pour l’intervention psychosociale. S’agit-il d’intervenir en dépit de ces manques? Devrait-on plutôt agir sur eux? Les prochaines étapes de nos analyses porteront sur ces dimensions, à savoir les discours concernant les pratiques psychosociales elles-mêmes. Plus particulièrement, nous examinerons comment nos informateurs perçoivent et évaluent les interventions s’adressant aux aînés avec TMG, incluant leurs propres pratiques. Dans cette démarche, nous porterons une attention particulière à la place accordée aux approches fondées sur des notions telles le rétablissement, l’appropriation du pouvoir d’agir et l’inclusion sociale, dans les perceptions et discours de ces intervenants.

Footnotes

*

Les auteurs tiennent à remercier les intervenantes et intervenants ayant participé à la recherche dont les résultats sont présentés ici, ainsi que les organisations qui ont soutenu leur participation. Ils remercient également le Conseil de la recherche en sciences humaines du Canada pour son appui financier à cette étude, dont le présent article constitue l’une des retombées.

1 Notons cependant que les données de prévalence font objet de débats. Ainsi, selon les études, les groupes d’âges considérés varient: certaines portent sur les 55 ans et plus, d’autres sur les 60 ans et plus ou les 65 ans et plus. Les conditions incluses dans la notion de « trouble mental grave » varient également; certaines incluent les troubles de personnalité (personnalité limite, par exemple) et l’alcoolisme dans les TMG, alors que d’autres réservent l’appellation à la schizophrénie, aux troubles psychotiques, aux troubles bipolaires et aux dépressions chroniques. De plus, les données de prévalence diffèrent selon la version du Diagnostic and Statistical Manual (DSM) utilisée pour établir les critères diagnostiques des conditions. Par exemple, en ce qui concerne la schizophrénie, les Epidemiologic Catchment Area Studies (Robins & Regier, Reference Robins and Regier1991) réalisées aux États-Unis au début des années ’90 ont montré une prévalence à vie de 0.3 pour cent et une prévalence annuelle de 0.2 pour cent chez les 65 ans et plus. Cependant, ces évaluations ont été remises en question par Palmer, Heaton, et Jeste (Reference Palmer, Heaton and Jeste1999), qui ont évoqué notamment des limites liées aux critères diagnostiques du DSM-III (par exemple, le fait que les symptômes négatifs n’y étaient pas inclus) et au sous-échantillonnage dans les secteurs présentant un fort pourcentage de personnes souffrant de maladie mentale (par exemple, les « public housing »). Ces auteurs considèrent que la prévalence de la schizophrénie chez les 65 ans et plus, ainsi sous-estimée, est probablement plus élevée. À cet égard, Cohen (Reference Cohen1990) évalue que ce TMG touche environ 1 pour cent des 65 ans et plus.

2 La notion de transinstitutionnalisation réfère au passage d’une institution à une autre. Dans les cas évoqués ci-haut, il s’agit d’une migration de l’hôpital psychiatrique vers le centre d’hébergement et de soins de longue durée. Voir United States Department of Health and Human Services—Substance Abuse and Mental Health Services Administration (2004) sur cette question.

3 Des études canadiennes et américaines réalisées dans des résidences pour personnes âgées en perte d’autonomie ont montré une tendance à la sur-prescription de médication neuroleptique (Bronskill et al., Reference Bronskill, Anderson, Sykora, Wodchis, Gill and Shulman2004; Voyer et al., Reference Voyer, McCubbin, Préville and Boyer2003) et un recours peu fréquent à des ressources psychologiques ou psychiatriques (Fenton et al., Reference Fenton, Raskin, Gruber-Baldini, Srikumar Menon, Zimmerman and Kaup2004): or, ces réponses cliniques viseraient surtout les résidents présentant des comportements « dérangeants », alors que les signes «tranquilles» de maladie mentale (retrait social, léthargie) entraîneraient peu de prescriptions ou de références.

4 On notera que leur étude ne portait pas spécifiquement sur les personnes âgées. Les données concernant ces dernières ont été extraites d’un projet plus large portant sur les attitudes des Montréalais à l’égard des personnes « classées malades mentales ou déficientes intellectuelles » en général, donc tous groupes d’âges confondus.

5 Notre projet visait également à examiner les perceptions et évaluations des praticiens psychosociaux quant aux interventions qui sont destinées à cette clientèle (incluant leurs propres pratiques) et à connaître la place des notions de rétablissement, d’appropriation du pouvoir d’agir et d’inclusion sociale dans ces perceptions et évaluations. Les résultats de ce second volet de l’étude feront l’objet d’un autre article.

6 Le prétest a été effectué auprès d’une participante. Étant donné que (a) cette entrevue n’a pas révélé la nécessité d’apporter des changements au guide d’entretien et que (b) nous disposions d’un bassin de recrutement restreint, le contenu de cette première entrevue a été inclus dans le matériel d’analyse.

7 Suite aux dernières réformes dans les services au Québec, ces établissements sont maintenant nommés « centres d’hébergement » (CH). Cependant, nous conservons ici l’appellation « Centre d’hébergement et de soins de longue durée » afin de bien les distinguer des centres hospitaliers (autres CH).

8 Un répondant a même évoqué le cas de certains « orphelins de Duplessis » ayant passé leur vie entière en institution: ces personnes, placées d’abord dans des orphelinats (où ils ont notoirement subi de la maltraitance et des abus de toutes sortes), se sont retrouvées par la suite en institution psychiatrique, puis en CHSLD.

9 Les constats exprimés par les intervenants interrogés sont appuyés par des compilations que nous avons obtenues (CSSS de la Vieille-Capitale, services d’hébergement et de soins de longue durée, 2007. Résultat de la compilation par site – Santé mentale). Celles-ci indiquent qu’au printemps 2007, dans les CHSLD de la ville de Québec, les aînés présentant un TMG représentaient entre 16.1 pour cent et 42.7 pour cent des résidents, selon l’établissement. La dépression était le diagnostic le plus fréquent dans cinq CHSLD sur huit (entre 27.6% et 52.2% des cas de TMG dans ces centres), mais notons que dans l’ensemble, les diagnostics de schizophrénie étaient loin d’être anecdotiques (entre 4.9% et 39.1% des cas identifiés). À ceux-ci s’ajoutaient, dans des proportions variables, les diagnostics relatifs aux troubles bipolaires, compulsifs, anxieux, paranoïaques, de personnalité limite, de personnalité antisociale et passive-agressive, ainsi que l’alcoolisme.

10 Les études portant sur les conditions de logement des personnes aux prises avec un TMG font référence aux « ghettos d’ex-psychiatrisés » qui ont émergé dans les milieux urbains dans la foulée des différentes vagues de désinstitutionnalisation, au Québec et ailleurs en Occident. Ces ghettos sont la plupart du temps situés dans des secteurs urbains où les logements sont en mauvais état, mais peu coûteux (voir Talbott, Reference Talbott2002 sur cette question).

11 Il est intéressant de noter ici que certains acteurs des milieux des CHSLD ont déjà entamé des analyses et des démarches concrètes à ce niveau. Notamment, dans un centre de Québec, on a récemment innové en procédant à un « regroupement des résidents selon leur profil clinique » et en offrant aux intervenants des formations adaptées à ces profils — dans ce cas, démence versus problèmes psychiatriques (Voir Matteau, Reference Matteau2008).

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Figure 0

Tableau 1: Composition de l’échantillon en fonction des domaines de pratique et des milieux*

Figure 1

Tableau 2: Sommaire des descriptions des clientèles selon les domaines de pratique et les milieux