Un peu partout dans le monde, l’État se fait critiquer : on remet en cause sa légitimité, on parle de sa faillite et de ses échecs. Le Québec et le Canada, quoique moins touchés que bien d'autres nations, ont aussi leur lot de suspicieux comme le rappelle Nelson Michaud dans son introduction. Un dollar à l’État est-il un dollar perdu? Les services de l’État sont-ils de qualité? En bref, l’État, est-ce que ça marche et comment ça marche?
En 2011 sortait la première édition de Secret d’État? qui se posaient ces questions et plus encore. En 2017 est sortie la deuxième version, actualisée, restructurée et augmentée. Dans ce livre d'un millier de pages, plus de 35 professeurs, beaucoup de l’ENAP, vont disséquer l’État et tenter de nous permettre de répondre aux questions que l'on posait en introduction. Dans la première partie, trois chapitres plus théoriques décrivent les différents régimes politiques, les sources du pouvoir et les modèles de gouverne et ses fonctions. La deuxième partie plus fourre-tout parle des organes internes ou externes de l’État, de ses fonctions et de son fonctionnement. La dernière partie parle du contexte, c'est-à-dire de ce qui entoure l'État : les médias, la communication, les contrôles, les TI et l’éthique.
En général, chacun des chapitres tente à la fois de donner le modèle théorique et ses applications dans la société québécoise ou canadienne (par exemple, les différents types de gouvernes et celui qui prévaut au Québec). Certains auteurs pèchent de ce côté-là en restant très théoriques ce qui pourrait rebuter des lecteurs. La remarque inverse peut être faite à des chapitres qui se concentrent quasi exclusivement sur le Canada ou le Québec comme le chapitre sur le Sénat.
Cela étant dit, les chapitres sont tous d'un niveau équivalent que ce soit par leur apport factuel ou par leur clarté. Tous se construisent selon la question « qu'est-ce qui est ? » et tous donnent des réponses satisfaisantes, même s'il faut regretter de ne pas avoir utilisé des auteurs qui ont vu la machine de l'intérieur pour rajouter un côté « qu'est-ce qui est vraiment? », tels que Rémy Trudel. Les chapitres sont la communication et la production documentaire des administrations Publiques. Ils sont salutaires pour les fonctionnaires. Ceux sur les grands thèmes contemporains devraient ravir les férus de politique et ceux plus généralement sur le fonctionnement interne de l'État devraient convenir aux journalistes et aux étudiants.
La grande force de ce livre est d’être capable de ratisser très large, en parlant notamment de sujets finalement peu traités en général comme les municipalités ou le développement du gouvernement numérique. Par ailleurs, les différents auteurs semblent faire un effort pour souligner les liens entre les différents chapitres et nous faire apercevoir et comprendre l'interconnexion entre tous les sujets traités.
On regrettera que certains sujets, pourtant fondamentaux, soient traités très rapidement, nous laissant sur notre faim, comme les nouveaux modèles d'administrations publiques trop rapidement évoqués dans le chapitre 13. Plus généralement, ce genre d'ouvrage pourrait nous encourager à aller plus loin avec une section dédiée non pas aux ouvrages bibliographiques, mais proposant d'autres articles sur un sujet abordé, des points de vue contraires ou des livres de référence. Certaines « questions exploratoires » sont trop importantes et nécessitent des nuances complexes que pourraient fournir les auteurs de ce livre, au moins en proposant des monographies tentant d'y répondre. C'est notamment le cas de la question sur l'existence ou non d'une crise de l’État démocratique. Les questions exploratoires d'ailleurs sont soit simplement des questions demandant une réponse écrite dans le chapitre, ou bien elles se basent sur l'appréciation personnelle du lecteur : « que pensez-vous de… ». La fin d'un chapitre devrait plutôt à la fois nous inciter à aller lire plus sur le sujet qui nous intéresse, mais aussi nous expliquer comment les connaissances du chapitre sont utiles pour comprendre l’État contemporain. Par exemple, le chapitre sur les contrôles, après celui sur le parlement et le budget pouvait permettre de se poser des questions sur l’évaluation du budget par le vérificateur général.
Par ailleurs, la structure du livre ne semble pas toujours claire. Les fonctions de l’État après avoir parlé de ce qu'est un État pourraient être divisées en deux : dans une première partie, il y aurait les institutions de l'État (constitution, parlement, premier ministre, sénat, et ainsi de suite), et dans une deuxième partie les politiques publiques (budget, santé, éducation, et ainsi de suite).
On saluera du reste la qualité de l'ouvrage et sa capacité à délivrer l'information : tous les chapitres quoique certains soient plus « stylisés » sont clairs et compréhensibles par le plus grand nombre sans pour autant sacrifier la justesse du propos ni la rigueur. N'importe quel étudiant de première année d'université ou de CEGEP qui s'intéresse à la politique pourra lire ce livre et répondre aux questions qu'il se pose. On l'encourage d'ailleurs à sauter le pas.