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Peuples et populisme. Catherine Colliot-Thélène et Florant Guénard (dir.) Presses Universitaires de France (PUF), La Vie des Idées, Paris, 2014, 104 pages

Published online by Cambridge University Press:  16 December 2015

Fabian Andres Leon Penuela*
Affiliation:
Université de Montréal
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Abstract

Type
Reviews/Recensions
Copyright
Copyright © Canadian Political Science Association (l'Association canadienne de science politique) and/et la Société québécoise de science politique 2015 

Dans cet ouvrage collectif, les auteurs essaient de décortiquer la relation entre la démocratie et le populisme, en particulier la difficulté de démêler le phénomène du populisme de celui du peuple. Cinq analyses y sont présentées. D'abord, Catherine Colliot-Thélène offre un texte de survol qui s'interroge sur « Quel est le peuple du populisme? ». Ensuite, Pierre Rosanvallon apporte son analyse dans « Penser le populisme ». En troisième lieu, Florent Guénard approfondit la question du peuple avec: « Existe-t-il encore un peuple? Démocratie et vie moderne ». Dans un quatrième texte, Chloé Gaboriaux poursuit cette réflexion avec : « L'autre peuple. La gauche et les paysans au XIXe siècle ». Enfin, Juliette Roussin partage ses réflexions autour de: « La sagesse du peuple ».

Pour Colliot-Thèlene, il existe une distance entre le demos de la démocratie et le supposé peuple du populisme. Ledit écart se révèle par un constat : pour gouverner, il faut déléguer et donc distinguer entre gouvernés et gouvernants. Ainsi, il existe une tension entre ces deux groupes. Pour l'auteure, transformer cette tension est la seule façon de protéger la démocratie et d'affaiblir le populisme.

Deuxièmement, Rosanvallon montre l'indétermination de la catégorie peuple comme la principale cause de sa mauvaise utilisation et de son instrumentalisation par les populistes. Cette instrumentalisation est basée sur les simplifications suivantes : a) le peuple est différent des élites; b) le référendum est le contraire de la non-légitimité et de la corruption; et c) la cohésion de la société est son identité. En définitive, il faut complexifier la démocratie. Tout ceci afin de bâtir un citoyen actif qui renforcera et protégera la démocratie.

Par ailleurs, Guénard tente de contester la légitimité de la notion de peuple en tant que principe. Pour ce faire, il expose les difficultés et problèmes dûs à sa totale banalisation telle que proposée par Schumpeter. En même temps, il nous montre l'importance de l'idée du principe-peuple, laquelle doit mener à une idée du peuple éduqué pour qu'il puisse être un dispositif effectif pour définir la démocratie.

Pour sa part, Gaboriaux nous présente la réflexion faite par la gauche républicaine française par rapport au peuple au XIXe siècle, en termes de sa pertinence d'aujourd'hui. À cette époque-là, la gauche trouvait que le peuple était trop « peuple » pour pouvoir lutter pour ses intérêts. Finalement, l'auteur conclut que la tension entre agitation/délégation représente le défi réel.

En dernier lieu, Roussin fait une relecture du principe-peuple en le confrontant avec ce qu'il convient de nommer l'autorité décisionnelle démocratique, que ce soit celle défendue par les élites ou bien celle qui défend la légitimité du peuple. Sa conclusion est claire : il n'est pas certain qu'il y ait une expertise morale et technique supérieure au-dessus du peuple. Sa définition dépend donc des citoyens.

Ce livre apporte trois réflexions qui s'avèrent incontournables pour comprendre ce que les intellectuels, les créateurs d'opinion publique et la société en général nomment populisme : d'abord, les auteurs estiment que définir le sujet fondamental de la démocratie, le demos, est le principal défi pour surmonter les théorisations superficielles autour du populisme. Tâche qui a été abandonnée tant par ceux qui prônent une démocratie représentative que pour ceux qui défendent l'idée indéterminée du peuple (demos). Deuxièmement, le texte propose la nécessité de comprendre le populisme comme un phénomène politique. Ainsi, le populisme ne serait nullement assujetti à une idéologie spécifique. Et finalement, le terme ne devrait pas être utilisé comme catégorie pour identifier « l'autre » dans un sens péjoratif.

Ainsi, tous les auteurs sont d'accord que le populisme est un phénomène lié à une déformation de la démocratie. Pour contrecarrer cette déformation, la seule possibilité est de renforcer, complexifier et protéger la démocratie. Néanmoins, aucun des textes qui composent le livre en question ne vont au-delà des « lieux communs » liés aux débats sur le populisme. D'abord, parce qu'ils réduisent la démocratie à une seule forme, en oubliant non seulement la diversité produite dans la réalité occidentale mais aussi celles vécues en Amérique du Sud, notamment par les peuples amérindiens ou les mouvements sociaux. De plus, même si nous y trouvons une dénonciation claire quant à l'utilisation du populisme comme catégorie péjorative, les auteurs persistent à comprendre le populisme en termes de maladie de la démocratie. Ceci ne nous permet pas de comprendre pourquoi ce phénomène est aujourd'hui d'une telle ampleur. Enfin, ils maintiennent l'idée abstraite du peuple du populisme en l'opposant à celle de demos, ce qui minimise de l'importance la notion de citoyenneté, ou mieux encore des citoyennetés.